OCCUPANTS ET OCCUPÉS
LA RÉPRESSION EN BELGIQUE EN L’AN III
C’est un truisme de dire que toute société que l’on étudie porte la trace de tous ses éléments, même les plus singuliers. C’en est un autre d’affirmer que l’historien doit chercher à ne retenir que ce qui touche à l’essentiel des mouvements du passé. Mais à partir d’où faut-il négliger, surtout que tel ferment infinitésimal peut être de la qualité qui bouleversera les quan¬ tités futures ? Surtout aussi que l’évolution des choses qui lie les sociétés passées à la nôtre, et que les données de celle-ci nous imposent un prisme (est-il « déformant de subjectivité » ou « rectifiant vers l’objectivité » ?) dont nous ne pouvons ignorer l’existence.
Et d’ailleurs quelle est l’essence d’une société ? Quel est le fil conducteur à suivre pour sa description ? Le moins que l’on puisse en dire est que définir « la courbe des courbes » de chacune d’elles est bien difficile. Et, même si on les tient pour reflets ou épiphénomènes, il est tout aussi malaisé de faire la part objective des idées et des sentiments de ceux qui ont vécu pendant la période étudiée, et l’ont façonnée confor¬ mément à leurs intentions ou malgré celles-ci.
Ce sont là des considérations dont tous les historiens ne cessent de nourrir leur activité, mais qui n’empêchent aucun d’entre eux de faire des choix, ceux-là mêmes qui les singu¬ larisent dans leurs conclusions et rendent leur travail à la fois si riche et si précaire. De telles considérations se vérifient surtout à propos d’une matière telle que celle-ci.
Qu’on le veuille ou non, le contact brutal de deux peuples ne peut se réduire complètement en données objectives. L’expé¬ rience que tant d’entre nous ont vécue il y a un quart de siècle est là pour en témoigner. Le cas de la conquête imposée à l’étranger par les armées de la Révolution est encore plus
