Élisabeth Farnèse (en espagnolIsabel de Farnesio, en italienIsabella Farnese), née le àParme et morte le àAranjuez, estreine d'Espagne de 1714 à 1746, influençant de manière importante la politique du royaume.
Élisabeth est la fille d'Édouard Farnèse,prince héréditaire deParme décédé peu après sa naissance et deDorothée-Sophie de Neubourg. Veuve ambitieuse, belle-sœur de l'empereurLéopoldIer et duroiCharles II d'Espagne, la duchesse Dorothée-Sophie conserva la couronne parmesane en se remariant avec son jeune beau-frèreFrançois II de Parme. De leur côté les Farnèse voulaient conserver l'alliance brillante qu'avait constituée le mariage du prince héréditaire avec lesWittelsbach et ne pas rendre ladot de la jeune veuve. François II est pour Élisabeth un oncle et un beau-père plein de tendresse et de bon conseil.Sa mère lui impose une éducation rigide à la limite de la maltraitance psychologique, la reléguant dans une mansarde sans contact avec la cour.
Si son corps est admirablement bien fait, Élisabeth Farnèse a perdu sa beauté après avoir été, comme nombre de ses contemporains, victime de lavariole lors de son enfance. Elle est dotée d'un caractère très ferme, décidé et ambitieux, qu'elle tient de sa mère. Les auteurs de l’époque font l’éloge de sa perspicacité et de son intelligence.
Les noces sont célébrées àParme le 25 août. Comme gage de sympathie envers l’Espagne, lepapeClément XI confère à la jeune reine laRose d'or.
La nouvelle souveraine de l'Espagne est accompagnée vers son nouveau pays par l'abbé Alberoni. Après avoir embarqué àLivourne, elle doit, à cause du mauvais temps, débarquer àMarseille où elle reçoit l'autorisation deLouis XIV de France, grand-père de son mari, de voyager par terre.
Durant le voyage, peut-être inspirée par le futur cardinal, la jeune reine mûrit la décision d’éloigner Marie-Anne de La Trémoille afin d’être la seule à avoir un ascendant sur le roi. Par cette manœuvre, l’Espagne s’affranchit de l’influence française.
Philippe V d'Espagne et sa famille (1723).Le couple des fiancés royaux de France : Louis XV et Marie-Anne.
Au cours des premières années de règne, elle est très bien conseillée par Alberoni et par son oncleFrançois Farnèse,duc de Parme. Grâce à leurs conseils, elle réussit à dominer le caractère indécis de son mari qui ne conteste jamais aucune de ces décisions, ce qui lui donne un poids important dans la politique de l’Espagne duXVIIIe siècle. C’est au cours de cette période qu’Alberoni est nommécardinal et en 1716, Premier ministre.
L’influence de la reine, qui a des droits sur Parme et Plaisance mais aussi sur la Toscane, porte l'Espagne à ne pas se résigner à perdre ses possessionsitaliennes par suite de laguerre de Succession d'Espagne. Ayant pris en main la politique espagnole, la reine et le cardinal firent envahir laSardaigne et laSicile.
Cependant laquadruple alliance entre laFrance, l’Autriche, laGrande-Bretagne et lesProvinces-Unies met fin à l'ambition de la reine. L'armée espagnole est battue par l’armée française, et la flotte, envoyée par le fond par les Anglais au large ducap Passero enSicile. Lapaix de La Haye (1720) provoque le renvoi et l'exil du cardinal Alberoni, l’évacuation de la Sicile et la renonciation aux prétentions sur les anciennes possessions. Le même traité établit cependant que lesduchés de Parme et Plaisance, en cas d’absence d’héritier, passeraient aux mains de son fils aînéCharles. De même, Élisabeth étant également l’héritière légitime desMédicis dont la Maison, comme celle desFarnèse, risque l'extinction, ses fils auraient pu revendiquer leurs droits sur laToscane.
Ces mariages, surtout celui de son jeune beau-fils, contrarient Élisabeth qui voit la couronne d'Espagne s'éloigner de ses propres enfants.
Pour que l'impérieuse reine d'Espagne ne soit pas froissée, l'infant Charles, aîné des fils qu'elle a donné à Philippe V et âgé de cinq ans, est fiancé àPhilippine d'Orléans qui en a sept. Les petites princesses sont sur le champ convoyées vers leur nouvelle patrie.
