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Digitized by Google Digitized by Google BULLETIN SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQU HISTORIQUE ET SCIENTIFIQVE DE SOISSONS. PREMIÈRE SÉANCE. iTier isw«. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. téK«>S>«)«) Le procès-yerbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGBS OFFERTS BT DEPOSES. 1» Mémoires de la Société d* agriculture, sciences et arts de Douai, 2« série, t. 12, 1873-1874. 2» Revue des Universités catholiques, 20 décembre 1876, no 4. 3* Mémoires de la Société Smithsùnnienne, Annual Report, 1874, et Ckronological observations, ou Intro- duccd animais and plants, 1854. Digitized by Google - 6 - 4® Bulletin de la Société Nivemaise des sciences, lettres et arts, 2« série, t. 7, 1875. 50 K Investigateur y 41« année, septembre-oct, 1875. 6® Romania, n® 15-16, juillet-octobre 1875. 70 La Conversazione, fascicolo 1«', Bologne. 8<> Bulletin de la Société historique de Compiègne, t. 2, 2« fascicule, 1875. 9® Annahs de la Société historique de Châteaur Thierry, 1873. RENOUVELLEMENT DU BUREAU. Le scrutin de vote, ouvert de deux heures à quatre heures, donne le résultat suivant : Président: M. De la Prairie ; Vice-Président: M. Piette ; Secrétaire : M. Fabbé Pécheur ; Vice Secret-Archiviste: M. Branche de Flavigny ; Trésorier: M. Collet. En conséquence, ces Messieurs sont proclamés mem- bres du Bureau pour Tannée 1876. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. le Président donne lecture du compte-rendu des travaux de Tannée précédente. Messieurs, dans la première séance de cette année, je me soumets, comme je l'ai toujours fait, au désir que vous m'avez souvent manifesté de faire une revue rétrospective du volume qui vient de se terminer avec Tannée même. Je voudrais pouvoir donner à mon rapport une forme qui le rendit intéressant à vos yeux ; mais si je n'y Digitized by Google - 7 - réussis pas, j'espère que vous reconnaîtrez qu'un tra- vail recommencé tant de fois est nécessairement em- preint d'une certaine monotonie et présente peu d'at- traits à celui qui en est chargé. Quoique nos derniers volumes soient aussi bien rem- plis que ceux qui les avaient précédés, ils me semblent avoir moins de variété dans leur composition. Les notwelles archéologiques sont beaucoup plus rares que dans les premiers temps de notre existence comme Société. Et si quelques découvertes importantes d'ob- jets remontant aux époques dites préhistoriques, et si surtout les fouilles de Caranda, dont les briUants ré- sultats étonnent tout le monde, ne s'étaient pas pro- duites, on pourrait presque penser que notre pays a livré tous ses secrets et ne possède plus de trésors dans ses entrailles. Me permettez-vous. Messieurs, de faire une obser- vation qui s'adresse à nous tous? Chacun des membres de la Société saisit-il tbutes les occasions qui s'oflFrent à lui de donner de la variété à notre bulletin? J'ai peur qu'il n'en soit pas ainsi. Pour ne parler que d'un objet, nous pouvons, je crois, nous accuser de négliger un peu le moyen-âge. Dans notre pays, c'est de beaucoup l'époque la plus riche en monuments, en documents et même en objets d'art de tout genre : les expositions rétrospectives l'ont bien montré. On l'a déjà dit bien des fois, mais pourquoi ne pas le répéter, les xv«, xiv«, xin« siècles, et surtout le xii«, ont été les plus grands siècles des arts et surtout de l'architecture. Comptez les monuments qu'ils ont produits et qu'ils nous ont laissés, ensuite citez ceux des siècles suivants et vous verrez combien ces derniers font triste figure. Eh bien, dans l'année 1875, nous n'avons exploité aucun filon de cette mine si riche. Ni les églises, ni le mobilier du culte, ni nos vieux cartulaires, où il se trouve tant de choses, n'ont été le sujet, pour les Digitized by Google — « — membres de notre Société, du plus petit travail. J'aime à croire que cette exception sera unique. Les sciences, qui, ordinairement, n'occupent pas une très-grande place dans nos publications, sont cette fois largement représentées par un travail considé- rable que notre collègue, M. Watelet, a intitulé : Essai dCune théorie sur la cristallisation. Je ne puis qu'é- noncer le titre de ce travail, me reconnaissant tout à fait incompétent en pareille matière. Je me borne à dire qu'il a été lu par l'auteur aux séances de la Sor- bonne, où il a reçu un accueil favorable et que la Re- vite des Sociétés savantes eu a rendu compte. Nous qui sommes les descendants des vieux Gaulois, nous ne pouvons être insensibles aux charmes des grands bois ; sans y aller pour cueiUir le gui sacré, nous les parcourons toujours avec un très-vif plaisir, et, je l'avoue sans en rougir, j'ai lu avec intérêt le livre de l'abbé Ghollet, qui a fait rire tant de monde. Nous avons donc bien accueilli V Essai historique de M. Michaux, sur la forêt de Villers Cotterêts. Mais notre collègue ne s'est pas borné à Y histoire de la fo- rêt, il en a décrit les sites, il a rappelé les superstitions et croyances populaires dont elle était l'objet, et les découvertes qui y avaient été faites ; il a donné l'ana- lyse des lois qui ont régi les forêts à partir de Charle- magne ; il a en particulier recueilli les ordonnances si sévères sur la chasse. V Essai sur la forêt de Villers- Cotterêts^ de M. Michaux, fournit, comme vous le voyez, beaucoup de renseignements ; il pourra donc être consulté souvent, très-utilement. M. Michaux pa- raît connaître parfaitement la forêt de Yillers-€otte- rêts. J'espérais, quand il a commencé la lecture de son travail, qu'il allait nous parler d'un assez grand nombre de monuments m^alitiques des Gaulois ayant résisté aux assauts du temps; mon attente a été trompée. En 1862, je me suis chargé de faire le ré- Digitized by Google - 9 — pertoire archéologique du canton de Yillers-Cotièrdte; mon travail fut adressé au ministère de l'instruction publique, et dans la réponse que je reçus, on me fai- sait observer que j'avais à peu près absolument négligé de parler des Dolmens, menhirs et autres monuments gaulois. M. Michaux m'a fait voir que je n'étais pas coupable d'une grande négligence. Il n'en est pas moins étonnant que des bois d'une étendue aussi con- sidérable et qui ont certainement toujours existé, n'aient pas conservé plus de traces des premiers hommes qui les fréquentaient. Je vous fais passer, messieurs, sans transition du calme des forêts aux horreurs de la guerre. En effet, j'ai à vous rappeler que M. Piette nous a lu son Régi- ment de Vervins, où il n'est naturellement question que de faits militaires. Vers la fin du xvii« siècle, les guerres de religion avaient forcé Richelieu à armer beaucoup de troupes et à former des régiments. Parmi ces régiments on comptait celui de Vervins, que Claude Roger de Comminges, marquis de Vervins, fut chargé de lever. Quoique le rôle de ce régiment n'ait pas été extrêmement brillant, Tarticle de M. Piette a de l'in- térêt ; et puis c'est de la véritable histoire du dépar- tement deTAisne. Levé en 1632, le régiment de Vervins fut licencié en 1658. M. Piette le suit pendant les 26 ans de son existence. Il est d'abord envoyé dans le Languedoc où on ne voit pas qu'il se soit battu. En 1633, il prit une part active à la guerre qui se faisait en Lorraine. En 1634 et 1635, il était employé dans l'armée d'Allemagne. M. Piette le montre ensuite jusqu'à la fin de sa carrière engagé dans un grand nombre d'affaires, mais n'ayant pas Toccasion, si ce n'est au siège d'Arras, de faire de ces actions d'éclat qui décident du sort des batailles. Pour faire son Régiment de Vervins, M. Piette n'a pas Digitized by Google - 10- reculé devant la nécessité de consulter une foule de documents et de mémoires. Un grand nombre d'auteurs ont voulu écrire sur la Révolution. 11 en a été fait plusieurs histoires; en outre bien des mémoires ont été publiés, mais on aura beau multiplier les récits sur cette époque, il restera toujours quelque chose à dire pour ceux qui voudront se livrer à de nouvelles études. La Révolution de 1789 ayant tout attaqué, ayant voulu tout changer, il est naturel qu'on ne puisse pas épuiser ce qu'il y a à en dire. M. Collet, qui a sous la main les archives de la ville, en a tiré le sujet d'articles intéressants qui ont été insérés dans notre dernier volume. 11 commence par donner quelques détails sur la manière dont s'est opérée la destruction prescrite des symboles religieux, tels que croix et coqs surmontant les clochers, et sur la défense faite aux religieux et religieuses de porter Je costume ecclésiastique. Dans une seconde partie, il raconte les derniers jours des bénédictines du prieuré conveotuel de Braine et les tribulations par lesquelles elles ont passé. Parmi les noms des 26 religieuses qui composaient alors la communauté, il s'en trouve plu- sieurs de familles qui existent encore dans le Soisson- nais. Enfin, dans sa troisième partie, M. Collet a fait l'histoire de deux émigrés, le mari et la femme, pen- dant ces temps où presque toutes les personnes appar- tenant à la noblesse étaient proscrites et soumises à toute espèce de vexations. Ce que nous a donné M. Collet, ce sont des épisodes qui ont leur intérêt et qui ajoutent des détails précis à ce que Ton sait. Les grandes histoires, au contraire, reproduisent les faits généraux et montrent les im- menses changements que la Révolution a amenés dans les institutions politiques de la France. Le côté que j'appellerai intime me paraît avoir été négligé, c'est celui des modifications qui se sont opérées dans les es- Digitized by Google - 11 — prits, dans la manière de voir, dâ sentir, de juger, de parler, changements qui ont été tels que, dans leur jeunesse, les hommes aujourd'hui âgés pouvaient cons- tater dans leurs rapporte avec leurs pères, des diflTé- rences très-sensibles entre les hommes du xviii« siècle et ceux du xix«. Certainement les générations qui se succèdent ne restent pas immobiles dans leurs mœurs et leurs idées, mais les changements, qui, dans d'autres temps, auraient demandé cent ans, se sont fait en quelques années. Je viens de parler des changements qui s'opèrent dans l'esprit des hommes surtout de ceux des ha- bitants des villes, je puis ajouter que les villes elles- mêmes changent d'aspect aussi, et souvent en peu de temps ; il en est ainsi de Soissons et il est bon de le constater. Nous avons donc remercié M. Laurent de nous avoir communiqué un