Sa mère est Marie Darroze (1910-2004), fille d'un propriétaire terrien et forestier (160hectares de forêts depins[4]) issu d'une famille demétayers landais, devenu magistrat[4],[5],[6] en tant que juge de première instance[7] et président du tribunal de Mont-de-Marsan[5].
Catholique pratiquante, sa mère lui donne une éducation religieuse (il seraenfant de chœur) alors que son père n'est ni pratiquant, ni croyant. Dans sesMémoires,Une histoire française (2023), il écrit qu'à l'âge de 7 ou 8 ans, il voulait « briguer le trône de saint Pierre »[8]. Mais en 2015, Alain Juppé se définit comme « catholique agnostique ».
Son parcours scolaire etuniversitaire est celui d'un très bon élève dans la France d'avantMai 68.
Entré en sixième à l'âge de 9 ans, il fait ses études secondaires aulycée Victor-Duruy deMont-de-Marsan. À cette époque, il écrit des poèmes, publiés dansLe Grelot sous le pseudonyme de Pierre Odalot[9]. Passant les épreuves duconcours général, il est récompensé engrec ancien et enlatin, puis obtient lebaccalauréat en 1962 à16 ans.
Il est ensuite élève de l'École nationale d'administration de 1970 à 1972. Membre de la promotion « Charles-de-Gaulle », il a été l'un des principaux partisans de ce nom commémorant le général, mort deux mois auparavant, alors que nombre de ses collègues plus « soixante-huitards » menés parJérôme Clément, voulaient la baptiser en l'honneur de laCommune de Paris à l'occasion de soncentenaire[13],[14]. Il sort de l'ENA très bien classé : cinquième sur 72, ce qui lui permet d'entrer dans le corps prestigieux desinspecteurs des finances (comme avant luiMichel Rocard).
Il épouse le Christine Leblond, professeur de lettres classiques[15], qui deviendra par la suiteinspectrice générale de l'Éducation nationale, et avec qui il a deux enfants : Laurent, né en 1967, producteur audiovisuel, et Marion, née en 1973, médecin[16].
Divorcé, Alain Juppé épouse en secondes noces, le,Isabelle Legrand-Bodin, journaliste et romancière, avec qui il a une fille, Clara, née en 1995[17], diplômée d'HEC[18].
De 1972 à 1976, il est en poste à l'Inspection générale des finances (IGF). Il est notamment chargé de la vérification et des enquêtes dans les organismes assujettis au contrôle de cette administration (services financiers,offices HLM,services culturels de la France à l’étranger, entre autres), puis est chargé de mission auprès du chef de l'IGF à partir de 1975.
L'année suivante, en, il est appelé parJérôme Monod, directeur de cabinet deJacques Chirac, alorsPremier ministre, pour devenir chargé de mission (rédaction des discours et études économiques)[22], en particulier le« discours fondateur » deJacques Chirac le 3 octobre 1976 à Égletons, en Corrèze,« acte fondateur du RPR », dont il dira en le reprenant en partie 40 ans après[23] qu'il« symbolise » toute son« histoire politique »[24]. Il est ensuite, jusqu'en 1978, conseiller technique auministère de la Coopération, dirigé alors parRobert Galley. Adhérent duRassemblement pour la République (RPR) dès sa fondation parJacques Chirac en, il en est délégué national aux études de 1977 à 1978.
Déçu par ses échecs successifs dans sa région natale, il tourne ses ambitions politiques vers la capitale. Il travaille aux côtés deJacques Chirac à lamairie de Paris et devient l'un de ses plus proches conseillers. En 1979, il est élu au conseil national du RPR, et est nommé adjoint à la direction des finances et des affaires économiques de la ville deParis, dont il est le directeur de 1980 à 1981. Il est directeur adjoint de la campagne deJacques Chirac à l'élection présidentielle de 1981. C'est à cette époque qu'il fait acte de candidature et est distingué par laFrench-American Foundation en devenant l'un des tout premiers lauréats du programmeYoung Leaders (Jeunes dirigeants à potentiel), promotion 1981[25],[26],[27].
Par la suite, il anime, avecMichel Aurillac, leClub 89, tout juste créé au sein du parti chiraquien sous la forme d'unlaboratoire d'idées chargé de « préparer un projet politique applicable dans l'environnement de 1989 », mais c'est en réalité uncontre-gouvernement chargé d'élaborer les programmes du parti pour les échéances à venir : leslégislatives de 1986 et laprésidentielle de 1988. Il est secrétaire national du RPR chargé du redressement économique et social de 1984 à 1986[28][source insuffisante]. Dans les années 1980, il défend une stratégie d'alliance au niveau local avec leFront national, estimant que « seul l’échec de la coalition socialo-communiste peut permettre d’apaiser les passions et d’engager le redressement national »[29].
Il estministre délégué au Budget auprès duministre d'État,ministre de l'Économie, des Finances et de la Privatisation,Édouard Balladur, ainsi queporte-parole du gouvernement, durant lapremière cohabitation, du au[30]. À ce poste, il supervise une baisse généralisée de la fiscalité avec surtout la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes par la loi de finance rectificative pour 1986 du de cette année, suivie dans les budgets 1987 et 1988 par le relèvement du seuil d’exonération de l’impôt sur le revenu, l'abaissement des différents taux deTVA, la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés de 50 à 42 %, l'abolition de la taxe sur les frais généraux et la mise au point d’une fiscalité de groupe pour les entreprises[31]. Le but de cette politique est de favoriser l'investissement des ménages et du secteur privé. Cet allègement souhaité de la pression fiscale sur les particuliers et les sociétés se traduit également dans la loi du, dite « loi Aicardi », qui adoucit les sanctions fiscales en offrant aux contribuables de nouvelles garanties juridiques dans le cadre des procédures de contrôle et de contentieux fiscal ou douanier : une charte des droits et obligations du contribuable vérifié est rédigée, le délai de reprise de l’administration est réduit, la charge de la preuve n’incombe plus au contribuable, la durée des vérifications sur place est limitée[32]. En outre, Alain Juppé mène à bien la suppression du service des alcools, qui dépendait de son ministère, par le décret du, mettant fin à l'un des derniers grands monopoles industriels d'État[33]. Il cumule ses fonctions ministérielles avec celle de porte-parole du candidatJacques Chirac et de secrétaire général de son comité de soutien lors de la campagne de l'élection présidentielle de 1988.
