Cet article concerne l'abbaye. Pour l'île, voirMont Saint-Michel. Pour la commune française, voirLe Mont-Saint-Michel. Pour les autres significations, voirMont Saint-Michel (homonymie).
Pour les articles homonymes, voirAbbaye Saint-Michel etSaint-Michel.
| Abbaye du Mont-Saint-Michel | ||
Vue de l'abbaye, côté sud, montrant un des nombreux chantiers de restauration entrepris par lecentre des monuments nationaux. | ||
| Existence et aspect du monastère | ||
|---|---|---|
| Existence | En activité | |
| Site web | www.abbaye-mont-saint-michel.fr | |
| Identité ecclésiale | ||
| Culte | Culte catholique | |
| Diocèse | Diocèse de Coutances et Avranches | |
| Type | Abbaye de moines | |
| Armoiries ou sceau du monastère | ||
| Blasonnement | De sable à 10 coquilles d’argent, 4, 3, 2 et 1 ; au chef de France[tech 1]. | |
| Présentation monastique | ||
| Fondateur | Richard Ier de Normandie | |
| Origine de la communauté | L'évêqueAubert d'Avranches fit ériger sur le Mont-Tombe un oratoire. Il y aurait installé ensuite un chapitre de douzechanoines.Richard Ier de Normandie notifia aux chanoines qu'ils se soumettent aux austérités de la vie claustrale. Le remplacement des chanoines par des moines bénédictins eu lieu en 965. | |
| Ordre | Ordre de Saint-Benoît (966-1791) puis (1969-2001),Fraternités monastiques de Jérusalem (depuis 2001) | |
| Patronage | Michel (archange) | |
| Armes ou sceau du fondateur | ||
| Blasonnement | De gueules à deux léopards d'or l'un sur l'autre. | |
| Historique | ||
| Date(s) de la fondation | 965 | |
| Personnes évoquées | Aubert d'Avranches | |
| Fermeture | 1791-1966 | |
| Architecture | ||
| Styles rencontrés | Architecture romane (cryptes, nef et transept de l'église abbatiale),architecture gothique (chœur de l'église, cloître, Merveille) | |
| Protection | ||
| Site du Bien | Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France | |
| Dans le Bien | Mont-Saint-Michel et sabaie | |
| Localisation | ||
| Pays | ||
| Région historique | Neustrie-Normandie | |
| Région | Normandie | |
| Département | Manche | |
| Commune | Le Mont-Saint-Michel | |
| Coordonnées | 48° 38′ 09″ nord, 1° 30′ 41″ ouest | |
| modifier | ||
L'abbaye du Mont-Saint-Michel est unétablissement monastique encore en activité. Autrefoisbénédictine, elle est depuis 2001 affiliée à l'ordre desFraternités monastiques de Jérusalem. Elle est située sur l'îlot dumont Saint-Michel, qui se trouve lui-même sur le territoire de lacommune française nomméeLe Mont-Saint-Michel dans ledépartement de la Manche enrégion Normandie.
L'abbaye est classée au titre desmonuments historiques parliste de 1862. Le site est doublement inscrit sur laliste du patrimoine mondial de l’UNESCO : une première fois en 1979 comme bien intitulé « Mont Saint-Michel et sabaie » et une seconde fois en 1998 en tant que composante du bien en série « Chemins de Compostelle en France ».
L'édifice religieux attire à lui seul 1,5 des quelque2,5 millions de touristes qui viennent chaque année au mont, ce qui fait de l'abbaye l'un despremiers sites culturels visités en France.
L'îlot dumont Saint-Michel se trouve sur le territoire de la commune française nomméeLe Mont-Saint-Michel[note 1], dans ledépartement de la Manche enrégion Normandie.
Attestations anciennes :in monte qui dicitur Tumba vers 850 (Revelatio,p. 409) ;revelatio Monte Sancti Michaelis 966 (AG NLM) ;loco Sancti Michaele in monte qui dicitur Tumba en 1017-1026[2].
Le mottumba « tombe » a fait place à la désignation du monastère fondé en 708 par saint Aubert, évêque d’Avranches[2]. L'appellatiftombe, rare en toponymie, est à interpréter dans le sens de « sépulture, cimetière », mais il s'agit sans doute d'un site funéraire antérieur à l'installation de la communauté monastique, puisque les textes ne font pas état d'une sépulture notable[2].
Pierre Bouet, qui n'est pas toponymiste, préfère y voir le sens de « tertre », « élévation »[3], sans doute pense-t-il au mottumulus quand il invoque une hypothétique racine indo-européenne*tum « tertre », « élévation ». Selon lui, cet étymon renverrait à la réalité géographique de l'endroit[3]. En revanche, le latin chrétientumba n'a pas ce sens, sauf celui de « tumulus funéraire » dans une de ses acceptions[4]. Il existe cependant le vieil irlandaisdumae > irlandaisdumha, quasi-synonyme detuaim,tuama, mais son sens est toujours celui de « tumulus, tertre funéraire ».
Le nom de l’îlot voisinTombelaine ne procède pas du dieu gauloisBelenos, mais d'un primitif*tumb-ell-ana dérivé du précédent, avec double suffixation, formation homonyme de Tombelaine, hameau du Calvados ou deTomblaine, commune de Meurthe-et-Moselle[2].
Le Mont a été, dès l’origine, un lieu où les hommes ont aimé entendre ou projeter les histoires qui les construisaient et les rassuraient. Ainsi, l'hypothèse selon laquelle il est durant l'Antiquité un lieu decultes druidiques pour lesAbrincates qui habitaient la région autour du mont et l'Avranchin, ne repose que sur des inductions[5]. Selon le chanoine de lacathédrale de Dol et historienGilles Déric (1726-1800), le rocher était un sanctuaire païen dédié au dieugaulois dusoleil sous le nom deMons vel Tumba Beleni : mont ou tombe deBelenos, hypothèse aujourd’hui abandonnée, puisqu'aucun niveau d'occupation antique n'a été mis au jour et queTumba Beneni est certainement unecacographie pourTumbellana, Tombelaine. Le « Mont Tombe » (Mons Tumba), nom originel du Mont-Saint-Michel, a pu être appelé ainsi parce qu'il émergeait des sables « à la manière d'un tombeau ».

