Pour les articles homonymes, voirAlain Fournier etFournier.
| Naissance | |
|---|---|
| Décès | |
| Sépulture | Nécropole nationale de Saint-Remy-la-Calonne(d) |
| Nom de naissance | Henri-Alban Fournier |
| Surnom | Alain-Fournier |
| Nationalité | |
| Allégeance | |
| Formation | |
| Activité | |
| Fratrie |
| Grade militaire | |
|---|---|
| Conflit | |
| Genre artistique | |
| Distinction | Prix Jules-Davaine de l'Académie française en 1915 |
|
Alain-Fournier, de son vrai nomHenri-Alban Fournier, né le àLa Chapelle-d'Angillon (Cher) et mort au combat le àSaint-Remy-la-Calonne (Meuse), est unécrivainfrançais.
Son œuvre la plus marquante, restée célèbre, estLe Grand Meaulnes (1913), son unique roman achevé.
Il figure sur laliste des personnes citées au Panthéon de Paris.

Henri-Alban Fournier naît le àLa Chapelle-d'Angillon[1], chef-lieu de canton du département duCher, à 32 km au nord deBourges.
Son père, Augustin Fournier (1861-1933), habituellement appelé Auguste, jeune instituteur, vient d'être nommé àMarçais, où le petit Henri vit ses cinq premières années. Sa mère, Marie-Albanie Barthe (1864-1928), est également institutrice.
Il vit l'essentiel de son enfance àÉpineuil-le-Fleuriel, tout au sud du département. Il y sera, sept ans durant, l'élève de son père et aura pour compagne de jeux et de lectures sa sœur Isabelle (1889-1971).
Dans une lettre à ses parents du, évoquant« la classe où entraient […] tout le soleil doux et tiède de cinq heures, toute la bonne odeur de la terre bêchée », il ajoute :« Tout cela, voyez-vous, pour moi c’est le monde entier ». Les trois quarts des chapitres de son futur roman auront pour cadre« Sainte-Agathe » et ses environs qui ressemblent à s’y méprendre au petit village de son enfance heureuse.

À douze ans, Henri part pourParis, où il commence ses études secondaires aulycée Voltaire, récoltant presque tous les prix. Rêvant d’« être marin pour faire des voyages », il convainc ses parents, en, qu'il lui faut aller àBrest préparer le concours d’entrée à l’École navale : l’expérience sera trop rude et il y renoncera quinze mois plus tard. C’est au lycée de Bourges qu’il prépare le baccalauréat ; il l’obtient, sans mention, en. Comme beaucoup de jeunes provinciaux, commePéguy etGiraudoux avant lui, il va poursuivre des études supérieures de lettres aulycée Lakanal àSceaux – « l’internat des champs » – de 1903 à 1906[2], puis aulycée Louis-le-Grand deParis, où il prépare le concours d'entrée à l'École normale supérieure. C'est au lycée Lakanal qu'il rencontreJacques Rivière, avec lequel il se lie d'une amitié profonde. Celui-ci étant reparti à Bordeaux en 1905, il entretient avec lui une correspondance presque quotidienne qui sera publiée en 1928. Jacques Rivière épousera sa jeune sœur Isabelle en1909.
Le, jour de l'Ascension[3], à dix-huit ans, il croise à la sortie d'une exposition de peinture auGrand Palais une grande et belle jeune fille, qui lui dira son nom dix jours plus tard :Yvonne de Quiévrecourt. Mais cet amour est impossible : Yvonne est fiancée et épousera effectivement l'année suivante un médecin de marine, Amédée Brochet, dont elle aura deux enfants. Bouleversé par cette brève rencontre, Fournier ne cessera, huit années durant, de penser à la jeune femme et de l’évoquer dans sa correspondance. Il s'en inspirera pour le personnage d’Yvonne de Galais dansLe Grand Meaulnes.

Après son échec à l'oral de Normale Sup en[4], il effectue son service militaire d' à, d'abord àVincennes et dans diverses casernes de Paris, deVanves et deLaval, puis comme sous-lieutenant de réserve au88e régiment d'infanterie àMirande.
