Emprisonné en France puis en Allemagne pendant l'Occupation, il redevient député après la guerre, siégeant jusqu'en 1958. Durant sa carrière politique, il a aussi étémaire de Carpentras (1912-1919) puisd'Avignon (1953-1958).
Fils de Claude Daladier, boulanger de Carpentras, et de Rose Maurier[1], Édouard Daladier a un frère aîné, Gustave, qui reprendra le métier paternel. Lui-même suit les cours dekhâgne d'Édouard Herriot aulycée Ampère de Lyon. En 1909, il est reçu premier à l'agrégation d'histoire-géographie, étant destiné à devenir « un excellent professeur » selon un membre du jury[2]. Il est nommé professeur d'histoire aulycée de garçons de Nîmes en 1909, puis professeur adjoint d'histoire et géographie aulycée Saint-Charles (annexe dulycée impérial, futur lycée Thiers), à Marseille[3].
En 1919, il épouse àParis Madeleine Laffont — l'artiste peintreAngèle Delasalle est témoin du mariage[4].
Après un premier échec en 1914, Daladier est éludéputé radical deVaucluse de 1919 à 1940. Il est président duParti radical de 1927 à 1930, puis de 1936 à 1938. Combatif et pugnace, Daladier est surnommé« le taureau de Vaucluse » en politique[n 1].
Lors du congrès radical de Nantes en 1934, il lance le thème des « Deux cents familles », repris par l'extrême droite et par les communistes :« Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. »
Il est à nouveau président du Conseil le. Il intervient rapidement sur le front de la monnaie, par une entente avec les trésoreries américaine et britannique, pour laisser glisser le franc jusqu'à une parité de 179 francs pour une livre (contre 147,28 au) et ensuite stabiliser cette parité[9].
Voulant réserver l'emploi aux travailleurs français, il promulgue ledécret-loi du sur la police des étrangers[10], qui est complété par celui du. Ce dernier prévoit l’internement des « indésirables étrangers » ;
Ce décret-loi est élargi par la loi du qui permet l’internement « de tout individu, Français ou étranger, considéré comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique », à l'époque surtout des juifs d'Europe centrale, ce que certains nomment un« Vichy avant Vichy ». Dès 1939, lescamps d'internement français détiennent aussi des réfugiés de laguerre civile espagnole[11],[12],[13] puis des gens du voyage.
Ennovembre 1938, il prend des décrets-lois, appelés par ses opposants les« décrets misères », qui reviennent sur des mesures du Front populaire. Daladier qualifie laloi sur les 40 heures de« loi de paresse et de trahison nationale »[14]. En réaction, des grèves ouvrières se déroulent dans le Nord, à Marseille, à Lyon et en Lorraine. La direction deRenault licencie 28 000 ouvriers pour« rupture du contrat de travail ». LaCGT décide alors d’une grève générale pour le. Le gouvernement réquisitionne des transports et envoie des troupes devant les entrées d'usines. Le, 36 000 ouvriers sont licenciés dans l'aéronautique et les arsenaux, 8 000 dans la chimie et l'automobile. Plus de la moitié sont des responsables syndicaux de laCGT. Six mois plus tard, 40 % des grévistes n'ont pas retrouvé de travail[15].
La guerre avec l'Allemagne lui semble inéluctable, Daladier ne croyant guère dans la promesse allemande de mettre un terme à ses revendications territoriales. Cependant, il lui semble impossible de faire entrer la France en guerre, faute du soutien de la Grande-Bretagne partisane d'unepolitique d'apaisement menée parChamberlain etLord Halifax et de l'opinion publique française, animée par un fortcourant pacifiste. En outre, l’état-major français déplore la faiblesse de son aviation, ce qui lui laisse penser que la France ne ferait pas le poids pour vaincre seule l'Allemagne. Tout cela pousse Daladier à ratifier ces accords issus d'une rencontre qu'il qualifie ensuite de « traquenard ».
