Dans lemonde anglo-saxon notamment,l'époque contemporaine couvre environ les quatre-vingts années qui précèdent l'année en cours, ou encore la période de1945 à nos jours (contemporary history). Il s'agit de la période pour laquelle des personnes vivantes, en nombre significatif, peuvent témoigner des événements historiques, politiques, économiques et sociaux, et où la trace de ces événements reste relativement vivace dans les mémoires et la transmission orale. Cette période correspond à l'ère atomique et à l'ère de l'informatique, ainsi qu'à ladécolonisation et à laguerre froide.
Fin de l'Ancien Régime, empires coloniaux et industrialisation
Selon les historiens français, la période contemporaine commence sur le plan politique, enFrance, avec les conséquences de laRévolution française voire avec lePremier Empire français.
Elle est marquée par la fin de l'Ancien Régime : auxmonarchies absolues vont succéder les tentatives impériales et la tentative de monarchie constitutionnelle (laRestauration). Néanmoins,la révolution de 1848 et l'éphémèreCommune de Paris montrent l'aspiration du peuple à un régime différent. C'est vers la fin duXIXe siècle, avec latroisième République née de la défaite deSedan et de la perte de l'Alsace et de laMoselle, mais aussi de la répression contre les communards, déportés au bagne, que la république s'installe durablement dans les consciences.
Mais sur le plan socio-économique, l'époque contemporaine est avant tout fille de la deuxièmerévolution industrielle : la domination sans partage de l'Empire britannique sur le monde, favorisée au début de la période par la disparition précoce du rival français avec lePremier Empire, résulte elle-même de cette révolution et achève le processus de compétition engagé entre les deux puissances auXVIIe siècle.
Ainsi, en1880, leRoyaume-Uni assure à lui seul les deux tiers de la production industrielle mondiale. Il est bientôt rejoint par les autres nations européennes : c'est la naissance des sociétés industrielles modernes.
C'est à cette période que le monde entier s'« européanise », contre son gré, pour près d'un siècle : ainsi en va-t-il de laCôte d'Ivoire, achetée quelques barils de poudre et dizaines de fusils sousLouis-Philippe.
Les empires non européens, tels l'Empire ottoman ou plus tard laChine (l'empire du Milieu), sont incapables de s'adapter et disparaissent durant la première moitié duXXe siècle. Quel contraste alors avec leJapon, qui s'ouvre au monde occidental dès1868 et devient une puissance importante, victorieux sur mer contre laRussie tsariste en1905.
États modernes, sociétés industrielles et idéologies
L'Europe, elle, est marquée auXIXe siècle par la naissance des « États modernes » (à ne pas confondre avec les États de l'époque moderne), naissance qui traduit les mutations techniques, économiques et sociales importantes de la deuxième révolution industrielle.
Aux inégalités de l'Ancien Régime succèdent de nouvelles, fondées sur le capital. Les changements économiques, surtout, ont amené des couches sociales urbaines prospères à vouloir participer au pouvoir. Mais à côté d'elles, un prolétariat ouvrier qui est lui aussi – fait nouveau – urbain, se développe. L'action sociale est d'abord le fait de certains patrons, soucieux du bien-être de leurs ouvriers : ce sont les racines de la « démocratie chrétienne » européenne. Dans l'ensemble, le progrès social est important mais en deçà des espérances du peuple. C'est surtout l'essor dusyndicalisme qui permet à ce dernier d'atténuer les difficultés de l'existence.
L'ouverture politique vers le peuple est quant à elle longue à venir : c'est, enFrance, l'histoire de la conquête dusuffrage universel. EnFrance, également, naît l'idée de la séparation de l'Église et de l'État, consommée au début duXXe siècle et celle d'une sociétélaïque, qui libérerait l'individu d'une partie du poids de la société…
De nouvelles idées, également, portent les espoirs ou les frustrations des populations. Alors que les grandes idéologies duXXe siècle –capitalisme,marxisme,anarchisme même – sont définies et constituent des mouvements, les frontières des États européens se déplacent pour trouver leur forme actuelle.
Ceci implique le plus souvent la guerre, justifiée par lesnationalismes et plus meurtrière qu'elle ne l'avait jamais été : cette tendance trouve son aboutissement avec lesguerres mondiales auXXe siècle.