Libéré à l'automne de 1909, il ne reprend pas ses études, mais est engagé comme chroniqueur littéraire àParis-Journal en 1910[5]. Il commence à publier quelques poèmes, essais ou contes qui connaissent quelque succès. Il rencontre alors plusieurs grands peintres et écrivains de son temps :Maurice Denis,André Gide,Paul Claudel,André Suarès etJacques Copeau, et se lie d'une grande amitié avecCharles Péguy etMarguerite Audoux.
Mais surtout il élabore lentement l'œuvre qui le rendra célèbre :Le Grand Meaulnes, qui paraîtra en volume en.
Le, présenté par Charles Péguy, il devient secrétaire deClaude Casimir-Perier, fils de l'ancien président de la République, et l'aide à mettre au point un gros ouvrage,Brest, port transatlantique, qui sera publié en chezHachette. Il fréquente dès lors l'épouse de celui-ci, Pauline Benda, célèbre au théâtre sous le nom deMadame Simone, et lui rend de multiples services. Simone révélera en 1957 la liaison passionnée, souvent orageuse, qu'elle a eue à partir de avec le jeune écrivain de neuf ans son cadet, dans son livreSous de nouveaux soleils (Gallimard). Alain-Fournier est fréquemment reçu dans leur propriété deTrie-la-Ville, où sont également accueillisCharles Péguy ouJean Cocteau.Le Grand Meaulnes paraît dansLa Nouvelle Revue française entre juillet et octobre 1913, et chez Émile-Paul en novembre 1913. Bien que Madame Simone tente de jouer de son influence, le roman manquera de peu leprix Goncourt, mais sera salué presque unanimement par la critique de l'époque. C'est sous les arbres du parc duchâteau de Trie qu'Alain-Fournier écrira, en 1914, plusieurs chapitres de son second roman qu’il appelle alors « Colombe Blanchet », qu'il ne pourra achever avant la déclaration de guerre. La correspondance des deux amants a été publiée en1992, présentée et annotée par Claude Sicard. Il a également une liaison avec une jeune femme de chambre, Jeanne Bruneau (1885-1971), qui apparaît dansLe Grand Meaulnes sous les traits de Valentine Blondeau, la fiancée de Frantz de Galais.
Durant cette même année 1913, qui voit en le début de sa liaison avec Pauline Benda-Perier (Madame Simone), Fournier rencontre pour la seconde fois Yvonne de Quiévrecourt. Les chastes retrouvailles ont lieu au cours de l’été, sans doute du1er au, à Rochefort-sur-Mer, où la jeune femme, mère de deux enfants, est de passage chez ses parents. Le jeune homme est bouleversé — des notes sur un petit carnet noir en témoignent — mais sa vie sentimentale a pris désormais irrévocablement une nouvelle direction. Il échangera encore quelques lettres avec Yvonne de Quiévrecourt, mais ne la reverra pas.
En octobre 1913, il lui envoie le premier exemplaire dédicacé duGrand Meaulnes, sur papier Japon (le plus beau des papiers de luxe) et il attend en vain sa réponse. Yvonne refusera toute sa vie de parler à ce sujet. En 1964, le fameux exemplaire, qui était censé être en possession de la famille, se retrouve à la salle Drouot, où il est vendu trois millions de francs. On apprend ainsi le vrai nom de celle qui inspira Yvonne de Galais[6].
DansLe Point de vue d’Yvonne, paru en 2020, Catherine Choupin tente d’analyser les raisons qui poussèrentYvonne au silence[7].

Lieutenant de réserve, mobilisé le, Fournier part deCambo dans lePays basque, où il était en vacances avec Simone[8], pour rejoindre à Mirande son régiment, le288e régiment d'infanterie ; il est affecté à la23e compagnie. Partis d'Auch en train jusqu'au camp deSuippes, ses hommes et lui rejoignent le front après une semaine de marche jusqu'aux environs d'Étain. Avec sa compagnie, il prend part à plusieurs combats meurtriers autour deVerdun.
