L’affaire du Carrefour du développement est uneaffaire politico-financièrefrançaise dedétournement de fonds publics, qui implique notammentChristian Nucci,ministre de la Coopération socialiste, ainsi que sonchef de cabinet,Yves Chalier. L'affaire éclate en lors de lapremière cohabitation et atteint à la réputation duParti socialiste.
Christian Nucci, membre du Parti socialiste, est élumaire deBeaurepaire dans l'Isère en. En, il intègre legouvernement Pierre MauroyII en tant queministre délégué chargé de la Coopération et du Développement ; il est ainsi chargé des relations avec lesanciennes colonies françaises[1].
Arrivé au ministère, Nucci se fixe comme objectif subsidiaire de redynamiser le bimensuelActuel Développement, une revue des coopérants publiée par son ministère. Le[2], il déclare à lapréfecture de police de Paris uneassociation loi de, l'Acad, « Association Carrefour du développement », spécialisée dans les problèmes d'information sur letiers monde. L'association est chargée d'éditer cette revue. Nucci place des personnes de confiance dans cette association, qui compte une trentaine de salariés[3]. Il y a, à sa tête, Michèle Bretin-Naquet, professeur de psychologie, et une de ses conseillères ; letrésorier est sonchef de cabinet, Yves Chalier[4].
L'association fonctionne normalement jusqu'en[4]. À cette date, leprésident de la République,François Mitterrand, charge Nucci de superviser l'organisation d'un sommet international des chefs d'État africains qui doit se tenir le et àBujumbura, auBurundi. Toutefois, la ville ne possède pas la moindre infrastructure dimensionnée pour accueillir un tel événement. Le montage de l'opération est délégué à l'Acad, qui reçoit80 millions de francs de fonds publics[1].
Yves Chalier effectue un voyage de repérage au Burundi. De retour en France, il rend compte de ce que le budget de80 millions de francs qui est alloué au ministère est insuffisant pour financer le sommet, notamment du fait du coût de la mise en place delignes hertziennes ainsi que dupont aérien chargé d'acheminer desgroupes électrogènes et des cabines de conférences.
Est alors mise en place une comptabilité fictive avec des fausses factures qui servent à couvrir d'autres dépenses[5]. L'argent public est alors utilisé non seulement pour l'organisation de la conférence, mais aussi à des fins personnelles. Notamment,1,4 million de francs va à Chalier, qui lui permet d'acheter un appartement àQuimper, un studio àParis, ainsi que faire des dons et des prêts à sa maîtresse et à son ex-femme. Le ministre Nucci, lui, obtient20,5 millions de francs, qui vont au financement d'un voyage touristique à Paris pour des habitants de Beaurepaire[1], à des travaux d'une imprimerie beaurepairoise pour les affiches de sacampagne électorale de, ainsi que le règlement de ses cotisations au Parti socialiste, le financement de réceptions faramineuses offertes à des dignitaires africains dans sa villa de Beaurepaire, et le financement de l'opération Manta.3,3 millions de francs vont à l'achat et la restauration d'un château enSologne, prétendument destiné à la formation de cadres africains, par Chalier et la sous-préfète du Cher, Marie-Danielle Bahisson(d), la rumeur voulant que ce centre de formation serve à abriter unbordel pour les personnalités africaines[6].
LaCour des comptes enquête à partir d' sur la comptabilité de l'Acad, si bien que l'association est dissoute le. À la suite desélections législatives de, lePremier ministre,Jacques Chirac, nommeMichel Aurillac nouveau ministre de la Coopération. Ce dernier reçoit un rapport de la Cour des comptes qui révèle que l'Acad affiche un trou d'un« peu plus de20 millions de francs ». Aurillac annonce publiquement ces irrégularités à la presse le. L'affaire du Carrefour du développement est lancée[7].
L'affaire porte sur un détournement de27 millions de francs entre et.Inculpé de détournement de fonds, defaux en écritures publiques et privées par la commission d'instruction de laHaute Cour de justice, Christian Nucci bénéficie de laloi d'amnistie du sur les délits definancement illégal de campagnes électorales.
La Haute Cour a rendu unnon-lieu le tout en regrettant que« pour la première fois de Notre République, on amnistie des faits criminels »[8]. Jeuneavocat,Arnaud Montebourg défend la présidente de l'association, Michèle Bretin-Naquet, qui estrelaxée[9].
Le, la Cour des comptes déclare Nucci« débiteur envers l'État » de20,463 millions de francs (soit3,119 millions d'euros) d'argent public détourné solidairement avec Yves Chalier. Ce dernier est condamné à cinq ans de prison en et placé enliquidation judiciaire le tandis que Nucci, après une longue procédure judiciaire, rembourse mensuellement 1 524 euros depuis, devant encore2,9 millions d'euros en[10].
Cette affaire a néanmoins conduit à une réforme du système français de coopération en. C'est l'un des premiers scandales dupremier septennat deFrançois Mitterrand qui discrédite durablement la classe politique et en particulier le Parti socialiste qui entre dans l'« affairisme rose »[11].