Le récitlégendaire et miraculeux de la fondation chrétienne de l'abbaye est issu d'un texte en latin de laRevelatio ecclesiae sancti Michaelis in monte Tumba[6] rédigé par unchanoine du Mont-Saint-Michel ou de lacathédrale d’Avranches auIXe siècle. Ce texte de circonstance s'inscrit dans le contexte de lutte de pouvoir entre laBretagne et leduché de Normandie avec leroyaume franc ainsi que desréformes canoniques entreprises par lesempereurs carolingiens[7],[8]. De plus, les chroniqueurs montois duIXe au XIIe siècle écrivent pour la gloire de Dieu, du prince et de la communauté où ils vivent, en vue de constituer des « légendes » mais il ne faut pas voir dans toutes les informations contenues dans leurs récits que de pures inventions et des fables mensongères, d'où la nécessité d'effectuer unelecture critique de ces textes[9].
À l'avènement duchristianisme dans la région, aux alentours duIVe siècle, le Mont Tombe fait partie du diocèse d’Avranches, dont les limites correspondent à l'ancien territoire des Abrincates. Au milieu duVIe siècle, le christianisme s’implante véritablement dans la baie. Les ermitessaint Pair et saint Scubilion[10] en fondent une chapelle dédiée au premiermartyr chrétien,saint Étienne, élevée à mi-hauteur du rocher et une seconde en l’honneur du premier martyr d'Autun,saint Symphorien, élevée au pied du rocher[11].
Dès leIVe siècle, le culte de saint Michel est largement répandu en Orient. Le saint fait son apparition enOccident à la fin duVe siècle avec l'élévation d'un premiersanctuaire michaélique àMonte Sant'Angelo dans le massif duGargano dans lesPouilles enItalie en 492. En 813, Charlemagne étend à l'ensemble de ses états la fête de la Saint-Michel. Dès lors, de nombreuses chapelles etédifices (tours, fondations) lui sont dédiés. Ils sont généralement édifiés dans des lieux isolés et élevés[note 2], pour rappeler que saint Michel est le « chef » desanges[12]. C'est dans ce contexte qu'est rapportée dans laRevelatio, l’édification prétendue, par l’évêquesaint Aubert d’Avranches, d’unoratoire dédié à l’archange saint Michel en 708. Selon la légende, Aubert aurait reçu, au cours de son sommeil, trois fois l’ordre de Saint-Michel de faire ériger sur le Mont-Tombe un oratoire. Le sanctuaire doit être, selon les prescriptions de l’ange, une réplique dusanctuaire Saint-Michel-Archange du mont Gargan en Italie (Ve siècle). Aubert aurait fait arracher une pierre cultuelle païenne présente sur le Mont Tombe et aurait construit à la place un sanctuaire circulaire formé de morceaux de roc grossièrement empilés. En 708 environ, Aubert aurait envoyé deux chanoines chercher au sanctuaire italien duMont-Gargan desreliques du lieu : un morceau de marbre sur lequel l'archange aurait laissé l'empreinte de son pied et un morceau de son manteau pourpre (appelé « voile du Paradis »)[histo 1]. C'est au cours de cette mission que leraz de marée de mars 709 aurait englouti laforêt de Scissy et entouré le mont pour en faire une île. Puis selon la tradition montoise remontant auXIe siècle, l’évêque aurait fait la dédicace de l’église le[13] et y aurait installé un chapitre de douzechanoines. Les origines du Mont restent cependant obscures : si la légende populaire a conservé un récit pittoresque de lafondation originelle, cette fondation pourrait être antérieure à 708 et appartenir au développement monastique connu en Normandie entre leVIe au VIIIe siècle[7]. Elle pourrait être également liée à la proximité hypothétique d'Aubert avec lesPépinides,noblesse franque d'Austrasie. Eventuellement membre de l'aristocratie austrasienne nouvellement installée à Avranches après sa victoire à labataille de Tertry en 687, Aubert aurait favorisé le culte michaélique qui est un des traits originaux de ce lignage et un élément d'affirmation de sa victoire sur lesNeustriens[14].
En 1960,Yves-Marie Froidevaux, architecte en chef des monuments historiques, retrouve à l'est de la chapelle Notre-Dame-sous-Terre[histo 2] un mur qui aurait pu constituer les vestiges de l'oratoire prétendument construit en 708 par saint Aubert et qui aurait abrité son tombeau ainsi que lesreliques insignes ramenées du Mont-Gargan ouinventées (pierre avec l'empreinte, cape, bouclier, épée, disparues à la Révolution[15]). Dans les années 2000, les analyses archéologiques des briques grâce à trois techniques différentes[tech 2] réfutent cette hypothèse et montrent qu'il s'agit d'un mur de soutènement duXe siècle[16].
Les premières constructions se révèlent insuffisantes et à l’époque carolingienne, d’importants bâtiments sont élevés, autour desquels se répartissent les cellules individuelles des religieux. Ultérieurement, l'île montoise a perdu son appellation de « Mont Tombe » pour prendre celui de « Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-Mer ». Pendant tout leMoyen Âge, il est couramment surnommé par les clercsMons Sancti Michaeli in periculo maris avant que ne se fixe progressivement le nom de « Mont-Saint-Michel »[17].
Les chanoines du Mont-Saint-Michel se montrent, durant le premier siècle de leur installation, fidèles à la mission qui les a attachés au culte de l’archange saint Michel : leur montagne devient à la fois un lieu de prière, d'étude et depèlerinage, mais l'ère de stabilité connue par laNeustrie durant le règne deCharlemagne laisse place, à la mort de l'empereur, à une période de grands désordres. Tandis que le reste de la Gaule subit les invasions barbares, la religion et la science trouvent refuge et asile dans lediocèse d'Avranches, et surtout au Mont-Saint-Michel. Profitant de la désunion des petits-fils de Charlemagne, les raids et incursions desVikings, précédemment contenus, reprennent une nouvelle vigueur.
Les événements de cette époque ne suspendent pas lespèlerinages montois dont ce roc vénéré est devenu le centre. Mais les Vikings atteignent le Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-Mer en 847 et mettent à sac l'église collégiale[18],[histo 3].
Lejarl viking Rollon se fait baptiser et donne aux religieux du mont sa terre d'Ardevon, en les assurant de sa constante protection. En 933,Guillaume Longue-Épée, fils et successeur de Rollon, reconnaît l'autorité du roi de FranceRaoul qui lui concède le Cotentin et l’Avranchin jusqu’à laSélune, frontière entre le Rennais et l'Avranchin. Le Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-Mer passe ensuite sous contrôle normand, l'ancienne frontière de Neustrie étant rétablie sur le Couesnon, limite traditionnelle du diocèse d'Avranches. Guillaume Longue-Épée poursuit la politique de restauration des monastères inaugurée par son père[19].

Le rapide développement des richesses de la collégiale Saint-Michel finit par constituer un sérieux obstacle à son bon fonctionnement, et même à sa vocation religieuse. Dotés des moyens de satisfaire leurs passions, les chanoines dépensèrent en plaisirs les richesses provenant de la piété des princes, tandis que l’église restait déserte ou n’était fréquentée que par des clercs légèrement rétribués[histo 4].
LorsqueRichard Ier « sans Peur », le fils de Guillaume Longue-Épée, lui succède commeduc de Normandie, il tente de résoudre le problème en faisant comparaître les chanoines devant lui pour leur reprocher leurs débordements et leur rappeler le caractère saint de l'édifice religieux.
Après s'être efforcé, en vain, de les ramener à la régularité de la vie religieuse, par les remontrances, les prières et les menaces, Richard prend la résolution, après approbation du papeJean XIII et du roiLothaire, de remplacer lacollégiale du Mont par un monastère bénédictin (uncoenobium)[histo 5],[20]. Richard expédie alors un des officiers de sa cour avec plusieurs soldats au Mont-Saint-Michel, pour notifier ses ordres aux chanoines : ils doivent se soumettre aux austérités de la vie claustrale en prenant l’habit de saint Benoît ou quitter le Mont[histo 6].
Un seul s'y soumet, tandis que tous les autres abandonnent les lieux, laissant l’abbéMaynard Ier, qui vient de l’abbaye de Saint-Wandrille, y établir la règle bénédictine. Le remplacement des chanoines par des moines bénédictins a lieu en 965 ou 966, ce qui sera retenu comme la fondation de l'abbaye du Mont-Saint-Michel[21],[histo 7],[22].
Ce sont ces premiers moines bénédictins, en 966, qui dotent l'abbaye dulieu de cultepré-roman à double nef dénommé « Notre-Dame-sous-Terre »[histo 2], puis font construire à partir de 1060 lanef de l'église abbatiale dont lacroisée du transept est établie sur le sommet du rocher. L'île du mont étant trop petite pour abriter une carrière de pierre, les pierres utilisées viennent de l'extérieur et se nommentpierre de Caen ou encore granite[tech 3],[23],[tech 4],[24].
Le NormandMaynard II, abbé du Mont-Saint-Michel de 991 à 1009, est également abbé deSaint-Sauveur de Redon, à la suite des liens privilégiés noués par son oncleMaynard Ier avec les comtes de Rennes, ducs de Bretagne. Entre l’an 1009 et 1020 environ, la terre entre Sélune etCouesnon est récupérée parRichard II, sur les Bretons, confirmant définitivement l'appartenance du Mont-Saint-Michel à la Normandie, que Richard tente de placer dans l'orbite deFécamp[25]. Ce recul de l'autorité bretonne n'empêchent pas le duc de BretagneConan le Tort († 992) de s'y faire ensevelir, au titre de bienfaiteurs et d'encourager l'union de ses enfants, son fils, le futurGeoffroi Ier de Bretagne et sa fille,Judith, avec la famille ducale normande. Le mariage de Judith avec le ducRichard II et celui de Geoffroi († 1008) avecHavoise de Normandie, sœur de Richard, puis son inhumation au Mont témoignent bien d'une volonté d'apaiser les tensions entre les deux duchés.
L'influence des souverains normands sera déterminante pour l'avenir de l'abbaye[histo 8]. En effet, le financement de monastères et d'églises, et en particulier de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, leur donne une occasion rêvée de racheter leur image et de se poser en défenseur et promoteur de la religion chrétienne sur leur territoire[histo 9],[26]. L'essor du Mont sous la souveraineté normande sera donc notamment le fruit d'enjeux très politiques. À noter que vers l'an mil, les grandes abbayes de Normandie orientale ont été relevées, mais en dehors du Mont-Saint-Michel, l'ouest de la Normandie est terre païenne[27].
Dans la première moitié duXIIe siècle, lesbénédictins du Mont-Saint-Michel auraient eu, selon plusieurs historiens[histo 10], une grande influence sur le développement intellectuel de l'Europe en traduisantAristote directement dugrec ancien en latin : le plus vieux des manuscrits des œuvres d'Aristote, en particulier lesCatégories, date desXe et XIe siècles, soit avant l’époque où d’autres traductions se font àTolède depuis l'arabe, ou enItalie[28].
Le Mont-Saint-Michel connaît alors son apogée avec l'abbéRobert de Torigni, conseiller privé duduc de Normandie,Henri II d'Angleterre[29].
En 1204, dans un contexte de rivalité entre le roi d'Angleterre et le roi de France[histo 11], Philippe Auguste entreprend de s'emparer des fiefs continentaux du duc de Normandie. Son alliéGuy de Thouars se jette précisément sur l'Avranchin à la tête d'une armée bretonne, assiégeant ainsi le Mont[histo 12].
Cet assaut vient se briser contre les fortifications du monastère, et Guy de Thouars, désespérant de se rendre maître du Mont, se retire en livrant la ville au feu. Les flammes, s’élançant vers le sommet du Mont, débordent sur l'abbaye dont elles réduisent presque tous les bâtiments en cendres[histo 13].
L’abbé Jordan entreprend les premières réparations et fait entourer l'abbaye d'une première enceinte fortifiée. Il subsiste de ces travaux : la Belle Chaise, la tour octogonale des Corbins à l'extrémité de la Merveille et les remparts nord, au-dessus du bois de l'abbaye. Datent de la même époque, latour des Fanils, surplombée par l'échauguette de la Pilette[note 3], et à l'ouest lesremparts ceinturant la rampe d'accès qui sert de deuxième entrée au Mont[30].
Philippe Auguste qui se sent coupable sans doute d'avoir réduit une partie du Mont en cendres, envoie au successeur de Jourdain,Raoul des Iles, 20 000 livres tournois, somme destinée à restaurer intégralement l'abbaye. Raoul fait édifier la Merveille, construction de six salles réparties sur trois étages (40 m de hauteur) bâties entre 1211 et 1228. Le premier bâtiment de trois salles à l'est est achevé dès 1217, le second en 1228. Le projet prévoyait un troisième bâtiment, dans la continuité des deux premiers, mais il n'est jamais construit, faute de moyens, et reste à l'état de fondations[31].
Reconstruit dans lestyle architectural normand, avec tailloirs deschapiteaux circulaires,écoinçons enpierre de Caen, motifs végétaux, etc., lecloître de la Merveille est achevé en 1228[histo 14].
Cette tension est d'ordre militaire quandGuillaume du Merle,capitaine général des ports de Normandie, établit une garnison royale en 1324. Il existe aussi un contexte financier tendu entre les deux parties. En effet, au début du conflit, l'abbaye perd tous les revenus de sesprieurés anglais[histo 15],[32].
En 1356, les Anglais prennentTombelaine, y installent unebastille et commencent le siège de l'abbaye,tête de pont française dans la Normandie anglaise. Peu de temps après,Bertrand du Guesclin est nommé capitaine de la garnison du Mont et remporte plusieurs victoires qui permettent d’écarter la menace anglaise pour plusieurs années.