Le, un détachement de deux compagnies, la22e, commandée par le lieutenant Paul Marien et la23e, commandée par le lieutenant Fournier, reçoit l'ordre d'effectuer une reconnaissance offensive sur les Hauts de Meuse, en direction deDommartin-la-Montagne, à vingt-cinq kilomètres au sud-est de Verdun. Si l'on doit en croire les témoignages postérieurs, assez divergents, du sergent Zacharie Baqué[9] et du soldat Laurent Angla, Fournier et ses hommes parviennent jusqu'à laTranchée de Calonne où ils sont rejoints par le capitaine de Savinien Boubée de Gramont, qui prend la direction des opérations et décide d'attaquer l'ennemi. Entendant des coups de feu, ils veulent rejoindre la22e compagnie de Marien qui s'est trouvée face à un poste de secours allemand et a ouvert le feu. Après avoir fait quelques prisonniers, ils sont pris à revers par une compagnie prussienne à la lisière du bois deSaint-Remy et décimés par la mitraille. Trois officiers — dont Fournier — et dix-huit de leurs hommes sont tués ou grièvement blessés, tandis que Marien et le reste du détachement parviennent à se replier. Sur leJournal de marche et d'opérations du288e R.I., trois officiers, un sergent et dix-huit soldats des22e et23e compagnies sont portés« disparus » au« combat de Saint-Remy, du 21 au 30 septembre ».
S'il faut croire certaines sources, la patrouille dont Fournier faisait partie avait reçu l'ordre de« tirer sur des soldats allemands rencontrés inopinément et qui étaient des brancardiers », et avait obéi, ce que les Allemands auraient considéré comme un crime de guerre[10]. SelonGerd Krumeich, professeur à l’université deDüsseldorf, il est exact que la patrouille de Fournier attaqua une ambulance allemande, mais il est difficile d'établir les faits précis[11].
Un documentaire vidéo[12] cite trois mémoires rédigés plus tard par deux Français et un Allemand, qui éclairent la situation : les troupes françaises avancent, voient des soldats allemands chargés d'armes, et tirent immédiatement sur eux. Ces Allemands étaient des brancardiers qui avaient pour mission de regrouper des blessés autour d'une ambulance, et de ramener dans le même temps les armes de ces mêmes blessés, d'où une méprise des soldats français, accentuée par le stress et la fatigue.
La fiche militaire de décès, publiée sur le site Mémoire des Hommes[13], mentionne que Fournier a été tué par l'ennemi le àVaux-lès-Palameix (Meuse), commune proche de laTranchée de Calonne. Le bois de Saint-Remy se trouve entre la limite de cette commune et la Tranchée de Calonne (qui n'est pas une tranchée, au sens militaire du terme, mais au sens des travaux publics, à savoir une route creusée). Un monument lui est dédié, à l'intersection entre cette route et le chemin menant de Vaux-lès-Palameix à Saint-Remy-la-Calonne[14].
Fournier est mort sans avoir eu d'enfant.
La disparition du lieutenant Fournier, rapportée par la presse, impressionne fortement ses contemporains, bien qu'il n'ait été officiellement déclaré « mort pour la France » qu’en. Il est ensuite décoré de lacroix de guerre avec palme et nommé chevalier de laLégion d’honneur à titre posthume.
Le lieu exact de sa sépulture demeure inconnu pendant plus de trois quarts de siècle. Dès 1977, Michel Algrain enquête sur la localisation probable des derniers moments d'Alain-Fournier et parvient à coordonner des recherches[15]. Son corps et ceux de ses vingt compagnons d'arme, pour la plupart originaires de la région de Mirande, sont retrouvés par Jean Louis, le[16], dans les bois près de Saint-Remy-la-Calonne. Ils avaient été enterrés dans une fosse commune creusée par l'armée allemande sur le lieu du combat[17]. Après des fouilles archéologiques méthodiques et un examen approfondi des squelettes en laboratoire, ils sont ré-inhumés solennellement dans la nécropole nationale de Saint-Remy-la-Calonne.
La légende d'un écrivain mort pour la France en pleine jeunesse après avoir écrit un seul roman a sans doute contribué à assurer la fortune littéraire d'Alain-Fournier. Son nom figure sur les murs duPanthéon, àParis, dans la liste des écrivains morts au champ d'honneur pendant laPremière Guerre mondiale.
