Les Afrikaners proprement dits sont un despeuples de langue afrikaans, bien qu’ils soient à l’origine de l’introduction de cette langue en Afrique du Sud. On écrit encore parfoisAfrikaander ou plus rarementAfrikander. Ces termes utilisés dans cette langue et qui signifient littéralement « Africains » en afrikaans, désignent ainsi principalement les Africains blancs d’Afrique du Sud de langue maternelle afrikaans. On peut aussi les désigner par le terme « Hollandais du Cap » qui est plus précis que le terme « Afrikaner ». L'afrikaans est, avec l'allemand pennsylvanien (pennsilfaanisch) et l'allemand de Namibie, le néerlandais en Amérique et dans une mesure différente les diverses formes d'anglais, une deslangues de racine germanique parlées hors du continent européen.
Il s’agit là de la première marque de distinction entre lescolons afrikaners et ceux nés en métropole néerlandaise. Les premiers sont irrémédiablement attachés à l’Afrique et ne se reconnaissent plus dans les lointainsPays-Bas. Revendiquant une identité nationale distincte, lesBurghers (citoyens libres par opposition auxfonctionnaires de laCompagnie néerlandaise des Indes orientales) puis lesTrekboers (ceux s’éloignant du Cap), et enfin lesVoortrekkers vont s’enraciner dans la terre africaine et s’identifier à unegéographie précise au nom d'une identité nationale qui leur est propre. Cette identité ethnique va s’affirmer évidemment par rapport aux autres en les excluant, qu’ils soient de souchebritannique ou de soucheafricaine et de peau noire[3].
Cependant, ces facteurs culturels unificateurs qui les distinguaient des autres communautés du pays n'enlevaient pas les différences qu'il pouvait y avoir entre des fermiers du Transvaal et des hommes d'affaires afrikaners du Cap[4].
Relief en marbre du Voortrekker Monument retraçant l’histoire des Boers -Afrikaners durant leGrand Trek.
Le développement du nationalisme afrikaner a permis d'unifier l'ensemble du peuple, toutes classes sociales confondues, vers une même destinée, car au départ, le sens du mot Afrikaner diffère selon qu'on est au Cap ou au Transvaal. Si, au Cap, il désigne un individu blanc d'origine néerlando-germano-française qui ne parle que l'afrikaans, rejetant ainsi la catégorie des métis, sa définition peut se doubler d'une interprétation nationaliste plus large utilisée par l'AfrikanerBond pour désigner tout sud-africain affirmant une allégeance exclusive à l'Afrique du Sud. Au Transvaal par contre, le concept est restrictif puisqu'un Afrikaner ne peut être qu'un membre de l'Afrikanerdom, c'est-à-dire un participant duGrand Trek ou ses descendants[5].
L’histoire des Afrikaners s’est continuellement référée à une représentation quasi religieuse, utilisant les comparaisons bibliques entre l’oppression desjuifs dans l’Ancien Testament et l’exode des Afrikaners du Cap en1835[6]. LeGrand Trek s'est finalement imposé comme la racine historique du peuple afrikaner, l’événement qui lui a donnéson âme, leberceau de la nation[7].
Au début, il n’existe pas d’institution ou de structure capable de faire évoluer ce sentiment d’appartenance à une communauté spécifique vers une forme plus moderne denationalisme. Ce sentiment se limite à la perception d’une destinée commune et c’est à partir de1875, consécutivement à l’apparition des journaux en afrikaans puis du premier livre d’histoire des Afrikaners parStephanus Jacobus du Toit[8] en langue afrikaans, que se forge le mouvement identitaire afrikaner, sous l’effet et en réaction à l’impérialisme britannique et à son idéologie libérale[9].
Ainsi, les Afrikaners entrent dans l’histoire comme unpeuple original et autonome de pionniers, simples etpieux, s’ouvrant une voie en Afrique du Sud avec leur fusil, leurbible, leur paire debœufs, leur grandchariot de bois transportant femmes, enfants, matériel agricole rudimentaire et tous leurs biens terrestres. Un chariot qui sert également d’abri, de moyen de transport et de forteresse contre les attaques ennemies[10],[11].
Les Afrikaners vont longtemps se considérer comme les authentiques sud-africains,architectes de l’Afrique du Sud moderne, attribuant auxAnglo-sud-africains lessobriquetssoutie ousoutpiel[14], alors que les non-Blancs étaient relégués dans des rôles subalternes, justifiés selon les plus fondamentalistes des Afrikaners par lamalédiction de Canaan (terme biblique concernantHam, fils de Noé).
Représentation géographique de l’Afrique du Sud selon la proportion de locuteurs de langue afrikaans.Densité de locuteurs afrikaans sur la base du recensement de 2001.
Plus de 3 millions de personnes dans le monde s’identifient en tant qu’Afrikaners, soit 60 % des 4,6 millions deBlancs d'Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud est le pays d’origine des Afrikaners. Selon lerecensement effectué en 2001, l’Afrique du Sud compte 2 536 906 personnes pouvant être assimilées à des Afrikaners (sur des critères combinant peau blanche et langue maternelle afrikaans). Ces Afrikaners représentent plus de 60 % de la communauté blanche toutes origines confondues résidant en Afrique du Sud. Le nombre de résidents blancs et afrikaners dans ce pays a diminué sensiblement depuis le recensement précédent de 1996[15]. Ainsi en 2006, l’Institut sud-africain des relations raciales (SAIRR) relevait que près d’un million de sud-africains blancs, représentant presque un quart du nombre total de Blancs dans le pays, avaient quitté l’Afrique du Sud depuis 1994[16].
Géographiquement et pour des raisons historiques, la population afrikaner se répartit différemment selon les provinces :
LaNamibie est le second pays où la communauté afrikaner est la plus représentée. Selon un recensement effectué en 2001, laNamibie compterait 133 324 locuteurs de langue afrikaans soit 9,5 % du total de la population[17]. Cette statistique comprend les communautés métis et noires qui ont fait de l’afrikaans leurlangue maternelle. Sur les 8 % de Blancs que compte le pays, plus de 60 % d’entre eux sont des Afrikaners contre 32 % degermanophones, 7 % d’anglophones et 1 % de lusophones. Les Afrikaners de Namibie résident essentiellement àWindhoek et dans le district deǁKaras.
Selon le recensement national sud-africain de2011, 2 710 461 Sud-Africains blancs parlent l'afrikaans comme première langue, soit environ 5,23% de la population totale de l'Afrique du Sud. Le recensement montre également une augmentation de 5,21% de la population afrikaner par rapport au recensement précédent de 2001. 60 000 Afrikaners (2011) sont en mesures de comprendre, ou parler le néerlandais.
Une centaine de familles noires se déclarant afrikaners vivent dans la colonie d'Onverwacht, fondée en 1886 près de la ville minière de Cullinan. Les membres de la communauté descendent des esclaves affranchis qui avaient accompagné les Voortrekkers installés dans la région[18].
Selon une étude génétique publiée en, presque tous les Afrikaners ont reçu un apport génétique non européen. Cette ascendance non européenne est de 4,8 % en moyenne, dont 2,1 % d'ascendance africaine et 2,7 % d'ascendanceasiatique/amérindienne. Parmi les 77 Afrikaners étudiés, 6,5 % avaient plus de 10 % d'ascendance non européenne, 27,3 % entre 5 et 10 %, 59,7 % entre 1 et 5 % et 6,5 % en dessous de 1 %. Cette ascendance non européenne semble provenir davantage de personnes emmenées au Cap en tant qu'esclaves (3,4 %) à l'époque coloniale que de la population locale de Khoe-San (1,3 %)[19].
L’arrivée au Cap deJan van Riebeeck en1652.Un boer dans le veld sud-africain (1806).UneHartebeesthut, maison de boue séchée, habitation des Trekboers dans le Karro.
Le, au commandement de cinq navires de laVOC (nommésReijer,Oliphant,Goede Hoop, Walvisch,Dromedaris), le capitaineJan van Riebeeck débarque dans la baie de laMontagne de la Table près de la péninsule duCap de Bonne-Espérance, à la pointe sud-ouest de l’Afrique. C’est avec 90 pionniers dont seulement huit femmes qu’il fondeLe Cap, la cité-mère de la future République d’Afrique du Sud, alors simplecomptoir commercial sur laRoute des Indes. Jan van Riebeeck ne devait pas établir unecolonie mais un établissement relais pour les navires en route vers lesIndes orientales. Néanmoins, pour augmenter la production agricole de la colonie afin de nourrir la population et assurer le ravitaillement des navires, il recommanda que des colons soient libérés de leurs obligations vis-à-vis de la compagnie et autorisés à s’installer comme fermiers au Cap et à commercer. C’est en février1657 que la compagnie délivra ainsi ses premières autorisations à neuf (ex-)employés pour s’établir librement le long de la rivière Liesbeek. Ceux-ci allaient créer une classe de propriétaires hollandais defermiers libres (vrijburgher ou « francs-bourgeois ») appelés simplementburghers.
