LesAït Waghlis (kabyle : At Weɣlis,tifinagh : ⴰⵜ ⵡⵖⵍⵉⵙ) sont unetribu kabyle établie sur la rive gauche de laSoummam et le versant sud du massif de l'Akfadou. Son territoire se compose des communes deSidi Aïch ainsi que des communes avoisinantes[2] :Chemini,Leflaye,Souk-Oufella,Tibane etTinebdar[3]. C'est la tribu la plus importante en nombre de la vallée de la Soummam[4].
Lors de la colonisation française, la tribu prit, dans les différents documents, différentes appellations.On retrouve alors les appellations Beni-Ourlis, Beni-Oughlis ou encore Beni Oughlice.
Établie sur le versant sud du mont Akfadou, dans la chaîne duDjurdjura, la tribu des Aït Waghlis occupe le territoire inscrit dans le triangle délimité à l’ouest par la rivièreIghzer Amokrane jusqu’au col d’Akfadou (à la limite avec la tribu desOuzellaguen), au nord par une ligne partant du col d'Akfadou le long de l’oued Remila (à la limite avec la tribu desAït Mansour), et au sud par la rivière de laSoummam.
Le territoire de la tribu s'étend sur une vingtaine de kilomètres en longueur, deSemaoun à l'ouest àTinabdher à l'est, et sur une dizaine de kilomètres en largeur, d'Aourir au nord àTakrietz au sud ; Ighzer n Souk délimitant la partie Ath-Sammer à l'Ouest et Ath Mzal à l'Est. Sidi-Aïch constitue un centre reliant la tribu à ses voisins du flanc méridional de la vallée :At-Yemmel Seddouk,Amalou etImessissen.
La superficie de l'ensemble des communes constituant le territoire de la tribu est égale à 92.05 km². Le territoire de la tribu contient le lac d'Agoulmim n'Iker, une partie de l'Asif n Assemam, une partie de la foret deYakouren et du massif de l'Akfadou. L'altitude minimale est de 81m, le long de l'Asif n Assemam et l'altitude maximale y est de 1 616 m dans la massif de l'Akfadou.
Les localités de la tribu ont en majorité des noms locaux, bien que certaines d'entre elles ont subi une influence étrangère puisque l'on retrouve quelques toponymes arabes, seuls ou mélangés à des toponymes locaux.
Nous pouvons également noter la présence forte de toponymes faisant référence à des entités naturelles tels queTizi qui signifiecol,Tala qui signifie source ou fontaine ou encoreIghil/Tighilt qui signifieterrain gras.
Nous retrouvons aussi des noms faisant référence à des hommes, avec l'utilisation de la particule kabyleAϊt signifiant « gens de, descendants de, ceux de, fils de, la tribu de,… etc. » suivi d'un prénom (Cemini, Sula, Chetla,...).
Enfin, d'autres toponymes se référent à des lieux. C'est notamment le cas des toponymes qui possèdent le mot kabyleεzib signifiant « ferme, maison isolée à la compagne »[15],[16].
AuVe siècle av. J.-C., lestribus libyques étaient au nombre de 17 et réparties sur toute l'Afrique du Nord, de l'Atlantique auNil selonHérodote. Parmi ces 17 tribus, celle qui était présente en Kabylie actuelle était celle desAusès[17]. Ces tribus se sont probablement formées lors de lapréhistoire. De cette tribu vont naitre de nombreuses autres tribus, dont une confédération de 5 d'entre elles dans leDjurdjura, lesQuinquégentiens. L'une de ces tribus, lesTindenses va etre à l'origine de 3 tribus actuelles dont celles des Aït Waghlis, aux environs duXIIe siècle.
Selon les anciens, la tribu des Aït Weɣlis a été très tôt divisée en deux. Au Nord-est se trouvent les At Menzal (communes deSidi Aich,Tibane,Leflaye,Tinebdar) tandis qu'au sud-ouest se situent les At Usammar (communes deChemini etSouk Oufella).Les Aït Weɣlis Usammar auraient fait partie de la confédération desIgawawen qui rassemblait beaucoup de tribus des versants nord du Djurdjura. Les At Menzer ont fait alliance avec des tribus de la vallée de laSoummam. Cela explique les différences linguistiques entre les deux factions. Alors que les Usammar (comme ses voisins: Awzellagen,At Ziki,Aït Idjer) utilisent des explosives comme les tribus de la confédération des Igawawen (tappurt, heggi, axxam k yemɣaren, axxam-aki), les At Menzal prononcent cesphonèmes comme plus largement dans la vallée de la Soummam (tawwurt, heyyi, axxam yemɣaren, axxam-ayi)[18].
Dans la préhistoire, la région était déjà occupée. Il existe des grottes dans la région, les plus connues étant celles deGueldaman à Bou Hamza,Akbou dans lesquelles furent trouvés les objets suivants[19] :
Des tessons de poteries portant des décors imprimés et incisés qui ont conservés des résidus de miel, de lait et de matières grasses.
