Icône de saint Étienne tenant dans la main droite unencensoir symbolisant lediaconat et de sa main gauche un voile rouge relatif aumartyre avec unepyxide[1] reposant dessus.
CommePhilippe le Diacre[2], Étienne est présenté dans le récit, au début duchapitre 6 des Actes, dans l'épisode dit de l'Institution desSept (Ac 6 1-7)[3]. Étienne et Philippe sont les deux principaux personnages des trois chapitres suivants[4]. Étienne est connu comme« Étienne le Protomartyr »[5],[6],[7],« (le) protomartyr Étienne »[8] ou« Étienne protomartyr » car il est regardé, par les chrétiens, comme le premier martyr[9]. Il fait aussi partie desseptante disciples choisis parJésus-Christ.
Son nom vient dugrec ancien :στέφανος,stephanos, « couronne ». Il se présente sousdiverses formes dans l'histoire de la linguistique (Stéphane,Steven,Esteven,Esteban,Estienne...) ; toutes sont issues du grec latiniséStephanus[10].
Étienne apparaît au chapitre 6 desActes où il est présenté comme unJuif helléniste[Note 1] qui a reconnu en Jésus leMessie et a été choisi avec six autres « hommes de bonne réputation, d'Esprit Saint et de sagesse »[Note 2] pour être un desdiacres chargés d’assister lesapôtres au bénéfice de la communauté.
« En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien. Les douze convoquèrent alors l’assemblée plénière des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. » Cette proposition fut agréée par toute l'assemblée : on choisit Étienne, un homme plein de foi et d'Esprit Saint,Philippe,Prochore,Nicanor,Timon,Parménas etNicolas, prosélyte d'Antioche ; on les présenta aux apôtres, on pria et on leur imposa les mains. »
Selon les Actes des Apôtres, Étienne accomplit des « prodiges et des signes remarquables parmi le peuple »Ac 6 8. Érudit, il vient facilement à bout d'un débat qui se tient à la « synagogue des affranchis », lieu de culte des descendants de Juifs réduits en esclavage et déportés parPompée, puis libérés[Note 4].
Devant lesanhédrin, Étienne est confronté à des témoins qui l'accusent de quatreblasphèmes : contreDieu, contreMoïse, contre laLoi et contre leTemple de Jérusalem, lieu saint. Étienne se disculpe de ces accusations en résumant l'histoire d'Israël. Il présente d'abord une triple louange du « Dieu de gloire » ; il loue ensuite Moïse pour sa ferveur, ses miracles et pour la qualité de son accès à Dieu ; il poursuit en louant triplement la Loi, qui vient de Dieu, est transmise par Moïse et donne la vie ; enfin il loue le Temple, commandé par Dieu et construit par SalomonAc 7 2-50. Cependant Étienne, en accord avec les convictions des hellénistes[12], rappelle que
« Et pourtant le Très-Haut n'habite pas des demeures construites par la main des hommes. Comme dit le prophète: le ciel est mon trône et la terre un escabeau sous mes pieds.Ac 7 48-49 »
Les propos sur le temple et sur les persécutions des prophètes exaspèrent le sanhédrinAc 7 54 mais selonSimon Claude Mimouni, Étienne est condamné à la lapidation pourblasphème non pas contre le Temple, mais contreDieu, car il prononcele Nom divin, par définition imprononçable (dans la religion juive) dans l'expression suivante :« les cieux ouverts et le Fils de l'Homme debout à la droite deDieu »[13]. La communauté helléniste d'Étienne et sa distance vis-à-vis dutemple de Jérusalem est persécutée après son exécution, elle quitteJérusalem et ouvre àAntioche une maison ouverte aux non juifs[14].
Le procès et la mort deJacques, frère de Jésus, sont proches de ceux d'Étienne : pour l'un comme pour l'autre de ces deux martyrs, il est question deblasphème, puis d'un procès auSanhédrin, puis d'unelapidation. Les récits desActes des Apôtres pourraient avoir subi l'influence de cet événement, à moins que le récit de l'exécution de Jacques ne soit calqué sur celui des Actes des apôtres[15]. Les commentateurs soulignent également certaines ressemblances entre le récit de la mort d'Étienne et celui de la mort deJésus dans lesévangiles[15], parallélismes « qui ne relèvent pas d'un contact fortuit : le narrateur a consciencieusement modelé le procès d'Étienne sur celui de Jésus »[16], selon l'exégète et biblisteDaniel Marguerat.
