Alain Péters a été très tôt initié à la musique par son père, chauffeur de taxi, mais batteur et joueur de flûte à ses heures pour l'orchestre de cuivres deChane Kane[1]. C'est dans l'orchestre deJules Arlanda qu'il fait ses premières armes en choisissant comme instrument de prédilection la guitare[2]. Alain, qui n'a alors que 13 ans, entame la longue tournée des bals de l'île et ses études à l'école des frères Saint-Michel s'en ressentent. Il abandonne définitivement celles-ci en seconde, faisant le choix de la vie d'artiste[3].
Au milieu des années soixante, la vaguepop rock déferle sur La Réunion et c'est toute une génération qui vibre au rythme de cette nouvelle mode. Leséga et la variété sont alors délaissés par les jeunes musiciens qui préfèrent pousser leurs amplis à fond et cracher des riffs infernaux copiés sur lesdisques vinyles, expédiés depuis l'Angleterre par le cousin d'Alain. Il est aux premières lignes, accompagné des frères Gilbert et Dédé Lebon ainsi que Gérard Legros (Mascotte) au sein desLords, puis dePop-Décadence avec Bernard Brancard, André Massena, William Justine et Mascotte[4]. Il quittera le groupe en1975 avec Bernard Brancard, quandRené Lacaille les recrute pour fonder le groupe Caméléons. Entre-temps il s'est aussi plongé dans lerock progressif avecSatisfaction qui n'aura qu'une courte existence. En effet, à la fin des années1970, ledisco fait désormais fureur dans l'île, reléguant les orchestres aux oubliettes[5].
Dans ce contexte, il laisse de côté les rythmes anglo-saxons pour explorer des chemins encore bien peu fréquentés à l'époque, ceux qui mènent à la redécouverte d'un patrimoine musical longtemps laissé en friche : lemaloya sort peu à peu de l'ombre dans laquelle il fut longtemps plongé. C'est par l'intermédiaire d'Alain Gili, dePierrot Vidot et deClaude Telié que le poète découvre en 1976 l'étrange équipe qui œuvre dans le Studio Royal, au sous-sol du Cinéma Royal àSaint-Joseph. C'est là, avec Les Caméléons, qu'il fait ses premiers enregistrements avec le soutien du producteur André Chan-Kam-Shu, propriétaire des lieux. Nourris desBeatles, ils mélangentHendrix avec les rythmes duséga et dumaloya. Parmi ceux-ci figurent Bernard Brancard, Hervé Imare,René Lacaille et Joël Gonthier. Venu de métropole,Loy Ehrlich vient se joindre à la bande, et ils jouent unbœuf psychédélique permanent. Mais dans ce sous-sol mué en étrange creuset viennent aussi enregistrer les célèbres ségatiers de la famille Lacaille. Le groupe Caméléon signe l'orchestration du 33 tours de la chanteuseMichou[6]. Le groupe produit un 45 tours comportant une chanson d'Alain, « La Rosée si feuille songe », et une composition deLoy Ehrlich, « Na voir demain », mais pour des raisons financières, l'expérience du Royal tourne court.
À cette époque, Alain Péters fait une rencontre importante pour lui : celle deJean Albany[7],[8]. Jean Albany écrit aussi bien en français qu'en créole ; il est d'ailleurs l'inventeur du concept de « créolie ». Avec le soutien de l'ADER et d'Alain Gili[9] naît le projet de la cassetteChante Albany, dont la direction musicale sera confiée à Alain[10]. Il compose également les musiques de deux textes deJean Albany : « L'tonton Alfred » et « Bébett coco », sortis en 1979 sur un 45 tours.
Grand poète et mélodiste réunionnais qui a influencé toute une génération actuelle de musiciens de l'île de La Réunion, Alain Péters a aussi été le membre du groupe Carrousel de1979 au début desannées 1980. Cette même année, Alain perd son père et va s'engouffrer dans unalcoolisme dévastateur. Quelque temps après, son épouse Patricia le quitte pour s'installer en métropole, prenant avec elle leur unique fille Ananda Dévi.
Les quinze années d'errance et d'alcoolisme qui suivent figurent pourtant parmi les plus créatives de sa vie. En 1981, dans sa maison deVillèle, Jean-Marie Pirot, enseignant passionné de musique, propose à Alain Péters de l'enregistrer à l'aide d'un magnétophone 4 pistes. Certaines chansons seront éditées en 1984 sur la cassetteMangé pou le cœur et retravaillées en 1998 parLoy Ehrlich pour le CDParabolèr. En 1984, avec l'aide de sonproducteurAlain Gili et d'Alain Séraphine, il enregistre au sein de l'associationVillage Titan le 45 tours « Panier su la tête ni chanté », avec en face B « Romance pou un zézère »[11]. Il y enregistre également l'albumMangé pou le cœur, qui sera diffusé à l'époque sur cassette et accompagné d'un livre de poèmes du même nom[12] ; on y retrouve des titres comme « La complainte de Satan », « Mon pois l'est au feu » et « Ti pas, ti pas, n'a'rriver ».
