« Si quelqu'un a acheté ou reçu en dépôt de l'argent ou de l'or, ou un esclave ou une esclave, ou un bœuf ou un mouton ou un âne ou quoi que ce soit de la main du fils de quelqu'un ou de l'esclave de quelqu'un sans témoins ni convention écrite, cet homme est un voleur, il sera mis à mort. »
L'influence mutuelle du sumérien et de l'akkadien a conduit des savants à les décrire comme formant uneaire linguistique. C'est pourquoi l'akkadien, tout en reprenant les principales caractéristiques des langues sémitiques, présente plusieurs traits morphologiques qui l'en distinguent ainsi qu'un vocabulaire très vaste, emprunté en partie au sumérien mais aussi à d'autres langues, avec lesquels ses locuteurs ont été en contact au cours de ses nombreux siècles d'existence (hourrite,amorrite,araméen, etc.).
L'akkadien est une langue ou plutôt un ensemble de langues qui appartiennent au rameau oriental des langues sémitiques. Son originalité par rapport à cettefamille tient surtout à ses contacts prolongés avec lesumérien, unisolat linguistique parlé dans le Sud de la Mésopotamie auIIIe millénaire av. J.-C., avec lequel il a formé à cette époque uneaire linguistique.
Les différentes variantes de l'akkadien sont attestées par de nombreux textes écrits en cunéiforme. Les deux plus importantes, l'assyrien et lebabylonien, sont pratiquées à partir du début duIIe millénaire av. J.-C. et pendant environ 1 500 ans. Elles présentent une longue séquence permettant de distinguer plusieurs stades de la langue. En fait, ces deux variantes présentent suffisamment de différences pour que l'on puisse les considérer comme deux langues différentes, relevant du groupe est-sémitique, même si elles ont connu des évolutions similaires en raison de leurs contacts permanents[2].
Des inscriptions en akkadien ont également été trouvées en dehors de la Mésopotamie, ce qui s'explique par l'influence culturelle de cette dernière sur les régions voisines. Il s'agit alors d'un « akkadien périphérique », qui reprend divers aspects des langues parlées par les scribes de ces contrées (hourrite,langues cananéennes).
L’akkadien est la plus anciennelangue sémitique connue. Elle est attestée par des mots en akkadien ancien (surtout des noms de personnes) trouvés dans des textes sumériens du milieu duIIIe millénaire av. J.-C. ; il s'agit surtout de tablettes cunéiformes provenant dessites archéologiques deFara et d'Abu Salabikh, et aussi de divers textes légaux enregistrant des ventes de champs (v. 2600-). Des textes plus anciens écrits en sumérien sont soupçonnés de contenir des mots venant de l'akkadien, mais cela est débattu[3].
Par ses origines, l'akkadien présente donc les traits caractéristiques des langues sémitiques, ce qui a facilité son déchiffrement au milieu duXIXe siècle. Sa phonologie est similaire à celles des autres langues du groupe, quoique simplifiée, avec la présence de plusieurs triplets de consonnes sourdes/sonores/emphatiques (k/g/q, t/d/ṭ). Sa morphologie repose comme les autres langues sémitiques sur la présence de racines consonantiques dont la séquence est invariable et permet de former la plupart des mots. L'exception est celle des mots ayant une origine plus ancienne, comme ceux désignant les pronoms personnels, les parties du corps (iznu(m), « oreille »), les éléments (mû, « eau ») ou certains animaux (kalbu(m), « chien »). La présence de trois cas et de trois nombres (singulier, pluriel, duel) est également une caractéristique des langues sémitiques qui ont conservé des traits anciens. Le fait que les verbes se conjuguent en fonction de leuraspect« accompli » ou « inaccompli » est caractéristique des langues sémitiques. Le fait que l'akkadien ait également un aspect appelé parfait, absent dans les autres langues sémitiques, pourrait être un héritage du proto-sémitique, qu'il aurait été le seul à préserver, voire de l'afro-asiatique originel (on trouve un aspect similaire dans leslangues berbères). Un autre trait de l'akkadien absent des autres langues sémitiques et qui peut remonter à l'afro-asiatique est le fait que l'inaccompli y est marqué par le redoublement de la seconde consonne de la racine[6].
