L'origine des Étrusques fait l'objet de débats animés depuis l'Antiquité, où les opinions divergent entre la thèse de l'origine autochtone et la thèse de l'origine lydienne / anatolienne des Étrusques. Un relatif consensus s'est établi au cours duXXe siècle, sous l'égide de l'étruscologueMassimo Pallottino. La majorité des étruscologues considère que la thèse de l'autochtonie desVillanoviens et des Étrusques qui en descendent est compatible avec des apports orientaux divers et qu'il serait vain de poursuivre ce débat : si l'écriture étrusque, empruntée aux Grecs deCumes, se lit sans problème, la langueétrusque, qu'elle véhicule, n'est pasindo-européenne, et sa connaissance reste fort lacunaire. Il est possible que l'origine des Étrusques résulte de l'installation en Italie dePélasges venus de Grèce qui se seraient associés aux autochtones rencontrés, créant ainsi un nouveau peuple.
Le territoire originel des Étrusques, l'Étrurie, correspond approximativement à l'actuelleToscane, au tiers nord du Latium et au nord-ouest de l'Ombrie. À leur apogée, au cours de la période dite archaïque, leur emprise s'étend de laplaine du Pô à laCampanie. Les cités étrusques forment à l'origine une confédération de12 villes, ladodécapole, à laquelle se seraient ajoutées par la suite deux autres confédérations, ladodécapole padane au nord et ladodécapole campanienne, ainsi que plusieurs colonies oucomptoirs enLigurie, enGaule cisalpine et enCorse. Chacune de ces cités est dirigée par unzilath, l'équivalent d'un roi.
Les terres étrusques, riches enminerais métallifères et bénéficiant de conditions naturelles favorables aux cultures, permettent de développer uneindustrie et uneagriculture florissantes. Leurs produits sont exportés dans l'ensemble des territoiresitaliques, mais également vers les marchésceltes,phéniciens, carthaginois etitalo-grecs.
Lasociété étrusque est de type hiérarchique etoligarchique, comprenant des hommes libres et desesclaves. Au cœur de cette société, lafemme étrusque est mise en valeur et semble jouir de droits en tous points égaux à ceux de l'homme. Globalement, lesauteurs grecs et romains assimilent lemode de vie étrusque à une culture marquée de langueur et de plaisirs ; il s'agit, selon ces auteurs, de latruphè.
La diversité et la richesse destombes obéissent aux nombreuxrites funéraires en vigueur durant les différentes périodes de cette civilisation.
Les Étrusques, en intégrant les apports des Grecs, des Gaulois (certains casques de guerre retrouvés sont des copies de casquesceltes), des Phéniciens et desÉgyptiens, ont développé unart particulièrement riche et des disciplines intellectuelles comme lamédecine, l'urbanisme et ladivination (etrusca disciplina).
La terminologieethnonymique du terme « Étrusques » s'inscrit au travers de biais tant historiques que culturels, littéraires et politiques. LesRomains les appelaient« Etrusci » ou« Tusci ». Dans sonCommentaire sur l'Énéide deVirgile, le grammairienlatin duIVe siècleServius avance l'étymologie suivante :« Les Étrusques reçurent le nom deTusci à cause de la fréquence de leurs sacrifices, c'est-à-direἀπο του θύειν[h] »[10]. Lesauteurs et historiens grecs, dontHérodote[i], les désignaient sous le terme de« Τυρρηνοί » (Tyrrhēnoi, c’est-à-direTyrrhéniens ou Tyrsènes, du nom d'un personnageéponyme,Tyrrhénos, qui aurait, selon Hérodote etStrabon, conduit une partie du peuplelydien en Italie). On ne sait pas avec certitude comment les Étrusques se nommaient eux-mêmes. Certains historiens modernes[12] suivent l'historien grecDenys d'Halicarnasse qui rapporte[j] que les Étrusques se désignaient par le motRasenna, qui était« le même que celui d'un de leurs chefs, Rasenna », ou, parsyncope,« rasna »[13]. Dans la poésie latine, notamment chezVirgile, le motLydi est fréquemment employé pour désigner les Étrusques, selon la thèse de leur originelydienne, fort répandue dans l'Antiquité[14].
L'ethnonyme« Tusci » est réemployé dans un contexte géographique régional, en créant le toponyme « Toscana ». Celui-ci procède également d'une forme dérivée et développée du termeTuscia[k], élément culturel et géographique communément acquis dès leIIIe siècle de laRome impériale, et faisant ainsi écho à l’antique dénomination de l'Étrurie, territoire des Étrusques[15].
Comme dans le cas d'autres peuples, les avis des historiens,antiques etmodernes, diffèrent à propos des origines des Étrusques,exogènes (Lydie ouPélasges) ou autochtones (Villanoviens). Dès l'Antiquité, trois hypothèses circulent à propos de l'origine des Étrusques, celle d'une origine orientale étant la plus répandue[16]. SelonHérodote, les Étrusques seraient d'originelydienne[17]. Les voix discordantes sont rares :Denys d'Halicarnasse, qui est le seul à défendre l'origine autochtone des Étrusques, mentionne au passageHellanicos de Lesbos, pour qui les Étrusques auraient été desPélasges[18].
Massimo Pallottino, fondateur de l'étruscologie moderne et reconnu comme l'un des plus grands étruscologues, bouleverse les idées sur le sujet. Il considère que l'émergence de la civilisation étrusque ne peut résulter d'une seule migration mais est le fruit d'un long processus de formation à partir d'apports multiples, à la fois autochtones villanoviens etexogènes,pélasgiques, orientaux ou autres[22]. La thèse de Pallottino, exposée en 1947 dansL'origine degli Etruschi, est décrite comme une « sorte derévolution copernicienne »[23]. Elle a emporté l'adhésion de la majorité des étruscologues, qui pensent, commeJean-Paul Thuillier, que« le caractère mythique, fantaisiste ou idéologique de ces théories antiques conduit aujourd'hui les chercheurs à laisser quelque peu de côté la question des origines », le débat restant néanmoins« loin d'être clos »[24].Jean Bérard, commentant l'ouvrage de Massimo Pallottino en 1949, soutient une possible orientalisation progressive (tyrrhéniens,période orientalisante) des indigènes, dont la part orientalisée pourrait être celle qu'on associe le plus facilement à la culture étrusque[25]
En revanche, pour Robert Stephen Paul Beekes, qui reprend entièrement le dossier en 2003 et passe en revue les principaux arguments, l'origine « orientale » des Étrusques ne fait pas de doute, le territoire d'origine de ces populations se situant, selon lui, un peu plus au nord que laLydie souvent proposée par les étruscologues[26],[27].
Néanmoins, le consensus actuel (2021) parmi les archéologues favorise l'hypothèse d'un développement autochtone, hypothèse selon laquelle la population étrusque est originaire localement de personnes associées à la culture (proto-)villanovienne de la fin de l'âge du bronze vers 900 ans avant notre ère[28].
(3) lapériode archaïsante, époque attribuée entre600 et 480av. J.-C., phase de développement culturel, économique et territorial, qui voit les Étrusques apposer leur empreinte sur une grande partie du bassin méditerranéen occidental et de l'Italie antique, y compris au sein même de Rome, en lui fournissant troissouverains (Tarquinl'Ancien, Servius Tullius et Tarquinle Superbe, de lalignée dynastique des Tarquins) ;
(4) lapériode classique, datée de480 à 300av. J.-C., au cours de laquelle la prééminence des Étrusques vacille et est marquée par de lourdes défaites militaires sur les terres, comme sur les mers ;
L'émergence de la civilisation étrusque dans ce contexte est intimement liée à l'expansion territoriale et commerciale desGrecs dans le sud de l'Italie à partir duVIIIe siècle av. J.-C.[37],[38]. L'archéologie aussi bien que de nombreux textes antiques attestent l'existence de complexes urbainschalcidiens, dont notamment ceux dePithekos, sur l'île tyrrhénienne d'Ischia, aux environs de 775av. J.-C. et deCumes sur le littoralnord-campanien, vers 750av. J.-C.[39],[40]. De nombreux artefacts identifiables commeproto-étrusques indiquent des contacts très probables entre la sphère gréco-chalcidienne et la sphère étrusque[41] soutenus par des échanges commerciaux entre ces deux cultures. La constitution d'un marché d'échanges à l'échelle de la péninsule italienne aurait contribué au développement et à l'essor de la civilisation proto-étrusque[42].