En 1386,Pierre Le Roy est élu abbé. Il renforce le système défensif de l'entrée donnant accès à la première enceinte de remparts crénelés, par la construction de la tour Perrine (tour carrée servant à loger la garnison), du Grand Degré et de la tour Claudine qui le surveille, duChâtelet enjambant l'escalier d'accès à la porte d'entrée et de labarbacane du Châtelet qui le précède[34]. Ladéfaite d'Azincourt en 1415 et la nouvelle prise de l'îlot de Tombelaine par les Anglais en 1423 incitent le nouvel abbé,Robert Jollivet, à faire construire à partir de 1417 une seconde enceinte englobant l'ensemble du village montois[note 5], un accès unique fortifié (la porte du Roi) ainsi qu’une grande citerne creusée « en roche vive » derrière l'abside de l'abbaye en 1418 pour alimenter le Mont en eau douce[note 6].
En 1419,Rouen tombe aux mains des Anglais. Craignant la puissance anglaise, Robert Jollivet offre ses services auroi d’Angleterre en 1420 mais un an plus tard, Charles VII nommeJean VIII d'Harcourtcapitaine du Mont pour faire face au risque d'invasion anglaise. Le Mont est alors le seul site de Normandie résistant encore aux Anglais qui l'assiègent entre 1423 et 1440, établissant un blocus par la terre et la mer et édifiant deuxbastilles surTombelaine etArdevon[36].
Le duc de Bretagne, malgré son alliance avec les Anglais, se méfie d'eux et des dangers que la possession de ce roc par ce pays représenterait pour ses provinces. Sur ses ordres, le sieur Briand IIIde Châteaubriant-Beaufort, son amiral,Guillaume de Montfort cardinal et évêque de Saint-Malo, équipent secrètement dans ce port plusieurs vaisseaux que montent les seigneurs de Combourg, de Montauban, de Chateaubriand, etc., avec un grand nombre de chevaliers et d’écuyers bretons, tous résolus à attaquer les vaisseaux anglais. Cette expédition met en déroute la flotte anglaise (bataille du).
Lorsque l'escadre victorieuse vint aborder au Mont-Saint-Michel, les troupes assiégeantes, redoutant une attaque combinée des Montois et des chevaliers bretons, abandonnèrent à la hâte leurs bastilles, laissant toute liberté de ravitailler la place assiégée.
À peine les Anglais eurent-ils vu s'éloigner l’escadre auxiliaire qu'ils s’empressèrent de venir relever ses fortifications.
Le Mont-Saint-Michel fut même serré avec plus de rigueur ; toutes ses communications avec la plage furent interceptées et, à chaque marée, la garnison montoise ne pouvait tenter se ravitailler sans que la plage devînt le théâtre d’escarmouches sanglantes.
Jean organise une attaque surprise montée avec son allié, Jean de La Haye, et des assiégés contre des patrouilles anglaises qui se trouve écrasées (« plus de 200 cadavres restèrent sur place ») après quoi les Anglais se terrent dans leurs forts.
Jean d'Harcourt est tué à labataille de Verneuil en et est remplacé parJean de Dunois, sitôt contesté.
Les religieux du Mont renforcent leurs défenses sur leurs propres fonds, en apportant une partie de leur orfèvrerie religieuse à fondre à l'atelier monétaire installé sur le Mont par le roi depuis 1420[37]. Les Anglais renforcent Tombelaine.Louis d'Estouteville remplace Jean le, et ce dernier retire de la ville, le, les femmes, les enfants et les prisonniers. Tombelaine est encore renforcée. À chaque marée basse, les Anglais en descendent jusqu'aux murailles du Mont. La communication n'est possible qu'au prix d'escarmouches et de combats.
C'est en ou que les Anglais recrutent des combattants, dontRobert Jollivet, y compris à Granville, dont Damour Le Bouffy (qui touche122 livres pour30 jours), et lance une terrible attaque, qui échoue, contre les Michelistes et les chevaliers bretons[38].
En, d'Estouteville organise une « sanglante leçon de prudence » : une sortie surprise en force qui culbute les Anglais, « le massacre fut horrible ». Les religieux gagent tous leurs accessoires précieux et renforcent leurs fortifications, construisent la porte, la herse et le pont-levis. Charles VII les encourage à la défense et, puisque isolés, les autorise à battre monnaie en 1426. Les Anglais se calment jusqu'en 1433.

En 1433, un incendie ayant détruit une partie de la ville, lesAnglais en profitent pour attaquer l’abbaye. C'est une grande offensive que lanceThomas de Scales, le, par grande marée basse, avec artillerie et machines de guerre[histo 16].
Pendant ce siège de30 ans, l'abbaye forteresse n'est défendue en permanence que par une vingtaine de personnes alors que les"119 chevaliers défenseurs" pouvaient avoir desmembres de leur famille dans l'armée anglaise. L'assaut de 1434 ne comprenait pas plus de 2 000 Anglais[29].
Dernière attaque des Anglais, au cours de laquelle l'armée de Thomas Scalles abandonna sur les grèves desbombardes (deux de ces pièces d'artillerie, les célèbres « Michelettes », étaient visibles à l'entrée du Mont-Saint-Michel - elles sont parties en restauration depuis 2017[39]), après quoi ils se contentèrent de les surveiller depuis Tombelaine et leurs bastilles. Dès lors, le Mont ne subira plus de siège jusqu’à la libération de la Normandie en 1450.

Symbole national de résistance contre les Anglais, le prestige de l'abbaye décline néanmoins depuis leXIIe siècle, perdant de son intérêt militaire et religieux. Lerégime de la commende institué en 1516 par le roi de France accentue le déclin des abbayes françaises et n’épargne pas celui du Mont. Cependant, lepèlerinage montois connaît encore du succès et est particulièrement fréquenté par les rois de France.
Le Mont reste un enjeu lors desguerres de Religion. LesHuguenots tentent de s'emparer de ce bastion de laLigue catholique en 1577, 1589 et 1591[histo 17],[40].

