Des circonstances exceptionnelles, extrêmes, imprévisibles, peuvent amener un État, sur un territoire donné, pour une durée déterminée, à une restriction des lois, réputées démocratiques, et jugées insuffisantes pour faire face à un danger public en cours ou imminent, contrairement aux normes de l'État de droit courant.
économique (rupture des régularités socio-économiques),
financière,
humanitaire,
migratoire,
sociale...
Les cas de guerre extérieure, de guerre civile intérieure, de troubles intérieurs graves (manifestation, faits sociaux violents, révolte avec armes, émeute, sédition, subversion, terrorisme) relèvent d'une autre logique, d'état de siège. Le désordre (le chaos) est le résultat d'une déliaison sociale, d'une dislocation du corps social, de laconcorde, entraînant un état deguerre civile (réel ou fictif) : décolonisation, guerre de partisans, guérilla, projet politique différent (état d'exception / résistance).
Sauf à réfléchir en termes de guerre civile mondiale, planétaire, universelle, permanente, et donc d'état d'exception permanente.
« 4.1 Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas unediscrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. (...)
4.3 Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l’entremise duSecrétaire général de l'Organisation des Nations unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. »
LeComité des droits de l'homme de l'ONU peut examiner les éléments constitutifs du danger public invoqué et éventuellement solliciter l'élaboration de rapports spéciaux. Il a élaboré en 1981 une déclaration relative à l'interprétation de cet article. L'Égypte, entre autres, a ainsi été à plusieurs reprises épinglée pour son état d'urgence continu depuis au moins 1981[1].
LaConvention européenne des droits de l'homme contient des dispositions dérogatoires du même type, mais ont été appliquées d'une manière beaucoup plus rigoureuse, comme en témoigne la dérogation demandée par le Royaume-Uni après le[2].
Le, lors de lapandémie de Covid-19,« l’état d’urgence sanitaire » est déclaré par le ministre d'IntérieurAbdelouafi Laftit[13]. Il est ensuite codifié dans un décret-loi adopté par le parlement le, qui met en place la gouvernance et les procédures de déclaration de l'état d'urgence sanitaire[14]. Au départ pour un mois, l'état d'urgence est finalement prolongé jusqu'au[15].
En, à la suite de l'attaque deBoko Haram, le présidentGoodluck Jonathan déclare l'état d'urgence dans trois États du pays.Olusegun Obasanjo avait déclaré l'état d'urgence précédemment, en 2004 et 2006[18]. Cette situation prend fin le, car n'ayant pas été renouvelée par le Parlement qui en constate l'inefficacité sur la vague de violences[19].
AuCanada, le gouvernement a adopté uneloi sur les mesures d'urgence en 1988 ; celle-ci a été utilisée pour la première fois en février 2022 lors des perturbations liées auConvoi de la liberté. Avant 1988, le gouvernement utilisait plutôt laLoi sur les mesures de guerre (maintenant abrogée) et il avait invoqué cette loi trois fois, lors de la Première Guerre mondiale, à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale ainsi que pendant lacrise d'Octobre[22]. Les provinces canadiennes peuvent aussi avoir leurs lois sur l'état d'urgence, y compris pour l'état d'urgence sanitaire.
En Birmanie, l'armée a instauré l'état d'urgence depuis saprise de contrôle du pouvoir dans un coup d'État le[28]. L'état d'urgence provoque notamment le report des élections promises par la junte militaire[29].
AuBrunei, l’état d’urgence est institué le lors de larévolte de Brunei[30]. Il s’agit de l’état d’urgence le plus long actuellement en vigueur au monde, étant prolongé tous les deux ans par le sultan, doté de pouvoirs exceptionnels par la loi d’urgence[31].
En Syrie, l'état d'urgence est déclaré lors d'uncoup d'État qui met leParti Baas syrien au pouvoir le[32]. Il ne prend fin que par décret du gouvernement daté le en réponse auPrintemps arabe en Syrie, après une durée de 48 ans[33].
En 1979, face à une agitation politique dans les régions à majorité kurde, le gouvernement décrète l'état d'urgence dans certaines provinces. En, leParti des travailleurs du Kurdistan lance la lutte armée dans les provinces kurdes de Turquie. Devant les progrès de cetteguerre de guérilla, le gouvernement turc prend une série de mesures exceptionnelles. En, il étend l’état d'urgence à onze provinces à majorité kurde. vaste zone à sécurité renforcée est baptisée OHAL, pourOlağanüstü Hal (état d'exception). Elle sera dirigée par un gouverneur régional, surnomméSüpervali (« superpréfet »), qui dispose de pouvoirs exceptionnels. L'OHAL sera maintenu jusqu'en[34].
L'état d'urgence (estado de excepción) est prévu à l'article 116 de laConstitution de 1978. Sa proclamation se fait via un décret pris en conseil des ministres, après autorisation duCongrès des députés, pour un délai maximum de 30 jours, qui peut être prorogé.
Deux autres états de crise peuvent être déclenchés : l'état d'alerte (estado de alarma), pour 15 jours au plus, un délai qui peut être prorogé uniquement avec l'accord du Congrès ; et l'état de siège (estado de sitio), que seul le Congrès peut proclamer.
L'état d'alerte a été proclamé deux fois depuis la restauration de la démocratie :
en parJosé Luis Rodríguez Zapatero, afin de réquisitionner les contrôleurs aériens sous l'autorité de l'armée et assurer le trafic aérien[37] ;
L’état d’urgence est déclaré « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Il permet aux autorités administratives (ministre de l’Intérieur, préfet) de prendre des mesures restreignant les libertés comme l’interdiction de la circulation ou la remise des armes à feu de certaines catégories. Les mesures les plus sévères sont les assignations à résidence, la fermeture de certains lieux, l'’interdiction de manifester et les perquisitions administratives[39]. Ainsi, il dessaisit l’autorité judiciaire de certaines de ses prérogatives. Contrairement à l’état de siège, il n’implique pas lesforces armées.
Créé par la loi du pour faire face aux événements liés à laguerre d'Algérie, l’état d'urgence est appliqué trois fois durant cette période. Il est ensuite appliqué trois fois en outre-mer durant les années 1980, puis en 2005, en raison d’émeutes dans les banlieues, et enfin entre le et le en raison des risques d’attentats.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré « en cas decatastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».
Créé par la loi du pour faire face à lapandémie de covid-19[43], et abrogé en 2022, l’état d’urgence sanitaire est appliqué nationalement à deux reprises : entre le et le, et entre le et le.
LaConstitution fédérale de la Confédération suisse ne prévoit pas explicitement d'« état d'urgence »[44]. En revanche, son article 165 (intitulé « législation d’urgence ») permet auParlement d'adopter une loi et de la faire entrer en vigueur immédiatement. L'article 185 (« sécurité extérieure et sécurité intérieure ») permet augouvernement de faire intervenir l'armée avec certaines limites.
De plus, lors de situations extraordinaires menaçant la population, certainscantons peuvent décréter un « état de nécessité » leur permettant d'adopter des mesures exceptionnelles.
↑article 125 de laConstitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (« situation extraordinaire ») et article 13 de la loi vaudoise sur la protection de la population du 23 novembre 2004 (« état de nécessité »).