Agatha Christie est unefemme de lettresbritannique, autrice de nombreuxromans policiers, née le àTorquay et morte le àWallingford au Royaume-Uni. Son nom de plume est associé à celui de ses deux héros :Hercule Poirot, détective professionnelbelge, etMiss Marple, détective amateur. On surnomme Agatha Christie « la Reine du crime ». En effet, elle est l'une des écrivaines les plus importantes et novatrices dugenre policier. Elle a aussi écrit plusieurs romans, dont quelques histoires sentimentales, sous le pseudonyme Mary Westmacott.
Agatha Christie fait partie des écrivaines les plus connues au monde et elle est considérée comme l'autrice la plus lue de l'histoire dans le monde anglophone aprèsWilliam Shakespeare ; c'est aussi de très loin l'autricela plus traduite dans le monde[2]. Elle a publié 66romans, 154nouvelles et 20pièces de théâtre, ces œuvres ayant été traduites en plusieurs langues. La plupart des intrigues se déroulent à huis clos, ce qui permet au lecteur et à la lectrice d'essayer de deviner l'identité du coupable avant la fin du récit. La saveur de ses histoires réside dans la résolution de l'enquête, souvent improbable, prenant le lecteur ou la lectrice par surprise.
Agatha Mary Clarissa Miller est née le àTorquay, dans le comté deDevon, d'un pèreaméricain[note 1] courtier, Frederick Alvah Miller, et d'une mèrebritannique, Clarisse Margaret Boehmer, fille d'un capitaine de l'armée britannique et lointaine cousine par alliance des Miller[3]. Ses parents appartenant à laclasse moyenne supérieure donnent naissance à Margaret « Madge » Frary Miller (1879–1950), à Torquay où ils louent une maison, puis à Louis « Monty » Montant Miller (1880–1929), né àNew York où la famille s'est installée car Frederick y est pour ses affaires. Clara (abréviation affectueuse du prénom Clarisse) achète une résidence à Torquay, nommée « Ashfield », où naît leur troisième et dernière enfant, Agatha Mary Clarissa[note 2],[4].
Alors que son frère et sa sœur sont placés en pensionnat, ses parents lui offrent uneéducation à domicile soignée : sa gouvernante lui apprend l'écriture et son père l'arithmétique, puis c'est essentiellement sa mère qui s'occupe d'elle après la mort de son père survenue lorsqu'elle a onze ans[5]. Cette éducation lui permet d'écrire très tôt despoèmes, descontes et desnouvelles, encouragée par sa mère. Elle nourrit son imagination par des contes et poèmes puisés dans la bibliothèque familiale (notamment ceux deMary Louisa Molesworth(en),Lewis Carroll etEdward Lear[6]) et l'intérêt de sa mère pour les religions et l'ésotérisme, les enfants de cette dernière pensant qu'elle a le don de lire dans la pensée d'autrui[7]. Enfant enjouée mais timide et solitaire, qui passe beaucoup de temps avec ses animaux, elle raconte qu'un moment fort de son existence est d'avoir joué comme figurante dans une production théâtrale locale deYeoman of the Guard(en)[8].
En 1897-1898, la famille Miller vient passer six mois àPau, à l'hôtel Beauséjour. Une jeune gouvernante française, Marie Sigé, est recrutée pour s'occuper de la petite Agatha. Non seulement elle lui fait pratiquer son français, lui léguant pour toujours une petite pointe d'accent du sud-ouest, mais encore elles s'entendent si bien que Marie Sigé suit la famille pendant plusieurs années, àCauterets, à Paris, puis à Ashfield, en Angleterre[9],[10].
En1902, Agatha est inscrite pour la première fois dans une école à Torquay, laMiss Guyer's Girls School. En1906, sa mère l'emmène àParis pour finir ses études dans des maisons d'éducation françaises (chezMademoiselle Cabernet à Paris, puis auxMarronniers à Auteuil, enfin chezMiss Dryden à Paris qui fait office deFinishing School)[11]. Voulant embrasser une carrière d'artiste lyrique, Agatha y étudie notamment lechant et lepiano, mais son trac et sa timidité excessive auront raison de ses talents[12]. Aussi, elle regagne Torquay, station balnéaire où viennent se réfugier de nombreux Belges pendant laPremière Guerre mondiale. Elle reconnaîtra s'être inspirée, pour son personnage d'Hercule Poirot, plus particulièrement de réfugiés belges vivant dans une paroisse voisine après la Grande Guerre, de même que les paysages de sa région natale ont inspiré de nombreuses intrigues résolues par son détective belge[13].
