LaTorah ouTora[1] (enhébreu :תּוֹרָה, « instruction » ; engrec ancien :Νόμος /Nómos, « Loi »[2]) est, selon la tradition dujudaïsme, l'enseignement divin transmis parDieu àMoïse (hébreu :תּוֹרַת־מֹשֶׁה –Tōraṯ Mōshe) sur lemont Sinaï et retransmis au travers de ses cinq livres (hébreu :חמשה חומשי תורה –Ḥamishā Ḥoumshē Tōrā) ainsi que l'ensemble des enseignements qui en découlent[3],[4].
Elle est composée de cinq livres désignés en hébreu parun des premiers mots du texte et traditionnellement enfrançais : laGenèse (Berēshīṯ : Au Commencement), l'Exode (Shemōṯ : Noms), leLévitique (Vayyiqrā : Et il appela), lesNombres (Bamiḏbar : Dans le désert) et leDeutéronome (Devarim : Paroles). Elle contient, selon la tradition rabbinique,613 commandements[5][réf. incomplète] et comporte, outre la composante écrite (hébreu :תורה שבכתב,Tōrā sheBikhtāḇ : « Torah écrite »), une dimension orale (hébreu :תורה שבעל פה,Tōrā sheBeʿal Pe : « Torah orale »), ultérieurement compilée dans leTalmud et lalittérature midrashique[4], contrairement à la tradition juivekaraïte qui ne prend en compte que la Torah écrite.
La Torah désignestricto sensu la première section duTanakh —anagramme de l'incipit des cinq premiers livres de laBible hébraïque — mais le terme est également employé pour désigner tant la loi écrite (Tōrā sheBikhtāv) que laloi orale[8] (Tōrā sheBeʿal Pe), qui contient un ensemble d'enseignements religieux juifs, incluant leTalmud (étude), lui-même formé de laMishnah (répétition), de laGuémara, duMidrash (récit), et d'autres.
La Torah fut, selon la tradition, dictée àMoïse parDieu sur lemont Sinaï. Pour lesjuifs, elle a traditionnellement été acceptée comme telle : la parole littérale de Dieu au peuple juif tout entier au mont Sinaï.
Toutefois, cette affirmation est remise en cause dès leXIe siècle, notamment par certains érudits et philosophes commeIsaac ibn Yashush (XIe),Moïse Maïmonide (XIIe) etAbraham ibn Ezra (XIIe), qui dressent la liste des « post-mosaica » — textes ou éléments rédigés après l'époque mosaïque — sans remettre pour autant en cause la tradition reçue[9]. Cependant, le premier à rejeter l'idée que Moïse a écrit les cinq livres estAndreas Bodenstein (1486-1541), unthéologienprotestant qui examine aussi dans son ouvrage la possibilité qu'Esdras soit le véritable auteur du Pentateuque pour finalement la repousser[10]. Le pas est franchi parBaruch Spinoza[11] dans sonTractatus theologico-politicus, où il souligne l'unité organique entre la Torah et les livres « historiques » (deJosué auxRois) et en attribue la rédaction àEsdras[12].
Aujourd'hui, après avoir connu un consensus dans lesannées 1970 autour de l'hypothèse documentaire, diverses autres théories ont refait surface pour expliquer l'origine de la Torah, dont la théorie des fragments et la théorie des compléments. Malgré leurs divergences, ces théories s'accordent toutefois sur le fait que la Torah est une collection de textes mis en commun par desscribes autour de la période de l'Exil et après[13]. La publication de cette littérature de compromis, qui ne cherche pas à gommer les divergences des options théologiques, peut se comprendre comme la mise en place d'une matrice identitaire dujudaïsme naissant, une réponse aux changements politiques, économiques et religieux auxquels celui-ci se trouve confronté[14].
Rouleau de Torah, MuséeKazerne Dossin Mémorial,Malines,Belgique(cliquer pour voir la vidéo).
La racineproto-sémitique du terme תּוֹרָה est *wry, qui évoque enhébreu biblique l'idée d'instruire, d'enseigner à l'oral ou à l'écrit, voire de montrer (« Exode 15:25 »,« Psaumes 32:8 », …). La lettrehe à la fin du mot hébreu n'est pas une consonne, mais unemère de lecture. Pour cette raison, plusieurs biblistes[15] proposent d'écrireTora plutôt queTorah, comme c'était l'usage auparavant[1],[16].