Un autre trait marquant dans la constitution de l'akkadien est lié non pas à ses origines, mais à son évolution après sa séparation d'avec les autres langues sémitiques. Lorsque ses locuteurs se sont installés en Mésopotamie méridionale, auIIIe millénaire av. J.-C., ils sont entrés en contact durable avec des peuples parlant une autre langue, lesumérien, unisolat linguistique du pays deSumer, l'extrême-Sud de la Mésopotamie. Les origines et l'extension géographique de ces populations sont obscures. Quoi qu'il en soit, les locuteurs des deux langues ont manifestement cohabité dans cette région pendant plusieurs siècles, avant même les premières traces écrites de l'akkadien. Ils ont vécu en relation étroite, participant conjointement au développement de la brillante civilisation de cette période. L'influence de l'akkadien sur le sumérien est également non négligeable. On a pu parler à ce propos de l'existence d'une « aire linguistique suméro-akkadienne »[7]. Cela explique pourquoi, par bien des aspects, l'akkadien se distingue des autres langues sémitiques. Le résultat le plus visible de cette cohabitation est le fait que l'akkadien soit la seule langue de son groupe à placer le verbe à la fin des propositions, dans l'ordre sujet-objet-verbe (SOV), similairement au sumérien. Les autres langues sémitiques anciennes suivent plutôt l'ordre verbe-sujet-objet (VSO), mettant en tout cas l'objet en position finale. Cette analyse a été contestée, car la plus ancienne langue sémitique connue après l'akkadien est l'éblaïte, qui présente aussi une syntaxe SOV (mais aussi VSO), alors que la syntaxe SOV est courante dans les langues du Proche-Orient ancien, et pourrait donc être une caractéristique « aréale » partagée par ces langues non apparentées, à la suite de contacts entre elles. La présence de modes verbaux comme le ventif et l'optatif en akkadien semblent être également des emprunts au sumérien. La simplification de la phonologie de l'akkadien, avec la perte de plusieurs consonnes par rapport au proto-sémitique, pourrait être une conséquence de ces contacts, de même que l'introduction de la voyelle /e/. De nombreux mots akkadiens sont hérités du sumérien (environ 7 % selon une estimation d'Edzard). On les repère généralement par le fait que leur consonne finale, qui précède la désinence casuelle, est doublée lors du passage à l'akkadien. Par exemple, le mot sumérien dub-sar, « scribe » (littéralement « tablette-inscrire »), devienttupšarru(m) ; de même, é-gal, la « grande maison », c'est-à-dire le « palais », donneekallu(m). Ces mots ne répondant pas au principe des racines des langues sémitiques, il est impossible de procéder dans les dictionnaires d’akkadien à un classement des mots en fonction de leur racine comme on le fait pour les autres langues sémitiques ; un ordre alphabétique est donc utilisé[8].
La plus ancienne forme de l'akkadien suffisamment documentée pour permettre d'en dresser un tableau grammatical satisfaisant est l'akkadien ancien, ou paléo-akkadien. On a longtemps regroupé sous cette dénomination toutes les formes de langues est-sémitiques attestées par des sources mésopotamiennes duIIIe millénaire av. J.-C. Mais depuis que leur diversité est mieux appréhendée, il est préférable de simplement nommer ainsi l'akkadien des textes de la période de l'empire d'Akkad (v. 2340-2150 av. J.-C.), qui est vraisemblablement une évolution du dialecte parlé dans la région deKish dans la région de la confluence duTigre et de laDiyala (où devait se trouverAkkad, la capitale de l'empire du même nom). Il s'est diffusé car il est la langue administrative de cet empire, le premier à unifier la Mésopotamie[9].
Après l'effondrement de l'empire d'Akkad, celui-ci est rapidement remplacé par un autre empire, celui de latroisième dynastie d'Ur (2112-), dont les rois privilégient la langue sumérienne. Des textes en akkadien sont néanmoins rédigés à cette période : on a longtemps considéré qu'ils portaient un dialecte dérivant de l'akkadien ancien, mais il semblerait qu'il s'agisse en fait d'une autre variante géographique, ancêtre du babylonien, plutôt répandue dans le pays de Sumer[10].
La chute de l'empire d'Ur est suivie par la constitution en Syrie et en Mésopotamie de royaumes fondés par des dynasties d'origineamorrite, un peuple parlant un langage ouest-sémitique (l'amorrite). Cette langue devient majoritairement parlée en Syrie et dans le Nord mésopotamien, où son influence ressort dans les textes rédigés en akkadien, et se diffuse également dans le Sud. Dans cette dernière région, le dialectebabylonien se constitue définitivement, sous la forme dite du babylonien ancien ou paléo-babylonien, qui est considérée par les chercheurs modernes comme une forme « classique » de l'akkadien (c'est celle qui est la plus enseignée), celle de lapremière dynastie de Babylone (1894-), qui voit également l'élaboration de la première forme d'akkadien littéraire employée dans les textes poétiques et épiques. Elle se présente en fait avec des variantes « provinciales » suivant le lieu d'exhumation des archives (en particulierMari,Suse,Alalakh, etc.), comportant notamment une influence des langues parlées dans la région (amorrite,hourrite). Pour le Nord, une forme distincte d'akkadien est attestée, celle de la cité d'Assur, l'assyrien ancien, documenté surtout par des archives laissées par les marchands de cette cité àKültepe enAnatolie. Il s'agit d'une langue plutôt proche de l'akkadien ancien, voire de l'éblaïte, donc de langues est-sémitiques du Nord, que du babylonien ancien[11].
La seconde moitié duIIe millénaire av. J.-C. est la période du babylonien moyen, ou médio-babylonien, qui correspond notamment à la domination de ladynastie kassite de Babylone (1595-). Dans le nord, où le royaumeassyrien se constitue dans la seconde moitié duXIVe siècle av. J.-C., c'est la période de l'assyrien moyen, ou médio-assyrien. L'akkadien, sous une forme babylonienne, est également répandu dans les textes de pays où l'on ne parle pas akkadien ; on parle parfois d'akkadien ou babylonien « périphérique ». C'est le cas dans les archives deNuzi, en Mésopotamie du Nord, région où dominent les locuteurs de la languehourrite, qui marque fortement l'akkadien rédigé par les scribes locaux (on parle d'« hourro-akkadien »). Des archives en akkadien « hourritisé » ont également été mises au jour àAlalakh. D'autres variantes périphériques du babylonien sont attestées dans des pays delangues sémitiques du Nord-Ouest, par les textes d'Ugarit, d'Emar et deCanaan (l'« akkadien cananéen » ; surtout connu par une partie deslettres d'Amarna). Le babylonien est également une langue internationale, qui sert pour les relations diplomatiques de l'époque. C'est pour cette raison que des fonds d'archives en akkadien ont pu être exhumés enÉgypte àTell el-Amarna et enAnatolie àHattusa, la capitale du royaume desHittites[12].
