À la mort de son pèreAlfred le Grand, en 899, Édouard est confronté à la révolte de son cousinÆthelwold, qui revendique le trône. Sa mort rapide, en 902, laisse Édouard libre de poursuivre la reconquête duDanelaw avec l'aide de sa sœurÆthelflæd, qui règne sur la moitié occidentale de laMercie avec son mariÆthelred. Les campagnes d'Édouard et Æthelflæd sont couronnées de succès et voient la reconquête des principales forteresses occupées par lesVikings dans lesMidlands. Après la mort de sa sœur, en 918, Édouard détrône la fille de celle-ci,Ælfwynn, qui lui avait succédé comme dame des Merciens, et annexe la région à son royaume. À la fin desannées 910, il règne ainsi sur toute l'Angleterre au sud duHumber, et les rois dupays de Galles reconnaissent sa souveraineté. Il meurt en 924, après avoir maté une révolte des Merciens et des Gallois àChester. Son fils aînéÆthelstan lui succède.
Si les chroniqueurs médiévaux louent les succès militaires d'Édouard, les historiens modernes tendent à le négliger, notamment en raison de la rareté des sources écrites datant de son règne. Il souffre également de la comparaison avec son père. Son rôle dans la formation d'unroyaume d'Angleterre unifié est réévalué à partir de la fin duXXe siècle.
Alfred le Grand épouseEalhswith, fille de l'ealdormanÆthelred Mucel, en868. Ils ont cinq enfants qui atteignent l'âge adulte. Édouard est leur deuxième enfant, aprèsÆthelflæd, et leur premier fils. Son nom (Eadweard envieil anglais) est composé des élémentsead « fortune, richesse » etweard « gardien, protecteur ». Ces deux racines n'ont jamais été utilisées auparavant pour nommer les membres masculins de lamaison de Wessex. D'après l'historienneBarbara Yorke, le nom d'Édouard pourrait avoir été choisi pour rappeler celui de sa grand-mère maternelle Eadburh, issue de la famille royale deMercie, dans le but de resserrer les liens entre les deux royaumes[1].
Édouard est vraisemblablement né vers le milieu desannées 870. Dans sonHistoire du roi Alfred, le moineAsser rapporte qu'il est éduqué avec sa sœur cadetteÆlfthryth plutôt qu'avec sa sœur aînée Æthelflæd, qui est née peu après le mariage de leurs parents[2]. Cela suggère qu'il est plus proche en âge d'Ælfthryth que d'Æthelflæd. Il est par ailleurs décrit comme menant des troupes en 893, et son fils aînéÆthelstan voit le jour vers 894[3],[4]. Asser rapporte qu'Édouard et Ælfthryth sont éduqués par des précepteurs hommes et femmes qui leur font lire des textes religieux et séculiers envieil anglais. C'est le seul cas connu chez les Anglo-Saxons d'un prince et d'une princesse recevant la même éducation[5].
En tant que fils de roi, Édouard est unætheling, c'est-à-dire un prince de sang royal éligible à la royauté. Sa succession n'est cependant en rien assurée, carÆthelhelm etÆthelwold, les fils d'Æthelred (frère aîné et prédécesseur d'Alfred), peuvent eux aussi prétendre au trône. La manière dont Asser décrit en détail l'éducation d'Édouard provient peut-être du désir d'Alfred de présenter son fils comme étant le plus digne d'accéder au pouvoir après sa mort[6]. Si Æthelhelm semble avoir disparu dans la seconde moitié desannées 880 (il n'est mentionné que dans le testament d'Alfred), Æthelwold bénéficie quant à lui d'un certain statut : il figure même avant Édouard sur la seule charte qu'il atteste, signe que son rang est supérieur à celui du fils d'Alfred. Étant le roi, ce dernier bénéficie néanmoins de nombreuses opportunités de favoriser son fils. Dans son testament, il ne lègue qu'une poignée de domaines à ses neveux et réserve la majeure partie de ses propriétés à Édouard. Il promeut également des hommes susceptibles de soutenir ses projets de succession, parmi lesquels son beau-frère Æthelwulf, ealdorman en Mercie, et son gendreÆthelred, le mari d'Æthelflæd. Édouard figure comme témoin sur plusieurs des chartes de son père et l'accompagne fréquemment dans ses pérégrinations royales[7]. Il apparaît même avec le titre derex Saxonum sur une charte kentique de 898, ce qui suggère qu'Alfred a peut-être suivi l'exemple de son grand-pèreEcgberht en nommant son fils à la tête d'un sous-royaume de Kent[8].