Alain-Fournier est généralement considéré comme l’auteur d’un seul livre : son romanLe Grand Meaulnes, publié en 1913 alors qu’il avait vingt-sept ans, qui n’est pourtant pas son seul écrit. C’est d’abord par des poèmes en vers libres qu’Henri Alain-Fournier manifeste à partir de l’été 1904 — il a dix-sept ans — son désir de devenir écrivain. Quelques-uns de ces premiers poèmes et nouvelles ont été publiés de son vivant dans diverses revues, connaissant un certain succès ; avec la plupart des autres, ils furent rassemblés en 1924 par son beau-frère Jacques Rivière chez Gallimard, sous le titreMiracles. Dès le, au cours de son séjour àLondres, Henri Alain-Fournier déclarait, dans une lettre à son ami Jacques, former un autre projet, celui d’être romancier, à la manière deDickens. Et sans doute peut-on dater de cette époque les toutes premières ébauches duGrand Meaulnes.
Recueillis et classés méthodiquement par sa sœurIsabelle Rivière, les brouillons du roman ont été, avec tous les autres manuscrits de l’auteur, donnés en 2000 par Alain Rivière à la Ville de Bourges, et ils sont aujourd’hui conservés par le Réseau des bibliothèques de cette ville (bibliothèque des Quatre Piliers), qui a réalisé leur mise en ligne[18]. Ils avaient été publiés intégralement en 1986 dans la collection des « Classiques Garnier », formant la dernière partie du volume, sous le titre « Dossier du Grand Meaulnes ». Cet ouvrage est épuisé, mais les brouillons du roman ont été reproduits en 2010 dans leBulletin des amis de Jacques Rivière et d’Alain-Fournier. Avant que le roman n’atteigne à la forme définitive au début de 1913, Alain-Fournier est passé par maints tâtonnements au cours des huit années précédentes. Ses manuscrits en témoignent, composés de notes rapides, de plans, de fragments de journal ou de lettres, d’ébauches, de reprises. Ni le manuscrit définitif du roman, ni le dactylogramme ne sont parvenus jusqu’à nous ; il parut d’abord dansLa Nouvelle Revue Française sur les cinq numéros publiés de juillet à, avant d’être publié parÉmile-Paul à la fin d’, quelques jours avant la parution du premier volume d'À la Recherche du temps perdu deMarcel Proust,Du côté de chez Swann.
Avant même l’achèvement duGrand Meaulnes, Fournier avait entrepris l’écriture d’un second roman, qu’il voulait appeler « Colombe Blanchet », inspiré par les compagnonnages et l’atmosphère de sa période de garnison à Mirande : il espérait le terminer à la fin de 1914, mais la guerre l’en empêcha. Il en reste aujourd’hui sept chapitres inachevés et quelques esquisses et notes, qui ont été publiés en 1990. Au mois de, Simone l’avait pressé d’écrire une pièce de théâtre, et il avait, en une nuit, jeté sur le papier une ébauche de scénario en trois actes qu’il avait intitulée « La Maison dans la forêt », où passe le souvenir du conteBoucles d'or et les Trois Ours ; mais il abandonna bientôt ce projet pour reprendre celui de « Colombe Blanchet ».
De son arrivée à Paris en 1898 à sa mort Alain-Fournier a entretenu une abondante correspondance, d’abord avec ses parents et sa sœur, puis avec ses condisciples du lycée Lakanal,Jacques Rivière surtout, qui deviendra son beau-frère – près de 370 lettres échangées en dix ans — etRené Bichet — « le Petit B. » — le peintreAndré Lhote,Charles Péguy, son aîné de treize ans, et enfin Madame Simone, les trois dernières années. Elles ont été presque entièrement publiées par sa sœur et son neveu et couvrent huit volumes. La correspondance avec Jacques Rivière, en particulier, a nourri des générations de lecteurs et d’écrivains, deSimone de Beauvoir àGuy Debord, car elle donne un aperçu saisissant de la vie littéraire de laBelle Époque. Alain-Fournier fut également, trois ans durant, un chroniqueur littéraire très apprécié, dansParis-Journal et dans d’autres revues de l’époque. Un choix de ses plus intéressants articles a été publié en 1990 par André Guyon sous le titreChroniques et critiques.
Sur les autres projets Wikimedia :