Pour les articles homonymes, voirCabet.
| Député français Côte-d'Or | |
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| Décès | |
| Sépulture | New Saint Marcus Cemetery and Mausoleum(d) |
| Nationalité | |
| Activités | Philosophe, utopiste,révolutionnaire,écrivain,homme politique,avocat |
| A travaillé pour | |
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| Conflit | |
| Mouvement | Charbonnerie(d) |
| Archives conservées par |
Étienne Cabet, né le àDijon et mort le àSaint-Louis (Missouri), est un penseur politique français qui sera le premier, en 1840, à se définir comme « communiste »[3]. Il prône une forme decommunisme chrétien.Karl Marx etFriedrich Engels le classent parmi lessocialistes utopiques auxquels ils opposent leur théorie dusocialisme scientifique. Il est notamment connu pour avoir écritVoyage en Icarie (1840), description d'unecité idéale, et avoir fondé en 1848 une communauté utopique nomméeIcarie, sur les bords de larivière Rouge auTexas.
Fils d'un maître-tonnelier dijonnais, Étienne Cabet entreprend des études de droit après avoir été un moment enseignant. Devenu avocat, il plaide sans grand enthousiasme, semble-t-il : il s’intéresse en effet surtout à la politique. Ses prises de position en faveur deNapoléon pendant lesCent-Jours (1815) le contraignent à fuir sa ville natale pour se réfugier à Paris. Grâce à ses relations et à ses lectures, il se forge peu à peu une doctrine, qu’il expose par la suite dans de nombreuses publications.
Il ne cesse dès lors de s’opposer par la parole et par l’écrit à lamonarchie restaurée deLouis XVIII, puis deCharles X. Il adhère bientôt à lacharbonnerie, une société d’entraide secrète assez semblable à lafranc-maçonnerie par son organisation et ses buts. Ses qualités et son zèle lui valent de se voir confier un rôle de dirigeant[4].
Il participe activement à l'insurrection de juillet 1830. Il devient, pour peu de temps, secrétaire du ministre de la JusticeDupont de l'Eure[5], puis est nommé procureur général àBastia. Dans cette fonction, il se distingue en défendant de nombreux accusés politiques et en professant des idées estimées trop démocratiques par le pouvoir, ce qui lui vaut d’être révoqué le.
Éludéputé de laCôte-d'Or en juillet1831, il fonde en,Le Populaire[6], un journal ultra-démocratique dans lequel il attaque avec violence le gouvernement deLouis-Philippe. Interdite deux ans plus tard, la publication reparaît en, encore plus virulente que dans la première version.
Condamné en1834 à deux ans de prison pour délit de presse, il préfère se réfugier enAngleterre, où il fréquente notammentMartin Nadaud (1815-1898)[6], lemaçon de la Creuse en passe de devenir député. Grâce à l’apport de ce dernier et de réformistes anglais, dontRobert Owen (1771-1858),philanthrope communisant, il poursuit sa formation politique. Lors de ce séjour, il découvre également les conditions déplorables dans lesquelles travaillent les ouvriers dans les usines britanniques, conditions qu'Engels dénoncera dansLa Situation de la classe laborieuse en Angleterre, en1845.
De retour en France en 1839, Étienne Cabet reprend son combat par la parole et par l’écrit.
Sous le titre deVoyage en Icarie, il publie en1842 le plan d'uneutopiecommuniste, la cité idéale d'Icarie. Élaboré en Angleterre et d’abord publié sous unpseudonyme en 1840, le livre connaît un succès immédiat en France et est plusieurs fois réédité. Dans sa préface, Cabet le présente comme « un véritable traité de morale, de philosophie, d'économie sociale et politique », qu'il invite ses lecteurs à « relire souvent et étudier ».
Le, environ 150 personnes réunies dans les locaux du journalLe Populaire votent l’Acte de Constitution d’Icarie, élisent comme président Étienne Cabet et établissent le « bureau de l’immigration Icarienne » dans ces locaux. En décembre, Charles Sully est envoyé comme éclaireur pour préparer le terrain situé sur les rives de laRed River non loin de la ville deCross Timbers auTexas. Le, 69 colons dirigés parAdolphe Gouhenant[7] embarquent sur leRome au port duHavre[8].
Ils n’arrivent sur leur terrain qu’en juin 1848 après une longue et pénible marche parce que la Red River n’est pas navigable jusqu’à Cross Timber. Là, ils tentent d’organiser leur communauté mais sont vite découragés par le climat malsain : plusieurs colons y meurent à cause de lafièvre paludique. Ils décident donc de se rendre enNouvelle-Orléans où, après avoir rencontré d’autres colons Icariens embarqués le, le 2 et le àBordeaux qui sont dans une situation identique à la leur, ils votent la dissolution de la communauté icarienne.
