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| Aléxandros Schinás | ||
| Assassin | ||
|---|---|---|
Portrait d'Aléxandros Schinás paru dans le quotidien américainThe New York Times (). | ||
| Information | ||
| Nom de naissance | Αλέξανδρος Σχινάς | |
| Naissance | Vers1870 Serrès ouVólos (Empire ottoman) | |
| Décès | Thessalonique (Grèce) | |
| Cause du décès | Défenestration | |
| Nationalité | Grec | |
| Idéologie | Anarchisme | |
| Surnom | Alékos Schinás | |
| Sexe | Masculin | |
| Actions criminelles | Régicide | |
| Attentats | Assassinat de Georges Ier | |
| Victimes | 1 mort | |
| Arrestation | ||
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Aléxandros Schinás (engrec :Αλέξανδρος Σχινάς), souvent appeléAlékos Schinás (Αλέκος Σχινάς), né vers 1870 àSerrès ouVólos, enGrèce ottomane, et mort le àThessalonique, ville tout juste conquise par leroyaume de Grèce, est connu pour avoirassassiné, le à Thessalonique, le roiGeorges Ier de Grèce.
Les détails de la vie de Schinás avant l'assassinat ne sont pas clairs. Son lieu de naissance et sa profession ne sont pas confirmés. Selon ses propres dires, il aurait suivi desétudes de médecine puis pratiquécette discipline sans autorisation parce qu'il n'avait pas les moyens de financer undiplôme. Certaines sources contemporaines rapportent qu'il prônait l'anarchisme ou lesocialisme et qu'il dirigeait une école anarchiste qui a été fermée par legouvernement grec. Plusieurs années avant l'assassinat, Schinás aurait quitté la Grèce pourNew York, où il aurait travaillé dans deuxhôtels, avant de rentrer dans son pays en.
Le, quelques mois après laprise de Thessalonique à l'Empire ottoman au cours de lapremière guerre balkanique, et alors que le roi Georges Ier séjourne dans la ville, il croise le souverain lors de sa promenade habituelle et l'abat d'une balle dans le dos, avec unrevolver. Immédiatement arrêté puis torturé, Schinás déclare avoir agi seul, mettant son acte sur le compte d'un délire provoqué par latuberculose. Après six semaines de détention, il meurtdéfenestré, soit parsuicide, soit parmeurtre.
Diversement dépeint comme unmalade mental sans motivation politique ou comme un anarchiste, Aléxandros Schinás se décrivait lui-même comme un« socialiste ». Desthéories du complot, un temps relayées par les autorités grecques, ont affirmé qu'il avait agi en tant qu'agent étranger, mais aucune preuve n'est venue étayer ces théories.

On sait très peu de choses sur la vie d'Aléxandros Schinás avant qu'il n'assassineGeorges Ier de Grèce[1],[2]. Il naît vers 1870, apparemment àSerrès ou àVólos, alors toutes deuxsous le contrôle des Ottomans[3]. Il a deux sœurs, l'une plus âgée et l'autre plus jeune, et peut-être un frère nommé Hercule, qui tient unepharmacie à Vólos, où Schinás aurait travaillé comme assistant. Selon Schinás lui-même, il souffre d'une« maladie neurologique » non spécifiée à partir de l'âge de14 ans, et celle-ci commence à le« torturer » à l'âge de25 ans. Schinás déclare avoirétudié la médecine, possiblement à l'université d'Athènes où il a peut-être également étéinstructeur. Ne disposant pas des ressources nécessaires pour payer undiplôme, il quitteAthènes et accepte un poste d'enseignant àKlisoura. Après un conflit financier avec ses sœurs, Schinás démissionne et s'installe àXánthi, où il exerce lamédecine sans diplôme jusqu'à ce que les autorités l'arrêtent[4],[5].
La vie de Schinás après Xánthi fait l'objet d'une certaine controverse. Dans une interview accordée auNew York Times après l'assassinat duroi des Hellènes, leconsul général de Grèce à New York déclare que Schinás a ouvert une école à Vólos, le Centre des travailleurs, avec unmédecin et unavocat. L'établissement a cependant été fermé quelques mois plus tard, sur décision dugouvernement, pour« enseignement d'idées antigouvernementales ». Le médecin et l'avocat ont été condamnés à trois mois de prison mais, pour des raisons inconnues, Schinás n'a pas été sanctionné. Selon le consul général, au cours de cette période, Schinás s'est également porté candidat, sans succès, au poste dedéputé de Vólos à l'Assemblée nationale grecque[2],[6],[7],[8].
