
Ad orientem (« vers l'orient ») est une expressionlatine propre à laliturgie catholique qui indique originellement qu'unemesse est célébrée par leprêtre en direction de l'orient, le soleil levant symbolisant leChrist. Elle est couramment utilisée pour signifier la même orientationversus Deum (« vers Dieu ») du prêtre et des fidèles, indépendamment de l'orientation de l'église elle-même vers l'est.
Ce lien entre Dieu et l'orient est dû à plusieurs passages duNouveau Testament qui symbolisent leChrist par l'image du soleil levant ainsi qu'à diverses traditionschrétiennes selon lesquelles, lors de laParousie, le Christ reviendrait par la porte orientale deJérusalem. Des fidèles tournés vers l'est pour prier est venue latradition architecturale de construire leséglises selon un axe ouest-est, « vers l'orient ».
À la suite duconcile Vatican II, des liturgistes et leConsilium ont fait valoir qu'en célébrantad orientem le prêtre se tenait « dos au peuple », ce qui n'était pas en faveur de laparticipatio actuosa, la participation pleine, consciente et active des fidèles souhaitée par le même concile. La direction inverse dead orientem, nomméeversus populum (« face au peuple »), a ainsi été autorisée à partir de 1964, sans toutefois que la célébrationad orientem ait été abrogée par la réforme liturgique issue du concile.
Dans lejudaïsme, il est de tradition que les fidèles adressent leurs prières dans une même direction[1]. LeTalmud indique que lesJuifs en dehors d'Eretz Israël prient dans sa direction, que les Juifs en Terre d'Israël prient en direction deJérusalem, que les Juifs de Jérusalem prient vers lemont du Temple et que les Juifs sur le mont du Temple prient vers l'emplacement duSaint des saints[1].
En principe, lessynagogues, où que ce soit dans le monde, sont tournées vers Jérusalem, et si la situation géographique ne le permet pas, l'assemblée prie face à laTorah[1]. Ainsi les prières des fidèles maintiennent-elles une direction commune, celle de Dieu révélé dans l'Écriture[1].
En fait, des fouilles archéologiques démontrent qu'auIer siècle les synagogues deJudée suivaient une double tradition[2]. D'une part, le sanctuaire de la synagogue devait faire face auTemple de Jérusalem, qui était positionné est-ouest[2]. D'autre part, ce sanctuaire devait être tourné vers l'occident, à l'instar du Saint des saints du Temple, qui se trouvait dans la partie ouest[2] et dont le soubassement, datant d'Hérode Ier le Grand, est aujourd'hui leMur occidental où vont prier les Juifs. .

La premièreéglise du Saint-Sépulcre de Jérusalem étaitorientée est-ouest, comme le Temple d'Hérode[3]. Cette imitation du Temple mettait en valeur la dimensioneschatologique de la mort sacrificielle du Christ défini comme le nouveauGrand Prêtre par l'Épître aux Hébreux[2]. De nombreusesbasiliques ont donc conservé cette disposition « occidentée », autrement dit avec la façade à l'est et l'autel à l'ouest, en particulier trois des quatrebasiliques majeures deRome : labasilique Saint-Pierre,Saint-Jean-de-Latran, etSainte-Marie-Majeure. Près d'un tiers des églises sont dans ce cas pendant lespremiers siècles du christianisme : l'orientation ouest-est n'est pas encore une règle universelle[4],[5], notamment en raison de contraintes topographiques[6].
Or, si la foi chrétienne identifie au Grand Prêtre le Christ de laCrucifixion, elle associe saRésurrection à laNouvelle Jérusalem, symbolisée par le soleil levant : c'est donc en direction de l'orient que leprêtre célèbre l'eucharistie[2]. Dans les basiliques romaines tournées vers l'occident, les fidèles se tiennent tout d'abord face à l'autel, au centre de l'édifice, mais lors de la consécration, ils se tournent face à l'est, comme le prêtre[2]. C'est à cet égard que le papeLéon le Grand met en garde les fidèles qui, à l'intérieur de la basilique, se retourneraient afin de prier vers le soleil levant, à l'est : cela reviendrait à observer une coutume venue descultes païens qui divinisaient les astres[7].

