ELSA SAINT-MARC
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Cet article se propose d'étudier les techniques de composition de l'espace choisies par les auteurs de YIppen hijiri-e [rouleaux peints1 du moine Ippen]2, techniques inspirées pour une part du yamato-e (peinture japonaise traditionnelle de cour) dont les pratiques ont été adaptées à YIppen hijiri-e, et pour une autre de la peinture chinoise des Song du Sud (1127-1279) et des Yuan (1280-1368).
MIppen hijiri-e apporte sur la vie du moine Ippen (1239- 1289) et de ses contemporains de tous rangs, des informations précieuses pour la connaissance historique et religieuse, mais cette œuvre reste marquante surtout par son style novateur: il s'agit d'une réussite exceptionnelle à une époque où, à la maîtrise propre à l'évolution de l'art japonais s'ajoute, dans cette réalisation, l'harmonieuse assimilation des influences bouddhiques et de la technique chinoise du lavis suiboku-ga, qui joue sur l'épaisseur variable du trait et la variation des nuances de noirs. Si l'œuvre est sensible à l'influence de la peinture au lavis des Song du Sud, elle participe néanmoins, tout en reprenant les procédés du yamato-e, aux nouvelles tendances réalistes de l'époque Kamakura (1185-1333) et explore ainsi un nouvel espace pictural. Le caractère poétique des illustrations et l'exceptionnelle importance de la présence des paysages font de cet ensemble de 12 rouleaux une œuvre unique parmi les biographies stéréotypées des grands moines de la même époque.
Présentation de l'Ippen hijiri-e
UIppen hijiri-e, classé « Trésor national » (kokuhôY, est constitué d'une série de douze rouleaux4 en soie dans lesquels les textes calligraphiés (kotoba-gakï) et les illustrations alternent sur 48 sections (une section comprenant un texte et son illustration). La date d'achèvement, mentionnée à la fin de l'œuvre, se situe en l'an 1299, soit dix ans après la mort d'Ippen. D'après le colophon: « Le 23e jour du 8e mois de l'an 1 de l'ère Shôan (1299), ici s'achève le récit de Saihô gyônin Shô- kai. Les illustrations (sont) de Hôgen En.i. Les titres extérieurs des rouleaux (sont du) pinceau de Sanbon Tsunetada-kyô ». Il
ne s'agit ici que des noms des responsables de la réalisation. Les illustrations ont été exécutées à la cour impériale par cinq ateliers de peinture, formés de courtisans qui ont sans doute travaillé selon leur disponibilité. Le style dans lequel on retrouve des éléments du yamato-e traditionnel, par exemple les conventions {hikime-kagihana, c'est-à-dire représentation des visages par deux traits pour les yeux et un crochet pour le nez), les techniques (en particulier la perspective inversée et à plusieurs points de vue), les sujets (scènes qui dérivent de la littérature et de la poésie), la présence de la tradition artistique du meisho-e (peintures de lieux célèbres), la suggestion préférée à la description directe, ou le contraste entre illustrations profanes et textes religieux qui fait penser aux sùtra illustrés par les courtisans de l'époque de Heian, toutes ces
Fig. 1
L'objet rouleau peint: exemple du fac similé d'un rouleau
du Murasaki Shikibu nikki emaki [Rouleaux peints du journal intime
de Murasaki Shikibu], xnr s.
(Musée national de Tôkjô).
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