L’âge du fer est une période archéologique caractérisée par lamétallurgie dufer et faisant suite à l'âge du bronze enEurasie et enAfrique du Nord. Toutefois, les limites chronologiques de l'âge du fer varient selon l'aire culturelle et géographique considérée. L'âge du fer appartient à laPréhistoire, à laProtohistoire ou à l'Antiquité selon les populations et régions concernées.
L'âge du fer débute vers enAnatolie, vers 1020 à enGrèce, entre 800 et enEurope de l'Ouest, et vers enChine[1]. Des sites de métallurgie du fer ont été mis au jour enAfrique centrale et enAfrique de l'Ouest, dont les datations, souvent discutées, pourraient être dans certains cas antérieures auIer millénaire av. J.-C.[2]. La métallurgie du fer nécessite une température de fusion plus élevée que celle du bronze, atteignable grâce à l'évolution technologique des fours[3].
L'existence d'un âge du fer est déjà évoquée dans leDe rerum natura deLucrèce, mais comme simple hypothèse philosophique[4].
La popularisation de l'expression « âge du fer » est attribuée au chercheurdanoisChristian Jürgensen Thomsen[5]. Elle se fonde sur des idées plus anciennes, notamment celles du françaisNicolas Mahudel et de l’historien Lauritz Schebye Vedel Simonsen, professeur à l'université deCopenhague, qui avait envisagé en 1813 que les outils des peuples antiques scandinaves avaient d’abord été de bois et de pierre avant d’être de cuivre et de fer[6],[7]. Thomsen eut l'intuition, en 1816, de l'emploi successif par l'humanité de la pierre, du bronze et du fer, alors qu'il devait classer les antiquités nationales danoises. Il énonce sa théorie des trois périodes préhistoriques — l’âge de la pierre, l’âge du bronze et l’âge du fer —, en 1836 dansLedetraad til Nordisk Oldkyndighed (Guide des antiquités nordiques).
Cette période succède à l'âge du bronze enEurasie et enAfrique du Nord et accompagne ou précède l'entrée des peuples concernés dans l'Antiquité. Certaines régions n'ont jamais connu d'âge du fer tout en connaissant très tôt certaines caractéristiques d'un développement social ou technique important. C'est le cas par exemple descivilisations précolombiennes qui connurent unemétallurgie de l'or et ducuivre jusqu'à la conquête espagnole. L'Afrique subsaharienne, au contraire, n'a pas connu d'âge du bronze, mais directement celui du fer[8] ; la métallurgie du bronze (Ife, Benin…) y est très postérieure. La notion d'âge du fer ne doit donc pas s'entendre partout comme un stade d'évolution.
La métallurgie du fer influença durablement et en profondeur les sociétés d'Eurasie et d'Afrique du Nord. Elle se traduisit notamment par un renforcement de la domination des chefs de guerre en liaison avec les nouvelles conditions techniques de la guerre (remplacement de l'armement en bronze par des armes de fer, plus percutantes) ; l'augmentation des rendements agricoles avec la fabrication d'instrumentsaratoires en fer (araire etcharrue pourvues d'un soc en fer, hache qui permet de défricher plus largement les « bordures » desterres arables, faux et faucilles[9]) favorisant l'extension desdéfrichements[10], l'essor démographique[a]. Cette force de travail accrue permit de dégager« des travailleurs de la production agricole autarcique, et de les utiliser dans l'artisanat et les échanges beaucoup plus largement que précédemment. [Le fer] permit enfin aux cités en gestation de participer à une expansion coloniale lointaine »[11].
Pendant longtemps les archéologues ont estimé que les premiers à utiliser le fer furent lesHittites, dans la seconde moitié duIIe millénaire av. J.-C. Puis on a considéré que la métallurgie du fer était née en Syrie du Nord et en Anatolie, sur les piémonts duTaurus, dans une région susceptible de fournir du minerai et des forêts (pour le charbon nécessaire à la production du fer)[15]. Cependant, les Hittites semblent avoir été les premiers à faire un grand usage du fer dans l'armement. Si l'armée hittite utilisait surtout des armes de bronze, elle fut la première à employer le fer pour la guerre[16].
