L'École assure depuis sa création la formation d'ingénieurs généralistes. Ses élèves sont recrutés chaque année par unconcours d'admission parmi les plus anciens et les plus difficiles de ceux que préparent les élèves declasses préparatoires, mais aussi par admissions parallèles pour lesuniversitaires. L'École décerne en plus de son propre diplôme, le diplôme dedocteur de l'École polytechnique depuis 1985, et forme des élèves degrade de master depuis 2005 et debachelors depuis 2017. En majorité, les polytechniciens, c'est-à-dire les élèves diplômés, le plus souvent après une formation spécialisante dans une autre grande école, intègrent les entreprises, privées ou publiques[11], enFrance comme à l'international, entrent dans lesgrands corps de l'État, civils ou militaires, ou s'engagent dans la recherche.
Jouissant d'un grand prestige dans l'enseignement supérieur en France, l'École polytechnique est souvent associée à la sélectivité, à l'excellence académique, mais aussi à l'élitisme et à latechnocratie qui sont sources de critiques depuis sa création. Dans l'imaginaire populaire, l'École est associée à certains symboles comme l'uniforme de ses élèves et lebicorne qui l'accompagne.
À sa création en 1794, l'École porte le nom d'« École centrale des travaux publics »[12] et l'enseignement dispensé est limité aux connaissances techniques, ceci dans le but de pallier la pénurie d'ingénieurs dans la France d'après la Révolution[13]. L'École est renommée « École polytechnique » par la loi du15fructidoranIII ()[14]. Lenéologisme « polytechnique » (composé de poly-, « nombreux », et de technique) symbolise la pluralité des techniques enseignées[12],[15]. Il apparaît pour la première fois dans un document publié parClaude Prieur au début de l'année 1795[16].
Sous laRestauration comme sous lamonarchie de Juillet, l'École est officiellement désignée sous le nom d'« École royale polytechnique »[17], tandis que sous lePremier Empire, comme sous leSecond Empire, son nom officiel est « École impériale polytechnique »[12]. Les élèves, anciens élèves et diplômés de l'École sont appelés « polytechniciens »[18]. L'École est souvent simplement appelée « Polytechnique ».
Blason de l'École.
L'École est surnommée l'« X » depuis le milieu duXIXe siècle[19]. Deux explications sont retenues : la présence de deux canons croisés sur l'insigne de l'École d'une part et la prééminence des mathématiques dans la formation des polytechniciens de l'autre[20]. En effet, d'aprèsL'Argot de l'X, publié en 1894[21] :« C'est de l'importance même donnée à l'enseignement de l'ana [analyse], dont toute la langue est faite d'x et d'y qu'est venu le surnom d'X, universellement admis pour désigner les polytechniciens. Tous ne sont pas des mathématiciens, mais tous possèdent une connaissance ducalcul différentiel etintégral suffisante pour les applications des services publics. Disons de plus qu'en des époques troublées, comme 1830 et 1848, cette connaissance leur a particulièrement servi à ne pas être confondus avec tous les individus qui se déguisaient en polytechniciens pour se donner l'apparence de défenseurs de l'ordre. À ceux-là, quand on les rencontrait, on leur demandait ladifférentielle desin x ou delog x, et, s'ils ne répondaient pas, on les faisait immédiatement coffrer. » Cependant, dans l'édition de 1994, l'origine de ce sobriquet est de nouveau rapportée au croisement des canons sur le blason[22]. Le surnom d'« X » s'applique aussi aux polytechniciens[23]. Les polytechniciennes sont parfois surnommées « Xettes » ou « X7 »[24], ce qui est prononcé[iksɛt].
Au lendemain de laRévolution de 1789, les différentes écoles royales d'ingénieurs ont été fermées[12].Jacques-Élie Lamblardie,Gaspard Monge etLazare Carnot, pères fondateurs de l'École, se voient confier la mission d'organiser une nouvelle « École centrale des travaux publics »[12], officiellement créée le7vendémiairean III ()[27],[28] et renommée « École polytechnique » un an plus tard[14],[28]. Le projet initial prévoit que l'École polytechnique remplace toutes les anciennes écoles d'ingénieurs. Mais ces anciennes écoles sont finalement rétablies par la loi du30vendémiaireanIV () sous le nom d'« écoles d'application » : il devient obligatoire de passer par l'École polytechnique pour y entrer, et tandis que l'École polytechnique dispense une formation théorique et générale, les écoles d'applications assurent la mise en pratique et la spécialisation[29],[30]. Ce monopole de l'école sur le recrutement des grands corps techniques, appelé « privilège », est confirmé par la loi du25frimaireanVIII () mais la scolarité est réduite de trois à deux ans afin de compenser la prolongation du cursus dans les écoles d'application. L'École, initialement créée pour former aux emplois publics et privés exigeant un haut niveau scientifique et technique, devient alors très liée aux services publics et le classement de sortie, qui définit le choix du corps, prend une importance considérable[31],[14]. L'École acquiert cependant très vite une grande renommée en sciences et attire des scientifiques de toute l'Europe[32].
À laRestauration, à la suite d'un incident déclenché parAuguste Comte en raison de son opposition au répétiteurLefébure de Fourcy[40], toute lapromotion 1814 est congédiée en avril 1816 pour manque de discipline par lecomte de Vaublanc[41]. En réalité, cet acte d'insubordination semble avoir été un prétexte pour éliminer l'atmosphère républicaine qui régnait alors dans l'École et une promotion suspectée debonapartisme[42].
Après l'arrêt de la parution du journal saint-simonienLe Producteur en, les disciples deClaude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon, parmi lesquels le polytechnicienBarthélemy Prosper Enfantin, donnent toute une série de conférences pendant deux ans, trouvant un écho très favorable à l'École polytechnique[43]. Ainsi, à partir desannées 1830 de nombreux élèves de l'École polytechnique sont influencés par lesidéologiessaint-simonienne etpositiviste[17]. L'influence du positivisme sur l'École conduitFriedrich Hayek à la décrire comme la source de l'orgueilscientiste et dusocialisme moderne[32]. Cette critique est reprise parWilhelm Röpke qui voit dans l'École le centre de diffusion d'un courant« mécanistique-positiviste » au« rationalisme effréné » voulant construire et organiser« l'économie, l'État et la société, suivant des lois prétendument scientifiques »[44].
Pendant lesTrois Glorieuses, les polytechniciens se mettent aux côtés des insurgés[45]. La réputation de l'École grandit si bien qu'au commencement de larévolution de 1848 les élèves sortent de nouveau dans la rue pour servir de médiateurs entre le pouvoir et les insurgés[46].
LeSecond Empire marque l'élévation sociale des polytechniciens. L'École cesse en effet progressivement d'être un laboratoire scientifique pour s'imposer comme un espace de production de la « noblesse d'État », tout en étendant son emprise sur la gestion des appareils industriels[38]. Certains auteurs, commeTerry Shinn etBruno Belhoste, considèrent que l'École n'a pas contribué à l'industrialisation de la France pendant cette période et que les polytechniciens se sont contentés de tâches administratives dans les entreprises au lieu d'être des inventeurs et de promouvoir les nouvelles technologies[47],[48],[49].François Crouzet estime néanmoins que ces critiques sont excessives et que les polytechniciens ont joué un rôle important dans le développement économique de la France auXIXe siècle[50]. L'École devient alors un lieu de conservatisme politique et social d'après Bruno Belhoste[38], si bien que lors dusoulèvement du 18 mars 1871, et à l'inverse des insurrections précédentes, l'École polytechnique ne se place pas du côté du peuple[51]. Après ladéfaite, l'École prépare larevanche militaire sur l'Allemagne[52] et seuls quelques polytechniciens, commeHenri Poincaré etHenri Becquerel, portent le « flambeau de la science à l'école »[53], si bien queLouis Pasteur attribue la défaite française aux carences de la science française qu'incarne à ses yeux l'École polytechnique et son éloignement de la recherche[54].
À partir de 1914, l'École vit au rythme de laPremière Guerre mondiale : les élèves sont mobilisés (principalement dans l'artillerie et legénie), les concours 1914 et 1915 sont annulés, les cours interrompus et les bâtiments transformés en hôpital. L'École ne rouvre partiellement qu'en mais il faut attendre pour que l'hôpital quitte l'École. Au cours de la guerre, quatremaréchaux de France polytechniciens mènent le pays à la victoire[c], néanmoins neuf cents polytechniciens périssent durant les combats[55]. La guerre confirme la crise latente de l'École[52], ainsi certains de ses historiens décrivent la période allant de 1870 à l'entre-deux-guerres comme des « années d'enlisement »[54].
Pendant laSeconde Guerre mondiale, l'École ne cesse pas de fonctionner, mais est, comme toute la France, déchirée par les différents courants politiques. Ainsi la catégorie « bis », créée en 1935 pour les élèves françaisnaturalisés depuis moins de huit ans, est étendue aux élèvesjuifs et un quota de 2 à 3 % d'« israélites » est instauré[56],[57]. Après l'armistice du 22 juin 1940, l'École se replie àVilleurbanne etLyon et perd son statut militaire[58]. Après l'invasion de lazone libre par les troupes allemandes fin, le retour de Polytechniquerue Descartes est décidé et il a lieu en, en laissant en zone sud les élèves alsaciens, prisonniers évadés et « bis »[59]. Le statut militaire de Polytechnique est rétabli en, après lalibération de Paris par les Alliés. En, après le retour d'élèvesprisonniers ourésistants,770 élèves reprennent les cours rue Descartes[60].
Après la guerre, l'École entame une longue réforme. Le renouveau de la recherche à l'École, initié par la création en 1936 dulaboratoire Leprince-Ringuet, se poursuit sous l'impulsion deLaurent Schwartz et deLouis Michel qui développent les laboratoires[61]. En 1956 la décision est prise de porter à 300 l'effectif des promotions et de modifier l'enseignement afin qu'il soit plus en adéquation avec les nouveaux besoins de l'économie nationale[62]. En 1961, une commission étudie le passage à400 élèves par promotion et conclut que le déménagement de l'École est nécessaire. Dès 1963, le site dePalaiseau est proposé[63] et la décision officielle du transfert est prise en 1964[64]. Les évènements deMai 68 ne touchent pas beaucoup l'École mais ils accélèrent et élargissent le processus des réformes. Certains professeurs et élèves, commeLouis Leprince-Ringuet etLaurent Schwartz, font le constat des carences de l'École. Ils critiquent un enseignement« resté encyclopédique »,« profondément sclérosé »,« très en retard sur celui des universités » et demandent l'instauration d'options[65],[66]. Ces recommandations débouchent sur la loi du[67]. Polytechnique reçoit alors un statut civil (tout en restant rattachée auministère de la Défense)[68] et l'admission des femmes est autorisée à partir de 1972[69] : dès la première année, sept femmes intègrent[70].
