Des expériences menées avec lestubes de Crookes ont démontré avec certitude l'existence de l'électron. Sur la photo, le tube est rempli d'un gaz à basse pression. Une tension électrique élevée est appliquée entre la cathode (à l'extrémité gauche) et l'anode (à l'extrémité du coude sous le tube). À la cathode, cette tension fait naître un faisceau de particules qui se déplacent en ligne droite (la faible lueur bleue au centre du tube), tant qu'ils ne heurtent pas d'atomes de gaz. À la droite, une pièce métallique en forme decroix de Malte bloque en partie ce flux, ce qui crée une ombre à l'extrémité droite. Les autres particules frappent le fond du tube et le rendent en partieluminescent (lueur vert pâle). Dans le coude sous le tube, le gaz s'illumine (lueur bleue) au passage des particules déviées, collectées par l'anode. Ces particules seront ensuite identifiées comme des électrons[1].
Le concept d'une quantité indivisible de charge électrique est élaboré à partir de 1838 par le naturaliste britanniqueRichard Laming afin d'expliquer les propriétés chimiques desatomes. L'électron est identifié comme le corpuscule envisagé parJoseph John Thomson et son équipe de physiciens britanniques en 1897, à la suite de leurs travaux sur lesrayons cathodiques.
Une gravure montrant une scène fictive : l'homme à gauche maintient en l'air un cerf-volant censé recueillir de l'électricité des nuages.Benjamin Franklin se tient près du fil et un arc électrique lumineux apparaît entre son index et le fil. Illustration publiée en 1881[5].
Lesanciens Grecs ont déjà remarqué que l'ambre attire de petits objets quand il est frotté avec de la fourrure ; en dehors de lafoudre, ce phénomène est la plus ancienne expérience de l'humanité en rapport avec l'électricité[6], un déplacement de particules électriquement chargées.
En 1269,Pierre de Maricourt, un ingénieur militaire au service du prince françaisCharlesIer de Sicile, étudie les propriétés desaimants permanents.« Cette étude, qui nous a été transmise sous forme d'une lettre écrite à l'un de ses collègues, comprend la plupart des expériences élémentaires aujourd'hui décrites dans les manuels de physique. »[7] Dans son traité de 1600De Magnete, le médecin anglaisWilliam Gilbert crée le motlatin « electricus » pour désigner la propriété d'attirer les petits objets après frottement[8]. Le mot « électrique » dérive de l'anglais« electrick », qui dérive lui-même du latin« electricus » :« propre à l'ambre[9] ». Le mot latinēlectrum dérive dugrecἤλεκτρον /êlectron désignant l'ambre.
Francis Hauksbee dans les années 1700 etC. F. du Fay en 1737 découvrent indépendamment deux sortes d'électricité : l'une obtenue en frottant du verre et l'autre engendrée en frottant de la résine. Du Fay en conclut que l'électricité peut se réduire à deuxfluides électriques, « vitreux » et « résineux », que l'on sépare par frottement, et que l'on peut recombiner ensemble[10]. Une décennie plus tard,Benjamin Franklin soutient que l'électricité ne diffère pas des autres types de fluides électriques mais qu'il s'agit de la même chose, sous des pressions différentes. Il lui apporte la terminologie moderne dechargepositive ounégative respectivement[11],[12].
Entre 1838 et 1851, le naturaliste britanniqueRichard Laming développe l'idée qu'un atome est composé d'un noyau de matière, entouré de particules subatomiques qui ont unecharge électrique unité[13]. À partir de 1846, le physicien allemandWilhelm Eduard Weber défend la théorie que l'électricité est composée de fluides chargés positivement et négativement, et qu'uneloi en carré inverse régit leur interaction[14]. Après avoir étudié l'électrolyse en 1874, le physicien irlandaisGeorge Stoney suggère qu'il existe« une seule quantité définie d'électricité » : la charge d'unionmonovalent. Ce postulat lui donne la capacité d'estimer la valeur de cettecharge élémentairee à partir deslois de l'électrolyse de Faraday[15]. Cependant, Stoney croit que ces charges sont attachées de façon permanente aux atomes, et ne peuvent donc leur être enlevées[16]. En 1881, le physicien allemandHermann von Helmholtz est convaincu que les charges positives et négatives sont composées de parties élémentaires, chacune« se comportant comme des atomes d'électricité[17] ».
En 1894, Stoney invente le terme d'« électron » pour désigner ces charges élémentaires, écrivant« […] une estimation a été faite de la valeur réelle de cette unité fondamentale très remarquable d'électricité, pour laquelle je me suis risqué à proposer le nom d'"électron" »[18]. Le mot électron est une combinaison du mot « électrique » et du suffixe « -on », ce dernier étant par la suite utilisé pour désigner uneparticule subatomique, comme le proton ou le neutron[19],[20].
William Crookes etson tube, ancêtre destubes cathodiques, sont devenus notoires en Grande-Bretagne, comme en témoigne cette caricature publiée en 1902 par le journal satiriqueVanity Fair. La légende de cette image était« ubi Crookes ibi lux », ce qui signifie littéralement« Où il y a Crookes, il y a de la lumière » en latin. C'est une allusion religieuse (« crux », la croix) et peut-être aussi un jeu de mots sur les escrocs (« crooks ») et les illuminés, car il s'est aussi intéressé auspiritisme[21].
Pendant leXIXe siècle, les physiciens allemandsJulius Plücker etJohann Wilhelm Hittorf étudient laconductivité électrique des gaz dans des ampoules de verre scellées munies d'unecathode et d'uneanode[22] qui permettent de soumettre le gaz à un courant électrique. En 1869, Hittorf observe l'émission, par la cathode, de« faisceaux de particules » chargées si l'ampoule contient un gaz à basse pression[23],[24]. En 1876, le physicien allemandEugen Goldstein montre que les rayons de cette lueur provoquent une ombre, et il les appellerayons cathodiques[25]. Pendant les années 1870, le chimiste et physicien anglaisWilliam Crookes met au point le premier tube à rayons cathodiques avec unvide poussé à l'intérieur — nommé par la suite « tube de Crookes[26] ». Puis il montre que les rayons lumineux apparaissant dans le tube transmettent de l'énergie, et se déplacent de la cathode vers l'anode. De plus, en appliquant unchamp magnétique, il est capable de défléchir les rayons, montrant ainsi que le faisceau se comporte comme s'il était chargé[27],[28]. En 1879, il propose d'expliquer ces propriétés par ce qu'il appelle« matière radiante ». Il estime qu'il s'agit d'un quatrièmeétat de la matière, consistant enmolécules chargées négativement, projetées à grande vitesse de la cathode[29].
Le physicien britannique né allemandArthur Schuster développe les expériences de Crookes en disposant des plaques métalliques parallèlement aux rayons cathodiques, par lesquelles il peut appliquer différentspotentiels électriques. Le champ électrique défléchit les rayons vers la plaque chargée positivement, ce qui renforce la preuve que les rayons portent une charge négative. En mesurant ladéflexion selon la différence de potentiel, Schuster est capable en 1890 de mesurer lerapport masse sur charge des composants des rayons. Cependant, son calcul donne une valeur plus de mille fois inférieure à la valeur attendue, si bien que les contemporains n'accordent que peu de confiance à son calcul[27],[30]. En 1895, le doctorant et futur physicien françaisJean Perrin établit expérimentalement la nature corpusculaire de l'électron, alors que plusieurs scientifiques de cette époque considèrent l'électron comme une onde[31],[32].