Édouard commence à participer à la guerre contre lesVikings duDanelaw dans lesannées 890. En 893, il remporte une victoire importante àFarnham, dans leSurrey. Il ne peut capitaliser sur ce succès, car ses troupes ont été mobilisées trop longtemps et il doit les renvoyer chez elles. Néanmoins, l'arrivée d'Æthelred à la tête d'une armée londonienne permet de sauver la situation. Les victoires de lapériode 893-896 semblent à mettre au crédit d'Édouard et d'Æthelred plutôt qu'à celui du roi Alfred[9].
Le jeune prince semble s'être marié vers 893 avec une certaineEcgwynn qui lui donne deux enfants : un fils,Æthelstan, né vers 894, et une fille qui épouse par la suite le roi vikingSihtric Cáech. Ecgwynn n'est nommée que dans des sources postérieures à la conquête normande[10], qui ne s'accordent pas sur son rang : elle est de noble naissance pourGuillaume de Malmesbury, tandis queHrotsvita de Gandersheim la décrit comme de basse extraction et indigne d'être reine[11]. Son statut reste débattu.Simon Keynes et Richard Abels estiment qu'Ecgwynn n'était que la concubine d'Édouard, ce qui expliquerait la résistance observée dans le Wessex à l'avènement d'Æthelstan[12],[13]. En revanche, Barbara Yorke etSarah Foot considèrent que c'est la querelle de succession qui a donné naissance aux accusations d'illégitimité, et non le contraire : d'après elles, Ecgwynn est bien l'épouse légitime d'Édouard[14],[15]. Elle est vraisemblablement morte avant 899, puisqu'au moment de la mort de son père, Édouard est marié avecÆlfflæd, la fille d'un ealdorman (probablement duWiltshire) nommé Æthelhelm[16].
À la mort d'Alfred, le, Édouard lui succède, mais Æthelwold revendique lui aussi le trône[4]. À la tête d'une armée, il s'empare des domaines royaux deWimborne etChristchurch, dans leDorset. Le premier revêt une importance symbolique particulière, car c'est là que son père Æthelred est inhumé. Édouard réagit en menant des troupes jusqu'au fort voisin deBadbury Rings, sur quoi Æthelwold s'enfuit pour se réfugier enNorthumbrie, dont la population danoise l'accepte comme roi[18],[19]. Édouard est sacré le, àKingston upon Thames d'après le chroniqueur duXIIe siècleRaoul de Dicet, mais la cérémonie pourrait en réalité avoir eu lieu à Winchester[20],[21].
Æthelwold rassemble une flotte et débarque dans l'Essex en 901. L'année suivante, il convainc les Danois d'Est-Anglie d'envahir la Mercie et le Wessex, où ils se livrent au pillage avant de regagner leurs bases. Édouard mène à son tour un raid en Est-Anglie, mais les troupes du Kent n'obéissent pas lorsqu'il donne l'ordre de battre en retraite et sont interceptées par les Danois. Les deux armées s'affrontent à labataille du Holme (peut-êtreHolme, dans leCambridgeshire), le. Bien que les Danois en sortent victorieux, ils subissent de lourdes pertes, parmi lesquelles leur roiEohric, ainsi qu'Æthelwold lui-même. Sa disparition met un terme à la menace pesant sur le trône d'Édouard[22],[23],[4].
Bien qu'aucun affrontement ne soit mentionné dans les sources pour les années qui suivent la bataille du Holme, l'état de guerre entre le Wessex et les Vikings se poursuit apparemment jusqu'en 906, date à laquelle Édouard conclut la paix avec les Danois d'Est-Anglie et de Northumbrie. Une version de laChronique anglo-saxonne précise qu'il agit« par nécessité », ce qui pourrait impliquer qu'il a été contraint de leur verser un tribut[4]. En 909, il envoie une armée composée de Saxons et de Merciens attaquer la Northumbrie. Cette expédition parvient à récupérer les reliques desaint Oswald à l'abbaye de Bardney, dans leLincolnshire, et les Danois doivent accepter la paix aux termes d'Édouard[24],[25]. L'année suivante, ils reprennent l'initiative en attaquant la Mercie, mais leurs troupes sont interceptées sur le chemin du retour et subissent une lourde défaite à labataille de Tettenhall. Dès lors, les Danois de Northumbrie ne s'aventurent plus au sud duHumber, ce qui permet à Édouard et à ses alliés de concentrer leurs efforts sur la reconquête de l'Est-Anglie et desCinq Bourgs (Derby,Leicester,Lincoln,Nottingham etStamford) de Mercie orientale[4].
