L’antichambre d’un cheval de course, ce sont, en quelque sorte, ses origines, au sens large, alliant provenance et pedigree. Or, il va de soi que, lorsqu’il s’agit de celles d’un crack comme Ready Cash, il est d’autant plus intéressant de s’y plonger. Crack sur les pistes, sous la férule dePhilippe Allaire, qui décela tout de suite en lui l’étincelle du phénomène, avant de le confier, durant la seconde partie de sa carrière, àThierry Duvaldestin, mais également crack au haras, où il s’est immédiatement révélé le maître étalon que l’on sait, à l’échelle non seulement française, mais européenne. C’est là toute une aventure, qu’il faut prendre à son commencement.
Une longue histoire d’amitié lie la famille Allaire àPierre Tébirent, qui fit naître et éleva Ready Cash. Naguère, du temps où Philippe Allaire travaillait aux côtés de son père, Pierre Tébirent était à leur contact, allant même le matin à Grosbois se mettre au sulky d’un Hillion Brillouard, alors encadré par un Grandpré ou un Larabello. Déjà, il aimait la compagnie des champions ! Au reste, s’il acheta, plus tard, Docéanide du Lilas, la grand-mère de Ready Cash, yearling, aux ventes de Caen, c’est parce qu’il avait gardé le souvenir d’Océanide, la mère de la pouliche, et de sa victoire, à Vincennes, sous la poigne de Philippe Allaire, qui s’était installé à son sulky « au pied levé ». Or, à son retour aux balances, le jeune homme dit à Pierre Tébirent qu’il s’agissait d’une jument à suivre, car elle lui avait fait très bonne impression… Une dizaine d’années passent, jusqu’à ce que Pierre Tébirent découvre, dans le catalogue des ventes de Caen, Docéanide du Lilas, née des œuvres de Workaholic et d’Océanide. Cela ne manque pas d’attirer son attention et même de susciter son intérêt. Seulement, une fois sur place, il s’aperçoit que la pouliche est toute petite, pour ne pas dire minuscule. D’ailleurs, elle n’atteint pas son prix de réserve, fixé à 100.000 francs (N.D.L.R. : environ 15.000 euros) par ses éleveurs, Anne-Marie Alix et son époux. Docéanide du Lilas n’est cependant pas sans séduire Pierre Tébirent, qui trouve qu’elle se déplace bien, et il est tenté de conclure le marché à l’amiable, après la vente. Il veut juste avoir l’aval de son entraîneur, Philippe Allaire. Peu après, celui-ci se rendra avec lui dans la Manche, chez les Alix, et, même s’il jugera la pouliche d’un modèle tout de même fort réduit, « craquera » pour sa façon de se mouvoir et de s’engager. Dès lors, l’affaire se concrétisera et, d’une certaine manière, c’est là que l’histoire commence.
Montrant tout de suite des moyens, à l’exercice, Docéanide du Lilas se qualifie aisément, à 2 ans, sur l’hippodrome de la Prairie, à Caen, sous les yeux, toujours curieux, d’unAlbert Viel admiratif. Après quoi, elle confirme en course, manifestant précocité et célérité. Triple lauréate à Paris, à 2 ans, elle s’y impose, notamment, dans le convoité Prix Marcel Dejean, puis emprunte la filière semi-classique. Elle sera ainsi deuxième des Prix Une de Mai, Gélinotte, Roquépine et Masina. Mais, en fait, elle garda le meilleur pour le haras, où elle entra de bonne heure, étant saillie à 4 ans. Parmi une demi-douzaine de vainqueurs, le semi-classique Obrillant, fils, comme son nom l’indique, deGai Brillant, gagnant du Prix Emile Wendling et aujourd’hui étalon, sera son meilleur produit, mais il y aura aussiKidéa, future mère de Ready Cash. Cette fille d’Extreme Dream avait, pareillement, de la qualité, s’imposant, à 2 ans, à Enghien, puis s’insérant entre les excellentesKiss Melody et Kelle Ile à l’arrivée du Prix Undina, à Vincennes, avant de se classer deuxième du même Prix Marcel Dejean qu’avait remporté sa mère. Las, Kidéa souffrit ensuite d’un genou, ce qui nécessita une opération. Elle ne devait pas retrouver sa forme et, suivant l’exemple maternel, entra au haras dès l’âge de 4 ans. C’est là que la gloire l’attendait.
Si Ready Cash est, évidemment, le chef-d’œuvre de Kidéa, il n’est pas sa seule distinction, car la jument compte deux autres performers classiques au sein de sa progéniture. Il s’agit, en l’espèce, de deux femelles, à savoirSuricate, parLudo de Castelle, lauréate du semi-classique Prix Pierre Gamare et placée du Saint-Léger des Trotteurs, etUpper Class, propre sœur cadette de Ready Cash, gagnante, attelée, du semi-classique Prix Gélinotte, et deuxième, montée, du Prix de Vincennes, ou encore quatrième, attelée, du Critérium des 3 Ans et du Prix de Sélection. Suricate s’est, en outre, favorablement continuée, engendrant la classique Epatante, deuxième d’une édition du Prix d’Essai, pendant que Pensée Magique, autre fille de Kidéa, non qualifiée celle-là, par Gai Brillant, est à l’origine du vainqueur du Groupe I Prix Albert Viel,Fighter Smart. On doit encore à Kidéa, avec le concours de Love You, la semi-classiqueEre Nouvelle, lauréate du Prix Masina et à l’arrivée de cinq autres Groupes II.