Sa mère étant tombée malade, elles décident toutes les deux de passer des vacances auCaire au climat plus chaud en1910. Résidant pendant trois mois auGezirah Palace Hotel, Agatha — toujours chaperonnée par sa mère — passe surtout son temps à rechercher un futur époux (trouver un époux convenable est important pour cette jeune femme à l'éducation victorienne qui a vaguement un sentiment d’infériorité par rapport à sa grande sœur qui est belle et a épousé James Watts, un homme riche écrivant des livres publiés[14]), aussi montre-t-elle peu d'intérêt pour les visites d'antiquités telles que laGrande Pyramide de Gizeh[15]. De retour enGrande-Bretagne, elle participe à l'écriture et la réalisation de représentations théâtrales amateurs, aidant notamment quelques amies à mettre sur pied une pièce intituléeThe Blue Beard of Unhappiness. Elle écrit aussi de la poésie et des compositions de musique dont certaines sont publiées[16]. C'est aussi en1910, alors qu'elle est clouée au lit par une fièvre, que sa mère lui met d'autorité un carnet dans les mains et lui enjoint d'écrire une histoire : elle rédige ainsi sa première nouvelleThe House of Beauty qui a pour thème la folie et le rêve[17]. Elle poursuit l'écriture d'autres nouvelles commeThe Call of Wings etThe Lonely Petit qui illustrent son intérêt pour lespiritisme et leparanormal qu'elle tient de sa mère[18]. Elle les envoie à de nombreuses revues sous différents pseudonymes, mais tous ses premiers textes sont refusés, alors qu'ils seront tous revus et corrigés par la suite et publiés ultérieurement, parfois sous de nouveaux titres[19].
Sa sœur, qui lui a fait découvrir les énigmes bien ficelées deSherlock Holmes etArsène Lupin, la met depuis longtemps au défi d'écrire un roman policier auquel elle s’attelle alors : le premier d'entre eux,The Lonely Petit dont l'intrigue se passe au Caire. Elle l'envoie à divers éditeurs sous le pseudonyme de « Monosyllaba », mais là encore tous le refusent. Clara suggère alors à sa fille de demander conseil à un ami de la famille, l'écrivain à succèsEden Phillpotts[20]. Il l'encourage à persévérer et la recommande à son agent littéraire, Hughes Massie. Ce dernier, non convaincu par son roman, lui suggère d'en écrire un second[21].
Après plusieurs mois de « chasse au mari » au cours desquels elle entretient quatre relations successives, elle rencontre au cours d'un bal donné en1912 par Lord et Lady Clifford à« Chudleigh », le lieutenantArchibald Christie (1889-1962), séduisant aviateur appartenant auRoyal Flying Corps. Ils tombent rapidement amoureux et se fiancent. Son fiancé étant sur le point d'être appelé pour laPremière Guerre mondiale, elle l'épouse le jour de Noël. Elle conserve le patronyme comme nom de plume[22].
Durant laPremière Guerre mondiale, elle s'engage dans undétachement d'aide volontaire comme infirmière bénévole dans la mairie de Torquay transformée en hôpital de laCroix-Rouge, puis en 1916 comme assistante-chimiste dans une pharmacie d'un hôpital militaire et obtient son diplôme de pharmacienne en[23]. La préparation de nombreux remèdes pour les blessés lui permet de se familiariser avec lespoisons et autresdrogues qui apparaissent dans ses romans[24]. Pendant son temps libre, elle écrit son premier roman policier,La Mystérieuse Affaire de Styles, à la suite d'un pari avec sa sœur[25]. La lecture duMystère de la chambre jaune, deGaston Leroux, serait à l'origine de sa vocation[26]. De retour de la guerre, son mari Archibald Christie est promu colonel et affecté au Ministère de l'Armée de l'Air Rising. Le couple s'installe au5 Northwick Terrace dans le quartierSt. John's Wood du centre deLondres. Elle donne naissance à sa fille unique,Rosalind, le[27].
Son mari rencontre vite des difficultés financières, aussi voit-elle dans la publication de ses textes un moyen d'augmenter les revenus du couple[28].