La société desBoers se développe d’abord dans le cadre d’une économieagricole, fondée sur la culture de lavigne et dublé et sur l’esclavage. En1688, 238huguenots chassés deFrance par la révocation de l’Edit de Nantes rejoignent les 800 habitants néerlandais de lacolonie du Cap et développent laviticulture sur des terres riches en alluvions, dans la vallée d’Olifantshoek.
En1706, les colons néerlandais expriment leur défiance pour la première fois envers le gouvernement colonial. Le jeuneHendrik Bibault refuse notamment publiquement d’obéir aux injonctions d’un juge arguant du fait qu’il n’était plus néerlandais mais afrikaner. La Compagnie décide alors de stopper l’immigration néerlandaise dans la colonie et d’imposer une administration civile, commerciale et fiscale de plus en plus procédurière afin de planifier l’économie locale. Cette politique restrictive encourage malgré elle l’espritlibertarien des colons libres et des paysans néerlandais natifs de la colonie, dorénavant appelésBoers. Ces derniers cherchent alors à échapper au contrôle de la Compagnie et franchissent ses frontières pour s’établir hors de sa juridiction. Ils refoulent lesHottentots et développent sur les étendues duKaroo une culture originale, fortement imprégnée decalvinisme et isolée des grands courants de pensée qui traversent l’Europe duXVIIIe siècle.
Les Boers finissent par rompre définitivement avec leurs racineseuropéennes, prônant entre eux unégalitarisme total et, au nom de leurs valeurschrétiennes etprotestantes, affirment leur supériorité sur les Noirs.
À partir de1779, l’expansion des Boers est ralentie par les conflits qui se développent sur la frontière orientale avec les populations de languebantoue, lesXhosa, obligeant les autorités de la Colonie du Cap à intervenir en annexant de nouveaux districts et en imposant aux Boers de nouvelles frontières.
En1795, une révolte boer àGraaff-Reinet contre les autorités coloniales néerlandaises tourne court. La même année, laColonie du Cap est occupée par l'armée britannique, puis est de nouveau néerlandaise en 1803 avant de repasser définitivement sous pavillonbritannique en 1806. La colonie s’étend alors sur 194 000 kilomètres carrés et compte un peu plus de 60 000 habitants dont quelque 25 000 Blancs, majoritairement des Boers d’origine germano-néerlandaise et française, 15 000 Khoisans, 25 000 esclaves et un millier d’anciens esclaves libérés de leur servitude (alors désignés comme "hommes libres"). Une étude portant sur les origines de la population afrikaner en1807 répartissait celle-ci à l’époque en Néerlandais (36,8 %), Allemands des États de langue allemande (35 %), Français (14,6 %), non-Blancs (7,2 %), autres (2,6 %), indéterminés (3,5 %) et Britanniques (seulement 0,3 %).
La communauté afrikaner est néanmoins partagée entre un groupe urbanisé, sensible au prestige culturel des conquérantsanglais qui deviennent de plus en plus nombreux, et un groupe rural, jaloux de son indépendance et de ses privilèges, hostile à la nouvelle administration britannique.
Sous l’influence des missions protestantes, les autorités britanniques prennent d’abord des mesures pour protéger lesMétis et les Hottentots, notamment en imposant des contrats de travail ou en facilitant les recours judiciaires des salariés contre leurs employeurs. Un épisode va longtemps marquer les esprits de la communauté afrikaner et alimenter leur acrimonie envers les Britanniques. En1815, un jeune Boer de l’intérieur, Frederic Bezuidenhout, est tué par un policier hottentot après avoir refusé d’obtempérer à une convocation judiciaire et résisté à son arrestation. Son frère parvint à soulever une soixantaine de fermiers, décidés à venger Frederic Bezuidenhout. Perçus comme des rebelles, ils sont pourchassés et acculés à la reddition. Jugés, cinq d’entre eux sont condamnés à mort et pendus à Slachters Neck, le. Quatre le sont d’ailleurs deux fois, la corde ayant rompu sous leurs poids.
En1822, toujours dans la colonie du Cap, les autorités impériales retirent aunéerlandais son statut delangue officielle dans les tribunaux et les services gouvernementaux. Un processus d’anglicisation est en marche alors que lepatois néerlandais, l’afrikaans, est dénigré. En1828, l’anglais devient la seulelangue officielle des affaires administratives et religieuses.
En1833, après avoir reconnu l’égalité des droits entre Hottentots et Blancs, lesAnglaisabolissent l’esclavage, provoquant ainsi l’exode d’une partie des éleveurs afrikaners de la frontière. L’un de leurs chefs,Piet Retief, rédige un manifeste par lequel il énonce ses griefs contre l’autorité britannique, incapable de fournir la moindre protection aux fermiers dans les zones frontalières, injuste pour avoir émancipé les esclaves sans indemnisation équitable des propriétaires. Il termine en évoquant uneterre promise où les Boers seraient enfin libres.
À partir de1835, lesTrekboers franchissent lefleuve Orange et la chaîne duDrakensberg, et fondent au cœur du payszoulou larépublique de Natalia à la suite duGrand Trek de 1836. Le massacre de Retief, de son fils et de ses compagnons par le roi zoulouDingane kaSenzangakhona est suivi du massacre de près de 300 civils boers (dont 41 hommes, 56 femmes et 185 enfants) à Blaauwkrans etWeenen. Le, après avoir prêtéserment enversDieu, quelques centaines de Boers remportent une victoire décisive sur lesZoulous du roi Dingane : c’est laBataille de Blood-River, fondement historique de lanation afrikaner.
En1875,Stephanus Jacobus du Toit fait partie d’un groupe d’enseignants et de pasteurs de l’église réformée hollandaise qui forment àPaarl dans laColonie du Cap un mouvement de revendication culturel,Die Genootskap van Regte Afrikaners (l'« Association des vrais Afrikaners »), dont l’objectif est de défendre et d’imposer l’afrikaans au côté de l’anglais commelangue officielle de la colonie. Il s’agit pour eux de donner à la langue parlée par les paysans afrikaners ses lettres de noblesse et d’en faire un véritable outil de communication écrite[20].
En1876, c’est à cette fin que le mouvement dirigé par Du Toit lance une revue en afrikaans,Die Afrikaanse Patriot dont S.J. du Toit devient lerédacteur en chef et dont la devise est « écrivez comme vous parlez ». En publiant la prose des lecteurs du journal, Du Toit veut éveiller la conscience nationale des Afrikaners et les libérer de leur complexe d’infériorité culturelle face aux Anglais. Dès lors, la défense de la langue se confond avec celle de l’identité afrikaans[21].
En1877, S.J. Du Toit publie le premier livre d’histoire des Afrikaners, écrit qui plus est enafrikaans,Die Geskiedenis van ons Land in die Taal van ons Volk (L’Histoire de notre pays dans la langue de son peuple), qui s’apparente à unmanifeste politique des Afrikaners imprégné demysticisme. Il relate la lutte d’un petitpeuple élu pour rester fidèle au dessein deDieu, de la révolte de1795 aux exécutions de Slagter's Neck en1815, duGrand Trek de1836 identifié à l’exode d’Égypte au meurtre dePiet Retief et au triomphe deBlood River[22].
Le mouvement identitaire afrikaner va être conforté par d’autreshistoriens commeGeorge McCall Theal, un Britannique natif duCanada. Il est l’un des premiers historiens à avoir examiné l’Afrique du Sud comme unenation et non comme un ensemble hétérogène decolonies distinctes[23]. Il va également idéaliser l’épopée du Grand Trek en mettant l’accent sur la main de Dieu[24].