En 1896-1897, le physicien britanniqueJoseph John Thomson et ses collèguesJohn Townsend et Harold A. Wilson réalisent des expériences indiquant que les rayons cathodiques sont effectivement des particules individualisées, plutôt que des ondes, des atomes ou des molécules comme les spécialistes le croient à l'époque[33],[34]. Thomson fait de bonnes estimations à la fois de la chargee et de la massem, trouvant que les particules des rayons cathodiques, qu'il appelle « corpuscules », ont environ un millième de la masse de l'ion le plus léger connu alors : l'hydrogène[35]. Il montre que le rapport charge sur massee/m est indépendant de la matière de la cathode. Il montre de plus que les particules chargées négativement produites par les matériaux radioactifs, les matières chauffées et les matières illuminées sont les mêmes[36]. Son travail considérable sur la déflexion des rayons cathodiques dans un champ électrique est probablement la raison pour laquelle on lui attribue la découverte de l'électron[37],[38],[39]. Le nom d'électron est proposé à nouveau par le physicien irlandaisGeorge F. Fitzgerald, cette fois avec succès[27]. Historiquement, l'électron est la premièreparticule élémentaire mise en évidence[40].
En 1900,Paul Drude propose de considérer l'ensemble des électrons d'un métal comme ungaz parfait. Il parvient alors à justifier théoriquement une conclusion expérimentale selon laquelle les bonsconducteurs électriques sont aussi de bonsconducteurs thermiques. Même si son hypothèse est fausse selon les connaissances actuelles, ce concept de« gaz parfait d'électrons » est encore utilisé en mécanique quantique[41].
En étudiant les minéraux naturellementfluorescents, le physicien françaisHenri Becquerel découvre que ceux-ci émettent des rayonnements en l'absence de toute source d'énergie externe. Ces matériauxradioactifs provoquent l'engouement des scientifiques, y compris celui du physicien néo-zélandaisErnest Rutherford, qui découvre qu'ils émettent des particules. Il leur donne le nom de particulesalpha,bêta etgamma, selon leur pouvoir de pénétration de la matière[42]. En 1900, Becquerel montre que les rayons bêta émis par leradium sont défléchis par unchamp électrique, et que leur rapport masse sur charge est le même que celui des rayons cathodiques[43]. Ce résultat conforte l'idée que les électrons existent comme composants des atomes[44],[45].
La charge de l'électron est mesurée de façon plus précise en 1909 par l'expérience de la goutte d'huile du physicien américainRobert Millikan, qui en publie les résultats en 1911. Cette expérience utilise un champ électrique pour compenser lapesanteur et empêcher ainsi une goutte d'huile chargée de tomber. Ce système permet de mesurer la charge électrique depuis quelques ions jusqu'à 150, avec une marge d'erreur de moins de 0,3 %. Des expériences comparables ont été faites plus tôt par le groupe de Thomson, en utilisant des brouillards de gouttelettes d'eau chargées parélectrolyse[33] et en 1911 parAbram Ioffé, qui a obtenu indépendamment le même résultat que Millikan en utilisant des microparticules de métal, et a publié ses résultats en 1913[46]. Cependant, les gouttes d'huile, moins volatiles, se prêtent mieux à des expériences de longue durée[47].
Lemodèle de Bohr de l'atome, montrant les états de l'électron avec des énergiesquantifiées par le nombren. Un électron qui passe à une orbitale plus basse émet unphoton possédant une énergie égale à la différence d'énergies entre les orbitales en question[50].
Les travaux du physicien néo-zélandaisErnest Rutherford, de 1909 à 1912, l'amènent à conclure que l'atome est constitué d'un petit noyau comprenant toute la charge positive et presque toute la masse de l'atome, noyau qui est entouré d'un nuage électronique[51],[52] (voirExpérience de Rutherford). Le physicien britanniqueHenry Moseley, qui travaille dans le laboratoire de Rutherford en 1913, établit avec certitude l'ordre des éléments chimiques dans letableau périodique[53] (voirLoi de Moseley).
En 1913, le physicien danoisNiels Bohr postule que les électrons sont dans des états quantifiés, dont l'énergie est déterminée par lemoment angulaire autour du noyau. Les électrons peuvent passer d'un état à l'autre, par émission ou absorption de photons à des fréquences spécifiques. Au moyen de ces orbites quantifiées, il explique avec toute la précision requise lesraies spectrales de l'atome d'hydrogène[54].
Les travaux des physiciens allemandsJames Franck etGustav Hertz, de 1912 à 1914, prouvent la quantification desniveaux d'énergie des électrons dans les atomes et confirment donc les hypothèses du modèle de l'atome de Bohr[55] (voirExpérience de Franck et Hertz). Toutes ces expériences établissent solidement la structure de l'atome comme unnoyau chargé positivement et entouré d'électrons de masse plus faible[56].
Cependant, lemodèle de Bohr ne peut rendre compte des intensités relatives des raies spectrales, ni expliquer les spectres d'atomes plus complexes[56]. Malgré ces faiblesses, ce modèle atomique servira d'argument en faveur de lathéorie des quanta[57].
Lesliaisons chimiques entre atomes sont expliquées parGilbert Lewis, qui propose en 1916 que laliaison covalente entre atomes est une paire d'électrons partagés[58]. Plus tard, en 1927,Walter Heitler etFritz London expliquent complètement la formation des paires d'électrons et des liaisons chimiques en termes demécanique quantique[59]. En 1919, le chimiste américainIrving Langmuir raffine le modèle statique d'atome de Lewis, et suggère que tous les électrons sont distribués sur des« couches concentriques (à peu près) sphériques, toutes de même épaisseur[60] ». Les couches sont à leur tour divisées en un certain nombre de cellules, chacune contenant une paire d'électrons. Avec ce modèle, Langmuir explique qualitativement les propriétés chimiques de tous les éléments dutableau périodique[59], que les scientifiques rapprochent selon la loi de similitude[61].
En 1924, le physicien autrichienWolfgang Pauli remarque que la structure en couches de l'atome s'explique par le jeu de quatre paramètres qui définissent tous les états énergétiques, tant que chaque état n'est occupé que par un seul électron[62],[63]. Cette interdiction faite à deux électrons d'occuper le même état est devenue connue sous le nom de « principe d'exclusion de Pauli ». Le mécanisme déterminant le quatrième paramètre et ses deux valeurs, est fourni par les physiciens néerlandaisSamuel Goudsmit etGeorge Uhlenbeck, quand ils suggèrent que l'électron, outre le moment angulaire de son orbite, pourrait avoir un moment angulaire intrinsèque[56],[64]. Cette propriété devient notoire sous le nom de « spin » : elle explique le dédoublement desraies spectrales observé avec unspectrographe à haute résolution, qui est resté mystérieux jusque-là ; ce phénomène est connu sous le nom destructure hyperfine des raies[65]. Le principe de Pauli explique pourquoi la matière dite ordinaire crée ce qui est appelé le « volume » de la matière[66],[67],[68],[69],[70].