Cette instruction, notamment dans leDeutéronome, peut servir de base pour rendre un jugement, d'où sa traduction en « loi » (νόμος en grec)[17].
l'Adam,qui désigne dans l'au-delà les couples originels avant de se restreindre à l'Homme[réf. nécessaire], est installé dans leGan Eden (« jardin des délices ») mais en est chassé pour avoir outrepassé le seul interdit. Par la suite, l'humanité déchoit au point que Dieu décide d'effacer la création terrestre enl'engloutissant sous les eaux des mers et des cieux (Genèse) ;
les descendants deNoé, seul survivant avec les siens, s'égarent à leur tour, sauf l'un d'eux,Abraham, qui redécouvre safoimonothéiste et, vivant en accord avec cela, sera un modèle debienveillance et desincérité. Dieu établit uneAlliance avec lui, dont lacirconcision sera un acterituel démonstratif de la soumission à Dieu, se perpétuant dans les nouvelles générations de descendants, qui seront nombreux « comme les étoiles ». Son filsIsaac sera un modèle derigueur, le fils de celui-ci,Jacob/Israel, un modèle demiséricorde. Malgré leurs faiblesses et défaillances humaines, ils parviennent à s'améliorer et à vivre dans lavertu, ainsi que leurs descendants, ce qui mène l'un d'eux,Joseph, du statut d'esclave à celui de ministre duPharaon ;
la population hébreue se plaît enÉgypte, jusqu'à ce qu'un pharaondécide de mécroire[pas clair]. Se révélant alors àMoïse qui a vécu comme un maître en Égypte et sera le guide des descendants d'Israël, Dieu libère le peuple de Moïse afin qu'il le serve sur laterre de Canaan, où a habité Abraham (Exode).
Les descendants d'Israël n'en jouiront cependant qu'en le servant, en respectant sesprescriptions, sans quoi ils en seront chassés commeAdam fut chassé duJardin d'Éden. On peut (artificiellement) subdiviser le service en :
prescriptions envers 'Adō-nāï, le Dieu providentiel et garant dulibre arbitre :respect etamour de son prochain, et de l'étranger, comportement rigoureusementmoral etéthique, refus des excès (excès « par excès » comme excès « par défaut »), refus de l'enrichissement personnel s'il appauvrit l'autre, ou ne participe pas à l'enrichissement collectif, etc. ;
cependant, cette subdivision est totalement artificielle,'Adō-nāï est Elohim, il est 'Adō-nāï Elohim, et ce n'est pas un hasard si la phrase« Je Suis 'Adō-nāï votre D.ieu » ponctue tant les prescriptions « éthico-sociales » que les prescriptions « rituelles etsacerdotales ». C'est aussi la phrase à proclamer biquotidiennement, leShema, soit« Écoute Israël, 'Adō-nāï est (notre) Dieu, 'Adō-nāï est Un, soit en hébreuShemaʿ, Israël, 'Adō-nāï Elohenou, 'Adō-nāï Ehad' » : tout le reste en découle, pour qui réfléchit à ces paroles, y compris« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : ton prochain, c'est l'homme, mais c'est aussi, à tout moment et en tout lieu, le Dieu omniprésent et éternel.
Le peuple croyant que Moise est mort, une petite partie du peuple se fabrique un nouvel intermédiaire par unveau d'or. Surtout, les habitudes contractées en Égypte ont la vie dure : tandis que Moïse se trouve sur le Sinaï, une partie du peuple souhaite se construire une statue en or pour l'honorer comme son dieu. Il faudra errer dans le désert durant 40 ans, le temps que meure la génération qui a connu l'Égypte, jusqu'à Moïse lui-même, le temps qu'Israël apprenne à vivre selon la Torah. Moïse préfère le luirappeler au seuil deCanaan, avant de mourir en un lieu indéterminé.
Les cinq livres contiennent donc un système de lois et d'éthique, à la fois complet et ordonné (selon latradition rabbinique, la Torah comporte613 « Commandements » distincts, positifs — « Fais » — ou négatifs — « Ne fais pas » —, chacun appelémitzvah, « prescription »), ainsi qu'une description historique des débuts de ce qui deviendrait lejudaïsme.