Après le court conflit de lapremière guerre des Boers, le Transvaal, à la fin desannées 1880, entre brutalement dans l’ère ducapitalisme industriel à la suite de la découverte de gigantesques gisements d’or dans leWitwatersrand. Des dizaines de milliers d’aventuriers et de prospecteurs, venant en majorité deGrande-Bretagne, affluèrent vers la région au grand dam des paysans boers et du président du Transvaal,Paul Kruger. Cesuitlanders (étrangers) dépassèrent rapidement en nombre les Boers sur le gisement central duWitwatersrand, tout en restant minoritaires sur l’ensemble du territoire de la république du Transvaal. Le gouvernement de Paul Kruger, agacé par leur présence, leur refusa ledroit de vote et taxa lourdement l’industrie aurifère. Désireux d’accaparer les gisements d’or autant que d’unifier toute l’Afrique du Sud sous l’Union Jack, les autoritésbritanniques du Cap sous l’égide deCecil Rhodes provoquèrent une série d’incidents qui aboutirent en1899 au déclenchement de laguerre anglo-boer.
Après des combats acharnés, le conflit se solde par la victoire duRoyaume-Uni, par l’internement de 120 000 civils boers et la mort de plus de 27 927 d’entre eux (dont 22 074 enfants de moins de 16 ans) dans 45camps de concentration construits par les troupes britanniques. Cette importante mortalité touchant 10 % de l’ensemble de la population afrikaner était la conséquence non seulement de maladies contagieuses telles larougeole, lafièvre typhoïde et ladysenterie mais aussi d’un manque en matériel et fournitures médicales.
Ainsi, l’imposition de l’anglais dans les anciennes républiques boers, l’interdiction de l’enseignement de l’afrikaans et diverses mesures vexatoires ont pour corollaire la création d’écoles privées gérées par les Afrikaners eux-mêmes qui fournissent alors un terrain propice à la création d’une identité commune fondée sur la langue afrikaans, la croyance calviniste et une interprétation quasi religieuse de l’histoire[26].
En1910, l’Union sud-africaine est proclamée et devientdominion de la Couronne.Louis Botha, un ancien général boer, est le premier chef de gouvernement sud-africain mais sonnationalisme tempéré, tout comme celui deJan Smuts, son principal ministre et inspirateur de laconstitution sud-africaine, est rejeté par les radicaux du mouvement identitaire afrikaner.
En1914, plusieurs anciens vétérans de la guerre des Boers commeChristian de Wet tentent sans succès uneinsurrection par laquelle ils proclament le rétablissement des républiques boers.
Dessiné à la suite d’un long débat national, ledrapeau d'Afrique du Sud (1927-1994) représentait essentiellement l’histoire et les symboles des Afrikaners mais aussi la communauté anglophone avec la présence de l’Union Jack.Célébrations du centenaire du Grand Trek (1938).Monument en bronze dulaager (cercle défensif) de labataille de Blood River, autre symbole commémoratif de l’histoire afrikaner.Ons vir Jou Suid Afrika (« Nous pour toi, Afrique du Sud »), serment d’allégeance des Afrikaners inscrits sur lecénotaphe duVoortrekker Monument àPretoria symbolisant le tombeau dePiet Retief et de tous lesVoortrekkers morts pendant leGrand Trek.
Après laPremière Guerre mondiale, les paysans afrikaners, chassés duplatteland par une grave sécheresse et une crise économique, se retrouvent confrontés à un double phénomène d’urbanisation et d’acculturation, et entrent en compétition avec les ouvriers noirs au moindre coût. Les valeurs et l’ordre traditionnel des Afrikaners s’effondrant, ces derniers se sentent acculés face à la domination des anglophones, de leurs valeurs liées aux affaires et à l’argent et face au risque de submersion par les Noirs qui affluent alors vers les villes[27]. Ceux qu’on appelle alors en1920 les « pauvres Blancs » sont plus de 300 000 personnes, essentiellement des Afrikaners[28].
Face à cette situation, les nationalistes afrikaners s’efforcent de réinventer des modèles culturels à partir du concept d’Afrikanerdom, forgé parPaul Kruger dans les années 1880 et destiné à sortir les Afrikaners pauvres de leur condition misérable et à les aligner sur lapetite bourgeoisie anglophone.
En mai1918, une association est ainsi fondée àJohannesbourg par trois jeunes Afrikaners dont le but est la défense des membres de leur communauté afin de recouvrer les droits perdus en1902 à la fin de la seconde guerre des Boers. D’abord baptiséeJong Suid-Afrika, puisAfrikaner Broederbond (Ligue des frères afrikaners), cette association qui rassemblait à son origine des pasteurs calvinistes, des employés des chemins de fer et des policiers, devient en1924 une société secrètefranc-maçonne, recrutant un nombre croissant d’instituteurs, de professeurs, d’universitaires et de politiciens. À partir de1927 leBond va accroître son activisme et étendre son influence et son audience au sein de la communauté de langue afrikaans. Il va définir l’identité de l’Afrikaner, duquel il placera les intérêts au-dessus de toutes les autres communautés d’Afrique du Sud. Ainsi, leBroederbond propose comme fondement idéologique le national-christianisme, inspiré dunéocalvinisme, qui stipule que « les nations sont nées d’une volonté divine, que chacune d’elles est détentrice d’une spécificité et d’une mission à accomplir »[29]. La défense de l’identité afrikaner devient une mission sacrée dont le triomphe exige la mobilisation totale du peuple de langue afrikaans (leVolk). Si la question raciale n’est pas alors au centre des préoccupations politiques des Blancs sud-africains, c’est sur cette base de l’Afrikanerdom que le concept de l’apartheid va être progressivement élaboré.
En1922, les mineurs afrikaners duWitwatersrand se mettent engrève pour protester contre le recours accru aux travailleurs noirs, main-d’œuvre abondante et moins payée, par le patronat du secteur minier. Les ouvriers sont soutenus par les travaillistes et le tout jeuneParti communiste d'Afrique du Sud. Le conflit commence dans les mines decharbon puis s’étend à tout le bassin minier du Rand, regroupant 20 000 travailleurs blancs. Dessoviets sont proclamés et la grève générale déclenchée le. La grève tourne à l’insurrection. Pendant cinq jours les combats font rage dans les quartiers ouvriers durand pilonnés par l’aviation sur ordre du premier ministreJan Smuts. Le mouvement est brisé dans le sang (214 tués dont 76 grévistes, 78 soldats, 30 Africains tués par les grévistes) et 5 000 mineurs sont emprisonnés. C’est en chantant un hymne communiste que 4 des 18 condamnés à morts sont exécutés[30].
L’échec du mouvement ouvrier conduit à une mobilisation insolite rassemblant travaillistes, socialistes et communistes derrière les nationalistes duParti national deJames Barry Hertzog qui remporte les élections générales de 1924.
Dès lors, les gouvernements d’inspiration nationaliste s’attachent à développer et protéger la communauté afrikaner, érodant la tradition libérale duCap alors que dans lesannées 1930, l’aile extrême du nationalisme subit fortement l’influence dunazisme.
En1938, les célébrations du centenaire de laBataille de Blood River unissent les Afrikaners autour du thème du Volkseenheid (l’unité du peuple afrikaans) avec la reconstitution duGrand Trek. Ainsi, le, des centaines de chariots portant chacun le nom d’un des héros boers du Grand Trek ou célébrant la mémoire des femmes et des enfants partent du Cap en direction dePretoria. À mesure que les convois progressent et traversent les communes et villages, une vague de patriotisme parcourt le pays. D’autres villes et villages organisent leur propretrek vers Pretoria. En chemin, les Afrikaners se mobilisent en masse : les routes et rues sont rebaptisées Voortrekker Straat ou Pretorius Straat, les hommes se laissent pousser la barbe comme leurs ancêtres, les femmes mettent leur bonnet traditionnel et des tabliers de paysannes, des jeunes fiancés font bénir leur union en costume deVoortrekker, et des enfants baptisés le long des chars à bœufs et des feux de joie illuminent les soirées. À l’approche de la destination finale, les thèmes nationalistes et républicains se précisent alors que le pays est pavoisé aux couleurs sud-africaines, et le, plus de 100 000 Afrikaners (1/10e de la population afrikaner) assistent à Pretoria à la pose de lapremière pierre duVoortrekker Monument, symbole phare du nationalismeboer en présence des descendantes d’Andries Pretorius, dePiet Retief et d’Hendrik Potgieter[31],[32].