Les formes plastiques et stylistiques de l'artisanat proto-étrusque mettent en relief des emprunts aux canons esthétiques desPhéniciens originaires dulittoral syrien. Les rares informations concernant les régions étrusques pendant cette période témoignent de contacts commerciaux et culturels avec lescultures grecque, phénicienne, et égalementproto-italique, contribuant à l'émergence de leur civilisation[37].
Pour désigner la période allant de la fin duVIIIe jusqu'au début du VIe siècle av. J.-C.[m], les archéologues et les historiens parlent de « période orientalisante »[37]. Il s'agit d'une période qui voit l'importation et l'imitation d'objets provenant du bassin oriental de la mer Méditerranée.
Pérouse, Cortone et Arezzo obtiennent une trêve de trente ans. En 310av. J.-C., lors de labataille du lac Vadimon près deBolsena, l'armée romaine menée par le consulFabius Maximus porte un coup sévère à la coalition des cités étrusques[62]. Selon le récit de Tite-Live, Pérouse, qui a rompu la trêve, est finalement obligée d'admettre une garnison romaine tandis que Tarquinia obtient une nouvelle trêve de quarante ans et que les Romains s'emparent de plusieurs places fortes volsiniennes. Les Étrusques obtiennent finalement une trêve renouvelable chaque année[63],[64]. Faute d'une réelle coordination, la coalition étrusque échoue[65].
À partir de l'époque hellénistique, les cités étrusques, qui ont déjà connu de multiples revers militaires et géopolitiques lors de lapériode précédente, sont en proie à un déclin inexorable à la fois culturel, économique et géostratégique. Ils n'arrivent pas à opposer un front commun aux Romains. Pire encore, à l'intérieur même de leurs cités, des conflits sociaux opposent les aristocrates à la masse des couches les plus pauvres. Les premiers n'hésitent pas alors à solliciter l'intervention des Romains, comme c'est le cas à Arezzo en 302av. J.-C.[66].
Les terres historiques de l'Étrurie originelle[v] étaient délimitées par les cours des fleuvesArno (rive droite) etTibre (rive gauche) dont les sources se situent sur les versants respectifs des montsFalterona etFumaiolo. L'Étrurie comprenait donc la partie occidentale de l'Ombrie, la globalité de laToscane, et l'extrémité septentrionale duLatium jusqu'àRome où la rive droite du Tibre[1],[6], leTrastevere, était considérée comme étrusque comme le confirment certains termes anciens :litus tuscum (autrement dit : « rivage des étrusques ») ou encore « ripa veiens » (littéralement : rive deVéies, cité étrusque géographiquement la plus proche de Rome et possédant un accès direct via lavoie tibérine)[96]. L'expansion commerciale et politique étrusque s'étend par la suite enCampanie et dans laplaine du Pô comme le témoignent les restes archéologiques, monuments et objets d'art de tout genre[97].
Le territoire s'organise autour de quatre axes majeurs. D'une part, on distingue deuxlignes longitudinales. Une ligne occidentale formée par les plaines côtières longeant lamer Tyrrhénienne, dont l'épicentre est approximativementRusellæ[99],[100] et un vaste espace central de faible altitude évoluant du nord au sud[98]. D'autre part, le territoire étrusque est défini par deux axeslatitudinaux se développant d'est en ouest qui correspondent aux cours fluviaux de l'Arno et de l'Ombrone[101].
L'ensemble de ces éléments révèle que le territoire historique étrusque, tout en comportant quelques obstacles, présente des avantages notables tant spatiaux, quepédologiques,minérifères et hydrographiques. Ils bénéficient d'un domaine favorable à l'agriculture, à l'essor industriel et économique, ainsi qu'à la navigation et par conséquent au commerce de produits manufacturés, en particulier grâce aux voies fluviales et à son ouverture sur un vaste espace maritime[102].
Dans sa partie septentrionale et orientale, le territoire est pourvu de contreforts et de vallées tributaires de la chaîne desApennins, formée du nord au sud d'une suite d'enceintes montagneuses naturelles. Leur altitude culmine à 2 163 mètres avec lemont Cimone, dans l'actuelleprovince de Modène enÉmilie-Romagne. Par ailleurs, le sous-sol géologique de ces massifs est riche enressources minérales. Plus à l'ouest, en direction de l'espace central étrusco-toscan, ces derniers s'amenuisent sous la forme d'un prolongement vallonné riche d'uneterre siennoise de typeargileuse, un matériau favorisant l'exploitation agricole et bénéficiant d'une composition essentielle à la production despoteries étrusques tels que les buccheros. Il s'agit de la région desCrete senesi (littéralement « crêtes siennoises ») et dont la cité-État deChiusi en est le principal centre administratif, politique et économique[98].
Cette région méridionale aux paysages d'altitude, que l'on dénomme la« haute Tuscia », présente une végétation riche, constituée de massifs forestiers de typefeuillus, tels que deschênaies ou deshêtraies, essences largement utilisées et représentées dans l'industrie étrusque, tant comme matériau de combustion que pour la production de poteaux de bois, de sculptures et sous forme brute, de biens d'exportation. Grâce à cette manne naturelle, la métropole étrusque deVolsinies, géographiquement positionnée au sein de la région boisée, s'octroie la majeure partie du marché économique[1],[98].
Le territoire étrusque au cours de sa genèse correspondant peu ou prou à l'aire de diffusion de la culture villanovienne vers la fin duXe et début du IXe siècle av. J.-C.
La société étrusque, depuis son émergence auVIIIe siècle av. J.-C. jusqu'à sa romanisation progressive et sa dissolution au sein du monde romain au début de l'ère chrétienne, ne fut jamais unifiée politiquement[107]. Elle était constituée d'un ensemble de cités-États, selon le modèle grec de lapolis, avec un grand centre urbain dominant un plat-pays, où subsistent des centres secondaires. Ces entités évoluèrent progressivement de la monarchie vers un régime républicain, comme ce fut le cas à Rome. On ne connaît pas l'étendue territoriale exacte de chaque cité, bien qu'il ait existé des bornes (tular en étrusque) placées aux frontières[108]. Au-delà de ces divisions, les Étrusques sont reconnus comme un tout, une entité distincte, leTuscum nomen, par leurs voisins latins[109]. L'évolution des cités vers un régime républicain n'était pas irréversible, comme le montre Véies, qui revint à un régime monarchique, s'attirant ainsi l'hostilité des autres cités étrusques[110].
Les institutions politiques étrusques sont mal connues[111]. Ce que nous en savons nous est parvenu à travers des passages allusifs dans des textes grecs ou latins. L'archéologie vient suppléer à ces sources, essentiellement sous forme d'inscriptions, mais la connaissance imparfaite de la langue étrusque laisse subsister de nombreux points d'interrogation. AuxVIIe et VIe sièclesav. J.-C., ces cités-États connaissent un régime monarchique. Les rois que les étruscologues appelaient jadislucumons, une appellation à laquelle les spécialistes actuels ne croient plus guère[112], sont issus des grandes familles aristocratiques qui forment une oligarchie. Ils exercent un pouvoir, dont les attributs nous sont connus par un passage de Denys d'Halicarnasse :
« une couronne d'or, un trône d'ivoire, un sceptre avec un aigle sur le pommeau, une tunique de pourpre incrustée d'or et un manteau pourpre brodé, tels que les rois des Lydiens et des Perses le portaient sur eux [...], cela semble avoir été une coutume tyrrhénienne pour chacun des rois dans sa cité, qu'il fût précédé par un licteur, un seul, portant une hache avec un faisceau de verges et lorsqu'il y avait une expédition commune des douze cités, on remettait les douze haches à un seul homme, celui qui avait reçu le pouvoir souverain. »
— Denys d'Halicarnasse,Antiquités romaines, III, 61.