En1724, Philippe V, fatigué et voulant se consacrer à son salut, abdique en faveur de son filsLouis, né de son premier mariage, et se retire, au grand dam de la reine qui devait bien sûr l'y accompagner, aupalais de la Granja. Mais la chance favorise Élisabeth une fois encore, car sept mois plus tard Louis meurt prématurément, ce qui convainc Philippe de reprendre le pouvoir, permettant ainsi à Élisabeth de diriger à nouveau la politique espagnole, spécialement quand le roi perd une grande partie de ses facultés mentales.
L'année suivante, le duc de Bourbon, qui a succédé au duc d'Orléans comme Premier ministre français, rompt les fiançailles de son roi et renvoie la jeune infante en Espagne. Outré, le roi d'Espagne l'imite et renvoie en France les deux filles du défunt régent.
Élisabeth se tourne alors vers l'Autriche. L'empereur n'ayant pas de fils, sa fille aînéeMarie-Thérèse est censée recueillir les possessions desHabsbourg ; elle a également deux sœurs cadettes susceptibles d'épouser des fils d'Élisabeth. Cette politique fait long feu.
En 1731, l'infant Charles, fils aîné d'Élisabeth, âgé de 15 ans, est appelé auprès du grand-duc de Toscane,Jean-Gaston de Médicis, qui veut en faire son héritier.
Au cours de laguerre de Succession de Pologne, soutenu par sa grand-mère Dorothée-Sophie qui s'est fait nommer régente à la mort du dernier duc de Parme, l'infant Charles réussit à prendre possession du duché de Parme et Plaisance (1732) puis desroyaumes de Naples et de Sicile.
C'est à partir de la prise de Naples en 1734, à l’issue de la bataille de Velletri, que remonte le transfert des biens des Farnèse de Parme à Naples.
Après 1734, les droits qui ont été attribués à Charles par les précédents traités reviennent à Élisabeth qui est nommée « légitime reine et duchesse de Parme et Plaisance ».
Cependant, letraité de Vienne qui réorganise l'Europe à l'issue du conflit, confie la Toscane, Parme et Plaisance au ducFrançois III de Lorraine, lequel, contraint par la France, renonce à ses terres patrimoniales pour pouvoir épouser l'archiduchesseMarie-Thérèse d'Autriche, fille aînée et héritière de l'empereur.
Charles conserve Naples et la Sicile. En 1738, il épouseMarie-Amélie de Saxe, fille du roi de Pologne, qui domine son mari comme Élisabeth domine le sien.
En 1745, sont célébrées les noces de l'infanteMarie-Thérèse et dudauphin mais la jeune femme meurt des suites de ses couches l'année suivante.
Si la mort empêche Marie-Thérèse de devenir reine de France, elle ne ruine en rien les ambitions de sa mère.
Il reste à celle-ci sa plus jeune filleMarie-Antoinette qu'elle propose pour succéder à sa sœur ; mais le jeune dauphin, inconsolable, refuse ce marché. En fait, c'est Louis XV qui s'y oppose[réf. nécessaire].
L'infante Marie-Antoinette épouse en 1750 lefils aîné du roi de Sardaigne, amplifiant encore l'influence de l'ancienne princesse de Parme sur son Italie natale.
Il reste à Élisabeth un fils, Louis. D'abord consacré à l'Église, il reçoit dès l'âge de huit ans la dignité cardinalice mais renonce à la pourpre peu après la mort de son père. Élisabeth lui destine le trône de Toscane qui a été donné au mari de l'archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche, lequel a été élu empereur sous le nom deFrançoisIer du Saint-Empire.
Laguerre de Sept Ans ne comble pas ses vœux. L'infant Louis ne porte jamais la couronne mais contracte sur le tard un mariage que son frère Charles III qualifie d'inégal.
Entre-temps, en 1759, la mort sans héritier deFerdinand VI porte sur le trône son frère cadet, le roi de Naples et de Sicile devenuCharles III d'Espagne. Après treize années d'inactivité forcée, Élisabeth, devenue la mère du roi mais dont la vue commence à baisser, est nommée par celui-ci régente en attendant qu'il puisse fouler le sol espagnol.
Élisabeth passe les dernières années de sa vie àAranjuez où elle dédie son temps en œuvres de charité et devient la protectrice desjésuites.
« Le cœur énergique d’un Romain, la fierté d’un Sparte, la ténacité d’un Anglais, l’astuce d’un Italien, la vivacité d’un Français concoururent à créer cette femme particulière ; elle marche audacieusement à la réalisation de ses projets, il n’y a rien qui puisse la surprendre, personne qui puisse l’arrêter ».