Lesprogrès techniques nourrissent les conflits et s'accélèrent avec eux : l'armement moderne s'appuie sur les chars et bientôt, sur la domination du ciel. Les premières armes chimiques, employées par les États-majors français et allemand en1914-1918 sont les gaz. La bombe nucléaire, mise au point pendant laSeconde Guerre mondiale et expliquée par la théorie de larelativité d'Albert Einstein, constitue la première arme de destruction massive à même de rendre toute vie impossible sur la planète.
La Première Guerre mondiale est un conflit qui oppose principalement laFrance et l'Allemagne. Cette guerre dura4 ans (de 1914 à 1918). On la surnomma « la Grande guerre » ou « La Der des Ders ». Ce conflit armé mobilisa plus de 60 millions de soldats et fit entre 10 et15 millions de victimes.
En Europe, les idéologies extrémistes gagnent du terrain dans plusieurs pays. Le dictateurfasciste italienBenito Mussolini accède au pouvoir en 1922. En Allemagne,Adolf Hitler est nommé chancelier en 1933. Laguerre civile fait rage en Espagne et en 1939,Francisco Franco, un troisième dictateur fasciste, dirige le pays.
En 1939, la coalition franco-britannique, opposée aux ambitions d'Hitler, affronte l'Allemagne nazie dans une guerre qui s'étend bientôt. En effet, l'Union soviétique et lesÉtats-Unis s'impliquent dans le conflit en 1941, à la suite de l'invasion de l'URSS (opération Barbarossa) rompant lepacte germano-soviétique pour les premiers, et l'assaut livré par l'aviation japonaise contre la flotte Pacifique américaine (attaque de Pearl Harbor) pour les seconds.
Dans le même temps que prend fin la domination européenne sur le monde avec l'émergence des mouvements indépendantistes au sein des territoires colonisés, lesÉtats-Unis et l'Union soviétique se trouvent face à face à en1945 (conférence de Potsdam) et s'engagent dans un conflit idéologique qui divise le monde en deux « blocs » antagonistes pendant près d'un demi-siècle : laguerre froide.
Parallèlement, l'Europe occidentale, sous la protection des Américano-britanniques, innove avec la première tentative politique de rapprochement entre des États rivaux pour asseoir la paix. C'est la naissance de l'Union européenne, qui est le fait de laFrance, de l'Italie, duBenelux et de l'Allemagne de l'Ouest avec laCECA, à l'initiative desdémocrates-chrétiens.
Les leaders des pays nouvellement indépendants, désignés sous le vocable « tiers-monde » (ou « tiers monde ») par l'Occident à partir de 1952, s'allient dès 1955 (conférence de Bandung) pour affirmer leur place sur la scène internationale et prôner lenon-alignement, tandis que leur victoire lors de lacrise du canal de Suez (1956) et le fiasco américain de laguerre du Viêt Nam (1965-1973) discréditent l'image de supériorité des grandes puissances.
La découverte de la tentative du génocide du peuple juif par les nazis provoque un courant de sympathie pour la causesioniste. L'État d'Israël est créé mais lepartage de la Palestine de 1947, duquel il découle, est refusé par la population arabe. LaLigue arabe, l'OLP, sont autant d'alliancesanti-sionistes destinées à lutter contre l'État juif. Les combats commencent dès. Les frontières des territoires israélien et palestinien fluctuent au gré desguerres israélo-arabes. Pendant l'exode palestinien de 1948, entre sept cent et sept cent cinquante mille Arabes palestiniens quittèrent ou furent expulsés de leurs villes et villages et se virent refuser tout droit au retour sur leurs terres.
Au sein de la Ligue arabe se constitue l'OPEP, usant de l'arme pétrolière pour faire céder l'Occident et notamment responsable de lacrise économique de 1973 à la suite de l'embargo des exportations envers les puissances alliées à Israël.
Fin de la guerre froide, globalisation et résistances
L'Histoire immédiate débute à la fin de l'empire soviétique qui, affaibli par laglasnost et laperestroïka entreprises à la fin desannées 1980 parMikhaïl Gorbatchev, s'effondre avec la chute dumur de Berlin (1989) puis avec la disparition de l'URSS (1991). Les États-Unis, désormais seule superpuissance, proclament le « nouvel ordre mondial ». Mais l'espoir de paix est vite déçu ; laguerre du Koweït est une démonstration de force du nouveau maître du monde.