On connaît mal les institutions des cités républicaines. Elles possédaient des magistrats, dont lezilath (zil,zil(a)c ou encorezilch)[113], magistrat suprême élu annuellement et lemaru, dont on connaît encore moins bien la fonction.
Les cités de l'Étrurie historique, conscientes de leur identité linguistique, culturelle et religieuse, étaient plus étroitement liées entre elles. Elles formaient uneligue, ladodécapole étrusque que les écrivains grecs appelaient« dôdeka poleis » (c'est-à-dire douze cités), dont est issu le mot « dodécapole » en français.Denys d'Halicarnasse parlait quant à lui de douze« hegemoniai »[114], tandis que les écrivains latins parlaient de« duodecim populi », c'est-à-dire douze peuples[115]. Le siège de la ligue serait le« fanum » (sanctuaire)Voltumnae (du dieuVoltumna) qui se situerait à Volsinies, sur le Campo della Fiera où l'on pense en avoir retrouvé les traces[116].
Les réunions, essentiellement de nature religieuse, auraient été présidées par un magistrat suprême, le« zilath mechl rasnal ». Les étruscologues sont divisés sur le sens de cette expression, qui pourrait s'appliquer au plus haut magistrat d'une cité donnée[117]. Seul Tite-Live[118] mentionne cinq fois le sanctuaire, pour une brève période en l'associant à des réunions politiques de ce qu'il appelle« omni Etruriæ concilium » (Conseil de toute l'Étrurie)[119] ou encore« Etruscorum concilium » (Conseil des Étrusques)[120]. Selon les données éparses recueillies auprès des écrivains antiques, il aurait existé une institution relevant du même schéma tant en Étrurie padane qu'en Étrurie campanienne. Pour la première, Tite-Live rapporte que« Maîtres du territoire qui s'étend de l'une à l'autre mer, les Étrusques y bâtirent douze villes, et s'établirent d'abord en deçà de l'Apennin vers la mer Inférieure, ensuite de ces villes capitales furent expédiées autant de colonies qui, à l'exception de la terre des Vénètes, enfoncée à l'angle du golfe, envahirent tout le pays au-delà du Pô jusqu'aux Alpes[121]. » Strabon, évoquant la Campanie, mentionne que les Étrusques« y fondèrent douze villes, une, entre autres, appeléeCapua, comme qui dirait la ville capitale[122]. » Ces assertions, largement reprises par les étruscologues modernes, ne font cependant pas l'unanimité. Plusieurs points font l'objet d'interrogations ou de controverses. Si certains spécialistes continuent de voir dans les dodécapoles padane et campanienne le résultat d'une conquête, d'autres font remarquer que la Campanie et la plaine du Pô présentaient déjà le même faciès archéologique que l’Étrurie historique au cours de la période villanovienne[123]. La notion même de dodécapole est sujette à caution pour ces deux régions, car il est difficile d'y trouver douze candidats au titre de véritable cité[124].
Leur présence est attestée sur le littoral tyrrhénien par le site portuaire deGravisca fondé auVIe siècle av. J.-C.[126] qui constitue unemporion, c'est-à-dire une sorte deport franc.
Dans ce cadre, le fait architectural étrusque imprime unerémanence significative au sein desinfrastructures associées au domaine de lapoliorcétique[138].
Le caractère belliqueux des Étrusques se manifeste dès la période villanovienne[140]. L'exhumation de sépultures, datant de cette époque et de celles qui lui succèdent, a mis en évidence de nombreuses preuves matérielles de la culture guerrière des peuples d'Étrurie[140],[141]. Les chercheurs ont fréquemment trouvé, dans l'enceinte de ces tombes villanoviennes, des restes incinérés de guerriers[140]. Ces cendres sont, dans la plupart des cas, déposées dans desurnes biconiques, elles-mêmes recouvertes d'un casque[141]. Ces pièces d'armure sont confectionnées en bronze[141] ou en terre cuite. Cetteforme caractérise les sépultures masculines[140].
Pour l'époque villanovienne, et en particulier dans les sépultures deVéies et deTarquinia, les archéologues ont exhumé une grande quantité d'armement défensif et offensif[141]. L'équipement défensif se compose notamment d'un casque, dont il existe deux modèles, le casque à crête et le casque à apex[142]. Lebouclier, de forme ronde, s'apparentant auclipeus romain, est généralement ouvragé en bois[ab],[140],[143],[144]. À ceci, il faut également ajouter unkardiophylakès (genre de« protège-cœur »[141] d'originepicéno-grecque), en bronze et maintenu au moyen de lanières en cuir et descnémides, oujambières, complétant ainsi la panoplie défensive étrusque[145].
À en juger par le nombre de pointes de lance aux formes variées retrouvées dans les tombes de cette époque, lalance d'hast est la principale arme offensive villanovienne[146]. Une épée courte sert d'arme d'appoint lors des combats rapprochés[147]. Les haches sont plus rares.
Bronze étrusque : deux fantassins avec équipementhoplitique (400-380)
Les Étrusques adoptent, dès l'époque archaïque, la tactique militaire dite « formation en phalange »[158]. Ce type de formation, emprunté aux Grecs, repose sur un déploiement de fantassins en rangs serrés, les soldats évoluent quasiment bouclier contre bouclier[157].
Les armées étrusques, à l'instar de celles des Romains et d'autres peuples italiques, possèdent différents types d'unités : les unités dites « lourdes » (généralement celles qui constituent les phalanges), composées d'hoplites (en principe des hommes de rang social élevé) et les unités dites « légères », avec pour seule pièce d'armement défensif unlinothorax en cuir[140]. Ces troupes légères, les plus nombreuses, sont, la plupart du temps, formées de paysans« semi-libres », autrement dit despénestes[159].
Les unités de cavalerie, bien qu'ayant subi de profondes transformation au cours de l'histoire militaire étrusque, ont été, dès l'époque villanovienne, un symbole de prestige des élites nobiliaires et ce, en écho à lamythologie grecque[158].
Fresques funéraires avec cavaliers (en bas).
Lemobilier funéraire des sépultures princières, régulièrement constitué, entre autres, demors, témoigne de la composition des unités de cavalerie[140]. Ces troupes, formées de combattants à cheval, sont des unités d'élite dont les hommes bénéficient du plus haut statut hiérarchique et social. Il s'agit de la« gens » aristocratique étrusque (tels que les« zilath », par exemple)[140],[159]. Hormis la présence, encontexte funéraire, de cespièces de harnachement, d'autres artefacts, généralement desex-voto, laissent apparaître des hommes montant des chevaux et encadrant des unités d'infanterie[140],[159]. À cet effet, la découverte d'unesitule en bronze dans une tombe princière àCertosa, ornée de motifs représentant des cavaliers qui mènent des colonnes de fantassins, vient confirmer le rôle des élites aristocratiques au sein des armées étrusques[160],[161],[162]. De même, les décorations peintes qui ornent une amphore, de type « Micali »[163],[164],[165], ou encore celles d'uneoinokhòê retrouvée à Tragliatella à proximité deCerveteri, mettent en évidence cette caractéristique propre aux colonnes de cavalerie étrusques[140],[159].
Les fouilles archéologiques effectuées dans des tombes ont révélé, dès la période villanovienne, la présence de mors de chevaux, généralement par paires, ce qui semble indiquer qu'ils provenaient d'unbige, c'est-à-dire un véhicule à deux roues, dont il est difficile de déterminer l'usage[166]. Les auteurs modernes conjecturent que, pendant une brève période[167] des chars ont été employés dans des combats « homériques », c'est-à-dire des duels opposant deux chefs montés sur leur char[168]. Très rapidement, il semble que les chars n'aient plus été que des véhicules de prestige, ne servant qu'à conduire les chefs vers le champ de bataille à la tête de leurgens[169]. Ceux que l'on a exhumés dans des tombes aristocratiques, dont lechar de Monteleone est l'exemplaire le plus célèbre, étaient des véhicules de parade[170],[171].
En contre-point, au sein de lakoinè étrusque, les chars manifestent d'une représentation essentiellement sportive, c'est en particulier le cas sous le biais desludi circences et élitiste. Ce dernier trait culturel se concrétise notamment au travers du rite funéraire étrusque. L’opulence des artéfacts composant lesviatiques dessépultures étrusques concrétisent un personnage de haut rang hiérarchique ou social[172],[173].