L'âge du fer commence un peu plus tard dans le reste de l'Eurasie. La Grèce passe à l'âge du fer vers, l'Europe de l'Ouest vers La métallurgie du fer supplante alors la métallurgie du bronze dans l'armement et l'outillage.
Le travail du fer a été introduit en Grèce vers la fin duXIe siècle av. J.-C., puis s'est diffusé vers le nord et vers l'ouest au cours des 500 années suivantes. L'Italie entre dans l'âge du fer vers et l'Europe de l'Ouest vers. La métallurgie du fer ne gagne l'Irlande que vers L'âge du fer n'a réellement débuté que lorsque le fer a commencé à remplacer le bronze dans la fabrication des outils et des armes.
L'âge du fer débute enEurope centrale aux environs de et coïncide avec l'apparition d'une nouvelle élite masculine inhumée sous destumulus avec de grandes épées en fer[17]. Il est subdivisé en deux périodes, nommées d'après deux sites :
Durant les sept derniers siècles du dernier millénaire av. J.-C., des villes sont nées, des États se sont créés, des périodes de développement et de déclin se sont succédé, les marchandises et les techniques ont circulé dans toute l'Europe.
Les limites chronologiques de l’âge du fer varient selon les régions géographiques et culturelles considérées[18]. Vers leVe siècle av. J.-C., l'extraction du fer se développa en Scandinavie. Jusqu'alors, le bronze reposait sur des importations de cuivre et d'étain tandis que l'exploitation du fer put se faire à une échelle locale. Afin d'alimenter les bas fourneaux, l'exploitation des tourbières danoises s'accentua. Le bronze continua d'être utilisé afin de fabriquer des bijoux et accessoires vestimentaires tandis que le fer était destinés aux armes et aux outils[19].
Reconstitution d'un toit de chaume dans leHampshire, une technique répandue à l'âge du fer.
Les cultures archéologiques européennes de cette période permettent de dessiner de grands ensembles géographiques à l'intérieur desquels le matériel archéologique présente une homogénéité, tant sur le plan technique que des décors. EnItalie, lafondation de Rome () eut lieu durant l'âge du fer et la première période de l'histoire de laRome antique (laRoyauté romaine) correspond à peu près aux bornes chronologiques du second âge du fer italien.
Ces ensembles ou « complexes techno-économiques » persistent durant les deux âges du fer, « se dilatant et se contractant au gré des circonstances »[21],[22] :
L’âge du fer enMongolie[23] ne commence qu’auIIIe siècle. Les objets de fer trouvés dans les tombes à dalles montrent que l’expansion de la ferronnerie s’est faite progressivement vers le sud dulac Baïkal. Il s’ensuit l’émergence d’une aristocratie de la steppe, même si certaines formes collectives de l’exercice du pouvoir subsistent parallèlement, comme l’assemblée des chefs de clan.
L'émergence du travail du fer en Afrique subsaharienne fait l'objet de deux thèses contradictoires.
La thèse diffusionniste, théorie la plus ancienne émise par les historiens européens, mais la plus contestée aujourd'hui, considère que le travail du fer a d'abord été introduit enÉgypte et àCarthage vers, avant de se diffuser, via laNubie et leSahara, vers l'Afrique subsaharienne, franchissant le désert aux alentours de[24]. La généralisation du travail du fer s'étagerait de jusqu'àapr. J.-C. environ[25],[26],[27],[28].
À l'opposé, la thèse autochtone estime que le travail du fer a été inventé beaucoup plus précocement en Afrique subsaharienne, dans divers foyers indépendants d'Afrique centrale[29],[30].« L'Afrique au sud du Sahara, semble-t-il désormais, est le foyer d'une invention distincte et indépendante de la métallurgie du fer… Pour résumer les données disponibles, la technologie du fer de la majeure partie de l'Afrique subsaharienne a une origine africaine datant d'avant »[31]. Selon la thèse autochtone, qui tend à prévaloir, les traces les plus anciennes de métallurgie du fer remontent, pour le continent africain, auIIIe millénaire av. J.-C.[32],[33]. Les motifs d'opposition à cette dernière théorie concernent principalement la validité desdatations au carbone 14[34],[30].
