Enfrançais, ‹ ñ › est principalement utilisé dans quelquesmots d’emprunt et n’est souvent pas considéré comme faisant partie de l’alphabet. Il n’est par exemple pas admis comme faisant partie des « voyelles et consonne accompagnées d’un signe diacritique connues de la langue française » dans la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil adopté par le ministère de la Justice de France[1]. Cependant, comme le confirme l’Académie française, le tilde a été utilisé comme signe abréviatif en français jusqu’auXVIIIe siècle[2] ; il figure aussi dans tous les grands dictionnaires généralistes du français duXXIe siècle (Robert,Hachette,Larousse,Trésor de la langue française), notamment dans le mot d’origine espagnole « cañon ».
Le ñ est la quinzième lettre de version castillane de l'alphabet latin, entre le N et le O dans l'ordre alphabétique. Il est une lettre à part entière, l'alphabet castillan comportant vingt-sept lettres (non vingt-neuf car le ch et le ll sont desdigrammes exclus de l’alphabet depuis 2010)[3].
Historiquement, le ñ représentait deux N : « nn » : le tilde sur le « n » étant le raccourcisténographique pour le deuxième « n ». Par exemple, le motaño (année) vient du latinannus.
Étant une lettre typiquement espagnole, elle est souvent utilisée comme le symbole de cette langue : l'Institut Cervantes a incorporé le Ñ dans son logo.
Tildes dans l'acte de naissance de Georges Guyñemer (1894) 1, 2, 3 tildes valides ; 4 tilde manquant ; 5 rectification marginale du tilde manquant.
Enancien etmoyen français, le tilde appelétiltre en français, servait d'une part à l'abréviation :« Tiltre signifie tantost une ligne qu'on met sur des lettres pour suppléer l'abbreuiation des lettres totales d'un mot que l'Espagnol appelle tilde, le tirant du latin titulus, ainsi que nous[4] », d'autre part comme barre de nasalité :« La lettre consonne n ou m notant la nasalité d'une voyelle a été très tôt remplacée par une barre de nasalité que maintient l'emploi du tilde dans les alphabets phonétiques modernes. Cette barre irrégulièrement usitée, était encore courante auxXVIe et XVIIe siècles. La possibilité de confusion avec les accents ainsi que les flottements de la nasalisation expliquent l'abandon de ce signe diacritique[5]. »
Enfrançais moderne, Pierre-Claude Boiste est le premier lexicographe à inclure le mot tilde dans son dictionnaire publié en 1800. Il consacre l'existence du ñ :« Les nasales sont des consonnantes dont l'émission vocale se fait par le nez (n, gn ou n tildée)[6]. » Les écrivains romantiques commeAlfred de Musset remettent le ñ à la mode :« La señora, pourtant contre sa jalousie, Collant son front rêveur à sa vitre noircie[7]. » On trouve uniquement le ñ dans quelques mots d’origine espagnole :cañon, señor, señora, señorita, doña, piraña. Lerapport de 1990 sur les rectifications orthographiques recommande lafrancisation et donc de ne pas utiliser le ñ. Il figure aussi de manière résiduelle sur des patronymes tels que Guyñemer (l’acte de naissance deGeorges Guyñemer, le, en est une illustration[8]).
En France, la circulaire Taubira de juillet 2014 proscrit l'utilisation du ñ, ainsi que d'autres lettres accompagnées de signes diacritiques dits « de langue étrangère » ou « non connues de la langue française », dans les prénoms déclarés, les noms de familles ou toutes autres indications contenues dans les actes de l'état-civil[9].L'un des arguments utilisés contre l'utilisation du ñ dans l'état-civil est que l'ordonnance de Villers-Cotterets de 1539 ne l'autorise pas. En effet, l'orthographe n'y est pas évoquée, mais le ñ est lui-même utilisé dans cette ordonnance royale, que la Révolution française a abolie comme les autres.
Ainsi, le prénom bretonFañch, plusieurs fois refusé depuis la publication de la circulaire en 2014, a été à nouveau refusé par l'état-civil d'Angers dix ans après, en janvier 2024 au point que plusieurs élus s'en sont émus[10].
DansUnicode, le n tilde fait partie du blocsupplément latin-1, Ñ a pour point de code U+00D1 et ñ U+00F1. Ces deux caractères sont nommées respectivementlettre majuscule latine n tilde etlettre minuscule latine n tilde[14]. Le n tilde peut aussi être composé à l'aide dudiacritiquetilde « ̃ » U+0303.
Sur les dispositions de clavier possédant un tildemort, comme l’azerty ou leqwertz, en saisissant le tilde mort puis n ou N.Sur lesclaviers espagnols, le caractère étant plus fréquent dans la langue, la touche Ñ est présent en accès direct à droite de la touche L.
↑République française, Direction des affaires civiles et du sceau,Circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil,(présentation en ligne,lire en ligne)
↑« Quand le ñ était français... »,L’Express,(lire en ligne)