En1948, la victoire du Parti national deDaniel François Malan consacre la victoire duBroederbond. Le danger de domination ou d’acculturation anglophone est définitivement écarté, et l’unité du peuple afrikaans réalisée. Cependant, la cohésion nationale de celui-ci reste menacé par le "Swaartgevaar" (le péril noir)[33]. Le thème récurrent n’est plus dès lors la défense de l’identité afrikaans face aux anglophones mais celui du peuple blanc d’Afrique du Sud (anglophones, afrikaners,lusophones soit 2,5 millions de personnes en1950, 21 % de la population totale) menacé par la puissance de ladémographie africaine (8 millions de personnes en1950 soit 67 % de la population totale)[34]. L'apartheid est alors présenté comme un arsenal juridique destiné à assurer la survie du peuple afrikaner mais aussi comme un « instrument de justice et d’égalité qui doit permettre à chacun des peuples qui constitue la société sud-africaine d’accomplir son destin et de s’épanouir en tant que nation distincte». Ainsi, beaucoup de nationalistes afrikaners pensent sincèrement que l’apartheid ouvre des carrières et laisse leur chance aux Noirs, chance qu’ils n’auraient pu saisir s’ils avaient été obligés d’entrer en compétition avec les Blancs au sein d’une société intégrée[35]. Cette politique d’apartheid est censée à la fois compléter et se différencier de labarrière de couleur (colour bar) et du principe duBaasskap (la domination blanche, en vigueur depuis leXVIIe siècle). Il s’agit d’élever le degré de séparation entre les peuples, que ce soit dans la vie sociale, économique et politique du pays. Cette distinction se fait au prix d’une ségrégation impitoyable et d’un renforcement du contrôle policier sur les déplacements de populations dans tout le pays.
C’est tout à la fois par idéalisme, par intérêt et par sécurité que les Afrikaners soutiennent aussi longtemps le système d’apartheid, convaincus que seul celui-ci peut leur permettre non seulement de survivre en tant que groupe ethnique distinct mais aussi de préserver leurs intérêts de classe au sein du groupe blanc[36]. Ainsi, entre1941 et1955, le revenu moyen annuel des Afrikaners augmente de 50 %. Le pays est en pleine prospérité économique tandis qu’à partir de1955 s’élabore la séparation géographique entre Blancs et Noirs au travers de la politique desbantoustans, en dépit de la résistance de plus en plus importante et organisée de la population noire. Dans lesannées 1960, alors que larépression policière contre l’opposition africaniste s’accentue, que les chefs sont emprisonnés et leurs partis interdits en vertu de lois d’exception, les Afrikaners proclament larépublique et, dans les discours, le concept d’ethnicité spécifique laisse peu à peu la place à celui denation. Ainsi, les Noirs ne sont plus présentés comme inférieurs mais comme différents[29].
Enfants noirs dansant dans les rues de la ville afrikaner dePotchefstroom le jour de Noël 1962 devant des adultes et enfants blancs.
Dans lesannées 1970, les Afrikaners n’ont plus la peurpathologique de perdre leur identité, qui s’affirme d’ailleurs au travers de l’État sud-africain, un état militairement fort et économiquement puissant. Ceux qui étaient lespauvres Blancs des années 1920 constituent désormais l’armature de laclasse moyenne blanche[37]. La discrimination et laségrégation raciale ne sont plus justifiées en termes idéologiques mais en termes économiques et politiques : la survie ducapitalisme et la lutte contre lecommunisme. Ils n’en revendiquent pas moins le droit historique et le devoir de maintenir leur souveraineté sur l’Afrique du Sud.
Dans lesannées 1980, les Afrikaners sont néanmoins ébranlés par les condamnations internationales dont l’Afrique du Sud fait l’objet pour sa politique d’apartheid et laviolence politique qui l’accompagne. Si certains se réfugient dans desutopies communautaristes (Volkstaat), d’autres, qui considèrent notamment que les Afrikaners sont le cœur de la nation blanche d’Afrique du Sud, préfèrent tenter l’ouverture politique vers la majorité noire du pays sous le précepte selon lequel l’Afrikaner doit s’adapter pour survivre. C’est un Afrikaner, le présidentFrederik de Klerk, qui met finalement fin non seulement au système d'apartheid, mais aussi à la domination politique des Blancs sur le pays, approuvé par une consultation référendaire auprès de la communauté blanche le. En1994, le partage du pouvoir avec la majorité noire devient réalité avec l’élection deNelson Mandela, le premier Noir à la présidence de la république et la formation d’un gouvernement d’union nationale rassemblant les anciens maîtres du pays, autrefois concepteurs de l’apartheid, et les anciens opprimés, représentant le groupe de population majoritaire dans le pays.
À partir desannées 1990, la partie la plus libérale de la communauté afrikaner appelle à intégrer au sein du peuple afrikaner tous ceux de langue maternelle afrikaans y compris les non-Blancs comme lesmétis, lesMalais du Cap, lesBasters de Rehoboth et lesGriquas.
Dans la nouvelle « nation arc-en-ciel » comme est surnommée l’Afrique du Sud à partir de1994, l’identité afrikaner est de nouveau en cours de restructuration. Ne constituant plus qu’une minorité ethnique parmi d’autres, les Afrikaners sont sur la défensive, s’estimant marginalisés par le nouveau pouvoir duCongrès national africain. Si l’afrikaans reste la langue maternelle de plus de 13 % de la population, elle n’est plus qu’une des 11 langues officielles du pays, restreignant ainsi sa diffusion dans les publications officielles ou les émissions de radio diffusion.
Une minorité de ces Afrikaners a cependant rallié le nouveau pouvoir ANC pour tenter de sauvegarder un minimum d’influence politique sur les commandes du pays. Ce fut notamment le cas des héritiers du Parti national afrikaner qui fusionnèrent leur parti, leNouveau Parti national, avec l’ANC en2005. De son côté, leBroederbond s’est réformé de fond en comble, s’ouvrant aux femmes et aux autres individus, indépendamment de leur catégorisation ethnique, ne gardant que l’afrikaans comme mode de recrutement de ses membres.
D’autres se sont regroupés dans des associations de défense de l’identité afrikaner. Des intellectuels (journalistes, écrivains, universitaires) se sont ainsi regroupés dans le groupe dit "des 63" comprenant notamment des écrivains progressistes afrikaners tels queBreyten Breytenbach. Des associations de défense de l’identité afrikaans tels Afriforum ou leComité d'action civil de Pretoria engagent de leur côté des procédures judiciaires afin de sauvegarder latoponymie afrikaans de la géographie sud-africaine au moment où l’africanité des Afrikaners est remise en question par certaines personnalités politiques de l’ANC. Dans le même esprit dulaager, une fondation de l’héritage gère aussi le patrimoine culturel sud-africain lié à l’histoire afrikaner (monuments, statues…).
Les nouveaux Afrikaners duXXIe siècle parlent le langage de la modération et de ladécentralisation en se référant, non plus à leur spécificité ethnique et à leurs droits historiques, mais aux concepts modernes et progressistes des droits des minorités et du Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ainsi, les Afrikaners retranchés en communauté àOrania, où ils vivent en marge du nouvel État sud-africain, adoptent un tel langage. Longtemps considéré comme dérisoire, élitiste, raciste et réactionnaire, la communauté d’Orania a finalement réussi à bâtir sa relative prospérité sur l’énergie renouvelable et l’agriculture biologique[38] tout en parvenant à faire reconnaître sa prétention politique à l’établissement d’unVolkstaat au sein de l’Afrique du Sud. Elle reste cependant marginalisée et a toujours du mal à attirer les Afrikaners en grand nombre chez elle.
Les différences entre les 3 églises calvinistes sont essentiellement d’ordre doctrinal. Si elles sont toutes trois autonomes, elles sont liées par un organisme consultatif fédéral. Elles représentent 18 % de la population totale de l’Afrique du Sud.
La principale de ces 3 églises représentatives de la communauté afrikaners est la Nederduits Gereformeerde Kerk (NGK). Elle est également la principale église de la communauté métis.
C’est ainsi que, par une interprétation de ladoctrine calviniste de laprédestination selon laquelle le salut de l’homme est prédestiné (par Dieu, indépendamment de l'homme et de ses actions), justifiant le fait que des élites dirigent le monde et que des non élus obéissent aux premiers, les concepts ségrégationnistes sont avalisés par les prédicateurs de l’Église réformée néerlandaise. C’est en vertu de ce concept que lesBoers, isolés dans leveld, s’étaient facilement assimilés aupeuple élu et avaient cru jusqu’à la fin des années d’apartheid, queDieu leur avait donné l’Afrique du Sud comme il avait donné lepays de Canaan auxHébreux, les Noirs étant assimilés aux Cananéens. Ceux qui ne font pas partie du cercle des élus sont donc des proscrits, condamnés depuis le commencement des temps. Dieu n’est plus alors ici un unificateur mais un grand diviseur qui a trouvé bon d’établir des frontières entre les peuples et les groupes de peuples[39]. Et c’est encore par une lecture particulière des écritures saintes que la ségrégation "raciale" fut justifiée : par le biais de l’histoire des fils deNoé dont l’un avait été condamné par son père à servir ses 2 frères[40].