En1920, elle trouve enfin un éditeur,Bodley Head, qui accepte de publier son premier roman,La Mystérieuse Affaire de Styles, où Hercule Poirot apparaît pour la première fois[29]. Naïve, ayant signé un contrat qui l'engage pour six romans tout en étant mal rétribuée, elle prend un agent, Edmunk Cork, qui le restera pendant toute sa carrière littéraire et la fera publier chez l'éditeurWilliam Collins, Sons[30]. Elle obtient d'abord un succès d'estime par ses nouvelles mais c'est en1926, avec la publication de son septième roman,Le Meurtre de Roger Ackroyd (8 000 exemplaires, ce qui est un succès de librairie pour l'époque), qu'Agatha Christie devient une des figures majeures duroman policier. Son succès est désormais assuré, grâce aux personnages deHercule Poirot et deMiss Marple. Ses ouvrages se succèdent ensuite au rythme d'un ou deux par an.
Article relatant la disparition de Christie àHarrogate.
En, sa mère meurt. Simultanément, son mari lui annonce son intention de divorcer. Il avoue avoir une maîtresse, qui est également une collègue avec qui il travaille dans la compagnie d'assurances.
Le, très affectée par la mort de sa mère et l'infidélité de son mari, Agatha Christie disparaît. Le lendemain, la police retrouve sa voiture, uneMorris Cowley, abandonnée près de l'étang deSilent Pool. La presse britannique s'empare alors de l'affaire : suicide d'une femme délaissée, meurtre commandité par son époux voulant retrouver sa liberté ou coup de publicité d'une romancière voulant renforcer le succès de ses livres, les hypothèses ne manquent pas. De gigantesques battues sont organisées le mardi 7 et dimanche dans les environs deNewlands Corner(en)[31], 15 000 bénévoles assistent la police dans ses recherches et les journaux promettent une récompense de 100 £[32].
L'Old Swan Hotel (anciennement Swan Hydropathic Hotel), où fut retrouvée Agatha Christie.
Elle est retrouvée douze jours plus tard dans le Swan Hydropathic Hotel, hôtel de la station thermale d'Harrogate, où elle s'était inscrite comme pensionnaire sous le nom de « Mrs Teresa Neele », du nom de la maîtresse de son mari[33]. Agatha Christie prétend alors ne se souvenir de rien et semble ne pas reconnaître son mari venu la chercher, épisode qui peut être interprété comme unedécompensation avec fugue amnésique et perte d'identité[34]. Elle ne s'expliquera jamais sur cette disparition rocambolesque[35],[36]. De nombreux témoignages semblent indiquer qu'elle a organisé cette disparition pour mettre dans l'embarras son mari, qui obtient le divorce en avant d'épouser sa maîtresse[37]. La thèse de la vengeance pour l'infidélité de son mari est aussi d'actualité[18].
Elle s'est moquée de l'incompétence de la police qui n'a pas pensé à interroger sa fille Rosalind que sa mère avait mise dans le secret pour ne pas l'inquiéter.On a aussi pensé que cette disparition était destinée à promouvoir le livre qu'elle venait de publier. Les ventes du livre ont effectivement fortement augmenté[38].
Sa disparition a inspiré des œuvres de fiction. Un manuscrit qu'elle aurait écrit pendant cette période est au centre d'une enquête du héros de bande dessinéeRic Hochet,Le Secret d'Agatha[39]. DansAgatha Christie mène l'enquête, un épisode de la série de science-fiction britanniqueDoctor Who, le Docteur etDonna Noble rencontrent l'écrivaine peu avant sa disparition, expliquée par un phénomène extraterrestre. Cet épisode a inspiré àFlorence de BaudusLe Secret d’Agatha[40], interprétation romancée développant la théorie d’un séjour secret au Touquet. L'intrigue du romanLes Apparences (Gone Girl, 2012) deGillian Flynn, adapté au cinéma en 2014 sous son titre originalGone Girl parDavid Fincher, contient de nombreuses ressemblances avec la disparition de la romancière[41]. L'épisode inspire aussi le roman deBrigitte KernelAgatha Christie, le chapitre disparu paru en 2016. La même année, dansAgatha, es-tu là ?,François Rivière et Nicolas Perge imaginentArthur Conan Doyle enquêter sur la disparition de sa consœur[42].La Mystérieuse Affaire Agatha Christie de Chantal van den Heuvel et Nina Jacqmin raconte cette aventure sous forme de BD[43]. La période de cette disparition est également au cœur de l'intrigue d'un téléfilm britannique de 2018,Agatha and the Truth of Murder(en), diffusé en France en 2021 sous le titre deLa Reine du crime présente : l'affaire Florence Nightingale, avecRuth Bradley dans le rôle de la romancière[44],[45].