Daladier, président du Conseil, quitte Munich pour Paris le après la signature desaccords de Munich. Il salue le ministre allemand des Affaires étrangèresRibbentrop de dos.
Après la signature des accords, à son retour en France, Daladier imagine qu'il sera hué pour avoir cédé àHitler, les accords de Munich octroyant aux Nazisune partie de la Tchécoslovaquie à compter du (région des Sudètes, partie de la Tchécoslovaquie peuplée par des germanophones, anciens citoyens autrichiens devenus tchécoslovaques en novembre 1918, lors de la création de la République de Tchécoslovaquie) sans contreparties significatives, sinon de vagues promesses de paix. À sa grande surprise, il est acclamé à sa sortie de l'avion auBourget par une foule, qui le perçoit comme le sauveur de la paix. Il aurait alors marmonné devant le diplomateAlexis Leger (Saint-John Perse) :
Par ailleurs, en constatant l'existence dupacte germano-soviétique du 23 août 1939 et l'invasion soviétique de la Pologne conjointement avec les Nazis, il prend des mesures à l'encontre duParti communiste français (PCF), considéré par le gouvernement comme une organisation susceptible de trahir : la presse communiste est mise hors la loi avec le décret du 26 août 1939 portantinterdiction de parution deL'Humanité, puis le parti communiste français est dissous et interdit le 26 septembre 1939 également par décret et enfin les élus communistes sont déchus de leurs mandats par décret-loi le 26 novembre 1939.
À la suite de laguerre d'hiver contre laFinlande, lancée par l’Union soviétique ( -), et de la non-intervention de la France, Daladier est renversé le. Il est, néanmoins, présent en tant que ministre de la Défense nationale et de la Guerre dansle cabinet de son successeur,Paul Reynaud.
Le, lors de l'attaque allemande contre laBelgique et les Pays-Bas, une crise gouvernementale aboutissant à la démission dePaul Reynaud éclate. Daladier et le généralissimeGamelin sont les adversaires de Reynaud, qui a en tête de remplacer Gamelin. À cause du déclenchement de l'offensive allemande, le présidentAlbert Lebrun refuse la démission du gouvernement. Daladier, qui a eu, dans les jours précédents, le projet de se rendre àBruxelles, pour inciter le gouvernement belge et le roi à déclarer la guerre à l'Allemagne, n’exécute pas ce projet, devenu dépassé.
En effet, dès le, le roi et le gouvernement belge ont refusé l'ultimatum allemand, qui souhaitait faire traverser la Belgique par laWehrmacht afin d'attaquer laFrance. Ce que Daladier ignore ou ce dont il ne veut pas tenir compte, c'est que le général Gamelin, comme le révèlent ses mémoires[20], était en communication secrète avec le roiLéopold III depuis 1938. Tous les renseignements dont l'état-major belge et le roi pouvaient disposer sur les plans d'attaque allemands étaient communiqués à Paris.
Cependant, en dépit des avertissements relatifs aux intentions allemandes d'attaquer par les Ardennes versSedan, Gamelin maintient son plan établi en fin 1938 de faire entrer l'armée française en Belgique pour se porter au secours de la Belgique et des Pays-Bas.
Daladier obtient, néanmoins, de rencontrer Léopold III, le 12 au Casteau, sur la frontière franco-belge. À ce moment-là, le roi, qui avait quitté la capitale depuis le pour rejoindre l'état-major belge au quartier général de Breendonck, au nord de Bruxelles, a déjà accepté de se soumettre aux ordres de l'état-major français. D'ailleurs, legénéral Champon, officier de liaison de Gamelin, est présent au côté de l'état major belge dès le. Au demeurant, l'encombrement des routes et des voies ferrées envahies par les réfugiés, qui côtoient les régiments français montant vers le nord, rend dangereux le voyage de Daladier en direction de la Belgique, voire impossible. En outre, l'espace aérien belge est interdit à tout appareil qui n'est pas un avion de combat. Cette situationcontredit certaines affirmations selon lesquelles Daladier serait accouru à Bruxelles pour tenter de convaincre les Belges de résister[n 3].