La fin duIIe millénaire av. J.-C. est une période de grands bouleversements dans tout leMoyen-Orient, durant laquelle la documentation écrite se fait très rare. Après cet âge obscur, la diffusion de l'akkadien écrit se réduit considérablement, pour se concentrer sur les deux régions de la Mésopotamie : l'Assyrie et laBabylonie. Les dialectes locaux évoluent progressivement vers des variantes appelées néo-assyrien et néo-babylonien. Du point de vue de la langue parlée, la première moitié duIer millénaire av. J.-C. est marquée par la diffusion d'une langue ouest-sémitique, l'araméen, qui devient progressivement la langue vernaculaire de l'Assyrie, et cela se ressent dans les textes néo-assyriens, très influencés par cet idiome. Ce dernier se diffuse également en Babylonie, où il interagit avec le néo-babylonien, les influences allant dans les deux sens. Du point de vue de la langue littéraire, cette époque voit la mise au point du « babylonien standard », langue des lettrés babyloniens, qui connaît des évolutions notables, témoignant d'une vitalité qui contraste avec le fait que le babylonien est de moins en moins parlé au quotidien[13].
Si l'assyrien a sans doute cessé d'être parlé dès la fin de l'Empire assyrien, en, le babylonien survit à la chute de l'Empire néo-babylonien en, lorsque les Perses achéménides envahissent la Mésopotamie. Avec eux, le rôle del'araméen est renforcé, puisqu'il devient la langue véhiculaire qui permet la communication entre les différentes parties de leur immense empire (on parle d'ailleurs d'« araméen d'empire »). Un signe du retrait du babylonien (dont la variante dialectale est dite « tardive ») en tant que langue parlée est le fait que les lettres privées rédigées dans cette langue se raréfient après Les textes juridiques en babylonien sont eux aussi de moins en moins nombreux dans les décennies suivantes. C'est dans le milieu des lettrés des temples babyloniens que cette langue survit et évolue. Cela est surtout attesté par les archives des temples deBabylone et d'Uruk, à l'époque de l'Empire séleucide (331-) et de moins en moins au début de l'époque de l'Empire parthe ( -). Le texte en babylonien le plus récent qui soit attesté date de Cette langue cesse d'être écrite sans doute au siècle suivant, longtemps après avoir cessé d'être parlée[14].
L'akkadien est connu par des tablettes d'argile écrites enécriture cunéiforme, une technique qui s'est développée à la fin duIVe millénaire av. J.-C., sans doute pour noter la languesumérienne. Ce système comprend pour partie des signes idéographiques, qui représentent un mot en entier, et des signes phonétiques, qui représentent des syllabes. C'est à partir de ces derniers que l'écriture s'est adaptée à l'akkadien, même si les idéogrammes furent toujours conservés. Le système resta relativement complexe, car il comportait de nombreux signes homophones (ayant une même valeur phonétique), et d'autres polyphoniques (ayant au contraire plusieurs valeurs phonétiques, et souvent également une ou plusieurs valeurs idéographiques)[15]. C'est pourquoi le signeAN peut d'une part être un logogramme pour le motīlum (« Dieu ») et, d'autre part, signifier le DieuAnu, ou même la syllabe [an]. En outre, le signe a été utilisé comme un déterminatif pour les noms divins.
L'écriture cunéiforme, créée plutôt pour rendre la phonologie et la grammaire du sumérien, est à bien des égards mal adaptée à l'akkadien : elle ne représente pas lesphonèmes importants deslangues sémitiques, y compris l'arrêt glottal. Elle ne distingue pas lesconsonnes pharyngales etemphatiques comme ṣ, ṭ et q et oblige à employer des mêmes signes pour noter des consonnes aux sonorités proches : le signe DUG peut transcrire le son [dug], mais aussi [duk] ou [duq] du fait de la proximité phonétique entre g, k et q, idem pour l'absence de distinction entre les syllabogrammes comprenant les consonnes s, ṣ et z. De la même manière, les signes comportant la voyelle [i] sont souvent également employés pour leurs équivalents avec la voyelle [e]. En outre, le cunéiforme ne note pas non plus les voyelles longues, ni les consonnes redoublées[16].
C'est grâce aux textes en écriture cunéiforme que la langue akkadienne a pu être redécouverte. Le déchiffrement du cunéiforme akkadien a été effectué dans le milieu duXIXe siècle, à partir des traductions de textes rédigés envieux perse, la langue des roisachéménides, surtout des textes trilingues comme l'inscription de Behistun qui met en parallèle une version en perse et une autre en akkadien. Une fois qu'il fut établi que le cunéiforme akkadien comprenait en majorité des signes syllabiques, l'IrlandaisEdward Hincks identifia des termes en langue sémitique, établissant ainsi que cet idiome appartenait à un groupe linguistique bien connu, ce qui facilita la suite des travaux. Ce furent les efforts conjugués de plusieurs savants, Hincks,Jules Oppert etHenry Rawlinson, qui permirent de vaincre les principales difficultés dans les années 1850[17].
La phonologie de l'akkadien est reconstituée à partir de l'analyse de son écriture cunéiforme, qui est toujours compliquée à manier, avec sa tendance à noter avec les mêmes signes plusieurs voyelles et consonnes aux sonorités voisines, en plus de la comparaison avec les langues sémitiques vivantes. Certainement, des incertitudes existent toujours, et la transcription des termes akkadiens rend mal la façon dont ils étaient prononcés dans l'Antiquité, d'autant plus que cette prononciation a dû varier fortement suivant les époques et les lieux et que de toute manière, le langage écrit devait différer du langage parlé. On ne peut donc pas restituer le parler des locuteurs des dialectes akkadiens.