À la mort d'Æthelred, en 911, sa veuve Æthelflæd continue à régner sur les Merciens, mais Édouard prend le contrôle des régions de Londres et d'Oxford. Ils mènent ensemble une campagne de fortification des régions reprises aux Vikings. En, Édouard fonde ainsi une forteresse àHertford, au nord de laLea, afin de défendre les environs contre les Danois basés àBedford et àCambridge. L'année suivante, il mène ses troupes àMaldon, dans l'Essex, et ordonne la construction d'un fort àWitham et d'une autre fortification à Hertford. Ce faisant, il renforce les défenses de Londres et accroît son autorité sur l'Essex[4],[26].
En914, une flotte viking venue de Bretagne entre dans l'estuaire de laSevern et attaque l'Ergyng, dans le sud-est du pays de Galles. Pour sauver l'évêqueCyfeilliog, capturé par les envahisseurs, Édouard verse une rançon conséquente de quarante livres d'argent. Battus par les troupes de Hereford et Gloucester, les Vikings prêtent des serments et offrent des otages pour obtenir la paix. L'armée saxonne laissée par Édouard dans la région au cas où ces serments seraient brisés repousse deux nouvelles attaques avant que les Vikings ne partent pour l'Irlande à l'automne. Cet épisode laisse entendre que l'Ergyng se trouve dans la sphère d'influence du Wessex, contrairement à son voisin du nord, leBrycheiniog, qui appartient à l'orbite mercienne[4],[27].
À la fin 914, Édouard fonde deux forteresses àBuckingham et reçoit la soumission du comte Thurketil, le chef de l'armée danoise basée à Bedford. Il occupe cette ville l'année suivante et fonde un fort sur la rive sud de laGreat Ouse, en face du fort viking situé sur l'autre rive. En916, Édouard revient dans l'Essex pour fortifier Maldon, ce qui améliore les défenses de Witham. Il aide également Thurketil et les siens à quitter l'Angleterre, réduisant ainsi les forces vikings dans les Midlands[28].
L'année917 est décisive. Édouard fonde deux forteresses supplémentaires, àTowcester contre les Danois deNorthampton et àWigingamere (endroit non identifié). Une offensive danoise sur Towcester, Bedford et Wigingamere se solde par un échec, tandis qu'Æthelflæd s'empare de la ville de Derby, profitant du manque de coordination entre les armées vikings.Tempsford, dans le Bedfordshire, tombe aux mains des Anglais à la fin de l'été et le dernier roi danois d'Est-Anglie est tué ;Colchester est également capturée. Les Vikings réagissent en envoyant une importante armée assiéger Maldon, mais la garnison tient bon et les Danois subissent de lourdes pertes. De retour à Towcester, Édouard fait construire une enceinte en pierre pour renforcer ses défenses et reçoit la soumission des Vikings de Northampton, bientôt imités par ceux de Cambridge et d'Est-Anglie. À la fin de l'année, les dernières armées danoises qui résistent aux Anglais sont celles des Cinq Bourgs de Leicester, Stamford, Nottingham et Lincoln[4],[29].
Leicester se soumet pacifiquement à Æthelflæd au début de l'année 918, et les Danois de Jórvík entrent également en contact avec elle pour lui prêter allégeance, vraisemblablement parce qu'ils craignent les Norvégiens venus d'Irlande qui les menacent, mais la dame de Mercie meurt le avant d'avoir pu accepter. Cette offre ne semble pas avoir été renouvelée à Édouard, et Jórvík est conquise par les Norvégiens en 919. LaChronique anglo-saxonne rapporte que la Mercie se soumet à Édouard après la mort d'Æthelflæd, mais les versions merciennes de ce texte indiquent au contraire que le roi du Wessex a évincé sa nièceÆlfwynn, la fille d'Æthelflæd, pour annexer la région à son royaume. Stamford et Nottingham reconnaissent l'autorité d'Édouard vers cette période, ce qui suggère que son autorité s'étend alors sur toute l'Angleterre au sud duHumber, à l'exception peut-être de Lincoln, où des pièces des Vikings d'York semblent avoir été frappées dans lesannées 920[4],[30]. Certains chefs danois conservent leurs domaines, mais Édouard doit également récompenser ses fidèles en leur offrant des terres dans la région, sans compter celles qu'il garde pour son usage propre. Son monnayage suggère qu'il exerce davantage d'autorité dans l'est des Midlands qu'en Est-Anglie[31],[32]. Les rois galloisHywel Dda,Clydog etIdwal Foel, jusqu'alors vassaux d'Æthelflæd, prêtent également allégeance à Édouard après la mort de leur suzeraine[33].