À partir des années1920, les églises réformées, à commencer par la NGK, véritable "Église du peuple afrikaner" (Volkskerk), contribuent au développement dunationalisme afrikaner, généralisant, dans le cadre d’uneéducation nationale-chrétienne, l’idée d’une élection collective des Afrikaners justifiant théologiquement la ségrégation[41]. Néanmoins, si elles sont alors proches des dirigeants de l’État sud-africain, le pays demeura un État laïc.
Ainsi, en1963, les trois Églises réformées menèrent sans succès campagne en faveur de la « sanctification du dimanche » et de l’interdiction dominicale des danses, des vols d’avions et des autres distractions publiques[42].
L’Église réformée néerlandaise (NGK) a condamné la politique d’apartheid à partir de1986.
En2007, plus de 40 % des Afrikaners appartenaient à l’Église réformée néerlandaise de la NGK (contre 70 % il y a trente ans). Populations significatives par régions[pas clair].
Une nouvelle traduction, Die Bybel 'n Direkte Vertaling, a été publiée en novembre 2020. Il s'agit de la première traduction véritablement œcuménique de la Bible en afrikaans, à laquelle ont participé des traducteurs de diverses églises, dont les églises catholique romaine et anglicane[43].
Laseconde guerre des Boers de1899-1902 permet cette unification sud-africaine mais sous le contrôle de la métropole britannique. Les Afrikaners s’organisent alors au sein de partis nationalistes comme le "Het Volk", fondé par le généralLouis Botha et prédécesseur duParti sud-africain, une formation centriste prônant le rapprochement avec les anglophones.
C'est grâce à la volonté de réconciliation entre les formations politiques modéréesboers et anglophones et à l'entregent d'hommes politiques commeLouis Botha etJan Smuts, que se constitue en1910 ledominion de l'Union sud-africaine, dirigé par des Afrikaners modérés alliés à des Anglo-afrikaners.
En1914, des dissidents du parti sud-africain, menés parJames B. Hertzog, fondent leParti national destiné à représenter les seules aspirations de la communauté afrikaner. Résolument hostile aux Britanniques et aux Anglo-afrikaners, nostalgique des anciens Étatsboers dont il réclame le rétablissement de la souveraineté, le Parti national est partisan de larépublique et de la rupture des liens économiques et politiques avec laGrande-Bretagne. C'est aussi un parti nationaliste, hostile à toute libéralisation du système "racial" qu’il considère comme attentatoire aux droits politiques des Afrikaners. Il se veut l’expression politique du peuple afrikaner et, en réunissant progressivement l’unité de celui-ci derrière ses candidats, il parviendra un temps à son objectif.
Dans les années 1930, plusieurs mouvements extra-parlementaires extrémistes recrutent au sein de la population afrikaner. Ces mouvements restent marginaux mais leur activisme voyant menace le gouvernement et le Parti national. Celui-ci se scinde en deux formations en1935, quand l’aile conservatrice refuse de suivre Hertzog dans leParti uni, fruit d’un rapprochement avec l’Anglo-afrikanerJan Smuts.
Cette politique est menée consciencieusement par les gouvernements de Daniel François Malan (1948-1954), deJohannes Strijdom (1954 -1959), puis d’Hendrik Verwoerd (1959-1966), avec le soutien, à chaque élection de plus en plus massif, des Afrikaners ralliés progressivement par la majorité des anglophones. Le Parti uni, l’opposition officielle, mené par SirDe Villiers Graaff, un afrikaner anobli par la reine d’Angleterre, ne parvient pas à contenir l’hémorragie de ses électeurs essentiellement anglophones.
En1961, Hendrik Verwoerd donne aux Afrikaners l’occasion de se prononcer en faveur de l’établissement d’uneRépublique en Afrique du Sud et d’accomplir le dernier rêve du nationalisme afrikaner. La force démographique dans la communauté blanche et la mobilisation des Afrikaners leur permet de remporter leréférendum consultatif face aux anglophones fidèles à lamonarchie britannique et de proclamer la république le.
Pourtant, une opposition au Parti national prend progressivement de l’ampleur au sein de la communauté afrikaner, notamment sous le mandat deJohn Vorster (1966-1978). Ainsi, une opposition progressiste et surtout hostile à laségrégation raciale émerge à partir de1974 et trouve un chef de file afrikaner plus efficace,Frederik van Zyl Slabbert. Elle reste cependant très minoritaire au sein de l’électorat afrikaner, tandis que l’effondrement duParti uni, parti des libéraux conservateurs, contribue au triomphe électoral du Parti national en1977.
C’est sous le gouvernement dePieter Botha (1978-1989) qu’une autre opposition prend aussi de l’envergure, mais celle-ci se constitue à droite notamment parmi l’électorat afrikaner rural qui refuse toutelibéralisation de la législation raciale. Issu de l’affrontement au sein du Parti national entre lesVerkramptes ("lesCrispés", soit les conservateurs) et lesVerlightes ("leséclairés" soit les réformistes) du Parti national, leParti conservateur est fondé parAndries Treurnicht dans le but de s’opposer à l’ouverture politique aux autres communautés sud-africaines et, sans succès, à l’instauration d’unParlement tricaméral. En1987, avec 20 % des voix, le Parti conservateur détrône l’opposition progressiste de son statut d’opposition officielle, démontrant ainsi par ce succès le refus des quelques timides réformes progressistes de Pieter Botha par une partie importante de l’électorat afrikaner.
Lors des élections générales de1989, le Parti conservateur remporte 45 % des voix de la communauté afrikaner, juste derrière le Parti national (46 % des voix afrikaners), lequel reçoit un soutien désormais majoritaire de la communauté anglophone (50 %). Le nouveau présidentFrederik de Klerk entreprend alors de rechercher une solution alternative à l’apartheid. Il légalise les mouvements noirs, libère les prisonniers politiques commeNelson Mandela et entame des négociations constitutionnelles pour une Afrique du Sud post apartheid. À la suite d'une succession d’échecs électoraux au profit du Parti conservateur lors d’élections partielles, il organise unréférendum consultatif auprès de la population blanche pour lui demander d’avaliser sa politique. Le, la communauté blanche l’approuve à 68,7 % des voix. Les régions afrikaners lui apportent leur soutien mais dans des proportions bien moindres que les régions anglophones. Seul le Nord-Transvaal, peuplé principalement d’Afrikaners et bastion du Parti conservateur, refuse par 59 % des voix de le soutenir.
Depuis lesélections générales sud-africaines de 1999, le vote afrikaner se concentre sur l'Alliance démocratique, un parti libéral-conservateur (issu d'une fusion du parti démocratique et du parti national) dirigé successivement par un anglophone,Tony Leon puis parHelen Zille (une Germano-anglophone). Loin derrière, une part minoritaire du vote afrikaner est acquis auFront de la liberté, un parti communautariste. Enfin, une infime minorité a suivi leNouveau Parti national lors de sa fusion avec leCongrès national africain en2005. À défaut de pouvoir peser dorénavant politiquement par le biais d’unparti politique, les Afrikaners se sont plus efficacement organisés pour défendre, notamment sur le terrain juridique et par le biais d’associations ou de fondations diverses, la préservation de leurs droits culturels et historiques en tant quegroupe ethnique minoritaire d’Afrique du Sud. Ces associations se battent pour préserver l'enseignement en afrikaans dans lesécoles, lycées etuniversités ou pour sauvegarder latoponymie afrikaans liée à l’histoire des Boers.
En mai2008, c'est en tant que minorité nationale, et après une campagne active menée par le Front de la liberté que les Afrikaners sont intégrés au sein de l'Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO), dont l'objet est la lutte pour les droits des minorités, par le biais dulobbying auprès des Nations unies et de l'Union européenne. Les Afrikaners siègent désormais dans cette organisation aux côtés de 70 autres minorités nationales, dont lesAborigènes d'Australie, lesMaasaï duKenya et deTanzanie, ainsi que lesTibétains[44].