L'abbaye devient, sous l'Ancien Régime, un lieu de détention pour plusieurs personnes incarcérées en vertu de différentes juridictions : des légendes prétendent que des abbés ont aménagé descachots dès leXIe siècle alors qu'ils ne sont attestés qu'auXVIe siècle.Louis XI fait installer dans le logis abbatial roman unefillette qui est selon la légende, une cage de bois et de fer suspendue sous une voûte[41]. Le relâchement des mœurs (certains moines vivent avec femmes et enfants) malgré la réforme en 1622 par lesMauristes et le manque d'entretien fait queLouis XV, en 1731, transforme une partie de l'abbaye en prison d'État[40]. Elle gagne son surnom de « bastille des mers » où sont emprisonnés notammentVictor Dubourg de La Cassagne ouDesforges[42].
En 1766, l'abbaye forteresse tombe en ruines[43]. Quand survient laRévolution, l'abbaye n'abrite plus que six religieux[44].
L'utilisation pénitentiaire de l'abbaye a sauvé ce grand témoignage de l'architecture religieuse car de nombreuses abbayes devenuesbiens nationaux en 1789 furent rasées, vendues à des particuliers, transformées en carrières de pierres ou tombèrent en ruine, faute d'entretien[45].
Lorsque les derniersbénédictins quittent le Mont en 1791 (l'abbaye est alors désignée sous le nom « Mont Michel ») sous laRévolution, celle-ci devient alors uniquement une prison où sont incarcérés, dès 1793 (elle porte alors le nom de « Mont libre »), plus de300 prêtres réfractaires[note 7], des chouans et des prisonniers politiques. Plusieurs émeutes dénoncent les mauvais traitements : sousLouis-Philippe d'Orléans, des prisonniers, qu'ils soient ultraroyalistes ou républicains, bien qu'ils ne se mêlent pas lors de leurs promenades deux fois par jour sur la plate-forme devant l'église, se liguent contre le directeur de prison Martin des Landes qui est remplacé. Néanmoins grâce à la « pistole »[46], les plus riches peuvent payer les geôliers pour obtenir des sorties dans la ville basse, les autres peuvent emprunter des ouvrages rares recopiés par les moines auscriptorium.
En 1794, un dispositif de télégraphe optique, le système deChappe, est installé au sommet du clocher faisant ainsi du Mont-Saint-Michel un maillon de la ligne télégraphique Paris-Brest.
En 1811 et 1817, Napoléon fait de cette prison unecentrale pénitentiaire puis une maison de force etde correction[histo 18],[47],[48]. L'abbatiale est alors coupée par deux niveaux de planchers, ce qui permet d'y aménager un réfectoire en bas, un dortoir au niveau intermédiaire et des ateliers de tissage et de confection sous les toits pour les prisonniers, seul le chœur restant affecté au culte. En 1817, les nombreuses modifications effectuées par l’administration pénitentiaire sont la cause de l’écroulement de l’hôtellerie édifiée parRobert de Torigni.
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1834, l'abbaye subit son onzième incendie d'importance. L'atelier où les prisonniers réalisent des chapeaux de paille brûle entièrement. Il est combattu par les prisonniers et le personnel de l'administration pénitentiaire[note 8].
L'année suivante, en 1835, Édouard Colombat parvient à s'échapper du Mont Saint-Michel après avoir creusé un trou dans sa cellule, puis avoir descendu à l'aide d'une corde le long du rempart[50].
Après la détention au Mont de socialistes tels queMartin Bernard,Armand Barbès etAuguste Blanqui, divers intellectuels, dontVictor Hugo (qui s'écrie « on croit voir un crapaud dans un reliquaire » en la visitant), dénoncent l’abbaye-prison dont l'état de délabrement, les geôles froides et humides, rendent les conditions de vie insupportables. Coûteuse et contestée, cette maison de force et de correction est abolie en 1863 parNapoléon III, après avoir vu passer 14 000 détenus. Mais le décret impérial d'abolition est également rendu pour une raison pratique : dans une forte marée en 1852, laSélune est venue creuser autour du mont un lit qui l'isole complètement à marée basse, ce qui fait obstacle aux ravitaillements[51]. Les650 prisonniers d'État et détenus de droit commun sont alors transférés sur le continent[29].

L'abbaye est louée à l'évêque de Coutances à partir de 1863 et en 1867, elle retrouve sa vocation première[43]. Le ont lieu les fêtes grandioses du couronnement de la statue de saint Michel dans l'église abbatiale, en pleine période derecharge sacrale. Célébrées par l'évêque de CoutancesAbel-Anastase Germain en présence d’un cardinal, de huit évêques et d’un millier de prêtres, ces fêtes attirent 25 000 pèlerins[52].
Viollet-le-Duc visite le mont en 1835, mais ce sont ses élèves,Paul Gout etÉdouard Corroyer (la fameuseMère Poulard fut sa femme de chambre), qui sont destinés à restaurer ce chef-d’œuvre de l’art gothique français. Des travaux urgents de consolidation et de restauration de l’abbaye, classéemonument historique en 1862, sont effectués à partir de 1872 par Édouard Corroyer, archiviste des Monuments historiques, nommé par le ministère de l'Instruction publique avec pour mission la remise en état du Mont et sa restauration[note 10]. Le clocher et la flèche, ont subi les orages et la foudre ayant incendié l'abbaye à douze reprises, sont reconstruits par l'architecte Victor Petitgrand, élève de Viollet-le-Duc, entre 1892 et 1897, dans des styles caractéristiques duXIXe siècle,néo-roman pour le clocher,néogothique pour la flèche. Petitgrand a dû démonter la tour romane pour la renforcer s’élevant à plus de170 mètres au-dessus de la mer. Signe ostentatoire d'appropriation du lieu, cette flèche donne au Mont sa silhouette pyramidale actuelle[53].

L'archange saint Michel (statue en plaques de cuivre laminé, repoussé et doré) qui couronne la flèche (définitivement achevée en 1898) est réalisé en 1895 par le sculpteurEmmanuel Frémiet dans lesateliers Monduit qui avaient déjà travaillé pour Viollet-le-Duc. Mesurant 3,5 m, pesant800 kilogrammes et ayant coûté 6 000 francs (soit 15 000 € actuels), elle est érigée le en pièces détachées, mais connaît curieusement la même indifférence médiatique que l'édification de la flèche[note 12]. Endommagée par des impacts de foudre et corrodée sous l'effet des vents chargés de sable qui font disparaître sa dorure, la statue bénéficie d'une opération de dépose et de repose effectuées par un hélicoptère, pour être restaurée en 1987[histo 19],[55].
Saint Michel a une grande importance dans la sensibilité religieuse médiévale. Dans leNouveau Testament, il combat et vainc un dragon, symbole du démon. Pour l'homme médiéval, il conduit les morts et pèse les âmes au jour du jugement dernier[56].
Apparu en occident à la fin duVe siècle avec l'élévation d'unsanctuaire au Mont-Gargan (Italie), églises et chapelles dédiées au saint se sont multipliées vers l'an mil partout en Europe. Après laguerre de Cent Ans, la dévotion à saint Michel s'explique par la résistance du Mont face aux Anglais. Le culte connaît un nouvel essor avec laContre-Réforme, du fait de l'identité militaire du saint. Saint Michel est bien représenté avec une épée et une balance. Il est le patron des chevaliers et de tous les corps de métiers liés aux armes et aux balances[56].
L'archange surplombant le mont Saint-Michel a été réalisé à la demande de l'architecte Victor Petitgrand pour couronner la nouvelle flèche de l'abbatiale de32 mètres[56].
En 1898, Paul Gout redécouvre, lors de fouilles sous le plancher de l’église, Notre-Dame-sous-Terre qui est complètement dégagée en 1959 une fois que l’architecteYves-Marie Froidevaux a installé une poutre en béton précontraint.
L'abbaye est classée au titre desmonuments historiques parliste de 1862[1].
Le site est doublement inscrit sur laliste du patrimoine mondial de l’UNESCO : une première fois en 1979 comme bien intitulé « Mont Saint-Michel et sabaie » et une seconde fois en 1998 en tant que composante du bien en série « Chemins de Compostelle en France »[57].
Propriété de l'État, il a le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial[58].

