Al-Kawthar (arabe :سُورَةُ ٱلْكَوْثَرِ,français :L’Abondance) est le nom traditionnellement donné à la108esourate duCoran, lelivre sacré de l'islam. Elle comporte 3versets. Rédigée en arabe comme l'ensemble de l'œuvre religieuse, elle fut proclamée, selon la tradition musulmane, durant lapériode mecquoise.
Bien que ne faisant pas partie de la proclamation, la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourateL’Abondance[1], en référence au contenu du premier verset :« 1. Certes, Nous t'avons donné l'Abondance. ».
Les sourates de la fin du Coran[Note 1] sont généralement considérées comme appartenant aux plus anciennes. Elles se caractérisent par des particularités propres. Elles sont brèves, semblent issues de proclamations oraculaires (ce qui ne signifie pas, pour autant, qu’elles en sont des enregistrements), elles contiennent de nombreuxhapax[8]...
PourNöldeke et Schwally, la quasi-totalité des sourates 69 à 114 sont de lapremière période mecquoise.Neuwirth les classe en quatre groupes supposés être chronologiques. Bien que reconnaissant leur ancienneté, certains auteurs refusent de les qualifier de « mecquoise », car cela présuppose un contexte et une version de lagenèse du corpus coranique qui n’est pas tranchée. Cette approche est spéculative[8].
En effet, ces textes ne sont pas une simple transcription sténographique de proclamation mais sont des textes écrits, souvent opaques, possédant des strates de composition et des réécritures Cela n’empêche pas ces sourates de fournir des éléments contextuels (comme l’attente d’uneFin des Temps imminente chez les partisans deMahomet). Ces textes sont marqués par une forme de piété tributaire duchristianisme oriental[8].
PourNöldeke[Note 2],Schwally etBlachère, cette sourate date de la première période mecquoise. Certains exégètes considèrent qu’elle fait référence à la mort de l'un des fils deMahomet et qu’elle serait plus récente. Bell considère que la référence au sacrifice l’inclue dans les sourates médinoises. Pour certains auteurs, le début de cette sourate pourrait être perdu. Bell considère cette sourate comme un fragment, proposant qu’il est la suite du verset Q.74 :36[9].
Certains exégètes ont voulu rapprocher cette sourate d’épisodes de la vie de Mahomet. Cela ne va nullement de soi, cette sourate étant allusive et près d'un mot sur quatre qu'elle contient est unhapax. Pour Neuenkirchen, « il est facile de lui faire dire ce que l’on veut »[9].
De nombreux traducteurs, tout au long de l'histoire, ont été embarrassés par la traduction de cette sourate[10]. Deux interprétations traditionnelles principales de cette sourate existent. Soit elle parle d'un des fleuves du Paradis offert parAllah au prophèteMahomet le jour duJugement dernier — à la fin des temps, soit d'un « bien abondant » qui lui est donné. Bien que la première prévale, elle n'a, pourClaude Gilliot,« aucun fondement lexical ». Pour corriger cette incohérence, ce fleuve est parfois associé à des biens reçus en récompense comme lemusc.« L’imaginaire paradisiaque a vu le jour dans le milieu des sermonnaires et des combattants de la guerre sainte »,« on pouvait encore « broder » sur les traditions attribuées au Prophète »[10].
Alors que les traductionscanoniques deAl-Kawthar sont « abondance », « bienfait » ou encore « affluence » (dans celle deJacques Berque), ce terme est unhapax etLuxenberg y voit un terme d’originesyro-araméenne, et le traduit par « persévérance ». L'étude des autres mots ambigus de cette sourate lui permet d'y reconnaître une réminiscence de lapremière épître de Pierre (5, 8-9) de laPeshitta[11].
La tournure du premier verset de la sourate a permis àTheodor Nöldeke d'émettre l’hypothèse d'un début de sourate qui serait aujourd'hui perdu[12].
↑L’auteur précise que ces remarques, si elles sont dans une partie consacrée aux sourates 69 à 99, s’appliquent aussi aux sourates 100 à 114.
↑a etbLes islamologues ont utilisé plusieurs approches pour tenter de dater les différentes sourates duCoran. Paret etNeuwirth appartiennent à l’« école allemande » qui, à la suite deNöldeke, s’appuie sur la chronologie traditionnelle et sur un récit « laïcisé » des traditions musulmanes. Autrefois dominant dans lesétudes islamologiques, ce paradigme nöldekien n'est plus qu'« en partie présent ». Les auteurs duCoran des historiens appartiennent davantage à l’autre courant (dit « sceptique ») qui prend davantage en compte une critique des sources traditionnelles. Voir :Historiographie de l'islam et du Coran
↑G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianusno 95, 2011,p. 247-270.
↑E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorâns' Chronological Reordering »,Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008,p. 13.
↑ab etcG. Dye, « Introduction aux sourates 69-99 »,Le Coran des historiens, 2019,p. 1789 et suiv.
↑a etbP. Neuenkirchen, "Sourate 108",Le Coran des Historiens, 2019,p. 2257 et suiv.
↑a etbClaude Gilliot, « L’embarras d’un exégète musulman face à unpalimpseste. Māturīdī et la sourate de l’Abondance (al-Kawthar, sourate 108), avec une note savante sur le commentaire coranique d’Ibn al-Naqīb (m. 698/1298) » in R. Arnzen and J. Thielmann (Ed.).Words, texts and concepts crusing the Mediterranean area. Studies on the sources, contents and influences of Islamic civilization and Arabic philosophy and science. Dedicated to Gerhard Endress on his sixty-fifth birthday, Peeters, 2004p. 33-69[lire en ligne (page consultée le 29 juin 2024)]