Dans un sondage en ligne du journal Beeld en novembre 2012, auquel ont participé près de 11 000 Afrikaners, 42 % se sont décrits comme conservateurs et 36 % comme libéraux[46].
L’architecture sud-africaine de la communauté afrikaner est avant tout marquée par le style hollandais du Cap (Cape Dutch) d’inspirationsnéerlandaise,française,allemande etindonésienne. Elle constitue la forme d’architecture la plus typique du pays.
Une rue typique des villes du Transvaal des années 1950 et 1960 (ici, la rue de l'église àPotchefstroom en 1962) avant les importantes rénovations urbaines des années suivantes.
À l’inverse de ses pays voisins comme leMozambique, l’Afrique du Sud ne présente pas de tradition historique significative dans le domaine artistique de lasculpture. Cet art s’est essentiellement développé auXXe siècle avec des artistes natifs desPays-Bas commeAnton van Wouw, considéré comme le père de la sculpture sud-africaine et notamment auteur de la fameusestatue dePaul Kruger àPretoria. Comme beaucoup d’artistes afrikaners, de nombreux sculpteurs, dont les œuvres furent reconnues au niveau international, ont fait connaître leur art par le biais de commandes publiques du gouvernement sud-africain. Ce fut le cas deCoert Steynberg et deDanie de Jager, auteurs de nombreux monuments officiels célébrant les héros ou les symboles de l’histoire afrikaner.
Plus récemment,Andries Botha a réalisé d’importantes sculptures au style tourmenté exprimant puissance et vulnérabilité, inspirées par sa confrontation avec la culture afrikaner dans laquelle il ne se reconnaissait plus. Il s’agissait pour lui d’exprimer ainsi unecitoyenneté culturelle avec des créations marquées par lespiritualismechrétien, réalisées à partir de matériaux traditionnels africains.
Les premiers peintres afrikaners étaient avant tout despaysagistes influencés par lesimpressionnistes européens.Hendrik Pierneef,Hugo Naude ouWillem Coetzer décrivent notamment dans un style particulier, attaché au détail, la beauté des paysages sud-africains dans des couleurs pastels.
À l’exception d’Irma Stern (d’origine allemande), les peintres afrikaners ou blancs en général ne représentaient presque jamais les habitants noirs du pays.
Dans lesannées 1980, la peinture expose des êtres hybrides préfigurant un certain métissage, tandis queDavid Kuijers reprend dans lesannées 1990 les thèmes traditionnels de l’art décoratif de la peinture afrikaner.
Les Afrikaners se dotent d’une société littéraire (Afrikaanse Taalvereniging) en1907 et d’un prix (le prix Hertzog) en1914, ainsi que d’une Académie des sciences et des arts (Suid-Afrikaanse Akademie vir WetensKap en Kuns) en1909[47].
C’est sous la plume d’Eugène Marais (1871-1936), deLouis Leipoldt (1880-1947) et deJan Celliers (1865-1940) que se développe lapoésie en langue afrikaans. Ces écrivains sont d’abord inspirés par les conséquences néfastes de laseconde guerre des Boers et par les souffrances endurées par ces derniers dans les camps de concentration britanniques. Ils sont aussi inspirés par la beauté des paysages sud-africains, l’esprit pionnier des Boers, lareligion et la foi en un monde à l’image de Dieu, exprimant dans leurs poèmes et récits leur attachement à la culture paysanne occidentale, au monde chrétien et à ses bienfaits. C’est la période dite duPlaas Roman. En1927, unpoèmelyrique en afrikaans deCornelius Jacob Langenhoven,Die Stem van Suid-Afrika, décrivant l’immensité duveld et l’allégeance des pionniers envers leur pays, devient l’hymne national d’Afrique du Sud tandis queTotius, poète et professeur dethéologie, s’inspire ducalvinisme pour proposer une lecture religieuse de l’histoire des Afrikaners dont les souffrances seraient la preuve de leur élection divine[48].
À la fin des années 1920, les thèmes consacrés à la guerre et aumartyr des enfantsboers morts dans les camps anglais s’estompent pour céder la place à une écriture plus intimiste.Toon van der Heever et Eugène Marais s’interrogent notamment sur la destinée des Afrikaners alors queDaniël Francois Malherbe s’inspire de l’histoire des pionniersboers pour proposer une nouvellemorale à suivre aux jeunes générations d’Afrikaners déracinés. Durant cette époque, l’un des thèmes dominants de la littérature afrikaans est la description du déchirement des Afrikaners entre villes et campagnes et l’exaltation de la liberté individuelle et de la frontière[49].
Dans les années 1930 et 1940, le mouvement des « Dertigters », dont les chefs de file sontN. P. van Wyk Louw,Dirk Opperman,C. M. van den Heever etUys Krige, s’interroge sur le sens de la vie et témoigne de l’inquiétude d’un peuple à la recherche de ses repères. L’élite intellectuelle afrikaner est ainsi fermement mobilisée pour lutter contre la massification et pour la défense de ses valeurs et de sa culture.
Dans un registre moins marqué par leurs origines, les AfrikanersCharles Bosman etLaurens van der Post, écrivent en anglais et connaissent une véritable notoriété internationale.
À partir des années 1960, un certain nombre d’écrivains, lesSestigers, traduisent les angoisses et conflits des Afrikaners modernes. Ils abordent les questions de sexe, contestent la toute-puissance de l’église réformée, sa morale et l’apartheid. Ces jeunes auteurs issus de l’élite intellectuelle des grandes universités sud-africaines ont souvent séjourné en Europe et constaté l’abîme séparant les mentalités sud-africaine et européenne, poussant certains d’entre eux dans le désespoir et la mort, à l’instar d'Ingrid Jonker (1933-1965). D’autres, commeÉtienne Leroux mais surtoutAndré Brink etBreyten Breytenbach remettent en cause l’apartheid par le biais de leur production littéraire (Une saison blanche et sèche…).A contrario, d'autres encore comme Frans Venter traitent de la question "raciale" par le biais dupaternalisme (Die Swart Pelgrims) et sont bien accueillis par la presse gouvernementale de langue afrikaans.
En un seul livre, le journaliste afrikanerRian Malan exprime au monde entier les angoisses identitaires et sécuritaires de son peuple dans sonbest seller publié en1991 "Mon cœur de traître". Dans ce livre, l’auteur exprime l’attachement physique qui le lie à son pays et ses doutes d'Afrikaner progressiste, opposé à laségrégation raciale, face à l’avènement à la fois espéré et redouté d’un gouvernement à majorité noire à la direction du pays.
Depuis le début des années 1990 et en particulier depuis1994, des figures politiquement moins engagées comme celles deJ. M. Coetzee et deKarel Shoeman se sont imposées face aux anciensSestigers. Alors queKarel Schoeman se concentre sur le passé, s’attachant à illustrer les splendeurs de sa terre natale (En étrange pays), Coetzee décrit la « solitude de l’homme blanc » (En attendant les Barbares) et les angoisses de son pays (Disgrâce). Une nouvelle génération émerge également, proposant un nouveau regard sur la nation afrikaner. Ainsi, dans son livre « Triomf »,Marlene Van Niekerk se penche sur la misère des Blancs avant l’avènement du gouvernement multiethnique. DansDie Reuk van Appels (« L'odeur des pommes »), l'Anglo-afrikanerMark Behr décrit la mentalité afrikaner et l'apartheid à travers les yeux d'un enfant de 10 ans, fils d'un militaire haut-gradé.
Pendant plus de 70 ans, la production nationale sud-africaine s’est essentiellement limitée à de grandes fresques historiques consacrées aux Afrikaners. Le film symbole de cette période estDe Voortrekkers (1916), retraçant l’histoire duGrand Trek.
C’est en1895 que le premierkinétoscope est apparu en Afrique du Sud et le cinéma fit alors progressivement son apparition.
En1913, les différents distributeurs furent regroupés sous le contrôle de la société African Films qui fixa les règles de l’industrie cinématographique nationale pendant de longues années. Des épopées historiques furent alors produites commeDe Voortrekkers,Les mines du roi Salomon etAllan Quatermain.
Dans les années 1950, le réalisateur afrikanerJamie Uys parvient à produireDaar doer in die bosveld[50], un film indépendant, grâce à l’obtention de subventions accordées par des entreprises privées et réalise par la suite de nombreux films populaires.