dessin des alentours du pont, qui indique un état des lieux qui n'existe plus aujourd'hui. Jamais on n'a tant parlé et on ne s'est tant occupé en France, et à juste titre, de l'instruction publique, en particulier de l'instruction primaire. Ce qui est parti- culièrement du ressort de notre Société, c'est son his- toire plutôt que les questions qui touchent aux théories de son application. Notre collègue, M. Choron, a eu donc une heureuse idée en faisant de longues recherches sur ce qu'elle a été dans le Soissonnais dès les époques les plus anciennes. Dans un premier article publié dans le 18* volume de notre Bulletin (année 1864), il a donné l'introduction de ce long et important travail. M. Choron y dit seulement quelques mots sur le peu que devait être l'instruction chez les Gaulois; il s'arrête davantage sur ce qu'avaient fait les Romains après la conquête ; passant rapidement en revue tous les siècles qui ont suivi, il arrive à la Révolution de 1789. Notre volume de 1866 contient seulement quelques pages du Digitized by Google - i2 - chapitre I«', intitulé : Avant Charlemagne. Au con- traire, celui dont je vous rend compte, donne la suite très-étendue et très-intéressante de ce chapitre. Nos volumes suivants contiendront la fin de cette histoire de l'instruction primaire dans notre pays- Nous atten- drons cette fin pour porter un jugement d'ensemble sur le travail de M. Choron. Disons seulement que l'on ne comprend pas comment notre collègue, au milieu de SCS occupations si nombreuses et si variées, a pu trouver le temps de se consacrer à des recherches éga- lement si nombreuses et si variées. Depuis que les Sociétés archéologiques se sont for- mées, on ne se borne plus à consulter les bibliothè- ques et les archives publiques, on va fouiller partout, et, comme nous en avons eu la preuve ici, on trouve dans les études de notaires, par exemple, des rensei- gnements curieux sur les habitudes, les usages des siècles passés et même sur des faits qui touchent à l'histoire générale. J'ai cru entrer dans les vues qui ont été exposées à ce sujet par le ministere de l'ins- truction publique, en vous présentant le dépouillement des titres de propriété de ma maison de Soissons. Je ne suis pas arrivé à un résultat bien important ni bien curieux. Cependant les personnes qui voudraient étu- dier la ville de Soissons elle-même y trouveront des renseignements assez nombreux sur divers sujets, en particulier sur l'enceinte fortifiée de la ville, sur les rues et les noms de ses anciens habitants. Dans le courant de cette année 1875, M. le ministre de l'instruction publique a demandé à notre Société, comme aux autres Sociétés savantes, un rapport sur son origine, ses progrès et ses travaux. M. Piette a bien voulu se charger de répondre à ces questions. Mais comme il y avait avantage pour nous à pouvoir con- sulter ces renseignements, le travail de M. Piette a été inséré dans notre dernier volume. Digitized by Google -13^ Vous vous rappelez, Messieurs, que M. Tabbé Pé- cheur^ notre secrétaire, nous a fait dans diverses séan- ces des lectures sur des sujets importants. Il est re- grettable que notre bulletin n'ait pas pu les reproduire, l'auteur ayant voulu les compléter en se réservant de les donner plus tard. M. Collet, trésorier, rend ses comptes à la compagnie pour l'année 1875. Ils sont approuvés et signés par le Bureau. Un membre est amené, à propos d'un portrait ina- chevé de M. de Pougens que possède le Musée, à de- mander s'il ne serait pas opportun de faire une étude sur le groupe littéraire connu dans le pays sous le nom de Société de Vauœbuin, et il cite, après le célèbre littérateur-philosopbe et philologue, le nom de M. Lorin, son secrétaire, de l'abbé Daux, curé de Vauxbuin, de M°>« Maréchal, auteur de plusieurs romans et qui, on se le rappelle, fonda un prix de 10,000 francs, pour la nieilleiire histoire de Soissons, prix qui a été remporté par MM. Henri Martin et Paul Lacroix, etc. La Société adopte pleinement cet avis, d'autant plus que les souvenirs de l'époque où la Société de Vaux- buin existait, s'eflfacent de jour en jour et bientôt dis- paraîtront avec ceux qui en furent les contemporains. M. l'abbé Dupuy se chargerait volontiers de cet in- téressant travail. Il sait où se trouvent les documents concernant cette Société. Ces documents, joints aux souvenirs qu'en ont conservés plusieurs Soissonnais, en formeraient les matériaux précieux. Des encoura- gements en ce sens sont donnés à M. l'abbé Dupuy. Digitized by Coogle - 14 - M. Choron dépose sur le bureau divers spécimens de haches celtiques, donnés au Musée par M. Fradin de Linières, lieutenanlrcolonel du 67* régiment de ligne, en garnison àSoissons et recueillies par M. N., ingé- nieur de la Compagnie d'Orléans. Une description de ces objets sera donnée ultérieurement. M. Watelet donne lecture d'une iVbfe'c^ imprimée sur des découvertes de sépultures dmis Seine^t-Mame^ V Aisne (à Caranda, près de Fère) et dans Loir-et-Cher, par M. Gabriel de Mortillet. Cette lecture donne lieu à une discussion intéressante sur la rencontre de haches en pierre polie dans le cimetière mérovingien de Cla- randa, de laquelle il résulte que ces objets sont les représentants d'une ancienne sépulture anté-gauloise transformée avec le temps en une sépulture mérovin- gienne, ou bien qu'ils furent jetés dans celle-ci comme des objets de superstition, par les Mérovingiens. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas sans étonnement qu'on re- marque que dans ces sépultures on ne trouve guère d'antiquités de l'époque intermédiaire séparant l'épo- que antéhistorique de l'époque mérovingienne, autre- ment dite époque gallo-romaine. Le même membre lit une note sur les hachettes et armes en bronze Digitized by Google -i5- NQTIGE SUR L'AGE DE BRONZE DANS LE DEPARTEMENT DE LAISNE. L'âge de bronze est cette longue période de temps qui s'est écoulée entre l'âge de pierre et l'âge de fer. Nous ne prétendons cependant pas dire que l'emploi de la pierre ait cessé dès l'apparition du cuivre ou du bronze dans les usages que l'homme a pu faire de Tune et de l'autre de ces substances. Nous savons que l'emploi de la pierre a continué pendant longtemps encoreaprès l'apparition des métaux, de même le bronze n'a pas cessé d'être mis en usage, bien que le fer ait été découvert. Nous disons seulement que l'apparition du bronze est postérieur à l'emploi de la pierre et que la découverte du fer a succédé, après un temps fort long, à celle du bronze. La découverte des métaux, particulièrement du cui- vre et de l'étain, paraît avoir été faite par un peuple particulier et ledit usage s'être répandu de proche en proche, soit par le mélange d'un peuple conquérant, soit par commerce sur les côtés, soit enfin par im- mixion de peuplades nomades. La science n'est point encore bien axée à cet égard. En continuant les études avec soin et persévérance on trouvera sans doute le centre de la découverte du bronze et la trace des migrations du peuple en posses- sion de ce métal dont l'introduction a ouvert une nou- velle ère pour les progrès et la civilisation de l'huma- nité. Il est donc bien important de signaler toutes les Digitized by Google ^16- trouvailles et de bien préciser la forme des objets ainsi que toutes les circonstances de leur gisement. La faune qui accompagne quelquefois ces objets est d'une im- portance capitale et doit être déterminée avec toute la science désirable. La céramique peut aussi apporter d'utiles renseignements. On doit enfin tenir note de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité. C'est à ces conditions qu'on pourra refaire l'histoire d'un peuple dont l'existence même a échappé à la mé* moire des hommes. n serait prudent de ne pas trop se hâter de faire une théorie ; il vaut beaucoup mieux, dans l'état de nos connaissances, suivre encore la méthode analytique que de procéder à une synthèse qui ne reposerait que sur un nombre trop restreint de documents. Ce- pendant, un fait bien acquis à la science, c'est que l'usage du bronze répond à une époque spéciale et bien définie. La tradition ne nous a presque rien appris de l'âge de la pierre ni de celui du bronze. En effet, l'étude des auteurs anciens ne nous révèle rien de positif, et les documents écrits sont d'une rareté vraiment remar- quable. Cependant le poète Lucrèce s'exprime ainsi : c Arma antiqua manus, ungues, dentesque fuerunt < Et lapides et item sylvarum fragmina rami c Et flammse atque ignés postquam sunt cognita primum. c Posterius ferri vis aerisque reperta c Et prior œris erat quam ferri cognitus usus. (Liv. V. De Natura r«t»m.) Les premières armes des hommes furent les mains, les ongles et les dents, ainsi que les pierres et les branches enlevés aux forêts. Ensuite furent connus la flamme et le feu. Plus tard on découvrit l'usage et la puissance de l'airain et du fer, mais l'airain avait été connu et employé avant le fer. Rarement les auteurs grecs ou latins sont-ils aussi Digitized by Google - n ^ précis et aussi afllrinatifs pour les choses antéhistori- ques ; aussi se demande-t-ou comment le poète peut énoncer et même insister sur la succession des trois principales périodes de la civilisation humaine, recon- nues par la science moderne ; d'où lui venaient ses renseignements ? Existait-il à son époque une tradi- tion orale sur les principales phases de la vie des hommes primitifs ? Des recherches minutieuses dans les livres d'Homère pourraient peut-être apporter quelques éclaircissements pour répondre à ces diverses questions. Nous ne con- naissons encore aucun travail exécuté depuis les idées nouvelles relativement aux différentes étapes par- courues par la civilisation progressive de l'humanité. Cependant M. Schliemann, dans le but de s'éclairer sur la civilisation d'une des époques mythologiques, fit exécuter des fouilles sur un emplacement de la Troade qu'il supposait être le sol de la ville de Troie ; une réussite complète vint couronner ses efforts, car il mit au jour des objets dont il a formé une collection ex- trêmement remarquable et fort précieuse. La forme des objets de bronze, seul métal, ainsi que l'or et l'ar- gent, dont il ait pu constater la présence, n'a d'ana- logie avec aucun autre objet des stations du bronze connues jusqu'à ce moment. Ces témoins métalliques de la civilisation de Troie restent donc absolument isolés ainsi que tous les produits de la céramique découverte en