Le grand hall vu du lac du nouveau campus de Palaiseau.
En 1976, le nouveau campus dePalaiseau est inauguré[71] et l'École polytechnique quitte ses locaux historiques parisiens. En 1985, est créé le diplôme de docteur de l'École polytechnique[72],[73] et en 1995, une nouvelle voie du concours est ouverte aux élèves internationaux[74].
En 2000, la réforme du cycle polytechnicien fixe la durée du cursus à quatre ans[74], dont huit mois deformation militaire et humaine[75]. En 2005, les premiers diplômes de master de l'École polytechnique sont délivrés[73]. En 2007, l'École polytechnique devient membre fondateur deParisTech et membre associé d'UniverSud Paris.
Après 2008, l'École polytechnique participe au développement de l'université Paris-Saclay dont la première rentrée se fait en 2014[76]. Ses formations devraient notamment s'inscrire dans lesschools debasic sciences et d'engineering[77]. Parallèlement, l'École entreprend à partir de 2013 une profonde rénovation du cursus ingénieur polytechnicien[78].
Fin 2013, l'École change d'identité visuelle et de logo afin d'être visible dans la compétition internationale[79]. Le nouveau logo reprend le « X », surnom de l'École, ainsi que le blason historique où figure la devise[80].
En,Bernard Attali présente à la demande du Premier ministre un rapport[81] sur l'avenir et la stratégie de l'École, proposant une restructuration en profondeur de l'École et de l'université Paris-Saclay. Suivant l'une de ses propositions, leministère de la Défense annonce en l'ouverture d'un système detutorat d'élèves en fin de classe préparatoire internes recrutés sur critères sociaux à partir de la rentrée 2016, et d'un diplôme de niveau licence (« bachelor ») à partir de 2018[82]. Au, l'École change de statut et devient unÉtablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de typeGrand établissement[83] et le, l'établissement quitte l'université Paris-Saclay[84].
En avril 2022, une enquête est ouverte pour viols et agressions sexuelles après un signalement effectué par la direction[85]. En 2023, selon une enquête interne[86], les faits de violences sexuelles et sexistes sont en forte augmentation[87].
En, l'École polytechnique fait évoluer son logotype et se dote d'une nouvelle charte graphique[88]. Ceux-ci reprennent les deux signes « iconiques » essentiels du patrimoine de l'X, héritage de220 ans d'histoire[89] :
Le statut militaire de l'École est aujourd'hui critiqué par certains, commePierre Veltz et Bruno Belhoste, qui considèrent qu'il n'est plus justifié et qu'il isole l'établissement du monde universitaire, même s'il est reconnu que ce statut offre à l'École une large autonomie et un budget important[92],[49].
« L'École polytechnique a pour mission de donner à ses élèves une culture scientifique et générale les rendant aptes à occuper, après formation spécialisée, des emplois de haute qualification ou de responsabilité à caractère scientifique, technique ou économique, dans les corps civils et militaires de l'État et dans les services publics et, de façon plus générale, dans l'ensemble des activités de la nation. »
Au cours de l'histoire, les missions de l'École évoluent. Ainsi, à sa création, le but de l'École est de « former des ingénieurs en tous genres et de rétablir l'enseignement des sciences exactes qui avait été suspendu pendant les crises de la Révolution, — de donner une haute formation scientifique à des jeunes gens, soit pour être employés par le Gouvernement aux travaux de la République, soit pour reporter dans leurs foyers l'instruction qu'ils auront reçue et y prodiguer les connaissances vraiment utiles »[93],[94]. Polytechnique reprend donc les missions dévolues aux écoles d'ingénieurs qui existaient avant la Révolution, comme l'École de Mézières et l'École des ponts et chaussées. Mais pourMonge l'École a aussi une vocation à caractère encyclopédique : elle est chargée de répandre le goût et la connaissance des sciences dans l'ensemble de la Nation[49], c'est son « but général » tandis que son « but spécial » est la formation pour les services publics[95]. Ces deux objectifs figurent dans la loi du25 frimairean VIII () :« L'École polytechnique est destinée à répandre l'instruction des sciences mathématiques, chimiques, physiques, et des arts graphiques, et particulièrement à former les élèves pour les écoles d'application des services ci-après désignés. Ces services sont,l'artillerie de terre,l'artillerie de la marine, legénie militaire, lesponts et chaussées, laconstruction civile et nautique des vaisseaux et bâtiments civils de la marine, lesmines, et lesingénieurs géographes »[96].
Mais le but général est supprimé en 1830 à l'initiative deFrançois Arago au profit du seul but spécial. Les missions de l'École sont peu modifiées par la suite et ce n'est qu'en 1956 qu'une définition élargie du rôle de l'École est donnée[95] :« L'école polytechnique est destinée à donner à ses élèves une haute culture scientifique et à former des hommes aptes à devenir, après spécialisation, des cadres supérieurs de la nation et, plus spécialement, des corps de l'État, civils et militaires, et des services publics »[97]. L'ambition initiale des fondateurs de l'École est rétablie avec la loi de 1970[95],[98], reprise par leCode de l'éducation actuel.
Cette nouvelle définition des missions de l'École assimile les carrières dans la recherche ou l'économie nationale au service de l'État[99]. L'objectif est de faire participer l'École polytechnique à l'essor de la France au cours desTrente Glorieuses[92] et de répondre au besoin de cadres supérieurs[100] afin de former, selon l'expression deBernard Ésambert, « les officiers de la guerre économique »[101]. Cette réorientation de l'École polytechnique vers l'économie est très marquée par les idéessaint-simoniennes qui concevaient le savant au sens nouveau du social. Les savants devaient en effet recevoir une formation scientifique afin d'acquérir l'intelligence et la capacité d'organisation nécessaires aux futurs cadres de la société[91].
L'accent est véritablement mis sur la recherche à partir de 1994[102],[103] et en 2013 la loi ajoute aux missions de l'École la promotion de l'innovation scientifique, technologique et industrielle ainsi que la formation continue[104].
Laura Chaubard, directrice générale de l'école depuis le et présidente par intérim depuis 2023.
Depuis 2013, la direction de l'École est assurée par unconseil d'administration, dont le président est doté pour la première fois de fonctions « exécutives » qu'il exerce à plein temps, tandis qu'un officier général assure la direction générale et le commandement militaire de l'École[83],[104].
Le conseil d'administration est composé d'un président, d'une directrice générale, de représentants de l'État, de membres du personnel, d'étudiants, d'anciens élèves, de personnalités issues d'un établissement d'enseignement supérieur et de recherche et de cadres d'entreprises (privées ou publiques)[104]. Le conseil d'administration a été créé en 1970 sur le modèle du conseil de perfectionnement, instance suprême de l'École datant de 1799[14],[105],[106].
En octobre 2022,Laura Chaubard est nommée directrice générale de l'École. C'est la première fois qu'une femme est nommée à ce poste depuis la création de l'École. Elle succède à ce poste à l'ingénieur général de l'armement hors classe François Bouchet[107], qui occupait ce poste depuis décembre 2016 et le départ d'Yves Demay, admis en2e section des officiers généraux[108].
À la fin du mandat deJacques Biot[109], premier président « exécutif » de l'École polytechnique, François Bouchet est nommé président du conseil d'administration par intérim selon un arrêté daté du[110]. Par décret du[111],Éric Labaye, directeur associé chezMcKinsey, est nommé président à compter du[112]. À la fin de son mandat en septembre 2023, c'est Laura Chaubard qui est chargée de l'intérim.
Outre la directrice générale, un directeur de l'enseignement et de la recherche est placé sous l'autorité directe du président du conseil d'administration. Le conseil de l'enseignement et de la recherche est un organe composé de personnalités du monde académique et industriel et guide l'École dans ses choix stratégiques en matière de recherche, d'innovation et de formation[9]. Auparavant, existait le conseil d'enseignement, héritier du conseil d'instruction, lui-même successeur du conseil de l'École[113].
La commission amont prépare les décisions du conseil d'administration relatives au concours d'admission, en fonction de l'évolution des classes préparatoires, tandis que la commission aval analyse les attentes des futurs employeurs des élèves et émet des propositions pour améliorer l'insertion professionnelle de ces derniers[9].
L'École, dont le financement est assuré à près de 80 % par l'État, tente de diversifier ses sources de revenus par la collecte de lataxe d'apprentissage auprès des entreprises privées, par des partenariats de recherche et le dépôt de brevets ainsi que par le mécénat[9] avec comme objectif de porter la part de ressources propres à 30 %[114]. Le budget par élève de l'École est en 2013 le cinquième plus élevé des écoles d'ingénieurs françaises[115], environ six fois supérieur à la moyenne des universités françaises[116], mais six fois inférieur à celui deCaltech[117].
En 2012, laCour des comptes publie un rapport très critique à l'égard de la gestion de l'École polytechnique, dont elle souligne les insuffisances. En particulier, la Cour reproche à Polytechnique l'opacité de sa comptabilité, qui ne permet pas d'établir le coût complet de la scolarité ; la gestion laxiste du personnel enseignant, représentant un surcoût de plus d'un million d'euros ; le manque de contrôle deschaires d'entreprise ; le coût des élèves étrangers, d'environ 75 000 euros par élève et la suppressionde facto de la « pantoufle ». La Cour insiste aussi sur la nécessité d'un « fort accroissement des ressources propres » (par lemécénat, leschaires privées, la valorisation du prestige de l'École et laformation continue) si l'École veut se développer à la hauteur de ses ambitions. En réponse à ce rapport, le ministre de la DéfenseGérard Longuet annonce une certification des comptes dès l'exercice 2013, la mise en conformité de la situation des enseignants avec la loi, la reprise en main de la gestion des chaires d'entreprise et le rétablissement de la « pantoufle »[118].