Contrairement à l'Eurasie, l'âge du fer en Afrique subsaharienne ne fait pas suite à un âge du bronze. La technologie du fer fait directement suite à l'usage de la pierre et du cuivre. Des découvertes, à Egaro près deTermit, auNiger oriental[35], et à Ôbui, enRépublique centrafricaine[36], laissent penser que le travail du fer a commencé en ces endroits dès leIIIe millénaire av. J.-C. ; ces découvertes sont cependant l'objet de controverses[37]. Les datations les plus anciennes dans le Sahel vont jusqu'à -2900/-2300[29]. Plus au sud, dans le contexte de la cultureNok (actuel Nigeria), le fer remonte à -925/±70. On trouve du fer encore plus ancien plus au sud (Cameroun), avec des datations autour duIIe millénaire av. J.-C.[29]. Dans larégion des Grands Lacs, la métallurgie du fer est attestée dès leIIe millénaire av. J.-C., avec des datations obtenues au Burundi et en Tanzanie[c].
Il a été supposé que l'expansion bantoue avait apporté le fer en Afrique subéquatoriale, mais l'archéologie semble montrer que bien que maîtrisant l'agriculture, les peuples locuteurs du proto-bantou n'utilisent le fer qu'à partir de[40],[41].
En revanche, lesInuits duGroenland ont commencé à exploiter lefer météorique et lefer tellurique vers l'an 1000, en le martelant à froid pour fabriquer de petits objets comme des pointes de flèche[42].
↑[Fourdrignier 1904] Édouard Fourdrignier, « L'âge du Fer : Halstatt - Le Marnien - La Tène »,Bulletin de la Société préhistorique française,vol. 1,no 6,,p. 207-215(lire en ligne).
↑Ces deux outils témoignent de deux activités différentes, la faucille n'étant employée que pour la moisson et la faux pour lafenaison. VoirAnick Coudart et Patrick Pion,Archéologie de la France rurale : de la préhistoire aux temps modernes, Belin,,p. 73.
↑Les études enpalynologie révèlent une chute des pollens d'arbres forestiers et une multiplication des pollens de plantes cultivées. Voir[Gateau 1996] Fabienne Gateau,Carte archéologique de la Gaule, Les Éditions de la MSH,,p. 100.
↑Pierre Lévêque,Bêtes, dieux et hommes : l'imaginaire des premières religions, Messidor/Temps Actuels,,p. 189.
↑Raymond Lanfranchi et Dominique Schwartz,Paysages quaternaires de l'Afrique centrale atlantique, IRD Éditions,, 535 p.(lire en ligne[PDF]) —« L'âge du Fer ancien est désormais attesté dèsc. 2350 A.P. [~ 400av. J.-C.] dans les savanes du Moyen et du Haut-Ogooué et en forêt près d'Oyem au Gabon. Par la suite, autour de 2150 A.P. [~ 200av. J.-C.] le fer est fondu un peu partout dans la région. » --recension par Bernard-Olivier Clist (Université de Gand)..
↑Dominique Schwartz, Hubert de Foresta, Roger Dechamps et Raymond Lafranchi, « Découverte d'un premier site de l'âge du Fer ancien (2110 A.P.) dans le Mayombe congolais. Implications paléobotaniques et pédologiques »,C. R. Acad. Sci., Paris,II,t. 310,,p. 1293-12198 (p. 1295)(lire en ligne[PDF]).
↑Étienne Zangato,Les ateliers d'Ôboui : Premières communautés métallurgistes dans le nord-est du Centrafrique, Paris, éd. Recherche sur les Civilisations (ERC),, 149 p.(ISBN978-2-86538-316-0)
« Les datations[des forges] montrent qu'elles ont fonctionné durant une période allant de 2343-2058 à 2312-1900av. J.-C. » (Zangato 2008,p. 55)
↑Patrick Mouguiama-Daouda,« Langue et histoire des Bantu », dansContribution de la linguistique à l’histoire des peuples du Gabon. La méthode comparative et son application au bantu, Paris, CNRS Éditions,(ISBN978-2-271-07820-9,lire en ligne).