môme temps. Cette remarquable circonstance n'est cependant pas sans exemple dans l'histoire. En effet, nous savons que les Grecs excellaient dans les arts, leur très-remar- quable statuaire en fait foi ; en effet, si l'on vient à chercher chez les différentes nations contemporaines, on ne trouve rien qui approche de la beauté de leur sculpture. La civilisation de la Troade pouvait être dans le 3 Digitized by Google - 16 - même cas, lôors produits artistiques pouvaient aussi rester isolés au milieu de Tindustrie du bronze et de la pierre. Ce qui pourrait nous couflrjner dans cette idée, c'est une circonstance unique remarquée par M. Schliemann. Cet habile observateur a constaté que sur l'emplace- ment supposé de la ville de Troie les parties superfi- cielles sont de l'époque de la pierre, tandis qu'à me- sure que l'on creuse, les objets appartiennent à une civilisation plus avancée, sans cependant qu'il y ait fusion entre les époques qui toujours restent brusque- ment tranchées. Ce fait à lui seul indiquerait un mou- vement de population, car si on considère les formes des objets de bronze et des différents spécimens de l'industrie céramique, on peut penser que longtemps après la chute de Troie les populations les plus rap- prochées sont venues s'établir sur le sol primitivement occupée par la malheureuse ville et que par la suite une émigration ayant laissé de nouveau le sol inha- bité, d'autres populations plus arriérées se sont aussi établies sur le même endroit. Ce fait semble démontré par l'intermittence des couches de terrain renfermant des objets de l'industrie humaine, puis d'autres abso- lument stériles pour retrouver plus profondément d'autres objets façonnés de main d'homme. Malheureusement les épaves métalliques ou cé- ramiques des différentes civilisations ont été seules remarquées, tandis que rien n'a été dit sur la faune existant à chaque époque. La liste des animaux mêlés aux objets de l'industrie nous aurait été d'un grand secours pour déterminer les époques relatives des ob- jets successivement découverts. Si M. Schliemann a réellement trouvé le véritable emplacement de la ville de Troie, nous avons une dé- monstration de l'existence de l'âge de bronze résultant des ol\jets eux-mêmes; nous possédons en plus les Digitized by Google - 19 - vers de Lncrêce et ce sont là les seules preuves tirées de rantiquité elle-même. Les recherches des modernes nous apportent des preuves beaucoup plus nombreuses et bien plus con- cluantes de la spécialité de Vâge de bronze. Les prin- cipales sont fournies par une partie des habitations lacustres nommées palafitteâ ; par les terramares, par les tourbières, et enfin par une foule de stations qui n'ont reçu aucun nom particulier. HABITATIONS LACUSTRES. Ou donne le- nom d'habitations lacustres aux cons- tructions établies sur pilotis près des rives des lacs ou sur le bord des fleuves. Pour les établir on commençait par disposer des pieux, puis on les fixait verticalement dans Teau et à quelque distance du bord soit du fleuve, soit du lac ; on plaçait ensuite une plate-forme qui devait suppor- ter les huttes en usage à cette époque, n existe encore maintenant des tribus sauvages qui se construisent des habitations tout à fait analogues et dans des circons* tances de lieux identiques à celles des anciennes de* meures lacustres, dont le souvenir s'était perdu, même dans les localités où elles ont été établies et retrou- vées. Les demeures lacustres se rapportent respective- ment à deux époques différentes et tout à fait distinc- tes : les plus anciennes prennent le nom de cranoges, et les plus récentes celles de palafittes. Dans les cranoges les pieux sont maintenus dans leurs positions respectives par des pierres relativement petites apportées dans des barques et que Ton jetait entre les pieux. Ces matériaux accumulés en quantité Digitized by Google — 20 - suffisante formaient une éminence sous-marine et fixaient les pieux d'une façon fort solide. Maintenant on ne rencontre plus que les pieux fixés comme il vient d'être dit et entre lesquels on ne trouve jamais que des haches en pierre polie avec quelques autres instruments en silex dont un certain nombre sont des époques précédentes, mais jamais de traces de mé- taux. Les poteries ont un caractère qui les ferait recon- naître en Fabsence de silex travaillés ; la faune est très-distincte de celle de la pierre éclatée ou paléoli- thique ; elle est très-différente aussi de celle de l'épo- que du bronze en partie connue. Jamais dans les cra- noges on ne rencontre d'ossements du renne ; cette espèce avait déjà complètement disparu, tandis que dans les temps antérieurs ces animaux étaient fort communs. Les palafittes, quoique semblables à la première vue, se distinguent facilement des cranoges par suite d'un examen attentif. Dans les palafittes les pieux ont été enfoncés dans le sol vif, sans qu'il ait été besoin d'apporter de maté- riaux pour les mainteair à leur place et les consoli- der. Ce caractère à lui seul suffirait pour faire recon- naître les palafittes. Entre les pieux de ces anciens établissements on trouve des pièces assez nombreuses de formes variées et toujours en bronze. Très-oxceptionnellcmeut on peut trouver quelques objets des époques précédentes, mais jamais le fer n'y fait apparition. Ce métal était absolument inconnu à la première époque du bronze, tandis que vers la fin de la même période on voit quelques pièces en fer, mais dont l'as- pect rappelle fortement celle des objets en bronze. Comme on le voit, les formes changent avec le Digitized by Google -. 2i — temps, mais presque toujours il y a une sorte de fusion entre une époque et la suivante. Les terramares sont des amas de cendres et de dé- tritus de toutes sortes ; ces dépôts se trouvent parti- culièrement en Italie. Si on exploite d'une manière méthodique les terramares, on observe que les objets de l'industrie humaine ne sont pas répartis au hasard et que, bien au contraire, ils se présentent dans un or- dre invariable, suivant les couches plus ou moins pro- fondes. Les parties inférieures recèlent des pièces de la première époque du bronze, puis des pièces étrusques et peut-être supérieurement d'autres objets d'une épo- que plus récente. Les terramares nous démontrent donc que les objets de l'industrie humaine sont, comme ceux d'histoire naturelle, stratifiés par époque. Toutes ces circonstances de gisement indiquent bien une succession; elles donnent des dates relatives, mais qui jusqu'à présent ne peuvent être chiffrées : les chronomètres propres à déterminer les époques sont encore à trouver; les essais en ce genre donnent des résultats encore trop incertains pour être acceptés par la science. Dans le nord de l'Europe on connaît des tourbières fort nombreuses et fort profondes. Si on vient à les ex- ploiter scientifiquement, c'est-à-dire couche par couche et de façon à pouvoir constater ce que chacune ren- ferme, on reconnaît bientôt que les végétaux en partie décomposés de la tourbière sont de nature différente suivant la profondeur à laquelle on parvient. Ceux qui se montrent dans les parties les plus superficielles res- semblent à la végétation qui se développe maintenant dans les contrées où gisent ces tourbières ; plus pro- fondément on trouve des débris d'arbres forestiers qui ne végètent plus spontanément dans la contrée; plus Digitized by Google -^ 22- inférieurement en<5oré on rencontre un changement nouveau, de sorte que les différentes essences sont ré- gulièrement stratifiées. Les assises les plus profondes contiennent du silex, les couches moyennes recèlent des objets en bronze avec la céramique bien caractérisée telle qu'on la ren- contre dans les palafittes. Enfin les parties supérieures montrent des objets en fer et des ustensiles de la der- nière civilisation. n est donc bien évident que Tindustrie la plus an- cienne appartient à Tépoque de la pierre ; que celle qui a suivi est caractérisée par des objets en bronze, et qu'enfin la plus récente est bien celle du fer. A ces preuves stratigraphiques viennent s'ajouter les caractères fournis par les faunes propres à chaque époque et, comme nous venons de le voir, par une flore qui ne peut laisser aucun doute sur sa nature ni sur sa succession. AGE DE BRONZE DANS LE DÉPARTEMENT DE l'AISNE. L'âge de bronze n'a laissé dans le département de l'Aisne qu'un nombre très-restreint de pièces que Von peut lui attribuer sans contestation. Les trouvailles se sont réparties sur des points rela- tivement très-éloignés les uns des autres, et presque tous les arrondissements du département de l'Aisne ont fourni quelques pièces assez intéressantes, mais toujours peu nombreuses. Les cranoges et les palafittes étant établis sur le bord des lacs, il n'est pas étonnant de n'en pas trouver dans l'Aisne, puisque les lacs d'une certaine dimension y font défaut; mais les habitations lacustres se sont quelquefois rencontrées sur le bord des fleuves et des Digitized by Google rivières, les. bards de la Saône en font. foi. De plu»^ on a aussi constaté des indices de ces habitations dans les terrains marécageux ; dès lors il n'est plus impossible de trouver dans nos environs des indices d'habitations lacustres. M. Harant, agent-voyer d'arrondissement à Château-Thierry, nous a assuré que dans quelques tourbières de son arrondissement il avait constaté des pilotages. Ce fait très-intéressant mériterait une étude sérieuse. Jusqu'à ce moment nous n'avons pas. assez de détails sur ces pilotages pour en faire l'objet d'un travail particulier. Les tourbières ne nous ont offert que peu de faits intéressants. Voici ce qui est parvenu à notre connais- sance : M. Reveillère Lepaux a laissé une note dans les annales du muséum d'histoire naturelle en 1807, où il a relaté des faits intéressants ; mais les observations manquent de précision. Dans la commune de Buire (Somme) il a constaté dans une tourbière à peu de profondeur : !