En 2020, laCour des comptes consacre à nouveau un chapitre de son rapport à l'école[119], critiquant sa stratégie[120]. Les critiques de la Cour portent sur divers sujets : une faible diversité des recrutements, un suivi défaillant des anciens élèves, une déconnexion croissante entre l'École et la sphère publique, une offre de formation foisonnante et coûteuse, une stratégie en matière de recherche peu lisible, les implications coûteuses du choix de quitter Paris-Saclay, des résultats déficitaires sur cinq exercices — éléments qui témoignent de points de faiblesse significatifs au regard tant de l'équilibre financier que de l'organisation budgétaire et comptable de l'école avec des procédures peu formalisées et un contrôle de gestion insuffisant ; il soulève la question du statut et de la rémunération des élèves. En conclusion de sa réponse, le président du conseil d'administration indique que« l'École polytechnique possède une stratégie claire s'appuyant sur ses forces historiques et son excellence. Sa feuille de route, complètement intégrée à celle d'IP Paris, appelle une mise à niveau de sa gestion, déjà lancée depuis un an. L'École est totalement mobilisée sur la recherche de financements externes qui demeurent indispensables au retour à l'équilibre financier durable et apte à soutenir l'ambition de son développement et de sa transformation. »
La « pantoufle » est un terme de l'argot polytechnicien, construit par opposition à la « botte ». Il désigne à l'origine le fait pour un ancien élève d'être recruté dans une entreprise privée plutôt que de servir comme haut fonctionnaire, ce qu'on appelle de ce faitpantouflage. Par extension, la pantoufle est aussi le nom courant du remboursement des frais de scolarité si l'élève quitte l'École avant la fin de la scolarité ou n'effectue pas dix ans de service dans le corps de l'État dans lequel il est engagé. Les « frais de scolarité » désignent les rémunérations (solde et indemnité représentative de frais) perçues par les élèves au cours de leur scolarité, hors coût de l'enseignement lui-même et hors couverture sociale et avantages annexes[121].
Le principe est ancien, il a été régi notamment par un décret de 1970, qui actualisait des règlements antérieurs[122]. La pantoufle a néanmoins été inexistante pour les élèves depuis la réforme du cursus polytechnicien de 2000 jusqu'à la promotion entrée en 2015. En effet, avant cette réforme, étaient notamment dispensés de remboursement les élèves qui effectuaient une année de spécialisation portant à la délivrance d'un diplôme français ou étranger. Cette disposition avait pour objectif d'inciter les élèves à poursuivre leur formation au-delà des trois ans. Or, la réforme ayant porté le cursus à quatre ans, l'année de spécialisation est devenue obligatoire et tous les élèves ont été exemptésde facto du remboursement[123].
À la suite du rapport de la Cour des comptes de 2012, le rétablissement de la « pantoufle » est étudié[124],[125] et le conseil d'administration de l'École en adopte le principe en 2013[126]. La pantoufle est finalement rétablie par décret en 2015 qui fixe ses conditions applicables aux élèves entrant à partir de cette année[127]. Dans le cas général, un ancien élève doit effectuer dix ans sur les vingt années suivant sa sortie d'École dans des emplois assimilables à un service public pour être dispensé intégralement du remboursement de ses rémunérations[128].
L'École polytechnique propose aux étudiants français et internationaux trois programmes de formation diplômants[9] :
lebachelor of science, programme post-bac de trois ans dispensé en anglais à partir de 2017[130] qui s'adresse aux élèves français et étrangers. L'admission se fait juste après le lycée, sur la base d'un dossier et d'un entretien oral. La première année se caractérise par un enseignement pluridisciplinaire axé sur les mathématiques, et offre trois double spécialisations en deuxième et troisième année[131] (mathématiques-physique, mathématiques-économie, mathématiques-informatique).
le cycle ingénieur polytechnicien : créé il y a plus de deux cents ans, il est passé de trois à quatre ans en 2000. Les deux premières années sont consacrées à la formation scientifique pluridisciplinaire associée à un enseignement en humanités et sciences sociales tandis que les deux dernières sont consacrées à la formation approfondie et à la professionnalisation et sont communes avec le cycle master. Les trois premières années permettent d'obtenir le titre d'ingénieur diplômé de l'École polytechnique, qui existe depuis 1937[132]. Ce cycle débouche sur l'attribution du diplôme de l'École polytechnique depuis 2000[133] ;
le cycle master, depuis 2005, qui dure deux ans et accorde le grade de Master[73] ;
l'X propose des programmes de grade master en deux ans. CesGraduate degree, entièrement dispensés en anglais, sont centrés sur les forces et atouts de la formation polytechnicienne : proximité avec les entreprises et réponses aux besoins de l'industrie, enseignement pluridisciplinaire en sciences dures et sciences de l'ingénieur, formation adossée à la recherche et combinée à des études en mode projet, ouverture aux sciences sociales (management, économie…) et pratique régulière du sport[134] ;
le cycle doctoral, formation de recherche d'une durée de trois ans après le cycle master s'appuyant sur les vingt laboratoires du centre de recherche qui débouche depuis 1985 sur l'attribution du diplôme de docteur de l'École polytechnique[72],[73] remplacé à partir de 2015 par le diplôme de « doctorat de l'université Paris-Saclay préparé à l'École polytechnique », puis après la sortie de l'université Paris-Saclay par le diplôme de « doctorat de l'institut polytechnique de Paris préparé à l'Ecole polytechnique »[135] ;
l'École polytechnique propose un programme doctoral intégré, en 5 ans, conduisant au diplôme de Docteur. L'objectif de ce programme est de proposer une formation en recherche à des étudiants qui souhaitent poursuivre une carrière internationale dans des institutions académiques ou des entreprises de premier plan. Les deux premières années du programme, qui correspondent à un grade de Master, sont conçues pour permettre aux étudiants de s'approprier les outils nécessaires pour mener un projet de recherche ambitieux. Les trois années suivantes sont entièrement dédiées au projet de recherche conduisant au diplôme de Doctorat[136].
De plus, l'École propose aux seuls étudiants internationaux deux programmes non diplômants[137] :
le programme d'échange international (PEI), suivie d'une partie des enseignements du cycle ingénieur et stage de recherche d'une durée minimale de trois mois ;
le programme de stage pour étudiants internationaux (PSEI), stage de recherche en laboratoire d'une durée de3 à 6mois proposé aux étudiants des universités partenaires.
Conférence à l'École polytechnique.Cours magistral en amphithéâtre.Cours en « petite classe ».Module appliqué en laboratoire.
C'est la formation historique de l'école, dispensée depuis sa création. L'École polytechnique délivre à ses élèves une forte culture scientifique générale qui fait partie d'une longue tradition. Ainsi leMinistre de la GuerreAlexandre Millerand dit, lors de sa visite à Polytechnique en 1912[52] :« Nous ne sommes pas ici dans une école spéciale, mais bien au contraire dans une école d'enseignement supérieur, de haute formation intellectuelle. Ce qu'on y apprend n'est pas toujours, il est vrai, d'une utilité pratique immédiate ; mais il n'en résulte pas que l'objet de votre enseignement forme un bagage inutile, car c'est en matière intellectuelle, par-dessus tout, qu'il est juste de ne pas omettre le superflu, chose nécessaire. » À cette formation d'ingénieur généraliste s'ajoutent des cours d'humanités et de sciences sociales. Ainsi, le cours de « grammaire et belles lettres » est introduit dès 1804 et confié àFrançois Andrieux[138], la chaire d'Histoire est créée en 1862 et confiée àVictor Duruy[139] et les cours d'économie apparaissent en 1904[140],[e].
Lorsqu'elle est créée par Monge en 1794, l'École délivre un enseignement limité aux connaissances techniques en usage à l'époque[13]. Une place importante est réservée à l'expérience et aux travaux en laboratoires. Les deux branches principales sont les mathématiques (analyse, géométrie, mécanique et dessin) et la physique (physique générale et chimie). Lagéométrie descriptive occupe une position considérable. Ce modèle ne dure pas longtemps et l'idéal d'une formation technique générale alliant théorique et pratique est abandonné au profit d'un enseignement abstrait où les applications pratiques sont l'affaire des écoles dite « d'application »[141]. Puis vers 1800 le programme d'enseignement devient plus élevé et plus théorique à l'initiative deLaplace[13]. Les mathématiques, et plus particulièrement l'analyse, prennent alors une place très importante[92] et agissent comme l'outil essentiel de production et de distinction de l'élite technocratique[38]. AinsiFriedrich Hayek considère que l'école, par son enseignementconstructiviste etscientiste, a créé le type même du « spécialiste technique », considéré comme instruit parce qu'il est passé par des écoles difficiles, mais ignorant de la société et de ses problèmes[32]. Les cours sont alors majoritairement constitués d'« amphis » magistraux et tous les élèves suivent les mêmes enseignements[142]. Par la suite, l'enseignement évolue peu dans sa forme : l'École refuse longtemps d'introduire des cours d'électricité ou de mécanique et méprise les laboratoires[47]. Si bien que les cours enseignés en 1880 sont pratiquement les mêmes que ceux de 1830[143].
En 1941,Louis Leprince-Ringuet rédige un rapport sur l'enseignement à l'école, qu'il décrit comme« assez indigeste et essentiellement livresque ». Il déplore que« la forme de l'enseignement n'[ait] guère varié depuis cent ans ». Il propose alors une réforme profonde de la formation que la guerre, la léthargie de l'École et les résistances des autres enseignants et examinateurs retardent[65]. Les premières réformes aboutissent finalement en 1956 : les cours en petites classes se développent, au détriment des cours magistraux[62] et l'instruction militaire est réduite. Deux ans plus tardLaurent Schwartz est nommé professeur et dès son arrivée il décide de rénover l'enseignement des mathématiques à l'école. À l'époque en effet les cours scientifiques y sont d'abord considérés comme une « formation intellectuelle à l'esprit d'analyse et à l'esprit de synthèse » et comme une « gymnastique intellectuelle et non [comme un] enseignement de connaissances »[65]. La réforme de 1970 met en place un tronc commun d'enseignements et des options[142]. La volonté de donner un enseignement scientifique fondamental est alors clairement affirmée, en rupture totale avec la conception qui prévalait depuis le début duXIXe siècle selon laquelle il fallait enseigner une science « utile » car « Polytechnique forme des ingénieurs et non des savants »[65]. Par ailleurs les travaux en laboratoires sont intégrés au programme de la dernière année et de nouvelles matières sont introduites comme lessciences économiques en 1969[144],[f], l'informatique en 1976 puis labiologie en 1985[142],[g].
Le cycle de formation d'ingénieur se déroule sur quatre ans depuis la réforme X 2000[146] :
Les élèves reçoivent des enseignements spécifiques obligatoires enhumanités etsciences sociales, qui se rapprochent de cours deculture générale. Les choix proposés incluent des enseignements sur l'histoire, lamusique, l'architecture, l'art, lapolitique, l'épistémologie ou encore le monde de l'entreprise et lagestion[148]. Tous les élèves du cycle ingénieur étudient l'anglais plus au moins une autre langue vivante parmi les huit proposées[h] et environ 20 % des élèves en moyenne apprennent trois langues vivantes[149]. Enfin, la sectionfrançais langue étrangère (FLE) a elle aussi mis en place ces dernières années un dispositif d'enseignement de lalangue et de laculture françaises pour les élèves étrangers[150].
Le sport occupe une place importante dans la vie des deux promotions d'élèves ingénieurs qui se côtoient sur le campus. Les élèves ont six heures de sport hebdomadaires et sont regroupés en seize sections sportives[i] qui déterminent les quatre compagnies par promotion. Les sections sportives sont encadrées par au moins unsous-officier qui est généralement également l'entraineur de la section, assisté d'autres sous-officiers et d'entraîneurs civils[152].
