Surnommée Haïdi, Adélaïde est la fille dupasteur de l’Église réformée d'Alsace-Lorraine Philippe Haas-Hautval[1],[2]. Elle naît dans un village qui appartient alors à l'Empire allemand[3]. Pro-français, le pasteur Haas avait décidé en 1920 d'accoler le nom français Hautval à son patronyme[2]. Elle est la septième et plus jeune enfant de la famille[4]. Elle fait du scoutisme chez les éclaireuses unionistes deGuebwiller[5] au sein de laFédération française des éclaireuses. Elle est autorisée à porter le nom de Hautval par jugement du.
Son arrestation a lieu en, alors qu'elle traversait laligne de démarcation àVierzon pour des raisons personnelles[4] (les funérailles de sa mère[6]). À la prison deBourges où elle est internée, elle prend la défense en allemand d'une famillejuive maltraitée par un soldat allemand[7]. Les Allemands lui disent alors« puisque vous défendez les juifs, vous partagerez leur sort[4] ». Elle est emprisonnée àBourges[4] puis internée àPithiviers[3], les Allemands lui font porter sur la poitrine uneétoile jaune avec une banderole« amie des juifs[4]. » Elle est ensuite transférée àBeaune-la-Rolande le 24 septembre 1942 et y reste jusqu'au 5 novembre 1942[3], elle passe quelques jours à la prison d'Orléans en, et arrive enfin à la prison deRomainville le de la même année[4],[3]. Elle estdéportée àAuschwitz par le convoi du, ditconvoi des 31000[3], où elle a le matricule 31 802[4].
Sa qualité de médecin est reconnue au bout de quelques jours et elle devient médecin dans un desrevier[n 1] deBirkenau[4]. Les conditions médicales sont plus que déplorables. Elle est d'abord affectée aublock 22, où elle s'occupe de détenues allemandes, puis est envoyée en aublock 10 du camp principal[4]. Elle refusa de participer à l'expérience « médicale » des médecins nazis Clauberg, Schumann, Wirths etMengele. Le médecin-chef y pratique des« expériences », notamment des stérilisations de femmes en brûlant leurs organes avec des produits caustiques[4]. Adélaïde Hautval refuse d'y participer et est chargée des soins post-opératoires[4]. Lorsqu'un nouveau médecin-chef est affecté à ce service, il ordonne à Adélaïde Hautval de l'assister, ce qu'elle refuse et elle est renvoyée, en parmi les autres détenues du camp[4]. Elle y est relativement isolée : en quelques mois la population du camp s'est renouvelée et les détenues qu'elle avait rencontrées en prison ou lors de son transfert sont mortes ou ont été transférées dans un autreblock[4]. Le, elle apprend parOrli Reichert-Wald chargée de l'administration durevier qu'elle serait exécutée le lendemain si elle n'acceptait pas de participer aux opérations, ce qui ne la fait pas changer d'avis. Orli lui administre alors un somnifère, fait peut-être passer un autre cadavre pour le sien en prétendant qu'elle est déjà morte et lui sauve ainsi la vie[4].
Adélaïde Hautval est par la suite de nouveau affectée comme médecin au camp[4]. En tant que psychiatre, elle est amenée à examiner des femmes devenues folles avec comme ordre de les déclarer « inaptes au travail », ce qui les conduira directement à lachambre à gaz. Elle ne comprend pas pourquoi on lui demande ici des justifications médicales pour pouvoir assassiner. Volontaire pour« voir » et« dire après », elle assiste à plusieurs séries d'expériences des médecins nazis, notamment celles du DocteurCarl Clauberg spécialisé dans la stérilisation et la castration, tout en soulageant ses camarades et en les faisant échapper à la mort[8]. Elle souffre dutyphus de jusqu'en février-mars de l'année suivante[4].
Elle est transférée àRavensbrück le[3] où on l'envoie comme médecin aucamp de concentration de Watenstedt (une usine de munitions), puis, l'administration s'apercevant qu'elle était classéeNuit et brouillard, elle ne peut plus travailler à l'extérieur de Ravensbrück où elle est ramenée. Elle est alors de nouveau médecin auRevier[4]. Elle voit la libération du camp en avril 1945 mais y reste avecMarie-Claude Vaillant-Couturier afin de s'occuper des malades qui ne peuvent être immédiatement transportés[4]. Elle quitte le camp pour la France avec les derniers malades français le[4].