• Un coUier en ambre jaune dont il donne la des- cription et qui reposait dans la tourbe d'une manière naturelle, c'est-à-dire que les perles étaient dans un^ disposition que l'on adopte ordinairement ; 2« Des ossements de bœuf, probablement le Bos pri- migenius, si l'on en juge par les dimensions indiquées, mais en l'absence de description scientifique et de fi- gure^ il est impossible de rien assurer ; 3^ Ossements de cerfs dont l'espèce n'est pas déter- minée ; 40 Des troncs d'arbres et autres objets qui ne peu- Tent rien constater relativement à l'époque pendant laquelle le collier a été enfoui. M. l'abbé Lambert a aussi constaté que dans les tour- bières de St-Simon on rencontre des vases d'une forme préhistorique avec des ossements de castor et quelques Digitized by Google -É4- autres ayant appartenus à des animaux aquatiques. Ces objets n'indiquent qu'une époque relativement ré- cente. L'intérêt en est donc amoindri. Il a été trouvé aussi dans le département de TAisne quelques autres objets de l'époque du bronze, mais ils ne sont pas assez connus pour que nous puissions en donner une description satisfaisante. Parmi ces objets sont quelques torques, mais ils me paraissent gaulois et non pas de l'âge de bronze proprement dit. On pourrait citer quelques ornements provenant de Chassemy, mais dans les tombes inférieures ; M. Four- naise, instituteur, dont on regrette la perte, avait plu- sieurs torques et autres objets en bronze, mais ils ap- partiennent, suivant toute apparence, à une époque relativement récente. Ces objets n'ont donné lieu à aucun travail ; nous ne pouvons en parler que pour mémoire. Voici la description des principales pièces de bronze dont nous avons eu une connaissance suffisante. HACHES. Les haches en bronze trouvées dans le département de l'Aisne se rapportent à deux types différents Les unes, dans la partie supérieure, sont évidées latérale- ment de deux côtés opposés pour recevoir le manche qui devait être fendu ; les autres haches portent supé- rieurement une douille creusée dans la longueur de la hache pour loger le manche, qui, dans cette sorte, de- vait être courbé. Ce dernier type s'est rencontré dans l'Aisne plus fréquemment que le premier. HACHES A DOUILLE DE LA VALLEE DE SOISSONS. Cette hache a été trouvée aux environs de Soissons, on ne sait plus dans quelle circonstance, mais sa forme Digitized by Google -85 - suffit pour ne laisser aucun doute sur Tépoque à la- quelle on doit la rattacher. ' Elle présente deux de ses faces latérales en quadri- latère allongé dont les grands côtés sont un peu cour- bes, tandis que les deux autres faces sont triangulaires. La base commune des faces quadrilatérales est un peu élargie, afin de donner un peu plus d'étendue à la partie coupante. La partie supérieure est très-obscurément quadrilatère et elle porte deux nervures transversales à partie sail- lante. Cette saillie est un peu arrondie ; la nervure in- férieure est beaucoup plus petite que la supérieure qui borde rentrée de la douille. Sur l'un des côtés trian- gulaires, et en haut, on remarque un petit anneau qui devait servir à fixer le manche et peut-être aussi pour suspendre la hache. Cet instrument, évîdé jusqu'au fond, a été fondu, car on reconnaît les rebarbes laissées par la jointure des parties du moule. La hauteur est de 0°'020, la largeur, en haut, sur les faces quadrilatères, O^^CMO ; la largeur de sa partie coupante, O'nOéS; largeur du haut des faces triangu- laires, 0»042. Collection du Musée de Soissons. HACHE DB CONDB-SUR-fiUIPPB. La description de cette hache nous conduirait à ré- péter mot à mot celle de la hache précédente. Cepen- dant les dimensions sont un peu différentes. Tout le reste est identiquement semblable. Cet échantillon est cassé par le milieu ; la cause de sa rupture paraît due à l'ozidation du métal. Collection de M. Piette. Cette hache ne diffère des précédentes que parce 4 Digitized by Google Qu'elle ne porte qu'une nervure au sommet. Cette pe- tite hache est bien conservée. Les dimensions sont : hauteur 0°K)80, largeur de la partie coupante, 0"»03i ; du sommet évidé, 0^^028. Ces deux haches ont été trouvées en un même lieu ; il y avait aussi un moule dont nous n'avons pas pu prendre connaissance, mais le fait mérite d'être re- marqué. Collection de M. Piette. HACHE DE OROUTTES PRES CHARLY. Cetéchantillon est en tout semblable à la première de celles que nous venons de décrire ; cependant la nervure supérieure est notablement plus forte. Quant aux dimensions, elles ne diffèrent que d'une manière insensible. Cette hache n'a pas été trouvée seule, elle était ac- compagnée de plusieurs fragments provenant de haches qui paraissent avoir été identiquement les mêmes, ainsi que de fers de lances et d'autres instruments dont nous n'avons pas reconnu l'usage, plusieurs étant trop mutilés pour pouvoir être décrits d'une manière utile. Ces objets appartiennent à M. Varin, artiste gra- veur fort distingué, qui habite Crouttes où les objets ont été trouvés. HACHES ÉVIDÉES SUPÉRIEUREMENT. HACHE DE MONTIGNY-L'ENORAIN. Cette hache présente dans son profil un long paral- lélipipède, qui, à partir du milieu, va en s'élargissant par une surface courbe latéralement pour former le Digitized by Google - 87 - tranchant qui, dans ce type, a une certaine largeur çt qui est fortement convexe ; la partie supérieure est creusée en forme de bateau, mais dont l'extréiQité su- périeure n'a point de bord ; la partie inférieure de cette excavation est arrondie et bordée par une ner- vure assez épaisse et assez large. Au-dessous on re- marque une nervure triangulaire dont le sommet se prolonge en s'atténuant jusque vers le tranchant pour disparaître à quelques centimètres du bord inférieur. La hache, vue sur son épaisseur, présente une espèce de losange à côtés un peu courbes dont les deux infé- rieurs sont plus allongés que les autres. Les dimensions sont : hauteur 0«»170, largeur au tranchant, 0"»072, au sommet, 0*020. Cette hache a été trouvée avec deux autres dans un tombeau pDlyandrique dont M. d'Arcosse a donné la description dans ses Mélanges pour servir à Vhistoire du Soissonnais et que nous avons décrite dans notre âge de pierre, page 27. HACHE TROUVÉS A tA CROIX DE FER. Cette hache, du même type que le précédent, diffère cependant assez pour mériter une description parti- culière. Elle a été trouvée par M. Desouche. Cette hache présente à peu près la même forme que la précédente, mais au-dessous de la partie évidée qui recevait le manche au lieu d'un ornement triangulaire, om en remarque un de forme demi elliptique qui con- tient dans son intérieur cinq ou six petites lignes sail- lantes et dirigées dans le sens de la longueur de la hache, sans autre nervure au-dessous. La plus grande différence à signaler entre ces deux haches, c'est que celle que nous décrivons présente sur son épaisseur un profil en amande atténué aux deux extrémités, tandis Digitized by Google que Tantre est, sur son épaisseur, franchement qua- drilatère. Longueur de la hache, O^^ldO, largeur au sommet, 0«028, au tranchant, 0"»060. ÉPÉE EN BRONZE. MUSÉB DE SOISSONS. « Dans sa séance du 5 novembre 1850, M. l'abbé € Lecomte a présenté, au nom de M. de Labretesch, « une épée en bronze trouvée à Paars en creusant un € fossé. Cet objet gisait dans la grève à côté d'un € squelette humain et d'ossements de cheval. » Voici la description que nous avons donnée de cette belle épée, dans la Revite archéologique (juin 1866, p. 444 et 445, avec flg.) , et reproduite dans les matériaux pour l'histoire positive et philosophique de l'homme (2* année, p. 433). Longueur, 0™875. A partir de la pointe, assez aiguë, elle s'élargit régulièrement jusqu'au tiers environ de sa longueur totale, où elle atteint 0'»055 de largeur, puis elle diminue un peu vers la poignée qui est fort courbe et aplatie. Au milieu de sa largeur on remar- que une nervure qui forme un épaississement demi- cylindrique et qui couvre environ un quart de sa sur- face. Cette nervure ne commence qu'à quatre ou cinq centimètres de la pointe, pour se terminer, en s'élar- gissant, tout auprès de la poignée. On voit encore deux autres petites nervures, l'une tout auprès de la grosse, l'autre au milieu de l'intervalle qui reste jusqu'au bord. Huit rivets, qui maintenaient la garuiture de la poignée, sont encore adhérents à la lame métallique. Quoi qu'on en ait pensé, celte épée est bien de l'âge du bronze ; elle ne diffère que peu, pour la forme, de Digitized by Google -29 - celles qui ont été trouvées dans les stations authenti- ques de r^e du bronze ; elle ne penjt donc pas appar- tenir à répoque gallo-romaine, comme l'a prétendu un de nos membres. Elle n'est pas non plus romaine, mais par une autre raison que celle qu'a donné cet ar- chéologue, car les Romains n'ont jamais eu d*armes de cuivre. FER DE LANCE. Ce fer de lance a été trouvé à Cuisy-en-Almont, mais on ne connaît pas les circonstances de gisement ni les objets qui l'accompagnaient. Il est composé d'un cône à base circulaire creux sur une largeur de 13 centimètres et de 2 pour le diamètre de la base. Sur le bord on remarque de part et d'autre une espèce d'aile presque circulaire par en bas et qui va en s'atténuant jusqu'au sommet. Cette aile com- mence à 0°*035 de la base et est assez mince. Cet objet a été moulé, car on trouve les traces du moule de part et d'autre au milieu de la partie libre de la surface et dans toute sa longueur II existe un trou pour la gou- pille qui fixait solidement l'instrument à sa hampe. Ce fer de lame est d'une difficile attribution, car on en trouve de plusieurs époques et souvent en bronze. Localité : Osly. FERS Dhi LANCE. Deux fers de lance font partie de la trouvaille des frères Varin, célèbres graveurs qui habitent Crouttes. Elles sont en tout semblables à celles que nous venons de décrire, et c'est en travaillant la terre que ces ob- jets ont été trouvés avec des haches en bronze et un assez grand nombre d'autres objets dont nous ne pou- Digitized by Google 80 vons déterminer la nature, n'ayant à notre disposition que des dessins au simple trait. BRACELET EN BRONZE. Ce bracelet, d'une forme ovalaire, est une espèce d'anneau non fermé, mais qui laisse un intervalle très- petit entre ses deux extrémités. La paroi extérieure est semi-ellipsoïdale et celle de l'intérieur presque plate ; la partie moyenne du bracelet est beaucoup plus volumineuse que les extrémités, qui, cependant sont terminées par un renflement transversal en forme de nervure peu saillante. La surface la plus apparente porte des ornements gravés en creux dont il est par- fois assez difficile de prendre une idée exacte par suite de l'oxidation de la msttière. La vue de la flg. 2, pi. 1, en donnera une idée plus complète qu'une description ne pourrait le faire. Les dimensions du bracelet sont doubles de celles de la figure. Il ressemble à beaucoup d'égards à ceux que Ton trouve dans les palaflttes de la Suisse. Nous avons fait figurer quelques objets trouvés à Crouttes par M. Varin, on en peut prendre une idée dans les figures de la planche 1^^. Les objets de l'âge de bronze trouvés dans le dé- partement de l'Aisne sont trop peu nombreux pour que l'on puisse en déduire des considéra1;ioûs générales, mais les renseignements qu'ils nous fournissent, rap- prochés de ceux des départements voisins, peuvent amener des conséquences d'une grande importance. Digitized by Google Planche 1 Digitized by Google Digitized by Google Tlanck 2 c::^ \% ■à |>o Digitized by Google Digitized by Google -«1- EXPLICATION DES PLANCHIW. PLANCHE 1. 