Les polytechniciens suivent une formation militaire initiale (FMI) d'élèves-officiers. Cette formation a lieu aucamp de La Courtine depuis 2009. Depuis 2010, la FMI est ouverte aux élèves étrangers volontaires de lavoie 1 (filière classes préparatoires)[155]. À la suite de cette formation, les élèves français suivent un service militaire ou civil au cours de leur première année scolaire. Ce stage, dit de formation humaine et militaire a vu sa durée réduite à sept mois et demi, formation initiale incluse, à la suite de la suspension du service national et de la réformeX 2000 de la scolarité.
L'autorité commandant l'École est ungénéral. Le chef de corps est généralement uncolonel. Chaque promotion est encadrée par un commandant de promotion, généralement du grade delieutenant-colonel, qui suit les élèves pendant toute leur scolarité. Chaque compagnie est encadrée par un commandant d'unité, subordonné au commandant de promotion, officier du grade delieutenant,capitaine oucommandant. Les chefs de section sportive sont des sous-officiers sous l'autorité du commandant d'unité qui assurent simultanément des missions d'encadrement et de moniteur de sport[152].
Historiquement, les élèves recevaient une formation très générale à l'École polytechnique avant de se spécialiser lors de leur dernière année dans un domaine particulier comme les ponts, les mines ou les télécommunications. Ce modèle a tendance à évoluer aujourd'hui, en particulier vers la recherche[92].
Le format général de la formation de spécialisation est de trois semestres : deux semestres d'enseignements diplômants et un semestre de stage ou de projet, suivi et évalué, en entreprise ou en laboratoire de recherche[147].
Lahaute fonction publique, lescorps techniques de fonctionnaires et les armées recrutent les élèves français, sur classement, à la sortie de l'école. Les élèves suivent alors également une formation technique, généralement dans une école partenaire (anciennement diteécole d'application[92]) mais aussi, selon les cas, en formation par la recherche (doctorat), en France ou à l'étranger[147].
Ces écoles en convention permettent aux élèves d'acquérir une connaissance générale et une compréhension approfondie des sciences, des techniques et des applications industrielles dans un secteur professionnel spécifique. À l'origine, seules des écoles d'ingénieurs étaient partenaires[j]. Depuis 2002 néanmoins,HEC Paris fait partie des écoles de spécialisation[161] et propose trois spécialisations : X-HEC Strategic Management, X-HEC Finance et X-HEC Entrepreneurs[162]. En 2012 la coopération s'est accrue entre les deux écoles avec la création d'un double diplôme en cinq ans pour larentrée 2013[163].
En, Polytechnique ouvre un diplôme d'établissement en data appliquées aux affaires publiques délivrant le grade de Master, avec pour partenaire laCour des comptes[165].
La seconde année, M2 (60 ECTS) ou année de spécialité repose sur un cursus organisé conjointement en cohabilitation avec d'autres organismes d'enseignement supérieur[166]. Les établissements partenaires se trouvent pour la plupart en Île-de-France (notamment l'École normale supérieure, d'autres grandes écoles dupôleParisTech ou encoreSciences Po Paris, les universitésParis 6 etParis-Sud) ou à l'étranger. Certains masters sont labellisés ParisTech[167].
Lesdocteurs sont formés au sein de la Graduate School dans l'ensemble des domaines couverts par les vingt laboratoires du centre de recherche[168]. Plus de cent thèses sont ainsi soutenues chaque année au sein de l'école doctorale de l'École polytechnique[169]. Quelques-unes des meilleures thèses soutenues chaque année sont distinguées par le Prix de thèse de l'École polytechnique[170] ainsi que par le Prix de thèse ParisTech[171]. L'École doctorale de l'École polytechnique s'est vu attribuer la note globale maximale de A+ par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en 2009. L'agence a en particulier constaté la « très grande qualité scientifique, reconnue au niveau international », les « moyens exceptionnels » et la « gestion et l'animation remarquables » de l'école[172]. L'École doctorale sera abandonnée fin 2013 au profit des nouvelles écoles doctorales de l'université Paris-Saclay[173].
En mars 2015, l'X crée l'« École PolytechniqueExecutive Education »[177], marque qui réunit l'ensemble de son offre de formation executive. Les participants qui remplissent toutes leurs obligations reçoivent un diplôme de l'École polytechnique. Elle propose également unmastère spécialisé engestion de projet avec l'ESSEC[178] et des programmes certifiants[179] dans de nombreux domaines, tels que les objets connectés ou l'entrepreneuriat.
Extérieur du laboratoire de météorologie dynamique (LMD).Laboratoire d'optique appliquée (LOA).
Si à sa création en 1794, l'École dispose de laboratoires destinés aux activités pratiques des élèves, ce qui constitue une exceptionnelle nouveauté pour l'époque[180], le véritable développement des laboratoires date des années postérieures à laSeconde Guerre mondiale. La militarisation de l'École entraîne en effet la diminution des activités de recherche et à partir de 1870 Polytechnique laisse à l'École normale supérieure le rôle de grand établissement d'élite scientifique[49], les laboratoires sont vétustes et en 1908André Blondel déplore un enseignement « fermé à toute conception expérimentale »[54]. Il faut attendre 1936 pour voir le retour de Polytechnique à la recherche moderne, avec la création ducentre de recherches physiques à l'initiative deLouis Leprince-Ringuet[181]. En 1939, le décretSuquet autorise à faire de la recherche au sein desCorps, d'autres laboratoires sont créés par la suite mais de façon anarchique, sans statut ni comptabilité. L'École reconnaît finalement les laboratoires et leur gestion en 1957[181] puis un décret du élève la recherche au rang de service civil[65]. Après la guerre, les polytechniciens s'impliquent largement dans leCEA alors que leCNRS est d'abord une création d'universitaires largement issus de l'École normale supérieure[182]. Mais lorsqueLaurent Schwartz arrive comme professeur en 1958 il déplore qu'il n'y ait presque pas de chercheurs qui sortent de l'École[66].
Le transfert de l'École sur leplateau de Saclay dans lesannées 1970 créé une impulsion nouvelle pour la recherche, à l'initiative notamment du mathématicienLaurent Schwartz, qui se traduit par un très fort développement des laboratoires, greffés pour certains avec leCNRS[92]. Depuis, la recherche se développe continuellement. L'École doctorale de l'École polytechnique (EDX) est créée en 1985 ainsi que le diplôme de docteur de l'École polytechnique[72] et en 2010 laGraduate school s'ouvre pour réunir l'EDX et la Direction des programmes masters[73]. Ainsi en 2010, 30 % des diplômés sont inscrits en doctorat, contre 18 % en 2006[137], et depuis cette année Polytechnique fournit plus de docteurs en sciences exactes que l'ENS Ulm[183]. En 2012, Polytechnique est par ailleurs la deuxième école de France en termes d'importance des contrats de recherche[184] et du nombre de doctorants[185]. Depuis 2013, tous les élèves du cycle polytechnicien réalisent aussi un stage de recherche de 6 mois en laboratoire, en France ou à l'étranger, au cours de leur3e année[9]. L'École abrite vingt-deux laboratoires de recherche, répartis en neuf départements, représentant 1 600 personnes dont640 chercheurs[186]. Ces laboratoires sont situés sur le site même ou àParis[168] et sont des unités mixtes avec leCNRS, parfois sous la tutelle d'autres institutions comme leCEA, l'INRIA, l'INRA, l'ENSTA ParisTech ou encore d'autres universités partenaires. La construction de nouveaux laboratoires commence en 2011 et aboutit à un doublement de la surface consacrée à la biologie, pour atteindre 4 000 m2 à fin 2014[187]. À partir de 2013, l'École polytechnique ouvre ses laboratoires aux médecins (praticiens hospitaliers etinternes) afin de développer des applications dans le domaine de la santé[188]. Malgré cela certains critiquent la faiblesse de la recherche à Polytechnique. En particulierFrançois Garçon estime que la recherche y est essentiellement le fait de non polytechniciens, simplement rattachés aux laboratoires du CNRS[116].
Plus de 1 250 publications dans des revues scientifiques sortent de ces laboratoires chaque année[169], contre une dizaine jusqu'en 1989[190], et en moyenne vingt brevets sont publiés par an[186]. L'École polytechnique utilise l'Hyper articles en ligne (HAL) pour ces publications[191]. De plus l'École publie des ouvrages scientifiques aux Éditions de l'École polytechnique[192] ainsi qu'une revue scientifique annuelle intituléeFlashX depuis[193]. De 1794 à 1939, le Conseil d'instruction de l'École publie unerevue scientifique, leJournal de l'École polytechnique[194].
Lapertinence de cette section est remise en cause. Considérez son contenu avec précaution.Améliorez-le oudiscutez-en, sachant quela pertinence encyclopédique d'une information se démontre essentiellement par des sources secondaires indépendantes et de qualité qui ont analysé la question.(juillet 2025) Motif avancé : Cette section présente des résultats pouvant être appuyés par des sources gérées par des entreprises dont l’activité principale consiste à proposer des prestations commerciales auprès des établissements d’enseignement .
Classements nationaux (classée en tant qu'École Polytechnique au titre de son diplôme d'ingénieur)
L'École polytechnique arrive régulièrement en tête des classements d'écoles d'ingénieurs françaises[203]. En revanche plusieurs critiques ont reproché à l'École ses mauvaises performances dans certains classements internationaux, en particulier dans leclassement académique des universités mondiales par l'université Jiao Tong de Shanghai (ARWU)[204]. L'École arrive à laposition 201-300 dans l'ARWU général, 51-75 dans le domaine des mathématiques, 101-150 en physique et 151-200 en informatique[205]. Aux critiques l'administration de l'École rétorque qu'elle a des moyens bien inférieurs à ses concurrentes (Caltech dispose par exemple d'un budget six fois supérieur pour un nombre d'étudiants équivalent) et sa taille n'est pas adaptée aux classements.
L'École a pour objectif de faire partie des vingt meilleures universités mondiales en ingénierie et en sciences[117], pour cela elle mise sur l'augmentation de ses ressources propres (par lemécénat et leschaires d'entreprise), le développement de la recherche et la mutualisation des moyens des écoles, universités, laboratoires et entreprises deParis-Saclay[210].
Bâtiment La Fibre Entrepreneur -- Drahi - X Novation Center accueillant le Pôle entrepreneuriat et innovation de l'École polytechnique.