Plusieurs phonèmesproto-sémitiques semblent perdus en akkadien : des 29 consonnes de la langue-mère seules 20 semblent subsister dans la langue-fille. L'influence du sumérien, dont la phonologie, bien que moins connue que celle de l'akkadien, était plus simple, a pu être alléguée pour expliquer cette réduction consonantique de l'akkadien[18]. Au niveau des semi-consonnes, seul l’aleph (’) reste présent tout au long de la période de documentation en akkadien, à l’état résiduel, et il intègre l’ayn (ˁ), leiod, leġayn, leh et leḥ. Lewav disparaît progressivement après le milieu duIIe millénaire. Leh de l’akkadien est une consonne dure, comme lajota espagnole, parfois écriteḫ ou transcritekh. Sinon cette langue a des emphatiques dek (q),t (ţ) ets (ṣ), et une chuintante,š. Laconsonne glottale proto-sémitique*ʼ et les fricatives*ʻ,*h,*ḥ sont donc perdues. Les interdentaires et lesconsonnes fricatives latérales alvéolaires sourde (*ś,*ṣ́) ont fusionné avec les sifflantes comme dans lecananéen. Le fait que l'écriture cunéiforme soit peu efficace pour rendre un système consonantique varié, en raison de sa tendance à employer les mêmes signes pour des consonnes aux prononciations voisines, pourrait amplifier cette impression de simplification, et il se pourrait que les formes anciennes de l'akkadien aient conservé davantage de consonnes issues du fonds originel proto-sémitique (*ḥ et*ʻ).
Le tableau suivant donne les consonnes distinguées dans l'utilisation de l'akkadien cunéiforme, et l'alphabet phonétique international donne la prononciation présumée selon Streck[19] Les signes suivants parenthésés sont les transcriptions qui sont utilisées dans la littérature. Cette transcription a été suggérée pour toutes leslangues sémitiques par laDeutsche Gesellschaft Morgenländische (DMG), et elle est donc appeléeDMG-umschrift.
↑a etbLes consonnes emphatiques akkadiennes sont reconstruits comme éjectives (Hetzron, Robert (1997) . "The Semitic languages ". Taylor & Francis, 1997. p8).
Selon Patrick R. Bennett, *š a été un alvéolo-palatine sans voix.
Une approche alternative à la phonologie de ces consonnes est de traiter *s *S commeaffriquées sourde [ts ts ˤ] *S comme fricativecoronale sans voix [s] et *z comme une affriquée coronale ou fricative [d͡z~z]. Dans cette veine, une autre transcription de *š est *s̠, avec le macron ci-dessous indique une articulation souple (Lenis) dans la transcription sémitique. L'assimilation est alors awat-su pour [awat͡su], ce qui est assez fréquent chez les langues[20].
Le tableau suivant montre les phonèmesproto-sémitiques et leurs correspondances avec l'akkadien, l'arabe et l'hébreu :
Les voyelles présentes sont lea, leu (ou), lei et lee. Les trois premières sont inhérentes à toutes les langues sémitiques, contrairement à la dernière, qui a sans doute été intégrée sous l'influence du sumérien. La présence d'uno a été proposée mais reste à démontrer puisqu'il n'y a pas de signe en cunéiforme l'indiquant clairement. Ces voyelles peuvent être allongées. Les voyelles longues sont conventionnellement distinguées entre celles l'étant par nature (ā,ū,ī etē) et celles l'étant par contraction de deux voyelles adjacentes (â,û,î,ê). Les diphtongues courantes dans les langues sémitiques sont réduites en akkadien et *baytum « maison » devient doncbītum en babylonien etbētum en assyrien. Parmi les autres originalités vocaliques de l'akkadien, par rapport aux autres langues sémitiques, se trouve la syncope vocalique : lorsque deux syllabes ouvertes, terminées par une voyelle courte, se suivent, la voyelle de la seconde syllabe disparaît :*parisū (pa-ri-sū) >parsū. Il y a également de nombreux cas d'harmonisation vocalique : lorsque deux syllabes comportant deux voyelles différentes se suivent, une des syllabes reprend la voyelle de l'autre par mimétisme : plutôt que d'avoir *bēlātum « les dames », on aurabēlētum en babylonien[21] ; cela est cependant absent de l'assyrien qui abēlātum, mais présente cependant des formes d'harmonisation vocaliques propres ou laa court d'une syllabe ouverte est assimilé par une voyelle qui suit (iṣbutū au lieu du babylonieniṣbatū)[22].
On ne sait rien sur l'accent tonique akkadien. Il y a cependant certains points de référence, comme la règle de la syncope vocalique et certaines formes ducunéiforme, qui pourraient représenter l'accentuation de certaines voyelles, mais toutes les tentatives d'identification d'une règle pour l'accent tonique ont été infructueuses.
Comme dans toutes les autres langues sémitiques, les mots, les adjectifs et les verbes akkadiens sont formés à la base par des racines consonantiques, dans leur immense majoritétrilitères. On les représente par les consonnes les constituant, qui se suivent toujours dans le même ordre : PRS, ŠPR, NDN, etc. Il existe quelques racines dites faibles, qui comptent une ou deux semi-consonnes (aleph,waw ouyod) ou une voyelle longue dans la racine : ’LK, (W)BL, KūN, etc. Les voyelles et les affixes ou encore le redoublement d'une consonne de la racine (la seconde, en général) permettent de constituer une grande variété de mots à partir de la racine. Par exemple, dans le cas de la racine LMD, qui renvoie à l'apprentissage, se formentilmad « j'ai appris »,talammadī « vous apprendrez »,limdā « apprenez ! »,ulammid « j'ai enseigné » (fait apprendre),lummudum (quelqu'un d')« instruit »,talmīdum « apprenti »[23].