1 . Bracelet en bronze, 1/2 grandeur. 2. Vue de la partie intérieure et sur son épaisseur, 1/2. 3. Vue de la partie postérieure» i/2. 4. Hache des environs de Soissons, 1/2. 5. La même vue sur son épaisseur, 1/2 6. La même vue par-dessus^ 1/2. 7. Hache de Gondé-sur-Suippe. 8. La même vue sur son épaisseur, 1/2 . 9. La même vue de sa partie supérieure, 1/2. 10. Autre Hache de Condé-sur-Suippe. 1/i. il. La même montrant l'épaisseur, 1/2. 12. La même vue par-dessus, 1/2. PLANCHE 2. 1. Sabre en bronze de Paars, 1/5 grandeur. 2. Détails du même sabre. 3. Hache de Gravançon. 4. La même vue sur son épaisseur, 1/4. 5. Hache des environs de Soissons, 1/4. 6. La môme vue sur son épaisseur, 1/4. 7. Têle de lance de Grouttes, 1/4. 8. La même vue sjir la partie latérale, i/4. 9. Fragment d'un objet inconnu, de Grouttes, 1/4. 10. Le même objet, vu de son épaisseur, 1/4. il. Autre objet d'un usage inconnu, de même prove- nance, 1/4. 12. Le même sur son épaisseur avec la figure de« la par- tie supérieure, 1/4. Digitized by Google -^ SE - A roccasion de ce travail et des objets que Ton dé- couvre dans les sépultures antiques, plusieurs membres se livi^ent à une nouvelle discussion sur la créma- tion des corps chez les anciens. M. Tabbé Dupuy, no- tamment, soutient, d'après l'abbé Cochet qui fait auto- rité en ces matières, que chez les Romains, sauf dans un petit nombre de familles, telle que celle des Sel- pions, on brûlait tous les corps, même ceux des pauvres et que tous les autres tombeaux sont de l'époque mé- rovingienne. M. Choron prétend, au contraire, que chez les Romains on rencontre des sépultures conte- nant des corps entiers et dont la tête est munie du de- nier à Caron. On y remarque aussi cette particularité qu'elles portent conjointement des signes de christia- nisme, mélange de symbolisme chrétien et de symbo- lisme payen qui indique la transition des idées payennes aux idées chrétiennes. Comme spécimen des deux genres on cite les sépultures de Pommiers, près de la route nationale de Paris; de Belleu; d'Arcy-Sainte- Restitue, qui sont mérovingiennes, et les petits tom- beaux d'enfants trouvés près de Pasly, qui sont de l'époque romaine et qu'on voit au Musée. A cette der- nière époque, on enterrait donc les enfants. Reste à savoir si ces petits tombeaux ne sont pas dutemps où le christianisme régnait déjà dans }es;Oaules. La séance est levée à 5 heures. Le Président, Dk la Prâi&le. Le Secrétaire, l'abbé Pécheur. Digitized by Google BULLETIN DB LA. SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS. DEUXIÈME SÉANCE. l.«Bdl V Février i8V«. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le procès-verbal de laderniôre séance est la et adopté. OUVRAGES OFFERTS ET DSPOSés. lo Bulletin de la Société d'agriculture^ sciences et arts de la Sarthe, 2^ série, t. 15, 33« de la collection, 2» et 3« trimetre de 1875. 2« Bulletin de la Société des Antiquaires de Picar^ die, 1875, n^ 3. 3« Le Cabinet historique^ 21« année, IV-IS* livrais. 5 Digitized by Google - 84 - 5« A traoers Soissons, guide sommaire pour les visiteurs» par M. E. Fossé-d*Arcosse. 6^ Société Linéenne du nord de la France^ n® 42-43, bulletin mensuel. 7^ Vie de saint Rigobert, archevêqtce de Reims. par Tabbé Pocquet. CORRESPONDANCE. Rapport au Comité des travaux historiques sur la publication des documents inédits relatifs aux Etats- généraux, par M. Georges Picot, membre du Comité, mvoyé par M. le ministre de l'instruction publique et des cultes, avec une invitation aux Sociétés savantes de communiquer au Comité' les pièces manuscrites, concernant cette importante matière, dentelles auraient connaissance. La Société s'efforcera de répondre aux désirs expri- més par M. le ministre, quoique jusqu'ici elle n'ait pas été assez heureuse pour découvrir quelque chose d'im- portant sur ces assemblées. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. Biscuit lit uu mémoire sur la corporation des bouchers de Soissons. Digitized by Google 86- ESSAI SUR LES BOUCHERS ET LA BOUCHERIE A S0ISS0N8. L'iacendie de 1814 ayant anéanti nos archives mu- nicipales, il nous est malheureusement impossible de préciser la date à laquelle les bouchers de notre ville se formèrent en communauté, ni quels furent les sta- tuts qui les régirent. Nous savons seulement qu'ils avaient à leur tête un capitaine, ainsi que nous le trouvons dans plusieurs actes notariés remontant aux premières années du siècle dernier. Il ne faut pas croire que les bouchers furent toujours tels que nous les connaissons, et sans remonter à nos ancêtr^es qui regardaient leur profession comme infa- mante, à ce point que les édits royaux Tinterdisaient aux notaires, aux clercs et même aux bourgeois de certaines villes, (Art. 25, ordonnance de juillet 1304.) voyons seulement ce que dit Mercier, en 1781, dans son tableau de Paris : € Les bouchers sont des hommes dont la figure porte € une empreinte féroce et sanguinaire, les bras nus, € le col gonflé, Tosil rouge. » La peinture n'est certes pas flatteuse. Heureusement, le temps a tout changé, hommes et mœurs, et la boucherie est maintenant l'égale de toute honnête profession. En France, la constitution des bouchers en corpo- rations, remonte à la conquête des Gaules, et l'idée en fut apportée chez nous par nos vainqueurs. Digitized by Google — 86 — Ce furent encore les Romains qui nous transmirent l'idée de ces vastes marchés où se vendaient des co« mestibles de toute espèce, viande, poissons, volailles, légumes. Mais si les grandes villes furent rapidement pour- vues de marchés de ce genre, il n'en fut pas de même de la province. Ainsi, les bouchers détaillèrent long- temps leurs viandes là où bon leur semblait. Il n'exis- tait pas alors de tueries ou abattoirs, et, comme cela se fait encore dans certains de nos villages et bourgs, les bouchers tuaient chez eux, s'inquiétant fort peu de l'effet produit sur les passants par les gémissements des victimes et par la vue du sang fumant qui coule dans les ruisseaux. Vers 1115, lorsque la commune fut concédée à Sois- sons, l'administration communale apporta à cet état de choses de nombreuses améliorations ; elle décida la construction d'une vaste halle qui partirait du jardin des Arbalétriers (rue Bara), aboutirait à la porté Bé- rald (1) et servirait à toutes les branches de commerce de la ville et du dehors, moyennant une faible rede- vance à payer par chacun. C'est dans cette halle que furent installés les mar- chands bouchers (2) auxquels il fut en outre donné, non loin de là, un emplacement pour abattre leurs animaux. La remise du droit de commune au roi n'apporta aucun changement aux usages établis, Philippe-le-Bel ayant déclaré ne vouloir porter aucune atteinte aux libertés, privilèges et franchises de la ville, comme il résulte de lettres patentes datées de 1325 : « Salvis et reservatis oommuniœ privilegiiSy fran- « chiis^ libertatibtcs^ usibtÂS et consuetudinibus ipsorum.i^ (1) Henri Martin, t. 2, p. 303; - Brayer, p. 89. (2) H. Martin, t. 2, p. 203. Digitized by Google - 87 - Les bouchers gardèrent donc la place qu'ils occu- paient depuis si longtemps. En 1414 tout change, les Armagnacs prennent la ville et la mettent à feu et à sang, la halle est entière- ment détruite (1) et les bouchers se trouvent tels qu'ils étaient deux siècles auparavant. Depuis 1305, par suite d'un traité intervenu entre Hugues, comte de Soissons, et l'administration commu- nale (2) « les mayre et jurés occupaient, moyennant « une somme annuelle, l'étage supérieur d'un grand « bâtiment appartenant au comte, situé sur la rive « gauche de l'Aisne, près du chàtelet. » Plus tard, le rez-de-chausssée servit aux échanges et aux trafics communaux des habitants (3) de là pour l'ensemble, tantôt le nom d'hôtel commun, tantôt celui d'hôtel du Change. Dormay l'appelle aussi hôtel de la Monnaye (4). Cette dernière dénomination me remet en mémoire l'histoire d'un nommé Bricotteaux, charcutier assez mal famé de notre ville, dont la boutique se trouvait justement entre l'ancienne boucherie du pont et le bu- reau d'octroi, récemment démoli. Ce disciple de St-Antoine ayant profité d'un de ces moments de désordre, si fréquents alors (1793), pour voler plusieurs cloches aux couvents de la ville qui n'en pouvaient mais, eut l'idée de frapper monnaie. Son système pour faire accepter ses produits était assez ingénieux ; il ne rendait d'appoints qu'en pièces de sa fabrication. Malheureusement pour notre industrieux citoyen, ses pièces avaient une si triste mine, le grain en était si (ODormar, t. % p. 494. (2) Dormay, t. 2, p. 298. (3) Dormaf, t. 2, p, 900. (4) Dormay, t. 2, p. 8. Digitized by Google - » - gros et Teffigie de Louis XVI n peu nette, que des soupçons ne tardèrent pas à s'élever pour devenir bien- tôt une certitude. Le faux monnayeur ne fut pas inquiété, mais faute de pouvoir faire de nouvelles dupes, il dut laisser re- froidir ses creusets. G*estdu Bricotteau, disait-on encore quelques années plus tard, lorsqu'on voulait faire entendre d'une pièce qu'elle était fausse. Mais revenons à 1414. Hôtel commun, hôtel du Change ou hôtel de la Mon- naie, l'hôtel n'en fut pas moins détruit en partie, et, quatre ans plus tard, Charles VII, dont les armées venaient de reprendre la ville aux Boui^gnons, le confisquait à son profit. « Je m'ébahissoit, dit un de nos vieux historiens, de c< la démolition de ces deux derniers bâtiments, parce « que les droits de halle et de change appartenant au « duc d'Orléans, comte de Soissons (1 ) , c'était lui enlever « une partie de son domaine. » Quoi qu'il en soit, Charles VII fit don de notre hô- tel commun à dame Blanche d'Ombes, femme de Pierre Puiclerc, son chambellan (2), et ce ne fut qu'en 1479 que la ville, qui commençait à se remettre des se- cousses par elles