De 1878 et 1880, l'État fait construire une digue-route insubmersible de 1 930 m de longueur entre le Mont et la terre ferme (au lieu-dit La Caserne) en prolongement de la vieille route de Pontorson. Cette chaussée est empruntée par laligne de Pontorson au Mont-Saint-Michel et son tramway à vapeur en 1899. Ces aménagements favorisent le tourisme mais aussi lepèlerinage montois, les pèlerins se rendant au Mont, pour les plus aisés, avec les fameux « breaks à impériale » et les « maringottes » qui assurent la liaison à partir du village deGenêts, ou à pied ou à tramway[59]. Cet avènement du tourisme (en 1910, le mont accueille près de 100 000 visiteurs) est à l'origine du développement du village dont les principales maisons datent de la fin duXIXe siècle et du début duXXe siècle[60].
En 1922, le culte est restauré dans l'abbatiale. De 1965 à 1966 sont entreprises les dernières grandes restaurations menées par Yves-Marie Froidevaux.
En 1966, à l'occasion de la célébration sous l'égide d'André Malraux du millénaire de l’abbaye (mille ans de l'installation des moines bénédictins), plusieurs monastères bénédictins envoient quelques moines passer l’année 1966 au Mont, afin de célébrer à leur manière le caractère religieux millénaire du lieu, sans lequel le rocher serait sans doute resté à l’état quasi naturel. Une fois l’année passée, avec son flot de visiteurs et de colloques, une poignée de moines reste, en accord avec l’État, propriétaire des lieux. Leur premier prieur est le père Bruno de Senneville, venu de l’abbaye du Bec-Hellouin.
Cette petite communauté effectue pendant près de trente-cinq ans, par sa présence et la célébration du culte, une sorte de pèlerinage permanent sur les lieux, recevant elle-même les pèlerins de tous horizons. Ces pionniers permettent alors la restauration d’une communauté plus importante.
La mise en valeur de l'abbaye favorise le développement du tourisme : la fréquentation annuelle, de 10 000 visiteurs en 1860, s'élève au chiffre de 30 000 en 1885 pour dépasser dès 1908 les 100 000 visiteurs à l'entrée du village[61]. Après laSeconde Guerre mondiale, le train est supprimé au profit de l'automobile. Des parkings sont aménagés sur la digue pour les Montois et, de part et d'autre de la route, pour les visiteurs. L'explosion touristique a lieu dans les années 1960 avec les congés payés, la massification rapide de l'automobile et le boom économique[62].
Depuis le, des frères et des sœurs desFraternités monastiques de Jérusalem, venues de l’église Saint-Gervais de Paris à l'initiative deJacques Fihey, évêque de Coutances et Avranches (1989-2006), assurent une présence religieuse toute l'année. Ils remplacent la communauté vieillissante des trois moinesbénédictins qui étaient restés sur le mont[note 13]. La fraternité mixte et citadine, y installe quatre moines et cinq moniales,numerus clausus imposé par le centre des monuments nationaux, gestionnaire de l'abbaye qui autorise« une présence de prière (…) dans certains espaces de l'abbaye et selon des modalités contractuelles[note 14]. ».
La restauration d’une maison du Mont, le « Logis Saint-Abraham », débutée en 2007 par la communauté, permet depuis octobre 2012 d’héberger des pèlerins retraitants[64].
En 2023, à l’occasion d'un autre millénaire de l'abbaye (mille ans de la date de la pose de lapremière pierre de l'abbatiale romane)[note 15], l’Établissement public national du Mont-Saint-Michel propose un riche programme culturel et touristique (expositions, conférences, spectacles de danse et concerts, parcours nocturne estival dédié, rendez-vous Grandes marées)[66].
Leprojet Saint-Michel vise à restaurer le caractère maritime dumont Saint-Michel en le libérant de l'emprise des herbus qui l'enserrent. Les sédiments sont désormais chassés au large par les forces conjuguées de la mer et duCouesnon. Les travaux, commencés en 2005, ont été achevés en 2015.

Édifiée dès leXe siècle, l’abbayebénédictine abonde en réalisations architecturales dans les styles carolingien,roman etgothique flamboyant. L'entrée de l'abbaye est à 50,30 m au-dessus du niveau de la mer. Le sol de l'église, du cloître et du réfectoire est à une altitude de 78,60 m[67] tandis que la flèchenéogothique qui sert de piédestal à la statue de saint Michel mesure40 m de hauteur. Du dallage de l'église jusqu'à la pointe de l'épée de saint Michel, la hauteur est de 78,50 m, faisant culminer le mont à 157,10 m[68].
Quatrecryptes (chapelles souterraines) établies auxpoints cardinaux autour du sommet du rocher contituent une plate-forme qui supporte le poids de l'abbatiale, longue de 80 mètres. Cette église dessine ainsi un gigantesque escalier montant d'ouest en est, où la nef est surélevée de 1,5 m par rapport à l'entrée et le chœur de 3 m par rapport au transept, l'ensemble s'inscrivant dans un carré parfait[note 16].

Le circuit normal des visites comprend :


Il faut distinguer les différences de fondations, entre la nef préromane à chevet plat, au sommet du mont (construite sousLouis le Pieux ?), de celles dites de Notre-Dame sous Terre (plus massives, épousant la roche, et supportant des remaniements postérieurs), le passage du préroman au roman se caractérisant par l'évolution du chevet plat, en abside semi- circulaire.[réf. nécessaire]
Les agrandissements successifs de l'abbaye ont fini par absorber la totalité des bâtiments d'origine, construits vers 900[71], jusqu’à les faire oublier, avant leurs redécouverte lors des fouilles de la fin duXIXe siècle et du début duXXe siècle. Restaurée dans les années 1960, cette chapelle offre un remarquable exemple d’architecture romanecarolingienne. C'est une salle voûtée en berceau de 14 × 12 m, divisée, dans une seconde phase (parMaynardIer), en deux nefs jumelles par un mur médian percé de deux larges arcades, qui a soutenu, avant leur écroulement, trois des piliers de la nef romane de l'église actuelle. La salle est terminée par deuxabsidioles rectangulaires, surmontées de petitestribunes qui servaient probablement à la présentation des reliques aux fidèles rassemblés dans les nefs, tout en évitant leur vol. Ce bâtiment, à l'origine (charpenté ?), avait une fonction de tour, puis futvoûtée en berceauplein cintre sansdoubleaux[72]. L'église est construite en petits moellons de granite grossièrement cubiques, alors que les clavages des arcades sont en grandes briques plates assemblées au mortier, selon la technique carolingienne[73],[67]. Les bâtiments abbatiaux romans ont ensuite été élevés à l’ouest et au-dessus de l’église carolingienne[74]. La chanson d'Aiquin, œuvre écrite auXIIe siècle par un Bénédictin de l'évêché de Dol et tronquée de son début et de sa fin postérieurement, nous en aurait grandement appris, sur l'état d'avancement du sanctuaire, dans la première moitié duXe siècle[réf. nécessaire].

Sa fonction de soutènement ayant disparu, cette salle a cependant été conservée pour son rôle symbolique. Selon la légende montoise, elle fut l'emplacement même de la chapelle que fit construiresaint Aubert en 709. Selon le récit d'invention de reliques,De translatione et miraculis beati Autberti, le squelette de l'évêque aurait été placé sur un autel dédié à la Sainte-Trinité, dans le vaisseau occidental de Notre-Dame-sous-Terre. D'autres reliques prestigieuses étaient exposées, celles de l'archange Michel, être pourtant immatériel (morceau du marbre sur lequel Michel aurait posé le pied, une parcelle de sa cape rouge, une épée et un bouclier, ses deux armes qui, selon une légende, lui auraient servi à vaincre le serpent du roi anglais Elga). Ces reliques furent dispersées en par les révolutionnaires pour récupérer l'or et l'argent des reliquaires[75].


On accède par l'escalier dit du Grand Degré à la terrasse pavée occidentale (appelée terrasse ouest) constituée duparvis primitif de l'église et des trois premières travées de la nef détruites[78].
Lespèlerinages s’intensifiant, il est décidé d’agrandir l’abbaye en édifiant une nouvelle église abbatiale à la place des bâtiments abbatiaux qui sont transférés au nord de Notre-Dame-sous-Terre. L'église a une longueur de 70 m, une hauteur de 17 m au niveau des murs de la nef, de 25 m sous la voûte du chœur[67].
La nouvelle église abbatiale comporte trois cryptes servant de fondations : la chapelle des Trente-Cierges (sous le bras du transept nord), la crypte des Gros Piliers, qui soutient le chœur, à l'est, et la chapelle Saint-Martin, sous le bras du transept sud (1031-1047). Le chœur (1023-1048), et la nef (1048-1090) bien que respectant leplan bénédictin et la triple élévation normande introduite àBernay, opte pour un plan àdéambulatoire sanschapelles rayonnantes[79],[note 20]. La nef, côté ouest, repose sur l'église souterraine de Notre-Dame-sous-Terre. L’abbé Ranulphe commença ensuite l’édification de la nef en 1060 enstyle roman normand. En 1080, trois étages de bâtiments conventuels de style roman sont édifiés au nord de Notre-Dame-sous-Terre, comprenant la salle de l’Aquilon, servant d’aumônerie accueillant les pèlerins, le promenoir des moines et le dortoir. Le cellier et l’aumônerie de la future Merveille sont également entamés. Ornée d'unfaux appareil sur fond blanc, la nef était éclairée à l'aide de couronnes de lumière et devait former un univers riche en couleurs, contrastant avec le dépouillement actuel[80].