Le journal grecAtlantis, basé àNew York, conteste le récit du consul général en publiant une lettre d'une connaissance de Schinás affirmant que la personne qui s'est présentée aux élections à Vólos était unhomonyme. La lettre, dont la rédaction du journal a confirmé l'exactitude, conteste l'implication de Schinás dans l'école du Centre des travailleurs, écrivant :« Schinás n'avait rien à voir avec une quelconque école et n'avait aucunement l'intention d'entrer en politique. Il était connu comme un homme qui aimait l'isolement et sonjacquet. Il portait la barbe et étaitanarchiste. » Le fondateur du journal suggère que les histoires contradictoires sur Schinás pourraient être dues à la banalité de cenom de famille en Grèce et à l'existence probable de plusieurs personnes portant le nom d'Aléxandros (ou Alékos) Schinás[6].

Arrivé àThessalonique, alors toujours sousdomination ottomane, Schinás aurait été, selon lui, expulsé de la ville par lesJeunes-Turcs, en 1910, parce qu'il était« un bon patriote grec »[5],[9]. Leconsul général de Grèce à New York suggère une autre explication pour le départ de Schinás : il se serait soustrait à la police à la suite de la fermeture du Centre des travailleurs àVólos. La lettre publiée parAtlantis, quant à elle, indique que Schinás est parti en raison d'une querelle familiale avec son frère Hercule[6].
Desarticles de presse contemporains et des représentants dugouvernement grec rapportent que, dans les années précédant l'assassinat deGeorges Ier, Schinás vit àNew York, et travaille auFifth Avenue Hotel et auPlaza Hotel. Il étudie lesocialisme, fréquente des« cercles radicaux » dans leLower East Side et distribue des exemplaires de l'ouvrageMerrie England du socialiste anglaisRobert Blatchford à ses collègues duPlaza Hotel[7],[9]. Les sources le décrivent comme épousant des idées socialistes« étranges »[10] et« incompréhensibles »[11] et développant un mépris général pour les gouvernements, surtout lamonarchie[2],[12].
Cependant, aucun document n'atteste de l'expulsion de Schinás de Thessalonique ou de son arrivée à New York en 1910. Les documents d'immigration font état de l'arrivée en 1905 d'un homme nommé Athanásios Schinás, qui aurait approximativement le même âge qu'Aléxandros Schinás à l'époque, mais il n'est pas certain qu'il s'agisse de la même personne. Contrairement aux informations évoquant son départ en 1910, un article publié en 1913 dansThe New York Times indique que Schinás était toujours enGrèce en 1911, précisant que, cette année-là, il a fait une demande d'aide gouvernementale auprès du roi, mais que sa demande a été rejetée et qu'il a été chassé par les gardes dupalais[10],[13]. Bien que l'on ne sache pas exactement quand, pourquoi, ni même s'il s'est installé à New York, Schinás est de retour en Grèce en[5],[9].

Selon la presse et legouvernement, environ trois semaines avant l'assassinat du roi, Aléxandros Schinás voyage d'Athènes àVólos, puis àThessalonique, probablement enmendiant et« subsistant presque entièrement avec du lait »[10]. Un diplomate grec déclare que Schinás vit alors« dans une auberge misérable, donnant deuxkurûş par jour pour dormir et dépensant deux autreskurûş pour sa nourriture »[10]. Selon leministre grec de la Justice, Schinás séjourne chez unavocat avant d'être mis à la porte à la suite d'un litige avec chantage[11]. Pendant sa détention, Schinás explique avoir contracté latuberculose dans les semaines précédant l'assassinat et que, quelques jours auparavant, il a souffert de« fortes fièvres » et de« délires » et a été pris de« folie »[5],[14].
Lorsque Schinás arrive à Thessalonique, en, le roiGeorges Ier y séjourne depuis plusieurs mois. Durant l'été 1912, en effet, laGrèce s'estalliée avec les autres royaumes balkaniques (Serbie,Monténégro etBulgarie) contre l'Empire ottoman[15]. Le, lapremière guerre balkanique est déclarée. Un des objectifs de la Grèce, dans le cadre de la « Grande Idée », est alors Thessalonique. Sous la direction du fils aîné du roi, lediadoqueConstantin, l'armée hellénique aconquis la ville début. Les Grecs ont accueilli la libération de Thessalonique dans la liesse. Le roi Georges Ier s'est précipité dans la ville, accompagné par sonPremier ministre,Elefthérios Venizélos, pour appuyer les revendications de la Grèce et organiser une célébration de la victoire devant coïncider avec son prochainjubilé d'or[16],[17],[18],[19],[20].