Après le retour de la droite dans l'opposition, il devient secrétaire général (et donc « numéro deux ») duRPR, de 1988 à 1994. Il mène conjointement avecValéry Giscard d'Estaing la liste RPR-UDF auxélections européennes de 1989, qui arrive en tête avec 28,88 % des suffrages exprimés et obtient 26 des81 sièges à pourvoir. Néanmoins, Alain Juppé ne reste cette foisdéputé européen que quelques mois, démissionnant le pour se consacrer à son mandat de parlementaire français, son rôle étant d'être une « locomotive électorale » sans l'objectif de siéger[34].
Fidèle deJacques Chirac, il assure le maintien du contrôle de ce dernier sur le parti face à la montée de contestations internes venant de jeunes « rénovateurs » mais aussi de poids lourds tels queCharles Pasqua ouPhilippe Séguin. Ainsi, aux assises du mouvement tenues auBourget le, sa motion (finalement soutenue par les « rénovateurs ») obtient la majorité avec 68,6 % des votes des militants (et donc 90 élus sur les 100 désignés directement par les assises nationales pour faire partie des735 membres du conseil national, et17 membres sur les 30 du bureau politique) contre 31,4 % à la motion Pasqua-Séguin, tandis que Jacques Chirac est réélu président à l'unanimité du conseil national. Il fait partie, avecÉdouard Balladur ouJacques Toubon, de ceux qui conseillent àJacques Chirac de soutenir le « oui » auréférendum sur la ratification dutraité de Maastricht le[35], le poussant à se mettre en porte-à-faux avec une majorité de membres de son propre parti qui, derrièreCharles Pasqua etPhilippe Séguin, font activement campagne pour le « non ».
Après les assises du Bourget, Alain Juppé participe au « verrouillage » du RPR au profit de Jacques Chirac et de ses proches[36], ce qui fera dire à Charles Pasqua dans sesMémoires : « L’appareil du RPR fonctionne désormais comme celui duparti communiste nord-coréen, le leadership éclairé deKim Il-sung en moins » [37].
Il se fait notamment l'avocat, avec le président de la RépubliqueFrançois Mitterrand, d'une opération militaire auRwanda, alors en pleingénocide. Les minutes du Conseil des ministres, étudiés par Pierre Favier et Michel Martin-Roland, puis parPierre Péan, indiquent que le présidentFrançois Mitterrand et Alain Juppé étaient des partisans résolus d'une intervention, afin de sauver les vies qui pouvaient encore l'être. Le Premier ministre,Édouard Balladur, et le ministre de la Défense,François Léotard, craignaient un dérapage vers une opération coloniale[38], mais se sont ralliés à la position des deux premiers. Alain Juppé défend ainsi auprès d'une communauté internationale réticente le lancement, le, de l'opération Turquoise de l'ONU, décidée par la résolutionno 929 duConseil de sécurité et menée par laFrance en parallèle de laMINUAR, alors limitée en effectifs. Le but annoncé était de protéger, dans une « zone humanitaire sûre », les « populations menacées » aussi bien par le génocide que par le conflit militaire entre leFPR et legouvernement intérimaire rwandais. La France revendique la protection de 8 000 Tutsi du camp deNyarushishi et le secours porté à 800 Tutsi àBisesero, près deKibuye, même si l'action de l'armée française est aujourd'hui sujette à controverse[39],[40],[41],[42],[43]. Le rôle d’Alain Juppé est notamment questionné en 2021, lorsqueMediapart révèle un télégramme diplomatique confidentiel daté du 15 juillet 1994 qui indique que le ministère des Affaires étrangères a donné l’ordre de laisser les responsables du génocide quitter la zone contrôlée par l’armée française plutôt que de les arrêter[44].
Par ailleurs, il joue un rôle dans le cadre duprocessus d'Oslo pour la paix israélo-palestinienne, en présidant notamment les conférences qui aboutissent aux signatures àParis de deux accords sur les futures relations économiques entreIsraël et l'OLP, les puis[45].
DansLibération,Jacques Amalric etPierre Briançon estiment qu'Alain Juppé s'est révélé comme l'un des meilleurs ministres des Affaires étrangères de la France contemporaine[46],[47] ; Jacques Amalric critique néanmoins le « mélange des genres » résultant du cumul de ses fonctions de ministre des Affaires étrangères avec celle de président de parti soutenant Jacques Chirac face au Premier ministre Édouard Balladur[46].
Le, à la suite de la déclaration de candidature deJacques Chirac à l'élection présidentielle, Alain Juppé devient président du RPR par intérim et l'un des principaux lieutenants de campagne de celui-ci. Il soutient ainsi le maire de Paris dans son duel fratricide avec Édouard Balladur, malgré une hésitation initiale[48],[49]. Auparavant, à l'université d'été desjeunes du RPR de 1993 àStrasbourg, Jacques Chirac l'avait présenté comme« celui qui est probablementle meilleur d'entre nous », un surnom qui passe à la postérité médiatique[50],[51],[52],[53],[54] ; il le présenta également comme son« fils préféré » (contraste volontaire avec les« fils rebelles »Séguin ouSarkozy)[55],[56].
NomméPremier ministre par le nouveau présidentJacques Chirac le jour de son investiture, Alain Juppé prononce son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale le, autour du thème de la « bataille pour l'emploi », estimant que « c'est sur notre capacité à provoquer en France un profond et durable mouvement de création d'emplois que nous demanderons, le moment venu, à être jugés »[57]. Il obtient dans la foulée la confiance de447 députés sur538 votants (les 236 duRPR, les 199 de l'UDF ainsi que 10 des22 membres dugroupe République et liberté et 2 sur les 3 non inscrits)[58].