Certaines formes courantes permettent ainsi de former des mots suivant des principes similaires à partir des racines :
La forme maPRaS peut ainsi exprimer l'emplacement d'un événement, la personne qui effectue l'acte et bien d'autres significations. Si l'une des consonnes radicales estlabiale (p, b, m), le préfixe devient na-(maPRaS >> naPRAS). Par exemple :maškanum (« entrepôt », « grenier ») de ŠKN (poser),mašraḫum (« éclat ») de ŠRḪ (« être splendide »),maṣṣarum (« gardiens ») de NṢR (« garder »).
Très semblable est la forme maPRaSt. Lesubstantif dérivé de cette formation nominale est grammaticalement féminin. Les mêmes règles que pour la forme de maPRaS s'appliquent, par exemplemaškattum (« dépôt ») de ŠKN (« poser »),narkabtum (« chariot ») de RKB (« chevaucher », « monter »).
Le suffixe -ūt est utilisé pour dériver des noms abstraits. Les noms qui sont formés avec ce suffixe sont grammaticalement féminins. Le suffixe peut être attaché à des noms, des adjectifs et des verbes, par exempleabūtum (« paternité ») deabum (« père »),rabutum (« taille ») derabum (« grand »),waṣūtum (« quitter ») de WṢY (« quitter »).
Comme noté ci-dessus, le principe des racines est limité en akkadien par les nombreux emprunts effectués par cette langue au sumérien.
En akkadien, la racine servant de paradigme, surtout pour les verbes, est PRS, qui signifie « trancher », « décider ».
Les substantifs de l'akkadien se rencontrent le plus souvent sous uneforme déclinée, comprenant deux genres, trois nombres et trois cas :
les deuxgenres grammaticaux sont le masculin et le féminin, avec de nombreuses formes féminines qui sont le produit des mots masculins, avec l'ajout de l'infixe-at- :šarrum « roi »,šarratum « reine ».
les trois nombres sont le singulier, leduel et le pluriel. Cependant, même dans les premiers stades de la langue, le nombre duel subsiste comme vestige, et son utilisation est limitée aux paires naturelles (mains, yeux, oreilles, etc.), et les adjectifs ne se trouvent jamais au duel.
Les trois cas sont lenominatif, pour le sujet (terminaison -u(m)), le génitif indiquant la possession et venant après les prépositions (terminaison singulier -i(m)), et l'accusatif pour l'objet direct notamment (terminaison -a(m)). Au pluriel, le cas est marqué par une voyelle allongée suffixée : -ū au nominatif,ī pour l'accusatif et le génitif, fusionnés dans un seulcas oblique[24].
Les nomsšarrum (roi),šarratum (reine) et l'adjectifdannum (fort) serviront à illustrer le système de l'article sur l'akkadien.
Cas
masculin
féminin
Substantif
Nominatif singulier
šarr-um
šarr-at-um
Génitif singulier
šarr-im
šarr-at-im
Accusatif singulier
šarr-am
šarr-at-am
Nominatif pluriel
šarr-ū
šarr-ātum
Régime pluriel
šarr-ī
šarr-ātim
Adjectif
Nominatif singulier
dann-um
dann-at-um
Génitif singulier
dann-im
dann-at-im
Accusatif singulier
dann-am
dann-at-am
Nominatif pluriel
dann-ūtum
dann-ātum
Régime pluriel
dann-ūtim
dann-ātim
Comme il ressort du tableau ci-dessus, les terminaisons de l'adjectif et des noms diffèrent au masculin pluriel (-ūtum, -ūtim). Certains noms, principalement relatifs à lagéographie, peuvent aussi former une terminaison locative en -um au singulier, et les formes qui en résultent sont adverbiales. Ces formes ne sont généralement pas productives, mais dans lenéo-babylonien, -um indiquant un locatif remplace plusieurs constructions avec la prépositionina.
Dans les derniers stades de l'akkadien, lamimation (terminaison-m) et lanunation (double final au duel-n) qui se produisent à la fin de la plupart des terminaisons des cas ont disparu sauf dans lelocatif. Plus tard, lenominatif et l'accusatif singulier des noms masculins se changent en-u et ennéo-babylonien. Comme la langue de contact la plus importante tout au long de cette période était l'araméen, qui n'a pas de distinctions de cas, il est possible que la perte des cas en akkadien était un phénomène superficiel et phonologique.
Les noms ont aussi :
unétat construit, qui consiste généralement en la chute de la désinence casuelle et qui sert à introduire un génitif direct (le génitif indirect étant introduit par la prépositionša) :šar mati(m) =šarru(m) ša mati(m) = « le roi du pays » ;
ainsi qu'unétat absolu, sans désinence casuelle, servant lorsque le nom n'est pas inclus dans une proposition, comme avec un sens vocatif :šar « ô roi ! »[25]
L’akkadien ne distingue pas en priorité letemps des verbes, qui décrit le passé, le présent, le futur, mais plutôt leur aspect, reposant sur l’état d’accomplissement d’une action selon qu'elle est finie (accompli), ou bien qu'elle est en train de se produire ou n’a pas encore eu lieu (inaccompli). Les temps/aspects principaux sont :
leprésent/inaccompli, décrivant le présent, le futur, ou un passé habituel, plus largement un procès non achevé au moment où l'on parle, qui se caractérise par le redoublement de la seconde consonne de la racine :arakkab « je chevauche/je chevaucherai/je chevauchais » ;
leprétérit/accompli, décrivant en général une action passée, ponctuelle, et morphologiquement simple :irkab « il chevaucha » ;
leparfait, forme spécifique à l'akkadien non attestée dans les autres langues sémitiques, exprimant un décalage entre deux actions, ou bien une action qui vient de s'achever, et qui est formé par l'infixe -ta- suivant la première lettre de la racine :artakab « je viens de chevaucher/j'ai ensuite chevauché »[26],[27].