Les électrons possèdent, comme toute la matière, la propriétéquantique d'être à la foisondes et corpuscules, si bien qu'ils peuvent avoir des collisions avec d'autres particules, et êtrediffractés comme lalumière. Cette dualité est facile à constater avec les électrons en raison de leur faible masse. Un électron, en raison de son spin, est unfermion, et satisfait donc auprincipe d'exclusion de Pauli[71].
En 1887, l'effet photoélectrique est observé parHeinrich Hertz alors qu'il étudie lesondes électromagnétiques[72], et plusieurs scientifiques ont tenté d'en expliquer les mécanismes, sans résultat. Vingt ans plus tard, en 1905,Albert Einstein propose une première explication, qui lui vaudra leprix Nobel de physique de 1921[73]. Selon lui, des électrons sont émis par la matière seulement si la fréquence de la lumière est supérieure à un certain seuil. Pour y parvenir, il introduit le concept dephoton, en utilisant celui de quantum d'énergie récemment proposé dans un tout autre contexte parMax Planck. L'explication d'Einstein sera l'un des premiers arguments en faveur de lathéorie des quanta[74]. En 1923,Arthur Compton observe l'allongement de la longueur d'onde du photon causée par ladiffusion qui porte son nom, laquelle est provoquée par l'interaction des photons et des électrons.« Ces résultats expérimentaux [sont] les premiers à convaincre la majorité des physiciens de la validité de lathéorie quantique[75]. »
Dans sa publicationRecherches sur la théorie des quanta, en 1924, le physicien françaisLouis de Broglie émet l'hypothèse que toute matière possède uneonde de De Broglie semblable à lalumière[76]. C'est-à-dire que, selon les conditions, les électrons et autres particules matérielles montrent les propriétés soit de particules, soit d'ondes. Les propriétés corpusculaires d'une particule sont patentes quand elle apparaît à tout moment localisée à un endroit dans l'espace le long d'une trajectoire[77]. La nature ondulatoire est observée, par exemple, quand un faisceau passe à travers des fentes parallèles et crée des figures d'interférence. En 1927, l'effet d'interférence avec un faisceau d'électrons est montré par le physicien anglaisGeorge Paget Thomson, au moyen d'un mince film métallique, et par les physiciens américainsClinton Davisson etLester Germer en utilisant un cristal denickel[78].
En mécanique quantique, le comportement d'un électron dans un atome est décrit par uneorbitale, qui est unedistribution de probabilité plutôt qu'une orbite. Sur la figure, l'intensité de la coloration correspond à la probabilité relative de la présence de l'électron de cette orbitale en ce point.
Le succès de la prédiction de De Broglie conduit à la publication parErwin Schrödinger, en 1926, de l'équation de Schrödinger qui décrit avec succès la propagation des électrons en tant qu'onde[79]. Plutôt que de fournir une solution donnant la position d'un électron, cette équation d'onde peut être utilisée pour calculer la probabilité de trouver un électron dans un certain volume. Cette approche est ultérieurement nomméemécanique quantique, et donne une très bonne approximation des états d'énergie dans l'atome d'hydrogène[80]. Une fois le spin et les interactions entre les électrons pris en compte, la mécanique quantique modélise avec succès le comportement des électrons dans les atomes plus complexes que celui de l'hydrogène[81].
En 1928, améliorant le travail de Wolfgang Pauli[82], le physicien britanniquePaul Dirac conçoit un modèle de l'électron — l'équation de Dirac — compatible avec lathéorie de la relativité et lamécanique quantique[83]. Pour résoudre certaines lacunes de son équation relativiste, Dirac développe en 1930 un modèle de vide avec unemer infinie de particules d'énergie négative, parfois nommée« mer de Dirac ». Ceci le conduit à prédire l'existence dupositon, équivalent de l'électron dans l'antimatière[84],[85], « substance » également prédite par Dirac[86],[87]. Le positon est découvert parCarl D. Anderson, qui propose d'appeler les électrons standard« négatrons » et d'utiliser le terme « électron » comme terme générique pour désigner les deux charges sans distinction. Cet usage du terme « négatron » est encore rencontré à l'occasion, et peut être abrégée en « négaton »[88],[89].
En 1947, le physicien américainWillis Lamb, en collaboration avec le thésard Robert Retherford, découvre que certains états quantiques de l'atome d'hydrogène, qui devraient avoir la même énergie, se distinguent par un certain décalage[90], c'est ledécalage de Lamb. À peu près au même moment, le physicien germano-américainPolykarp Kusch, travaillant avec Henry M. Foley, découvre que lemoment magnétique de l'électron est un peu plus grand que celui prédit par la théorie de Dirac. Cet écart sera ultérieurement appelé « moment magnétique anomal » de l'électron. Pour résoudre ces problèmes, une théorie plus élaborée, appelée « électrodynamique quantique », est mise au point parSin-Itiro Tomonaga,Julian Schwinger etRichard Feynman à la fin des années 1940[91],[92],[93].
Photo des participants du5eCongrès Solvay tenu en 1927 sur le thème « Électrons etphotons ». Plusieurs ont réalisé des travaux marquants sur les propriétés de l'électron ou ont mis au point des instruments importants pour les étudier :
L'électron a unecharge électrique de −1,602 × 10−19C[3],[note 4], qui est utilisée comme unité standard de charge pour les particules subatomiques. Selon la limite actuelle de la précision des expériences, la charge de l'électron est directement opposée à celle du proton[100]. Comme le symbolee est utilisé pour lacharge élémentaire, le symbole de l'électron est e−, le signe – indiquant la charge de l'électron. L'antiparticule de l'électron[101], lepositon, de symbole e+, est decharge électrique opposée[3],[102]. Ceci permet l'annihilation d'un électron avec un positon, en ne produisant que de l'énergie sous forme derayons gamma[103],[104].
Les scientifiques pensent, en s'appuyant sur des bases théoriques, que l'électron est stable : comme c'est la particule la plus légère de charge non nulle, sa désintégration violerait laconservation de la charge électrique[113]. Expérimentalement, la limite inférieure pour la vie moyenne de l'électron est de 2,1 × 1036s[4] (l'âge de l'Univers est estimé à 4,34 × 1017s[114]). L'électron diffère en cela des autresleptons chargés, lemuon et letauon, de courtes durées de vie[115].
L'électron a un moment angulaire intrinsèque, ouspin, de[3]. Cette propriété est généralement exprimée en appelant l'électron « particule de spin »[102]. Pour ce genre de particules, la valeur absolue du spin est[note 8], tandis que le résultat de la mesure de laprojection du spin sur n'importe quel axe ne peut être que± ħ/2. Outre le spin, l'électron possède unmoment magnétique le long de son spin[3]. Il est approximativement égal à unmagnéton de Bohr[116],[note 9], qui est une constante physique égale à 9,274 × 10−24J/T[3],[note 10]. La projection du spin sur la direction de laquantité de mouvement de l'électron définit la propriété connue sous le nom d'« hélicité »[117],[118].
