Al-Kahf (enarabe :سُورَةُ ٱلْكَهْفِ, enfrançais :La Caverne) est le nom traditionnellement donné à la18esourate duCoran, lelivre sacré de l'islam. Elle comporte 110versets. Rédigée en arabe comme l'ensemble de l'œuvre religieuse, elle fut proclamée, selon la tradition musulmane, durant lapériode mecquoise[1].
Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique[2], la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourateLaCaverne, en référence à l'histoire racontée où plusieurs personnes se retrouvent enfermées durant un certain temps dans une caverne[3].
Cette sourate a été nommée par certains savants « l’apocalypse de l’islam ». Ce surnom vient du fait que les récits de cette sourate sont a-historiques[4]. Cette sourate de 110 versets est, à la différence des autres, principalement narrative, même si le caractère allusif des histoires a pu permettre de supposer qu’il s’agit davantage d’évocations. Elle peut être divisée en trois blocs : le premier consacré aux « gens (ou compagnons) de la Caverne » (v.9-26), le second à la figure deMoussa (Moïse) qui suit l'enseignement de l'énigmatiqueAl-Khidr (v.60-82), et le troisième àDhû-l-Qarnayn et sa lutte contreGog et Magog (v.83-102). D’autres plans ont été proposés[4].
La question de la cohérence de cette sourate s’est posée pour les chercheurs. Il existe un désaccord pour savoir si elle est une unité textuelle ou si elle est la réunion d’éléments séparés. Certains éléments paraissent, en effet, enleitmotiv dans le texte[4].
PourDye, ce récit est une« version coranique de la célèbre légende chrétienne desSept Dormants d'Éphèse ». Si différents éléments proviennent du récit chrétien, le Coran transmet des informations supplémentaires, en particulier sur l'espace du récit[11]. Reprenant la recherche de Van Bladel[12] de 2008, l'auteur cite la proximité avec laLégende syriaque d'Alexandre. Pour Stewart, « la mention des différents nombres de dormeurs et de leurs chiens suggère une connaissance de versions alternatives ou concurrentes de l'histoire »[11].
Pour Pregill, ce récit s'inscrit dans la réutilisation d'éléments de la littérature de l'Antiquité tardive et leur usage selon un message nouveau[11]. Pour Zellentin, tandis que le récit chrétien présentait la victoire duchristianisme sur lepaganisme romain, dans le Coran, le récit est utilisé pour présenter le triomphe de l'islam sur le christianisme[11].
Rippin s’interroge sur les versets 25 et 26 qui ne semblent pas « à leur place »[11]. De même, pour Stewart, certaines coupures ne correspondent pas à la rythmique originelle du texte[11]. Pour Younes, ces coupures peuvent être liées à deux couches rédactionnelles, la première présentant le récit, la seconde rajoutant une dimension moralisatrice. Pour Stewart, la forme de la langue utilisée dans le verset 25 suggère une forme sous-jacente dans une autre langue[11]. Toorawa remarque plusieurs hapax dans ce passage[11].
Pour plusieurs chercheurs, ce passage s'inspire d'un texte syriaque,La légende d'Alexandre tandis que les versets précédents (60-82) s'inspirent d'un autre texte syriaque postérieur, laChanson d'Alexandre[13]. PourChabbi, ce récit pourrait s'inspirer des homélies syriaques deJacques de Sarrudj (m.521)[14], attribution aujourd'hui « insoutenable »[15]. Ce texte date au plus tôt de 629-630 mais n'est connu vraisemblablement du monde musulman qu'après les conquêtes. Les versets précédents s'inscrivent, eux, dans un contexte de débats chez les chrétiens hors Arabie entre 630/640 et la fin duVIIe siècle[13]. Cet extrait illustre l'inscription du Coran dans le contexte de la littérature de l'antiquité tardive[16].
Pour Tesei, cette intertextualité est un exemple intéressant pour évoquer la question de la chronologie du Coran. En effet, la date de rédaction deLa légende d'Alexandre est plus tardive que celle donnée par la tradition musulmane et par les reclassements chronologiques du Coran pour la rédaction de la sourate[17]. Il n'est même pas exclu que la rédaction de cette sourate soit postérieure à la mort de Mahomet[18].
Observant une telle contradiction entre les traditions musulmanes et le texte coranique lui-même, Dye en tire la conclusion suivante que « le Coran n'a pas un contexte, mais plusieurs » qui vont jusqu'à l'époquemarwanide[13]. Tesei rappelle que « la tradition sur laquelle la chronologie de la sūra XVIII est établie semble être le résultat de spéculations rationnelles autour du texte du Coran, plutôt que l'enregistrement d'un événement historique. [...] A mon avis, c'est plutôt la dépendance de Q 18: 83-102 au texte syriaque qui permet d'invalider la datation traditionnelle [...]. Par conséquent, l'affaire présentée ici montre comment l'adoption sans critique d'une chronologie basée sur les récits traditionnels de la vie de Mahomet peuvent être trompeurs en ce qui concerne les possibles conclusions »[17].
Les musulmans estiment que la lecture des dix premiers versets de cette sourate permet de se protéger contre leDajjal (l'Antéchrist islamique) lorsqu'il apparaîtra vers lafin des temps[19].
↑En 2019, seuls deux ouvrages peuvent être considérés comme des commentaires scientifiques et continus du texte coranique. Il s'agit duCommentary on the Qur'an de Richard Bell publié en 1991 (aujourd'hui daté) et duCoran des historiens publié en 2019. L'ouvrage de Paret s'inscrit, avec ceux deBlachère, Khoury et Reynolds, dans un ensemble de traduction avecapparat critique. Voir :Sourate
↑G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus n°95, 2011, p. 247-270.
↑E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorâns' Chronological Reordering »,Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p.13.
↑abcdefghi etjM. Azaiez (Ed.), G.S. Reynolds (Ed.), T. Tesei (Ed.), et al. (2016).The Qur'an Seminar Commentary / Le Qur'an Seminar. A Collaborative Study of 50 Qur'anic Passages / Commentaire collaboratif de 50 passages coraniques. Berlin, Boston: De Gruyter., passage QS 20 Q 18:9–26
↑ab etc« Pourquoi et comment se fait un texte canonique : quelques réflexions sur l'histoire du Coran », dansHérésies : une construction d'identités religieuses, G. Dye, A. Van Rompaey & C. Brouwer,, p.69 et suiv..
↑JacquelineChabbi,Les Trois Piliers de l'islam. Lecture anthropologique du Coran: Lecture anthropologique du Coran, Le Seuil,(ISBN9782021231038,lire en ligne)
↑ClaudeGilliot, « Le Coran, production littéraire de l’Antiquité tardive ou Mahomet interprète dans le “lectionnaire arabe” de La Mecque »,Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée,no 129,,p. 31–56(ISSN0997-1327,DOI10.4000/remmm.7054,lire en ligne, consulté le)
↑G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianusno 95, 2011,p. 247-270
↑L'islam politique au sud du Sahara: identités, discours et enjeuxHommes et sociétés, Muriel Gomez-Perez, Muriel Gomez-Perez, KARTHALA Editions, 2005,(ISBN978-2-84586-615-7), 9782845866157