LaChronique anglo-saxonne rapporte la soumission de nombreux souverains britanniques à Édouard en920 :
« … et de là [Édouard] se rendit àBakewell, dans lePeak District, et ordonna la construction d'une forteresse dans la région. Et alors le roi des Scots et toute la nation des Scots le choisit pour père et seigneur ; etRægnald et les fils d'Eadwulf et tous ceux qui vivent en Northumbrie, Anglais comme Danois et Norvégiens et autres [en firent autant] ; et aussi le roi desBretons de Strathclyde et tous les Bretons de Strathclyde[34]. »
Les historiens modernes ont longtemps accepté ce passage comme un récit de faits authentiques[35],Frank Stenton soulignant que« chacun des souverains cités dans cette liste avait quelque chose à gagner en reconnaissant la suzeraineté d'Édouard[36]. » Il est considéré avec beaucoup plus de scepticisme depuis lesannées 1980. Contrairement à la soumission des rois britanniques à Æthelstan en 927, les événements de 920 ne sont connus que par laChronique : on n'en trouve aucune trace ailleurs, ni dans les autres sources littéraires, ni dans les monnaies[37]. Si cette rencontre entre rois a eu lieu, elle n'a sans doute impliqué aucune soumission à Édouard, qui n'est de toute façon pas en position de l'exiger. Le lieu de cette rencontre plaide en faveur de cette vision des choses : Bakewell est à la frontière entre la Mercie et la Northumbrie, sans doute pour éviter toute implication de domination d'un côté sur l'autre[38],[39].
Édouard poursuit les efforts défensifs amorcés par sa sœur dans le nord-ouest de la Mercie. Il fonde des burhs àThelwall etManchester en 919, puis àCledematha (Rhuddlan), à l'embouchure de laClwyd, en 921[40]. Ses relations avec les Merciens ne sont pas documentées avant la dernière année de son règne, durant laquelle il mate des révoltés merciens et gallois à Chester. Cette révolte pourrait avoir plusieurs motifs, comme la pression fiscale exercée par les régisseurs d'Édouard ou le ressentiment vis-à-vis du lointain Wessex. Le découpage en comtés de la Mercie et du Danelaw, au mépris des divisions traditionnelles de ces régions, apparaît à une date inconnue auXe siècle : s'il remonte au règne d'Édouard, il pourrait également constituer un sujet de mécontentement[4],[41].
Peu après avoir maté cette révolte, Édouard meurt dans le domaine royal deFarndon, à une quinzaine de kilomètres au sud de Chester, le. Il est inhumé au New Minster de Winchester. Cette abbaye est déplacée hors des murs de la ville en 1109 pour devenir l'abbaye de Hyde, où les restes d'Édouard et de sa famille sont transférés.
Un penny d'Édouard retrouvé dans leWiltshire (monnayeur : Athulf).
La principale unité monétaire de l'Angleterre anglo-saxonne tardive est lepenny d'argent, qui porte parfois un portrait stylisé du roi. Les pièces frappées sous le règne d'Édouard portent typiquement la mentioneadvveard rex à l'avers et le nom du monnayeur aurevers. L'atelier monétaire n'est pas indiqué, mais il commence à l'être sous le règne de son fils Æthelstan, ce qui permet par comparaison d'établir l'emplacement d'une grande partie des ateliers d'Édouard. Plusieurs villes en abritent un, dontBath,Canterbury,Chester,Chichester,Derby,Exeter,Hereford,Londres,Oxford,Shaftesbury,Shrewsbury,Southampton,Stafford,Wallingford etWareham. Aucune monnaie n'est frappée au nom d'Æthelred ou d'Æthelflæd, mais les ateliers de Mercie produisent entre 910 et 920 des pièces avec un motif inhabituel au revers, sans doute un moyen pour Æthelflæd de se distinguer de son frère. L'archevêquePlegmund est également à l'origine d'une frappe monétaire de faible ampleur. Au cours du règne d'Édouard, le nombre de monnayeurs connus explose : ils sont moins de 25 dans les dix premières années de son règne et 67 dans les dix dernières. On observe la même chose en Mercie (de 5 à 23), sans compter les27 monnayeurs annexés avec le Danelaw[44],[45].