Cabet, dès son arrivée à La Nouvelle-Orléans le, tente de reprendre les choses en mains ; il convoque une assemblée générale grâce à laquelle il arrive à convaincre 280 hommes, 74 femmes et 64 enfants sur un total de 485 colons à poursuivre l’aventure icarienne. C’est ainsi que le premier les colons arrivent dans l’Illinois à la ville deNauvoo fondée en1840 par lesMormons que ces derniers avaient abandonnée à partir de 1846 à la suite de persécutions. Le climat est sain et les terres sont fertiles. Pendant l’assemblée générale du, les colons votent la constitution définitive de la communauté Icarienne. La communauté prospère et les colons, français comme américains affluent jusqu’en décembre1855.
Mais une crise interne due à l’insurrection de plusieurs colons, qui jugent Cabet trop autoritaire et le système qu’il a mis en place liberticide, se résout par le départ de Cabet en octobre1856, accompagné de 75 hommes, 47 femmes et 50 enfants, pour Saint-Louis dans leNew Bremen. C’est là, peu après leur installation, que Cabet meurt d’une attaque cérébrale en 1856.
Mercadier, qui est élu président afin de lui succéder, décide de quitter Saint-Louis en pour installer la communauté à Cheltenham, un quartier de Saint-Louis, où elle prospère jusqu’en 1863 quand les colons, ruinés par laGuerre de Sécession, doivent prononcer sa dissolution.
J.-B. Gérard, qui avait succédé à Cabet dans la ville de Nauvoo décide en 1857, alors à la tête de 240 colons, d’installer la communauté àCorning dans l’Iowa sur les rives de laNodaway. Certains décident alors de retourner en France, d’autres de rester à Nauvoo en abandonnant la communauté et d’autres encore suivent Gérard. En 1863, la communauté icarienne de Corning n’est plus composée que de soixante personnes mais sa prospérité et sa bonne productivité attirent de nombreux nouveaux et anciens colons.
En 1876, un nouveau conflit interne éclate quand le parti des Jeunes Icariens, progressistes et révolutionnaires, accuse ce qu’il appelle la « Vieille Icarie » d’être trop conservatrice et routinière. Deux ans plus tard, la Cour de justice du comté règle cette affaire en prononçant la dissolution de la communauté.
En, le parti de la Jeune Icarie fonde enCalifornie la communauté Icaria Speranza qui est dissoute le par une Cour locale. La Vieille Icarie, quant à elle, reste sur le même terrain en rebaptisant la communauté « Icaria ». Elle existe jusqu’au lorsqu’elle doit prononcer sa dissolution, faute de nouveaux colons pour assurer la production.
Les malheurs de l'humanité sont dus, selon Cabet, à la« mauvaise organisation de la Société », résultant dans son« vice principal », l'« Inégalité ». La première partie deVoyage en Icarie décrit un jeune aristocrate anglais découvrant sur l'île Icaria une« grande Nation organisée en Communauté », une république — mais Cabet précise dans sa préface qu'il s'agit là d'uneres publica au sens large :« Une Monarchie réellement représentative, démocratique, populaire, peut être mille fois préférable à une République aristocratique », explique-t-il. La deuxième partie de l'ouvrage, plus didactique, explique comment la transition s'est effectuée, d'une« grande et vieille Nation » en une« Communauté », grâce à un« Régime transitoire » démocratique. Cabet expose les théories et les doctrines du régime communautaire.
Selon Cabet, les communistes sont les disciples, les imitateurs et les continuateurs deJésus-Christ et des premierschrétiens, qui avaient eux-mêmes renoncé à la propriété individuelle. Cabet propose de revenir à cecommunisme primitif en éliminant d’abord ce qu'il voit comme la principale cause de la décadence actuelle, l'« Inégalité »[9] :
— Quel régime transitoire ?— Un régime qui, tout en maintenant la propriété, détruise le plus tôt possible la misère et progressivement l'inégalité de fortune et de pouvoir ; qui forme, par l'éducation, une et plusieurs générations pour la communauté ; qui donne d'abord la liberté de discussion et d'association, et qui donne aussi le suffrage universel.
— Pourquoi ne pas supprimer tout de suite la propriété ?— Parce que les propriétaires n'y consentiraient pas, et qu'il faut à tout prix éviter la violence ; parce que d'ailleurs il est matériellement impossible d'exécuter instantanément les travaux nécessaires pour la communauté.
— Quelle est la durée de ce régime transitoire ?— 30, ou 50, ou 100 ans, suivant les pays.
— C'est bien long !— C'est vrai ; mais il est absolument impossible de faire autrement ; et d'ailleurs le bonheur se fera sentir de suite et croîtra chaque jour, dès qu'on aura adopté le système transitoire et le principe du système de la communauté. […] »
« […] une communauté où les machines joueraient le rôle des travailleurs et où l'homme serait affranchi de tout esclavage. »
« Comme tout le monde ne peut être médecin, pour que les uns veuillent être cordonniers, il faut que les cordonniers soient aussi heureux et contents que les médecins. »
Enfin, précise Cabet :« La passion aveugle pour la liberté est une erreur, un vice, un mal grave. »
Ce qui prime, c’est l’intérêt supérieur de la communauté auquel doivent se soumettre toutes les volontés et toutes les actions.
