L'Église orthodoxe tewahedo éthiopienne (amharique :የኢትዮጵያ ኦርቶዶክስ ተዋሕዶ ቤተ ክርስቲያን (yäItyop'ya ortodoks tewahedo bétä krestiyan)Écouterⓘ) est une dénomination établie enÉthiopie,autocéphale depuis 1951, qui fait partie de l'ensemble formé par lesÉglises des trois conciles[1]. Il s'agit de l'une des plus anciennes églises chrétiennes du monde, constituée vers leIVe siècle[2].
À partir duXIIIe siècle, avec la prise de pouvoir par ladynastie salomonide, l'Église connaît une période de renouveau théologique et de renforcement de ses positions. Elle diffuse la religion dans le pays, y instaure un système éducatif, et poursuit le développement liturgique et artistique débuté sous les précédents régimes. AuXVIe siècle, avec laguerre contre le sultanat d'Adal, le christianisme éthiopien est sur le point de s'effondrer avec le Royaume, comme disparaît alors le christianisme en Nubie. C'est en partie l'arrivée de soldatsportugais qui lui permet de survivre. Les missionnaires qui les accompagnaient sont expulsés du pays en 1632 après avoir tenté de convertir le pays aucatholicisme.
Sous les règnes deYohannes IV etMenelik II, l'Église trouve de forts soutiens politiques, le premier tente de minimiser la présence de missionnaires étrangers tandis que le second profite desconquêtes menées pour encourager en même temps des campagnes de christianisation.
À partir de 1926, l'Église entreprend une marche vers l'autonomie vis-à-vis du patriarcat d'Alexandrie et en 1951, elle devient officiellement autocéphale.
Jusqu'en 1959, le dirigeant de l'Église d'Éthiopie était un moine égyptien nommé archevêque (abouna) par le patriarche copte d'Alexandrie. Le terme « Église copte d'Éthiopie » était donc couramment utilisé, mais cette dénomination tend à disparaître depuis 1959.
En 1948, un agrément entre les Églises d'Égypte et d'Éthiopie a mis en place un régime d'autocéphalie, les évêques éthiopiens obtenant le droit d'élire leur proprepatriarche pour le remplacement futur de l'archevêque en poste. En 1959, le premier patriarche éthiopien, l'abouna Basilios, fut désigné et obtint une dernière fois la validation dupatriarche d'Alexandrie,Cyrille VI.
Entre 1974 et 1991, sous la direction de la junte militaire léniniste-marxiste duDerg, le christianisme éthiopien orthodoxe perd son statut dereligion d'État et son influence politique est diminuée. Depuis 1991, sous la direction duFront démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien, l'Éthiopie reste un État laïc mais l'Église maintient une certaine influence ; elle doit faire face à l'arrivée de missionnaires évangéliques et à la montée d'un islam radical dans laCorne de l'Afrique.
L'Église orthodoxe éthiopienne utilise un calendrier liturgique qui a la particularité de combiner des fêtes annuelles et des fêtes mensuelles (le 7 de chaque mois est célébrée la Trinité, le 12, saint Michel archange, le 16, la « promesse de miséricorde » -kidane mehret,ኪዳነ ምሕረት - promesses de Dieu à Marie concernant le salut des croyants -, le 21, l'Assomption de Marie, le 27, la mort du Seigneur, le 29, la naissance du Seigneur).
Plusieurs temps du calendrier liturgique sont associés à des pratiques d'abstinence et de jeûne suivies strictement par beaucoup de fidèles, pour un total d'au moins 180 jours obligatoires (un seul repas par jour, sans viande ni œufs ni produits laitiers, et pour la majorité des fidèles, sans poisson, que certains tolèrent).
Peintures sur l'égliseUra Kidane Mihret de confession orthodoxe éthiopienne près dulac Tana. Photo février 2018.
1.Églises de cavernes : construites en pierre ou en bois à l'intérieur de cavernes ou de voûte rocheuse
2.Églises hypogées (ou "souterraines" ou "troglodytes") : creusées dans l'épaisseur de falaises et ne laissant apparaître que peu d'éléments à l'air libre
3.Églises monolithes : sculptées dans un gros bloc de rocher[7].
Après la chute du régime du Derg en1991 et l'installation de nouvelles autorités, l’abouna Merkorios abdiqua. L'Église procéda alors à l'élection d'un nouveau patriarche, l’abouna Paulos. Merkorios partit s'installer à l'étranger, d'abord auKenya puis auxÉtats-Unis, et annonça que son abdication avait eu lieu sous la contrainte et qu'il était toujours le patriarche légitime de l'Église d'Éthiopie. Plusieurs évêques qui l'avaient suivi en exil formèrent un synode alternatif.