Dans ces trois aspects et au thème de base (G, voir plus bas), lapersonne est marquée par un préfixe et parfois un suffixe[28] :
Le choix de la voyelle suivant la seconde consonne de la racine varie selon les verbes, qui sont regroupés en différentes classes : certains ont systématiquement une même voyelle (a, i ou u), d'autres alternent entre a à l'inaccompli et au parfait et u à l'accompli (classe a/u). Par exemple à la3e personne masculin singulier :
D'autres formes verbales communes aux autres langues sémitiques sont attestées en akkadien. Un premier groupe a pour point commun de servir à exprimer la volonté, en particulier :
l'impératif, exprimant un ordre, est morphologiquement très simple :rikab « chevauche ! »
leprohibitif exprimant la défense, marqué par l'usage de la particule négativelā :lā tarakkab « ne chevauche pas ! »
levétitif, exprimant un vœu négatif formé par l'accompli précédé de la particuleay ouē :ē irkab « puisse-t-il ne pas chevaucher ! »[29]
Les autres formes verbales sont les formes nominales, formées comme des substantifs normaux :
l'infinitif :rakābu(m) « chevaucher »
leparticipe désignant celui qui fait l'action :rākibu(m) « cavalier » (celui qui chevauche)
l'adjectif verbal décrivant la condition ou le résultat d'une action :rakbu(m) « chevauché »[26],[29].
Enfin, lestatif oupermansif ou encoreprédicatif sert à exprimer un état durable et est formé à partir de l'adjectif verbal, auquel est ajoutée une forme courte des pronoms personnels indépendants :rakbāku[30].
Voici un résumé des formes principales du thème de base ; les formes conjuguées sont à la troisième personne masculin singulier pour le verbeparāsu(m) (classe a/u, racine PRS) :
Les formes verbales présentées précédemment sont celles du thème de base, lethème G (de l'allemandGrundstamm), ou système I. Par l'adjonction d'infixes ou le redoublement de consonnes de la racine, l'akkadien, comme les autres langues sémitiques, constitue d'autres thèmes servant à apporter des nuances à l'action exprimée par le verbe :
lethème D (Doppelungstamm), ou système II, un emphatique et un factitif ; il est marqué par un redoublement de la deuxième consonne de la racine : accompliuparris « trancher continuellement »
lethème Š, ou système III est un causatif ; on ajoute un infixe constitué d’un –š- après le préfixe personnel : accompliušapris « il a fait trancher »
lethème N ou système IV, fonctionne comme une passif du système G/I ; on ajoute un infixe –n- après le préfixe personnel, qui disparaît souvent phonétiquement : infinitifnaprusum « être séparé »[26],[31].
Les systèmes Š et D se distinguent des G et N par le fait que les suffixes indiquant la personne comprennent la seule voyelle [u] et non par [a]et [i][28].
Voici le verbeparāsu(m) (racine PRS) à l'accompli/prétérit dans chacun des thèmes :
Deux « sous-thèmes » sont également formés par l'adjonction d'un infixe après la première consonne de la racine verbale : lesous-thème Gt, infixe -ta-, dont la signification est complexe, qui a souvent une valeur de réciprocité ou de réflexivité (Galākum « aller », Gtatlukum « s'en aller »), et lesous-thème Gtn, infixe -tan-, marquant un aspect répétitif (Gparāsum « trancher », Gtnpitarrusum « trancher sans cesse »)[31].
Thème
Verbe
Description
Correspondance
I.1
G
PaRiS
le thème simple, utilisé pour les verbes transitifs et intransitifs
L'akkadien comprend des trois modes grammaticaux[32] :
l'indicatif est le plus courant et ne comporte aucune marque morphologique distinctive.
lesubjonctif, ou subordinatif, intervient quand un verbe est dans une proposition subordonnée ; il est formé par l'adjonction du suffixe -u, mais le dialecte assyrien, qui utilise -ni, dans certains cas aux époques anciennes, puis systématiquement aux époques récentes[33]. Dans les derniers stades de la plupart des dialectes, le subjonctif est indistinct, comme de courtes voyelles finales étaient pour la plupart perdus.
leventif ouallatif intervient quand il y a un verbe de mouvement, à l'origine pour indiquer un mouvement en direction du locuteur, et il se marque en général par un suffixe -a(m) ou -ni(m) ; par exempleillik « il est allé » à l'indicatif etillikam « il est venu vers moi » au ventif.
L'akkadien comprend des pronoms personnels, parmi lesquels on distingue des formes indépendantes (anaphoriques et possessifs) et suffixées (possessifs accolés à un mot et compléments d'objet accolés à un verbe), et les pronoms adjectifs, tous indépendants (démonstratifs, interrogatifs)[34].