L'École est en lien avec le monde de l'entreprise, à travers des tables-rondes[211], des visites[212] et des stages[213]. Le X-Forum, organisé chaque fin d'année, permet aux élèves de participer à un forum d'entreprises[214],[215]. Le cursus ingénieur propose un parcours d'approfondissement en entrepreneuriat en troisième année et 3 diplômes conférant le grade de master dans le domaine de l'innovation et de l'entrepreneuriat[216]. Le Comité de Liaison Entreprises-X (CLEX) permet aux entreprises de faire connaître leurs besoins et leurs attentes en matière de recrutement[217].
En 2012, une direction de l'innovation et de l'entreprenariat[218] est créé, suivie par le pôle entrepreneuriat et innovation en 2014. En 2015, le bâtiment La fibre entrepreneur– Drahi – X Novation Center est construit pour rassembler en un même lieu toutes les activités entrepreneuriales de l'école. Il rassemble : l'accélérateur X-UP (ouvert à tous, accompagnement sur une durée de 6 mois pour de jeunes entrepreneurs), lefablab X-F4B, un espace de formation, un espace decoworking, lapépinière d'entreprises X-Tech (pour une trentaine de startup) et un espace recherche (pour faciliter les synergies entre recherche et entrepreneuriat)[219].
L'École et sa Fondation ont aussi créé une filiale commune, X-Création, dont la mission est de financer les jeunes entreprises, afin d'assurer leuramorçage, à hauteur de 30 000 € maximum par projet[220]. 2 % des élèves créent leur entreprise à la sortie de l'école[221]. Les élèves peuvent aussi s'investir aussi sein de lajunior-entreprise de l'école, XProjets[222], et les doctorants peuvent réaliser leur thèse en entreprise à travers uneconvention industrielle de formation par la recherche (CIFRE)[223].
22chaires d'enseignement et de recherche sont actives en 2016,dans les domaines de l'économie, de l'informatique, des mathématiques appliquées, de la physique, de la mécanique, des humanités et des sciences sociales[224]. Le financement d'une chaire par un industriel se fait au titre dumécénat : l'industriel a accès aux recherches menées dans le cadre de la chaire mais celles-ci restent la propriété de l'école[225].
TotalEnergies décide en 2020 d'installer sa direction Recherche et innovation dans un bâtiment de 10 000 mètres carrés au cœur du campus de l'École polytechnique et de financer une chaire d'enseignement. Ceci soulève une polémique sur la neutralité scientifique de la formation[229] et l'influence que pourrait exercer le groupe sur les enseignements ou les élèves, en particulier concernant la sortie desénergies fossiles et lechangement climatique[230]. Ce que modère la direction rappelant que« ça se saurait si les polytechniciens étaient influençables »[231] et concernant le fait que d'autres grandes entreprises encadrent déjà le campus.Anticor,Greenpeace et une association d'étudiants et anciens élèves (la Sphinx) se mobilisent contre ce projet. Début 2022, après trois recours juridiques et une pétition, TotalEnergies abandonne cette localisation mais confirme l'installation de son pôle « R&D nouvelles énergies & électricité » sur un site existant du plateau de Saclay. La direction de l'École polytechnique regrette cette décision et précise qu'elle « ne remet pas en cause les partenariats avec TotalEnergies, qui sont tous maintenus »[232].
Élève japonaise lors de la cérémonie des couleurs.
D'après leTimes Higher Education, l'École polytechnique figure au16e rang des universités les plus internationales du monde en 2017[233]. Plus de65 nationalités sont représentées parmi les élèves[9] et445 scientifiques étrangers sont accueillis pour une durée supérieure à un mois[234]. L'École a noué215 accords de coopération avec des universités étrangères, dont 32 accords de double diplôme (notamment avec Columbia etCaltech). Depuis 2013, les élèves polytechniciens ont au cours de leur cursus une expérience d'au moins 3 mois à l'étranger que ce soit pour un stage en entreprise, de recherche ou un double diplôme. 35 % des élèves passent l'intégralité de leur4e année au sein d'une université étrangère[9].
Les bâtiments du campus regroupent cinquante salles de cours et de travaux pratiques ; seizeamphithéâtres (le plus grand est l'amphithéâtre Poincaré d'une capacité de780 places[241]) ; cinqlaboratoires de langue ; vingt laboratoires de recherche ; unebibliothèque dont les collections comportent environ 300 000 volumes[242], et dont l'histoire est retracée par la Société des amis de la bibliothèque de l'École polytechnique (SABIX) ; un centre poly-média[Quoi ?] ; des ateliers de dessin, de peinture, de modelage, de gravure, de photographie, d'architecture ; onze salles de réunion ainsi que les logements des élèves et des cadres[243], unemaison d'hôtes[244], un service de restauration, le Magnan[245] et une cafétéria. Le campus dispose par ailleurs d'un centre médical, d'unbureau de poste, de troisbanques présentes en alternance et d'unsalon de coiffure. Les services religieux sont articulés autour d'unechapelle, avec quatreaumôneries : catholique, israélite, protestante et musulmane[246].
un service de bus nocturnes, dénomméNoctilien, est également disponible depuis décembre 2020. Ainsi, la ligneN63 relie, toutes les nuits de l'année, le campus et lagare Montparnasse à Paris[251].
Le campus dispose aussi de son propre service d'autopartage qui propose de réserver sur Internet des voitures disposées à Polytechnique comme àHEC, àCentraleSupélec ou à l'ENS Cachan[252].
Le concours de l'école, instauré dès sa création, est symbolique de « l'élitisme républicain », qui prévoit un accès aux fonctions les plus élevées sur la base du seul mérite et tranche ainsi avec le mode de sélection des officiers d'Ancien Régime.
L'organisation actuelle du concours remonte au début duSecond Empire. Si les écrits prennent une place plus importante, c'est en particulier en raison de l'augmentation du nombre de candidats (moins de 1 000 avant 1830 contre plus du double un siècle après) mais aussi parce que certains, commePaul Appell, estiment que l'écrit trompe moins que l'oral. En revanche, les risques de fraude sont dénoncés dès l'apparition des premières compositions.
Cette filière est ouverte aux candidats français et internationaux et propose 399 places pour les candidats français[258] et 45 pour les étrangers[259]. Les élèves sont recrutés par un concours à l'issue desclasses préparatoires aux grandes écoles des filièresMP,PC,PSI,PT,BCPST,TSI. Ce concours est jugé difficile en raison du faible taux de réussite[256], et parmi lespréparationnaires il est réputé être le concours le plus difficile avec celui de l'ENS Ulm. À la rentrée 2022, l'École accueillera184 élèves provenant de MP, 132 de PC, 57 de PSI, 13 de BCPST, 11 de PT et 2 de TSI. Une place est en outre proposée aux diplômés d'Arts et Métiers ParisTech médaillés[257].
Il existe une voie d'admission par concours réservée aux candidats universitaires français et étrangers[257].
Pour les candidats français, le concours universitaire - appelé Filière Universitaire Française (UNIV-FUF) nécessite d'être inscrit dans une université française ou étrangère en troisième année de licence ou en première année de master dans l'un des domaines suivants : mathématiques, informatique, mécanique, physique ou chimie[266]. Ce recrutement s'appuie en outre sur des accords avec certaines universités comme l'université Paris-Sud, l'université Montpellier 2, l'université de Strasbourg et l'université Bordeaux I[267]. Au concours 2022, 32 places sont attribuées[258], et ce nombre est en augmentation constante depuis 2013[268].
Les candidats étrangers - via la filière Filière Universitaire Internationale (FUI), et la filière FUI-Formation Francophone (FUI-FF) - doivent avoir effectué deux ou trois années d'études universitaires en sciences ou en ingénierie[269]. En 2022, 95 élèves-ingénieurs étrangers sont recrutés par cette voie par sélection sur dossier et examen oral[259].
LaGraduate school, créée en pour réunir l'école doctorale de l'École polytechnique (EDX) et la direction des programmes masters, permet d'obtenir ungrade de master ou undoctorat. Pour les masters le candidat doit être titulaire d'unBachelor of Science, d'unBachelor of Engineering, d'unelicence ou de son équivalent[270] tandis que pour un doctorant le candidat doit être titulaire d'undiplôme master ou d'un équivalent et doit trouver un sujet de thèse et un laboratoire d'accueil[271].
En 2010, il y avait 2 775 étudiants à l'école, dont 2 690 en formation diplômante :
2 004 ingénieurs polytechniciens, dont environ 1 008 sur le campus et 109 en grade de master dans le cadre de leur quatrième année,
251 étudiants de grade de master, dont 109 élèves du cycle ingénieur polytechnicien,
544 doctorants,
32 étudiants dans le Programme d'Échange International, formation non diplômante,
53 dans le Programme de Stages pour Étudiants Internationaux, formation non diplômante[137].
Les effectifs du cycle polytechnicien ont peu évolué en un siècle. En effet, il y a cent ans il y avait environ250 polytechniciens par promotion, contre 400 aujourd'hui si l'on compte uniquement les élèves français. Alors que si la proportion des polytechniciens dans la population étudiante était restée constante, il devrait y en avoir près de 50 000[272]. À l'horizon 2016, le nombre de grades de master doit être porté à 350, dont120 polytechniciens[114].
En 1964, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron rapportent la ville de provenance de l'échantillon de 48 polytechniciens étudié : 5% venaient d'une ville de moins de 5 000 habitants, 17% venaient d'une ville ayant entre 5 000 et 100 000 habitants, 19% venaient d'une ville de plus de 100 000 habitants (excepté Paris et les villes universitaires), 29% venaient d'une ville universitaire autre que Paris et 40% venaient de Paris[273].
En 2010, 42 % des élèves du cycle polytechnicien (X 2007, X 2008 et X 2009) étaient originaires d'Île-de-France, 40 % deprovince et 18 % de l'étranger[137]. Concernant les grades de master et les doctorants, les pourcentages d'élèves internationaux étaient respectivement de 60 et de 40 en 2012[9]. Au total, sur les 2 775 élèves présents sur le campus en 2010, 786 étaient étrangers, soit 28 %. Soixante-cinq nationalités étaient présentes et les trois pays les plus représentés étaient laChine (146 étudiants), leMaroc (66 étudiants) et leBrésil (58 étudiants)[137]. À l'avenir, l'École compte cibler davantage laTurquie et l'Afrique du Sud et doubler le nombre d'étudiants européens[114].
Les élèves français originaires de la région parisienne sont surreprésentés à Polytechnique. Ainsi, un polytechnicien sur deux a passé son brevet dans une académie de la région parisienne (et dans leur très écrasante majorité dans celle deParis ou deVersailles) et le recrutement se fait, en pratique, dans un tout petit vivier. En 2013, par exemple, les lycéesLouis-le-Grand etSainte-Geneviève ont représenté la moitié des élèves admis à l'X[274],[275],[276]. Ceci n'a pas toujours été le cas ; après laPremière Guerre mondiale, le recrutement fut relativement homogène et beaucoup d'élèves venaient des départements du sud de la France, ce qui était une nouveauté par rapport auXIXe siècle[52]. En effet, au début duXIXe siècle, 16 % des élèves venaient dudépartement de la Seine, qui représentait 3 % de la population française[277].