À partir de1956, l’État sud-africain lui-même subventionne les productions nationales censées refléter la société sud-africaine sous le gouvernement d’Hendrik Verwoerd. Sur les 60 films réalisés entre1956 et1962, 43 étaient en langue afrikaans, 4 en version bilingue et les 13 restants en anglais. L’industrie cinématographique dominée par les Afrikaners profitait d’un système de subventions préférentiel. Ainsi, à partir de 1962, les capitaux afrikaners prirent de l’importance dans l’industrie cinématographique locale, d’autant plus que le public afrikaner est relativement large et très stable, garantissant presque automatiquement à chaque film de langue afrikaans une carrière assez longue dès lors qu’il apporte un divertissement léger et qu'il traite de manière idéaliste la réalité afrikaner et ses préjugés (Hans en die Rooinek,Lord Oom Piet,Die professor en die Prikkelpop).
En1969, le financement, la production et la distribution de films dans le pays se retrouvent aux mains d’une seule grande société, leSuid Afrikaanse Teaterbelange Beperk. Les films en afrikaans se conformant aux valeurs conservatrices bénéficient d’une exploitation suffisante pour être rentables et d’un public fidèle.« Ce conservatisme idéaliste se caractérise par un attachement au passé, aux idéaux de la "pureté linguistique et raciale" et aux normes religieuses et morales »[51]. Ces films tels queLord Oom Piet,King Hendrik ou plus tard les films pro-gouvernementauxKaptein Caprivi etAanslag op Kariba n’ont pas ou peu vocation à intéresser un public étranger et l’éventualité de leur exploitation internationale est rarement envisagée. Toute analyse critique de la culture afrikaner était d’ailleurs soigneusement évitée au profit de la présentation d’un stéréotype populaire univoque de l’Afrikaner (comme dans les films de Jamie Uys). Toutefois, certains films commeDebbie osent commencer à remettre en cause certaines des valeurs conservatrices de l'église réformée hollandaise et à affronter lacensure.
Dans les années 70, des films sud-africains politiquement neutre commeLost in the Desert etKalahari connaissent un relatif succès à l'international.
À partir de1976 et de l’avènement de latélévision, des cinéastes de langue afrikaans commeManie van Rensburg réalisent des fictions et séries de bonne facture pour la télévision nationale et le cinéma, notamment centrées sur lapsychologie afrikaner commeVerspeelde Lente (1983),Die Perdesmous (1982) etThe Native Who Caused All the Trouble (1989), sur les Afrikaners urbains commeDie Bankrower (1973),Die Vuurtoring (1984),Taxi to Soweto (1991 et sur les racines du nationalisme afrikaner commeHeroes (1985), etThe fourth reich (1990)[55].
L'actriceCharlize Theron, une Afrikaner, née en Afrique du Sud, naturalisée américaine en2007.
En1980, la comédie de Jamie Uys,Les dieux sont tombés sur la tête, réalisée en anglais est exploitée à l'exportation sous licencebotswanaise pour cause d'apartheid. Le film est alors le plus grand succès international cinématographique d'Afrique du Sud. Des films de caméra cachée sont alors également exploités sur le marché international avec un certain succès par Jamie Uys et le comiqueLeon Schuster.
Lesannées 1980 marquent la fin de la domination du cinéma en langue afrikaans marqué parBroer Matie de Rautenbach,Mamza de Johan Blignaut,Fiela se Kind deKatinka Heyns, et la sérieVeldslag (1990) alors que la production anglophone, notamment pour les coproductions, commence à s'imposer (la mini-série1922 consacrée à l’insurrection duRand est ainsi réalisée en anglais tout comme la sérieShaka Zulu).
Si le cinéma en afrikaans se raréfie relativement, les comédiens et cinéastes d’origine afrikaner font cependant carrière dans la langue de Shakespeare. SiSandra Prinsloo est pendant une dizaine d’années la comédienne sud-africaine retenue pour les coproductions internationales de films et de séries tournés en Afrique du Sud, l’acteurArnold Vosloo et surtout l’actriceCharlize Theron mènent une carrière hors de leurs frontières nationales àHollywood.
Durant lesannées 2000, des courts métrages commeTriompheer de Jan-Hendrick Beetge et des films commePromised Land par Jason Xenopoulos (2002), continuent de sonder l’inconscient des Afrikaners. AinsiPromised Land, tiré d’un roman deKarel Schoeman, décrit le retour d’unexpatrié afrikaner sur sa terre natale, située dans une région rurale désertique, où il est confronté à des Afrikaners en état de déshérence sociale et psychologique et nostalgiques de l’apartheid. Ce film, qui connaît alors un succès relativement important en Afrique du Sud, est le premier long-métrage sud-africain utilisant la technologie offerte par la caméra numérique à haute définition. Il est aussi perçu par la communauté blanche comme un film destiné aux Noirs[56]. Cependant, durant les années 2002 et 2003, aucun de ces films n'est tourné en langue afrikaans[57].
Au début des années 2010, le sursaut et à la mobilisation de l'industrie cinématographique afrikaner autour de la langue afrikaans et de sa culture, permet que 40 % des productions sud-africaines soient des productions afrikaners le plus souvent tournées en afrikaans. En 2012-2013, le cinéma afrikaner affiche ainsi le record de 17 films sortis en salle, des films qui sont pour la plupart des œuvres de divertissement. Ce sursaut provient notamment de la fréquentation importante des salles de cinéma par les Afrikaners, concomitamment au développement de la télévision privée en afrikaans sous la tutelle d’institutions dotées comme DStv.com[57].
Lavolkspele, une danse folklorique afrikaner d’inspiration suédoise.
La musique afrikaans traditionnelle comme laBoeremusiek est musicalement similaire à lamusique folk américaine.
L'opéra possède une certaine importance[réf. nécessaire] dans la culture des Afrikaners ; plusieurs chanteurs de classe mondiale continuent d'émerger d'Afrique du Sud.
La chanson en afrikaans la plus célèbre estSarie Marais (1900), d’ailleurs adaptée de la mélodie américaine Ellie Rhee datant de laguerre de Sécession. Sarie Marais relate la nostalgie des Afrikaners pour leur Transvaal sur fond de guerre des Boers.
Si les Afrikaners n’avaient pas de danse folklorique propre, laVolkspele émergea en1914, inspirée de danses traditionnellessuédoises.
En2006, le généralboerKoos de la Rey fut le sujet d’unechanson à succès d’un jeune chanteur afrikaner,Bok van Blerk, chanson qui valut à son auteur un doubledisque de platine. Elle eut un impact important sur la communauté afrikaner en pleine recomposition de son identité. Certains y virent une apologie de l’ère des Afrikaners alors que d’autres se déclarèrent surpris par la profondeur des paroles. L'écrivain afrikanerRian Malan déclarait notamment que l'impact émotionnel de la chansonDe la Rey reflétait fidèlement les sentiments profonds de beaucoup de Blancs qui se sentaient exclus de la nouvelle Afrique du Sud[58]. Le refrain sans équivoque manifestait l'absence de leadership afrikaner en politique et appelait au rassemblement des Boers autour d'une nouvelle figure charismatique symbolisée par celle du général De la Rey. En février2007, leclip illustrant la chanson est titré« meilleure vidéo musicale de l’année » par MK89, la chaîne satellitaire de musique à dominante afrikaans.
Depuis1994, leKlein Karoo Nasionale Kunstefees àOudtshoorn et, depuis1998, leAardklop festival àPotchefstroom démontrent la vivacité de la culture de langue afrikaans par le biais despectacles de rues, decabarets, demusiques, de danses ou d’art visuel drainant chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, majoritairement afrikaners.
Lerugby à XV est le sport national (lerugby à XIII ayant été banni par le régime de l'Apartheid[59],[60]) de la communauté blanche en général et des Afrikaners en particulier. Plus que tout autre sport, il fut un miroir de la société civile et politique et fut par conséquent dominé par les Afrikaners. Le rugby a même fini par devenir un symbole sportif constitutif de leur identité nationale presque au même titre que l’appartenance à l’Église réformée hollandaise.
Les Afrikaners ont en effet toujours été sur-représentés au plus haut niveau des instances dirigeantes du rugby sud-africain, avec des personnalités telles queDanie Craven (ancien capitaine, entraîneur et président de laFédération sud-africaine de rugby) ouLouis Luyt. L’équipe nationale elle-même fut à l’image de la communauté blanche et ses plus grands capitaines commeMorné du Plessis,Naas Botha,Francois Pienaar étaient aussi des Afrikaners.