En908, l'archevêquePlegmund se rend àRome pour remettre au pape les aumônes du roi et du peuple anglais. C'est la première fois depuis près d'un siècle qu'un archevêque effectue ce voyage. Il est possible que Plegmund ait également voulu recueillir l'accord pontifical pour un projet de réorganisation des diocèses du Wessex[50]. À l'avènement d'Édouard, le royaume comprend deux sièges épiscopaux :celui de Winchester, à l'est, occupé parDenewulf, etcelui de Sherborne, à l'ouest, occupé parAsser[51]. Après la mort de Denewulf, en 908, et l'avènement de son successeurFrithestan l'année suivante, le diocèse de Winchester est découpé en deux avec la création d'unsiège à Ramsbury. Le nouveau diocèse couvre le Wiltshire et le Berkshire, tandis que l'autorité de Winchester continue à s'exercer sur le Hampshire et le Surrey. Cette division aurait pris place en 909 d'après des chartes qui sont en réalité des forgeries. Asser meurt en 908 ou 909 et son diocèse est à son tour découpé à une date inconnue entre 909 et 918 pour se limiter au Dorset. Le Devon et les Cornouailles sont placées sous l'autorité de l'évêque de Crediton, tandis que le Somerset forme le diocèse de l'évêque de Wells[52],[53]. Ces divisions renforcent l'autorité de Cantorbéry vis-à-vis de Winchester et de Sherborne. Il est possible qu'il reflète également une évolution dans les fonctions séculières des évêques, qui pourraient être devenus des agents du pouvoir royal dans les comtés correspondant à leurs diocèses, participant à leur défense contre les Vikings et à l'exercice de la justice[54].
Au début du règne d'Édouard, sa mère Ealhswith fonde leNunnaminster, un couvent dédié à la Vierge Marie à Winchester[55]. Une des filles d'Édouard,Eadburh, y devient religieuse et fait l'objet d'un culte après sa mort[56]. En 901, Édouard entreprend la construction d'un grand monastère pour hommes, peut-être en accord avec la volonté de son père. Il se situe à côté de lacathédrale de Winchester, qui est dès lors appeléeOld Minster pour la distinguer duNew Minster, la fondation d'Édouard. Bien plus grand que l'Old Minster, le New Minster est vraisemblablement conçu pour devenir un mausolée royal[57],[58]. Il fait l'acquisition de reliques du saint bretonJudoc et du corps deGrimbald, un conseiller d'Alfred le Grand qui est considéré comme un saint après sa mort, en 901. À la mort de sa mère, en 902, Édouard la fait inhumer dans le New Minster et il y fait également déplacer le corps de son père, jusqu'alors inhumé dans l'Old Minster. Par la suite, le New Minster accueille également les corps d'Édouard lui-même, de son frèreÆthelweard et de son filsÆlfweard. Néanmoins, le fils et successeur d'Édouard, Æthelstan, n'accorde pas les mêmes faveurs à la fondation de son père, sans doute parce que Winchester s'est dressée contre lui durant la succession difficile d'Édouard. Un seul autre roi de la maison de Wessex y est inhumé :Eadwig, petit-fils d'Édouard mort en 959[59],[60].
Qu'Édouard ait choisi de fonder une nouvelle communauté plus grande plutôt que d'agrandir l'Old Minster laisse à penser qu'il n'appréciait guère l'évêque Denewulf. De fait, il contraint l'Old Minster à lui céder des terrains pour la fondation du New Minster, ainsi qu'un domaine de70hides àBeddington comme source de revenus. C'est en toute logique que le New Minster célèbre la mémoire d'Édouard comme d'un grand bénéficiaire, alors que l'Old Minster se souvient de lui comme d'un « roi avide »(rex avidus)[61],[62]. Il est possible qu'il ait également jugé l'ancienne cathédrale trop petite pour servir de nécropole royale aux rois des Anglo-Saxons[63].