Le discours d'Étienne, mettant en œuvre une rhétorique jusque-là difficile à critiquer par le Sanhédrin, change brutalement d'orientation quand il s'en prend violemment à l'assemblée du Sanhédrin. Interpellés comme des hommes au « cou raide », « incirconcis »[Note 5] dans leurs cœurs et leurs oreilles, ses juges se jettent sur Étienne, le traînent hors les murs de Jérusalem et le lapident, exécution à laquelleSaül assiste comme témoin[17]. Les Actes racontent que Saül, plus tard converti et devenu apôtre sous le nom dePaul, garde les vêtements des meurtriers et approuve alors ce meurtreAc 7 57-60.
Luc, le rédacteur desActes, fait écho ici à une tradition relative à Étienne qu'il a remaniée, dans une proportion indéterminée. La tenue d'unprocès paraissant incompatible avec une scène delynchage, certains postulent deux traditions concurrentes assemblées par le narrateur[18].
La date de la mort d'Étienne est inconnue et les historiens sont partagés : certains argumentent en faveur des années 31 ou 32 ; d'autres en faveur de 36, voire de 39[22].
Les écrits postérieurs aux Actes font d’Étienne unthaumaturge. En particulier,saint Augustin, dansLa Cité de Dieu, raconte nombre de miracles accomplis par leprotomartyr, récits qu’on retrouve chez de nombreux hagiographes duMoyen Âge, notammentJacques de Voragine[23],Jean de Mailly ouVincent de Beauvais. Ainsi en est-il de fleurs qui étaient posées sur l’autel de Saint Étienne puis appliquées sur des malades, qui guérissaient miraculeusement. Ainsi en est-il aussi de dame Patronia, gravement malade, qui consulte un jour un juif qui lui remet un anneau orné d’une pierre, qu’elle doit porter. Le talisman n’améliore cependant pas son état. En désespoir de cause, Patronia se réfugie à l’église de Saint-Étienne qu’elle implore avec ferveur. L’anneau glisse à terre et elle est guérie.
Un manuscrit duMont Cassin contient un texte, laVita fabulosa sancti Stephani protomartyris (ca. 1000), rapportant qu'Étienne est le fils d'Antiochus et Perpetua, un couple stérile. Enlevé à Jérusalem le jour de sa naissance par le diable, qui lui substitue dans son berceau un petit démon, il est confié par Satan à l'évêque Julien, qui l'adopte, le nomme Nathanael et l'élève comme son fils avant de l'ordonner diacre. Devenu adulte, Étienne retourne dans son premier foyer et expulse, d'un signe de croix, le démon qui avait pris sa place[24].
« Des hommes pieux ensevelirent Étienne et lui firent de belles funérailles » (Ac 8:2). La figure d’Étienne prend une grande place pour les premières communautés chrétiennes et joue un rôle important dans la scission progressive avec lejudaïsme et la montée de l'antijudaïsme chrétien, d'où le développement de traditions littéraires de l'invention et de latranslation de ses reliques[25]. Ces traditions relèvent en grande partie du modèle des récits-types occidentaux, empruntant auxtopoi hagiographiques classiques[26].
Une tradition chrétienne duVe siècle évoque l'apparition deGamaliel l'Ancien au prêtre Lucien, curé deCafargamala (Kfar-Gamala, actuelleBeit Jamal) le vendredi, le rabbi indiquant où se trouvait sa relique qui aurait été alors retrouvée dans le même tombeau que celle de son fils Abibas, ainsi queNicodème[27]. Un vase de roses rouges à côté de la tête de saint Étienne permet d'identifier le corps du martyr[28].