Ce n'est qu'en 1995 que le cycle polytechnicien s'ouvre aux étrangers francophones, avec un concours identique aux candidats français, mais avec des places réservées, et en 1996 aux non-francophones. De 1794 à 1814, l'admission d'élèves externes étrangers est en effet réservée aux hommes de science français et aux élèves envoyés par leur gouvernement ou venus de leur propre initiative. En 1816, la catégorie d'élèves et d'auditeurs externes est supprimée et les très rares exceptions à cette règle sont politiques : les étrangers sont pris « pour être agréable à leur gouvernement ». À l'inverse, l'École des Mines de Paris reçoit de futurs ingénieurs civils étrangers depuis 1816, l'École des Ponts et Chaussées depuis 1851, l'École centrale des arts et manufactures depuis sa fondation en 1829 et l'École normale supérieure signe des conventions d'accueil d'élèves et de résidents avec plusieurs pays en 1867. Si bien que, de 1794 à 1985, l'École polytechnique n'a attiré environ qu'un millier d'étrangers, soit 5 à 6 par promotion en moyenne.
L'origine et le statut des élèves étrangers a beaucoup évolué depuis la création de l'école. De 1794 à 1824, les élèves étrangers viennent desdépartements annexés à l'issue desguerres napoléoniennes. À partir de 1820, on voit apparaître à l'École polytechnique des auditeurs en provenance de pays qui envisagent la formation d'ingénieurs en France après avoir accédé à l'indépendance ou à l'autonomie (Brésil,Mexique,Pologne,Grèce,Roumanie,Égypte). De plus l'échec des révolutionspolonaises (1830) etroumaines (1848) se manifeste par l'arrivée en nombre de ressortissants de ces pays. On dépasse alors la dizaine d'élèves étrangers par promotion[278]. Les élèves étrangers sont alors appelésconstantes car ils ne portent pas l'uniforme ni l'épée (appeléetangente dans l'argot polytechnicien) et ont donc une tangente nulle[279].
Élèves étrangers dans la Cour Vaneau.
Après laguerre franco-allemande de 1870, la politique bienveillante de la France à l'égard des élèves étrangers des établissements militaires est infléchie, tant et si bien que, de 1898 à 1955 très peu d'étrangers suivent des cours à Polytechnique : on en dénombre à peine un ou deux par promotion, c'est-à-dire 1 % de l'ensemble des élèves entre 1921 et 1954, principalement en provenance duProche-Orient, de l'Indochine et de laChine. À partir desannées 1880, les élèves étrangers sont considérés comme de « futures élites au pouvoir » et les diplomates français tentent de faire pression sur leministère de la Guerre, en vue de la réadmission des officiers étrangers dans les écoles militaires françaises ; un décret est pris en ce sens en 1921, sans avoir les conséquences espérées en raison du peu de promotion faite à l'étranger et des complexités administratives[278].
C'est la vague desdécolonisations qui entraîne une augmentation des admissions d'élèves étrangers : on passe à 8–9 étrangers dans lesannées 1970 et à 18–19 étrangers dans lesannées 1980. Leur provenance géographique est plus variée mais reste principalement composée d'anciennes colonies et protectorats français comme laTunisie, leViêt Nam, leMaroc, leLiban ou l'Algérie[280]. À l'inverse des étudiants étrangers précédents, la tendance est au non-retour dans le pays d'origine[281]. La question de l'admission d'auditeurs externes est mise à l'ordre du jour pour la première fois en 1959. En 1963, il est décidé de rapprocher le plus possible les conditions dans lesquelles les étrangers et les Français passent le concours et en 1979, devant le constat du non-retour des élèves étrangers dans leur pays d'origine, le conseil d'administration harmonise les conditions d'admission des élèves étrangers et français : les épreuves de langues vivantes et d'éducation physique ne sont plus facultatives pour les candidats étrangers[278]. En 1998, le rapportJacques Attali préconise l'augmentation du nombre d'élèves étrangers jusqu'à atteindre une centaine par promotion[272]. Cette recommandation est suivie puisque désormais 28 % des élèves de l'École sont étrangers.
Il n'existe en revanche aucune donnée sur l'origine ethnique des élèves[k].
Lithographie de 1865 représentant un polytechnicien se promenant avec sa petite sœur et son petit frère en uniforme de lycéen.
Lors de la création de l'école, le concours d'entrée est mis en place par laConvention pour éviter le favoritisme et les passe-droits, de sorte de réaliser « le recrutement par concours sur la base des mérites individuels », pour être « parfaitement conforme à l'idéal républicain »[48]. Il n'y a de plus pas de frais d'inscription, les élèves sont même payés 1 200 francs par an. Si bien qu'à l'époque la moitié des élèves est issue du peuple ou de la petite bourgeoisie[47] et un cinquième vient du milieu dessans-culottes[48].
Seulement, en militarisant l'École en 1804, Napoléon instaure des frais d'internat de 4 000 francs par an (ces frais sont réduits, la scolarité à l'École coûte en effet moins cher aux familles que les années de préparation dans les lycées[283]) et ajoute une épreuve de version latine au concours d'entrée. Sous laRestauration le caractère aristocratique du concours est renforcé par l'ajout d'épreuves de peinture et de dessin. Ces différentes mesures entraînent la fermeture de fait aux jeunes gens issus des milieux modestes : entre 1815 et 1829, 60 % des polytechniciens sont issus de la haute bourgeoisie et 0,4 % des classes populaires[48] et sous lamonarchie de Juillet 56 % des élèves sont issus de la haute bourgeoisie et 20 % de la moyenne bourgeoisie[47].
Des bourses sont également créées, mais limitées en nombre à 24 par an de 1816 à 1848[l]. En plus de ces bourses officielles, certaines bourses sont payées par les élèves eux-mêmes, par l'intermédiaire de la caisse, qui redistribuent l'argent aux élèves les plus défavorisés de façon anonyme[284]. En 1848, les études deviennent gratuites pour tous les élèves. Elles redeviennent payantes en 1850, mais la limitation du nombre de bourses est supprimée[283].
Sous leSecond Empire, les élèves issus de familles modestes représentent 5 % des polytechniciens[48]. La politique de développement de l'enseignement secondaire menée sous laTroisième République généralise ensuite l'octroi de bourses aux fils de familles modestes[48], ce qui entraîne l'augmentation de la proportion de boursiers, passant entre 1850 et 1881 du tiers à la moitié. Pour éviter tout abus, les noms des boursiers sont publiés auJournal officiel[283]. Ainsi en 1881 Polytechnique est décrite par son directeur comme« l'école la plus démocratique du monde » et ses défenseurs considèrent que« loin d'être l'apanage d'une caste privilégiée, l'École polytechnique a su ainsi résoudre admirablement le problème de la fusion des classes, sans distinction d'origine, sur le terrain du travail, du mérite, de la science et du patriotisme »[283]. Cette démocratisation se poursuit au début duXXe siècle et sur la période 1880-1914 un tiers des polytechniciens sont issus de familles modestes[48].
Néanmoins, dès la création de l'école, desJacobins voyaient dans les écoles créées par la Convention« en germe la reconstitution fatale d'une caste privilégiée ». Pour l'historienFrançois Furet, « cette discussion originaire dit déjà tout sur l'avenir de l'institution : le recrutement des meilleurs sur concours et l'idéologie méritocratique, la nécessité sociale des sciences et des techniques et la formation desélites, la reconstitution desprivilèges sociaux par l'État sous l'apparence de l'égalité »[48]. Plusieurs études sociologiques décrivent également un mécanisme de « reproduction sociale » particulièrement fort à l'École polytechnique[285],[286].Pierre Bourdieu parlait ainsi de« noblesse d'État » pour les élèves qui intègrent lesgrands corps de l'État[287]. Cette notion se rapproche de la conceptionsaint-simonienne qui voulait remplacer les élites héréditaires par une « aristocratie des talents » issue des concours et sélectionnée selon ses compétences scientifiques[288]. Ceci conduit les critiques à considérer Polytechnique comme une « caste en démocratie »[91].
Si l'on considère l'École polytechnique, l'École normale supérieure (ENS) et l'École nationale d'administration (ENA), la part des élèves de ces écoles issus des milieux modestes est passée de 21 % à 7 % entre 1955 et 1995. Ceci ne permet néanmoins pas de conclure sur une augmentation des inégalités puisque dans le même temps la part des jeunes d'origine populaire dans l'ensemble de la génération a baissé. En revanche, la mesure de l'évolution logistique permet d'aboutir à la conclusion suivante : « Si l'on tirait au hasard, en 1955, deux jeunes, l'un de milieu moyen ou supérieur, l'autre de milieu populaire, on avait37 fois plus de chances d'avoir la configuration où le premier était polytechnicien et le second non, qu'avoir la configuration inverse. Aujourd'hui [en 1995], l'accès est moins inégalitaire :26 fois plus de chances « seulement ». » Plus généralement, on constate une « distillation » successive que ce soit dans les grandes écoles ou à l'université : si les jeunes d'origine populaire représentaient 73,6 % des 20–24 ans en 1995, ils ne représentaient que 28,6 % des élèves declasse préparatoire aux grandes écoles et 7,1 % des élèves à Polytechnique, l'ENA ou l'ENS[286].
En 1964, Pierre Bourdieu etJean-Claude Passeron publientLes étudiants et leurs études, dans lequel ils évoquent le fait que 62% des polytechniciens sont enfants de cadres supérieurs, d'industriels ou de membres des professions libérales[289]. La deuxième enquête de ce travail concerne notamment les polytechniciens (Partie II, chapitre 3)[290] dont ils présentent l'origine sociale (l'effectif de l'échantillon était de 48) : 2% ont une origine rurale, 4% pour une origine ouvrière, 2% sont enfants d'employés et de cadres subalternes, 10,5% sont enfants d'artisans et de commerçants, 14,5% sont enfants de cadres moyens, 60,5% sont enfants de cadres supérieurs et de professions libérales, et 6,5% n'ont pas répondu[273].
