Christian PELRAS
La mer et la forêt, lieux de quête,
d'exil et d'errances . Quelques aspects de l'univers
légendaire bugis (Célèbes, Indonésie )
Les Bugis, population de trois millions de personnes environ, vivent principa¬ lement dans l'île de Célèbes, plus particulièrement dans la province de Célèbes-Sud, qui est leur pays originel, mais aussi le long des côtes du centre et du sud-est de l'île, ainsi que dans d'autres régions côtières de l'Insulinde, où ils ont essaimé depuis la fin du XVIIe siècle : Malaisie, Sumatra et Bornéo surtout.
Connus en Indonésie comme navigateurs et marchands, ils ont assuré jusqu'à une époque très proche la plus grande part du trafic interinsulaire par voiliers. Ce¬ pendant, la majorité d'entre eux tirent leur subsistance de l'agriculture, c'est-à-dire à Célèbes-Sud surtout de la riziculture en rizières humides (1).
Islamisés depuis le début du XVIIe siècle, ils ont néanmoins conservé vivante une riche tradition prémusulmane, dont un élément important est le cycle deZa Ga-ligo, un immense cycle littéraire manuscrit — une version complète compterait plus de 6 000 pages — racontant les aventures de cinq générations princières semi-divi¬ nes. Mais à côté d'autres oeuvres littéraires manuscrites, il existe aussi une impor¬ tante tradition orale, encore extrêmement productive et très peu étudiée à ce jour (2).
On trouve chez les Bugis deux sortes de conteurs : les uns sont des conteurs semi-professionnels, spécialistes de récits chantés qu'ils accompagnent au luth à deux cordes (kacapi ), au violon ou autrefois également à la vièle (késo '-késo ' ) ; ils interprètent leur répertoire en général contre rémunération. Les autres sont des conteurs amateurs qui exercent leur talent au sein de leur famille ou de leur voisi¬ nage ; leurs histoires sont racontées dans le langage de tous les jours, en prose. Entre leurs répertoires, il n'y a cependant de différences que formelles, et non de contenu. Une même histoire peut se retrouver sous forme chantée, sous forme par-
Ci) Pour une présentation générale des Bugis, voir Ch. PELRAS, «Missions en Malaisie et en Indo¬ nésie (1967-1968) », Asie du Sud-Est et Monde Insulindien (ASEM1 ), III, 2, 1972.
(2) Sur la littérature bugis, voir Ch. PELRAS, «Introduction à la littérature bugis », Archipel, 10, 1975 ; «L'oral et l'écrit dans la tradition bugis »,ASEMI, X, 1-4, 1979 ; et «Maître Chevrotain à Célè¬ bes-Sud »,ASEMI, XI, 1-4, 1980.
LE MONDE ALPIN ET RHODANIEN