De nombreux outils lithiques et osseux
Des objets fabriqués à partir d'ivoire d’éléphant, de coquilles d’œufs d’autruche, de carapace de tortue, et de coquillages marins[20]
La présence de ces objets prouve que la région était habitée depuis au moins leVe millénaire av. J.-C.
Dans cette région, de nombreuses ruines datent de l'Antiquité. Notamment, une fontaine àLeflaye, les vestiges d'une voie romaine à la sortie de cette même ville et également des pierres éparses à Tiliouacadi, attestant un centre agricole[22].
Lors de cette période du Moyen-Age, la région restera indépendante et ne sera pas touchée par lesconquêtes musulmanes du fait de la forte résistance. Les habitants sont alors convertis par l'intermédiaire demarabouts.À la suite de lagrande révolte berbère, les Ait Waghlis resteront indépendants desAghlabides. Il faudra attendre la formation duCalifat fatimide pour que la tribu fasse de nouveau parti d'un état.
À cette époque, un conflit éclata entre la tribu et lesAït Djennad après que des marchants de la tribu furent dépouillés par ceux-ci.Afin d'apaiser les tensions,Youcef Ou Kaci écrit un poème à propos de la tribu des Aït Waghlis dont les vers sont les suivants :
Kabyle
Français
Asmi terbeḥ ddunit ar wanida k-ihwa ddu Di Letnayen n At Jennad dinna ay-d ibda laadu Aweɣlis si zik d aḥṛuṛ mačči d yiwen ad as yeḥku
Belleh ar-k azenɣ a ttiṛ abrid ik Akeffadu Aameṛ Waali deg-Gwewrir d Ateṛkwi di Baṛeddu Ulamma nexdem tuḥsift abrid-a ilezm aɣ laafu.
Aux jours heureux d'antan On pouvait aller où bon semblait Puis au marché des Aït Djennad Ont commencé les troubles Les Aït Waghlis sont de toujours nobles hommes À qui le dire qui déjà le le sache
Par Dieu oiseau soit mon messager Va vers l'Akfadou Puis à Aourir chez Amar Ouali Turc du Palais du Bardo Quoique nous ayons commis une faute Il faut cette fois qu'on nous pardonne.
Ces vers furent récités par Youcef Ou Kaci sur la place du village et, lorsque celui qui avait hébergé ce dernier la veille révéla son identité, la tension monta mais l'hôte le protégea sous sonburnous[26].
Lors de la campagne de colonisation française, des combats opposaient la tribu aux hommes duMaréchal Bugeaud en 1841 et certains combattants ont résisté jusqu'à se soumettre, en juillet 1871, au colonelJean Thibaudin[27].
En 1846, lors de la colonisation de la Kabylie, un témoignage anonyme affirme que la tribu possédait 2500 fantassins ce qui était très élevé comparé à ses voisins, lesOuzellaguen et les Illoula en possédaient respectivement 150 et 800[28].
Le 22 Juin 1851, les Ait Waghlis se soumettent à la France après la défaite de Bou Baghla.
En 1871, la tribu participe activement à larévolte de Mokrani contre l'occupation française.
Le 13 avril 1872, la commune mixte deSidi Aich fut fondée puis instituée le 25 août 1880 par le gouverneur général[29].
En 1909 ou 1910, l'association des Jeunes Oughlissiens fut fondée. Elle proposait notamment l'installation de lampadaires dans les rues de la tribu[30].
Dans les années 1980, les lieux de la tribu, comme tout le reste de la Kabylie, participent auPrintemps berbère[31]. En 2001, lePrintemps noir surveint après l'assassinat d'un lycéen par un gendarme àBeni Douala. Les villes et villages de la tribu y participent également et de nombreux manifestants originaire de la tribu y sont tués.
En 2018, de nombreux lycéens deKabylie participent à un boycott de la langue arabe. De nombreuses écritures arabes présentes sur les panneaux de signalisation sont alors effacées[32].
Les Ait Waghlis parlent exclusivement lekabyle. Le dialecte parlé sur leur territoire est le dialecte kabyle oriental central, également parlé par lesAit Aidel et At Khiar[33]. Cette tribu a la particularité, avec quelques autres tribus, d'utiliser la consonne labiale sourde [p][34].
Les Aït Waghlis sont connus dans la région pour leur pouvoir (qudra) de soigner (ou de traiter) les fractures du corps que leur attribue la coutume[35]. Cette pratique perdure aujourd'hui chez une famille du village d'Ath Soula (axxam n'tbib). Les Aït Waghlis étaient passés maîtres dans le travail dupalmier nain (ddum,igezdem enkabyle)[36].