Alain Juppé conserve la présidence du RPR jusqu'à la défaite de la droite auxélections législatives de 1997. Le, il est également élumaire deBordeaux, succédant ainsi àJacques Chaban-Delmas, auquel il succède également commedéputé dans la2e circonscription de la Gironde en 1997. Il dirige deux gouvernements : lepremier du au et lesecond du au. Son premier gouvernement est marqué par une importante présence de femmes comparativement aux précédents gouvernements. Elles sont douze sur quarante-trois membres au total, et sont surnommées par la presse les « juppettes ». Dans le gouvernement suivant, elles ne sont plus que quatre sur trente-trois membres. La composition du gouvernement reste par la suite inchangée jusqu'au.
Manifestations à Paris en 1995 contre la reprise desessais nucléaires.
Dans un premier temps très populaire, il est touché, un mois après son entrée en fonction, par l'affaire de son appartement et de celui de son fils Laurent. Selon le baromètreTNS Sofres pourLe Figaro Magazine, sa cote d'avenir passe de 63 % en juin et juillet à 57 % en août, puis descend à 40 % en octobre et à 37 % en novembre[59]. Sa défense apparaît alors rigide, symbolisée par l'expression qu'il prononce le : « Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France ». En désaccord avec son ministre de l'Économie et des Finances,Alain Madelin, qui propose d'aligner les retraites du public sur celles du privé en supprimant lesrégimes spéciaux de retraite déficitaires, il doit faire face à la démission de celui-ci le. De plus, il ne reconduit pas, dans sonsecond gouvernement formé en, huit des douze « juppettes », au profit de personnalités politiques masculines, ce qui lui vaut des accusations demachisme[60].
Cette impopularité se renforce avec le « plan Juppé », projet de réforme de laSécurité sociale présenté à l’Assemblée nationale le. Il prévoit un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de lafonction publique afin de l'aligner sur celle du secteur privé déjà réformé en 1993, l'établissement d’une loi annuelle de la Sécurité sociale fixant les objectifs de progression des dépenses maladies et envisageant la mise en place de sanctions pour les médecins qui dépassent cet objectif, l'accroissement des frais d'hôpital, des restrictions sur les médicaments remboursables et le blocage et l'imposition desallocations familiales versées aux familles avec enfants les plus démunies, combiné avec l'augmentation des cotisations maladie pour lesretraités et leschômeurs et au gel du salaire des fonctionnaires. Le motif invoqué est le respect par la France des critères deMaastricht, dont lepacte de stabilité et de croissance, qui impose une maîtrise des comptes publics. Le plan déclenche un vastemouvement social dans l'ensemble du pays. Malgré le soutien apporté par laCFDT à Alain Juppé, lesmouvements de grève de novembre et décembre 1995 de « défense desacquis sociaux » ont raison de sa détermination : il doit céder, le, sur l'extension aux régimes publics des mesures décidées en 1993 parÉdouard Balladur pour les retraites de base du secteur privé.
Mais le gouvernement refuse de revenir sur la réforme de la Sécurité sociale, une loi votée le suivant lui permettant de légiférer par ordonnances en la matière. Désormais, le budget de la Sécurité sociale est voté au Parlement, la hausse de lacontribution sociale généralisée (CSG) est décidée tandis qu'unecontribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est créée, un objectif quantifié d'augmentation des dépenses d'assurance-maladie est fixé et les prestations familiales sont gelées. Alain Juppé imagine un dispositif de « sanctions collectives » en obligeant les médecins libéraux à rembourser les dépassements de dépenses autorisées commis par certains d'entre eux, reconnaissant par la suite des « erreurs » dans cette réforme[61]. Il abaisse drastiquement lenumerus clausus dans l'admission aux études de santé[62].
Les analystes politiques notent surtout le recul du gouvernement sur ce qui était présenté comme l'essentiel, la réforme des retraites, le journalisteJean-François Revel accusant notamment le présidentJacques Chirac de lâcheté pour n'avoir pas expliqué les réformes nécessaires lors de la campagne présidentielle, expliquant ainsi l'ampleur du mouvement. Dans un article du, il estime ainsi que « quand, durant la campagne des présidentielles, Jacques Chirac parlait de réformes visant à réduire la fracture sociale, les Français comprenaient qu’ils allaient être noyés sous une pluie de subventions. Les réformes qui visent une réduction des déficits publics ou des déficits sociaux, ils ne les comprennent pas du tout »[63]. Est alors largement débattue au sein des partis de droite l'augmentation de 10 % des tranches de l'ISF[64] et la suppression de son plafonnement[65]. Cette modification a notamment pour conséquence que certains foyers fiscaux paient un impôt supérieur à leur revenu[66].
Alain Juppé doit également faire face à une résurgence desmouvements de l'immigration. Pour la première fois, des centaines de sans-papiers s’installent durablement et visiblement dans des lieux en France[67]. Ainsi, à partir du, 300étrangers en situation irrégulière d'origine africaine (notamment sénégalaise, malienne et mauritanienne) attirent l'attention médiatique en occupant l'église Saint-Ambroise (Paris) afin de réclamer leur régularisation[67]. Après avoir été expulsés de l'église, ils errent d'occupation en occupation et finissent pars'installer à l'église Saint-Bernard. Dix hommes immigrés entament alors unegrève de la faim, qui dure deux mois[67]. Des collectifs en soutien aux clandestins se constituent, tels que « Des papiers pour tous » en 1996, ou le « Collectif anti-expulsion » en 1998. Finalement, l'évacuation par la police des étrangers en situation irrégulière occupant l'église Saint-Bernard est décidée le[68].
De plus, en 1996, le Premier ministre souhaite vendre au groupeDaewoo l’entreprise publiqueThomson Multimédia, officiellement « très endettée », contre un franc symbolique après sa recapitalisation par l’État, à hauteur de11 milliards de francs[69][source insuffisante]. Il faut noter que Thomson Multimédias détient à cette époque les brevets et licences de la totalité des supports numériques sur disque (CD, CD-Rom, LaserDisc, DVD, disques magnéto-optiques, disquettes…) qui génèrent desroyalties dans le monde entier avec l’émergence de la télévision numérique. De plus, Thomson reste dépositaire de la marqueno 1 en Amérique du Nord :RCA. Toutefois, cette vente n’a pas lieu, le groupe Daewoo connaissant alors des difficultés liées à lacrise économique en Corée du Sud et à sonmodèle d'entreprise.