Les pronoms enclitiques des substantifs (ici formes génitives) s'ajoutent à ceux-ci pour exprimer la possession :bēliya =bēlu(m) « seigneur » + -ya « mon » = « mon seigneur ». Les pronoms enclitiques du verbe expriment un pronom personnel complément d'objet direct (accusatif) et indirect (datif) :izakkaršu(m) =izakkar « il dira » + -šu(m) « lui/cela » = « il le dira » ;ašpurku(m) =ašpur « j'ai écrit » + -kum « à toi » = « je t'ai écrit ».
L'akkadien possède des prépositions qui consistent principalement en un seul mot. Par exemple :ina (« dans », « sur », « à travers », « depuis », « à cause de »),ana (« à », « pour », « vers », etc.),adi (« jusqu'à »),aššu(m) (« à cause de »),eli (« sur », « dessus », « plus (que) »),ištu/ultu (« de », « à partir de », « depuis », « après »),mala (« autant que »),itti (« avec »),balu(m) (« sans »). Il y a, cependant, certaines prépositions composées qui sont combinées avecina etana ; par exempleina maḫar (« avant (quelqu'un) », « par devant », « face à »),ina balu (« sans »),ana ṣēr (« vers », « en présence de »),ana maḫar (« avant (quelqu'un) », « par devant »). Quelle que soit la complexité de la préposition, lesubstantif qui suit est toujours augénitif.
Exemples:ina bīti(m) (« dans la maison »),ana dummuqi(m) (« faire le bien »),itti šarri(m) (« avec le roi »).
Puisque les nombres sont écrits principalement comme un signe dièse dans l'écriture cunéiforme, la translittération des nombreux nombres n'est pas encore bien établie. Avec le nom compté, les nombres cardinaux sont à l'état absolu. Les nombres 1 et 2 et les nombres 21-29, 31-39, 41-49 correspondent au compté dans le genre grammatical, mais les nombres 3-20, 30, 40 et 50 montrent une polarité des sexes (si le nom est compté masculin, le nombre est féminin et vice-versa). Cette polarité est typique deslangues sémitiques et apparaît également en arabe classique, par exemple. Les nombres 60, 100 et 1000 ne changent pas selon le genre du nom compté. Plus de deux noms comptés apparaissent dans le pluriel. Toutefois, les parties du corps qui se produisent par paires apparaissent sous la double forme en akkadien :šepu(m) (pied) devientšepān (deux pieds).
Les ordinaux sont formés (avec quelques exceptions) en ajoutant une terminaison de cas à la forme nominale PaRuS (P, R et S. doivent être remplacés par les consonnes appropriées du nombre), mais dans le cas du nombre « un », l'ordinal (masculin) et le nombre cardinal ordinal sont les mêmes. Un métathèse se produit dans le nombre « quatre ». Le tableau suivant contient les formes masculines et féminines des états absolus de certains des nombres cardinaux akkadien et les ordinaux correspondants :
#
Nombre cardinal(masc.)
Nombre cardinal(fem.)
Congruence(accord du nombre avec le sexe)
Ordinal(masc.)
Ordinal(fem.)
1
ištēn
išteʾat, ištāt
(pas de polarité des sexes)
ištēn
išteʾat
2
šinā
šittā
(pas de polarité des sexes)
šanûm
šanītum
3
šalāš
šalāšat
(polarité des sexes)
šalšum
šaluštum
4
erbē
erbēt
(polarité des sexes)
rebûm
rebūtum
5
ḫamiš
ḫamšat
(polarité des sexes)
ḫamšum
ḫamuštum
6
šediš
šiššet
(polarité des sexes)
šeššum
šeduštum
7
sebē
sebēt
(polarité des sexes)
sebûm
sebūtum
8
samānē
samānat
(polarité des sexes)
samnum, samnûm
samuntum
9
tešē
tišīt
(polarité des sexes)
tišûm, tešûm
tišūtum, tešūtum
10
ešer
ešeret
(polarité des sexes)
ešrum
ešurtum
60
šūš
pas de distinction
100
meʾat,māt
pas de distinction
1000
līm
pas de distinction
Exemples :erbē aššātū (« quatre épouses ») (nombre au masculin),meʾat ālānū (« cent villes »).
À la différence des autreslangues sémitiques, qui ont une préférence pour la syntaxe en VSO (verbe puis sujet puis complément d'objet) ou, dans une moindre mesure, VSO (verbe-sujet-objet), l’akkadien a une syntaxe en SOV (sujet-objet-verbe), avec le verbe à la fin de la proposition, ce qui est manifestement un emprunt à la syntaxe dusumérien, langue qui suit cet ordre[36]. Parmi l'objet, le complément direct (accusatif) précède le complément indirect (datif/génitif). Par exemple :šarru(m) ekalla(m) ina āli(m) ibni = le roi (nominatif) + palais (accusatif) + dans la ville (génitif) + il a construit = « le roi a construit un palais dans la ville ».
L'akkadien rejoint en revanche les autres langues sémitiques dans son affection du recours aux phrases nominales. Ces derniers ne comportant pas de verbe mais juste un sujet, accompagné d'un prédicat, dans un ordre aléatoire. Cette forme n'existant pas en français, on la traduit en réintroduisant en général le verbe « être » :anāku šarru(m) rabū(m) = moi + roi + grand = « je suis un/le grand roi » ;šarrāku = roi + moi (pronom enclitique) = « je suis le roi ». Par ailleurs, l'infinitif, une forme nominale du verbe, est couramment employé dans des propositions et correspond à des propositions circonstancielles, précédé notamment par des prépositions (ana « pour »,ina « dans »,aššum « au sujet de », etc.) :ina āli(m) kašadi(m) « en atteignant la ville »[36].