La tribu est l'une des cinq tribus d'Afrique du Nord qui fabriquaient ces chapeaux de pailles de taille démesurés portés pendant l'été appelés mz'alla[37]. Les femmes de la tribu étaient tatouées au cou avec le tatouage numéroté 4 sur l'image ci-dessous (1) pour montrer leur appartenance à la tribu[38]. De nombreux paternes, propres à la tribu, sont utilisés sur les poteries de la tribu. Notamment les paternes 1 à 14 de l'image ci-dessous (2), utilisés dans le village Ait Daoud.Nous voyons également, sur la troisième image, des poteries originaires de la tribu et qui présentent les paternes mentionnés précédemment[39].
Les Aït Waghlis, comme de nombreuses autres tribus kabyles, fabriquaient des coffres (4)[40].
La ville deSidi Aich possédait autrefois le marché le plus important de lavallée de la Soummam. La commune importait et exportait de nombreuses denrées et produits. Les produits exportés étaient constitués par les biens suivants :
Scouffins, paniers, nattes, azembils (couffins enpalmier nain), couvertures de laine, cuillères et plats en bois, couteaux et pupitres kabyles, cardeurs,socs,charrues, cruches et marmites, peaux de chèvre (sèches et fraiches), peaux de mouton, sel, olives, huile d'olive, figues (fraîches et sèches),caroubes, oranges, citrons, grenades,nèfles, noix, oignons verts, févettes, djelbouns, pois, pois chiches, poivrons (verts ou rouges), cuir, laine en toison, volailles, œufs,suif, viande, miel, cire,noix de galle, savon noir, moutons, chèvres, bœufs et vaches.
Les produits importés étaient également nombreux :
Cette tribu est passée maitre dans l'art de construire les ruches à miel, la culture des oliviers et des céréales, du lin et des fruits de diverses espèces. Ils fabriquent aussi des toiles de lin, des étoffes de laine et beaucoup de savon[41].
Cheikh El Hadj Hassaïne : fondateur de la plus ancienneZawiya (Ecole religieuse) de la région, en 1340. Le villageSidi Hadj Hassaine porte aujourd'hui son nom.
Cheikh Mohand Saïd ou Sahnoune Amokrane (-1889), fondateur de lazawiya Taghrast à Chemini vers 1870.
CheikhTaher At Waghlis (1852-1920), savant musulman, homme de lettres, enseignant, inspecteur des bibliothèques de Syrie et Jérusalem, membre de l'Académie arabe deDamas.
Bouaraba Mohand Ouidir (1947-2015), connu sous le nom de scène "Da Belaïd", il est comédien.
Farid Benyaa (1953-), artiste peintre, né à Sidi-Aich.
Khadidja Hamsi (1937-2021), artiste et styliste, originaire de Mezgoug, Tibane. Elle est connue pour avoir fait la promotion de la culture amazighe.
Yasmine Ferhani, présentatrice et journaliste surCanal Algérie etDzaïr. Mannequin et ambassadrice de la beauté en Algérie. Ses parents sont originaires deLeflaye.
Rachid Yal (Boukirat), chanteur compositeur, originaire du village Izghad.
Makhlouf Boukirat, chanteur, compositeur, poète, originaire du village Izghad.
Hachemi Souami (1941-), journaliste et présentateur du journal télévisé de la Télévision algérienne RTA en français puis directeur de laChaîne 2 enkabyle puis de laChaîne 3.
Mourad Chebine, journaliste, présentateur de l'émission "Rencontre avec la presse" à la Télévision algérienne.
Blekacem Boukirat (Boukhyar), compagnon du Cheikh Aheddad, originaire du village Izghad, chargé s'établir la liste des soldats moudjahidine pour préparer la révolution de 1871, expatriés en série avec le fils de Cheikh Aheddad Aziz.
↑Conseiller rapporteur Urbain. Délimitation et répartition du territoire de la tribu des Beni Oughlis, cercle de Bougie. N° 2179,, 6 p.(présentation en ligne),p. 2.
↑LyndaMounsi,Etude macrotoponymique de la tribu d’ Aїt Oughlis : Approche morphologique et sémantique,, 60 p.(présentation en ligne).
↑Jean-MarieDallet,Dictionnaire Kabyle-Français : Parler des Ait Mangellat, Algérie, SELAF,, 1094 p.(présentation en ligne).
↑(en)Herodote,The History of Herodotus : A New English Version, Ed. with Copious Notes and Appendices · Volume 3, D. Appleton and Company,, 616 p.(lire en ligne),p. 127
↑Rapport de la commission chargée de l'application duSénatus consulte le 25 novembre 1869, présidée par M. Augeraud, colonel commandant la Subdivision de Sétif, Province de Constantine, extrait en ligne [archive].
↑DjamilAïssani,REPERES : l’environnement historique et social de la tribu des Ath Waghlis, Gehimab,, 20 p.(lire en ligne),p. 1
↑YounesRezkallah,Le néolithique de la grotte de Gueldaman (Babors, Algérie), CNRPAH,(lire en ligne)
↑JustRouvier,Revue de l'orient et de l'Algerie, recueil consacre a la discussion des interets de tous les etats orientaux et des colonies francaises de l'Afrique, de l'Inde et de l'Occanie.,, 503 p.(présentation en ligne),p. 430