La forme d'un électron, si elle existe (en tant que particule élémentaire, l'électron ne devrait pas avoir de dimension et donc pas de forme mais il est entouré d'un nuage departicules virtuelles qui lui, a une forme[119]) ne peut être mesurée que de manière détournée : par la mesure de la répartition spatiale de sa charge électrique. Ainsi une forme de nuage parfaitement sphérique donnerait lieu à un champ électrique homogène dans toutes les directions (monopôle électrique) et une forme non sphérique donnerait lieu à undipôle électrique (dipôle électrostatique). Lemodèle standard suggère que le nuage n'est pas sphérique et qu'il constitue un dipôle électrique. Or il semble que la répartition de sa charge électrique soit proche d'une sphère parfaite, à 10−27cm près[120],[121], c'est-à-dire que le moment de ce dipôle est quasi nul. Si l'on grossissait le nuage de particules virtuelles d'un électron de sorte qu'il ait le diamètre dusystème solaire, son dipôle électrostatique (supposé représenter son défaut de sphéricité) serait, au maximum, de l'ordre de la largeur d'un cheveu[122]. Ce résultat a été mesuré grâce à l'étude par laser de molécules de fluorures d'ytterbium refroidies à très basse température[123]. Si les électrons avaient un défaut de sphéricité (un moment dipolaire), leur champ électrique oscillerait et induirait des déformations de la molécule, ce qui n'a pas été mis en évidence[124].
Résultats d'une expérience montrant à la fois la nature corpusculaire et ondulatoire des électrons grâce à un instrument équivalent auxfentes de Young. Au début de l'expérience (b), des petites taches montrent les endroits où des électrons ont frappé l'écran noir. Lorsque le nombre d'électrons est suffisamment élevé (d et e), les franges d'interférence apparaissent. Le nombre d'électrons dans les photos est d'environ : (b) 200, (c) 6 000, (d) 40 000 et (e) 140 000[125].
L'électron présente unedualité onde-particule, qui peut être démontrée par l'expérience desfentes de Young. Cette propriété lui permet de passer à travers deux fentes parallèles simultanément, plutôt que juste une seule fente, comme cela serait le cas pour une particule classique[126]. Enmécanique quantique, la propriété ondulatoire d'une particule peut être décrite mathématiquement comme une fonction àvaleurs complexes, lafonction d'onde, couramment dénotée par la lettre grecque psi (ψ). Quand lavaleur absolue de cette fonction est élevée aucarré, cela donne la probabilité d'observer une particule dans un petit volume près de la position choisie — unedensité de probabilité[127]. L'électron peut franchir unebarrière de potentiel pareffet tunnel, phénomène que lamécanique classique est incapable d'expliquer et que lamécanique quantique explique en faisant appel à la notion de fonction d'onde[128].
Les électrons sont desparticules indiscernables, parce qu'ils ne peuvent pas être distingués entre eux par leurs propriétés physiques intrinsèques. En mécanique quantique, ceci signifie qu'une paire d'électrons en présence doit pouvoir intervertir leur position sans provoquer de changement observable dans l'état du système. La fonction d'onde des fermions, notamment des électrons, estantisymétrique, c'est-à-dire qu'elle change de signe lors de l'échange de deux électrons :
,
où et sont les positions des deux électrons. Comme la valeur absolue est invariable lors du changement de signe de la fonction, ceci indique que les probabilités sont les mêmes. Lesbosons, tels lesphotons, ont des fonctions d'onde symétriques[127].
Dans le cas de l'antisymétrie, les solutions de l'équation d'onde pour des électrons en interaction résultent en une probabilité nulle que deux électrons occupent la même position, ou, en tenant compte du spin, le même état. C'est la cause duprincipe d'exclusion de Pauli, qui empêche deux électrons d'occuper le même état quantique. Ce principe explique beaucoup de propriétés des électrons. Par exemple, il permet d'affirmer que des nuages d'électrons liés au même noyau occupent desorbitales toutes différentes, plutôt que de tous se concentrer dans l'orbitale la moins énergétique[127].
Les particules élémentaires selon lemodèle standard[129],[130]. L'électron est en bas à gauche. Lesquarks sont en violet, lesbosons en rouge et lesleptons en vert. Lesfermions regroupent à la fois les quarks et les leptons.
Les seconde et troisième générations contiennent desleptons chargés, lemuon et letauon, identiques à l'électron sous tous rapports, sauf leur masse, bien plus élevée. Les leptons diffèrent des autres constituants de base de la matière, lesquarks, parce qu'ils ne sont pas sensibles auxinteractions fortes. Tous les membres du groupe des leptons sont desfermions, parce qu'ils ont unspin[102].
Les physiciens pensent que le vide peut être rempli de paires de particules « virtuelles », comme des électrons et des positons, qui se créent et s'annihilent rapidement ensuite[133]. La combinaison de la variation d'énergie nécessaire à la création de ces particules, et du temps pendant lequel elles existent, reste en dessous du seuil de détectabilité exprimé par leprincipe d'incertitude de Heisenberg :
.
Pratiquement, l'énergie demandée pour créer les particules,, peut être « empruntée » auvide pour une durée, dans la mesure où le produit n'est pas plus grand que laconstante de Planck réduite[134]. Donc pour une paire électron-positon virtuelle,[135].
Vue schématique de paires électron-positon virtuelles apparaissant au hasard près d'un électron (en bas à gauche). Les particules virtuelles, portant une charge électrique,masquent en partie la charge de l'électron pour les autres particules. Puisqu'il y a un nombre immense de particules virtuelles qui existent à tout moment, la charge électrique de l'électronnu — si une telle entité existe — est donc infinie selon l'équation de Dirac[68].
Tant qu'une paire virtuelle électron-positon subsiste, laforce coulombienne duchamp électrique ambiant entourant un électron fait que le positon est attiré par ce dernier, tandis que l'électron de la paire est repoussé. Ceci provoque ce que l'on appelle la « polarisation du vide »[note 11]. En fait, le vide se comporte comme un milieu ayant unepermittivité diélectrique supérieure à l'unité. Donc la charge effective d'un électron estplus faible que sa valeur nominale[137]. Elle est de plus en plus élevée en s'approchant de la particule : les charges portées par les particules virtuelles masquent celle de l'électron[138],[139],[140]. Les particules virtuelles provoquent un effet de masquage comparable pour la masse de l'électron[141].
L'interaction avec des particules virtuelles explique aussi la légère déviation (environ 0,1 %) entre lemoment magnétique intrinsèque de l'électron et le magnéton de Bohr (lemoment magnétique anomal)[116],[142]. La précision extraordinaire de l'accord entre cette différence prévue par la théorie et la valeur déterminée par l'expérience est considérée comme une des grandes réussites de l'électrodynamique quantique[143].