En1930, lors de sa seconde croisière auMoyen-Orient, elle fait la connaissance de l'archéologueSir Max Mallowan (1904-1978) sur le site de fouilles d'Ur, en Mésopotamie. Ils sympathisent mais Agatha doit écourter sa visite et retourner en Angleterre en urgence, sa fille Rosalind ayant contracté une pneumonie. Dans la précipitation, elle se fait une entorse à la cheville et Max Mallowan se propose de la raccompagner. De retour en Angleterre, celui-ci décide de ne pas repartir immédiatement au Moyen-Orient, trouvant un poste auBritish Museum. Les deux amis se revoient régulièrement et lors d'un week-end à Ashfield, Max la demande en mariage. Agatha Christie hésite du fait de leurs nombreuses différences : de religion (il est catholique) et d'âge (elle est de15 ans son aînée)[46]. Elle finit par accepter et l'épouse discrètement en secondes noces le[47] à l'église Sainte-Colomba d'Édimbourg[31], se méfiant de la presse depuis l'affaire de sa disparition car cette dernière ne manquerait pas d'évoquer le mariage entre une anglicane divorcée et un catholique qui a décidé de se convertir à l'anglicanisme[35].
Pour son voyage de noces, le couple Mallowan se rend àVenise, àSplit (Yougoslavie) et enfin enGrèce[46]. ÀAthènes, Agatha est victime d'une sérieuse intoxication alimentaire, elle se retrouve seule alors que son mari Max doit retourner sur le site d'Ur. Elle ne peut pas le suivre, le directeur des fouilles Leonard Woolley et sa femme Catherine ne voulant pas de sa présence. Des années plus tard, par vengeance, elle s'inspirera de Catherine Woolley pour un personnage de son romanMeurtre en Mésopotamie (1936)[48].
Par la suite, elle accompagne son mari dans toutes ses campagnes de fouilles archéologiques : tout d'abord enIrak, àTell Arpachiyah, puis, après l'installation du couple en Syrie en raison d'une situation politique explosive, àChagar Bazar au printemps 1935 et àTell Brak au printemps 1936. Se découvrant alors une véritable passion pour l'archéologie, Agatha Christie participe activement aux campagnes de fouilles, nettoyant et restaurant les pièces découvertes. Elle réalise l'inventaire des pièces, les dessine et/ou les prend en photographie. Elle s'occupe aussi du ravitaillement du camp et est considérée comme à l'origine de l'atmosphère de sérénité et de convivialité propre aux campagnes des Mallowan. Au mois de, ils quittent la Syrie[48].
Agatha Christie entreprend d'écrire un ouvrage sur ces campagnes de fouilles, qu'elle publiera au printemps 1941 sous le titreDis-moi comment tu vis. Ses nombreux voyages au Moyen-Orient lui donneront aussi matière pour le cadre d'intrigues de quelques romans[27], et les mésaventures d'un voyage retour àLondres par l'Orient-Express, à Noël 1931, lui inspirerontLe Crime de l'Orient-Express[48].
Sa citation apocryphe« Un archéologue est le meilleur mari qu'une femme puisse avoir : plus elle vieillit, plus il s'intéresse à elle »[49] est en fait la formule d'un chroniqueur londonien,Beverley Nichols, qui l'a attribuée à Agatha Christie pour mieux se moquer d'elle[50].
En 1930, Agatha Christie décide de s'essayer au roman "pur" (non policier) et écritMusique barbare[48]. Dans le but de rester anonyme, de ne pas subir de pression critique ou d'éviter que cette expérience interfère avec ses œuvres "officielles", elle décide de signer son livre sous le pseudonyme de Mary Westmacott[46]. Elle réécrira cinq autres romans de genres différents sous ce pseudonyme[46]. Fin 1946, un critique américain révèle qui se cache derrière le pseudonyme, Agatha est déçue de ne plus pouvoir écrire sans subir la pression d'être Agatha Christie[51].
Elle participe à la création en 1930 duDetection Club, association rassemblant tous les plus grands auteurs britanniques de romans policiers. Elle co-écrit le romanL'Amiral flottant sur la rivière Whyn en 1931, et travaille sur le scénario de deux feuilletons télévisésThe Scoop etBehind the Screen[48].
Elle retrouve le théâtre en 1937 avec sa seconde pièceAkhénaton, traitant du pharaonéponyme. Passionnée d'Égypte, avant l'écriture, elle se documente beaucoup sur le sujet avec l'aide de l'égyptologueStephen Glanville. La pièce ne fut jamais jouée de son vivant, étant trop chère à produire selonJohn Gielgud, et fut donc publiée en livre en 1973. Ce n'est qu'en 1979 que la pièce sera montée àNew York. Cependant, sa nouvellePhilomel Cottage est adaptée au théâtre parFrank Vosper sous le titreLove from a Stranger. La première a lieu le au New Theatre de Londres suivie de 149 représentations, la pièce est jouée aussi à New York[48].