À la fin du premier jour d'hostilités, lesNéerlandais battent en retraite précipitamment et laissent l'armée belge à découvert au nord, et les défenses françaises et belges sont enfoncées dans lesArdennes après seulement trois jours de combat.
Trois semaines plus tard, lerembarquement britannique de Dunkerque laisse les Belges à découvert au sud. L'armée allemande s'apprête à déferler vers le sud. Dans ces conditions, l'autorité des ministres français ne peut se maintenir que s'ils se soustraient à l'avancée allemande. Alors que huit millions deréfugiés sont jetés sur les routes, Daladier embarque àBordeaux avec d'autres hommes politiques, dontPierre Mendès France etJean Zay, à bord dupaquebotMassilia[21] à destination duMaroc pour « poursuivre la lutte ». À son arrivée, il est mis en état d'arrestation en attendant d’être rapatrié enFrance au début d'août. Interné sans jugement, il comparaît auprocès de Riom avecLéon Blum et d'autres hommes politiques et officiers d'état-major, accusés d'être responsables de la défaite. Le procès, tournant à l'avantage des accusés[22], est interrompu « pour supplément d'information ». Daladier est détenu auchâteau de Chazeron et aufort du Portalet.
Deux fils sont issus de son premier mariage avec Madeleine Laffont : Jean Daladier (1922-2012), résistant, converti au catholicisme et architecte[25], et Pierre Daladier (1925-1983). Jean est inhumé dans le caveau de son père[26].
Jeanne Boucoiran, sa seconde épouse depuis 1951[27], est morte en 1987 à l'âge de 83 ans.
↑Le dirigeant britanniqueNeville Chamberlain le surnomme« le taureau avec des cornes d'escargot[7] » en raison de sa prudence et de ses hésitations, son énergie étant plus apparente que réelle[8].
↑Jean-Paul Sartre place l'interjection dans la bouche de Daladier à la fin du second tome de son romanLes Chemins de la liberté, publié chezGallimard en 1945[16]. En décembre 1990, Jean Daladier écrit que son père aurait prononcé cette tirade au Bourget sous la forme plus concise de« Ah, les cons ! » avant d'ajouter :« Ils croient que je leur amène la paix. » Le soir même, leprésident du Conseil rétorque à son jeune fils, déçu de voir s'éloigner la perspective d'un conflit :« La guerre, sois tranquille, tu la feras et elle durera bien plus longtemps que tu ne le voudras[17]. » Jean Daladier atteste de nouveau l'exclamation du Bourget dans un documentaire diffusé le surArte[18].
↑Il n'existe aucune trace, dans les ouvrages d'auteurs sérieux, qu'ils soient belges ou français, d'un voyage de Daladier à Bruxelles, contrairement à l'affirmation deMax Gallo, dans son livre1940, de l'abîme à l'espérance, p. 92, Paris, 2010.
↑PaulRollin (1932-2003),26 siècles d'éducation à Marseille : une chronique du temps passé, Marseille, Éd. européennes de Marseille-Provence,, 269 p.(ISBN2-911988-16-7 et9782911988165,OCLC469443733).
↑Havas, « La deuxième journée triomphale du séjour des souverains anglais en France. C'est au cris de « vive le roi » que le peuple de Paris a acclamé George VI et la reine Elisabeth »,Feuilles d'avis de Neuchatel et du Vignoble neuchâtelois,no 167,,p. 4(lire en ligne)
FrédéricMonier,La politique des plaintes : clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d'Édouard Daladier, 1890-1940, Sèvres, La Boutique de l'histoire,, 411 p.(ISBN978-2-910828-40-0).
Benoît Yvert (dir.),Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, 916 p.