Les cinq livres (en particulierBereshit/Genèse, la première partie deShemot/Exode, et une grande partie deBamidbar/Nombres) apparaissent à première vue plutôt comme un ensemble denarrations apparemment historiques que comme uneénumération de lois ; pourtant, beaucoup de concepts, d'idées et de commandements toraïques sont contenus dans ces « histoires », au point que certains disputent leurhistoricité (cf.infra).
LeDeutéronome est différent des livres précédents : il est écrit à lapremière personne. Il s'agit en fait, comme indiqué plus haut, du dernier discours et des dernières recommandations de Moïse aux « enfants d'Israël » avant de mourir.
« Dieu a donnéla Torah en cadeau au peuple juif… Dieu a faitun plus grand cadeau en leur faisant savoir à quel point elle est précieuse. »
Beaucoup de lois ne sont cependant pas directement mentionnées dans la Torah : elles en ont été déduites parexégèse ettraditions orales, avant d'être compilées dans laMishna, leTalmud, laMekhilta deRabbi Ishmaël et autres traités moins souvent étudiés (Baraïta). Le groupe desKaraïtes ne reconnaissant pas l'autorité desrabbanim (maîtres), ils ne suivent tout simplement pas ces lois.
D'autre part, selon la tradition rabbinique du moins, les histoires dans la Torah ne se déroulent pas nécessairement dans l'ordre chronologique, mais parfois par ordre de concept (« le futur expliquant le passé », par exemple). Cette vue est résumée par la maxime talmudique (traitéPessa'him 7a) :« Ein moukdam ou'meou'har baTorah » : « [Il n'y a] pas de « [plus] tôt » et « [plus] tard » dans [la] Torah ».
Le livre de la Torah existe sous deux formes différentes selon son usage :
Présentation de la Loi,E. Moyse, (1860).Musée d'art et d'histoire du judaïsme.s'il estrituel, c'est-à-dire pour la lecture lors desoffices, la forme du livre est celle de la Torah à l'origine : unparchemin fixé à deux poignées de bois, que l'on déroule au fur et à mesure de sa lecture (et qui, étant donné la plus grande commodité à tenir et dérouler ce rouleau au moyen de la main droite, la majorité de l'espèce humaine étant droitière, se lit de droite à gauche). Ce parchemin est appeléSefer Torah (« Livre [de] Torah ») ;
L'écriture desSifrē Tōrā, ouSefārīm, se fait selon des règles extrêmement contraignantes et précises, et ne sont confiées en conséquence qu'à desscribes professionnels hautement qualifiés. C'est en vertu de ces règles que ce texte plurimillénaire nous est arrivé inchangé, et que des copies datant de plusieurs siècles, voire de millénaires, sont virtuellement identiques entre elles. L'accent a été mis sur ce souci de précision au point de dire que chaque mot, chaque lettre, chaque signe même est d'origine divine, et que s'il en manquait un seul, le monde s'écroulerait[2],[18].
Enhébreu, certaineslettres se ressemblent fortement, et lavocalisation peut changer le sens d'un mot. Dans un système basé sur l'analyse jusqu'aux plus subtiles nuances de ces mots, une erreur de lecture peut conduire à une erreur de compréhension et une perversion du message. L'analogie avec la récente notion decode génétique a maintes fois été évoquée.
LesSefārīm sont considérés comme l'un des plus grands trésors d'une communauté, et l'acquisition d'un nouveausefer est prétexte à des célébrations festives. Tous lesSifrē Tōrā sont rangés dans l'endroit le plus saint de lasynagogue : l'Arche sainte (אֲרוֹן הקֹדשׁ (aron hakodesh) en hébreu) appeléeHēkhāl.
Les versions imprimées de la Torah sont traitées avec grand respect, mais leursainteté est considérée comme inférieure à celle desSefārīm qui sont manuscrits ; par exemple, une lettre effacée rend unSefēr Tōrā impropre à l'usage (passoul), ce qui n'est pas le cas desḤoummashīm.
La Torah est le document autour duquel lejudaïsme s'articule : elle est la source de tous lescommandements bibliques dans un cadre éthique. Elle est au centre du culte hebdomadaire : chaqueChabbat, unesection (parasha) est lue publiquement à la synagogue et les fidèles se disputent l'honneur de « monter à la Torah » pour en lire un paragraphe à l'aide duyad. La cérémonie deBar-Mitzvah est de même centrée sur la lecture de laParasha.