La maison Greenway en 2010
En1938, Agatha Christie décide de tourner la page : elle vend sa résidence d'Ashfield et acquiert avec son mari leGreenway Estate dans leDevon, s'en servant de résidence d'été. Les descendants d'Agatha Christie en feront don en 2000 à laNational Trust[50] qui l'ouvre au public qui peut ainsi pénétrer dans l'intimité de la « duchesse de la mort »[52]. Le couple Mallowan entreprend de grands travaux dans leur nouvelle résidence, mais est stoppé par des ennuis financiers et par laSeconde Guerre mondiale[46].
Le, l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne nazie. Max Mallowan,35 ans, s'engage dans la défense civile deBrixham, ne pouvant prétendre à plus sans formation militaire. Par ailleurs, son père estautrichien[46]. Voulant se rendre utile, Agatha Christie met ses compétences pharmaceutiques à disposition de l'hôpital deTorquay. En 1940, Max Mallowan est engagé àLondres comme secrétaire du professeur Garstang, ami et directeur de l'École britannique d'archéologie d'Ankara. Après avoir loué leGreenway Estate à une certaine Mrs Arbuthnot, Agatha Christie rejoint son mari dans la capitale. Les raids aériens allemands les obligent à changer plusieurs fois de logement. Ils finissent par s'installer dans un appartement deLawn Road après le bombardement de leur maison deSheffield Terrace. En, Max est admis dans le service deStephen Glanville au Ministère de l'Air. Sa connaissance de la langue arabe lui permet d'être envoyé auCaire comme Commandant[53].
Alors qu'elle vit désormais seule dans son appartement londonien, Agatha travaille comme préparatrice dans la pharmacie duUniversity College Hospital où elle parfait sa connaissance des poisons, éléments importants dans ses romans[54]. Cependant, ne supportant pas d'être éloignée de son mari, elle cherche par tous les moyens à le rejoindre : elle essaie par exemple de devenir correspondante de guerre pour la presse, ce à quoi l'Armée s'oppose. Elle participe aussi à un projet de théâtre pour les armées, mais cela s'avère inutile puisque Max revient de la guerre en. Après la démobilisation de celui-ci, le couple retourne s'installer dans leur maison de Greenway. La fin de la guerre marque aussi la fin des ennuis financiers pour Agatha Christie : elle reçoit enfin les gains de ses droits d'autrice aux États-Unis, bloqués au début de la guerre par le fisc américain[53].
Plusieurs autres événements importants ont lieu dans la vie d'Agatha Christie lors du conflit. En 1940, àDenbigh, elle assiste au mariage de sa fille Rosalind avec le fusiliergallois Hubert Pritchard. Le, Rosalind donne naissance à un petit garçon, Matthew, dans une clinique duCheshire. Malheureusement, le dernier évènement est plus tragique : Hubert est « tombé au champ d'honneur »[53].
La Seconde Guerre mondiale a eu une influence sur le travail littéraire d'Agatha Christie, sans en toucher la qualité. Premièrement, au début de la guerre, elĺe avait été approchée pour« s'occuper d'un travail de propagande » mais avait refusé, de peur de ne pas être à la hauteur. Pourtant, elle écrit le romanN. ou M. ? dans lequel elle dénonce lacinquième colonne et les partisans du régime hitlérien. Le magazineCollier's refuse même de publier l'histoire, trop partisane à son goût. Deuxièmement, avant le conflit, ses romans mettaient essentiellement en scène le personnage d'Hercule Poirot. Après 1939, elle ressort des enquêteurs qu'elle avait délaissés commeTommy et Tuppence Beresford, leSuperintendant Battle ou encoreMiss Marple pour laquelle elle écrit deux nouveaux romans. Elle écrit aussi des histoires dans lesquelles aucun de ses limiers n'apparait. Enfin, elle a un regain d'intérêt pour le théâtre, adaptant plusieurs de ses romans en pièces :Dix Petits Nègres (1943),Mort sur le Nil (1944) etRendez-vous avec la mort (1945)[53].