Mal consolidés, les bas-côtés nord de la nef s’écroulent sur les bâtiments conventuels en 1103. L’abbéRoger II les fait reconstruire (1115-1125). En 1421, c’est au tour du chœur roman de s’écrouler. Il sera reconstruit en style gothique flamboyant entre 1446 à 1450, puis de 1499 à 1523. À la suite d'un incendie en 1776, la charpente de l'abbatiale est détruite et les murs sont fragilisés, ce qui conduit lesMauristes à détruire les trois travées occidentales de la nef et à édifier une nouvelle façade en 1780 : construite dans l'esprit de l'époque, c'est-à-dire enarchitecture néo-classique, elle se compose d'un premier niveau avec une porte centrale entourée de deux portes latérales, et des colonnes engagées ornées de chapiteaux de réemploi. L'incendie de l'atelier des prisonniers installé dans la nef de l'église en 1834 dévore entièrement la charpente des combles et les parois des murs, endommage les sculptures et leschapiteaux, ceux actuels datant duXIXe siècle[81]. Unbandeau sert d'appui aux fenêtres surmontées d'un arc en plein cintre. L'étage est également rythmé de colonnes engagées à chapiteaux d'ordre dorique. Unfronton triangulairecouronne l'entablement de cet étage, terminant la travée centrale de part et d'autre de laquelle les travées latérales s'amortissent en murs-boutants qui aboutissent aux colonnes terminées par despyramidions qui s'inspirent du style « retour d'Égypte ».
L'élévation de la nef, à trois niveaux, est rendue possible par le plafonnement en lambris léger. Cette élévation est de purstyle normand et se généralisera enpierre de taille auXIIe siècle, préfigurant les cathédrales gothiques : le premier niveau est constitué de grandesarcades supportées par des piliers carrés (1,42 m de côté) et cantonnés de quatre colonnes engagées au tiers de leur diamètre et au profil non plus prismatique mais torique, séparant les deux bas-côtés[note 21] assez étroits voûtés d'arêtes ; au-dessus, un étage de tribunes présentant deux arcatures par travée, divisées chacune en deux baies géminées ; le troisième niveau est composé de fenêtres hautes[82].

Lechœur gothique (XVe siècle) s'inspire de celui de l'abbaye Saint-Ouen de Rouen ; le chœur roman s'effondra en 1420[83]. Les piliers cantonnés de fines nervures supportent à l'étage intermédiaire untriforium àclaire-voie, montée au-dessus d'unebalustrade ajourée. Au niveau supérieur, chacune des fenêtres hautes, flanquée de deux ogives, poursuit le plan de la claire-voie, à laquelle il est lié par le meneau qui descend jusqu'à l'appui du second niveau. Les clefs de voûte du chœur représentent entre autres les armoiries des abbés bâtisseurs. Autour du déambulatoire s'ouvrent septchapelles rayonnantes. Deux d'entre elles contiennent des bas-reliefs enpierre de Caen datant duXVIe siècle (tétramorphe qui symbolise les quatre évangélistes en face de l'ancien autel « Art déco » de l'abbatiale, dans la première chapelle au Nord ; Adam et Ève chassés du Paradis Terrestre et le Christ descendant aux limbes pour leur accorder son pardon dans la première chapelle au Sud), reliefs correspondant à quelques fragments polychromes qui décoraient l'ancienne clôture réservant l'espace aux moines. Le petit bateau suspendu à droite de la chapelle située dans l'axe de l'église, est unex-voto réalisé par un des prisonniers du Mont auXIXe siècle à la suite d'un vœu ou en mémoire d'une grâce obtenue. Le pavage enterre cuite vernissée du chœur est réalisé en 1965 pour remplacer d'anciens carreaux de ciment.
L'église abbatiale a possédé plusieurs cloches notables :
Le chœur de l'église repose sur une église basse, dite crypte des Gros-Piliers, rendue nécessaire par la différence de niveau entre l'église haute et le sol extérieur. Il s'agissait originellement de lacrypteabsidale romane, à laquelle on a substitué une nouvelle crypte beaucoup plus massive, dans le stylegothique flamboyant, jamais consacrée au culte et réalisée de 1446 à 1450, après l'effondrement du chœur roman, en 1421[86].
Cette nouvelle crypte comprend undéambulatoire et sixchapelles rayonnantes alternant avec des colonnes engagées soutenant directement les éléments correspondants du chœur, établi selon le même plan. La première travée repose sur le rocher, les deux premières travées du nord et du sud étant occupées par des citernes[87]. Cette salle comporte dixpiliers cylindriques, dont huit énormes, d’une circonférence de 5 m, sanschapiteaux, à bases octogones ou dodécagones et disposés en demi-cercle[88]. Lespiles romanes de cette crypte sont enrobées de nouveaux lits de granite desîles Chausey, ces piles gothiques supporant les piliers de l'église supérieure[89]. Les deux colonnes centrales, plus minces, ont reçu le nom évocateur de palmiers[87].
Cette crypte était un carrefour de circulation entre différentes salles de la partie est du monastère : une porte relie la crypte à la chapelle Saint-Martin ; trois autres, pratiquées dans les deux chapelles du Sud, mènent l'une à l'Officialité.
Unevierge noire, réalisée auXIXe siècle dans un atelier de Munich, répond à une logique derecharge sacrale en reproduisant au Mont une pratique cultuelle attachée à lacathédrale de Chartres[90].
Le transept est soutenu par deux cryptes voûtées, dites « chapelle des Trente Cierges » au nord et « chapelle Saint-Martin » au sud, seule comprise dans le circuit de visite habituel. De 1031 à 1048, les abbésAlmod,Théodoric etSuppo, successeurs d'Hildebert II, achèvent ces cryptes latérales.
La chapelle Saint-Martin est constituée d’unenef carrée couverte d’unevoûte en berceau d’une portée de 9 m, renforcée en son centre par unarc-doubleau et terminée à l'est par une abside encul-de-four qui supporte l'absidiole du transept de l'église haute. Son décor peint est perdu : la chute de l'enduit laisse désormais visibles les traces, très nettes, ducintre en bois qui servit à la construction de la voûte[91]. C'est l'un des rares éléments de l'abbaye parvenu jusqu'à nous tel qu'il était lors de son achèvement vers 1050, la crypte n'ayant pas eu besoin d'être restaurée malgré ses utilisations variées au cours des siècles : moulin à chevaux, citerne[92].
Le plan de la chapelle des Trente Cierges est similaire à celui de la chapelle Saint-Martin. Elle est voûtée d'arêtes et conserve d'importants vestiges de peintures murales. Une restauration a permis de remettre en valeur un motif defaux appareil, très courant pendant tout le Moyen Âge, agrémenté d'unefrise derinceaux. Une messe durant laquelle brûlaient trente cierges y était célébrée chaque jour aprèsPrime, d'où le nom de la chapelle[93].
Au nord de la nef se trouve un bâtiment abbatial roman de la fin duXIe siècle comprenant de bas en haut la salle (ou galerie, ou crypte) de l'Aquilon, le promenoir des moines et un ancien dortoir.
L'escalier percé auXVIIIe siècle dans le promenoir des moines permet d'accéder à la salle dite de l'Aquilon (terme désignant le vent du nord dans la Bible, et que les moines ont utilisé en référence à la situation de cette salle). Il s'agit de l'ancienne aumônerie romane, reconstruite et modernisée après l'effondrement du mur nord de la nef, en 1103. Située juste au-dessous du promenoir, elle sert de base soutenant les deux salles supérieures. Sa fonction de soutien et d'accueil des pauvres explique sa rigueur architecturale qui contraste avec le style des autres grandes salles. Elle est divisée en deux nefs par une rangée de cinq colonnes monolithes à chapiteaux ouvragés qui soutiennent des voûtes d'arêtes consolidées par des arcs doubleaux appareillés et tracés en arc brisé[note 23] (selon un dessin inauguré quelques années auparavant àClunyIII)[95]:40, 44.
Juste au-dessus se trouve une salle dite « promenoir des moines[96] » correspondant au plan de la précédente, à trois piliers, qui se prolonge par un couloir reposant directement sur le rocher et soutenu par deux piliers. Ce couloir donne accès au « cachot du Diable », jolie salle voûtée à pilier unique, puis à la chapelle des Trente Cierges située au même niveau et, au nord, à la salle des Chevaliers, située en contrebas[97].
La destination de cette salle du « promenoir » est incertaine : ancien réfectoire, salle capitulaire ou, selon Corroyer, un ancien cloître[95]:41.
Le niveau supérieur était occupé par l'ancien dortoir, salle en longueur couverte en charpente et plafonnée en berceau lambrissé, dont seule la partie orientale est conservée[95]:41.
L’abbéRobert de Torigni fait édifier, à l’ouest et au sud-ouest, un ensemble de bâtiments comportant de nouveaux logis abbatiaux, une officialité, une nouvelle hôtellerie, une infirmerie et la chapelle Saint-Étienne (1154-1164). Il fait également remanier les chemins de communication desservant Notre-Dame-sous-Terre, afin d’éviter un trop grand contact entre les pèlerins et les moines de l’abbaye. C'est lui également qui supprime lenarthex roman ajouté à lanef et le remplace par deux tours de façade de qualité médiocre, dont l'une disparaît auXIVe siècle, et l'autre auXVIIIe siècle en même temps que les trois premières travées de la nef[79].
On y trouve également unecage à écureuil servant detreuil sur la rampe en pierre du monte-charge conçu vers 1819, lors de la conversion du site en prison, pour ravitailler les condamnés. Cinq à six détenus, marchant à l'intérieur de la roue, en assuraient la rotation et la manœuvre. Le traîneau, appelé poulain, était un chariot en bois qui pouvait tracter une charge de deux tonnes allant et venant le long de la rampe de granite. Il est probable que pendant la construction médiévale de l'abbaye, un même type demonte-charge était utilisé pour hisser le granite provenant des îles Chausey[98].
Dans les ruines de l’infirmerie, effondrée en 1811, il subsiste au-dessus de la porte les trois morts duDit des trois morts et des trois vifs, représentation murale montrant initialement trois jeunes gentilshommes interpellés dans un cimetière par trois morts, qui leur rappellent la brièveté de la vie et l’importance du salut de leur âme.
L’abbaye du Mont-Saint-Michel est constituée essentiellement de deux parties bien distinctes : l’abbaye romane, où vivaient les moines et, sur la face nord, la Merveille, un ensemble exceptionnel d'architecture gothique élevé sur trois niveaux, grâce aux largesses dePhilippe Auguste, de 1211 à 1228[95]:46.