Embarcation type de la flotte de piraterie étrusque, attribuée auVIe siècle av. J.-C.
Lathalassocratie en Méditerranée occidentale, et contrairement à ce que laissent entendre de nombreux textes légués par les anciens, n'était pas le seul fait descités et ports maritimes étrusques[174]. Par ailleurs, laflotte étrusque, n'a pas pour unique objectif d'asseoir une économie pérenne, elle est également un instrument de guerre[174].
Les bateaux étrusques, à l'instar de ceux des autres peuples antiques, sont essentiellement fabriqués à partir de bois, matière périssable à l'exception des ancres en pierre[175]. Les vestiges archéologiques de ces embarcations sont rares. Trois types de données permettent d'attester avec certitude l'existence d'une flotte étrusque : (1) les données écrites des textes des anciens, (2) les données iconographiques des représentations sur des vases et les fresques murales et (3) les données archéologiques des restes de navires[174].
Les tout premiers navires tyrrhéniens, lesmonoxyles[ag],[176], à l'époque villanovienne, sont de conception relativement simple. Il s'agit de troncs d'arbre (chêne ou hêtre) évidés et poncés[174]. La forme des navires est similaire à celles de barques de grande taille, leur longueur n’excédant pas les 10 m[175]. Ils sont exempts de pont, et ne possèdent pour seul gouvernail que deux imposantes rames placées à lapoupe[175]. En outre, ces embarcations commerciales ont un aspect bombé. Leurs coques présentent une forme ovale, avec une poupe ronde et surélevée[175]. À contrario, laproue est basse et affecte une forme affutée. La voilure se compose d'une unique toile carrée. Le mât, également unique, est fréquemment couronné d'unnid-de-pie[175]. Ce type de plateforme apparaît, par exemple, dans l'iconographie ducratère d'Aristonothos[175],[174].
La flotte de guerre est constituée de bateaux aux formes longilignes et dont la taille est plus importante que celle des navires commerciaux[175],[174]. Ces embarcations, dévolues aux combats navals, sont généralement munies de une ou deux rangées de rames et doublées d'une« pavesade » (bastingage) formée de boucliers[177],[175]. Par ailleurs, elles sont dotées, au niveau de la proue, d'unrostre (type d'éperon d'abordage à l'allure recourbée)[ah],[174],[175].
L'une des stratégies majeures adoptées par la flotte étrusque au cours de combats navals réside dans l'« attaque collective »[174]. Ce mouvement tactique, groupé et concentré sur une même cible, repose sur une coordination entre chaque navire[174]. Elle est obtenue au moyen de signaux sonores généralement effectués par le biais d'unlituus[ai],[174], instrument enlaiton à l'extrémité recourbée qui appartient à lafamille des cuivres et apparenté à latrompette[178].
Une série d'outils, surtout des charrues mais aussi des faux, ont été retrouvés lors de fouilles, notamment dans des tombes étrusques où ils étaient reproduits sous forme miniature, ou sur des vases. Seule leur analyse et la comparaison avec les règles des agronomes grecs et romains nous permettent d'avoir un éclairage sur la méthode de travail des paysans étrusques et de déduire les étapes et périodes qu'ils suivaient pour travailler la terre : labourage, semailles, désherbage, terre tassée autour des racines, extraction des plantes malades, transport des gerbes de blé, battage, vannage, récolte des chaumes, mise en meules de la paille, brûlage des chaumes.Leurs productions concernent les céréales mais aussi la vigne dont ils maîtrisent la greffe pour le vin qu'ils exportent, ainsi que plus tardivement les olives, les fibres textiles pour le lin et les toiles des navires, et la viande de leur cheptel. Leurs fruits et légumes nous sont pratiquement inconnus[182], néanmoins les fouilles organisées àTarquinia ont mis en évidence des restes de graines et de fruits minéralisés et carbonisés. Les espèces répertoriées appartiennent essentiellement à des plantes comestibles. Elles comportent céréales, légumineuses, figues et raisins et des restes minéralisés de plantes médicinales ou aromatiques : graines de pavot, melons, persils, céleris et romarins[183].
Peu d’artefacts fabriqués au moyen de fibres textiles nous sont parvenus. Ils sont dans la plupart des cas associés à des éléments d'armure[184]. Les découvertesétruscologiques relatives à l'artisanat du textile ont permis d'appréhender le recours à deux types de matériau fibreux : lelin, fibre végétale, et la laine, fibre à déterminant animal. Les fouilles archéologiques entreprises au début desannées 1970 aux alentours deTarquinia ont mis en évidence des tissus en fibres de lin[185],[186].
L'artisanat textile des Étrusques relève d'une précocité et d'un développement industriel éloquents. Dans le cadre chronologiquestricto sensu, on a ainsi estimé que les premières productions d'étoffes datent de la fin de l'âge du bronze récent, c'est-à-dire desXe et IXe siècles av. J.-C., pendant lapériode proto-etrusco-villanovienne[186]. Seules les nombreuses découvertes d'outils organiques, manufacturés à partir d'os, ou non organiques[aj], tels que lespesons[187], attestent de la dimension et de la portée économiques du secteur textile au sein de l'artisanat étrusque[186],[188]. Le domaine économique du textile étrusque se caractérise notamment par la confection d'objets luxueux et ostentatoires, tels que des vêtements dont lestrames filés sont affectées de« pointssergés de type 2/2 »[189]. D'autre part, à l'image des différents produits de l'artisanat étrusque, les étoffes provenant des ateliers d'Étrurie se singularisent par d'importantes exportations, notamment dans lesterritoires campaniens d'occupation falisque[190] à Rome[190].
La construction de navires commerciaux ou militaires[191] consomme énormément de bois. Ce matériau intervient également dans la confection de tonneaux à vin[192], depièces de mobilier tels que desklinai, des fauteuils[193], des tables[194], descoffres à vocation funéraire[195] ou encore des éléments detrépieds[194]. Il peut également être employé dans la construction d'édifices et d'habitations, sous forme de poteaux[196] ou encore sous forme de simples rondins destinés à l'acheminement de blocs de pierre taillée, et enfin comme combustible à l'élaboration d'objets métalliques. D'autre part, les fouilles archéologiques réalisées sur le territoire étrusque ont également mis en relief l'utilisation de bois pour la fabrication d'objets d'équipement de guerre dont desclipei, sorte de largebouclier de forme ronde[al][197], et de chars[am][198]. On admet par ailleurs que ce type d'industrie est précoce. Des indices archéologiques d’artefacts de nature boisée recueillis au cœur des couches sédimentaires de l'Étrurie concourent à démontrer que l'exploitation et la mise en œuvre de matériaux arborifères remontent à l'époque villanovienne I, c'est-à-dire au cours desXe et IXe sièclesav. J.-C.[199].
La pauvreté du sous-sol étrusque enpierre de taille nécessaire à l'édification est contrebalancée par un savoir-faire architectural et artisanal significatif mis en œuvre par uneingénierie de la pierre compétente. En témoignent les nombreuses voies de circulation[an] terrestres et les techniques avant-gardistes utilisées dans l'excavation rocheuse et l'élévation architecturale[200] mais également la production de tombeaux et d'ex-voto funéraires ouvragés de pierre. Sous cet angle, le travail de la pierre procède d'un réel statut d'industrie et d'un secteur économique clairement défini[201].
L'industrie de la pierre est fondée sur l'exploitation decarrières présentes dans l'ensemble des terres étrusques, que ce soit en Toscane ou en Campanie, mais également dans la zone septentrionale du Latium et ponctuellement dans la plaine du Pô. De natures et de caractéristiques variées, les matériaux qui en sont extraits présentent une grande diversité d'utilisation, tant dans l'architecture[202],[193] qu'en statuaire[203] et en fabrication de produits domestiques comme la vaisselle ou d'outillage comme les tours de potier, les meules à aiguiser ou à moudre le grain[203]. Les Étrusques extraient, industrialisent et commercialisent ainsi six types principaux de roche : letuf volcanique, le marbre (tout particulièrement lemarbre de Carrare), l'albâtre, lapierre fétide, lacalcarénite[204] et legrès.