Il apporte son soutien àBoris Eltsine pour l’élection présidentielle russe de 1996. Se rendant à Moscou le jour même de l’annonce de la candidature du chef d’État russe, il déclare souhaiter que la campagne électorale soit« l’occasion de mettre en valeur les acquis de la politique de réformes menée par le président Eltsine »[70].
Jacques Chirac risque une dissolution de l'Assemblée nationale le, conseillé en ce sens par le secrétaire général de l'Élysée,Dominique de Villepin, et finalement par Alain Juppé[71]. Cette décision se solde par la victoire de l’opposition de gauche auxélections législatives de 1997, contraignant le gouvernement Juppé à la démission pour laisser la place à latroisième cohabitation. Alain Juppé transmet la fonction de Premier ministre ausocialisteLionel Jospin le.
En 1995, la liste qu'il mène lors des municipales obtient 50,28 % des suffrages exprimés dès le premier tour, contre 19,91 % à celle de son principal adversaire, le socialisteGilles Savary. Il est ensuite élu maire deBordeaux par le nouveau conseil municipal, après avoir écartéJacques Valade, qui était le premier adjoint et le successeur naturel deJacques Chaban-Delmas, ainsi que les candidats Denis Teisseire,Pierre Hurmic, François-Xavier Bordeaux[72]. Il prend dans le même temps la présidence de lacommunauté urbaine de Bordeaux (CUB), qu'il conserve jusqu'en 2004 (par la suite, la présidence va revenir à unsocialiste,Alain Rousset de 2004 à 2007 puisVincent Feltesse de 2007 à 2014) et qu'il retrouve en 2014.
En, à l'âge de57 ans et alors que le gouvernement prépare uneréforme des retraites repoussant l'âge de départ à la retraite, il met fin à sa carrière d'inspecteur des finances et fait valoir ses droits à la retraite, ce qui lui permet de cumuler 3 700 euros de pension de retraite avec 7 800 euros d'indemnités d'élu[74],[75].
En,Le Canard enchaîné révèle qu'Alain Juppé a signé, en, un document donnant l'ordre aux services du logement de la ville de Paris de diminuer de 1 000 francs le loyer de son fils Laurent, logé dans un appartement relevant des propriétés de la ville,rue Jacob[76]. Par ailleurs, des travaux pour un montant de 381 000 francs sont réalisés dans cet appartement par la ville[77]. À plusieurs reprises, le ministère de la Justice tente d'empêcher leService central de prévention de la corruption de rendre son rapport sur cette ristourne de loyer[76]. Le rapport conclut au fait que cette opération peut relever d'un délit d'ingérence, mais la justice décide de ne pas poursuivre le Premier ministre[78].
En outre, Alain Juppé signe, en, un bail avec sa propre municipalité lui permettant de devenir locataire, dans cette même rue Jacob, d'un appartement de 189 m2 à un prix défiant toute concurrence[78]. Là encore, des travaux sont réalisés aux frais des contribuables, pour un montant évalué à plus d'un million de francs[78]. Il attend deux semaines avant de se justifier et refuse de s'excuser, affirmant rester « droit dans ses bottes »[60]. Après trois mois de polémique, il décide de quitter son logement[79].
Une plainte pour « prise illégale d'intérêts » est déposée par l’Association des contribuables parisiens, crééead hoc parArnaud Montebourg, à l’époque jeune avocat et adhérent du Parti socialiste. Une information judiciaire est ouverte par le procureur de la République de Paris,Bruno Cotte, qui considère que le délit de prise illégale d'intérêts est établi[80]. Mais le procureur généralprès lacour d'appel de Paris,Jean-François Burgelin, controversé pour ses prises de position sur la corruption[81], publie un communiqué affirmant que l’infraction n'est pas constituée[81].
Ces affaires, qui éclatent quelques mois seulement après la campagne présidentielle de Jacques Chirac sur le thème de la « fracture sociale », ont un impact très négatif sur l'image d'Alain Juppé[60].
En 1999, Alain Juppé est mis en examen pour « abus de confiance, recel d'abus de biens sociaux, et prise illégale d'intérêt » pour des faits commis en tant que secrétaire général duRassemblement pour la République et maire adjoint de Paris aux finances, de 1983 à 1995. Il est considéré comme un élément clé d'un système de financement occulte d'emplois au sein du RPR financés par la mairie de Paris et des entreprises désireuses de passer des contrats publics (sa secrétaire personnelle au RPR fut elle-même rémunérée par une entreprise, le groupe immobilier Ségur, puis par la ville de Paris).
Son procès pourprise illégale d'intérêts s'ouvre le. Alain Juppé y affirme avoir pris connaissance du système d'emplois fictifs en 1993[82]. Le, il est condamné par letribunal correctionnel deNanterre à18 mois de prison avec sursis et à une peine de dix ans d'inéligibilité[83],[84]. Le tribunal juge notamment qu'Alain Juppé a« délibérément recouru à des arrangements illégaux » pour favoriser l'action du RPR, que la nature des faits était« contraire à la volonté générale exprimée par la loi » et qu'il avait ainsi« trompé la confiance du peuple souverain »[85]. La présidente du tribunal exige l'inscription de cette condamnation à son casier judiciaire[85].