SelonTertullien (entre et –c. 220) etOrigène (c. 185 –c. 253), les premiers chrétiens priaient vers l'est. Tertullien déclare : « Nous nous tournons vers l'orient pour prier »[8]. Origène observe qu'il n'est pas facile de savoir « pour quelle raison, de toutes les directions qui existent, nous les chrétiens prions uniquement vers l'est »[9].
De nombreuxPères de l'Église, dontClément d'Alexandrie etAugustin d'Hippone, ont évoqué la prière face à l'orient[1].Basile de Césarée (329-379) estime que la prière en direction de l'est fait partie des commandements non écrits de l'Église, en raison de la seconde venue du Christ telle que l'annonceMatthieu 24:27[10] :« Comme l’éclair part de l’orient et brille jusqu’à l’occident, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’Homme. »[2]. Lesapologètes chrétiens duVIIe siècle justifient ces prières vers l'orient par le fait que leJardin d'Éden est situé à l'est selon leLivre de la Genèse (2:8), qu'à lafin des temps le Messie ressuscité reviendrait à Jérusalem par l'est et que « le signe du Fils de l'Homme » apparaîtrait dans les cieux de l'est lors de son retour (Matthieu 24:30)[11].
L'importance de l'assemblée qui se retourne vers l'est pour prier, en union avec le prêtre qui actualise le sacrifice du Christ, est telle que la plupart des églises duMoyen Âge, d'abord àRome puis dans le reste de l'Europe occidentale, deviennent peu à peu« orientées »[2] : elles s'adaptent à cette dévotion communautaire dirigée vers l'orient, dans l'attente du soleil levant, symbole du Christ ressuscité et « lumière du monde » (Jean 8:12).
L'orientation traditionnelle duchœur vers l'orient a été déclarée facultative par les préceptes desInstructiones fabricae et supellectilis ecclesiasticae[12] (1577) deCharles Borromée, artisan de laContre-Réforme, et par le papePie V, selon lequel il importe davantage que la façade de l'église soit bien située par rapport à la ville et à son axe principal[13].
Lecardinal Ratzinger note : « Une chose est restée claire à l'esprit de toute la chrétienté : la prière vers l'Orient est de tradition depuis l'origine du christianisme, elle exprime la spécificité de la synthèse chrétienne qui intègre cosmos et histoire »[14]. Il ajoute : « L'homme moderne ne comprend plus grand-chose à cette orientation » vers « le signe cosmique du soleil levant [qui] symbolise l'universalité de Dieu »[15].
Avant la réforme liturgique issue duconcile Vatican II, il n'y avait aucune contradiction entread orientem etversus populum, même si la plupart des messes étaient célébréesad orientem. Les éditions duMissel romain avant laréforme liturgique de, y compris l'édition de 1962, contiennent la phrase :Si altare sitad orientem, versus populum, celebrans versa facie ad populum, non vertit humeros ad altare, cum dicturus estDóminus vobiscum, Oráte, fratres, Ite, missa est, vel daturus benedictionem (« Si l'autel est tourné vers l'orient, face au peuple, le célébrant, tourné vers le peuple, ne tourne pas le dos à l'autel lorsqu'il ditLe Seigneur soit avec vous, Priez, mes frères, Allez dans la paix du Christ ou lorsqu'il donne la bénédiction. »)[16] ».
La célébrationversus populum, quoique minoritaire, n'était pas exclue avant le concile Vatican II. Elle était même imposée par la structure de certaines églises, comme dans le cas de labasilique Saint-Pierre qui est orientée vers l'ouest, ce qui nécessite que les messes soient célébrées face aux fidèles pour être célébrées en direction de l'orient.
