L'ère chrétienne est une manière de compter les années à partir de lanaissance de Jésus-Christ, telle qu'elle fut calculée auVIe siècle. Dans les textes latins du Moyen Âge, elle est signalée par les formulesAnno Incarnationis,Anno ab incarnatione Domini,Anno Domini (enlatin « en l'année de l'incarnation », « en l'année de l'incarnation du Seigneur », « en l'année du Seigneur », cette formule étant parfois abrégée en « AD »[1]). Comme l'ère romaine, l'ère d'Espagne, l'ère musulmane ou lecalendrier républicain, elle ne connaît pas d'année zéro et commence avec l'an 1.
Ce système de datation est compris — sinon adopté — par toutes les organisations mondiales. Il est parfois qualifié d'ère commune (abrégée elle aussi en EC).
Cette datation a été calculée en se fondant sur leLiber de Paschate[2] deDenys le Petit, publié vers 525 ; il avait été chargé par le chancelier papal Bonifacius de concevoir une méthode pour prévoir la date de Pâques selon la « Règle alexandrine ». Cette règle avait été transcrite dans des tables (dites latines) préparées vers 444 par un subordonné de l'évêqueCyrille d'Alexandrie. Ces tables couvraient des périodes de95 ans (ou cinq cycles de19 ans du GrecMéton) et dataient les années selon le calendrier dit de l'ère deDioclétien, dont la première année est notre année 285. Le but était de mettre fin aux « querelles pascales » qui agitaient l'Église[3].
Quart deducat deZurich, en or, portant au revers la mentionAnno Domini 1712.
En 525, Denys ajouta un cycle de95 ans à partir de l'année 247 de l'ère de Dioclétien, là où s’arrêtaient les tables alexandrines qu'il avait en sa possession (c'est-à-dire à partir de 285 + 247 = 532 de notre calendrier actuel). Mais il décida en même temps de modifier l'année du début du calendrier pour ne plus se référer au calendrier de Dioclétien, empereur qui avait persécuté les chrétiens. Il déclara donc que l'année où il réalisait ce complément aux tables d'Alexandrie était l'année525 après l'Incarnation du Christ, qui devenait l'année de départ du nouveau calendrier. On ne sait de manière certaine s'il avait noté que l'année 532, à partir de laquelle il avait ajouté un cycle de95 ans, correspondait au produit de 19 (cycle deMéton), par 4 (pour les années bissextiles), par 7 (pour les jours de la semaine), c'est-à-dire au cycle de532 ans du calendrier alexandrin, cycle pour lequel Pâques tombe le même jour du même mois.
Denys le Petit prit comme jour de départ le 25 mars (jour de l'équinoxe de printemps dans le calendrier julien initial) de l'année 753ab urbe condita, parce qu'elle offrait une coïncidence avec la nouvelle lune de printemps. En effet, cette année-là, qui correspond à l’an -1 du calendrier actuel, soit l'an 0 sur l'échelle des astronomes[5], la nouvelle lune de printemps se produisit le 24 mars à11 h 28TU. Les années proches n'offraient pas cette coïncidence.
Denys le Petit n'hésita donc pas à se servir d'une coïncidence astrale pour déterminer l'an 1. Son calendrier des dates de Pâques, approuvé par le pape Jean II en 533, servit à déterminer la nouvelle ère qui devait succéder à celle de Dioclétien. La naissance de Jésus s'en trouvant reportée au 25 décembre 753 (9 mois après l'Incarnation), l'an 1 de l'Anno Domini fut aligné sur l'année julienne 754ab urbe condita, commençant le premier janvier (les années commençaient le1er janvier à Rome depuis six siècles, aussi le ıve siècle, l'Annonciation, fête de l'Incarnation, était commémorée le 25 mars) qui tombe donc le jour de lacirconcision du Christ, puisque les Juifs circoncisent les garçons une semaine après leur naissance. Le calendrier de Denys ne fut cependant pas adopté immédiatement et on continua, même à Rome, à utiliser le calendrier de Dioclétien (Anno Diocletiani) jusqu'auVIIIe siècle.
En France, elle est utilisée à partir duVIIIe siècle. À cette époque,Bède le Vénérable avait introduit son usage dans le monde anglo-saxon et à cause de la grande renommée de Bède, il se répandit dans tout l'Occident chrétien. Cette référence est cependant longtemps en concurrence avec d’autres[6].
L'ère chrétienne basée sur le calendrier de Denys le Petit offrait donc deux ans de retard sur les repères chronologiques de l'Évangile de Luc et les correspondances proposées par les historiens de l'Antiquité. Il y avait plus de quatre ans de retard sur les repères de l'Évangile deMatthieu, selon qui Jésus serait né au moins deux ans avant la mort d'Hérode le Grand en 4av. J.-C., si on considère le récit du « massacre des Innocents ».
Les repères donnés par Saint Luc ont pu être étudiés en fonction des sources de l'Histoire romaine, notamment ces premiers versets du second chapitre :
« En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de « toute la terre » (tout l'Empire romain). Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléem parce qu’il était de la maison et de la famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. »
Une autre traduction, constatant l’absence d’article dans le texte grec, propose de comprendre :« Quand Quirinius devint gouverneur de Syrie, ce recensement devint le premier »[7]. La lecture offerte par leCodex Bezæ ne présente pas de difficulté grammaticale et correspond à une tournure du grec classique :« Cet enregistrement s’avéra être le premier, Quirinius étant gouverneur de Syrie ». Cependant le recensement effectué parPublius Sulpicius Quirinius eut lieu en 6 de notre ère, comme le précise l'historienFlavius Josèphe[8].