En, treize nouveaux évêques ont été ordonnés par l'abouna Merkorios et par quatre autres évêques.
En, le premier ministre éthiopienAbiy Ahmed en visite auxÉtats-Unis annonce un accord entre l’Église orthodoxe officielle dirigée par le patriarcheAbune Mathias et les communautés chrétiennes de la diaspora fidèles au patriarcheAbuna Merkorios. L'accord prévoit le retour du patriarche dans son pays où il sera hébergé dans une résidence réservée pour lui, et que désormais l’Église officielle et la diaspora ne formeront plus qu'un seul Synode[8].
Abba Yesehaq(en), archevêque de l'hémisphère occidental depuis1979, ne reconnut pas non plus le nouveau patriarche et rompit la communion avec lui en1992. Il fut suivi par un certain nombre de fidèles. En réponse, le synode officiel le suspendit et créa trois nouvelles juridictions pour les communautés hors d'Éthiopie (archidiocèse des États-Unis et duCanada, archidiocèse desCaraïbes et d'Amérique latine et archidiocèse d'Europe occidentale).
Abba Yesehaq déclara alors l'indépendance de l'archidiocèse orthodoxe éthiopien de l'hémisphère occidental. La nouvelle juridiction compte plusieurs paroisses et missions en Amérique du Nord, dans les Caraïbes, ainsi qu'enAfrique du Sud. Abba Yesehaq est décédé le.
Après l'accession de l'Érythrée à l'indépendance en 1993, la branche érythréenne de l'Église éthiopienne est devenue autonome sous le nom deÉglise orthodoxe érythréenne.
Du temps de la monarchie, l'empereurHaïlé Sélassié Ier, en tant que chef de l'Église d'Éthiopie[12], a rencontré à plusieurs reprises différentssouverains pontifes (Pie XI le reçut auVatican en 1924, alors qu'il était régent de l'Empire, etPaul VI le rencontra à Genève en 1969[13], puis le reçut au Saint-Siège l'année suivante[14]), assurant ainsi personnellement le dialogue entre les deux institutions.
Le une rencontre entre le patriarche de l'Église d'Éthiopie, l’abounaPaulos, et le papeJean-Paul II eut lieu àRome. Ils ont, à cette occasion, souligné la communion profonde qui existe entre les deux Églises :
« Nous partageons la même foi venue des Apôtres, les mêmes sacrements et le même ministère enraciné dans la succession apostolique. En effet, nous pouvons affirmer aujourd'hui que nous avons la même foi au Christ, alors que, pendant longtemps, elle a été entre nous une cause de division »
Depuis 2004, un dialogue régulier a lieu dans le cadre de la « Commission mixte internationale entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe orientale ». Le, l’abouna Paulos a rencontré le papeBenoît XVI à Rome. Une délégation du Saint-Siège était présente, en 2012, aux funérailles de l’abouna Paulos. Le, une rencontre entre le patriarche de l'Église d'Éthiopie, l’abounaMatthias, et lepape François se déroula à Rome.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Theresa Hainthaler, « La foi au Christ dans l’Église éthiopienne : une synthèse des éléments judéo-chrétiens et helléno-chrétiens »,Revue des sciences religieuses,t. 71,no 3,,p. 329-337(lire en ligne, consulté le)
The Church of Ethiopia. A panorama of History and spiritual life, Addis Abeba, Publication of the Ethiopian Orthodox Church, 1970, 97 p.
[The EOC (1970)] Aymro Wondmagegnehu et Joachim Motovu,The Ethiopian Orthodox Church, Addis Abeba, The Ethiopian Orthodox Mission,, 181 p.
Jean-Pierre Valognes,Vie et mort des chrétiens d'Orient, Paris, Fayard, 1994(ISBN2213030642).
Kirsten Stoffregen-Pedersen,Les Éthiopiens, Turnhout,Brepols (col. Fils d'Abraham), 1996(ISBN2503500048).
Vie et spiritualité des Églises orthodoxes orientales : des traditions syriaque, arménienne, copte et éthiopienne, Paris,Le Cerf,, 470 p.(ISBN978-2-204-08979-1).
Hervé Pennec,Des Jésuites au royaume du prêtre Jean (Éthiopie) : stratégie, rencontres et tentatives d'implantation 1495-1633, Paris, Centre culturel Calouste Gulbenkian, 2003, 273 p.(ISBN9728462328).
Stéphane Ancel et Eloi Ficquet,« L'Église orthodoxe tewahedo d'Éthiopie et les enjeux contemporains », dans Gérard Prunier (dir.),L'Éthiopie contemporaine, Karthala,(lire en ligne).