L'École polytechnique participe à différents programmes en faveur de l'égalité des chances[291]. Tout d'abord cent trente élèves effectuent leur stage de formation humaine dans des institutions de soutien et d'accompagnement scolaire ou d'insertion. Ensuite le programme « Une Grande École Pourquoi Pas Moi ? » permet aux élèves polytechniciens bénévoles de former des lycéens issus de milieux défavorisés pour leur donner l'ambition de faire des études supérieures. Enfin, cet accompagnement se prolonge après lebaccalauréat avec le programme X-Post bac qui consiste en un parrainage et en l'attribution d'une quarantaine de bourses chaque année, de 500 à 4 000 euros[292]. Au total, d'après l'école, près de deux cents élèves polytechniciens aident plus de 3 000 lycéens de milieux défavorisés chaque semaine[293]. De plus comme l'inscription au concours est gratuite pour les boursiers et comme la formation est gratuite et les élèves rémunérés et logés pendant celle-ci, Polytechnique affirme être accessible sans conditions d'aisance financière de la famille[293].
Le nombre d'élèves polytechniciens admis en étant boursiers augmente régulièrement depuis 2007, passant de 7,3 % en 2007 à 16,8 % en 2011[294]. L'objectif de l'École est de 30 % de boursiers[293], conformément aux souhaits deNicolas Sarkozy en 2009[295],[296], néanmoins Polytechnique a refusé l'instauration de quotas et les candidats au concours sont exclusivement sélectionnés sur des critères académiques[291].
Polytechniciennes lors de la présentation au drapeau 2012.Évolution du pourcentage de femmes parmi les élèves français.
L'École est à sa création réservée aux hommes, ce qui conduit par exemple la mathématicienneSophie Germain à se faire passer pour un homme afin d'envoyer ses remarques sur les cours àJoseph-Louis Lagrange[297]. Pendant et après laPremière Guerre mondiale, la France est confrontée à un déficit de jeunes hommes qui conduit nombre de grandes écoles à s'ouvrir aux femmes, commeCentrale Paris en 1917,Supélec en 1919 etSupaéro en 1924. Parallèlement des écoles mixtes sont fondées, comme l'Institut d'optique en 1920[298], si bien que dès 1922, des élèves imaginent des femmes polytechniciennes et dessinent leur uniforme[299]. Dans le but de créer une École polytechnique pour les femmes,Marie-Louise Paris fonde en 1925 l'Institut électromécanique féminin[300], qui deviendra en 1933 l'École polytechnique féminine[298], sans que les deux institutions n'aient de liens.
Mais ce n'est qu'en 1970 que la loi autorise les femmes à participer au concours d'entrée à Polytechnique[69], sous l'impulsion deMichel Debré, alors ministre de la Défense[99], qui avait déjà milité en faveur de l'ouverture de l'ENA aux femmes en 1945[301]. Il faut néanmoins attendre 1972 pour que la modification du concours soit mise en œuvre : elles sont alors sept admises sur une promotion de 315 élèves, dontAnne Chopinet, entrée major[70]. Depuis, la proportion de femmes parmi les élèves français issus de classes préparatoires a tendance à augmenter, malgré d'importantes fluctuations selon les années, avec un record de 18,5 % en 2011[294]. LaCour des Comptes estime que le recrutement de l'École accentue une déformation déjà présente dans lesclasses préparatoires scientifiques où les femmes représentent 28 % des effectifs de deuxième année[118]. Des actions sont donc menées pour promouvoir les « ingénieures au féminin »[302] comme la création de l'association X au féminin, désormais SCIENCES ParisTech au féminin[303].
Claudine Hermann est la première femme nommée à un poste professoral à l'école, en 1992[304].
Marion Guillou fut la première femme nommée à un poste de direction de l'École (présidente du conseil d'administration), de 2008 à 2013[305].
Legrand uniforme des polytechniciennes a connu plusieurs évolutions. Malgré le passage en 2021 de la jupe au pantalon[306], les uniformes masculin et féminin ne sont pas identiques. En effet, le grand uniforme féminin comporte un col ouvert et un jabot, là où leurs camarades masculins portent le col officier[307]. De plus, de nombreux détails de l'uniforme (boutonnière, poches, traitement déperlant du tissu) sont absents ou de moins bonne facture dans l'uniforme des polytechniciennes.
L'association qui fédère les activités associatives de l'École est la Kès. Elle est composée de seizeKessiers[308] ayant chacun un rôle particulier. Les élèves versent tous les mois à la Kès une somme prédéfinie qui sert à financer les associations, organiser les soirées étudiantes et à offrir une solde aux élèves étrangers qui en sont dépourvus[309]. En son sein existent près de deux centsbinets, nom que les élèves donnent traditionnellement à leurs associations. Les doctorants possèdent leur propre association, appelée X'Doc[310]. Celle des élèves du cycle master s'appelle l'Association des masters de l'École polytechnique (AMiX)[311]. Ces associations développent des liens avec la Kès pour créer une vie de campus commune aux trois populations d'étudiants.
Le club sportif de l'École polytechnique (CSX) propose des activités sportives et culturelles[312]. Il est ouvert aux élèves et aux personnels du campus mais aussi aux extérieurs[313]. De nombreuses manifestations sportives sont organisées tous les ans par les élèves, parmi lesquelles le Jumping de l'X[314], laStudent Yachting World Cup (Sywoc)[315], le Raid de l'X[316], le challenge international d'escrime de l'X[317]. Ce dernier reprend une tradition de l'X, d'organiser un tournoi d'escrime au printemps, coutume qui s'explique par la place importante de ce sport dans l'école, puisque sa pratique y a été obligatoire à partir de 1875 (ce n'est plus le cas aujourd'hui)[318].
« Pour la patrie les sciences et la gloire », sur le fronton du pavillon Joffre,jardin Carré, Paris.La garde au drapeau de l'école, lors dudéfilé militaire du 14 Juillet, en 2008.Avers du drapeau de l'École polytechnique.
La première des traditions est le concours d'entrée, sorte de rite de passage[38]. Il est suivi d'autres traditions, pour la plupart apparues avec le casernement de l'École en 1804[138] et qui ont évolué par la suite. Cependant, en 1968 les plus importantes traditions — comme lebahutage et leCode X — se perdent[67]. Les élèves de la promotion 1967, envoyés en corps de troupe, ne sont pas présents à la rentrée pourbahuter leursconscrits[322]. De plus lors du transfert à Palaiseau en 1976, la direction déplace le service militaire si bien que les promotions 1974 et 1975 ne se rencontrent pas. Ce changement, dû à une volonté d'éviter tout désordre lors du transfert, fort impopulaire parmi les élèves, amène la perte des dernières traditions[71]. Néanmoins à partir de 1985 les traditions, en particulier lebahutage et laKhômiss, sont remises au goût du jour[309].
Ces différentes traditions, ainsi que l'argot polytechnicien, structurent le parcours du polytechnicien et permettent la construction d'une identité du groupe. « L'esprit de corps » des polytechniciens tend ainsi à constituer un véritable « État dans l'État »[38].
La Khômiss[m] est un groupe d'élèves qui existe depuis 1811-1812, malgré une éclipse entre 1966 et 1986[323]. Elle est composée d'une dizaine de membres, lesmissaires (appeléspitaines auxXIXe et XXe siècles[324]) qui agissent (actuellement en 2020) masqués d'une cagoule rouge[325] à l'exception de leur chef, le GénéK, qui est (actuellement en 2020) élu par la promotion et porte un képi de général d'armée. Ce dernier désigne sesmissaires, chargés de perpétuer « le désordre et les traditions » : apprendre aux nouveaux les valeurs de l'école, exprimer les revendications des élèves lorsque les voies traditionnelles de requête ont échoué, égayer les cérémonies militaires et organiser les soirées de traditions[309],[324].
L'incorporation des élèves (autrefois appelée initiation, absorption, « bahutage »[322],bizutage[91] ou cryptage) puise ses origines dans la militarisation de l'école[138]. Cette tradition est interrompue de 1968 à 1985 en raison du vote de la promotion 1967 contre le bahutage[322]. L'incorporation actuelle, remise en place progressivement à partir de 1985, est organisée par la Khômiss et la Kès. Elle s'inspire du cryptage tel qu'il existait sur lamontagne Sainte-Geneviève mais ne dure qu'une semaine[323].
Tous les élèves ingénieurs polytechniciens (français ou non) possèdent un uniforme appelé « Grand Uniforme » ou « GU » et réalisé sur mesure. Voir dans l'article spécifique pour les spécificités féminines, qui se réduisent au fil du temps pour converger vers un uniforme quasimentunisexe. Celui-ci comporte notamment unbicorne et une épée appelée « tangente » dans l'argot polytechnicien. Les élèves ne portent plus l'uniforme lors des enseignements, sauf lors de conférences importantes où sont invités des intervenants extérieurs[326],[327]. L'uniforme est revêtu à l'occasion de certaines manifestations comme leBal de l'X mais surtout lors des cérémonies militaires comme ledéfilé militaire du 14 Juillet, où une délégation de polytechniciens défile en tête de l'Armée française sur lesChamps-Élysées, et ce depuis la présidence deSadi Carnot en 1887[52].
Deux promotions d'élèves ingénieurs se trouvent simultanément à l'École polytechnique, l'une étant une promotion « jône », l'autre « rouje ». Il était autrefois possible de savoir à quelle promotion appartenait un élève en regardant la couleur du liseré de son uniforme d'intérieur : il étaitjaune pour ceux entrés une année impaire etrouge pour ceux entrés une année paire. Si les uniformes d'intérieur ont depuis longtemps disparu, l'habitude d'appelerjônes les élèves issus de promotions impaires etroujes ceux de promotions paires s'est maintenue. Les deux couleurs rouge et jaune font désormais partie de l'identité de l'École et on les retrouvait notamment sur son logo entre 1994 et 2013. Les élèves ayant fait partie de deux promotions successives (par exemple pour cause de redoublement) sont appelés « oranje » car à la foisjônes etroujes[325]. Cette appellation traditionnelle se retrouve notamment dans le nom de la revue éditée par l'Association des anciens élèves et diplômés de l'École polytechnique[331].
Les débouchés diffèrent beaucoup selon la voie d'accès[221] :
les élèves du cycle polytechnicien intègrent pour moitié des entreprises et organismes privés en France et à l'international, majoritairement dans l'industrie, leconseil et lesservices. 15 % d'entre eux choisissent, lorsque leur classement de sortie le leur permet, d'intégrer ungrand corps de l'État. 29 % des élèves poursuivent leurs études pour obtenir undoctorat ou unPhD après leur master, mais certaines critiques portent sur la faiblesse de la formation à la recherche de Polytechnique[116], et 3 % s'orientent vers la création ou la reprise d'entreprise[332] ;
les élèves des programmes masters s'orientent majoritairement vers undoctorat (ou unPhD) puis vers l'activité professionnelle (notamment dans l'industrie, la banque et le conseil) ;
les élèves de l'école doctorale poursuivent majoritairement vers l'entreprise, le reste s'oriente vers l'enseignement et la recherche.