Enphysique classique, lemoment angulaire et lemoment magnétique d'un objet dépendent de ses dimensions physiques. Il paraît donc incohérent de concevoir un électron sans dimensions possédant ces propriétés. Le paradoxe apparent peut être expliqué par la formation dephotons virtuels dans le champ électrique engendré par l'électron. Ces photons font se déplacer l'électron de façon saccadée (ce qui s'appelleZitterbewegung en allemand, ou mouvement de tremblement)[144] qui résulte en un mouvement circulaire avec uneprécession. Ce mouvement produit à la fois lespin et le moment magnétique de l'électron[71],[145]. Dans les atomes, cette création de photons virtuels explique ledécalage de Lamb observé dans les raies spectrales[138].
Un électron engendre un champ électrique qui exerce une force attractive sur une particule positivement chargée, comme un proton, et une force répulsive sur une particule négative. La valeur de cette force est donnée par laloi de Coulomb[146]. Quand un électron est en mouvement, il engendre aussi unchamp magnétique[147], cause dumagnétisme[148]. Laloi d'Ampère-Maxwell relie le champ magnétique au mouvement d'ensemble des électrons (lecourant électrique) par rapport à un observateur. C'est cette propriété d'induction qui fournit l'induction électromagnétique qui fait tourner unmoteur électrique[149]. Le champ électromagnétique d'une particule chargée animée d'un mouvement arbitraire est exprimé par lespotentiels de Liénard-Wiechert, valables même quand la vitesse de la particule s'approche de celle de la lumière (relativiste)[150].
Une particule de chargeq part de la gauche à la vitessev à travers un champ magnétiqueB orienté vers le lecteur. Puisqueq est négatif pour un électron, il suit donc une trajectoire incurvée vers le haut. Si la charge de la particule est nulle, elle se déplace en ligne droite. Si elle est de charge positive, sa trajectoire est incurvée vers le bas.
Quand un électron se déplace dans un champ magnétique, il est soumis à uneforce de Lorentz, dirigée perpendiculairement au plan défini par le champ et la vitesse de l'électron. Cette force perpendiculaire à la trajectoire contraint l'électron, dans un champ magnétique uniforme, à suivre une trajectoirehélicoïdale dans le champ, sur un cylindre (imaginaire) dont le rayon est appelé « rayon de Larmor ». L'accélération due à ce mouvement en courbe conduit l'électron à émettre de l'énergie sous forme derayonnement synchrotron[151],[152],[note 12]. L'émission d'énergie à son tour provoque un recul de l'électron, ce qui est connu sous le nom de « force d'Abraham-Lorentz-Dirac », qui crée une friction qui ralentit l'électron. Cette force est provoquée par une réaction du propre champ de l'électron[153].
Enélectrodynamique quantique, l'interaction électromagnétique entre particules est transmise par des photons. Un électron isolé, qui ne subit pas d'accélération, ne peut pas émettre ni absorber un photon réel : ceci violerait laconservation de l'énergie et de laquantité de mouvement. En revanche, desphotons virtuels peuvent transférer de la quantité de mouvement entre deux particules chargées. C'est cet échange de photons virtuels qui, en particulier, engendre la force de Coulomb[154]. Une émission d'énergie peut avoir lieu quand un électron en mouvement est défléchi par une particule chargée, comme un proton. L'accélération de l'électron résulte en émission derayonnement continu de freinage[155].
Ici, lerayonnement continu de freinage est produit par un électrone défléchi par le champ électrique d'un noyau atomique. Le changement d'énergie détermine la fréquencef du photon émis.
Unecollision inélastique entre un photon (lumière) et un électron solitaire (libre) s'appelle « diffusion Compton ». Cette collision résulte en un transfert d'énergie et demoment entre les particules, qui modifie la longueur d'onde du photon par une quantité appelée « décalage Compton »[note 13]. La valeur maximale de ce décalage est (avec, laconstante de Planck,, la masse de l'électron et, lavitesse de la lumière), que l'on désigne sous le nom de « longueur d'onde de Compton »[157]. Pour un électron, elle vaut 2,43 × 10−12m[3]. Une telle interaction entre la lumière et les électrons libres est appelée « diffusion Thomson » ou « diffusion linéaire de Thomson »[158].
La force relative de l'interaction électromagnétique entre deux particules, comme un électron et un proton, est donnée par laconstante de structure fine. C'est une quantité sans dimension formée par le rapport de deux énergies : l'énergie électrostatique d'attraction (ou de répulsion) à la distance d'une longueur d'onde de Compton, et l'énergie au repos de la charge. La constante est donnée parα ≈ 7,297 353 × 10−3, qui vaut approximativement 1/137[3].
Quand des électrons et des positons entrent en collision, ils peuvent s'annihiler, donnant 2 ou 3 photons. Si l'électron et le positon ont un moment négligeable, il peut se former unétat lié (positronium) avant que l'annihilation ne se produise, donnant 2 ou 3 photons, dont l'énergie totale est1,022MeV[159],[160]. Par ailleurs, des photons de haute énergie peuvent se transformer en une paire d'électron et positon par un processus inverse de l'annihilation que l'on appelle « production de paires », mais seulement en présence d'une particule chargée proche, comme un noyau, susceptible d'absorber le moment de recul[161],[162].
En théorie desinteractions électrofaibles, la composantegauche de la fonction d'onde de l'électron forme un doublet d'isospin faible avec leneutrino-électron. Vis-à-vis desinteractions faibles, les neutrinos-électrons se comportent en effet comme des électrons. Chaque membre de ce doublet peut subir une interaction parcourant chargé transformant l'un en l'autre par émission ou absorption de boson W±, cette transformation étant à la base de ladésintégration β des noyaux. L'électron, comme le neutrino, peut subir une interaction parcourant neutre couplé au Z0, ce qui est notamment la cause de la diffusion électron-neutrino[163]. En plus de l'isospin, l'électron est doté d'unehypercharge selon lathéorie électrofaible[164].
Plan cartésien, centré sur un noyau d'hydrogène, présentant desdensités de probabilité pour les quelques premièresorbitales de l'atome. Le niveau d'énergie d'un électron lié détermine l'orbitale qu'il occupe, et la couleur reflète la probabilité de trouver l'électron à une position donnée.
Animation
Un électron peut être « lié » au noyau d'un atome par laforce de Coulomb attractive[165]. Un système d'électrons liés à un noyau en nombre égal à la charge positive de ce dernier est appelé un « atome neutre »[166]. Si le nombre d'électrons est différent, le système s'appelle un « ion »[167]. Le noyau des atomes comporte desprotons et, en général, desneutrons. Les atomes sont donc formés de trois particules : électrons, neutrons et protons[168],[169]. Le comportement ondulatoire d'un électron lié est décrit par une fonction appelée « orbitale atomique ». Chaque orbitale a son propre ensemble de nombres quantiques, tels que l'énergie, lemoment angulaire et la projection de ce dernier sur un axe donné[170]. Suivant leprincipe d'exclusion de Pauli, chaque orbitale ne peut être occupée au plus que par deux électrons, de spins différents[171].
