Soltan Mohammad Baqir SafiMirza, Soltan Hassan Mirza, Soltan Mohammad Reza Mirza Khouda Banda, Soltan Ismail Mirza, Imam Qouli Amanou'llah Mirza, Shahzadi Zoubaida Begum, Shahzadi Shahzade Begum
Comptant parmi les souverains les plus remarquables de la dynastieséfévide, Abbas monte sur le trône en1588, sous l'impulsion de son tuteur Murshed Quli Khan, après avoir évincé son pèreMuhammad Khodabanda (1578-1588) et son frère Abou Taleb (considéré comme le régent,vakil). Alors que près de la moitié de l'Iran est aux mains desOttomans et desOuzbeks, Abbas reprend progressivement le contrôle de son territoire et impose son autorité aux différents groupesturkmènes appelésQizilbashis (« têtes rouges »).
Afin de régler la situation intérieure (notamment la rébellion de plusieurs seigneursKizilbaches), Abbas conclut un traité de paix avec laSublime Porte en 1590. Ce texte, très défavorable à l'Iran, entérine la perte de l'Azerbaïdjan avec sa capitaleTabriz, ainsi que d'une grande partie de l'Arménie, de laGéorgie et duKurdistan, qui passent sous influence ottomane[1]. Durant une décennie, Abbas se concentre dans la lutte contre les grandsémirs provinciaux (Fars,Kerman,Azerbaïdjan...) et les potentats du nord de l'Iran (Gilan,Mazanderan), ainsi que sur le maintien de la présence safavide dans leKhorassan. Cette région est alors largement dominée par la dynastie ouzbek desChaybanides. En 1598, Shah'Abbas parvient finalement à rétablir son autorité sur l'ensemble du territoire ainsi que sur le Khorassan grâce à une victoire militaire éclatante à Robat-e Paryan. La puissance ville de Hérat — lieu de sa naissance — repasse définitivement dans le giron safavide.
Miniature mongole présentant Jahangir et son « frère » Shah'Abbas.
Cette même année, Abbas transfère officiellement le siège du pouvoir (Dar al-saltanat) àIspahan, dont la situation géographique est considérée comme plus sûre que celle deQazvin (capitale safavide depuis 1555). Ispahan devient alors un lieu culturel et artistique majeur. En 1603, Abbas entre en guerre contre la puissance ottomane : il reconquiert rapidement Tabriz et étend son domaine jusqu'àErévan, qui devient la porte d'entrée du territoire safavide auXVIIe siècle. Au cours de cetteguerre turco–safavide (1603–1618), les Ottomans sont repoussés jusqu'en Iraq (1605-1607). En 1620, Abbas s'empare de la province deDiyarbakir (sud-est de la Turquie actuelle (annexée par l'Empire ottoman en 1534) et deBagdad en 1623[2]. Dans la foulée, il s'empare des villes saintes deNajaf etKerbala, hauts lieux du chiisme, ce qui accroît considérablement son prestige.
Centralisation du pouvoir et modernisation de l'armée
Abbas recevant l'ambassadeur des mongols Khan'Alam en 1618. Abbas est à droite du tableau, et offre un verre de vin à l'ambassadeur, à gauche. Auteur inconnu.
Abbas centralise le pouvoir politique et l'administration, en particulier en équilibrant le pouvoir des troupesturkmènes (Qizilbash ouKizil Bash) grâce à la création du corps desgholams, des soldats chrétiens esclaves, principalement des Arméniens et Géorgiens, qui lui sont loyaux. S'il peut compter sur environ 50 000 Kizil Bash[2], ces troupes provinciales sont dirigées par des chefs locaux, qui servent le chah en échange de leur pouvoir politique (à l'instar du système devassalité féodale). Aussi, lesgholams, faits prisonniers lors des campagnes en Arménie (1603) et en Géorgie (1614, 1616)[2], qui sont rétribués sur ses propres deniers, lui permettent de regagner l'ascendant sur ces chefs locaux[2]. Des milliers d'artisans sont aussi transférés d'Arménie à Ispahan[2] lors de plusieurs vagues de déportations : en 1604, plusieurs milliers d'Arméniens deJulfa sont ainsi conduits dans un faubourg d'Ispahan pour y fonder une nouvelle ville (laNouvelle Julfa). D'autres seront envoyés dans le nord du pays (Mazandéran) pour y pratiquer l'agriculture et l'élevage du ver à soie (1612-1614).