L'appel interjeté par Alain Juppé immédiatement après sa condamnation a pour effet de suspendre l’application de cette décision jusqu'à l'arrêt de lacour d'appel deVersailles. Le, celle-ci réduit la condamnation à14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité alors que le parquet préconisait une peine plus lourde[86],[87]. Pour ce faire, elle déroge à une loi votée en 1995 par la majorité RPR-UDF ayant conduit à une lourde condamnation d'Alain Juppé en première instance : de façon inédite, la cour d'appel n'applique pas cette automaticité légale et fixe elle-même la durée de l'inéligibilité en faisant usage de l'article 432-17 du code pénal relatif aux peines complémentaires. Elle indique notamment :
« Il est regrettable qu'au moment où le législateur prenait conscience de la nécessité de mettre fin à des pratiques délictueuses qui existaient à l'occasion du financement des partis politiques, M. Juppé n'ait pas appliqué à son propre parti les règles qu’il avait votées au Parlement. Il est également regrettable que M. Juppé, dont les qualités intellectuelles sont unanimement reconnues, n’ait pas cru devoir assumer devant la justice l'ensemble de ses responsabilités pénales et ait maintenu la négation de faits avérés. Toutefois, M. Juppé s'est consacré pendant de nombreuses années au service de l’État, n’a tiré aucun enrichissement personnel de ces infractions commises au bénéfice de l'ensemble des membres de son parti, dont il ne doit pas être le bouc émissaire[88]. »
Alors que les journalistes soulignent ses agissements en tant que secrétaire général du RPR et adjoint aux finances à la mairie de Paris, une partie d'entre eux estiment qu'Alain Juppé « paye » pour Jacques Chirac, qui sera condamné à deux ans de prison avec sursis dans cette affaire en 2011[89]. D'autres médias soulignent l'arrogance d'Alain Juppé durant ses deux procès[90],[91]. Celui-ci renonce alors à se pourvoir en cassation et démissionne de ses mandats de maire de Bordeaux et de président de la communauté urbaine[92].
Ses démêlés judiciaires le conduisent à démissionner de ses fonctions parlementaires, municipales et dans son parti : il quitte la présidence de l'UMP le et son siège de député le suivant[92]. Son adjoint à BordeauxHugues Martin lui succède à la mairie de Bordeaux, ainsi qu'à son poste de député, etNicolas Sarkozy le remplace à la direction de l'UMP. Lacommunauté urbaine de Bordeaux, dont il était président, bascule à gauche au profit du socialisteAlain Rousset.
En 2005, des remous dans le monde universitaire québécois l'empêchent d'obtenir, pour des raisons d'éthique, un poste à l'université du Québec à Montréal (UQAM)[93]. Il enseigne finalement àMontréal à l’École nationale d'administration publique (ENAP). Plusieurs universitaires s'étonnent alors qu’un homme politique condamné à une peine de prison et d’inéligibilité puisse donner des cours à de futurs hauts fonctionnaires[93].
Retour à Bordeaux et présence éphémère au gouvernement
À la fin du mois d', Alain Juppé revient du Québec et annonce son intention de se relancer dans la vie politique et de reconquérir le fauteuil de maire deBordeaux. Le, la majorité UMP-UDF du conseil municipal de Bordeaux, hormis le maire Hugues Martin et deux adjoints, afin d’expédier lesaffaires courantes, démissionne. Les conseillers municipaux d’opposition ne démissionnent pas, mais le nombre de démissionnaires est suffisant pour imposer l’organisation d’une nouvelle élection municipale et permettre ainsi à Alain Juppé de revenir aux affaires. Le, Alain Juppé annonce, lors d’une conférence de presse, sa candidature à l'élection municipale partielle et auxlégislatives de 2007.
Le, la liste conduite par Alain Juppé l'emporte dès le premier tour de l'élection municipale anticipée deBordeaux, avec 56,2 % des voix (taux d'abstention de 55,2 %), ce qui permet à celui-ci de redevenir maire de Bordeaux le suivant[94],[95],[96].
Lors desélections municipales de 2008, la liste commune entre l'UMP, leNouveau Centre et leMoDem menée par Alain Juppé l'emporte au premier tour, en obtenant 56,6 % des votes, notamment face à celle de son concurrent socialiste,Alain Rousset (34,1 %)[100]. Il dispose alors d'une majorité de 50 élus sur 61, ce qui lui permet d'être réélu le[101].
Alain Juppé multiplie alors les prises de position, notamment sur son blog[102]. AvecMichel Rocard, il préside la commission chargée de réfléchir à la programmation dugrand emprunt 2010[103]. Le, il dit envisager de se présenter à une éventuelle primaire à l'UMP pour l'élection présidentielle de 2012 dans le cas oùNicolas Sarkozy viendrait à ne pas se représenter[c] À la même occasion, il affirme ne pas souhaiter intégrer le gouvernement dans un avenir proche[105].
En, un rapport de la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine souligne les nombreux artifices comptables utilisés par la mairie de Bordeaux afin de masquer l'endettement croissant de la ville. Entre 2010 et 2016, la dette de la ville a en effet été multipliée par deux (de 185 à 377 millions d'euros). Cette détérioration des finances « a ensuite été masquée par l'ajout d'offres bancaires dans les comptes en fin d'année, lesquelles étaient ensuite annulées après la clôture des comptes »[106].
Alain Juppé lors d'une conférence sur la Libye (Londres, 2011).Alain Juppé aux côtés du ministre tunisien des Affaires étrangères,Rafik Abdessalem, le 5 janvier 2012.
Il plaide, en, pour une intervention de lacommunauté internationale enLibye, afin de protéger les populations civiles contre les violences commises par les troupes deMouammar Kadhafi[109]. Les commentateurs et une grande partie de la classe politique, y compris de l'opposition de gauche, rejoignent alors cette position. Les rebelles libyens parviennent à entrer, le, dans la capitale,Tripoli, tandis que Mouammar Kadhafi est tué le suivant. Par la suite, analysant les résultats de cette intervention armée, des spécialistes du monde arabe, commeBernard Lugan, se rejoignent pour décrire les conséquences néfastes de cette intervention avec la destruction de l'État libyen dont le pouvoir local est assuréde facto par des tribus régionales[110], les succès de l'islamisme dans la région et la déstabilisation de la zone sahélo-saharienne[111] entraînant notamment lecoup d'État de 2012 au Mali[112].
Alain Juppé avance que les jours du régime syrien « sont comptés » en[113] et déclare queBachar el-Assad doit être jugé par leTribunal pénal international. Mais ses déclarations ne rencontrent guère d'écho au sein de la communauté internationale, les spécialistes du monde arabe dénonçant une régression de la diplomatie française faites de « postures morales » et son absence de résultats sur le terrain[114],[115].