Les électrons peuvent changer d'orbitale par émission ou absorption d'unphoton dont l'énergie égale la différence d'énergie potentielle entre cesorbitales atomiques[172]. D'autres méthodes de transfert d'orbitale comprennent les collisions avec des particules comme les électrons, et l'effet Auger[173]. Pour s'échapper d'un atome, l'énergie de l'électron doit être hissée au-dessus de sonénergie de liaison à l'atome. Ceci peut arriver dans l'effet photoélectrique, quand un photon incident a une énergie qui dépasse l'énergie d'ionisation de l'électron qui l'absorbe[174].
Le moment angulaire orbital des électrons estquantifié. Comme l'électron est chargé, il produit un moment magnétique orbital proportionnel à son moment angulaire. Le moment magnétique total d'un atome est égal à la somme des moments magnétiques propres et orbitaux de tous les électrons et du noyau. Celui du noyau, cependant, est négligeable par rapport à celui des électrons. Les moments magnétiques des électrons qui occupent la même orbitale (électronsen paire) s'annulent[175].
En physique, laliaison chimique entre atomes résulte d'interactions électromagnétiques, décrites par les lois de la mécanique quantique[176]. Selon leur proximité du noyau, les chimistes considèrent lesélectrons de cœur et lesélectrons de valence ; ce sont ces derniers qui interviennent dans la liaison chimique[177]. Les plus fortes sont lesliaisons covalentes et lesliaisons ioniques, qui permettent la formation demolécules[178]. Dans une molécule, les électrons se déplacent sous l'influence de plusieurs noyaux, et occupent desorbitales moléculaires, de la même façon qu'ils occupent des orbitales dans des atomes isolés[179]. Un facteur fondamental dans ces structures moléculaires est l'existence de paires d'électrons : celles-ci sont des électrons de spins opposés, ce qui leur permet d'occuper la même orbitale moléculaire sans violer le principe d'exclusion de Pauli (de la même manière que dans les atomes). Les orbitales moléculaires différentes ont des distributions spatiales de densité d'électrons différentes. Par exemple, dans les paires liantes — qui lient les atomes ensemble, on trouve des électrons avec une densité maximale dans un relativement petit volume entre les atomes. Au contraire, pour les paires non liantes, les électrons sont distribués dans un grand volume autour des noyaux[180]. C'est l'existence de paires liantes, où des électrons périphériques sont mis en commun par deux atomes voisins, qui caractérise la liaison covalente. La liaison ionique s'établit lorsque deuxions sont fortement liés par attractionélectrostatique[181], ce qui se produit si un électron d'un atome a une orbitale moléculaire majoritairement située à proximité de l'autre atome.
Un éclair defoudre consiste en premier lieu en un courant d'électrons[184]. Le potentiel électrique nécessaire pour la foudre peut être engendré par un effettriboélectrique[185],[186].
Si un corps a trop d'électrons, ou pas assez, pour équilibrer les charges positives des noyaux, il a une charge électrique non nulle : négative s'il y a trop d'électrons ; positive dans le cas contraire. Si les charges s'équilibrent, le corps est dit neutre[187].
Des électrons se déplaçant indépendamment, comme dans le vide, sont dits « libres ». Les électrons de valence dans les métaux se comportent aussi comme s'ils étaient libres. De plus, il peut y avoir dans un solide destrous, qui sont des endroits où manque un électron. Ces trous peuvent être comblés par les électrons voisins, mais cela ne fera que déplacer les trous. On peut avoir dans des solides une prédominance de la conduction de l'électricité par le déplacement de trous, plutôt que par le déplacement d'électrons. En fait, les particules porteuses de charge dans les métaux et autres solides sont des « quasi-particules », de charge électrique négative ou positive, semblables aux électrons réels[188].
Quand les électrons libres se déplacent — que ce soit dans le vide ou dans un métal, ils produisent un courant de charges net, que l'on appellecourant électrique, qui engendre unchamp magnétique. De même, un courant peut être engendré par un champ électrique, éventuellement provoqué par un champ magnétique variable (induction électromagnétique). Ces interactions sont décrites mathématiquement par leséquations de Maxwell[189].
À une température donnée, chaque matériau a uneconductivité électrique qui détermine la valeur du courant électrique quand unpotentiel électrique est appliqué. Des exemples de bons conducteurs comprennent des métaux comme lecuivre et l'or, tandis que le verre et leTeflon sont de mauvais conducteurs (ce sont desisolants). Dans tout matériaudiélectrique, les électrons restent liés à leurs atomes respectifs, et le matériau se comporte comme unisolant électrique. La plupart dessemi-conducteurs ont un degré de conductivité variable entre les extrêmes du conducteur et de l'isolant[190]. Par ailleurs, lesmétaux ont une structure enbandes électroniques dont certaines ne sont que partiellement remplies. La présence de ce type de bandes permet aux électrons de se comporter comme s'ils étaient libres ou délocalisés. Quand un champ électrique est appliqué, ils peuvent se déplacer comme les molécules d'un gaz (appelé « gaz de Fermi »)[191] à travers la matière, un peu comme des électrons libres. Ces phénomènes sont à la base de toute l'électricité :électrocinétique,électronique etradioélectricité.
En raison des collisions entre électrons et atomes, lavitesse de dérive des électrons dans un conducteur est de l'ordre du mm/s. Cependant la vitesse à laquelle un changement de courant en un point de la matière se répercute sur les courants en d'autres points, lacélérité, est typiquement 75 % de lavitesse de la lumière dans le vide[192]. Ceci se produit parce que les signaux électriques se propagent comme une onde, avec une vitesse qui ne dépend que de laconstante diélectrique, ou permittivité[193], du milieu.
Les métaux sont de relativement bons conducteurs de la chaleur, avant tout parce que les électrons délocalisés peuvent transporter de l'énergie thermique d'un atome à l'autre. Cependant, contrairement à la conductivité électrique, la conductivité thermique d'un métal est pratiquement indépendante de la température. Ceci s'exprime mathématiquement par laloi de Wiedemann et Franz[191], qui dit que le rapport de laconductivité thermique à laconductivité électrique est proportionnel à la température. Comme le désordre thermique du réseau du métal accroît larésistivité du milieu, cela conduit le courant électrique à dépendre de la température[194]. Dans les matériaux conducteurs, les électrons entrent en collision entre eux à un certain taux. Ces collisions expliquent la résistance électrique et les pertes d'énergie. Dans les métaux dits étranges, le nombre de collisions est nettement plus grand que celui des matériaux conducteurs. Lorsque soumis à une très basse température, un matériau constitué d'uncuprate perd toute résistance électrique. S'il est de plus soumis à une champ magnétique très grand, le taux de collisions des électrons ne peut pas excéder une certaine limite, qui semble indépendante du type de matériau[195],[196].
Quand on les refroidit en dessous d'unetempérature critique, les substances peuvent subir unetransition de phase qui leur fait perdre toute résistivité au courant électrique, phénomène appelé « supraconductivité ». Dans lathéorie BCS, ce comportement est expliqué par des paires d'électrons (formant desbosons) qui entrent dans l'état connu sous le nom de « condensat de Bose-Einstein ». Cespaires de Cooper voient leur mouvement couplé à la matière environnante par des vibrations du réseau nommées « phonons », évitant ainsi les collisions avec les atomes responsables de la résistance électrique[197],[198],[199],[200].