Outre ces 10 000 cavaliersgholams[2], il crée un corps de 12 000mousquetaires[2], lestofangtchis, et dispose aussi de 12 000artilleurs (avec 500 canons)[2]. Avec, en outre, sa garde personnelle de 3 000 hommes, le Shah'Abbas dispose ainsi d'une armée permanente de 37 000 hommes, auxquels il faut ajouter les 50 000qizilbash qu'il peut lever le cas échéant[2]. Le pouvoir desqizilbash est progressivement réduit à la fin de son règne : seules les provinces périphériques deGéorgie, duKhouzistan, duKurdistan et deLoristan bénéficient encore d'une autonomie relative[3]. Les puissantes tribus desKhanats sont divisées en trois groupes, et affectées l'une enAzerbaïdjan, les deux autres àMerv et àAsterabad, éloignées les unes des autres de centaines de kilomètres[3].
LegholamAllahverdi Khan, d'origine géorgienne, est nommé gouverneur deFars vers 1595-1596, devenant le premier gholam à bénéficier d'un statut égal à celui desémirs qizilbashs. Devenu commandant-en-chef de l'armée, et conseillé par l'AnglaisRobert Shirley (envoyé parRobert Devereux,2ecomte d'Essex, afin de forger une alliance contre les Ottomans), il réorganise l'armée au tournant du siècle.
Par ses victoires militaires sur lesOuzbeks, lesOttomans[4] et lesPortugais, il renforce les frontières du nord et de l'ouest et rétablit la suprématie iranienne sur legolfe Persique. Les Anglais l'aident à récupérer l'île d'Ormuz, que les Portugais possédaient depuis 122 ans. Il maintient par ailleurs des contacts avec l'Espagne, envoyant d'abord à la cour du roi catholiquePhilippe III Husayn Ali Beg, qui arrive àValladolid le ; puis l'imam Quli Beg () ; enfinRobert Shirley () et Denzig Beg (). Nombreux descendants de ces envoyés se convertissent par la suite au catholicisme et entrent au service du roi, adoptant des noms chrétiens suivis du patronyme "de Perse" (telsJean de Perse). De son côté, Philippe III lui envoya comme ambassadeurGarcía de Silva Figueroa, qui identifiaPersépolis et découvrit l'écriture cunéiforme.
En 1618, l'ItalienPietro Della Valle tente de le convaincre de s'allier auxCosaques contre les Ottomans, mais les récentes victoires d'Abbas le poussent à ignorer cette requête.
Abbas est un roi pieux, qui soutient les institutions religieuses en construisant des mosquées et desmadrasas (écoles religieuses) ; cependant, on constate sous son règne une séparation graduelle des institutions religieuses et de l'État, dans un mouvement vers une hiérarchie religieuse indépendante.
Son règne est aussi un âge d'or pour le commerce et les arts[4]. Avec l'aide desAnglais, il se bat d'abord contre lesPortugais qui occupaient ledétroit d'Ormuz, puis accueille les commerçants étrangers (britanniques, hollandais, français et autres). Le niveau des arts patronnés par le Shah est visible àIspahan, sa nouvelle capitale[4], où il construit des palais et mosquées de toute beauté : laplace Naqsh-e Jahan , la porte du palais royal (Ali Qapu), lamosquée du Chah (masjed-e shah, construite entre 1616 et 1630), lamosquée du Cheikh Lotfallah, le palais deTchehel-Sotoun, etc.) et donne une grande importance aux miniatures et auxbeaux-arts.