Durant la Seconde Guerre mondiale, Agatha Christie écrit deux œuvres fondamentales :Hercule Poirot quitte la scène etLa Dernière Énigme, mettant en scène la fin de ses deux grands détectivesHercule Poirot etMiss Marple. Elle écrit ces deux livres pour assurer des revenus à sa famille et pour éviter que d'autres écrivains créent une suite à ses personnages, dans le cas où elle ne survivrait pas au conflit. Le roman du détective belge est publié en 1975, un an avant le décès de sa créatrice, et celui de la vieille Anglaise en 1976, à titre posthume[46].
Après la guerre, le papier étant à nouveau disponible, les ventes de livres reprennent. Le cinéma, le théâtre et la télévision s'intéressent aux œuvres de la romancière. Mais, fin 1947, Max est nommé responsable de la chaire d'archéologie sur l'Asie Mineure à l'Université de Londres et doit diriger une nouvelle expédition. De 1953 à 1958, le couple mène des fouilles àNimrud (Irak), et Agatha Christie, proche de la soixantaine, y participe tout en continuant à écrire. À partir de 1951, ils font de grandes découvertes, mais en 1958 ils doivent quitter le pays à cause de la révolution après l'assassinat duroi d'IrakFayçal II[46].
Sur un plan plus privé, en 1949, sa fille Rosalind se remarie avec Anthony Hicks. Mais la mort de sa sœur Marge en 1951, puis celles de son premier mari Archibald Christie en et de son neveu Jack, viennent apporter une ombre au tableau. Elle assistera à nouveau à un événement heureux en 1967 lors du mariage de son petit-fils Mathew, diplômé du New College, avec Angela Mapes[46].
Dans les années 1950, le théâtre prend une place importante dans le travail d'Agatha Christie. En, sa pièce de théâtreLa Souricière (The Mouse Trap) est présentée pour la première fois àLondres et rencontre un succès grandissant. Le, elle participe à la 1998e représentation, ce qui en fait la pièce la plus longtemps jouée du théâtre britannique. Sa pièceTémoin à charge rencontre elle aussi un succès mondial : elle est donnée en àLondres, en àNew York et en àParis. Devant le succès de la pièce, une adaptation cinématographique est prévue, et en 1957 sortTémoin à charge deBilly Wilder, qui sera nommé six fois auxOscars. Sa troisième pièce à rencontrer le succès estLa Toile d'araignée, qui débute en et sera représentée774 fois[55]. En 1954, Agatha Christie devient alors la première femme à avoir trois pièces de théâtre en production simultanément dans leWest End de Londres[56].
Pierre tombale d'Agatha Christie et Max Mallowan à Cholsey
En 1953, ses anciens livres sont réédités. À partir de 1954, elle écrit à peu près un livre par an pour respecter le slogan de son éditeur :« A Christie for Christmas » (« Un Christie pour Noël »). En 1956, sort son dernier roman sous le pseudonyme de Mary Westmacott,Le Poids de l'amour (The Burden). Elle n'a plus besoin de garder un rythme de production élevé, et elle avoue préférer passer son temps libre à flâner dans les expositions, assister à des concerts et opéras, voire simplement à jardiner[55].
En 1955, elle fonde l’Agatha Christie Limited (ACL), société propriétaire de ses droits d'autrice détenue aujourd'hui à 36 % par sa famille et à 64 % par le groupeChorion, et qui reçoit plus de 300 demandes de licences par an[25], puis parAcorn Media Group.
Sleepe after toyle, port after stormie seas, Ease after war, death after life, does greatly please.
Temps de repos après tant de labeur, Havre de paix après les jours de tempête, Trêve bénie succédant à la guerre, La mort est douce après notre vie si âpre.[58]
En 1979, sortAgatha, un film deMichael Apted, inspiré de la vie d'Agatha Christie, et plus particulièrement de l'épisode de sa disparition mystérieuse en décembre1926. Dans ce film, c'estVanessa Redgrave qui interprète le rôle d'Agatha Christie.
Le manoir géorgien deTorre Abbey abritait une collection de manuscrits originaux d'Agatha Christie, exposant son fauteuil ainsi que sa machine à écrireRemington de 1937[13]. Cette collection a été transférée dans sa résidence de Greenway en 2008[59].
Agatha Christie est l'une des écrivaines les plus connues au monde si l'on considère le nombre de langues dans lesquelles son œuvre a été traduite (plus de 7 233 traductions, ce qui en fait l'autrice la plus traduite en langues étrangères selon l'Index Translationum[61]), et l'importance des tirages de ses romans qui en fait la romancière la plus vendue au monde selon leLivre Guinness des records[62]. Bien que ce type d'estimation soit toujours délicat (de 2,5 à4 milliards de livres vendus dans le monde[63], sachant qu'il s'en achète encore4 millions par an[25]), Agatha Christie est considérée comme l'autrice la plus lue de l'histoire chez lesAnglo-Saxons aprèsWilliam Shakespeare, seule la Bible dépasse son œuvre en nombre d'exemplaires vendus[35].