Après la défaite de la droite aux élections présidentielle et législatives, Alain Juppé est pressenti par les médias comme un possible candidat à la présidence de l'UMP dans un contexte de divisions entre les partisans deFrançois Fillon et deJean-François Copé[121]. À la suite des déclarations de candidature de ces derniers, il renonce à briguer la tête du parti[122]. À la fin du mois de, face aux contestations qui suivent lescrutin interne, très serré, Alain Juppé accepte d'être à la tête d'une commission permettant de vérifier les résultats de celui-ci ; mais, après une rencontre entre lui,Jean-François Copé etFrançois Fillon, il annonce l'échec de sa mission[123].
Alain Juppé en avril 2015.
Le, après la démission de Jean-François Copé du fait de troubles internes dus à l'affaire Bygmalion, Alain Juppé annonce accepter de participer à une direction collégiale, avecJean-Pierre Raffarin et François Fillon, jusqu'à l'organisation d'uncongrès à l'automne 2014[124]. Il déclare ne pas avoir l'intention de se présenter à la présidence de l'UMP, affirmant avoir « épuisé les charmes » des fonctions partisanes, et « souhaiter que le candidat à la présidence de l'UMP s'engage à ne pas être candidat aux primaires, en vue de la présidentielle de 2017 »[125].
Il est à nouveau candidat pour lesélections municipales de 2014. Il a pour principal opposant le député PSVincent Feltesse, lequel, s'il reconnaît« l'embellissement de Bordeaux ces dernières années », critique« une ville qui exclut », des« massacres urbanistiques » et« une autosatisfaction permanente » de l'équipe municipale[126]. Alain Juppé obtient un nouveau mandat le, cinq jours après que sa liste a obtenu 60,9 % des voix au premier tour[127],[128]. Le, il reprend la présidence de lacommunauté urbaine de Bordeaux (CUB), où sa formation « Communauté d'avenir » dispose de la majorité absolue des sièges (63 sur 105)[129].
En, les conseillers municipaux socialistes et écologistes de la mairie de Bordeaux l'accusent d'avoir dissimulé un déficit de44 millions d'euros et d'avoir« mis la ville dans une situation financière intenable »[130]. Selon l'opposition, la ville de Bordeaux présente un excédent de cinq millions d'euros du fait d'un emprunt de49 millions d'euros qui n'a pas été utilisé ni officialisé. En 2015, le préfet de la Gironde, saisi par les conseillers de l'opposition socialiste locale, n'avait pas trouvé d'éléments suffisants pour saisir lachambre des comptes régionale sur ce point[131]. De son côté, Alain Juppé se défend en déclarant qu'il est de bonne gestion de ne pas concrétiser les promesses de prêts des banques tant que les besoins ne sont pas effectifs[132].
Candidat à la primaire de la droite et du centre de 2016
Le, Alain Juppé annonce qu'il sera candidat à la primaire ouverte de l'UMP pour la présidentielle de 2017[133]. Il apparaît dès lors comme le principal rival deNicolas Sarkozy[134].
Son bilan à la mairie de Bordeaux est souvent perçu comme étant l'un de ses atouts pour la primaire. Toutefois, sa condamnation judiciaire, son bilan à Matignon et ses prises de position lui attirent des critiques, principalement au sein de l'aile la plus à droite de son parti[135],[136]. Son évolution sur la question de l'intégration et des consignes de vote en cas de duels FN/PS suscitent des interrogations[137],[138],[139]. Lesenquêtes d'opinion indiquent que ce sont les voix en provenance d'électeurs du centre et de la gauche qui permettent à Alain Juppé de devancer ses rivaux. Nicolas Sarkozy, qui est donné en tête chez les sympathisants de droite et plus largement chez les Républicains, dénonce alors un scrutin biaisé[140],[141],[142],[143].
Le, avec 28,6 % des voix, il arrive devant Nicolas Sarkozy, mais loin derrièreFrançois Fillon (44,1 %)[144]. Son score est jugé décevant au vu des sondages, qui le donnaient en tête tout au long de la campagne[145]. Alors que la rumeur de son retrait s'empare des médias, il dément l'information le soir même[146],[147]. Il adopte une stratégie plus offensive pendant l'entre-deux tours, ce qui suscite des interrogations et des critiques de plus de 200 parlementaires[148] et jusque parmi ses partisans[149],[150]. Le, avec 33,5 % des suffrages, il est largement battu par François Fillon (66,5 %), à qui il apporte son soutien dans le cadre de l'élection présidentielle de 2017[151],[152]. Il annonce qu'il se consacrera désormais à ses fonctions locales[153],[154].
Logo d'Alain Juppé pour la primaire présidentielle de la droite et du centre en 2016.
Pour expliquer son échec, les commentateurs relèvent l'orientation centriste de sa campagne, la focalisation de ses critiques avant le premier tour sur Nicolas Sarkozy et l'excès de confiance de son équipe de campagne au vu des enquêtes d'opinion[155]. Alain Juppé etJérôme Chartier, conseiller de François Fillon, pensent que sa défaite est aussi due à la campagne organisée par la « fachosphère » qui l'a accusé de connivence avec l'islam radical en le surnommant « Ali Juppé »[156],[157].
Fin, alors que François Fillon est mis en difficulté par l'affaire de l'emploi présumé fictif de son épouse, Alain Juppé exclut d'être un recours en cas de retrait de la course présidentielle de ce dernier[158]. Le,Le Figaro annonce que Juppé envisage finalement de prendre la relève de Fillon sous condition qu'il y ait consensus autour de sa candidature. Dans les semaines qui suivent, alors que Fillon risque une mise en examen, continue à baisser dans les intentions de vote et que plusieurs membres de son équipe (dont d'anciens « juppéistes ») quittent l'organisation de la campagne électorale, des élus des Républicains appellent à donner à Juppé les 500 parrainages nécessaires avant la date butoir du, afin d'anticiper un remplacement du candidat de la droite et du centre[159],[160]. Finalement, le, après avoir dénoncé le « gâchis » de la droite et du centre dans cette élection, il confirme « une bonne fois pour toutes » qu'il ne sera pas candidat à la présidence, indiquant qu'il est « trop tard » pour lui et qu'il n'est pas en mesure de rassembler les différentes sensibilités de son camp autour de sa candidature[161],[162]. Il envoie ensuite sonparrainage d'élu à François Fillon[163].
