Élisabeth, appelée par le titre honorifique Madame Royale est baptisée dans la religion catholique le même jour que son frère Louis et sa sœur Christine, avec pour marraine l'infanteIsabelle-Claire-Eugénie d'Autriche, fille dePhilippeII d'Espagne, gouvernante des Pays-Bas mais elle ne reçoit pas de parrain.
Sa mère aurait montré sa cruelle indifférence envers elle, car elle avait cru la prophétie d'une religieuse qui lui avait assuré qu'elle donnerait naissance à trois fils.
Peu de temps après sa naissance, elle a été promise à Philippe-Emmanuel, prince duPiémont, fils aîné et héritier deCharles-EmmanuelIer de Savoie et deCatherine-Michelle d'Autriche, sœur de la marraine d'Élisabeth. Cependant, le mariage n'a jamais eu lieu, puisque Philippe-Emmanuel est décédé en 1605.
Les premières années de Madame Royale se passent sous la tutelle de la gouvernante royaleFrançoise de Montglat, dans le château deSaint-Germain-en-Laye, un endroit calme à l'écart de la cour parisienne où elle partage éducation et jeux avec ses frères et sœurs légitimes.
Symbole d'une alliance avec l'Espagne non souhaitée par son père mais désirée par sa mèreMarie de Médicis, princesse italienne dont la mère était une Habsbourg, par lesConcini, favoris de sa mère, et par le parti dévot français, elle est "échangée" contre l'infante espagnoleAnne d'Autriche qui quitte son Espagne natale pour épouserLouisXIII, frère d’Élisabeth.
Élisabeth et son frère rencontrent pour la première fois leurs conjoints respectifs le 25 novembre 1615 sur l'Ile des Faisans dans la rivièreBidassoa qui sépare la France et l'Espagne entre la ville française d'Hendaye et la ville espagnole deFontarrabie. En Espagne, le nom français d'Élisabeth a pris la forme espagnole d'Isabel. La cérémonie religieuse a eu lieu dans la cathédrale Sainte-Marie de Burgos. Au moment de son mariage, Élisabeth, 13 ans, est devenue la nouvelleprincesse des Asturies.
Ce mariage a suivi une tradition de cimenter des alliances militaires et politiques entre les puissances catholiques de France et d'Espagne avec des mariages royaux. La tradition remonte à 1559 avec le mariage du roiPhilippeII (roi d'Espagne) avec la princesse françaiseÉlisabeth de France (1545-1568), fille du roiHenriII, dans le cadre de laPaix du Cateau-Cambrésis.
En raison du jeune âge dePhilippeIV qui n'a que dix ans, on tient tout d'abord Élisabeth à l'écart de la cour et de son époux. Mais la maladie dePhilippeIII change la donne. Le mariage est alors enfin consommé et Élisabeth est très rapidement enceinte. À la mort dePhillipeIII d'Espagne, le 31 mars 1621, Élisabeth devient officiellement reine d'Espagne.
Elisabeth de France en 1620 par Rodrigo de Villandrando
PhilippeIV et Élisabeth sont couronnés en. Élisabeth devient la deuxième reine d'Espagne française depuisÉlisabeth de France (1545-1568), fille d'HenriII et épouse dePhilippeII d'Espagne. Mais les festivités sont gâchées par la naissance prématurée d'une petite fille qui ne survivra pas, Marie-Marguerite.
PhilippeIV avait diverses maîtresses qui lui ont donné plusieurs enfants illégitimes. Il a laissé les affaires du gouvernement en grande partie au comte d'Olivares,Gaspar de Guzmán, qui, cependant, n'était pas à la hauteur des conditions politiques de l'époque.
Dans ses premières années en tant que reine, Élisabeth a fait peu d'apparition politique et s'est plutôt livrée à ses intérêts pour lapoésie, l'art et, surtout, lethéâtre. Elle est considérée comme une grande patronne de la littérature espagnole à son âge d'or.
Élisabeth elle-même a fait l'objet de rumeurs sur ses relations avec le célèbre poèteJuan de Tassis y Peralta, qui était son gentilhomme d'honneur. Le 14 mai 1622, lorsqu'un incendie se déclare, il met la reine en lieu sûr, ce qui a amené encore plus de soupçons sur leur relation. Le poète se fait alors mystérieusement assassiner. La responsabilité de sa mort a été partagée entrePhilippeIV et Olivares (premier ministre et favori du roi).