Les difficultés économiques ont aggravé les déséquilibres entre les pays industrialisés et les autres, puis au sein des pays industrialisés eux-mêmes. Laglobalisation économique et culturelle suscite des résistances et a ses laissés pour compte. L'idéologie duNéolibéralisme, seule après la chute dubloc de l'Est et la« libéralisation » économique de laChine laisse le champ libre aux firmes multinationales dans lesannées 1990. L'Amérique latine entre dans leur dépendance, alors que l'Afrique paye le prix de ne pas y être. Ce néolibéralisme est contesté par le mouvement de l'altermondialisme et par les « antimondialistes ».
EnEurope et sur le plan national, la désaffection des pouvoirs politiques dans les démocraties occidentales provoque un recul des partis traditionnels du centre-gauche ou du centre-droit au profit des extrêmes ou des gouvernements populistes. EnFrance, les première et deuxièmecohabitation montrent l'incapacité de l'exécutif à satisfaire les électeurs. Sur le plan économique, le chômage est endémique et touche aux alentours de dix pour cent de la population active.
Interventionnisme international, repli identitaire au Moyen-Orient, et guerre contre le terrorisme
Le développement de l'intégrisme religieux, comme facteur de repli identitaire, puis comme force politique contestataire à l'égard de régimes affaiblis par la corruption et par une faible ouverture démocratique, se traduit notamment par laGuerre Civile en Algérie (1992-2001). Mais les réseaux créés qui prônent l'application stricte de laCharia, c'est-à-dire d'une loi inspirée d'unIslamrigoriste au Moyen Âge et appliquée notamment enArabie saoudite, sont aussi transnationaux. Ils font duterrorisme international une nouvelle force pour exporter leurs ambitions politiques. Après la prise de pouvoir destalibans enAfghanistan en1997 dans l'indifférence générale, lesattentats du 11 septembre 2001 sont attribués à l'organisationAl-Qaïda. Dès lors, les États-Unis et leurs alliés, sous l'impulsion des néoconservateurs au pouvoir à Washington, dénoncent l'« Axe du Mal » et placent leterrorisme islamiste comme nouvel ennemi de l'Occident. Ils entendent l'enrayer par tous les moyens, instaurant le concept de « Guerre contre le terrorisme ». C'est dans cette vision géopolitique nouvelle que s'inscrivent laguerre de l'Afghanistan (2001) et celle de l'Irak (2003-2006).
La prédominance des États-Unis, seule superpuissance sur la scène internationale après la disparition de l'Union soviétique, est contestée, au moins nominalement, par les déclarations en faveur. Dans ce sujet, coïncident souvent, quoique dans des termes très différents, de la position commune de la politique étrangère de l'Union européenne jusqu'à la plus agressive de l'IranienMahmoud Ahmadinejad ou leVénézuélienHugo Chávez (et d'autres dirigeants hispaniques commeEvo Morales enBolivie).
D'un point de vue historique, et dans une certaine mesure comme pour l'époque précédente, la période contemporaine implique une abondance de sources, notamment économiques, statistiques et démographiques.
AuXXe siècle, s'ajoutent les sources audiovisuelles qui transforment la discipline. L'historien doit opérer des choix stratégiques en ce qui concerne l'angle d'étude d'un sujet. La spécialisation des études est plus importante et la nécessaire recherche de l'objectivité est impérieuse.
Parmi ces sources, les données de l'INSEE, les articles de la presse quotidienne ou encore les archives de l'INA occupent pour la France une place privilégiée.
Albert Soboul,Histoire de la Révolution française, 2 vol., (t. 1,De la Bastille à la Gironde ; t. 2,De la Montagne à Brumaire), Éditions sociales, 1962, Gallimard, coll. Idées, 1972, 1976
Serge Berstein et Pierre Milza,Histoire duXXe siècle, 3 tomes (t. 1,1900-1945, la fin du « monde européen » ; t. 2,1945-1973, le monde entre guerre et paix ; t. 3,1973 à nos jours, la recherche d'un nouveau monde), Hatier, collection Initial