D'après la tradition juive, ces livres furent révélés àMoïse parDieu, dont une partie sur le montSinaï.
Diverses opinions circulent dans lalittérature rabbinique sur le moment où elle fut révélée entière :
Pourcertains[Qui ?], elle fut donnée d'un bloc sur lemont Sinaï. Dans cette vision, dite « maximaliste », Moïse eut non seulement connaissance de toutes les paroles de Dieu (« et Dieu dit à Moïse ») mais aussi tous les évènements ultérieurs au mont Sinaï jusqu'à sa mort, voire au-delà ;
D'autres sources pensent que la Torah fut révélée sur le Sinaï jusqu'au Sinaï même, et que le reste serait venu « par épisodes » et ne se serait conclu qu'à la mort de Moïse ;
Une autre école de pensée (dont le RavAvraham ibn Ezra est le tenant le plus connu, mais il fut précédé dans cette voie depuis laHaute Antiquité) est que la Torah, bien qu'ayant été écrite par Moïse dans sa quasi-totalité, fut complétée après sa mort parJosué.
Au sein des 13 articles de foi deMoïse Maïmonide dit Rambam (XIIe), les huitième et neuvième rappellent que la Torah reçue par le biais de Moïse sur le mont Sinaï est une Torah divine et qu'elle n’a jamais subi le moindre changement et restera inchangée à tout jamais. Ainsi, il est interdit d’y apporter la moindre modification[18],[8]. Maïmonide s'appuie notamment surDevarim/Deutéronome 31,verset 21, où une promesse divine est mentionnée, à travers laquelle Dieu s'engage à faire en sorte que la Torah ne soit jamais oubliée, modifiée ou falsifiée.
D'une manière générale, les tenants dujudaïsme orthodoxe s'accordent sur l'origine entièrement (ou quasi entièrement) mosaïque et tout à fait divine de la Torah. En revanche, le judaïsmemassorti (ouconservative) accepte lacritique biblique en soulignant que si la Torah n'a pas été écrite dans sa totalité par Moïse, elle est néanmoins d'origine divine, les scribes ayant été inspirés par Dieu[21].
Au centre de cette partie,tétragrammeYHWH dans unSefer Torah (Nb 18:27-30)
D'après cette même tradition, le message de la Torah est infini, ne s'arrêtant pas aux mots. La moindre lettre, la plus petite préposition, voire lacédille de lalettreyoud (koutzo shel youd קוצו של יוד, leyoud étant la lettre י), les marques décoratives, les répétitions de mots, furent placées là par Dieu afin d'y celer un enseignement[19]. Ceci est valable quel que soit l'endroit où cela apparaît.
Exemples :
dans le cas dekoutzo shel youd, leyoud apparaît dans« Je Suis l'Éternel ton Dieu » ou l'occurrence fréquemment répétée« et Dieu parla à Moïse » ;
on dit queRabbi Akiva avait déduit une nouvelle loi de toutes les occurrences de la particuleett (את) dans la Torah (Talmud, traitéPessa'him 22b) ; orett est une particule accusative sans signification propre. Pourtant,« s'il n'avait été écrit « créa Dieuett les cieux etett la terre », on aurait pu croire que « cieux » était le nom de Dieu » dit-il dans le traitéHaguiga (14a). Mais non, lui répondRabbi Ishmaël,« ett les cieux pour y inclure tout ce qui s'y trouve, les étoiles et les sphères célestes,ett la terre pour y inclure ce qui la peuple ». Autrement dit,ett marque « l'essence de la chose ».
Contre-exemples :
le Talmud, rapporte (traitéMena'hot 49) que Moïse, résidant sur le Sinaï, voit Dieu ajouter aux lettres de la Torah des marques graphiques qui n'en modifient pas la lecture. S'étonnant de cette apparente futilité, il s'entend répondre que dans quelques siècles, un sage nomméAkiva ben Joseph en déduira le sens et les règles. Exauçant la prière de Moïse de comprendre cela, Dieu l'expédie au huitième rang de laYeshiva de Rabbi Akiva, où précisément, celui-ci enseigne ces lois. Devant l'exposé ardu, Moïse se sent épuisé, lorsqu'un élève se risque à demander d'où Rabbi Akiva tire ces enseignements. Et celui-ci de répondre : « C'est une loi donnée à Moïse sur le Sinaï » !
bien qu'on ne discute pas de la validité dukoutzo shel youd, celui-ci est devenu synonyme de « vétille » en français. Dire de quelqu'un qu'il est lekoutzo shel youd est une des formulations de mépris les plus marquées.