Ready Cash et Upper Class sont par le même Indy de Vive, brillant géniteur, trop tôt disparu, à l’âge de 12 ans, en 2008. Acheté, yearling, par le courtierSerge Bernereau, Indy de Vive lui apporta, ainsi qu’à ses associés, moult satisfactions en compétition, achevant sa longue et dense carrière avec plus de 500.000 euros de gains, après avoir signé la bagatelle de dix-sept succès, à l’échelon des Groupes III et des courses européennes, et pris de multiples accessits, jusqu’en la compagnie des meilleurs. Indy de Vive possédait, en particulier, beaucoup de vitesse, comme l’atteste son record de 1’11’’, un « chrono » qui n’était pas si fréquent en son temps. Indy de Vive était, de surcroît, royalement né, en tant que fils de l’étalon de têteViking’s Way et de Tékiflore, une petite-fille des géniteurs vedettes Chambon P et Florestan, descendant des matrones Morgaflore, Dourga II et Romée. A cette famille maternelle se rattachent ainsi, pour faire court, les championsArnaqueur,Daguet Rapide,Dream with Me, Giesolo de Lou, Lazio du Bourg, Pythagoras,Oyonnax, Rangone ou bienRombaldi. Parmi eux, outreIndy de Vive, plusieurs ont fait le bonheur du susnommé Serge Bernereau, à savoir Dream with Me et Giesolo de Lou, qu’il acheta, en partenariat, mais aussi Rombaldi, qu’il éleva, avec son frère, Jacques, puis qu’il vendit àJean Luck et àLucien Urano. Fin observateur de la chose hippique, spécialement sous l’angle de l’élevage, Serge Bernereau s’est intéressé à cette parentèle dès lors qu’il a vu un certainJean-Pierre Dubois miser sur elle. Option déterminante, un peu comme lorsque son père, Hippolyte, choisit jadis Kerjacques, étalon alors débutant, pour sa poulinière, Luciole III. On sait que l’union fut, pour le moins, fructueuse, puisqu’elle procura l’exceptionnelle Une de Mai.Les Bernereau, père et fils, sont, comme les Allaire, des hommes de cheval avertis. Au reste, on le sait, c’est Pierre-Désiré Allaire qui découvrit Une de Mai, la façonna et en fit la championne qu’elle devint ensuite, aux soins de Jean-René Gougeon. Tout se recoupe et ce n’est pas un hasard si aux grands chevaux sont associés les grands professionnels.
Viking’s Way, de son côté, montra une valeur semi-classique sur la piste, puis de manifestes vertus amélioratrices au haras. Il faut dire qu’il s’agissait d’un cheval sortant de l’ordinaire, de grand tempérament, victime de fourbures à répétition, qu’il combattait avec un rare et exemplaire courage.Albert Cayron, son éleveur et propriétaire, dit, un jour, à son sujet : « Il avait vraiment beaucoup de classe. A la piste, dans son jeune âge, il accompagnait, au bout de deux mois d’attelage, ceux qui en avaient huit ! Ses ennuis de santé l’ont lourdement pénalisé, mais il est tout de même parvenu à les surmonter, devenant le trotteur le plus rapide de sa génération, à 3 ans, puis s’affirmant pleinement à la reproduction. » Il est vrai que Viking’s Way avait sa naissance pour lui, avec pour auteurs l’américain Mickey Viking et la française Josubie, sœur utérine, par Quito, du triple vainqueur de Critérium et étalon influent, Passionnant. Josubie fut le premier cheval acquis en totalité par Albert Cayron, à ses débuts de propriétaire. Celui-ci l’acheta à l’amiable, chez Jean-Yves Lécuyer, avant l’avènement de Passionnant. Il avait été séduit par la fluidité de ses battues et par l’âpreté de sa pointe de vitesse. A propos de Mickey Viking, il importe de souligner que ce fils de Bonefish et d’une fille de la championne italienne Agaunar, « tombeuse » de Roquépine dans une édition du Premio Tor di Valle, à Rome, et de Tony M dans un Prix du Lido, fut importé en France par les Haras Nationaux, auprès desquels Albert Cayron avait plaidé sa cause, persuadé de l’attrait, pour notre élevage, des trotteurs américains, aux allures complémentaires, car rapides et rasantes, là où, traditionnellement, le trotteur français « tractionne » davantage et « flirte » moins avec le sol. Après une bonne carrière européenne, principalement dans l’exercice de la vitesse, qui le vit gagner le Grand Prix d’Hiver, en Belgique, et, chez nous, à Enghien, les Prix de New York, deux fois, et de Milan, Mickey Viking prit donc ses quartiers d’étalon dans l’Hexagone, où il ne put cependant effectuer qu’une saison de monte, en 1986, mourant l’année suivante, âgé de 7 ans seulement. Mais, au moins, avait-il égrené quelque peu et tracé, du même coup. Sans quoi, « quid » de Ready Cash ? Un destin, y compris de phénomène, tient, parfois, à peu de chose…
Pour conclure, on se doit de pointer le caractère américanisé du pedigree de Ready Cash, qui présente deux ascendants entièrement standardbreds dès la troisième génération, en l’occurrence Mickey Viking et Workaholic, et des inbreedings sur Florestan (4×4) et Nevele Pride (5×5), ainsi que sur leur père, Star’s Pride (6x5x5x6). En regard, on relève des consanguinités sur les propres frères, Quito et Seddouk (4x5x5), de même que sur leur frère utérin, Kerjacques (5×5). Au bilan, un tiers de sang américain récent et deux tiers de sang traditionnel. Un point est certain : le cocktail est réussi et a une saveur incomparable !