L’évêqueJean de Jérusalem fait alors procéder solennellement à la translation du corps du martyr à l’église du Mont-Sion de Jérusalem, le, jour anniversaire de la mort d'Étienne. L’évêqueJuvénal, successeur de Jean, commence la construction à Jérusalem d’une basilique destinée à recueillir la dépouille de saint Étienne[29].
Les travaux sont repris en438 sous l’impulsion de l’impératriceEudoxie (Eudocie), épouse deThéodose II. Les restes du martyr sont transférés dans la nouvelle basilique, qui n'est d’ailleurs achevée que vingt ans plus tard, lors de la cérémonie de dédicace parsaint Cyrille, patriarche d’Alexandrie, peut-être le[30].L’actuelle basilique a été construite à l’emplacement de l’ancien ouvrage par lesdominicains à la fin duXIXe siècle.
Dès 416, des reliques du martyr sont emportées àMinorque et en Afrique (notamment à Hippone) parPaul Orose[31]. Une tradition médiévale évoque la translation des reliques du martyr à Rome par le papePélageII à la fin duVIe siècle. Les restes de saint Étienne et de saintLaurent seraient enfermés dans une caisse de marbre, qu'entourent de fortes grilles de fer, dans laConfession sous le maître-autel de labasilique Saint-Laurent-hors-les-Murs[32].
Il fait partie des saints martyrs cités dans uneépigraphie gravée sur une colonne romaine réutilisée dans lachapelle des Saints Martyrs deMedina-Sidonia (province de Cadix, Andalousie) en Espagne, Selon l'inscription, des reliques de plusieurs saints, dont Étienne, y auraient été déposées[33].
La fête de l’Invention des reliques de saint Étienne, ou Saint-Étienne d’été, était célébrée le 3 août. Elle fut supprimée du calendrier romain parJean XXIII.
Des fouilles effectuées àBeit Jamal par Andrzej Strus ont mis au jour en 2003 unearchitrave ou unlinteau en pierre avec unetabula ansata sur laquelle était inscrit« DIAKONIKON STEPHANOU PROTOMARTYROS ». Undiakonikon est une petite chapelle destinée à des objets cultuels et placée sous la responsabilité d'un diacre. L'inscription atteste l'ancienneté de cette tradition[34].
Saint Étienne est fêté par l'Église catholique le 26 décembre, et par les Églises chrétiennes d'Orient le 27 décembre, et encore le 2 août (translation de ses reliques) par l'Église catholique ainsi que par les Églises chrétiennes d'Orient.
Lescathédrales et les églises dédiées à saint Étienne sont nombreuses dans tous les pays d'Europe. Notamment en France où le protomartyr a donné son nom à la ville deSaint-Étienne, dans laLoire, et à soixante-douze autres communes françaises, sans compter les formes occitanes telles queSaint-Estèphe ouSaint-Estève[28].
Étienne endalmatique de diacre tenant un livre de la main droite, une palme de la main gauche et surmonté par trois pierres, celles de son supplice (retable deCarlo Crivelli, 1476)
↑Les Juifs hellénistes étaient des Juifs vivant hors de Palestine et influencés par la culture grecque. Ils avaient à Jérusalem leurs propres synagogues où on lisait la Bible en grec.
↑Les extraits desActes des Apôtres proviennent de laTraduction œcuménique de la Bible (TOB), éditions Le Cerf, seconde édition, 1986. Les extraits en langue grecque proviennent du site de l'université de Colombie-Britannique,The New Testament & The Septuagint.
↑« Alors intervinrent des gens de la synagogue dite des Affranchis, des Cyrénéens, des Alexandrins et d’autres de Cilicie et d’Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne, mais ils n’étaient pas de force à tenir tête à la sagesse et à l’Esprit qui le faisaient parler. »6 Ac 6 9-10
↑Daniel Marguerat,« Le christianisme s'installe dans la durée : Les premières générations en quête d'identité », dans Roselyne Dupont-Roc,Après Jésus : L'invention du christianisme, Paris, Albin Michel,, 703 p.(ISBN9782226450333),p. 292
↑Simon Claude Mimouni etPierre Maraval,Le Christianisme des origines à Constantin, Paris, PUF,, 680 p.(ISBN9782130639008). Cette expression est donnée dans lesActes7 55-56.