Une interprétationkabbalistique de ce principe enseigne que la Torah ne constituait qu'un seul longNom de Dieu, qui fut brisé en mots afin que les esprits humains puissent le comprendre. Par ailleurs, bien que cette façon de décomposerle Nom soit efficace, puisque nous parvenons à l'appréhender, ce n'est pas la seule.
Torah en rouleaux.L'arche contient lesSifrei Torah.
Selon les juifsrabbanites, descendants desPharisiens, et dont lesjuifs orthodoxes maintiennent fidèlement l'idéologie, uneloi orale[8] (Torah SheBe'al Pe) fut donnée au peuple en même temps que la Loi écrite (Torah SheBeKtav), ainsi que le suggèrent de nombreuxversets, notammentEx 25,40. Il s'agissait probablement à l'origine, outre d'explications quant aux prescriptions, deparaphrases orales du texte, explications d'un tel mot, discussion autour de telle idée dans tel verset, mais en tout cas intimement liées à la loi écrite, et la complétant : de nombreuses notions ne sont pas clairement définies dans le texte. Ce souci de se remémorer les paroles des maîtres alla de pair avec une scrupuleuse exactitude[19] dans le respect et l'application des lois.
Ce matériel parallèle fut originellement transmis à Moïse depuis le Sinaï, et de Moïse à Israël oralement. Dans le souci de maintenir le judaïsme dynamique et d'éviter les mésinterprétations[19], il était interdit de consigner les traditions orales. Cependant, devant l'accumulation de matériel, les divergences d'interprétations, qui tenaient parfois à des nuances infimes d'une part, et d'autre part la destruction de laJudée par lesBabyloniens, le haut taux d'assimilation, etc., l'interdit fut levé, lorsqu'il devint évident que l'écriture devenait le seul moyen de préserver l'héritage oral des Anciens.
Le premier à systématiser les lois en catégories futrabbi Akiva. Son disciplerabbi Meïr y contribua grandement. Toutefois, le gros du travail est le fait de rabbiJuda Hanassi, qui acheva cette compilation, et la nommaMishna (« Répétition »). Les traditions non incluses dans la Mishna furent consignées commeBaraïtot ([enseignements] « extérieurs ») ou dans laTosefta (« Supplément »). Des traditions plus tardives furent également codifiées commeMidrashim.
Au cours des quatre siècles qui suivirent, ce petit corpus de lois et enseignements éthiques suffit à fournir les signes et codes nécessaires pour permettre la continuité de l'enseignement des traditions mosaïques[19], tout en maintenant leur dynamisme, et leur transmission aux communautés principalement dispersées entreBabylone et laterre d'Israël (devenue la province romaine deSyria Palestina).
Toutefois, les circonstances historiques contraignirent les communautésgaliléennes d'abord, babyloniennes ensuite, à compiler le corpus de commentaires de la Mishna, dont les allusions, leçons, traditions, etc. synthétisées en quelques centaines de pages furent développées en milliers de pages, appeléesGuemara. Important changement, alors que la Torah et la Mishna sont rédigées en hébreu (bien que l'hébreu mishnaïque ne soit plus identique à l'hébreu biblique), la Guemara l'est enaraméen, ayant été compilée à Babylone. La notion deGuemara est à peu près équivalente à celle deTalmud en hébreu, terme bien plus connu.
Deux « versions » du Talmud existent, leTalmud de Babylone etcelui de Jérusalem, en réalité le résultat des compilations des discussions tenues dans les académies babyloniennes d'une part etgaliléennes de l'autre. Le Talmud de Jérusalem ayant été terminé à la hâte, sous la pression des circonstances historiques, deux siècles avant celui de Babylone, c'est ce dernier qui fait autorité lorsque les deux se contredisent (y compris deux versions différentes de l'enseignement d'un rabbi).
Les juifs pratiquants (rabbanites) suivent les explications traditionnelles de ces textes. LesKaraïtes, eux, ne suivent que laMiqra, c'est-à-dire la Torah.
