Plusieurs espèces d'esturgeons sont pêchées pour leurs œufs, lecaviar, mais aussi pour leur chair. Leur croissance lente, leur maturité tardive et leur alimentation riche enmollusques etcrustacésbenthiques les rendent particulièrement vulnérables à la surpêche, à la pollution et à la fragmentation de leur habitat. La plupart des espèces d'esturgeons sont actuellement considérées comme menacées d'extinction.
Entre 1970 et 2012, les populations d'esturgeons vivant dans les lacs et les rivières ont chuté de 94 %[2].
Bien qu'ils appartiennent à la super-classe desOsteichthyes (poissons osseux), les esturgeons ont un squelette principalement cartilagineux, caractéristique de la sous-classe deschondrostéens. Ils n'ont pas d'écailles : leur corps est partiellement recouvert de plaques osseuses nomméesscutelles. Ils ont quatrebarbillons tactiles devant leur bouche, dépourvue de dents mais capable d'aspirer tout ce qui vit sur le fond. Avec leur rostre, ils fouillent lavase, et utilisent leurs barbillons pour détecter des mollusques, des crustacés et de petits poissons dont ils se nourrissent. Les esturgeons sont immédiatement reconnaissables à leur corps allongé, à leurrostre plat, à leurs scutelles et leurs barbillons ainsi qu'au lobe supérieur allongé de leur nageoire caudale.
En raison de leurs tailles et âges possibles, les esturgeons sont parfois qualifiés de « Léviathans » ou de « Mathusalems » des poissons, par référence à laBible. Ils sont parmi les plus grandspoissons d'eau douce : certains bélougas âgés des mersNoire etCaspienne peuvent dépasser 7 m pour une masse d'une tonne et demie, tandis que lecalouga dufleuve Amour atteint une longueur de 5,6 m et peut dépasser la tonne[3],[4]. Leur longévité aussi est l'une des plus grandes parmi les poissons : certains vivent plus de 100 ans et atteignent leur maturité sexuelle à 20 ans ou plus. La combinaison d'une croissance lente et d'une maturité tardive rendent l'esturgeon particulièrement vulnérable à lasurpêche. Les esturgeons sontpolyploïdes ; certaines espèces ont quatre, huit ou 16 jeux dechromosomes.
Dans l'Antiquité, les esturgeons étaient appelésoxyrhynques soit « nez pointus » ; le mot « esturgeon » est un emprunt fait à l'ancien bas franciquesturio soit « rostré », d'où lenéerlandaissteur, comparable à l'allemandStör, auvieil anglaisstyria ou auvieux norroisstyrja.
Lenom scientifique de la famille a été attribué d'après celui de l'un des genres. L'étymologie deAcipenser est incertaine, une simple étymologie latine est improbable du fait de la terminaison parer, cependant ce terme pourrait dériver deacupensum viaacipensis à la suite de réajustements morpho-phonologiques, dérivant deacus pour « aiguille, pointe » et depensum pour « fuseau ».Acipenser désignerait donc à la fois le rostre et les barbillons en fuseau de sa tête[5].
DesAcipenseriformes sont visibles parmi lesfossiles d'il y a environ 174 à 201millions d'années (Ma) au cours duJurassique inférieur, ce qui en fait les plus anciensactinoptérygiens encore vivants[6]. Les vrais esturgeons apparaissent dans le registrefossile au cours duCrétacé supérieur. Au cours de cette période, ils subissent peu de changements morphologiques, ce qui indique une évolution lente qui leur vaut le statut informel d'espèce panchronique[7],[8]. Cela s'explique en partie par l'abondance de proies dans l'environnement benthique, le peu de prédateurs pour les adultes en raison de leur taille et de leursscutelles, le long intervalle entre les générations et la tolérance à de larges plages de température (eurythermie) et de salinité (euryhalinie). Bien que leur évolution ait été lente, ils forment unOrdre très évolué, et ne ressemblent pas étroitement à leurs ancêtreschondrostéens. Ils partagent cependant plusieurs caractéristiques anciennes, telles que laqueue hétérocerque, lasquamation réduite, plus de rayons de nageoires que d'éléments osseux de soutien, et une attache unique de la mâchoire[9].
Avant l'ère industrielle et le début duXXe siècle, les vessies natatoires d'esturgeon (principalement dubéluga) ont été utilisées comme une source de colle de poisson, une forme decollagène utilisée historiquement pour la clarification de labière, comme un prédécesseur de lagélatine. La grande quantité de glace nécessaire à la conservation et à l'acheminement ducaviar provenait soit des montagnes comme l'Elbourz, leCaucase, lesAlpes pontiques ou lesBalkans, soit deslimans englacés l'hiver (les plaques de glace étant conservées dans desglacières), rendant le prix des œufs d'esturgeon accessible seulement auxnoblessesrusse,roumaine,turque etperse, puis plus récemment à lanomenklatura et à l'exportation vers lagentry des pays riches. C'est pourquoi les esturgeons renvoient à une image de grand luxe. L'esturgeon fournit aussi unechair prisée qui accompagne traditionnellement le caviar, et également un cuir utilisé dans lamaroquinerie de prestige[10]. Cette image luxueuse a contribué à sasurpêche et à sa disparition dans presque la totalité de sonaire de répartition.
La plupart des espèces d'esturgeons sont désormais protégées, et figurent dans l'appendice III de laconvention de Berne, leur commerce est également limité en vertu de l'appendice II de laCITES.
↑Gene Helfman, Bruce B. Collette, Douglas E. Facey et Brian W. Bowen,The Diversity of Fishes: Biology, Evolution, and Ecology, John Wiley & Sons,, 252–(ISBN978-1-4443-1190-7,lire en ligne)