L'étude des céramiques étrusques confirme l'importance et l'ampleur des productions d’artefacts confectionnés à base de terre argileuse cuite. La production de l'impasto et celle dubucchero nero constituent les deux principales formes de manufacture par cuisson. En raison de la multiplicité des contacts culturels et commerciaux à l'âge du fer, ce type d'artisanat de la terre cuite, caractéristique de la production de l'Étrurie« pré » et« protohistorique », procède et manifeste de nombreuses influences comme celles de la Grande Grèce et de laculture post-campaniforme[ap][205] issue et spécifique aux peuplesosco-ombriens[206].
L'industrie étrusque est essentiellement orientée vers une production métallurgique massive et ancienne[98]. Des éléments archéologiques de contexte chrono-culturel villanovien manifestant d'un processus industriel de fonte du métal ont été mis au jour au sein de couches sédimentaires de l'île dePithécussia (bastionchalcidien situé en face deNaples) et àCumes. Ces derniers, attestés comme étant issus de l'extension territoriale étrusco-villanovienne de l'île d'Ilva , attestent d'une phase industrielle de production du fer. De fait, le sous-sol du territoire étrusque offre d'abondantes ressources minières[98].
L'artisanat métallurgique étrusque se distingue par son acquisition précoce de la technique parréduction directe. L'obtention du fer pur via son substrat, le minerai de fer, est attestée dès le milieu la période villanovienne, en particulier au sein desmonts de la Tolfa[207] et au cours duIXe / VIIIe siècle av. J.-C. dans la région périphérique septentrionale dePufluna[aq][208]. Outre la technique de purification des métaux par le processus de réduction directe, la technologie métallurgique étrusque manifeste également un statut de précurseur au sein de l'Europe antique, dans différents domaines de l'orfèvrerie. Il s'agit en particulier de procédés tels que l'étamage[209]. Par ailleurs différentes découvertes mettent en évidence la maîtrise du procédé métallurgique degranulation par l'or[210].
Les Étrusques, habiles artisans, comptent dans leurs rangs des peintres de fresques (comme celles des tombes deTarquinia et sur vases) et des sculpteurs qui réalisent des œuvres tant en bronze qu'en terre cuite. Ils sont également d'excellentsorfèvres et d'habiles métallurgistes. On peut voir leurs œuvres dans les grands musées italiens, comme ceux de Florence, du Vatican (par exemple, lemusée grégorien étrusque) ou deVolterra (par exemple, lemusée Guarnacci). Une approche pétrie d'esthétique gréco-romaine « classique » est heurtée par la liberté de déformation des corps de l'esthétique étrusque à des fins d'expressivité. L'art étrusque est un art de mouvement[219].
La langue étrusque ne peut être rattachée au groupe deslangues indo-européennes et est considérée comme appartenant à un substrat pré-indo-européen[220]. Si son alphabet permet de la lire, son déchiffrement demeure encore difficile et très incomplet en 2017.
Au fil des découvertes, uncorpus d'inscriptions en étrusque a été constitué, répertoriées principalement dans leCorpus Inscriptionum Etruscarum (CIE) et provenant pour la plupart d'entre elles de Toscane, de Campanie, du Latium, mais aussi d'endroits plus éloignés avec lesquels l'Étrurie entretenait des rapports diplomatiques ou commerciaux comme la Gaule du sud-est, la Corse, la Sardaigne et l'Afrique du Nord dans la zone d'influence deCarthage[222]. On recense à la fin duXXe siècle environ dix mille inscriptions étrusques, mais la très grande majorité consiste en textes très brefs,épitaphes oudédicaces d’ex-voto, avec une énorme quantité denoms propres. Les 34 inscriptions bilingues, simples épitaphes tardives, n'offrent guère de correspondances linguistiques, et les textes connus qui dépassent la centaine de mots sont rarissimes et incomplètement traduits[223].
L'alphabet étrusque est dérivé d'unalphabet grec occidental employé par des Grecs deCumes à la fin duVIIIe siècle[224]. Les adaptations apportées par les Étrusques montrent que leurs phonèmes étaient très différents de ceux d'une langue indo-européenne. Ainsi l'étrusque note la consonne sifflante avec deux signes distincts Σ (sigma) et M (san), différence de prononciation ignorée en grec, tandis que les phonèmes B, D et O sont inutilisés : le nom grec « Diomèdès » est transcrit « Tiumite » en étrusque[225].
De multiples tentatives de rapprochement entre l'étrusque et une langue apparentée, méditerranéenne, européenne ou moyen-orientale, ont été infructueuses. Les seules langues qui présenteraient une parenté avec l'étrusque sont lerhétique d'Italie du Nord et lelemnien, parlé dans l'île deLemnos avant son hellénisation à partir de la fin duVIe siècle av. J.-C. Lastèle de Lemnos comporte trente-trois mots rédigés dans une langue présentant des similitudes linguistiques avec l'étrusque[226]. Une seconde inscription de quatre mots mise au jour en 2005 sur la même île confirme ce rapprochement[227].
La numération étrusque est unsystème numéral adapté de la culture grecqueattique et qui fut transmise en grande partie à lacivilisation romaine. Leur système est àbase 10. Les Étrusques écrivent IIII pour4 (comme cela subsiste sur les cadrans d'horloge). La pratique de la soustraction jusqu'à 3 chiffres est courante : ils écrivent17 comme « ci-em zaθrum » (3 ôté de20),18 comme « esl-em zathrum » (2 ôté de20) et19 comme « θun-em zaθrum (1 ôté de 20).Des nombres jusqu'à100 ont été retrouvés sur les sarcophages pour exprimer l'âge des morts (par exemple, « II +++↑ », à lire de droite à gauche, pour les 82 ans du mort sur un sarcophage duMusée archéologique national de Tarquinia).
Les 6 premiers chiffres, présents sur lesdés étrusques[228] (à jouer ou à divination), comportaient les chiffres de 1 à 6 suivant leurs symboles qui s'écrivaient en toutes lettres :θu,zal,ci,śa,maχ ethuθ (pour 1, 2, 3, 4, 5 et 6). La valeur des suivants s'écrivaient par les opérations reportées :maχ +zal = sept ;θu +huθ = sept ;ci +ša = sept.
(Les caractères employés ici pour représenter les formes anciennes des chiffres sont empruntés à diverses écritures, par ressemblance. Le tracé réel des caractères ne peut être directement reproduit ici.)
Lavie quotidienne des Étrusques est empreinte de religiosité, au point que Tite-Live écrit qu'ils tenaient « plus que toute autre nation à l'observation des rites religieux »[229]. Ils suivent des rites bien précis, consignés dans les traités de laEtrusca disciplina consacrés à la divination, aux cultes defondation des cités et de consécration des sanctuaires, au monde d'outre-tombe, aux limites de la vie et au destin usant dubornage sacré[230].
Lamythologie chez les Étrusques est née de la révélation faite aux hommes par lanymphe Bégoé (ouVégoia) et le génieTagès. La première était liée à la fertilité et les rituels (consignés dans un traité) dépendaient de celle-ci. Le second passait pour être un enfant chauve, un enfant-vieillard sorti d'un sillon de la terre. Cette révélation, aux dires des anciens, a été consignée dans le corpus des livres sacrés, sous le nom deEtrusca disciplina[230].
La tombe étrusque obéit aux nombreuxrites funéraires en vigueur suivant les périodes de sa civilisation.De l'urne biconique et de l'urne-cabane villanoviennes de l'âge du fer à la tombe àziro intégrant lecanope de Chiusi avec son couvercle anthropomorphe, puis les sarcophages architectoniques à bas-reliefs mythologiques (qui deviennent figurés avec les couvercles sculptés représentant le défunt seul ou accompagné de son épouse en banqueteurs), des tombes collectives rassemblant les membres d'une même famille (noble), décorées de fresques, rassemblant un mobilier funéraire riche, tous ces rites montrent la durée de la civilisation étrusque depuis la fin des temps préhistoriques jusqu'à la période romaine, avec l'évolution des rites passant de la crémation à l'inhumation, puis retournant à l'incinération (voir également les tombes àpozzetto, les tombes àvolta et àcamera en formes de maison et les tombes àtramezzo à cloison).
