LesÉtats pontificaux,États de l'Église,États papaux,États du Pape ouÉtat ecclésiastique (enitalien :Stato Pontificio ouStato della Chiesa; enlatin :Status Pontificius ouStatus Ecclesiasticus) désigne l'ensemble des possessions dont lespapes ont été les princes souverains entre le milieu duVIIIe siècle et l'aboutissement de l'unification italienne de1870.
Dès la fin de l’Antiquité, l’Église de Rome dispose d’un vaste ensemble de biens fonciers, lePatrimonium Sancti Petri (« Patrimoine de saint Pierre ») constitué de propriétés dispersées dans la péninsule italienne mais aussi en Sicile, en Afrique et parfois en Syrie voire en Égypte[2]. Les revenus de celles-ci servent à financer les activités de l’Église, comme l’entretien ou l'éclairage desbasiliques romaines ou le secours aux pauvres[2]. À partir de la fin duIVe siècle, la gestion de ces patrimoines est centralisée, leur administration confiée à desvicaires sous l’autorité des évêques de Rome[2]. Bien qu’elles soient relativement importantes, l'administration de ces propriétés reste essentiellement d'ordre religieux et économiques, sans dimension politique[2].
À partir duVIIe siècle, les rapports entre l’Église romaine et l’Empire byzantin commencent à se dégrader et les décretsiconoclastes de l'empereur byzantinLéon III l'Isaurien provoquent la rupture avec Rome, entraînant la confiscation par Byzance des patrimoines de l’Église romaine en Sicile et en Calabre, ce qui l'ampute d'une partie considérable de ses revenus[3]. La domination de l'évêque de Rome ne s'exerce plus alors que sur leduché de Rome, territoire byzantin englobant la ville de Rome et ses environs, qui se trouve alors de plus en plus isolé[2].
Menacée par leroi lombardAistolf, l’Église romaine fait appel aux souverains francs etPépin le Bref s'engage à intervenir militairement pour chasser les Lombards et à transférer à la papauté l'ensemble des biens d'Italie relevant de la juridiction impériale, présentés pour la première fois comme appartenant au pape[5] : c'est ladonation de Pépin.
Par ce texte promulgué en754 devant l'assemblée deQuierzy,Pépin, redevable au papeZacharie d'avoir légitimé le renversement desMérovingiens, s'engage à céder àÉtienne II — successeur de Zacharie en752 — un territoire à conquérir sur lesLombards et correspondant à l'ancienexarchat de Ravenne. Il s'agit essentiellement de terres pauvres (incluant notamment lesmarais pontins), où se pratique depuis des siècles l'agriculture. L'échec dusiège de Rome en 756 parAistulf[6] marque le déclin du royaume lombard qui doit céder les terres convoitées par la papauté[7]. La donation est confirmée en774 àRome et renégociée en781 parCharlemagne[4], fils de Pépin, qui promet d’étendre le contrôle pontifical à d’autres régions[2]. Le diplôme deLouis le Pieux, daté de 817 mais probablement interpolé, réduit les concessions territoriales mais reconnaît pour la première fois à l'évêque romain une autorité publique sans partage (jus principatus, « droit de principat»), cependant vite remise en question par ses successeurs[4].
Un faux appeléDonation de Constantin est utilisé par la suite pour renforcer la légitimité des États pontificaux[8]. Selon ce document composé auVIIIe ouIXe siècle[9] et intégré dans lesDécrétales pseudo-isodoriennes[10], l'empereurConstantinIer aurait cédé en335 toutes les provinces de l'Occident au papeSylvestreIer. Le document prétend reproduire une lettre de Constantin à Sylvestre par laquelle l'empereur partage avec l'évêque de Rome la souveraineté temporelle sur Rome et l'Italie, ainsi qu'elle confère à ce dernier la primauté spirituelle sur l'ensemble des patriarcats ecclésiastiques[9]. LaDonation sert par exemple au papeAdrien Ier pour faire reconnaître àCharlemagne les prérogatives de l'évêque romain sur certaines villes[10]. L'autorité de laDonation, reconnue même des adversaires de la papauté, fonde ainsi juridiquement le pouvoir temporel du pape pendant tout le Moyen Âge avant que la falsification soit démasquée auXVe siècle parLaurent Valla[9]. Il faut néanmoins attendre la Renaissance pour que la critique écarte définitivement laDonation[11].
En réponse aux luttes fratricides entreguelfes (partisans du pape) etgibelins (partisans de l’empereur), lapaix de Venise de1177 consacre l'indépendance des États du pape vis-à-vis duSaint-Empire.