La coordination (« et ») se fait par le biais de[36] :
la particuleu :šarru(m) u šarratu(m) « le roi et la reine »
ou l'enclitique -ma :allikam-ma āli(m) ibni « je suis venu et j'ai pris la ville »
Les propositions subordonnées sont introduites généralement par un pronom (souventša = « qui », « que »), et leur verbe est au mode subordinatif (il se termine par un préfixe spécifique, généralement-u, comme noté ci-dessus). Par exemple :ša naqba īmuru, kalāma ḫassu = qui + tout (acc.) + il a vu + subj. / la totalité (acc.) + sage/savant = « celui qui a tout vu, savant en toute chose (il sait tout) »[37]. Les propositions subordonnées relatives, gouvernées par un nom ayant la fonction d'antécédent et introduites là encore par le pronomša « qui », sont fréquentes :šarru(m) ša āla(m) iṣbatu « le roi qui a pris la ville ».
Les adjectifs, les propositions et les appositions relatives suivent le nom, et les chiffres précèdent le substantif compté. Dans le tableau suivant, la phrase nominaleerbēt šarrū dannūtu(m) ša āla(m) īpušū abuya : « les quatre rois puissants qui ont construit la ville sont mes pères » est analysée :
Le vocabulaire de l'akkadien est particulièrement vaste, documenté par de nombreuses sources réparties sur une longue période et sur un vaste espace. De ce fait, les sens de nombreux mots reste encore mal compris[38]. Des progrès considérables ont pu être accomplis lors de la rédaction de deux dictionnaires constituant des instruments de travail essentiels pour lesassyriologues, l'Akkadisches Handwörterbuch (AHw) de Wolfram von Soden[39] et l’Assyrian Dictionary de l'Université de Chicago (Chicago Assyrian Dictionary,CAD)[40].
Le vocabulaire akkadien est en grande partie d'originesémitique. Cependant, de nombreux éléments trouvés concernant son vocabulaire de base n'ont apparemment aucun lien avec leslangues sémitiques (ni avec le sumérien). Par exemple :maru(m) qui signifie « fils » (sémitique*bn),qātu(m) : « main » (sémitique *yd),sepu(m) : « pied » (sémitique*rgl),qabu(m) : « dire » (sémitique*qwl),ana : « pour » (sémitique*li).
En raison de nombreux contacts avec d'autres langues, sémitiques ou non, le vocabulaire akkadien a été enrichi de nombreux mots d'emprunt à ces langues, en particulier lesumérien au début de son existence et l'araméen vers sa fin, mais aussi lehourrite, l'amorrite, l'élamite, levieux-perse, legrec ancien, etc. Le tableau suivant contient des exemples d'emprunts en akkadien :
L'akkadien a été aussi une source d'emprunts pour d'autres langues, surtout le sumérien. Voici quelques exemples : sumérienda-ri (« durablement », de l'akkadiendaru), sumérienra gaba (« messager », de l'akkadienrākibu).
Sous lapremière dynastie de Babylone (1894-1595 av. J.-C.), l’akkadien est la langue dans laquelle sont conçues les grandes œuvres littéraires, religieuses, scientifiques, en lieu et place du sumérien qui est resté employé dans les écoles des scribes du Sud mésopotamien jusqu'auXVIIIe siècle av. J.-C.[41] On l’utilise pour les inscriptions royales, les textes mythologiques, les hymnes, les prières, les incantations, etc. Cette forme de l’akkadien présente des aspects particuliers, notamment de nombreux traits archaïsants, visant à lui donner un aspect vénérable, surtout sous la forme la plus recherchée, dite « hymnico-épique », qui a recours à beaucoup des expressions archaïsantes. L’akkadien littéraire a quelques originalités du point de vue phonologique : moins de contractions et d’harmonies vocaliques, chute de la voyelle finale des prépositionsina,ana eteli, qui deviennent proclitiques, l’état construit du nom a une finale en -u au singulier et au féminin pluriel, etc. On emploie aussi certaines tournures de langues plus souvent qu’en akkadien courant, comme le locatif ou le terminatif, et la syntaxe est plus lâche (le verbe n’est pas toujours à la fin de la phrase).
Lebabylonien standard est élaboré dans les cercles lettrés de laBabylonie dans les derniers siècles duIIe millénaire av. J.-C. (sa forme standard étant celle qu‘il prend dans l'Enuma Elish, couramment datée duXIIe siècle av. J.-C.) et définitivement constitué au début duIer millénaire av. J.-C.[42] Ce dialecte, qui se présente en fait sous plusieurs formes, se situe dans la droite ligne du paléo-babylonien littéraire, tant au niveau des sujets que les écrits qui sont faits dans cette langue qu’au niveau des particularités de celle-ci. S’il est généralement marqué par des tournures vieillies, le babylonien standard est aussi influencé par les formes vernaculaires de l‘akkadien qui lui sont contemporaines. Lamimation disparaît donc, le š précédant une dentale (d, t, ṭ) devient un l, etc. Du point de vue de la morphologie, les cas nominaux sont moins marqués (confusion entre le nominatif et l’accusatif), le ventif est très courant, sans avoir de fonction précise, les pronoms enclitiques -šu et -ša sont souvent confondus, les formes de l’état construit du paléo-babylonien littéraires sont reprises, etc.[43] Le babylonien standard est non seulement utilisé en Babylonie, mais aussi enAssyrie, les inscriptions royales néo-assyriennes étant écrites dans cette forme de l’akkadien, et non enassyrien (malgré la présence de quelques « assyrianismes »).