C'est finalement laSeconde Guerre mondiale qui scelle la fin de la figure de l'officier-ingénieur[334]. Puis pendant lesTrente Glorieuses, les polytechniciens s'orientent majoritairement vers l'industrie[204] et participent à l'essor de la France[92]. Les carrières-type évoluent et lemanagement prend une place importante dans le parcours professionnel des polytechniciens[204]. Après les Trente Glorieuses, le nombre de places attribuées dans les corps diminue progressivement : de 138 pour300 élèves français en 1975 il passe à 70 pour400 élèves français en 2010[335].
Lesannées 1990 et2000 ont été marquées par l'augmentation importante de la banque et de la finance dans les carrières à la sortie de l'école[92], attirant notamment des critiques[336],[116]. Aujourd'hui, 9 % des polytechniciens s'oriente vers leSecteur financier[221].
Aujourd'hui les carrières militaires (hors ingénieurs militaires) n'attirent plus que deux ou trois polytechniciens par an[337], soit environ 1 % des effectifs[338], l'effectif desingénieurs militaires se stabilise en deçà de 20[335].
Dès sa création, l'École dispose des plus éminents professeurs de l'époque :Ampère,Fourier,Monge,Laplace.Cauchy (X 1805).Becquerel (X 1872, prix Nobel de physique),Poisson (ancien élève succédant àFourier),Louis Leprince-Ringuet (X 1920) y donnèrent aussi des cours à l'école[342]. Pendant longtemps l'École favorisait les enseignants polytechniciens au détriment des universitaires ou desnormaliens, même si les compétences de ces derniers étaient parfois largement supérieures[65]. De plus l'École n'avait que des enseignants cumulants[66]. Après 1970, le corps enseignant connaît une profonde réforme, il est recruté avant tout sur des critères d'excellence, participe activement à la recherche et se reconstitue progressivement[65]. En outre le nombre d'enseignants permanents augmente[66].Jacques Derrey y fut maître de dessin de 1956 à 1973.Laurent Schwartz, lauréat de lamédaille Fields, y fut professeur de 1959 à 1980[61] etPierre-Louis Lions, autre Médaille Fields, y enseigne les mathématiques appliquées depuis 1992[343].Christopher Pissarides,prix Nobel d'économie, est membre du Conseil d'enseignement et de recherche de l'École polytechnique[344].Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018, est également professeur au haut collège de l'École polytechnique[345],[346].
Les enseignants occupent l'une des catégories d'emplois suivantes :professeur (définit les enseignements et assure les cours magistraux),professeur associé (assure les cours d'approfondissement),professeur chargé de cours (assure les cours d'application),maître de conférences (encadre des groupes d'élèves et anime des séminaires) ouchargé d'enseignement (encadre les travaux pratiques, expérimentaux ou informatiques)[350].
Le statut et les missions particulières de l'École polytechnique — école d'ingénieurs sous statut militaire dotée d'un important pôle de recherche — font que l'on trouve des polytechniciens dans de nombreux domaines.
Le titre d'ancien élève de l'École polytechnique ne peut être porté, depuis la mise en application du décret du, qu'après délivrance du diplôme de fin d'études de l'École polytechnique. Les anciens élèves de l'École polytechnique sont désignés par la lettre X suivie du millésime de leur promotion, c'est-à-dire l'année d'entrée à l'École. Les titulaires d'un diplôme ou de grade de master ou de docteur sont respectivement désignés par les lettres M ou D suivies de l'année d'obtention de leur diplôme, c'est-à-dire l'année de sortie de l'École[357].
L'École polytechnique est rattachée, dans laconscience collective, à l'idéalrépublicain et à la gloirenapoléonienne, au même titre que lespréfets, leslycées ou leCode civil[360]. Ainsi,Victor Hugo la met sur le même plan que laLégion d'honneur et que l'Institut :« Deux républiques sont possibles. L'une abattra le drapeau tricolore sous le drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera bas la statue de Napoléon et dressera la statue de Marat, détruira l'institut, l'école polytechnique et la légion d'honneur […] »[361]. Pour l'homme de la rue, Polytechnique a été fondée parNapoléon et participe ainsi du mythe napoléonien, au même titre que les grandes institutions nées sous leConsulat et qui structurent toujours la société française[360], comme le suggère Victor Hugo :« Elle [laConvention] donnait à la circulation le télégraphe, à la vieillesse les hospices dotés, à la maladie les hôpitaux purifiés, à l'enseignement l'école polytechnique, à la science le bureau des longitudes, à l'esprit humain l'institut »[362]. C'est la gloire liée à l'École polytechnique qui conduitGustave Flaubert à écrire :« Polytechnique, rêve de toutes les mères (vieux) »[363].
Dans l'imaginaire populaire, l'École polytechnique est symbolisée par le « Grand Uniforme » et ses accessoires (bicorne etépée)[327] et elle incarne les « qualités et les défauts de l'excellence scolaire et de la réussite sociale « à la française »[364] tandis que la figure du polytechnicien est « synonyme de rigueur et d'abstraction, de travail acharné et d'excessive sûreté de soi, d'archaïsme social (l'uniforme, les concours) et de modernité technique (Ariane, le TGV) »[288]. Cetteimage populaire se retrouve dans l'expression « Pour savoir ça, y'a pas besoin d'être sorti de Polytechnique ! » qui, jusque dans son caractère ironique, souligne la distance entre un savoir ordinaire et un savoir complet longuement acquis que détiendrait par droit d'école le polytechnicien[365].
En outre de nombreux auteurs ont fait remarquer le raisonnement excessivement scientifique des polytechniciens. AinsiAndré Maurois écrivit :« — Un polytechnicien est un homme qui croit que tous les êtres, vivants ou inanimés, peuvent être définis avec rigueur et soumis au calcul algébrique. Un polytechnicien met enéquation la victoire, la tempête et l'amour »[366]. C'est pourquoi la formation dispensée à l'École polytechnique a été critiquée par certains auteurs (parce que trop théorique et éloignée des réalités) tels qu'Yvan Audouard :« Le contact humain, c'est ce qui fait le plus cruellement défaut à cette époque polytechnicienne, technocrate et structuraliste »[367]. L'École illustre aussi l'élitisme et latechnocratie comme le suggère la chanson intitulée « La marche des Polytechniciens » dans le spectacle musicalLa Tour Eiffel qui tue :« Grâce aux équations de tous les degrés, nous gouvernerons un jour l'univers »[91]. Polytechnique représente pour certains auteurs et artistes l'avidité du monde de l'entreprise desannées 1990 et2000. AinsiAlbert Jacquard affirma :« Je suis polytechnicien, j'ai une formation d'ingénieur ; je suis effaré de constater que certains de mes chers collègues ont voué leur vie à réussir une carrière, à devenir les serviteurs zélés et efficaces d'entreprises dont ils ignorent, dont ils ne veulent pas connaître lesfinalités. Ils ne sont plus que des objets »[368]. Tandis queCosta-Gavras choisit un polytechnicien pour personnage principal du filmLe Capital, critique des dérives de lafinance moderne[369].
L'École polytechnique et ce qui l'entoure sont de plus utilisés dans plusieurs œuvres de fiction. AinsiStendhal (qui passa le concours en 1799[370]) mentionne l'établissement soixante-dix-huit fois dans l'ensemble de son œuvre et nombre de ses héros sont polytechniciens (Octave de Malivert,Lucien Leuwen etFédor de Miossens en particulier)[371]. En 1982, le filmTout feu, tout flamme met en scène une polytechnicienne, jouée parIsabelle Adjani, sûrement inspirée parAnne Chopinet[70].
Dans les années qui suivent sa création en 1794, l'École polytechnique acquiert une renommée importante, tant enFrance qu'à l'étranger. Elle sert ainsi de modèle à de nombreux établissements d'enseignement supérieurs, civils ou militaires. On peut ainsi citer Boston Tech (futurMIT)[o], lespolytechnics anglais, lesTechnische Hochschulen allemandes[141] ou l'Académie militaire de West Point[p]. Cette dernière a maintenu des liens avec l'École polytechnique et s'est beaucoup inspirée des structures et des traditions de Polytechnique : le « Honor Code » est par exemple l'équivalent duCode X[372]. Certains polytechniciens ont créé d'autres institutions telles que l'École royale militaire belge, fondée en 1832 par lelieutenant-colonelJean Chapelié (X 1812) et organisée sur le même schéma que l'École polytechnique[373] ou l'Institut militaire de Virginie fondé par lecolonelClaudius Crozet(en) en 1839[374]. En France, l'École centrale, fondée en 1829, est conçue comme une « nouvelle École polytechnique »[49] plus proche de l'industrie et plus autonome vis-à-vis de l'État, bien qu'issue « de projets pédagogiques et de philosophies fort différents »[375]. D'autres écoles reprennent le nom même de Polytechnique, sans pour autant avoir de relation avec l'École polytechnique. Ainsi l'École polytechnique de Montréal, fondée en 1873, s'inspire directement de son homologue parisienne[376] et l'École polytechnique féminine est fondée en 1925 afin d'être une École polytechnique pour les jeunes filles[298]. L'École d'administration de 1848 (lointaine et éphémère ancêtre de l'ENA) a été fondée « sur des bases analogues à celles de l'école polytechnique »[377].
↑Bruno Belhoste, « Ambroise Fourcy & Jean Dhombres (Introd.)Histoire de l'École polytechnique, Paris, Belin, 1987 (Librairie du bicentenaire de la Révolution française) ; Janis Langins et Emmanuel Grison (Préf.),La République avait besoin de savants : l'École centrale des travaux publics et les cours révolutionnaires de l'anIII, Paris, Belin, 1987 (Librairie du bicentenaire de la Révolution française) »,Histoire de l'éducation, 1988,vol. 37,no 1,p. 86-92 (Lire en ligne, consulté le 28 mars 2013).
↑Ce qui a donné lieu au bruit, disait-il, que je n'aimais pas cette école, c'est que les jeunes gens, la plus part âgés de quinze ou seize ans, se libertinaient au milieu de la corruption de la capitale, et que je les fis caserner, ce qui leur déplut.(Mémoires deMarchand, p. 117(ISBN2-84734-077-7))
↑Marie-LouiseTronc-Casademont, « Petite histoire de l’École polytechnique sur la montagne Sainte-Geneviève »,Bulletin de la Sabix. Société des amis de la Bibliothèque et de l’Histoire de l'École polytechnique,no 65,,p. 9–12(ISSN0989-3059,DOI10.4000/sabix.2628,lire en ligne, consulté le)
↑abcde etfJean-Luc Chappey, « La Formation d'une technocratie. L'École polytechnique et ses élèves de la Révolution au Second Empire »Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 337 | juillet-, mis en ligne le, consulté le 2 mars 2013. URL :http://ahrf.revues.org/1564.
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La version du 3 juillet 2013 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.