Dans les conducteurs solides, les électrons sont des quasi-particules. Quand ils sont fortement confinés aux températures proches duzéro absolu, ils se comportent comme s'ils se décomposaient en deux autresquasi-particules, des spinons et des chargeons[201],[202]. La première transporte le spin et le moment magnétique ; la seconde, la charge électrique : c'est laséparation spin-charge.
« Je veux […] vous parler du domaine de la physique le mieux connu, à savoir l'interaction de la lumière et des électrons. La plupart des phénomènes qui vous sont familiers mettent en jeu cette interaction de la lumière et des électrons — c'est le cas, par exemple, de l'ensemble des phénomènes physiques traités par lachimie et labiologie. Seuls les phénomènes degravitation et les processus nucléaires échappent à cette théorie […] »
Ladiffusion optique, une interaction entre la lumière et les électrons, explique laréflexion optique[209]. Ladiffusion Rayleigh permet d'expliquer lacouleur du ciel[210] et la couleur des plumes de certains oiseaux[211]. Laréfraction des ondes électromagnétiques est aussi issue de l'interaction de la lumière et des électrons[212]. Ces phénomènes optiques sont aussi causés par l'interaction desphotons avec d'autres particules chargées tel leproton[213]. La plupart des interactions des photons avec la matière se ramènent à trois phénomènes :effet photoélectrique,diffusion Compton et production de paires électron-positon (ou matérialisation)[214],[215]. Ils se manifestent la plupart du temps en présence d'électrons, car ce sont les particules chargées les moins lourdes[216],[217]. L'effet photovoltaïque est obtenu par absorption des photons dans un matériau semi-conducteur qui génère alors des paires électrons-trous (excitation d'un électron de labande de valence vers la bande de conduction) créant une tension ou uncourant électrique. Il est notamment utilisé dans lespanneaux solaires photovoltaïques[218].
Selon larelativité restreinte d'Albert Einstein, quand la vitesse d'un électron se rapproche de lavitesse de la lumière, du point de vue d'un observateur, samasse relativiste augmente, ce qui rend de plus en plus difficile de l'accélérer à partir du repère de l'observateur. Ainsi, la vitesse d'un électron peut s'approcher de la vitesse de la lumière dans le videc, mais jamais l'atteindre. Si un électron relativiste, c'est-à-dire se déplaçant à une vitesse proche dec, est injecté dans un milieu diélectrique comme l'eau, où la vitesse de la lumière est significativement inférieure àc, il va se déplacer plus vite que la lumière dans le milieu. Le déplacement de sa charge dans le milieu va produire une légère lumière appelée « rayonnement Tcherenkov »[219],[220],[221] pareffet Tcherenkov.
Lefacteur de Lorentzγ en fonction de la vitessev. Il part de l'unité et tend vers l'infini quandv tend versc.
Les effets de la relativité restreinte sont basés sur une quantité appeléefacteur de Lorentz[222], défini comme
,
oùv est la vitesse de la particule. L'énergie cinétique d'un électron se déplaçant à la vitessev est :
Production d'une paire électron-positon par collision d'un photon (venant de la gauche) avec le noyau d'un atome. Le symbole de l'éclair représente un échange de photons virtuels, donc l'action d'une force électrique. L'angle entre les deux particules produites est très petit[226].
Les électrons sont détruits lors de lacapture électronique qui survient dans lesnoyaux d'atomes radioactifs. En 1937, étudiant les réactions nucléaires dans levanadium 49, le physicien américainLuis Walter Alvarez observe le premier des captures électroniques[227],[228].
La plupart des électrons de l'Univers ont été créés lors duBig Bang[229],[230]. Ils peuvent être aussi produits parradioactivité β desnoyaux radioactifs[231] et dans des collisions de haute énergie telles celles engendrées par la pénétration derayons cosmiques dans l'atmosphère terrestre[232],[233]. Il existe trois processus de création d'électrons.
où γ est unphoton, e+ unpositon et e− un électron. Inversement, des paires électron-positon s'annihilent pour émettre des photons énergétiques. Il y a donc pendant cette période un équilibre entre électrons, positons et photons. Au bout de 15 secondes, latempérature de l'Univers est descendue sous la valeur où la création de paires positon-électron peut avoir lieu. La plupart des électrons et des positons qui restent s'annihilent, relâchant des photons qui réchauffent l'univers pour un temps[236].
Pour des raisons encore inconnues de nos jours, pendant le processus deleptogénèse, il y a en fin de compte plus d'électrons que de positons[237]. Il en résulte qu'un électron sur environ un milliard a survécu au processus d'annihilation. Cet excès a compensé l'excès desprotons sur lesantiprotons, dans le processus appelé « baryogénèse », ce qui résulte en une charge nette nulle pour l'Univers[238],[239]. Les protons et neutrons qui ont survécu ont commencé à réagir ensemble, dans un processus appelénucléosynthèse primordiale, formant desisotopes de l'hydrogène et de l'hélium, ainsi qu'un tout petit peu delithium. Ce processus a culminé au bout de 5 minutes[240]. Tous les neutrons résiduels ont subi unedésintégration β, avec une vie moyenne de mille secondes, relâchant un proton, un électron et unantineutrino, par le processus :
où n est unneutron, p un proton et un antineutrino électronique. Pour la période allant jusqu'à 300 000-400 000 ans, les électrons restants sont trop énergétiques pour se lier auxnoyaux atomiques[241], et toute la lumière circulant dans l'Univers est constamment diffusée par ces électrons. Il suit une période que l'on appelle la « recombinaison », où les atomes neutres sont formés, et l'univers en expansion devient transparent au rayonnement[242].
Environ un million d'années après le Big Bang, la première génération d'étoiles commence à se former[242]. Dans une étoile, lanucléosynthèse stellaire aboutit à la production depositons par fusion de noyaux atomiques et désintégration β+ des noyaux ainsi produits, qui transforme l'excès de protons en neutrons. Les positons ainsi produits s'annihilent immédiatement avec les électrons, en produisant desrayons gamma. Le résultat net est une réduction constante du nombre d'électrons, et la conservation de la charge par un nombre égal de transformations de protons enneutrons. Cependant, le processus d'évolution stellaire peut aboutir à la synthèse de noyaux lourds instables, qui à leur tour peuvent subir des désintégrations β−, ce qui recrée de nouveaux électrons[243]. Un exemple en est le nucléidecobalt 60 (60Co), qui se désintègre ennickel 60 (60Ni)[244].
Au bout de sa vie, une étoile plus lourde que 20 masses solaires peut subir uneffondrement gravitationnel pour former untrou noir[245]. Selon la physique classique, ces objets stellaires massifs exercent uneattraction gravitationnelle suffisamment forte pour empêcher tout objet, y compris le rayonnement électromagnétique, de s'échapper durayon de Schwarzschild[246]. Cependant des astrophysiciens pensent que les effets quantiques permettent au trou noir d'émettre un faiblerayonnement de Hawking à cette distance et que des électrons (et des positons) sont créés à l'horizon des trous noirs[247].