Lechristianisme confirme que les lois torahiques de l'Ancien Testament sont d'origine divine, mais il les réinterprète selon les principes attribués auChrist, lui-même héritier du courantprophétique du judaïsme, privilégiant l'application spirituelle, morale et intérieure des préceptes aulégalisme.
Les positions chrétiennes peuvent être résumées notamment comme suit :
leNouveau Testament indique queJésus a contracté une nouvelleAlliance entre lui et son peuple (Hébreux 8 ; interprétation chrétienne deJérémie 31:31-34), et que dans celle-ci, il est dit que la Torah est gravée sur le cœur de l'individu ;
il déclara toutes les nourritures « pures » (Marc 7:14-23), ce qui a été interprété comme une abolition deslois alimentaires juives. Quelqueschrétiens ont tendance à revenir aux préceptes de « sanctification de la vie » (ou, selon certains, d'hygiène), y compris les lois sur la diète ;
selonPaul, lessacrifices et laprêtrise préfigurent lamort de Jésus sur la croix en tant que sacrificeexpiatoire, ce qui a été interprété par certains comme une invitation à abandonner les rites et rituels juifs après lui. (Hébreux 8:5; 9:23-26; 10:1).
Cependant, le Nouveau Testament prescrit auxchrétiens des lois provenant directement de la Torah, notamment« Aime ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19:18 ; comparer avec laRègle d'Or),« Aime ton Dieu de tout ton cœur, ton âme et tes forces » (inspiré duDeutéronome 6:4, c'est-à-dire leShema Israël) et tous les commandements duDécalogue (Exode 20:1-17). EtMatthieu (5:17) stipule bien que Jésus n'est « pas venu abolir la loi » (la Torah), mais l'accomplir (« la vivre en plénitude »).
Dans l'Église anglicane, laconfession de foi de Westminster (1646), par exemple, divise leslois mosaïques en catégories civile, morale et cérémoniale, les seules obligatoires étant les morales. Si le reconstructionnisme chrétien voulut les rétablir toutes en vue de construire unethéocratie moderne, d'autres estiment qu'aucune loi civile ne s'applique à eux, celles-ci ayant été rédigées en des temps et circonstances révolus, ce qui n'est pas le cas des obligations morales, ni des principes religieux.
LaTawrat (Torah) est, avec l'Injil (Évangile) et leZabur (Psaumes de David), l'un des trois Livres qui furent révélés parDieu avant leCoran, lequel se veut un « rappel » de ces trois livres. Le motTawrat est cité en de nombreux endroits du Coran et désigne l'ensemble des livres révélés à Moïse.
L'islam affirme donc que Moïse reçut unerévélation, la Tawrat[22]. L'islam fustige toutefois les modifications qui auraient été apportées par les personnes responsables de la conservation des écrits et par certains scribes et prédicateurs, afin de « servir leurs desseins ». D'après la foi islamique, lesÉcritures juives actuelles ne seraient donc pas la révélation originelle donnée à Moïse, mais contiendraient plusieurs altérations.
La Bible samaritaine est rédigée enabjadsamaritain, la forme primitive de l'alphabet hébreu, diteproto-cananéenne, que lesJudéens ont abandonnée pour l'écriturecarrée assyrienne. On considère cet alphabet comme fidèle à celui utilisé avant la captivité babylonienne.
↑ab etc« La Torah orale est une « sœur inséparable » de la Torah écrite : une explication de la Torah écrite ou, parfois, une haie protectrice autour de ses commandements ».R. Gabriel Dayan sur Torah-Box
↑Albert de Pury et Thomas Römer,Le Pentateuque en question : les origines et la composition des cinq premiers livres de la Bible à la lumière des recherches récentes,Labor et Fides,, 429 p.(ISBN978-2-8309-1046-9,lire en ligne),p. 13.
↑abcd eteJosué 1:8 « Que ce livre de la loi ne s'éloigne point de ta bouche; médite-le jour et nuit, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est écrit; car c'est alors que tu auras du succès dans tes entreprises, c'est alors que tu réussiras. »
Albertde Pury (éd.) et ThomasRömer (éd.),Le Pentateuque en question : les origines et la composition des cinq premiers livres de la Bible à la lumière des recherches récentes,Labor et Fides,, 429 p.(ISBN978-2-8309-1046-9,lire en ligne)
IsraëlFinkelstein et ThomasRömer,Aux origines de la Torah. Nouvelles rencontres, nouvelles perspectives,Bayard,, 262 p.