Le bâtiment de la Merveille, situé juste au nord de l’église abbatiale, comprend de haut en bas : le cloître et le réfectoire ; la salle de travail (dite salle des Chevaliers) et la salle des Hôtes ; le cellier et l'aumônerie, le tout dans un parfait exemple d’intégration fonctionnelle. L’ensemble, appuyé sur la pente du rocher, est constitué de deux corps de bâtiments de trois étages.
Au rez-de-chaussée, le cellier sert de contrebutement. Puis chaque étage comporte des salles de plus en plus légères à mesure que l’on accède au sommet ; quinze puissantscontreforts, situés à l’extérieur, soutiennent le tout. Contrairement à une théorie non admise scientifiquement, la distribution de la Merveille ne correspond pas à une représentation de la tripartition de la société médiévale[102].
Raoul des îles édifie, au-dessus de l’aumônerie, la salle des Hôtes (1215-1217) et le réfectoire (1217-1220) ; puis, au-dessus du cellier, la salle des Chevaliers (1220-1225) et enfin le cloître (1225-1228).
La Merveille est organisée en deux parties : la partie est et la partie ouest.
La partie est a été la première réalisée, de 1211 à 1218. Elle comprend, de bas en haut, trois salles : l’aumônerie, construite sous Roger II, puis la salle des Hôtes et le réfectoire, menés à bien parRaoul des Iles, de 1217 à 1220.

L'aumônerie a donc été, très probablement, la première réalisation de la Merveille, édifiée sous l'abbé Roger II à partir de 1211. C'est une longue salle très fonctionnelle, massive, construite pour supporter le poids des étages supérieurs, constituée d'une série de six grosses colonnes rondes et lisses surmontées de chapiteaux très simples, séparant deux nefs à voûtes d'arêtes. On y accueillait les pèlerins les plus pauvres[95]:47.
De nos jours, l'aumônerie a retrouvé son rôle d'accueil pour les visiteurs : c'est là que se tient la billetterie.

La salle des Hôtes est une salle à croisées d'ogives, à deux nefs séparées par six colonnes, reprenant donc la disposition de l'aumônerie, placée juste au-dessous. Mais si le plan est le même, la réalisation est cette fois luxueuse, aérée, avec des contreforts intérieurs dissimulés par des demi-colonnes nervurées et engagées, qui rythment à chaque travée les murs latéraux percés de hautes fenêtres composées sur la face nord de deuxlancettes divisées par unmeneau horizontal et disposées sous desarcs de décharge[103].
Les deux foyers étaient jadis masqués par une tenture séparant la salle en deux : cuisine et salle à manger. Cette tenture était suspendue à une poutre dont on peut toujours voir les deuxculées, entre lemeneau central de la grande porte et celui de la fenêtre correspondante.
La salle des Hôtes était équipée d'une troisième cheminée dont seul subsiste le conduit sur le mur sud. Cette cheminée marque l'endroit où était dressée la table de l'invité le plus important dont le siège était surmonté d'undais attesté par les deux « trous » visibles de part et d'autre de la cheminée et recevant deux poutres.
La réception des hôtes, avant l'entrée dans cette salle d'apparat, avait lieu dans la chapelle Sainte-Madeleine attenante, dans laquelle les invités faisaient leurs dévotions avant de passer à table. La salle des Hôtes est clairement destinée à la réception des hôtes de marque, qui trouvaient là le luxe de latrines en encorbellement de la façade nord, et de la double et monumentale cheminée, pour les réchauffer et les restaurer.
Il faut aussi imaginer les murs ornés de tentures, les vitraux, les peintures, les carreaux émaillés parsemés de fleurs de lys et de tours, aux armes du roi de FranceLouis VIII et de son épouseBlanche de Castille, détruits auXIXe siècle et remplacés par un dallage de pierre. Les minces colonnes lisses, très élancées, sont surmontées d'élégants chapiteaux au décor végétal, soutenant les fines croisées d'ogives[95]:23-47-48.
Le déclin de l'abbaye à partir duXVIe siècle explique sa moindre fréquentation par des hôtes de marque et l'affectation de cette salle au réfectoire des moines auXVIIe siècle[104].
Le réfectoire des moines occupe le troisième et dernier niveau de cette partie orientale de la Merveille. La salle est délimitée en un seul volume par deux murs parallèles dont l'axe longitudinal voûté en berceau, bien que rien ne le souligne, conduit le regard vers la place de l'abbé. L'architecte pouvait affaiblir les murs en ouvrant de trop larges baies, vu la portée du berceau : aussi a-t-il choisi de percer les murs allégés de cinquante-neufcolonnettesengagées dans des piles raidies par un plan de tracé losangé[note 28]. Les piles encadrent dans le mur nord autant de hautes et étroites fenêtres en accordéon àébrasement ouvert et profond, contribuant à la splendeur de cette façade nord de la Merveille, « le plus beau mur du monde », aux yeux deVictor Hugo[105]. Les colonnettes sont munies dechapiteaux àcrochets surcorbeille arrondie etcouronnés d'untailloir, rond également, où se dessine une moulure enlarmier caractéristique du tailloirgothique normand[106]. Le remplacement des murs par ces organes de raidissement fait preuve d'un modernisme surprenant et« préfigure en quelque sorte les principes fondateurs de l'architecture métallique[107] ».
Un curieux effet d'optique saisit le visiteur franchissant le seuil de la porte : de l'entrée, les murs latéraux semblent pleins alors que la lumière entre à flots. En perspective, les fenêtres se chevauchent mais au fur et à mesure que l'observateur progresse dans la salle, elles s'ouvrent les unes après les autres, puis, derrière lui, se referment, formant une sorte de store qui diffuse dans l'ensemble de la salle une lumière indirecte, douce et homogène[51].
Au milieu du mur sud, intégrée entre deux arcatures couvertes devoûtelettes d'ogives, s'élève unechaire dans laquelle le lecteur, un moine désigné à tour de rôle dans lesemainier,psalmodiaitrecto tono des textes pieux et édifiants[note 29]. Les moines étaient servis par les plus jeunes, chargés d'aller chercher les plats parvenant au monte-charge relié à la cuisine[note 30].
Cet ensemble unique est couvert par un berceau lambrissé[note 31] qui ne laisse apparaître de la charpente, de loin en loin, que quelques entraits et poinçons. La couverture du bâtiment est faite de schistes locaux[95]:48-49-50.
Dans les années 1960, un pavage en terre cuite vernissé et un mobilier sont réalisés à partir de modèles anciens[51].
La partie ouest, érigée sept ans plus tard, comporte elle aussi, de bas en haut, sur trois niveaux : le cellier, la salle des Chevaliers et le cloître.

Le cellier était une grande salle fraîche et peu éclairée, assurant la double fonction de conserver les vivres et de soutenir la lourde structure supérieure. Des piliers maçonnés de section carrée et àimposte sont implantés de manière à servir de substruction aux colonnes de la salle des Chevaliers, placée juste au-dessus. Ces piliers séparent le cellier en trois nefs, couvertes de simples voûtes d'arêtes[95]:50-51.

Cette vaste salle était peut-être lescriptorium, où les moines passaient une grande partie de leur temps à copier et enluminer de précieux manuscrits, mais aussi à d'autre tâches intellectuelles (lecture, étude, commentaire). Meublée de pupitres et de coffres contenant la réserve de parchemin, elle est située au nord pour bénéficier d'une lumière qui n'abîme pas les yeux et ne fait pas varier les couleurs des enluminures. Les sièges des copistes et des enlumineurs étaient placés près des grandes verrières disposées sur les murs nord et ouest, et qui apportaient la lumière nécessaire au travail sur les pupitres. Alors que la règle bénédictine imposait normalement un chauffoir distinct du scriptorium, l'abbaye aurait bénéficié d'une dérogation avec deux cheminées éloignées l'une de l'autre pour chauffer ensemble une surface très importante. Cet écart à la règle, hypothèse plausible mais non étayée, explique que plusieurs historiens remettent en cause l'affectation de cette salle et y voient le chauffoir où les moines venaient se réconforter les jours de grand froid, ou la salle duchapitre[104].
Après la création de l'ordre des chevaliers de Saint-Michel par Louis XI en 1469, elle prit le nom de salle des Chevaliers. Il ne semble pourtant pas qu'elle ait servi à d'autres usages que monastiques.
L'architecture et la décoration dans un style typiquement normand sont reconnaissables au tracé accentué des ogives, ainsi qu'au profil saillant des moulures. Les chapiteaux de granite sont, malgré la dureté de cette pierre, finement sculptés.