La société étrusque se composerait de deux classes, les maîtres et les esclaves. Les principales sources, les auteurs latins et grecs, face à des réalités sociales qu'ils appréhendaient mal, ont employé des expressions familières mais approximatives[232] pour essayer de traduire des situations où la notion de liberté est moins nette et comporte des degrés alors que les Romains et les Grecs connaissaient deux statuts légaux bien distincts, libres et esclaves[233].
En latin,Tite-Live emploie sans nuances la notion deservitus (servitude) et le motservi (esclaves) pour désigner les individus qui n'appartiennent pas au groupe dominant.Valère Maxime fait de même pour évoquer la prise de pouvoir des « esclaves » àVolsinies[234].Aurelius Victor[235] emploie les termeslibertinus oulibertus, c'est-à-direaffranchis en latin pour désigner des catégories d'individus qui n'ont peut-être pas fait l'objet d'unemanumissio de type romain. Les étruscologues citent dans ce contexteDenys d'Halicarnasse[236] qui emploie en grec le mot depénestes, désignant en Thessalie des groupes réduits au servage, dans un état de dépendance entre libre et non libre. Dans certains documents bilingues étrusque-latin, le termelibertus correspond au mot étrusquelautuni ou, par syncope,lautni[237], dérivé du motlautn qui signifie famille au sens élargi (lafamilia romaine)[238]. Au-dessus deslautni, il existerait un groupe d'individus portant le nom d'etera, correspondant peut-être auxclients romains[239]. Certaines inscriptions étrusques mentionnent deslautneteri, combinant les motslautni etetera, qui pourraient désigner des affranchis faisant partie de la clientèle de leur ancien maître[240].
Aux yeux des Grecs, deux aspects caractérisent la société étrusque : le rôle de la femme qui, contrairement à la Grèce, participe activement à la vie sociale et le luxe exubérant du mode de vie des classes dirigeantes, fortement conditionné par l'importance dubanquet[241].
Les défunts sont souvent représentés sur les couvercles des sarcophages comme s'ils participaient ausympósion, étendus sur le caractéristiquetriclinium adopté par la suite par l'élite romaine[242].
La famille étrusque est composée du père et de la mère vivant avec les enfants[243]. Cette structure est reproduite dans le placement des lits et des chambres dans les tombes. Certains degrés de parentés nous sont connus grâce aux inscriptions reportées dans les tombeaux :papa (grand-père),ati nacna (grand-mère),clan (fils),sec (fille),tusurhtir (époux),puia (épouse),thuva (frère) etpapacs (neveu)[244].
La femme étrusque jouit sans doute d'une considération et d'une liberté plus grande que chez les peuples avoisinants et participe à l'intense activité de la société. Elle « sort » souvent « sans rougir, pour être exposée au regard des hommes »[245], participe aux cérémonies publiques, aux danses, concerts, jeux ; elle préside même parfois à partir d'une estrade appropriée[246],[247]. Parée de tous ses bijoux elle participe aux banquets allongée sur la mêmeklinê que son mari et assiste auxjeux étrusques et aux spectacles, ce qui scandalise lesRomains pour quietrusca est synonyme deprostituée (décriée également par les Grecs dans laTruphè étrusque).
Des écrits historiques rapportent des faits dont une femme est l'une des protagonistes, comme c'est le cas pourTanaquil[248],Vélia Spurinna et d'autres.
La mère, avec le père, transmet son nom aux enfants, surtout parmi la classe la plus élevée de la société. Sur les épigraphes le nom de la femme est précédé par le prénom (son nom personnel) comme affirmation de son individualité au sein du groupe familial. Elle possède des biens en son nom : en effet, les noms propres de femme sont fréquemment gravés sur la vaisselle et les fresques funéraires (Ati, Culni, Fasti, Larthia, Ramtha, Tanaquil, Veilia, Velia, Velka)[249].
La maîtrise par les Étrusques de l'hydraulique, c'est-à-dire la science de l'écoulement de l'eau, est attestée dès le colmatage et le drainage de laMaremme[250] ;Rome leur doit l’assèchement du marais où s’éleva ultérieurement leForum Romain et la réalisation de laCloaca Maxima (dû aux travaux deTarquin l'Ancien[251]).
La médecine étrusque a probablement reçu des apports hellènes avecHippocrate et de laGrande-Grèce avecAlcméon de Crotone. La littérature grecque et latine, avec par exemple les écrits d'Hésiode (Théogonie), deThéophraste (Historia plantarum), dePline l'Ancien (Historia naturalis), deVarron (De re rustica), dePline le Jeune (Lettres) et deDiodore de Sicile font peu état de la médecine étrusque. Néanmoins, les restes archéologiques et ex-voto permettent d'affirmer que celle-ci tenait une place importante dans la société[252]. Cette médecine était de typethéurgique et de nombreuses divinités étaient invoquées commeTinia,Uni,Laran,Menrva etTuran. Les fouilles archéologiques ont mis au jour des sanctuaires où l'on a trouvé des reproductions anatomiques et lesétruscologues en ont déduit que les « fidèles » sollicitaient en échange d'offrandes la guérison de la partie malade qui était reproduite soit en cire ou en plâtre et déposée au sanctuaire auprès du dieu vénéré[253],[254]. Le diagnostic de la maladie était le fruit de l'appel auxoracles et auxprodiges ; l'observation d'éléments comme la foudre ou le vol d'oiseaux, le tirage au sort de jetons ou de plaquettes, l'observation de fumées et le détail des viscères d'animaux sacrifiés déterminaient aussi le traitement. Le rituel religieux était composé de suppliques, prières, invocations, processions, sacrifices d'animaux par l'intermédiaire de l'haruspice[255]. D'après l’Etrusca disciplina (la science des pratiques religieuses etdivinatoires étrusques), la vie humaine atteignait au maximum 84 ans, divisée en douze fois sept ans, et tant que l'être humain n'avait pas atteint dix fois sept ans, il pouvait conjurer le destin par des rites propitiatoires. Les haruspices étrusques exerçaient leur art divinatoire en examinant les viscères d'animaux sacrifiés (mantique) : rate, vésicule biliaire, cœur, intestins, poumons et surtout le foie (hépatoscopie). Diverses représentations d'haruspices examinant le foie nous sont parvenues ainsi que des foies en bronze et terre cuite avec des détails anatomiques précis à partir de modèles ovins. L'haruspicine a joué probablement un rôle indirect dans la connaissance anatomique et morphologique de certains viscères même si l'évaluation du volume, du système nerveux et de la lobation obéissait uniquement à des impératifs divinatoires[252].
Les temples où se pratiquaient les rites afin d'obtenir la grâce divine étaient des lieux destinés à la prière et au culte. À cet effet les fidèles apportaient des offrandes afin d'être entendus par la divinité. Les fouilles effectuées en Campanie et dans la zone etrusco-latiale (comme àTessennano dans leViterbe) ont mis au jour de nombreuses terres cuites architectoniques et votives. La plus grande partie des ex-voto, de type anatomique, datent duIVe – IIIe siècle av. J.-C.[256] et sont liés à lasanatio (c'est-à-dire la guérison) ou encore au remerciementex voto suscepto (c'est-à-dire selon le vœu par lequel on s'est engagé)[256]. Les parties anatomiques représentées sont des membres et des organes. Des objets votifs représentent des organes génitaux masculins et féminins demandant la fertilité aux dieux[257]. La connaissance de l'anatomie des Étrusques est en partie due aux haruspices qui, par l'analyse des viscères, croyaient comprendre le message divin et prévoir l'avenir. En effet, au moment du sacrifice de l'animal, la croyance estimait que le dieu imprimait sur les viscères de celui-ci les informations destinées aux hommes. Il était donc indispensable de connaître la composition intérieure et les déformations de l'organe. Toutefois, les représentations anatomiques sont en général approximatives[258].