Outre l'incohérence chronologique, le texte de l'évangéliste soulève plusieurs autres problèmes historiques et l'identification de ce recensement reste problématique[9] ; l'historienFergus Millar considère même que l'usage fait par l'évangéliste du cens de Quirinius pour expliquer la naissance de Jésus à Bethléem est« totalement trompeur et anhistorique »[10]. En effet, non seulement l'Empire n'a jamais connu de recensement général mis à part pour les citoyens romains, mais quand bien même un recensement local aurait été ordonné pour la province romaine de Syrie, il n'y a pas de raison que des sujets de l'État client d'Hérode Antipas, où réside la famille de Jésus, soient concernés[11]. Ainsi la plupart des historiens considèrent le récit du recensement de Quirinius enLuc 2 comme historiquement invraisemblable[12].
Il n'existe pas d'an 0 dans l'ère chrétienne (Anno Domini). En effet, l’usage du nombre0 enEurope est postérieur à la création de l’ère chrétienne et, surtout, la numérotation des années, des siècles et des millénaires n'est pas cardinale comme celle des âges de la vie, mais ordinale : l'an 1 est la première année du calendrier alors que l'on est âgé d'un an à la fin de la première année de son existence. On passe donc directement de l’an1 av. J.-C. à l’an1 ap. J.-C. Ainsi1er janvier1 marque le début de la premièreannée, de la premièredécennie, du premiersiècle, du premiermillénaire de l'ère chrétienne, qui finissent respectivement le, le 31 décembre10, le 31 décembre100, le 31 décembre1000. Ainsi, leXXe siècle et leIIe millénaire se sont achevés le ; leIIIe millénaire et leXXIe siècle ont commencé le.
Cependant, pour simplifier les calculs d’éphémérides, les astronomes modernes définissent une année 0 qui correspond à l’année -1 des historiens, notée an 1av. J.-C. L’an-1 des astronomes correspondant à l’an 2av. J.-C. des historiens, et ainsi de suite.
À noter que lecalendrier révolutionnaire français, bien après l'invention du zéro, commence lui aussi directement à l'année 1. Cela vient du fait que les calendriers sont considérés comme un système de comptage, qui commence donc à 1, au lieu d'un système de mesure, qui commencerait à 0. Si les millénaires, les siècles, les années, les mois et les jours sont comptés (temps présent), d'autres systèmes (l'âge, les heures, les secondes) utilisent la mesure (c'est-à-dire le temps passé : notre première année de vie, la première heure d'un événement, la minute n°1 ne sont décomptées que lorsqu'elles se terminent).
Noël ou le jour de l'an ? Ou le « jour J » du début du calendrier
Si le calendrier commence avec la naissance du Christ, pourquoi l'année ne commence-t-elle pas elle aussi le jour de sa naissance ?
Dans lejudaïsme, lacirconcision a lieu au huitième jour du nouveau-né mâle, en présence de dix hommes adultes (miniane) et elle est un rite fondateur. Elle marque l'entrée de celui-ci dans la communauté des hommes.
L'orthodoxie regroupe sous l'expression de "Théophanie du Sauveur" les trois évènements : naissance (etadoration des mages), présentation (et/ou circoncision auTemple), et baptême dans leJourdain. Cette fête est fixée non au 25 décembre, mais, selon les rituels, au premier dimanche de janvier, et le plus traditionnellement le 6 janvier, date où l'Église catholique fêtait l'adoration des Mages, avant de placer cette fête au premier dimanche de l'année pour éviter qu'elle ne sombre dans la désaffection en devenant une fête de semaine inaccessible aux fidèles salariés. Les églises issues de la Réforme, lorsqu'elles célèbrent Noël, le font selon le calendrier catholique dont elles se sont détachées.
Dans laliturgie catholique (qui est lecomput temporel catholique), le début de l'année n'est marqué ni parNoël, ni par lepremier jour de janvier. Chaque année liturgique commence avec l'Avent, qui représente l'attente du triple avènement du Sauveur : dans la chair à Nazareth, dans l'âme en chaque homme, dans la gloire à la fin des temps. Si les trois sont les dimensions réelles de la fête de Noël (voir le Sermon desaint Léon pour la Nativité), le premier concerne plus directement la Nativité, le second le temps « ordinaire » et le dernier la fête du Christ Roi, célébrée le dernier dimanche de novembre.
ère. s. f. Terme de Chronologie. Point fixe d’où l’on commence à compter les années. L’ère d’Espagne est plus ancienne que l’ère Chrétienne. L’ère de Nabonassar. L’ère des Séleucides. Fixer l’ère. La naissance de Jésus-Christ est l’ère des chrétiens ; et celle des mahométans ou l’Hégire est la fuite de Mahomet. Il se dit aussi de la suite des années que l’on compte depuis ce point fixe. L’ère des Espagnols commence environ38 ans avant l’ère des chrétiens, et finit vers 2352.