Dans la constitution du concile Vatican II sur la liturgieSacrosanctum Concilium (1963), la célébrationad orientem n'est pas abordée et la célébrationversus populum n'est pas non plus préconisée.Sacrosanctum Concilium promeut laparticipatio actuosa des laïcs, c'est-à-dire leur participation pleine, consciente et active. C'est le point sur lequel leConsilium s'appuiera notamment pour permettre la célébrationversus populum[17].
C'est l'instructionInter œcumenici du qui indique la première qu'il fautpouvoir adopter leversus populum :« II est bien de construire l'autel majeur séparé du mur, pour qu'on puisse en faire facilement le tour et qu'on puisse y célébrer vers le peuple (…). »[18],[19]. Cette consigne sera reprise en 1969 dans le n. 299 de laPrésentation générale duMissel romain de lamesse de Paul VI : « Il convient, partout où c'est possible, que l'autel soit érigé à une distance du mur qui permette d'en faire aisément le tour et d'y célébrer face au peuple[20],[18]. Néanmoins, ce changement n'était pas central dans les textes, mais s'est opéré plus rapidement que prévu[21].
Depuis la fin duXXe siècle, leversus populum est plus que majoritaire : presque universel[1].
En 2001,Benoît XVI rappelle dansL'Esprit de la liturgie, que« chaque époque doit redécouvrir et exprimer l'essence de la liturgie. Il s'agit de la découvrir au milieu de toutes les apparences changeantes »[1].
En 2008, on a employé l'expressionad orientem à propos de la messe célébrée par Benoît XVI le dans lachapelle Sixtine, tourné en réalité vers l'ouest, car l'autel de cette chapelle se trouve contre le mur occidental, sous la fresque duJugement dernier de Michel-Ange[22],[23]. Le Bureau des célébrations liturgiques pontificales a précisé à ce propos qu'il s'agissait là « de ne pas altérer la beauté et l’harmonie de ce joyau architectural, en préservant sa structure du point de vue de la célébration » et que le reste de la messe s’est déroulé « selon le Missel ordinaire, introduit par Paul VI, après le concile Vatican II »[24]. De nouveau, le 15 avril 2010, Benoît XVI a célébréad orientem dans la chapelle Sixtine, devant laCommission biblique pontificale[25].
Le 12 janvier 2014, lepape François a lui aussi célébréad orientem, face à l'autel attaché au mur occidental de la chapelle Sixtine. Même si, ni avant ni après Vatican II, les normes liturgiques n'ont imposé l'un ou l'autre choix, les médias ont tellement associé lead orientem aucourant traditionaliste qu'ils ont tenu à souligner cet événement[26] alors que la disposition des lieux n'offrait de toute façon aucune autre possibilité[27].
LecardinalRobert Sarah, préfet de laCongrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, a appelé plusieurs fois les prêtres à célébrerad orientem pendant les parties de la messe au cours desquelles ils s'adressent directement à Dieu, c'est-à-dire « le rite pénitentiel, le chant duGloria, les oraisons et laprière eucharistique ». Il s'est exprimé en ce sens dansL'Osservatore Romano le, dans un entretien au magazineFamille chrétienne en et dans le cadre d'un congrès à Londres le[28],[29],[30] :« Il est très important que nous revenions le plus tôt possible à une orientation commune des prêtres et des fidèles tournés ensemble dans la même direction – vers l’Orient ou au moins vers l’abside, vers le Seigneur qui vient (…). Votre discernement pastoral déterminera comment et quand cela sera possible. » Le, le pèreFederico Lombardi, directeur duBureau de presse du Saint-Siège, affirme que ces remarques du cardinal Sarah « ont été mal interprétées, comme si elles annonçaient de nouvelles indications différentes de celles qui ont été données jusqu’alors dans les normes liturgiques et dans les paroles du pape sur la célébration face au peuple et sur le rite ordinaire de la messe ».
Le, le papeLéon XIV a lui aussi célébréad orientem, lors d'une messe dans la chapelle desCarabinieri àCastel Gandolfo[31].
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