Les Étrusques avaient une bonne connaissance de lamédecine (anatomie,chirurgie etphysiologie)[259].L'iconographie de la civilisation étrusque donne une part importante à l'anatomie humaine et la morphologie des personnages représentés témoigne d'une connaissance de la musculature du tronc et des membres.
La quasi-totalité des informations inhérentes aux connaissances médicales de cette civilisation sont le résultat d'hypothèses et de déductions. Elles se basent sur les découvertes archéologiques et lesex-voto anatomiques de viscères humains et animaux. Ces derniers ne sont pas uniquement caractéristiques de la civilisation étrusque et se rattachent à une longue tradition de représentationspoly-splanchniques de l'Antiquité gréco-latine[252].
Des auteurs antiques citent certaines caractéristiques de la médecine étrusque.Hésiode, dans saThéogonie, rapporte que leur connaissance des plantes médicinales provient de leurs aïeux, les fils deCircé,Agrios etLatinus[259].Varron rapporte l'existence aumont Soracte d'un collège sacerdotal qui élaborait un médicamentanesthésiant[259].
Les Étrusques connaissent les propriétés bénéfiques deseaux thermales qu'ils emploient dans le traitement de nombreuses maladies. Les sources thermales sont des sanctuaires spécialisés, et l'accès aux eaux se fait par étapes selon des rites appropriés : l'achat préalable desreprésentations votives des parties anatomiques à soigner, leur accrochage sur les parois du temple et l'immersion dans les eaux par exemple[259].Scribonius Largus, médecin et écrivain romain, souligne l'efficacité de diverses plantes médicinales et des eaux ferrugineuses utilisées pour les soins de la vessie (définies, de fait, comme vescicariae)[260]. Les eaux thermales de l'Étrurie semblent particulièrement appropriées par la variété de leurs caractéristiques[261]. Selon les étruscologues elles existaient en abondance et étaient utilisées à grande échelle. La terre d'Étrurie servait à la confection d’emplâtres. Néanmoins, seules quelques citations deStrabon,Horace etTibulle, et seuls des débris de statues et des ex-voto subsistent pour témoigner de cet engouement[262].
La thérapie principale étrusque est probablement à base d'herbes et de plantes du territoire. Néanmoins, la difficulté du dosage ne permet pas de définir la limite entre remède et toxicité[263].Ovide préconisait leSemen Tuscum, une sorte de poudre de beauté[262]. En cosmétique, il s'agit probablement de l'épeautre dont la farine était utilisée pour les masques faciaux[264].
L'étude philologique met en évidence quatre plantes principales. LaNepeta permet l'extraction d'une huile essentielle cicatrisante, qui stimule aussi la circulation sanguine et la digestion[264]. Les fleurs de lamenthe pouliot aident à la digestion et l'activité du foie ; la tradition populaire attribue à la menthe une régularisation menstruelle relaxante. En usage externe, elle a des propriétésantiseptiques etantalgiques[264]. L'ajonc est une plante laxative et diurétique[264]. Enfin laRadia, probablement laronce, est aussi utilisée ; les feuilles et les fruits ont des propriétés astringentes, anti-inflammatoires, diurétiques, et servent à soigner les hémorragies internes[264]. Les autres plantes citées par Dioscoride comme étant utilisées par les Étrusques ont toutes une racine indo-européenne :aubépine (sédatif) ;gentiane ;arum[264].
Les fouilles organisées àTarquinia ont mis en évidence des restes de graines et de fruits minéralisés et carbonisés. Les espèces répertoriées appartiennent essentiellement à des plantes comestibles. Elles comportent céréales, légumineuses, figues et raisins et des restes minéralisés de plantes médicinales ou aromatiques : graines de pavot, melons, persils, céleris et romarins[183].
En chirurgie, les Étrusques pratiquaient latrépanation crânienne et laprothèse dentaire en or, comme en témoignent certains restes humains et des terres cuites[267].
Les Étrusques sont d'habiles transformateurs de métaux. Enodontologie, ils mettent à profit les techniques du travail de l'or afin de créer des prothèses dentaires visibles dans des crânes extraits de nécropoles[271]. Deux types d’appareillages ont été retrouvés sur des maxillaires : des contentions et desponts fixes servant à remplacer les dents absentes ou à prévenir le mouvement des dents bordant une zone édentée. Diverses pièces archéologiques sont conservées auMusée archéologique de Florence (contention dite « de Chiusi » et contention dite « de Populonia »), auMusée archéologique de Tarquinia (contention de Tarquinia datée duIVe siècle av. J.-C.), au musée universitaire deGand (contention d’Orvieto)[272] et au Public Museum deLiverpool[273],[274]. Les dents de remplacement, obtenues à partir d'ivoire animal ou humain, étaient maintenues par des ponts en or et parfaitement adaptées à la mâchoire du patient[272]. Selon Mario Tabanelli, ces techniques dénotent une influence phénicienne[275].
Les Étrusques sont experts dans le domaine de la prévention et accordent beaucoup d'importance à l'hygiène personnelle, l'alimentation ou l'activité physique. Ils considéraient l'aménagement et l'entretien de leur cadre de vie comme des priorités, œuvrant continuellement à la bonification des marécages et au contrôle des cours d'eau près desquels étaient bâties les cités. La construction de galeries dotées de plaques de plomb perforées permettent le drainage de l'eau dans les endroits stagnants, évitant ainsi la formation d'agents pathogènes[250],[276]. Ils savent construire des conduites d'eau, transporter l'eau potable et évacuer les eaux usées. LaLex regia deNuma Pompilius aurait une origine étrusque et la tradition rapporte que Tarquin le Superbe fit construire laCloaca Maxima par des hommes venus d'Étrurie[277].
Dans le domaine musical, les Étrusques emploient notamment l'aulos[ar], uninstrument à vent en bois également attesté chez les Grecs et les Romains[280],[281], et rappelant, de par sa forme et son utilisation, lehautbois[282].
Le peuple étrusque est également l'inventeur dubuccin. Cet instrument à vent est utilisé à des fins guerrières : le rythme musical produit par les joueurs de buccin se présente comme un signe à caractère belliqueux[194]. Leurair musical syncopé s'harmonise particulièrement avec les sessions detripudium (une danse effectuée àtrois temps)[285].
Hormis letripudium, ce peuple connaît d'autres types de danses « sautées », au cours desquelles se produisent des danseurs qui sont appelésludions. Il existe aussi un style de danse étrusque dite« au pas glissé »[as]. Enfin, les danses bachiques, dont les représentations apparaissent sous la forme de peintures murales dans latombe du Triclinium et celles de latombe des Bacchants, affichent des couples deludions qui réalisent desfigures s'apparentant à des courses deSilènes et deMénades[285],[286].
Les différentesexécutions d'arts musicaux, de même que celles desarts gestuels,lyriques et ceux de la danse, figurent comme parties intégrantes desludi (ou spectacles de jeux et épreuves sportives) étrusques[287],[288].
Comme beaucoup d'autres rites et traditions grecs importés par les Étrusques, puis transmis en grande partie aux Romains, lesludi sont parmi les jeux les plus connus. Ils sont représentés en particulier sur les fresques des tombeaux et dans les scènes des vasesa figure nere ou rosse. On notera aussi lekottabos (le lancer de gouttes de vin), l'ascoliasmos (un jeu d'équilibre sur une outre en peau gonflée d’air et huilée), lejeu de l'Empuse, les jeux du cirque[290] (chevaux et pugilistes[291] du Grand cirque de la vallée Murcia, organisé par Tarquin l'Ancien), celui de la balle (episkyros ouharpastum), lesdés étrusques.
Souvent ces jeux, comme laboxe par exemple[292], sont des rites sacrés, destinés aux célébrations funèbres[293].
Postérité et héritage culturel au Haut-Empire romain
Rome, qui sousAuguste fait de l'Étrurie la septième région d'Italie (laREGIO VII), subit fortement leur influence, qui perdure dans les institutions, les modes de vie, les goûts, l'amour du luxe, du faste et desbanquets, la danse et la musique. Les goûts étrusques sont attestés par les peintures ornant leurs tombes, quoique ces dernières nous renseignent surtout sur ceux des classes aisées, c'est-à-dire sur les goûts d'une minorité de la population. L'empereurClaude est lui-même un spécialiste de la culture étrusque[294] qui rédigea en grec unehistoire des Tyrrhéniens en vingt livres[295].