Se sentant de moins en moins vigoureux après presque50 ans de règne, le roiGeorges Ier profite de son séjour àThessalonique pour annoncer à safamille son intention d'abdiquer à l'occasion de son prochainjubilé d'or, qui doit avoir lieu au mois d'octobre. Le monarque explique alors que lediadoqueConstantin a désormais l'âge idéal et l'envergure nécessaire pour le remplacer[21].
Le, Georges Ier part se promener dans les rues de la ville, comme chaque après-midi depuis qu'il est arrivé à Thessalonique, au côté de sonaide de camp,Ioánnis Frangoúdis. Il s'y déplace presque sans aucune protection, exactement comme il le fait àAthènes, depuis le début de son règne. Contre l'avis de ses conseillers, le roi refuse de parcourir la ville avec un grand nombre de gardes ; seuls deuxgendarmes sont autorisés à le suivre à distance. Georges Ier et son aide de camp se baladent sur le port, près de laTour blanche, et discutent de la prochaine visite du roi sur lecroiseur de bataille allemandGoeben[7],[22],[23],[24],[25]. Aléxandros Schinás croise leur route à l'angle des ruesVasilíssis Olgas etAgía Triáda[26].
Vers17 h 15, Schinás tire dans le dos du roi,à bout portant, avec unrevolver[7],[18],[23],[27],[28]. SelonThe New York Times, Schinás s'était« caché » et s'est« précipité » pour tirer sur le roi[26]. Une autre version le décrit sortant d'un café turc appelé lePasha Liman,ivre et« en haillons », et tirant sur Georges Ier alors que celui-ci passait près de lui[22],[29]. La balle transperce le cœur du roi, qui s'effondre. Le monarque est alors emmené encalèche à l'hôpital militaire le plus proche, mais il meurt avant d'y parvenir, à l'âge de67 ans[30].
Schinás ne tente pas de s'échapper et est immédiatement appréhendé par Ioánnis Frangoúdis[27],[31]. Des gendarmes supplémentaires arrivent peu après d'un poste de police voisin. Schinás aurait demandé aux officiers de le protéger de la foule qui l'entourait[32]. Le princeNicolas est rapidement prévenu de l'événement et c'est lui qui fait parvenir la nouvelle du décès de Georges Ier aux autres membres de lafamille royale[33].
Conscient que l'assassinat du roi dans une ville largement peuplée deSlaves pourrait raviver les tensions avec laBulgarie,qui lorgnait également Thessalonique, legouvernement refuse d'abord tout motif politique aurégicide et présente Schinás comme un déséquilibré ivrogne[34],[35]. Les autorités tentent par la suite de faire croire à unagent agissant pour le compte de l'étranger (la Bulgarie, l'Allemagne ou l'Empire ottoman), sans toutefois apporter de preuve à leurs allégations[36].

Torturé et contraint de subir des examens pendant sa détention[18],[32], Aléxandros Schinás ne désigne aucun complice[2],[32]. Selon le journal grecI Kathimeriní, il aurait déclaré à la reineOlga, veuve de Georges Ier, lors d'un entretien privé, avoir agi seul[37].I Kathimeriní rapporte également que Schinás aurait fait des dépositions après son arrestation, mais que leurs transcriptions ont été perdues dans un incendie à bord du navire qui les transportait auPirée[37].Interviewé en prison par unjournaliste, il nie par ailleurs toute préméditation[a] et attribue son acte à des« délires » provoqués par latuberculose[38].
Le, soit six semaines après son arrestation, Aléxandros Schinás meurt en sedéfenestrant du bureau dujuge d'instruction de la gendarmerie deThessalonique[35],[38],[34]. Les autorités déclarent que Schinás, qui n'était pas menotté, a profité d'un instant de distraction de ses gardes pour courir et sauter par la fenêtre, faisant une chute de neuf mètres. Certains supposent que Schinás s'estsuicidé pour éviter d'endurer d'autres actes de torture et une mort lente due à la tuberculose, mais d'autres suggèrent qu'il aurait été jeté par la fenêtre par les gendarmes, peut-être pour le faire taire[7],[18],[22],[32],[39],[40]. Après sa mort, son oreille et sa main sontamputées et utilisées pour l'identification, puis conservées et exposées aumusée de criminologie d'Athènes[32].