Agatha Christie a écrit 67 romans (dont 6 romances sous le pseudonyme de Mary Westmacott qui correspond à ses écrits les plus personnels), 190 nouvelles réunies en une quinzaine de recueils, 18pièces de théâtre (+ 5 adaptations par d'autres auteurs), quelques poèmes et une autobiographie[25] : autrice prolifique, elle écrit ses romans en six semaines en moyenne mais, de 1954 jusqu'à 1976, n'en publie que deux ou trois par an[18] dont un traditionnellement pour les fêtes de fin d'année, événement littéraire à l'origine du slogan de son éditeur : « a Christie for Christmas » (un Christie pour Noël)[64].
Une grande partie d'entre eux se déroule à huis clos, ce qui permet au lecteur ou à la lectrice d'essayer de deviner le coupable avant la fin du récit. Agatha Christie est une autrice importante dans le domaine du roman policier, autant sur le plan commercial qu'en raison des innovations qu'elle a introduites dans ce genre (violant les règles duDécalogue de Knox) bien que le dictionnaire de la littérature anglaise,The Oxford Companion to English Literature écrive que « son style est quelconque et ses personnages légers »[25]. N'hésitant pas à s'écarter des sentiers battus, elle donnait notamment à son lecteur et à sa lectrice un nombre d'indices suffisant pour résoudre l'énigme. Un de ses premiersromans,Le Meurtre de Roger Ackroyd, est célèbre pour la façon dont elle utilise lenarrateur pour créer la surprise finale. Avec plus de100 millions d'exemplaires, son romanIls étaient dix (Dix Petits Nègres), publié en1939, est, dans la liste des ouvrages les plus vendus au monde, le premier roman policier et le septième livre tous genres confondus[65].
L'universitaire Annie Combes analyse la construction des récits christiens selon quatre axes : la littérature du crime, la fabrique du récit, les répliques et les machines de l'écriture (avec des procédés d'écriture qui rapprochent Agatha Christie d'unRaymond Roussel ou d'unGeorges Perec et une capacité à construire des intrigues ingénieuses)[66]. De même l'universitaire et psychanalystePierre Bayard a soumis un roman notoire d'Agatha Christie à une analyse logique rigoureuse démontrant qu'Hercule Poirot est faillible et que la solution de l'énigme pourrait bien ne pas être celle que l'on croit[67].
Le monde d'Agatha Christie est en partie imprégné de laxénophobie et duracisme courants à son époque, de nombreux personnages christiens étant traités dejuifs ou d'étrangers avec un certain mépris. La romancière s'en défend en expliquant que ces personnages reflètent la mentalité des Anglais de l'entre-deux-guerres, mais Agatha Christie véhicule ses conceptions correspondant à son milieu culturel bourgeois et colonialiste[68],[69].
Depuis 2020, dans de nouvelles éditions publiées par la maison d'édition américaineHarperCollins, des passages originaux de certains romans d'Agatha Christie ont été retravaillés ou supprimés « par les services de « lecteurs sensibles » pour tenir compte des sensibilités modernes »[75]. Les versions numériques des nouvelles éditions consultées parThe Telegraph comprennent des dizaines de modifications apportées à des textes écrits entre 1920 et 1976, les expurgeant de nombreux passages contenant des descriptions, des insultes ou des références à l’appartenance ethnique, en particulier pour les personnages que les protagonistes de la romancière rencontrent en dehors du Royaume-Uni[75]. Ce n’est pas la première fois que les œuvres de Christie sont modifiées. En particulier, son romanDix Petits Nègres (1939) était devenuAnd Then There Were None[75] aux États-Unis à partir de 1940, puis au Royaume-Uni en 1985. Il a été renomméIls étaient dix dans la version française en 2020.
Hercule Poirot apparaît dans trente-trois romans et cinquante-deux nouvelles[25]. Il est l'emblème du village d'Ellezelles enBelgique où figure sa statue.