Quand des paires de particules virtuelles — comme un électron et un positon — sont créées au voisinage de l'horizon, leur distribution spatiale aléatoire peut permettre à l'une d'entre elles d'apparaître à l'extérieur : ce processus est nomméeffet tunnel quantique. Lepotentiel gravitationnel du trou noir peut alors fournir l'énergie qui transforme cette particule virtuelle en une particule réelle, ce qui lui permet de se répandre dans l'espace[248]. En échange, l'autre membre de la paire reçoit une énergie négative, ce qui résulte en une perte nette de masse-énergie du trou noir. Le rythme du rayonnement de Hawking croît quand la masse décroît, ce qui finit par provoquer l'évaporation complète du trou noir[249].
Lesrayons cosmiques sont des particules se déplaçant dans l'espace avec de très grandes énergies. Des événements avec des énergies jusqu'à3 × 1020eV ont été observés[250]. Quand ces particules rencontrent desnucléons dans l'atmosphère terrestre, elles engendrent une gerbe de particules, comprenant despions[251]. Plus de la moitié du rayonnement cosmique observé au niveau du sol consiste enmuons. Le muon est un lepton produit dans la haute atmosphère par la désintégration d'un pion[252]. À son tour, le muon va se désintégrer pour former un électron ou un positon. Donc, pour le pion négatif π−,
Lesaurores polaires sont principalement provoquées par des électrons énergétiques en provenance du Soleil, pénétrant dans l'atmosphère[253].
L'observation à distance des électrons exige la détection de l'énergie qu'ils rayonnent. Par exemple, dans des environnements riches en phénomènes énergétiques comme lacouronne des étoiles, les électrons libres forment unplasma et transmettent de l'énergie parrayonnement continu de freinage. Le gaz d'électrons peut subir uneonde de plasma, qui consiste en ondes provoquées par des variations synchronisées de la densité d'électrons, ce qui provoque des émissions d'énergie détectables avec desradiotélescopes[254].
Dans les conditions de laboratoire, les interactions d'un électron peuvent être observées au moyen dedétecteurs de particules, ce qui permet la mesure des propriétés spécifiques telles que l'énergie, le spin ou la charge[174]. La mise au point des pièges dePaul et dePenning permet de contenir des particules chargées dans un petit volume pour de grandes durées. Ceci permet des mesures précises des propriétés des particules[255],[note 15].
La distribution des électrons dans les solides peut être visualisée parspectrométrie photoélectronique UV analysée en angle. Cette technique utilise l'effet photoélectrique pour mesurer leréseau réciproque — représentation mathématique des structures périodiques utilisée pour déduire la structure originelle. L'ARPES peut être utilisée pour déterminer la direction, la vitesse et la diffusion des électrons au sein du solide[259].
Chaîne de transport d'électrons : une série d'enzymes et de coenzymes qui réalise globalement deux actions simultanément : elle transfère des électrons depuis des donneurs d'électrons vers des accepteurs d'électrons au cours de réactions d'oxydoréduction successives, et elle assure le pompage de protons ou d'autres cations à travers une membrane biologique[266] ;
Électrons équivalents : électrons d'un atome ayant les mêmesnombres quantiquesn etl, ils occupent donc la même sous-couche[267] ;
Électron K, L… : qui appartient à la couche K, L, etc.[267] ;
Électron liant : occupe une orbitale liante d'une molécule et participe donc à laliaison chimique[267] ;
Électron libre : électron faiblement attaché au noyau d'un atome[268]. Également, de façon imagée, se dit d'une personne agissant selon ses valeurs, en dehors des normes établies par une institution[9].
Électron optique : présent dans la couche non saturée la plus externe de l'atome, il intervient dans les liaisons chimiques[267] ;
Électron-volt : unité de mesure de l'énergie surtout utilisée en physique des particules[267] ;
Laser à électrons libres : type de laser qui fonctionne en utilisant des électrons qui ne sont pas liés à un atome, d'où l'adjectif « libres », pour créer des photons[272] ;
↑Enthéorie des supercordes, l'électron n'est pas ponctuel car il n'existe« qu'un seul constituant élémentaire : une toute petite corde unidimensionnelle[trad 1] »[108].
↑Le rayon classique de l'électron peut être estimé de la façon suivante : supposons que la charge de l'électron soit distribuée uniformément sur une surface sphérique de rayon. Il est alors associé à ce système l'énergie potentielle électrostatique d'un condensateur sphérique, où est lapermittivité du vide. Si l'on égale cette énergie à celle de l'énergie au repos de l'électron, où est la masse de l'électron et la vitesse de la lumière dans le vide, on obtient[112].
↑Cette valeur s'obtient à partir de la valeur du spin par :
↑La vitesse de l'électron étant voisine dec, la mécanique classique donnerait un momentmc, alors que la mécanique relativiste donne, d'où un facteur de 100 000.
↑Le moment magnétique de l'électron a été mesuré avec une précision de 11 chiffres significatifs, ce qui, en 1980, était une précision supérieure à la mesure de toute autre constante physique[256].
↑Par exemple, les deux ont rapporté leurs observations sur les spectres lumineux dans(en)Dr. J.Plücker et Dr. J. W.Hittorf, « On the Spectra of Ignited Gases and Vapours, with especial regard to the different Spectra of the same elementary gaseous substance »,Philosophical Transactions,,p. 3-4(lire en ligne[PDF])
Le fichier pèse 17 Mo et l'article comprend 53 pages.
↑LaurentFavart,« Annihilation électron-positon », dans Laurent Favart,Physique auprès des collisionneurs, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 2011-2012(lire en ligne[PDF]),p. 35-36
« The researchers discovered that the effect of this cloud of virtual particles in shielding the electron's charge was reduced the closer a particle penetrated to the core of the electron. The true value of the electromagnetic charge near the centre of the electron was far greater than at the edge. »
↑John W.ill, Ralph H.Petrucci, MartinLamoureux et MartinDion,Chimie générale, Saint-Laurent, Canada, Éditions du Renouveau Pédagogique,(ISBN2-7613-1206-6),p. 282
« Les sources du rayonnement électromagnétique sont des charges accélérées. »
↑FrançoisRothen,Physique générale : La physique des sciences de la nature et de la vie, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes,, 862 p.(ISBN978-2880743963,lire en ligne),p. 416 :
« Un rayonnement magnétique, quel qu'il soit, est nécessairement produit par l'accélération de charges électriques. »
↑(en)MaxBorn (auteur),EmilWolf (auteur), A. B.Bhatia (contributeur), P. C.Clemmow (contributeur), D.Gabor (contributeur), A. R.Stokes (contributeur), A. M.Taylor (contributeur), P. A.Wayman (contributeur) et W. L.Wilcock (contributeur),Principles of Optics : Electromagnetic Theory of Propagation, Interference and Diffraction of Light,Cambridge University Press,,7eéd., 986 p.(ISBN978-0521642224),p. 742
↑(en)Igor Y.Tamm,General Characteristics of Radiation Emitted by Systems Moving with Super-Light Velocities with Some Applications to Plasma Physics : Nobel Lecture, December 11, 1958, Oslo,Fondation Nobel,(lire en ligne[PDF]),p. 13
La version du 14 février 2013 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.