Dès les années 1920, les Afrikaners ont donné au rugby, sport importé par les Britanniques, une place toute particulière. En même temps, le rugby jouait un rôle intégrateur entre les communautés anglaise et afrikaner. En effet, les Afrikaners ont vite pratiqué intensivement le rugby dès le collège. Ils trouvaient dans ce sport un corollaire aux fondements identitaires du peuple afrikaner fondés sur le rude mode de vie des Boers. L’Université de Stellenbosch, de langue afrikaans, symbolisa la stratégie des élites afrikaners quand elle devint rapidement une pépinière de joueurs de rugby et que laSouth African Rugby Board fut dirigée par des membres duBroederbond. Ainsi, entre1960 et1972, sur un total de 58 rencontres, les 52 titulaires du capitanat springbok étaient des Afrikaners membres du Bond[61].
À partir de1984, la Fédération internationale de rugby se joignit à unembargo sportif contre l’Afrique du Sud en raison de sa politique ethnique. Dorénavant, les Springboks ne pouvaient plus se déplacer à l’étranger pour se confronter à des équipes nationales ni en recevoir. Pour les Afrikaners, le rugby est un symbole si fort que, de toutes les sanctions sportives imposées contre l’Afrique du Sud, sonboycott fut sans doute le plus douloureusement ressenti.
Pourtant, les Sud-Africains contournent l’embargo et, lors du centenaire de la Fédération sud-africaine de rugby, Dannie Craven parvient à monter une tournée mondiale avec des joueurs étrangers invités « à titre individuel » à venir jouer dans une équipead hoc contre les Springboks.
En1992, l’embargo fut levé à la suite de l’abolition officielle de l’apartheid en.
En1995, lors de la Coupe du monde de rugby, la victoire finale des Springboks est marquée par le geste symbolique deNelson Mandela revêtant le maillot du capitaine afrikanerFrancois Pienaar.
Supporteurs de l'équipe des Springboks déployant l'emblème de leur équipe à l'occasion de leur victoire lors de lacoupe du monde de rugby 2007.
Une politique dediscrimination « positive » menée à partir de1995 par la mise en place de quotas, obligeant chaque équipe de province, à chaque niveau et pour chaque tranche d’âge, à intégrer un certain nombre de joueurs de couleurs (noirs,coloureds ou indo-asiatiques), est cependant mal ressentie par la population afrikaner et par les instances sportives provinciales dirigées par cette communauté. Le rugby se retrouve encore symboliquement au centre de la résistance au changement de la société sud-africaine blanche, qui considère cet épisode comme faisant partie d’une « campagne visant à se débarrasser des Afrikaners et à détruire leur culture ». Le président de la Fédération sud-africaine de Rugby, Louis Luyt, finit même par démissionner et fonder un parti dévoué à la cause afrikaner, l’Alliance fédérale[61].
La même année, on note le timide retour officiel du rugby à XIII avec la première participation de l'équipe d'Afrique du Sud à laCoupe du monde ; mais comme pour l'édition suivante en 2000, les « Rhinos » ne parviennent pas à dépasser la phase des poules. Cette équipe est alors majoritairement composée d'Afrikaners (Pierre Van Wyk, le seul marqueur de points pour son équipe, Guy Coombe, Andrew Ballot, François Cloete, Kobus Van Deventer[62]…).
En2007, 21 des 30 sélectionnés de l’équipe des Springboks lors de laCoupe du monde de rugby étaient des Afrikaners, parmi lesquelsSchalk Burger etFrançois Steyn. L'équipe remporta la coupe du monde pour la seconde fois de son histoire.
Lebraaivleis (viande grillée de rumsteack ou detournedos cuite aubarbecue de bois) fait figure de cérémonial identitaire des Afrikaners. Lebraai désigne une réunion entre amis, en plein air, dans un jardin ou sur une aire de pique-nique mais il représente aussi un acte social qui rassemble la classe moyenne blanche. Au départ, il s’agissait d’ailleurs de célébrer le souvenir desTrekboers. Lebraai s’accompagne debière sud-africaine, devin blanc du Cap et de petitessaucisses épicées à base de bœuf, lesboerewors (saucissesboers).
De manière générale, la cuisine afrikaner est un mélange de plats d’influences européenne et orientale. Lebiltong est la plus typique des spécialités culinaires afrikaners. Il se présente sous forme de viande (d’autruche, dekoudou, debœuf…) ou de saucisse séchée, particulièrement assaisonnée auxépices. Facile à conserver et à transporter, le biltong fut le met de résistance desTrekboers durant leurs déplacements dans l’intérieur du pays.
Les koekesters.
Lebreddie est une sorte de ragoût delégumes ou demouton parfumé aucurry. Lepotjiekos est un ragoût de viande cuit dans une marmite et lessosaties sont des brochettes.
Lebobotie, composé de viande hachée revenue dans desoignons, parfumée au curry et baignée dans un mélange d’œufs et delait, est sans doute le plat le plus populaire.
Lesnoek est une sorte debarracuda qui se fait sécher et saler.
En dessert, les spécialités afrikaners sont leskoekesters (oukoeksisters en anglais), desbeignets aumiel très sucrés, et lamelktert, unetourte auxpommes servie avec de la crème et parfumée aubrandy.
La bière locale est de marque Castle, Lion lager ou Carling.
« Ils étaient racistes, très attachés à la terre, et généreux. Envers les Noirs aussi. J’ai vu une famille dans son jardin qui fabriquait un cercueil pour la bonne noire - mon entourage de gauche n’aurait pas passé un samedi après-midi à faire ça ; ils auraient donné de l’argent à la famille. Mais tout en construisant le cercueil, ils faisaient des blagues pour savoir si la bonne allait rentrer dedans. S’il fallait couper les jambes pour que ça tienne. C’est une contradiction qui dit notre histoire. »
« Je partage avec d’autres, noirs, bruns, blancs, cet endroit de la terre où ma mère et mon père sont enterrés, et mes grands-parents, et leurs ancêtres, depuis des générations et des générations. Cela signifie que nous nous sommes assimilés par près de quatre siècles de vie sur ce continent, et qu’en retour nous avons assimilé ces siècles dans nos os et notre sang : les rythmes de sécheresse et d’inondation, les famines et l’abondance, les cruautés inhumaines et les meurtres et les privations, les rires et l’amour, la pitié et la générosité. Tout ceci a eu un prix, et nous l’avons payé parfois de mauvaise grâce ou même avec ressentiment, souvent avec joie et bonne volonté. »
— Témoignage de l'écrivain afrikanerAndré Brink affirmant son droit à continuer à vivre en Afrique du Sud en 2008 en dépit de la situation politique et sociale du pays[63]
↑Paul Coquerel, "l'Afrique du Sud des Afrikaners", éditions complexes, 1992,p. 60
↑Jean Sévry, professeur à l'université de Montpellier III,L'Afrikaner vu par les historiens et les écrivains : portraits ou caricatures ? dansÉcritures et Histoire de l'Afrique du Sud, Palabres Vol. V,no 1, 2003,p. 38
↑Paul Coquerel,L’Afrique du Sud des Afrikaners,p. 60 et S.
↑William Bellamy,Une identité nouvelle pour l’Afrique du Sud, publications de laSorbonne,1996,p. 112 et s.
↑Qualificatifs argotiques péjoratifs évoquant la salinité de leurappareil génital au motif qu'ils auraient un pied en Afrique du Sud, l'autre auRoyaume-Uni et le reste dans l’Atlantique[12],[13]
↑Basé sur une analyse des Enquêtes Statistiques des Ménages d’Afrique du Sud, l’auteur du rapport, Frans Cronjé estime le nombre de Sud-Africains blancs dans le pays à 4,3 millions, soit 841 000 de moins que les 5,2 millions de 1995
↑La crainte que 8 millions de noirs ne se soulèvent et balayent les Afrikaners et leur culture de toute la surface de l’Afrique du Sud définissent leswaartgevaar
↑Hermann Giliomée, professeur de sciences politiques à l’université du Cap,Une histoire en mosaïque dans l’Afrique du Sud, riche, dure, déchirée", HSno 15, novembre 1985, Collection Autrement,p. 76
Dan O'Meara,Volkskapitalism: Class, Capital and Ideology in the Development of Afrikaner Nationalism, 1934-1948, Cambridge: Cambridge University Press, 2009, 300p.(ISBN978-0-521-10467-8)