Ci-dessous les pièces de théâtre originales(les adaptations des romans en pièces, dont celles faites par Agatha Christie elle-même, sont listéesplus bas) :
Dans les années1910 et1920, Agatha Christie écrit plusieurs pièces de théâtre, dont les scripts, pour la plupart non datés, sont redécouverts par Julius Green au début duXXIe siècle :
Marmalade Moon, comédie. Il s'agit d'une version légèrement remaniée d'une pièce initialement intituléeNew Moon[83]
The Lie, vers1923, drame, aussi intituléThe Sister-In-Law[84]. D'après Julius Green, il pourrait s'agir de la pièce « parlant d'inceste » à laquelle Agatha Christie fait référence dans son autobiographie : en effet, la pièce met en scène un homme prêt à quitter son épouse pour sa belle-sœur : or, la loi britannique interdisait à l'époque à un homme divorcé de se remarier avec la sœur de son épouse, une telle union étant considérée comme incestueuse[85].
Dis-moi comment tu vis (Come, Tell Me How You Live,1946) Réédité sous le titreLa Romancière et l'Archéologue : mes aventures au Moyen-Orient (Come, Tell Me How You Live: An Archaeological Memoir).
1932 :The Wasp's Nest, adaptation par Agatha Christie de la nouvelleLe Guêpier (1928). La pièce ne sera finalement pas représentée en 1932, mais jouée en direct à la télévision en 1937[86] ;
1951 :Le Vallon (The Hollow), adaptation par Agatha Christie de son romanLe Vallon (1946) ;
1952 :La Souricière (The Mousetrap), adaptation par Agatha Christie de sa nouvelleTrois Souris (1948). C'est la pièce qui totalise actuellement le plus grand nombre de représentations consécutives au monde, plus de 23 000 depuis sa création dans leWest End deLondres.
1956 :L'Heure zéro (Towards Zero), adaptation parGerald Verner du romanL'Heure zéro (1944) ; bien que créditée comme co-adaptatrice de l'œuvre, Agatha Christie ne participa pas à cette dramatisation[89] ;
1956:Ainsi vont les filles, pièce de théâtre écrite dans les années 1930, publiée sous forme de roman en1952 ; la pièce est légèrement remaniée en vue de sa représentation en 1956[90] ;
De 1995 à 1997, les éditionsClaude Lefrancq sortent 5 albums dans la collection « Le Masque présente Agatha Christie », adaptés des romans de la reine du crime.
À partir de 2002,Emmanuel Proust Éditions rééditent ces cinq albums et poursuivent la collection « Agatha Christie » avec des inédits, portant celle-ci à 24 albums au début 2014.
En 2017, lesÉditions Paquet créent une collection Agatha Christie, qui compte cinq titres en :
2017 :Hercule Poirot - Le Crime de l'Orient-Express
2017 :Miss Marple - Un cadavre dans la bibliothèque
Blue plaque commémorant le lieu de naissance et d'enfance d'Agatha, la maison victorienne d'« Ashfield » à Torquay, détruite en 1962.Mémorial Agatha Christie à Londres (2013)
Pour célébrer le centenaire de la naissance d'Agatha Christie à Torquay (Devon), un buste en bronze à son effigie a été érigé en 1990 surPalk Street. Créé par la sculptrice néerlandaiseCarol Cairns(nl), il a été dévoilé en présence de Rosalind Hicks, la fille d'Agatha Christie[92].
À l'initiative de laTorbay Civic Society, une plaque commémorative (blue plaque) a été posée en 2007 à l'emplacement de son ancienne maison d'enfanceAshfield surBarton Road[93].
Lemémorial Agatha Christie(en) est situé à l'intersection deCranbourn Street etGreat Newport Street près deSt Martin's Cross près deCovent Garden, à Londres. L'idée de créer ce mémorial est venue et a été mise en œuvre par le petit-fils de Christie, Mathew Prichard. Le monument a été dévoilé le pour commémorer le soixantième anniversaire de la pièce de théâtreLa souricière[94].
↑Alain Babaud et Christine Rigollet (avec Alain Mercier et Cyril Pocréaux), « La ville [de Pau] et ses coulisses »,Le Point,(lire en ligne, consulté le)
↑Pierre-Olivier Julien, « L’enfance paloise d’Agatha Christie évoquée sur France 2 ce jeudi »,La République des Pyrénées,(lire en ligne, consulté le)
↑Femmes remarquables… Agatha Christie, Centre de documentation, bibliothèque et archives pour l'égalité des chances, le féminisme et les études féministes.
↑(en) « Modus Operandi », :« (Agatha Christie) told her sister Madge that she thought she could write a detective story (to which Madge replied « I bet you couldn't ») after they had finished reading The Mystery of the Yellow Room by Gaston Le Roux ».