Elisabeth de France par Velasquez (Musée del Prado, 1634-35)
Élisabeth a été nomméerégente d'Espagne durant la révolte catalane. Avant 1640, la reine ne semble pas avoir eu beaucoup d'influence sur les affaires de l'État, qui étaient en grande partie confiées à Olivares. Élisabeth ne s'entendait pas avec lui car il l'empêchait d'exercer une influence politique. Il a en effet dit, un jour qu'elle exposait une opinion politique au roi, que les prêtres existaient pour prier et les reines existaient pour engendrer.
Sa régence a reçu des critiques élogieuses et elle lui a permis de provoquer la chute d'Olivares dans le cadre d'une «conspiration de femmes» aux côtés de la duchesse de Mantoue, Ana de Guevara, de María de Ágreda et de sa principale dame d'honneur, Luisa Manrique de Lara.
Après la chute de son favori,PhilippeIV voit en son épouse sa plus proche alliée politique et lorsque le roi repart pour le front en 1643, Élisabeth est de nouveau nommée régente. Sa deuxième régence a également reçu de bonnes critiques et elle a été créditée par le roi pour ses efforts à fournir des approvisionnements vitaux pour les troupes ainsi que pour ses négociations avec les banques pour financer l'armée, allant même jusqu'à vendre ses propres bijoux[1]. On disait qu'elle avait l'intention de suivre l'exemple de la reineIsabelle la Catholique et de diriger sa propre armée pour reprendreBadajoz.
Alors qu'elle est au sommet de sa gloire, Élisabeth, affaiblie par ses multiples grossesses et fausses-couches, décède le en accouchant de son neuvième enfant.
Philippe IV d'Espagne fut très touché par sa mort, surtout qu'il avait récemment trouvé en elle une alliée.
Marie-Thérèse ( -) épouse en 1660LouisXIV, roi de France et de Navarre (1638-1715) ;
un enfant mort-né ().
Il est fort probable quePhilippeIV ait transmis à sa femme une maladie vénérienne qu'il aurait contractée avec une de ses maîtresses. Cette maladie pourrait expliquer certaines fausses-couches, mais les mariages consanguins dont est issuPhilippeIV pourraient également en être la cause. Pour les enfants mort-nés ou morts en leur enfance, la mortalité infantile peut être évoquée ainsi que l'incapacité des médecins de l'époque.
Élisabeth a souffert en silence de la mort de ses enfants et de ses fausses-couches, d'autant que certaines maîtresses de son mari lui donnaient des enfants viables. Sa culpabilité s'exprime dans les lettres à son frèreLouisXIII et à sa belle-sœurAnne d'Autriche. Elle avait toujours voulu que sa dernière fille,Marie-Thérèse, âgée de cinq ans à sa mort, épouse le roiLouisXIV, et ce mariage eut lieu, bien que les mariés fussent doubles cousins germains.
SeuleMarie-Thérèse, future reine de France, parvint donc à l'âge adulte, apportant à l'ennemi héréditaire de la Maison d'Autriche, la France, dont elle était issue, des droits sur le trône et les possessions espagnoles. En effet c'est à travers sa fille, la reine Marie-Thérèse, héritière d'Espagne durant 11 ans, dont la postérité devint la lignée aînée du trône espagnol, que la maison desBourbons d'Espagne fut créée.
Fabien Montcher,« L’image et le culte de saint Louis dans la Monarchie hispanique. Le rôle des « reines de paix » (du milieu du XVIe siècle au milieu du xviie siècle) », dans Murielle Gaude-Ferragu et Cécile Vincent-Cassy,« La dame de cœur ». Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l'Europe des xive-xviie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes,, p. 167-191.
Frédérique Sicard, «Une reine entre ombres et lumières ou le pouvoir au féminin: le cas d’Isabelle [de] Bourbon, reine d’Espagne, première femme dePhilippeIV (1603-1644)»,Genre & Histoire [En ligne], vol. 4, printemps 2009,[lire en ligne]