Bien qu'il soit considéré comme l'un des plus célèbres assassins anarchistes du début duXXe siècle, commeLuigi Lucheni (assassin de l'impératrice Élisabeth d'Autriche) ouLeon Czolgosz (assassin du président américain William McKinley), le profil d'Aléxandros Schinás reste imprécis[41]. Après lemeurtre de Georges Ier, legouvernement refuse dans un premier temps d'attribuer un motif politique au geste de Schinás et le décrit comme un être de« faible intelligence », un« criminel dégénéré » et« victime de l'alcoolisme »[23],[42]. Ce« récit étatique » devient la version communément admise du profil de Schinás, alcoolique etsans-abri, et l'assassinat du roi est alors attribué à unemaladie mentale, sans motivation politique[28],[32],[39],[43].
D'importantesthéories du complot, un temps relayées par les autorités grecques elles-mêmes[36], ont suggéré que Schinás était unagent au service desOttomans, desBulgares ou desnationalistes macédoniens pour des raisons politiques ou de laDuplice (alliance de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie) pour des raisons dynastiques[b],[14],[22],[28],[35]. Cependant, aucune preuve n'est venue étayer ces théories[18] : l'assassinat n'est revendiqué par aucun groupe nationaliste[22] ; les historiens notent que l'attentat contre le roi a déstabilisé la« paix délicate et durement gagnée » entre les Grecs et les Bulgares[14] ; finalement, le fait que Georges Ier avait déjà décidé d'abdiquer en faveur de son fils aînéConstantin lors de son prochainjubilé d'or rendait inutile toute intervention de la Duplice visant à favoriser l'avènement au trône dudiadoque[28],[44].
Lors de l'interview réalisée en prison, lejournaliste pose la question« Êtes-vous anarchiste ? » à Aléxandros Schinás, qui répond[5] :
« Non, non ! Je ne suis pas anarchiste, mais socialiste. Je suis devenu socialiste lorsque j'étudiais la médecine à Athènes. Je ne sais pas comment. On devient socialiste sans s'en rendre compte, lentement (un pas après l'autre). Tous les gens qui sont bons et éduqués sont socialistes. La philosophie de la médecine, pour moi, c'était le socialisme. »
D'autres théories sur les raisons de l'assassinat voient le jour, comme le fait qu'il s'agissait d'une vengeance contre le roi pour avoir refusé la demande d'aide gouvernementale de Schinás en 1911, ou que ce dernier aurait perdu un important héritage sur le marché boursier grec, qu'il était en mauvaise santé et découragé avant l'attentat[2],[45]. Un article paru dansThe New York Times en 1914 et présentant les assassinats politiques récents ne cite pas Schinás parmi les« anarchistes qui croient aux tactiques militantes », mais il décrit l'assassin de Georges Ier comme« un Grec nommé Alékos Schinás qui était probablement à moitié dément »[46].
Pour autant, auXXIe siècle, Schinás reste généralement présenté comme un anarchiste aux revendications politiques[2],[7],[23],[27]. En 2014, néanmoins, Michael Newton nuance cette version, décrivant la torture subie par Schinás durant sa détention comme ayant produit« une confession confuse qui mélangeait des sentiments anarchistes avec une affirmation selon laquelle il avait tué le roi parce qu'il refusait de lui donner de l'argent »[18]. En 2018, Michael Kemp exprime également des doutes quant à son affiliation à l'anarchisme et à lapropagande par le fait[47], notant que les termes« socialisme » et« anarchisme » étaient à l'époqueutilisés de manière interchangeable et que les rapports selon lesquels Schinás aurait sollicité une aide gouvernementale ou investi sa fortune dans un marché boursier ne soutiennent pas les thèses selon lesquelles il était socialiste ou anarchiste[12],[c]. Michael Kemp écrit ainsi :« Plutôt que de faire partie d'une conspiration plus large, qu'elle soit politique ou étatique, Aléxandros Schinás était peut-être simplement un homme malade (à la fois mentalement et physiquement) cherchant à échapper aux dures réalités du début duXXe siècle[48]. »
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