L'architecte ayant cherché à donner au cloître la plus grande étendue possible, il construit un quadrilatère irrégulier dont la galerie sud empiète sur le croisillon nord de l'église. Mais le cloître n'est pas situé, comme le veut l'usage, au centre du monastère occupé par l'église. Il ne communique donc pas avec toutes ses composantes comme c'est le cas ailleurs, la plupart du temps. Sa fonction est donc purement spirituelle : celle d'amener le moine à la méditation. Les pèlerins qui montaient vers l'abbaye pour y accomplir leurs dévotions et approcher les reliques, pouvaient visiter le cloître[112].
Trois arcades de la galerie ouest sont étonnamment ouvertes sur la mer et le vide. Ces trois baies en arcs brisés devaient servir de portes à unesalle capitulaire surmontant la bibliothèque, dans un troisième corps de bâtiment qui n'a jamais été construit[note 36]. Le projet prévoyait de placer le cloître au centre du circuit monastique, entre le réfectoire, le dortoir et cette salle capitulaire. La construction entreprise (soubassement visible dans le prolongement de la Merveille) n'est pas poursuivie, les raisons de l'abandon de ce projet n'étant pas connues mais probablement liées un manque de moyens financiers[113].
Les plus fines sculptures (arcades, écoinçons, décoration florale exubérante et variée) sont en un calcaire fin, lapierre de Caen. Leur décor donne lieu à des interprétations symboliques souvent fantaisistes[114].
Les colonnettes disposées enquinconce et reliées à leur sommet par des arcs diagonaux finement moulurés, étaient initialement réalisées en calcaire lumachelle importé d’Angleterre (« marbre » dePurbeck), mais ont été restaurées enpoudingue pourpré deLucerne à la fin duXIXe siècle à la suite des travaux menés parÉdouard Corroyer. Cette disposition en quinconce permet d'obtenir une légèreté qui contraste avec la puissance des autres constructions[note 37].
Dans la galerie sud, une porte communique avec l'église et des soupiraux éclairent le Cachot du Diable et la chapelle des Trente-Cierges. Deux travées d'arcatures géminées, supportant le chemin de ronde qui domine le cloître, encadrent lelavatorium établi sur deux bancs superposés, où l'on se lavait les mains avant d'entrer au réfectoire. Il s'y renouvelait notamment chaque jeudi la cérémonie du lavement des pieds[115].
Les deux portes de la galerie est s'ouvrent sur les cuisines et le réfectoire.
Des cellules appelées « loges » ont été construites auXIXe siècle sous les combles de la galerie nord pour y mettre au fer des détenus récalcitrants, commeMartin Bernard,Blanqui et d'autres prisonniers politiques de 1830 ou 1848[116].
Unjardin médiéval est recréé en 1966 par frère Bruno de Senneville, moine bénédictin féru de botanique. Au centre, un motif de buis rectangulaire était bordé de treizerosiers de Damas. Les carrés de plantes médicinales, d’herbes aromatiques et de fleurs évoquaient les besoins quotidiens des moines au Moyen Âge[117].
Le cloître a fait l'objet d'importants travaux de janvier à novembre 2017. Les éléments sculptés, nettoyés et restaurés, ont été mis en valeur par un éclairage de qualité. Le sol des galeries a été abaissé à son niveau d'origine. Le jardin précédent a été remplacé par une étendue gazonnée désormais étanche[118].

De même, les bâtiments de Belle Chaise (achevée en 1257, décor reconstitué en 1994[119]:78) et des logis abbatiaux intègrent les fonctions administratives de l’abbaye aux fonctions cultuelles. L’abbé Richard Turstin édifie, à l’est, la salle des Gardes (actuelle entrée de l’abbaye), ainsi qu’une nouvelle officialité, où était rendue la justice relevant de l’abbaye (1257).
Vers 1393, sont édifiées les deux tours du Châtelet, puis la tour Perrine et une Bailliverie. Le tout fut complété, à l’initiative de l’abbé Pierre Le Roy, par un logis personnel complétant les fortifications de l’abbaye.

Le cultecatholique romain est réintroduit à l'abbaye par desmoines bénédictins en 1969 puis par lesFraternités Monastiques de Jérusalem qui assure la vie monastique depuis 2001[120].
Depuis le début duXXe siècle, lepère abbé de l'abbaye Saint-Michel de Farnborough porte de droit le titre de « père abbé de l’abbaye du Mont-Saint-Michel ». En effet, à cette époque, l’évêque de Coutances et Avranches le lui octroya pour récompenser l’abbaye de Farnborough pour le service rendu par certains de ses moines (des bénédictins français de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes enexil) qui étaient venus assurer une présence spirituelle au Mont auprès despèlerins, de plus en plus nombreux à y revenir. La charte d’octroi stipule que le père abbé portera ce titre jusqu’à ce qu’une nouvellecommunauté bénédictine se réinstalle au Mont et réélise un nouveau père abbé, ce qui, n’étant pas réalisé à ce jour, est encore valable.[réf. nécessaire]
Le supérieur des religieux desFraternités monastiques de Jérusalem, présents à l'abbaye du mont, porte le titre de « prieur ». Depuis 2018, la charge est exercée par frère Théophane[121].
Le titre de « recteur du sanctuaire » a été porté par des prêtres diocésains ; la charge est confiée, depuis 2021, à un prêtre de lacommunauté Saint-Martin et la charge est exercée, depuis 2023, par Pierre Doat[122].
Le monument est une propriété de l'État français dont la gestion est confiée aucentre des monuments nationaux par leministère de la Culture. Depuis le[58] sa direction est confiée au directeur de l'établissement public du Mont-Saint-Michel.
La fréquentation du site et de l'abbaye est concentrée dans le temps. Elle est la plus forte au cours de la période estivale et de certains week-ends printaniers qui concentrent le tiers des visiteurs du Mont-Saint-Michel, avec une moyenne journalière approchant les 12 000 visiteurs et des pics dépassant les 16 000 visiteurs par jour, avec un flux de visiteurs de moins en moins dense au fur et à mesure de l'ascension vers l'abbaye. « Au cours d’une journée, c’est entre11 h et16 h que la densité de visiteurs sur le site est la plus forte »[123].
D'après laDGCIS, l'abbaye du Mont-Saint-Michel est le13e site culturel le plus visité en France en 2010[124].
Alors qu'elle avait augmenté régulièrement depuis le début duXXIe siècle, la fréquentation de l'abbaye a souffert d'une baisse à partir des années 2010 (1,33 million d’entrées payantes en 2011, moins d'un million en 2013)[125]. L'abbaye aurait pâti en effet des nouvelles conditions de desserte de la presqu’île et de la mauvaise réputation du site du Mont-Saint-Michel offrant des prix élevés pour des prestations mal appréciées[126].
En 2014, l'abbaye enraye cette évolution en accueillant 1 223 257 visiteurs (663 209 Français et 560 048 étrangers, dont 35 % de Japonais), soit une augmentation de 3,3 % par rapport à l'année précédente[127]. Depuis le, les visiteurs peuvent se rendre au Mont par les nouveaux ouvrages d'accès créés par l'architecteDietmar Feichtinger qui a remporté le concours duprojet Saint-Michel : le déclin touristique avait alors repris, en raison notamment de la hausse des tarifs de stationnement[128].
En 2019, l'abbaye du Mont-Saint-Michel a accueilli 1 479 293 visiteurs. Le site voit ainsi sa fréquentation augmenter de 6,12 % par rapport à l'année précédente, selon le centre des monuments nationaux. L'abbaye du Mont-Saint-Michel est le second site le plus fréquenté de France en 2019, après l'arc de triomphe de l'Étoile. Le spectacle nocturne des Chroniques du Mont, qui habille l'abbaye de jeux de lumières, d'effets sonores et de projections vidéo, a rassemblé près de 500 000 spectateurs durant les mois de juillet et août 2019[129].
Dans le domaine de l’art,Le Mont Solaire, œuvre éphémère, transforma le Mont-Saint-Michel en cadran solaire utilisant la flèche de l’abbaye durant l'équinoxe d’automne 1988. La même équipe créa les « Nocturnes du Mont-Saint-Michel » l'année suivante.
Un circuit de visite nocturne des salles illuminées est programmé chaque année en juillet et août.
Le centre des monuments nationaux propose depuis 2010 chaque année une saison de concerts de prestige au sein de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. La direction artistique est assurée par l'administrateur du monument[note 38]. À cette occasion, la restauration de l'orgue est achevée en 2012.
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