Au soir du premier tour desélections législatives de 2017, Alain Juppé appelle à voter pour les candidats Les Républicains afin d'éviter une Assemblée nationale « monochrome », en référence aux bons scores réalisés par les candidats du partiLa République en marche (LREM) du nouveau président de la République,Emmanuel Macron[164]. Cependant, il soutient une candidate investie par LREM,Aurore Bergé, son ancienne collaboratrice quand il était candidat à la primaire de la droite et du centre, considérant qu'ils partagent les mêmes valeurs[165].
Le, quelques jours avant lecongrès des Républicains, il indique qu'il votera pour Maël de Calan, un de ses porte-paroles de campagne lors de la primaire[170]. Laurent Wauquiez l'emporte largement lors du congrès[171]. En, Alain Juppé déclare qu'il n'a pas payé sa cotisation aux Républicains en 2017 et qu'il n'entend pas payer celle de 2018, « attendant de voir ce que devient LR »[172],[173]. N’ayant pas renouvelé sa cotisation durant deux années consécutives, il perd officiellement sa qualité d'adhérent à LR le[174].
Le, le président de l’Assemblée nationale,Richard Ferrand, propose sa nomination pour siéger auConseil constitutionnel, en remplacement deLionel Jospin[175]. Alain Juppé accepte et annonce aussitôt sa démission de ses mandats de maire de Bordeaux et de président de la métropole, qu'il quitte effectivement le suivant[176],[177]. Il est auditionné au Parlement par les députés, qui approuvent très largement sa nomination au Conseil constitutionnel.
À partir des années 2000, il est souvent considéré comme appartenant à une droite modérée voirecentriste, à l'image de sa ville de Bordeaux, qui vote souvent à gauche[182],[183],[184]. Il est ainsi comparé au précédent maire de la ville,Jacques Chaban-Delmas, qui avait eu des visions centristes avec sanouvelle société, ce qui lui fut reproché par son camp politique[185]. Le politologuePascal Perrineau situe Alain Juppé dans la famille« néo-gaulliste »[186].
Le, il cosigne avecMichel Rocard, le généralBernard Norlain et l'ancien ministre de la Défense socialisteAlain Richard une tribune dans le quotidienLe Monde en faveur dudésarmement nucléaire. Cette déclaration « exprime le vœu que la France affirme résolument son engagement pour le succès de ce processus de désarmement »[187].
En 1977, le programme qu'il rédige pour le RPR prône une « planification démocratique ». Six ans plus tard, en 1983, il se prononce en faveur de laparticipation des salariés aux résultats de l'entreprise comme voie alternative au « capitalisme dur » et au « marxisme féroce »[35]. Son passage à Matignon change les choses et il se voit qualifier parSerge Halimi d'« ultralibéral » en raison des réformes qu'il défend[188].
Il déclare à propos dubouclier fiscal, en 2009 : « Il faut s'interroger sur ce qu'on appelle le bouclier fiscal parce que les choses ont changé, la crise est venue. On voit aujourd'hui qu'une petite minorité de très riches ne cesse de s'enrichir. Ça ne me choquerait pas qu'on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent dans la crise »[189]. Il estime également qu'« il ne faut pas renoncer » concernant l'instauration d'unetaxe carbone[190].
Lors de la campagne pour les primaires des Républicains de 2016, il propose notamment de supprimer entre 250 000 et 300 000 postes defonctionnaires, le retour aux39 heures hebdomadaires légales, la retraite à 65 ans, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la baisse de l'impôt sur les sociétés, le transfert du financement de la protection sociale vers laTVA et80 à 100 milliards d’euros de baisse des dépenses[191],[192]. Il s'oppose cependant à toute réforme du statut des employés de la fonction publique, citant les contestations dont il a fait l'objet en tant que Premier ministre en 1995[193]. Il se dit inspiré parLa France est prête : nous avons déjà changé, de l’essayisteRobin Rivaton, qui est de tendance libérale[194].
Le, en tant que secrétaire général du RPR, il met en congé du partiAlain Carignon, qui avait appelé à voter pour le candidat de gauche face auFront national au second tour d'une élection cantonale partielle àVilleurbanne[195],[196].
Il adopte dans un premier temps une position ferme sur l'immigration. En 1977, il souhaite que « les emplois traditionnellement abandonnés aux étrangers puissent être occupés par des Français »[35]. En, il juge que la question de l'intégration est un problème « permanent et gigantesque » avec beaucoup d'écoles primaires où « 80 à 90 % des petits enfants sont d'origine étrangère »[137],[138].
En 1990, il participe aux états généraux du RPR et de l'UDF qui aboutissent à des propositions proches de celles du Front national (« fermeture des frontières », « suspension de l'immigration », « réserver certaines prestations sociales aux nationaux », « incompatibilité entre l'islam et nos lois ») ; il les désavoue en 2014[198].
En, alors qu'il est Premier ministre, il déclare être favorable à l'espace Schengen « si Schengen améliore la sécurité à nos frontières et si Schengen permet de mieux lutter contre l'immigration clandestine »[199], et se dit « décidé », en, « à faire une stricte application des lois sur la maîtrise de l'immigration »[200].
Ses prises de position changent ensuite[201]. Le, il suscite l'étonnement en déclarant auMonde qu'« il faut accueillir de nouveaux immigrés » à la suite de la publication d'un rapport duMedef allant dans ce sens[202],[35]. En, il prône la mise d’œuvre d'« une politique européenne de l'immigration qui nous permette tout à la fois de mieux accueillir les étrangers dont nous avons besoin en Europe et d'être enfin efficace dans la lutte contre l'immigration clandestine »[203], ajoutant que « les Français ont bien compris que nous avions besoin d'accueillir des étrangers, en Europe en général et en France en particulier »[204]. En, en tant que ministre des Affaires étrangères, il déclare que « l'immigration illégale est un fléau pour tout le monde, pour les pays d'origine comme pour ceux de destination »[205]. En 2014, il estime que le concept d'assimilation culturelle n'est pas réaliste et appelle à des « accommodements raisonnables » de la part de la République française, prônant une « identité heureuse », expression faisant écho àL'Identité malheureuse, ouvrage d'Alain Finkielkraut[206],[207]. Il se prononce également contre la suppression dudroit du sol[207].