Mais l'alcoolisme d'Alain s'aggrave, on le retrouve errant dans les rues ivre et de plus en plus déconnecté de la réalité. Il est d'ailleurs, à cette époque, embarqué par les services sociaux et fait de nombreux séjours à l'asile deSaint-Paul. En1985, l'association l'aide à aller en cure de désintoxication dans un centre spécialisé deToulon, accompagné d'un ami, le docteur Marc Dorémieux. Mais après quelque temps, l'association perd de ses nouvelles, Alain s'est enfui.Marc Polot[13], dit « Marco », est envoyé par l'association pour retrouver Alain et son intuition le conduit dès son arrivée à aller àMarseille plutôt qu'à Toulon, car la fille et l'ex-compagne d'Alain y vivent[14]. Le soir même, Marco le retrouve dans les abords duVieux-Port avec les nombreuses personnes sans domicile de la cité phocéenne. Marco l'emmène alors à Paris chezDaniel Sauvaget, critique de cinéma et ami d'Alain Séraphine. Celui-ci les héberge et aide Alain à oublier quelque temps la boisson. Puis Alain est hébergé plusieurs mois dans l'appartement parisien de la réalisatrice réunionnaiseMadeleine Beauséjour. C'est aussi à ce moment que les chansons « Rest' là maloya » et « Dan' Vavangues » sont enregistrées àMontreuil dans le studio deLoy Ehrlich, que Marco Polot a remis en contact avec Alain après un froid commencé en 1980[15]. La chanson « Rest' là maloya » rend hommage à ce périple et ce soutien que Marco lui aura donné dans cette période sombre de sa vie.
En1994 Marco organise le grand retour d'Alain sur la scène musicale réunionnaise au travers de deux concerts mémorables auPalaxa et authéâtre de Saint-Gilles. Le, frappé par une crise cardiaque dans une rue deSaint-Paul, Alain Péters décède à l'âge de 43 ans[16]. Il repose au cimetière de l'Est deSaint-Denis[17].
La Rosée si feuilles songes - Na voir demain, avec le groupe Caméléon, Royal,1977 (45 tours).
Chante Albany, textes deJean Albany dits par l'auteur ou mis en musique parPierrot Vidot, Jean-Michel Salmacis, Hervé Imare et Alain Péters,ADER en association avec Piros[18],1977-1978 (Album).
Panier su la tete mi chanté etRomance pou un zézère,ADER en association avecVillage Titan,1984[21] (45 tours).
Tappadanmontet la poliss - avecPatrick Persée - titre enregistré en1992 au Studio du Verseau àSaint-Leu qui figure sur la réédition CD de l'albumTi galet : tribute to Alain Péters.
Vavanguèr, Takamba,2008. Les mêmes titres queParabolér avec une nouvelle remastérisation et deux inédits en CD (Romance pou in zézère etLa Rosée sur feuille songe) plus unDVD de 90 minutes comprenant des extraits de concerts, un documentaire et une interview (album CD posthume).
Rest' la maloya, Moi j'connais Records,2016, (album 33T posthume)[22].
Le CD posthumeParabolér, publié en1998, est la meilleure vente du label Takamba et fait connaître l'œuvre d'Alain Péters à un public de plus en plus large. Des chanteurs commeRaphaël etKent[23] connaissent et apprécient ses chansons. En,Parabolér est élu meilleur album francophone par le magazine musicalChorus.
Le festivalSakifo organise un concert autour de l'œuvre d'Alain Péters, réinterprété parDanyèl Waro, Tikok Vellaye,René Lacaille,Loy Ehrlich, Bernard Brancard et Joël Gonthier.
: inauguration àSaint-Denis de la Bibliothèque Alain Péters dans le quartierLe Moufia.
Tue-Loup,Penya, Le Village Vert, 2002. (Rest'la maloya).
Silvain Vanot,Il fait soleil, Labels, 2002. (Rame le canot = Ti pas, ti pas n'arriver).
Vwadhéva,Ségas, maloyas et romances de La Réunion, 2007. (Rest' là maloya,Mangé pou le cœur).
Danyèl Waro, Tikok Vellaye,René Lacaille,Loy Ehrlich, Joël Gonthier, Bernard Marka, Yanis Lacaille,Rest'la maloya : hommage à Alain Péters, Cobalt, 2003. (Enregistrements en public le au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et le au K à Saint-Leu (Île de la Réunion).
Tukatukas,Chaleur tropicale, Mass Prod, 2012. (Moin té crois pi).