Néanmoins, l'historien des religions,Georges Dumézil, souligne que la religion romaine ne doit pas autant à l'Étrurie qu'il est usuel de le dire. L'apport étrusque aussi ancien qu'il ait pu se produire n'a fait qu'enrichir un système de croyances et de rites déjà bien structuré sans le modifier notablement[297].
D'autres symboles romains, comme lesiège curule des sénateurs romains, sont directement empruntés aux objets de pouvoir étrusques[298]. Comme le révèlent les textes des anciens et les sources historiographiques récentes, la civilisation étrusque a contribué au développement de la culture romaine et a probablement permis l'introduction de lapensée philosophique[299].
Les principales sources sur les rois étrusques de laRome antique sontTite-Live, lui-même d'Étrurie, etDenys d'Halicarnasse.Hérodote rapporte une thèse de l'origine lydienne (orientale) des Étrusques. Denys d'Halicarnasse est le seul à proposer la thèse d'un peuple autochtone. Nous avons la connaissance de pièces de théâtre d'une littérature historiqueTuscae historiae écrites enétrusque, mais elles ne nous sont pas parvenues.
Au début duIer siècle, l'empereur romainClaude prend pour première épousePlautia Urgulanilla, une femme étrusque. On compte parmi les œuvres de l'empereur, uneHistoire des Étrusques en vingt volumes et un dictionnaire delangue étrusque qui sont perdus. Il serait en outre la dernière personne ayant été capable de lire l'étrusque[300].
En 1498,Annius de Viterbe, moine dominicain publie un recueil d'inscriptions étrusques et propose une tentative de déchiffrement de leur langue, l'étrusque. Le savant écossaisThomas Dempster rédige entre 1616 et 1619 le traitéDe Etruria Regali, un des premiers ouvrages d'étruscologie. L'ouvrage publié en 1723, accompagné de planches de dessins de poteries et d'artefacts anciens, lance l'« étruscomanie »[302].
À partir duXVIIe siècle, les fouilles se spécialisent, regroupant exclusivement des objets étrusques. En 1731, les fouilles deVolterra commencent et un musée y est ouvert à partir de 1750. L'académie étrusque deCortone, fondée en 1726, est ouverte à tous les savants faisant avancer la connaissance du monde étrusque et donnant lieu à des nouvelles hypothèses. Les études portent sur la langue étrusque, l'alphabet étrusque et l'origine des Étrusques. En 1789, l'abbéLuigi Lanzi produit un ouvrage interprétant la quasi-totalité de l'alphabet, et replace le rôle et le rapport des étrusques avec les civilisations romaine et grecque. Il comprend que bon nombre de vases que l'on qualifie d'étrusques sont faits sur commande par les Grecs[303]. En 1810,Giuseppe Micali publie un ouvrage proposant une origine locale aux Étrusques[304].
« Étrusques, une civilisation de la Méditerranée »,Musée de la Romanité, Nîmes, 15 avril – 23 octobre 2022.
« Les Étrusques et la Méditerranée »,Louvre-Lens, 5 décembre 2013 – 10 mars 2014, commissariat scientifique de Françoise Gaultier et Laurent Haumesser (musée du Louvre), Vincenzo Bellelli et Paola Santoro (Istituto di Studi sul Mediterraneo Antico), Rita Cosentino et Alfonsina Russo (Soprintendenza per i Beni Archeologici dell’Etruria Meridionale). Exposition également présentée auPalais des Expositions, Rome, 14 avril – 20 juillet 2014.
« Étrusques, un hymne à la vie »,Musée Maillol, Paris, 18 septembre 2013 – 9 février 2014, commissariat scientifique de Anna Maria Moretti Sgubini (Soprintendenza per i Beni Archeologici dell’Etruria Meridionale) et Francesca Boiani (musée national étrusque de la Villa Giulia).
« Giacometti et les Étrusques »,Pinacothèque de Paris, 16 septembre 2011 – 8 janvier 2012, commissariat général de Claudia Beltramo Ceppi Zevi etMarc Restellini (Pinacothèque de Paris).
« Les Étrusques et l'Europe »,Grand Palais, Paris, 15 septembre – 14 décembre 1992, commissariat général deMassimo Pallottino, commissariat scientifique deGiovannangelo Camporeale (université de Florence), Françoise Gaultier (musée du Louvre). Exposition également présentée à l’Altes Museum, Berlin, 25 février – 31 mai 1993.
ThierryPiel,« Luci et fora : des structures « supraciviques » et interethniques dans le monde étrusco-latin », dans François Clément ; John Tolan ; et Jérome Wilgaux (directeurs d'ouvrage),Espaces d'échanges en Méditerranée : Antiquité et Moyen Âge : Antiquité et Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes,(ISBN978-2-753531-55-0,lire en ligne).
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↑Très probable souverain étrusque ayant régné sur la cité-État deCisra, en témoigne une dédicaceépigraphique portée sur l'une deslamelles de Pyrgi et corroborant son existence[8].
↑D'un point de vue géostratégique et économique, Rome est située sur la route commerciale étrusque reliant l'Étrurie toscane à l'Étrurie campanienne[47].
↑C'est-à-dire l'organisation politique territoriale également appelée « dodécapole étrusque ».
↑Ici lemusée archéologique à ciel ouvert Henri Pradès, localisé dans l'agglomération de la commune deLattes, dans le département de l'Hérault.
↑Plus rarement, les boucliers étrusques sont fabriqués en bronze[141].
↑Cet élément hoplitique porte, sur sa ventrière, une représentation d'Achille combattantPriam[151].
↑Les étruscologues confirment également la présence, au sein des troupes étrusques, descutum — autrement dit un bouclier, également de forme ronde, en bois cerclé de fer. Cet élément défensif est probablement hérité des colonies grecques[152],[153].
↑Ce terme est issu de l'adjectif quantitatif grecμόνος (c'est-à-direseul ouunique), et du nom communχιλον (signifianttronc), donnant ainsi :μόνοσχιλον. Ce terme fait référence au type d'embarcation obtenue à partir de l'évidage d'un tronc d'arbre.
↑Certains auteurs, tels que Tite-Live (Livre IX, 52, 5-9),Hésychios d'Alexandrie et le musicien grecAthénée mentionnent et évoquent ce type d'instrument à vent dont se servaient les pirates tyrrhéniens et étrusques. Les textes des anciens permettent d'attribuer l'invention dulituus aux Étrusques[174].
↑Généralement lacéramique, l'argile et la terracotta.
↑Reconstitution d'ouvrage conçue dans une essence boisée qui n'est pas d'origine.
↑Dans le cas de la manufacturation des boucliers ronds spécifiques à l'équipement logistique et militaire des Étrusques ditclipeus, le bois se voit surtout utilisé pour la partie composant l'âme de l'élément défensif.
↑On note cependant que le recours à un élément arborifère concerne notamment les parties constituant lescaisses de char.
↑Lesquels ont été réutilisés en réemploi de routes commerciales romaines.
↑Ce type de céramique appartient à la sériation archéologique dite des« maschera umana ». Artéfact attribué auIIIe – IIe siècle av. J.-C.
↑On atteste que le site d'extraction métallifère dePufluna est devenu le plus important lieu minérifère du territoire étrusque, au cours duVe siècle av. J.-C.[4].
↑En Étrurie, cet instrument de musique est également connu sous le nom de« phorbeia »[278]. L'objet prend aussi le nom d'« auloidia »[279].
↑Ce genre de danse est par exemple représentée sous la forme d'une fresque peinte dans latombe des Lionnes.
↑Tite-Live, V, 33 :« Toutes les nations alpines ont eu, sans aucun doute, la même origine [étrusque], et les Rètes avant toutes : c'est la nature sauvage de ces contrées qui les a rendus farouches au point que de leur antique patrie ils n'ont rien conservé que l'accent, et encore bien corrompu »
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La version du 15 juillet 2017 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.