En 2016, il propose des quotas de migrants et une durée minimale de séjour aux parents étrangers ayant des enfants nés en France[208]. Il réaffirme son concept d'« identité heureuse », et critique une possible suspension duregroupement familial, une proposition qu'il juge « inhumaine »[209]. Il souhaite interdire l’acquisition de la nationalité française aux étrangers nés en France mais dont les deux parents étaient à leur naissance des immigrés illégaux, et renforcer les restrictions d'accès de l’aide médicale d'État aux immigrés illégaux[194].
Pendant le débat sur le port du voile en 2004, Alain Juppé, alors président de l'UMP, explique que pour lui « il ne s'agit pas d'interdire levoile islamique en France, il s'agit del'interdire à l'école »[210].
Le, il déclare dans un entretien accordé auParisien concernant l'intervention militaire en Libye : « ne stigmatisons pas a priori tous ceux qui se qualifient d’islamistes, il y a des gens attachés à l’islam, et en même temps prêts à accepter les règles de base de la démocratie »[213].
Alain Juppé est opposé à l'interdiction duvoile à l'université et duburkini sur les plages[214].
Lors de la campagne pour la primaire des Républicains de 2016, il propose d'expulser les imams qui font l'apologie de la violence, de renforcer l'arsenal législatif en créant un code de la laïcité et un délit d'entrave à la laïcité dans les services publics pour sanctionner son non-respect, et exige la transparence sur les financements des lieux de culte et une formation civique minimale des ministres du culte[215].
Alain Juppé souhaite le maintien de laCinquième République. À la fin des années 1970, il adopte une position jugée gaulliste en appelant à l'extension du référendum, notamment duréférendum d'initiative populaire, et en refusant la possibilité d'une cohabitation[35]. Il s'éloigne ensuite de cette position[35],[193].
En 1983, il appelle à « exalter les valeurs familiales et non à favoriser la propagande en faveur de l'interruption de grossesse », avant de changer par la suite de position[35]. En 2011, il se dit favorable « à quelque chose qu'on pourrait appeler unmariage homosexuel, mais avec un nom différent », puis déclare en 2014 qu'il ne souhaite pas revenir sur la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe votée en 2013[216].
En 1977, en tant que délégué national aux études du RPR, Alain Juppé prône l'« Europe des peuples », confédérale, contre l'« Europe des technocrates », fédérale et supranationale[35].
Il se prononce en faveur du « oui » auréférendum français sur le traité de Maastricht et convainc Jacques Chirac de se rallier à cette position alors que le RPR est très divisé sur la question[35]. En 1997, il affirme toujours penser que « les critères de Maastricht, c'est le bon sens » et que « l'euro ne signifie pas la rigueur, mais une stratégie pour la croissance »[217]. Mais le, il nuance sa position en déclarant à l'Assemblée nationale : « Si le traité de Maastricht avait été un peu mieux fagoté, nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui »[218].
AvecJacques Toubon, il fait publier, dansLe Figaro du, un projet de constitution européenne devant aboutir à l'émergence d'une Europe fédérale[35]. Il réclame dès lors une Europe « politique et de dynamique fédérale »[35].
Au lendemain duréférendum grec de 2015 faisant suite à l'échec des négociations de la Grèce avec latroïka dans le cadre de lacrise de sa dette publique, il se démarque dans son parti politique en prônant la sortie de la Grèce de la zone euro (« Grexit »). Il revient cependant sur cette position après des propositions du Premier ministre grec,Aléxis Tsípras, aux créanciers de la Grèce.
En 2016, il s'oppose à la tenue d'un référendum sur le maintien de la France dans l'Union européenne, estimant que « ce serait faire un cadeau àMarine Le Pen »[193].
« Sur quelques injustices économiques et sociales du socialisme », dansÉchecs et injustices du socialisme : suivi d'un projet républicain pour l'opposition (actes de colloque), Paris, Albin Michel,(ISBN2-226-01544-2,BNF34717327).
↑Dans le gouvernement Édouard Balladur, il est seulement ministre des Affaires étrangères.
↑Il déclare : « Comme l'a dit François Fillon, le candidat naturel de la majorité en 2012, c'est Nicolas Sarkozy. S'il arrivait, pour des raisons qui lui appartiennent, qu'il ne soit pas à nouveau candidat, moi je pense qu'il faudra des primaires au sein de l'UMP. Je n’exclus pas à ce moment-là d'être candidat à la candidature »[104].
↑JérômePozzi, « Le RPR face au traité de Maastricht : divisions, recompositions et réminiscences autour de la dialectique souverainiste »,Histoire@Politique,no 24,,p. 131–152(lire en ligne, consulté le).
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↑« Rwanda : il faut maintenant briser le silence ! »,Le Monde.fr,(ISSN1950-6244,lire en ligne, consulté le).
↑« La liste complète des signataires de la tribune : « Rwanda : il faut maintenant briser le silence ! » »,Le Monde.fr,(ISSN1950-6244,lire en ligne, consulté le).
↑Dans le documentaireChirac le Vieux Lion (2006),Charles Pasqua,ministre de l'intérieur, témoigne que Juppé hésita beaucoup sur son soutien, ne croyant pas aux chances de Chirac, et que quatre ou cinq jours avant qu'il officialise son soutien, Juppé déclara à Balladur qu'il demandera à Chirac de renoncer à sa candidature. Pasqua ironisa« C'est ce qu'on appelle laconviction ».
↑« ISF : presque 30 ans de discordes »,La Tribune,(lire en ligne, consulté le).
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↑Armelle Thoraval, « En déménageant, Juppé espère clore l'affaire. Rien ne dit, cependant, que le parquet décide d'abandonner l'enquête préliminaire. »,Libération.fr,(lire en ligne, consulté le).
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↑« Pour un désarmement nucléaire mondial, seule réponse à la prolifération anarchique, par MM. Juppé, Norlain, Richard et Rocard »,Le Monde.fr,(ISSN1950-6244,lire en ligne, consulté le).
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↑« Pour Juppé, la suspension du regroupement familial, proposée par Sarkozy, n'est "pas une attitude humaine" »,Le Lab Europe 1,(lire en ligne, consulté le).