En1598,Clément VIII annexeFerrare, ainsi queComacchio, à la suite de la mort du dernier duc de lamaison d'Este puis, en 1625, récupèreUrbino avant même la mort du dogeFrancesco Maria Della Rovere six ans plus tard[15]. Enfin, l'enclave deCastro etRonciglione est annexée en1649, au terme d'une guerre économique et militaire de près de dix années[15]. Avec cette dernière annexion, les États pontificaux atteignent alors leur extension maximale[13] dans des frontières à peu près définitives qui connaissent une stabilité jusqu'à la fin duXVIIIe siècle[15].
En1796, leDirectoire envoie le généralBonaparte accompagné deGaspard Monge pour lacampagne d'Italie. Le, les troupes françaises envahissent Rome. LeDirectoire avait demandé au pape d'abandonner ses pouvoirs temporels, tout en gardant ses pouvoirs spirituels. Le, pensant qu'il n'est pas possible de séparer les deux pouvoirs, les émissaires duDirectoire demandent àPie VI de quitter Rome dans les deux jours. Celui-ci quitte la ville dans la nuit du 19 au. LaRépublique romaine est proclamée.
En, les troupes napolitaines reprennent Rome,Pie VII, élu depuis peu, y rentre et les États pontificaux sont restaurés en. Ils sont de nouveau envahis par les Français en 1808. Le, par un décret pris àSchönbrunn, Napoléon décide d'annexer les États pontificaux à l'Empire français pour former les départements duTibre et deTrasimène. En 1809-1810, une commission, laConsulta straordinaria, présidée par le généralde Miollis, qui commande les troupes françaises à Rome, et comprenant quatre juristes et hauts fonctionnaires (Cesare Balbo,Ferdinando Dal Pozzo,Joseph-Marie de Gérando, Jeannet), gère la cité et prend plus de 5 000 décrets qui introduisent la législation de l'Empire dans les anciens États pontificaux et réalisent une modernisation complète de l'administration qui survivra largement à l'occupation française[16].
En1870, après l'évacuation des troupes françaises résultant de l'effondrement du second Empire,Rome est envahie par les troupes italiennes le 20 septembre : l'État de Rome, au terme d'un plébiscite très largement favorable, cesse d'exister le 2 octobre avec le rattachement de la Ville éternelle et du Latium auroyaume d'Italie[18]. Après un vote de la Chambre italienne le 23 décembre, Rome devient alors la capitale du Royaume et il ne reste des États du pape que les44 hectares duVatican[18].
Le pape reste désormais enfermé dans sonpalais apostolique et refuse la « loi des Garanties » votée par le Parlement italien en 1871 qui entend garantir certaines prérogatives du pape — sans lui reconnaitre aucune souveraineté sur le territoire laissé à sa disposition[19] —, mais aussi établir le statut du Vatican et organiser les relations entre celui-ci et l'État italien[17]. Ce refus ouvre la « question romaine »[17].
Bien qu'une partie de la Curie espère encore une restauration du pouvoir temporel[17], le papeLéon XIII signe la dissolution officielle des États pontificaux le[20]. La question romaine ne trouve une issue que le par la signature desaccords du Latran avecMussolini, accords qui sanctionnent la création de l'État de la Cité du Vatican[17]. Ce dernier est reconnu par cet ensemble de traités internationaux comme « État souverain de droit public international, distinct duSaint-Siège ».
↑Jan T.Hallenbeck, « Pavia and Rome: The Lombard Monarchy and the Papacy in the Eighth Century »,Transactions of the American Philosophical Society,vol. 72,no 4,,p. 64-83(ISSN0065-9746)
↑Carla Nardi,Napoleone e Roma. La politica della consulta romana (« Collection de l'École française de Rome », 115), Rome, École française de Rome, 1989.
↑JoachimGimenez,Vatican II : Une fenêtre toujours ouverte: Introduction à la lecture des principaux documents conciliaires, Editions Edilivre,(ISBN978-2-334-03098-4,lire en ligne),p. 25
Élie Griffe, « Aux origines de l'État pontifical. Le couronnement impérial de 800 et laDonatio Constantini », dansBulletin de littérature ecclésiastique, 1958, tome 59,no 4,p. 193-211(lire en ligne)
Louis Saltet, « La lecture d'un texte et la critique contemporaine. Les prétendues promesses de Quierzy (754) et de Rome (774), dans leLiber Pontificalis », dansBulletin de littérature ecclésiastique, 1941, tome 42,no 2,p. 61-85(lire en ligne)