La quasi-totalité deschartes émises sous le règne d'Édouard sont des copies réalisées après sa mort, et la seule qui subsiste sous sa forme originelle ne provient pas du roi : il s'agit d'une donation effectuée par Æthelred et Æthelflæd en 901[64]. Aucune charte n'est connue pour la période entre 910 et la mort d'Édouard, en 924, une absence qui laisse les historiens perplexes. Les chartes enregistrent généralement des donations de terres, et il est possible qu'Édouard ait choisi de conserver par-devers lui tous les domaines dont il faisait l'acquisition afin de financer la lutte contre les Vikings[65]. En règle générale, les chartes subsistent parce qu'elles ont été conservées dans les archives de l'institution religieuse qui en était bénéficiaire : une autre explication serait donc que les donations d'Édouard avaient pour condition le retour ultérieur à la famille royale des terres concédées. Les églises et monastères n'auraient donc eu aucun intérêt à en garder la trace dans leurs archives[66].
Le système administratif et législatif du royaume d'Édouard repose peut-être en grande partie sur des textes écrits dont presque aucun ne subsiste[67]. On peut néanmoins dire qu'Édouard fait partie des rares rois anglo-saxons à avoir légiféré sur lebookland, c'est-à-dire les terres possédées en vertu d'une charte. Les lois d'Édouard s'efforcent de clarifier la définition exacte dubookland, devenue confuse au fil du temps, et assurent le monopole législatif du roi et de ses représentants en ce qui concerne ce sujet[68]. Le code de loisI Edward marque également l'une des premières apparitions du jugement parordalie de l'histoire du droit anglais (le code de lois d'Ine, promulgué dans lesannées 690, pourrait inclure une mention de l'ordalie, mais ce n'est pas certain). Il précise que les accusés de parjure ne peuvent prouver leur innocence que de cette manière[69].
Miniature d'Édouard l'Ancien dans une généalogie royale duXIVe siècle.
Le chroniqueur duXIIe siècleGuillaume de Malmesbury décrit Édouard comme« très inférieur à son père dans la culture des lettres », mais« bien plus glorieux dans la puissance de son règne ». Cette opinion est partagée par d'autres chroniqueurs médiévaux, telsJean de Worcester, qui l'appelle« le roi très invincible Édouard l'Ancien ». Cependant, ses prouesses militaires sont moins éclatantes que celles d'autres rois de la maison de Wessex, en partie à cause de l'absence d'une grande victoire à son crédit, qui soit comparable à Edington pour Alfred ouBrunanburh pour Æthelstan. La réputation d'Édouard souffre également de l'admiration dont bénéficie sa sœur Æthelflæd[70],[71]. Le surnom « l'Ancien » est pour la première fois utilisé auXe siècle par le moineWulfstan Cantor dans son hagiographie de l'évêqueÆthelwold de Winchester pour distinguer ce roi de son lointain successeurÉdouard le Martyr[4].
« Sous l'autorité d'Édouard, les centres de pouvoir alternatifs sont significativement réduits : la cour mercienne est dissoute, les chefs danois sont soumis ou chassés, les princes gallois réduits à l'impuissance et même les évêchés du Wessex sont divisés. On décrit souvent l'Angleterre anglo-saxonne tardive comme l'entité la plus centralisée d'Europe occidentale en son temps, avec ses comtés, sesreeves et son système de tribunaux régionaux et d'impôt royal. C'est un point de vue discutable, mais pour peu qu'on l'accepte, cette centralisation provient en grande partie des décisions d'Édouard, qui peut tout aussi bien prétendre que d'autres au titre d'architecte de l'Angleterre médiévale[73]. »
Édouard apparaît dans lesHistoires saxonnes deBernard Cornwell, série de romans historiques se déroulant sous le règne d'Alfred le Grand et de ses successeurs, ainsi que dans la série téléviséeThe Last Kingdom qui en est adaptée. Il y est interprété parTimothy Innes à partir de la 3ème saison.
On connaît quatorze enfants issus des trois unions d'Édouard l'Ancien, cinq fils et neuf filles. Dans la liste qui suit, les filles sont présentées après les fils, dans l'ordre que propose le chroniqueurGuillaume de Malmesbury[74].
Eadgifu, épouse d'un« Louis, prince d'Aquitaine » non identifié, qui pourrait être la même personne que l'Ælfgifu fille d'Ælfflæd, dupliquée à tort par Guillaume.
(en)PaulineStafford,Unification and Conquest : A Political and Social History of England in the Tenth and Eleventh Centuries, Londres, Edward Arnold,, 232 p.(ISBN978-0-7131-6532-6).
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