En 1946, Adélaïde Hautval écritMédecine et crimes contre l'humanité, qui sera édité en 1991[9].
En, elle témoigne en Angleterre au procès endiffamation de l’écrivainLeon Uris contreVladislav Dering (Dering v Uris(en)), un médecin polonais qui avait participé à des expérimentations médicales à Auschwitz et qui réfutait une note de bas de page de son romanExodus[6],[10].
Adélaïde Hautval,Médecine et crimes contre l'humanité : le refus d'un médecin, déporté à Auschwitz, de participer aux expériences médicales, Éditions du Félin,, 120 p.(ISBN2866456335 et978-2866456337)
Sa commune natale du Hohwald a érigé en 1991 une fontaine sur laquelle est inscrite en onze langues sa devise :« Pense et agis selon les eaux claires de ton être »[15].
À Groslay, où elle vécut après la guerre, une plaque est apposée sur le mur de sa maison en
Une plaque commémorative a été apposée en gare deRothau (Bas-Rhin) le.
ÀGuebwiller (Haut-Rhin), le « Cercle Adélaïde Hautval » a été créé en 2006 et une école porte son nom depuis la rentrée 2019[16].
Le, le directeur général des Hôpitaux de Paris,Martin Hirsch, annonce à l'AFP que l'hôpital deVilliers-le-Bel porte désormais le nom d'hôpital Adélaïde-Hautval[17] en remplacement de son ancien nom d'hôpitalCharles-Richet, du nom d'un médecin rétrospectivement décrié pour ses thèses racistes.
En 2020, le collège deFerrette (Haut-Rhin) est renommé collège Adélaïde-Hautval
Une exposition lui est consacrée par le Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret et de la déportation juive (Cercil) àOrléans en
↑Le motrevier, prononcé par les déportés françaisrevir, est l'abréviation deKrankenrevier, le quartier des malades dans un bâtiment militaire. SelonCharlotte Delbo, déportée à Auschwitz par le même convoi qu'Adélaïde Hautval, la signification qu'a ce mot au camp n'est pas traduisible en français car« ce n'est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C'est un lieu infect où les malades pourrissent sur trois étages. »Delbo,p. 24
↑Contribution à la localisation des troubles psychiques post-commotionnels (les aphasies, les bradypsychies), Université de Strasbourg, 1934, 146 p. (thèse de Médecine)[1]
↑a etbMaryvonneBraunschweig et GeorgesHauptmann,Docteur Adélaïde Hautval, dite « Haïdi », 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück. Juste parmi les Nations., Conférence-débat du Cercle d’étude du 26 novembre 2014 : conférence de G. Hauptmann, témoignages de G. Obœuf, d’A. Postel-Vinay, nombreux documents originaux., Paris, édition du Cercle d’étude,, 240 p., cité par« Adélaïde Hautval, (1906-1988) une biographie », surle site du Cercle d’Études de la Déportation et de la Shoah.
↑Médecine et crimes contre l'humanité : témoignage manuscrit « Déportation » écrit en 1946, revu par l'auteur en 1987, Actes Sud, Paris, 1991, 101 p.(ISBN2-86869-657-0)[2]
↑Watson, Geoffrey, « The 'misunderstood' doctor of Auschwitz »,Bar News: The Journal of the New South Wales Bar Association, New South Wales Bar Association,(lire en ligne[PDF])
Maryvonne Braunschweig, Georges Hauptmann,Docteur Adélaïde Hautval, dite Haïdi, 1906 – 1988. Des camps du Loiret à Auschwitz et Ravensbrück[...], témoignages de Génia Obœuf, d’Anise Postel-Vinay, nombreux documents originaux, édition du Cercle d'étude, Paris, 2017, 240 p.
Sabine Faivre,Adelaïde Hautval, une conscience face au mal- le destin d'un médecin chrétien dans l'enfer d'Auschwitz, éditions L'Harmattan, 24 octobre 2024.(ISBN978-2-336-48772-4)
(en)Mordecai Paldiel, « Adelaïde Hautval.The French Woman Physician: 'One of the Most Remarkable Persons Humankind Has Ever Known' »,Saving the Jews: Men and Women who Defied the Final Solution, Taylor Trade Publications, 2011(ISBN9781589797345)