éprouvées depuis 1414, put rentrer en possession de l'ancien lieu de ses réunions, moyen- nant une somme de 300 livres. Elle le fit alors res- taurer, mais elle se contenta d'en relever la charpente et les toits pour servir de halle aux bouchers, poisson- niers et saliniers (3). Quant à l'administration municipale, elle transporta son siège rue du Beffroi. (1) Louis d'Orléans, comte de Soissoos, frère du roi. (2 et 3). L. Desfontaines et Cabaret, t. 1, p. 98. Digitized by Google - 8»- Leroux doit faire confusion lorsqu'il présume qu'à raison de cette nouvelle installation chaque boucher entrant payait au comte de Soissons une somme de 14 livres. Charles VII n'avait-il pas, comme on l'a vu, con- fisqué à son profit ce qui restait du bâtiment ; la ville ne l'avait-elle pas, plus tard, racheté moyennant 300 livres ? D'un autre côté, il n*est pas douteux un instant que depuis 1479 les bouchers payèrent à la ville un sur- cens annuel en dehors de la châsse du mardi-gras. Cabaret parle de trente livres, et pourtant dans les actes authentiques passés entre la ville et la commu- nauté des bouchers, il n'est jamais question que d'une redevance de 24 Livres (actes de Bouille, notaire à Soissons, du 23 mars 1739 et de juin 1782, en confir- mait d'autres antérieurs à 1600.) En même temps que les bouchers prenaient posses- sion du rez-de-chaussée de l'hôtel commun, en face, sur le bord de la rivière et sous le sol voûté de l'agence actuelle, on établissait un abattoir qui ne disparut qu'en 1823 pour être remplacé par celui que nous con- naissons sur la rive droite de l'Aisne. La rue de la Tuerie et celle du PortSaigneux, au- jourd'hui impassée, donnaient accès à cet abattoir dans lequel on entrait par une porte maintenant murée, ou- vrant sur la première de ces rues. J'ai parlé plus haut de la châsse du mardi-gras comme faisant partie de la redevance annuelle que payaient les bouchers. Son origine, au dire de tous les historiens de notre ville, remonte à la charte commu- nale de 1115. Voici en quoi consistait cette châsse : Chaque année, le jour du mardi-gras, les maire et échevins envoyaient aux maîtres bouchers Tordre de se réunir à une heure indiquée sur lagrand'place^ cos* Digitized by Google -4Ô~ tumés en chasseurs, à cheval, accompagnés de leurs chiens et armés seulement de bâtons. Chaque défaillant payait une amende de 20 livres. Lorsque tous étaient réunis, le cortège se mettait en marche, précédé du corps de ville; on sortait des murs et la chasse commençait sur les terres de la com- mune. Le soir, les chasseurs rapportaient à la maisçn de ville le gibier qu'ils avaient abattu (1). La population, paraît-il, prenait un plaisir sans pa- reil à cette battue infernale devant laquelle fuyaient effarés lièvres et perdrix. Ce plaisir fut-il partagé par les acteurs eux-mêmes, j'ai peine à le croire, et ce qui le prouve assez, ce sont les efforts que firent les bou- chers pour s'exempter de cette corvée qui leur était en outre très -coûteuse; mais la municipalité ne voulut jamais renoncer à son privilège. Cependant la chasse cessa d'avoir lieu régulièrement, et si par la suite les bouchers durent encore payer ainsi de leur personne, ce fut seulement à l'occasion des grandes solennités telles que naissances ou mariages de princes, traités de paix, etc. Cabaret nous dit que de son temps, 1780, le corps municipal jouissait encore de cette prérogative (2). Vers les premières années du xvi« siècle, la halle de l'hôtel commun devenant trop étroite pour les trois sortes de commerce qui s'y exerçaient, les poissonniers et les saliniers durent chercher un autre emplace- ment. Les poissonniers allèrent s'établir sur le terrain va- gue formant le dessus des voûtes de la tuerie, pour n'en quitter qu'en 1823. (1) M* Poqnet, dans le 7* buUetîn de la Société, a parlé loaguementde cette chasse des bouchers qu'il a enrichie de détails extraits, dit-il, de divers manuscrits. (2) Cabaret, t. I» p. 98. Digitized by Google - 41 - Nous avons déjà vu que radministration communale s'était retirée rue du Beffroi. Les bouchers demeurèrent ainsi seuls dans l'ancien hôtel commun qui prit défini- tivement le nom de Grande Boucherie (1), et ils con- tinuèrent à l'occuper pendant plus de cinquante ans incident à noter, excepté toutefois les ennuis qui leur advinrent après la prise de Soissons par les Hugue- nots, en 1589, lorsque ceux-ci les forcèrent, en plein carême, à tuer et à vendre « de la chair. » Observateurs fidèles de la religion, les bouchers ne cédèrent qu'à la violence; mais, en 1663, ils se mon- trèrent moins consciencieux, et l'appât d'un gain par trop facile les ayant poussés à s'entendre pour aug- menter le prix des viandes, cette prétention souleva de justes réclamations et plainte fut portée devant le procureur du roi au baillage. Sur ces plaintes, les habitants, convoqués en assem- blée générale le 29 novembre 1664, décidèrent l'éta- blissement d'une seconde boucherie en concurrence avec celle du Pont. Cependant cette décision demeura longtemps sans eSei, faute d'un emplacement coavenable et faute sur- tout des fonds nécessaires pour faire face aux grandes dépenses qu'aurait nécessitées la construction d'un bâ- timent nouveau. Ce ne fut qu'en 1686 que l'administration munici- pale, toujours désireuse du bien-être des habitants, songea, pour donner suite à la décision de 1664, à ra- cheter des religieux de Saint-Jean-des- Vignes « un lieu € voulté faisant partie de bâtiments sis rue St-Martin € au lieu appelé la Vieille-Porte, près la place Royale, » à eux vendus par la ville, suivant acte passé devant (f) Lors de SA démolition, en 1969, on voyait encore gravé, sar la façade onest de oe bâtiment, les mots : Grande Boucherie. 6 Digitized by Google ^42 - Barbier et Gosset, notaires à Sqissons, le 12 novem- bre 1661. Cette résolution prise, la municipalité se mit en rap- port avec les religieux de St-Jean, et le 26 octobre 1686, Gosset dressait acte des conventions arrêtées entre les parties. Cet acte porte que les religieux, prieur et couvent de St-Jean-des- Vignes, convoqués au son du timbre, de la manière accoutumée, rétrocèdent aux maire et gouverneur et échevins de la ville « un lieu voulté, « proche le grenier à sel, trouvé commode pour Téta- € blissement projeté, pour ledit lieu voulté avoir jour € au moyen d'une ouverture à prendre dans la croisée € ancienne qui est au bout dudit lieu voulté, derrière « la porte du 'Cerf-Volant (1), à une hauteur de six € pieds et demi du rez-de-chaussée du côté de la cour « du Cerf-volant. » Il est dit en outre que l'ouverture ainsi faite « devra être fermée de barreaux en quantité suffisante pour qu'on n'y puisse passer la tête, » et que la porte de communication ouverte sur la cour du Cerf- Volant de- vra être fermée et remplacée par une porte sur la rue. Cette rétrocession eut lieu à la charge par la ville : 1« De payer aux religieux de St-Jean-des-Vignes une redevance annuelle de 15 livres ; 2« D'indemniser un sieur Doucet, locataire de la voûte vendue, pour le temps restant à courir du bail à lui fait ; 3^ D'abandonner aux religieux le restant de l'an- cienne fausse porte, autrement dit l'excédant de la vente de 1661 ; 4° Et de faire ratifier l'acte même sous trois mois de H) HdteUerie gai occupait remplacement de la maison portant aojour- d'nui le n» 4 de fa rue du Commerce. Digitized by Google - 43 - sa date par une nouvelle assemblée générale des habi- tants, à peine du nullité des conventions. Malgré ce délai de trois mois qui semble être fatal, l'acte en question ne fut ratifié qu'en 1687,1e 23 fé- vrier, par une nouvelle assemblée générale convoquée « à son de cloche, sur la proposition faite par le pro- ie cureur du roi, qui, pour prévenir les abus qui se sont a glissés jusqu'à présent au débit des viandes de bou- € chérie, par l'intelligence qu'il y a entre les bouchers € de cette ville, il a été trouvé à propos d'établir une « seconde boucherie. » Comme on le voit, et ainsi que le fait remarquer M. Choron dans son curieux travail sur la fausse porte St- Martin et les divers emplacements de l'hôtel-de-ville, le besoin d'une boucherie (coopérative) s'était déjà fait sentir il y a près de deux cents ans. A cette époque comme aujourd'hui, les habitants se sont vus dans la nécessité de combattre les prétentions exhorbitantes des bouchers et de leur opposer, en 1686, la boucherie de la fausse porte, et en 1874 la bouche- rie qui fait l'angle des rues du Commerce et de l'Hôtel- Dieu. La boucherie coopérative de 1686 flt-elle, jusqu'à la Révolution de 1789, concurrence à la boucherie du Pont? Je ne le crois pas. Les bouchers revinrent sur leurs prétentions et prirent à bail le lieu voûté de la fausse Porte, aux charges précitées de 15 Livres de surcens au profit des religieux de St-Jean, et ce qui me confirme dans cette idée, c'est que, dans deux actes notariés dont je parlerai plus loin, passés, l'un en 1739 et l'autre en 1782, la ville loue les grande et petite boucheries (celles du pont et de la fausse Porte) à la communauté des bouchers de Soissons, et qu'il n'est pas admissible que cette communauté ait reçu dans son sein des membres dont le seul but aurait été de lui faire concurrence. Digitized by Google -: 44 — Déjà, en 1727, le 17 mars et par acte passé devant Monnepveu et BouUie, les maire et échevins abandon- naient à la communauté des bouchers « la jouissance € d'un lieu voulté tenant et aboutissant à la voûte de « la vieille porte de la ville, sis rue Saint-Martin, près « la place Royale, contenant en largeur deux toises « et en longueur vingt-huit pieds sur treize pieds de € hauteur, en Testât qu'il est à présent et que lesdits « preneurs ont dit bien scavoir et connaître pour en « avoir cy-devant jouy. » Il est donc bien probable que les motifs qui avaient nécessité l'établissement d'une boucherie rivale de la première avaient disparu depuis longtemps. Puisqu'il vient d'être question de l'augmentation du prix des viandes, il n'est pas hors de propos de savoir ce que coûtait la livre de bœuf, veau ou mouton vers le milieu du xvii* siècle. J'ai sous les yeux la minute d'un acte reçu par BouUie, notaire, quinze octobre mil six cent vingt- cinq (minutes de M« Delorme) dont communication a été déjà faite à la Société par M. Michaux et qui a été in- sérée dans le bulletin, 2" série. C'est un traité passé entre Simon Legras, évêque, et Claude Beaudet, marchand boucher de la ville. Celui- ci s'engage à fournir à l'évêque toute la viande néces- saire aux besoins de sa maison à raison de : « 3 sols 6 deniers chacune livre de veau ou mouton, « et 3 sols 4 deniers pour chacune livre de bœuf. » Le tout rendu à l'Evêché. De plus l'acte porte que cette viande sera la meil- leure de la boucherie, à défaut de quoi les gens de l'é- vêque pourront s'en proeurer n'importe où aux frais du sieur Beaudet, ce qui laisse à supposer que les bou- chers ne se faisaient pas toujours scrupule de vendre des viandes d'une fraîcheur douteuse, et ces abus da- taient de loin, car, dès 1350, une ordonnance de Jean II Digitized by Google - 46 - disait : « Nul boucher ne vendra chair surmenée ne aussi ne gardera chair tuée plus de deux jours en hy- ver, et en esté jour et demi au plus, et au cas où il fera le contraire, il l'admendera chacune fois de vingt sols. » Ce n'est pas tout : au pardessus du prix fixé, et comme en faveur du marché, toutes les issues de veau et mouton devraient être fournies et livrées à l'Bvêché par le sieur Beaudet. En 1629, la livre de bœuf coûtait 2 sous. De 1643 à 1647, on le payait 3 sous 6 deniers. Le mouton et le veau valaient 3 sous et 6 deniers à la même époque. De 1748 à 1789, la viande de boucherie varie de 5 sous 6 deniers à 7 sous la livre (1). Que nous sommes loin aujourd'hui de ce prix d'au- trefois. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que l'argent avait alors une plus grande valeur que celle qu'il a maintenant. Comme nous l'avons vu, la communauté des bou- chers payait : 1» A la caisse municipale, à raison de la grand bou- cherie, une rente de 24 livres ; 2^ Et aux religieux de St-Jean, à raison de la bou- cherie de la fausse Porte, une rente de 15 livres. Et pourtant, en 1716, lors de l'établissement du budget de la ville, les deux boucheries sont portées seulement pour un revenu de 24 livres (2) ; d'où vient donc cette différence ? Ce sont cependant bien les mêmes chiffres de 24 et de 15 livres que l'on trouve dans tous (f) M. A. MattoD, Inventaire sommaire dee archives liospitalières de SoissoDK. (S) If. Choroo, fausse porte St Martin. Digitized by Google -46 - les actes passés entre la communauté des bouchers à cette époque. Il est certain que ces surcens furent toujours payés à regret par les bouchers et qu'ils essayèrent plus d'une fois de s'en affranchir, mais une sentence prévô- tale de 1607 condamna les récalcitrants qui durent alors se soumettre. Depuis, et pour prévenir toute prescription, la ville contraignit les bouchers à des réobligations envers elle au sujet de ces rentes de 24 et 15 livres. La première réobligation qui suivit la sentence pré- vôtale de 1607 porte la date du 7 décembre 1663 et est relative à la grande boucherie, ainsi que deux autres passées devant BouUie et Guynot, notaires à Soissons, le 23 avril 1739 et le 18 juillet 1782. Dans l'avant-dernier de ces actes, comparaissent vingt-trois maîtres bouchers en tête desquels figure Louis Gay, leur capitaine, et tous s'engagent au paie- ment de 24 livres de surcens, chacun an au jour de St-Jean-Baptiste. Une autre réobligation, mais relative cette fois à un lieu voûté situé sous la fausse porte St-Martin, servant de petite boucherie et détenté par la communauté des marchands bouchers de Soissons, est datée du 18 juil- let 1782. Dans ces divers actes, on retrouve les noms de quel- ques bouchers dont les descendants ont été ou sont connus de nous : Philippe-Marie Guillaume; François Picard ; Pierre Duru. Sur une maison du faubourg Saint-Waast, à l'angle des rues du Champ-Bouillant et Messire-Pierre-Leroy, on voit encore cette inscription très-lisible : Guillaume^ marchand boucher En 1790, la communauté des bouchers se refusant à Digitized by Google - 47 - payer les droits d'entrée sur leurs animaux, un décret de l'Assemblée nationale du 4 août dut enjoindre à ceux-ci d'avoir à s'exécuter, sous peine de poursuites, non seulement comme contribuables, mais comme ré- fractaires- L'année suivante, la loi d'octobre les fit disparaître comme communauté. Cependant ils n'en continuèrent pas moins leur commerce dans les bâtiments du pont et de la fausse Porte, mais cette fois sans payer aucune location, ainsi que je le vois sur la note ci-après, datée du premier germinaî an X, trouvée parmi les titres de propriété remis par la ville aux acquéreurs des deux boucheries, lors de l'adjudication de 1806 : â La grande boucherie appartenait à la corporation € des bouchers de Soissons, à la charge de payer une « rente foncière de 24 livres à la ville. € La Révolution ayant supprimé les communautés, 1 la République s'est chargée de l'acquit de leurs dettes t et a succédé à leurs biens. € On peut donc dire que la grande boucherie est un € domaine national, à la charge de payer la rente due € par les bouchers. a Pourquoi ne pas rentrer en possession de cette € boucherie, puisque les bouchers ne paient plus la « rente foncière ? » Même raisonnement pour la boucherie de la fausse Porte, à raison de 15 livres de surcens annuels. Cette idée fut admise, et l'administration munici- pale rentra en possession des deux bâtiments qui lui appartenaient de droit. Ce qu'est devenue la boucherie du pont ? M. Collet nous le dit dans une courte notice insérée au bulletin des. années 1872-1873 de la Société. Vendue le 13 septembre 1806 par acte de Gosset, notaire à Soissons, à Nicolas-Sébastien Barbier-Dantan, moyennant 4,350 francs, elle passa ensuite entre les Digitized by Google -48- maiM de divers propriétaires et devînt successivement magasin à blé, dépôt d'instruments aratoires, salle de vente pour les marchands de passade. Quant à ses caves, elles furent utilisées comme magasins à vins. Rachetée enfin par la ville le 25 novembre 1869, elle fut complètement rasée en juin 1870, et tout fait présumer que sur son emplacement nous verrons bien- tôt un square appelé à reposer l'œil de la couleur uniforme du port. Grâce à mes souvenirs et surtout à un dessin fidèle qu'en a fait mon collègue et ami P. Laurent, je vais essayer de reconstruire ce vieux bâtiment trois fois séculaire. C'était une construction du xvi® siècle, mais le type architectural avait disparu presque entièrement, au fur et à mesure de ses diverses destinations. La façade qui donnait sur l'entrée du pont mesurait une longueur d'environ 23 mètres. Le rez-de-chaussée de cette façade montrait sept ou- vertures, dont trois grandes et quatre beaucoup plus petites, murées depuis longtemps et appareillées en anse de panier. Les grandes ouvertures formaient les étauz des marchands bouchers. Aux extrémités est et ouest étaient deux pignons donnant, l'un sur l'Aisne et l'autre sur la rue du Port. Ce dernier pignon montrait de larges baies de même appareillage que celles de la façade principale. Le côté nord était complètement noyé dans les dé- pendances du bâtiment, dépendances qui avaient perdu toute espèce de caractère. Sur les pignons sud et ouest régnait, à la hauteur du premier étage un cordon d'un profil très-élégant formant larmier et servant en même temps de pierre d'appui à quatre fenêtres à meneaux chanfreinés qu'é- clairaient cet étage. Une autre fenêtre du même style, mais depuis longtemps murée, existait dans le pignon Digitized by Google -49 — Est. C*est par cette fenêtre que les bouccirs puisaient dans TAisne, au moyen d'une poulie et de sa corde» Teau nécessaire à leurs besoins. L'intérieur du bâtiment avait conservé ses deux étages, mais la nécessité d'ouvrir à droite et à gauche des petits jours pour des destinations nouvelles, avait retiré à cet intérieur son caractère original. Le haut comble que nous avons vu était bien l'an- cien, sauf peut-être un remaniement de la toiture à une époque assez rapprochée, ainsi que le prouvait la seule lucarne toute moderne qui éclairait le grenier sur la façade sud. Quant à la boucherie de la fausse porte, elle fut vendue également en 1806, sans toutefois cesser pen- dant quelques années encore d'avoir le même usage. Les restes en subsistèrent jusqu'en 1874.11s dispa- rurent encore, et là où se voyaient naguère de vieux murs prêts à s'effondrer, s'élève une de ces él^antes constructions qui embellissent maintenant le quartier St-Martin. La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Prairie. Le Secrétaire^ l'abbé Pécheur. Digitized by Google Digitized by Google BULLETIN DB LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCiEITIFIDBE DE SOISSONS. TROISIÈME SÉANCE LoMll • Mars flsis. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS ET DEPOSES. 1« BtUletin de la Société académique du Yar^ nou* velle série, t. 7, fascicule n» I«'. 2« Romania, janvier 1876. 30 Le Cimetière de Caranda, par M. 0. Millescamps. 4» La musique à Abbemlle^ 1785-1856. Souoenirs d'un musicien^ 1875 &» Recueil des publicatiors de la Société nationale hâvraise (ï études diverses. Digitized by Google — 52 - G0RRB8P0NDANGB. Lettre ministérielle du 15 janvier relative à la réunion des Sociétés savantes les 19, 20 et 21 avril 1876, à la Sorbonne, et à la distribution des récom- penses le 22 du même mois. La compagnie délègue pour la représenter en cette circonstance, MM. Choron, Watelet, Férus et Laurent. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. Michaux donne communication d'une découverte qui aurait eu lieu récemment à Fère-en-Tardenois. M. Frédéric Moreau père, l'heureux inventeur des trésors archéologiques de Caranda et de la Sablonnière, n'aurait rien moins^ trouvé, près de cette ville, qu'un Gaulois inhumé sur son char. M. Moreau a fait dres- ser un plan détaillé de la sépulture, où l'on voit toutes les parties du char, tous les objets qui entouraient le squelette, vases, ustensiles, armes, etc., à l'endroit qu'ils occupaient dans le terrain fouillé, et il y a joint un procès-verbal où sont constatées les diverses phases de la découverte. Un fait analogue aurait eu lieu, l'année dernière, à 13 kilomètres de Châlons-sur-Marne. M. Morel, à la fin d'un rapport à la Société d'agriculture, commene, sciences et arts de cette ville annonçait qu'il y avait découvert un « Gaulois inhumé sur son char, ayant au doigt un anneau d'or, à ses côtés la longue épée nationale reposant dans un fourreau de bronze doré, un bandeau d'or et une véritable coupe étrusque à fond noir et à. personnage peint. » Digitized by Google — 58 — M. Michaux donne lecture d'une notice sur la paix de Crépy de 1544. LA PAIX DE GREPY. Discussiofi sur le lieu où a été signé cette paix. Avant d'entrer dans la discussion, établissons briè- vement les faits. n faut se reporter en Tannée 1544. Une formidable coalition s'était formée contre la France : Henri Vlll, roi d'Angleterre, et l'empereur Charles-Quint avaient résolu d'envahir la France, et aussitôt sa conquête, de la partager entre eux. Ils devaient aller droit sur Paris en évitant les villes fortes. Déjà l'empereur, à la tête de 50,000 hommes, était entré en Champagne. Il s'emparait de Commercy, et, le 10 juillet, assié- geait Saint-Dizier. De son côté, Henri VIII, avec une armée de 30,000 Anglais et 25,000 Allemands, commençait ses opéra- tions. Les seules troupes qu'on put lui opposer étaient les faibles garnisons disséminées dans les viQes du Nord. Heureusement, le monarque anglais, plein de dé- fiance à l'endroit du rusé espagnol, au lieu de marcher sur Paris, s'arrêtait devant Boulogne. Charles-Quint marchait toujours. Saint-Dizier, Epernay, Château-Thierry, étaient suc- cessivement tombés en son pouvoir. Digitized by Google - 54 - Le Dauphia de France, d^uie Henri II, envoyé contre Fenvahisseur avec une faible armée, n'avait pu arrêter ses progrès; il fat même refoulé jusqu'à Meaux. Rien ne résistait à l'ennemi qui, victorieux, prenait le chemin de Paris. La terreur devint générale. Les habitants de Paris, épouvantés, s'enfuyaient, emportant ce qu'ils avaient de plus précieux. Devant un tel désarroi, François I«' voyant Tiusuc- cès de ses vaillants efforts, eut, lui aussi, un mouve- ment de désespoir : « Que tu me fais payer cher, ô Dieu, s'écriait-il, cette couronne royale que je croyais € avoir reçue de ta main comme un don ! > (h. Ce cri de découragement que la maladie et la mar- che rapide et menaçante de Charles Quint avaient fait pousser à François I«', fait comprendre combien la si- tuation était critique. En effet, l'empereur arrivant à Paris, trouvait cette ville abandonna de ses habitants et presque sans dé- fense. Alors se réalisait le projet des ennemis : Fran* çois I^r perdait sa couronne, et la France mutilée était partagée par les vainqueurs. Cette perspective, qui aurait pu être désespérante, donna à François P', un surcroit de courage. Il accourt en toute hâte à Paris, et, calme, le front haut, se promène à cheval au travers des rues de la grande cité, arrêt«3 les fuyards et leur dit. « Que s'il ne € peut les farder d'avoir peur, il les gardera d'avoir € mal. » Ces fermes paroles et la noble attitude du roi ren- dirent l'espoir au cœur des Parisiens. € Tout le monde, dit Guillaume Paradin, auteur contemporain, revint à la file, avec ferme propos d'at- tendre l'empereur et de lui résister. » Les corps de métiers, les écoliers , tout Paris se Digitized by Google - 56- leva en masse ; 40,000 hommes biea armés déâlèrent devant le roi. Cette population ardente et mobile avait passé en «quelques hAures d'une terreur panique à une oonflance intrépide. (Henri Martin, vm, p. 303.) Cet élan enthousiaste de la population de Paris fit réfléchir l'empereur. L'armée du Dauphin, campée à Meaux et à la Ferté-sous-Jouarre, pouvait en peu de temps se porter au secours de la ville. Charles-Quint arrêta sa marche. Les troupes espagnoles^ décimées par la maladie et la fatigue plus encore que par les combats, ne pou- vaient soutenir une rencontre avec des forces supé • rieures. Une bataille perdue rendait Charles-Quint prisonnier de François I«', qui pouvait prendre alors sa revanche de Pavie. n n'avait aucun secours à attendre d'Henri VIII, toc^ours occupé devant Boulogne et Montreuil, et qui ne paraissait pas se soucier beaucoup de venir déga- ger son allié. Les provisions espagnoles s'épuisaient à vue d'œil ; la famine menaçait fort de venir s'abattre au miUeu des impériaux. Ce n'est pas tout encore : l'automne arrivait à grands pas avec son cortège inévitable de mauvais temps, ce qui allait lui couper la retraite ou tout ou moins la rendre trêsHlifficile. Une semblable situation était loin d'être brillante ; aussi Charles-Quint cherchart-il tous les moyens d'en sortir. Non-seulement il abandonna le projet d'assiéger Paris, mais même il se repentit de s'être aventuré aussi avant dans le cœur de la France. Dos lors, il n'eut plus qu'un but : partir au plus vite. Digitized by Google -66 - N'ayant pas une grande confiance dans le succès des armes, il préféra employer la diplomatie. Le 29 août, il donnait les pouvoirs nécessaires pour traiter de la paix. En même temps, il faisait . opérer à son armée un mouvement de retraite. Le 10 septembre, il logea au château de Villers- Gotterêts, que François !«' venait de faire construire et qui était à peine achevé. Le 12, il se présenta devant Soissons> ville assez importante mais dépourvue de garnison, et y entra presque sans coup férir. Il établit son quartier-général à Saint-Jean-des- Vignes, abbaye qui dépendait du duché de Valois, et là attendit la réponse aux ouvertures de paix qu'il avait fait faire. Le négociateur choisi par Charles-Quint était < un personnage sans dignité, sans nom, sans caractère (1) >, un moine obscur nommé Gusman. Ce moine diplomate sut tirer profit de la rivalilé qui existait à la cour entre Anne de Pii^eleu, duchesse d'Etampes, maîtresse du roi, et Diane de Poitiers, maîtresse du Dauphin. La duchesse d'Etampes, gagnée aux intérêts de l'empereur, employa tout son crédit à faire écouter fa- vorablement les propositions pacifiques. Elle amena le roi à consentir à un arrangement. L'amiral d'Annebaut fut choisi par François !•', qui, le 10 septembre, lui donna les pouvoirs de traiter. D'Annebaut se rendit à Soissons pour conférer avec l'empereur sur les préliminaires de la paix (2). Enfin, après plusieurs conférences, et malgré l'éner- (I) Du RADin, BMoIredes Mnef e( Bégmtn d$ France^ V., p. SB. (S) DVBELLAI. Digitized by Google ^5Î - gique opposition du Dauphin, dont Tarmée brûlait d*en venir aux mains, malgré la faiblesse des Impériaux, malgré les hésitations du roi, la duchesse d'Etampes, ne craignant pas de sacrifier la gloire de la France à ses intérêts personnels, eut la satisfaction de voir ses efforts couronnés de succès. Elle fit comprendre au roi que c'était une grande imprudence que de hasarder la couronne à la chance douteuse d'un combat ; elle lui rappela comme exem- ple les malheureuses journées de Crécy, de Poitiers. Et, à sa grande joie et à la honte de la France, la paix fut signée à Crépy le 18 septembre 1544. Cette paix, tout à l'avantage des Espagnols, excita partout les plus vifs mécontentements ; le Dauphin si- gna un acte de protestation formelle contre ce traité, le 12 décembre à Fontainebleau (1). Une semblable protestation fut faite c par les gens du roi du parlement de Toulouse, le 25 janvier 1545 (2). » La haineuse favorite était victorieuse. Pour récompenser le zèle et le beau succès du plé- nipotentiaire « le moine de la paix », comme l'appelle Brantôme (3), la duchesse d'Etampes le fit nommer par François I®' abbé titulaire de Longpont, poste qu'il occupa la même année 1544. Il succéda dans cette abbaye au célèbre cardinal Jean du Bellay. Aussitôt après la conclusion du traité, l'empereur prit la route de < ses Pays-Bas » en passant par le petit bourg de Crépy-en-Laonnois. (1) DcMONT, Corps dipUmaUqve, IV, pari. II, p. 288, col. 2. (2) DcHORT, Corps diplomatique, p. 289, col. 1. (8) » L'empereur songeant à tout par soi. . . par bonne ruse, sus- cita un moine qu'on appela depuis moine de la paiw^ qui fit la bonne paix, n Bramtomb, I., p. 319, Éloge de Montpttat, 8 Digitized by Google - 58 - Là, il rôçut la visite du duc d'Orléans, frère du Qauphiû, qui vint lui adresser ses féliciations. IL Le passage de Tempereur à Crépy-en-Laonnois en retournant dans les Pays-Bas, a été cause d'une sin- gulière méprise de la part d'un grand nombre d'histo- riens. Ces derniers ont cru que c'était dans ce petit boui^ de Crépy-en-Laonnoiâ qu'avait été signé le traité de paix. Maintenant que nous avons établi le plus brièvement possible les préliminaires de la paix, la position des armées et les diverses circonstances qui ont amené la conclusion du traité, nous allons chercher à rectifier cette erreur historique et nous allons mettre tous nos soins à le faire d'une manière concluante. La plupart des historiens généraux disent que la paix a été signée à Cr^y-en-Laonnois. Voyez notam- ment : Blanchard, Compilation, p. 388. — Mezerai , Abrégé de V Histoire de France, v., p. 533. — Garnier, Histoire de France, xxv., p. 453. — Henri Martin, 4® édit., VIII., p. 305. Les auteurs d'histoire locale affirment au contraire, avec raison, que Crépy-enrValois fut la ville où avait été conclu le traité. Voyez : Muldrac, Valois Royal, p. 399. — Carlikr, Histoire du Valois, ii., liv. vu., p. 589. — Ant. PoiLBux, Duché de Yalois, p. 397. — Ajoutez aussi l'auteur d'une Histoire de Paris, impri- mée chez Giffard, au commencement du XVIII* siècle» en 5 volumes in-12, p. 255. — Du Radier, Histoire des Reines et Régentes de France, Anne de Pisseleu, IV., p. 324. — Dulaurb, Environs de Paris, Crépy- Digitized by Google - 69 - en-Valois. — Abel Hugo, France pittoresque, n. — Anqdetil, Histoire de France, xiu. De Thou dit Crépy seulement, mais ses traducteurs ont ajouté à la table : Crépt/^en-Valois. Ph. Lebâs, Univers pittoresque, au mot Paix de Crépy, dit Crépy^en-Laonnois, et au mot François /«"^ dit Crépy^ea-Valois Voltaire lui-même mentionne Crépy-en-Valois. Toutes ces autorités, dont quelques-unes sont cepen- dant assez importantes, ne prouveraient rien si nous n'avions autre chose pour soutenir la discussion. Heureusement, les faits, les dates et les documents authentiques sont en notre faveur. La position géographique des armées, au moment de la signature du traité, est presque décisive. L'armée françidse, comme nous l'avons vu, occu- pait les environs de Meaux ; elle s'étendait dans le Parisis, la Brie et le Servais, jusqu'à Senlis, c'est-à- dire à quelques lieues à l'est au sud de Crépy, la ca- pitale du Valois. Les troupes espagnoles, dont le quartier-général était à Soissons, couvraient le Soissonnais et une partie du Valois jusqu'à ViUers-Cotterêts, à quelques lieues au nord-est de la même ville de Crépy-en-Valois. « Les choses étant ainsi, dit CarUer (1), pourquoi aller chercher pour rendez-vous un bourg du Laon- nois, situé à 9 lieues derrière Soissons relativement à la position de François I«'. plutôt que de choisir un poste qui n'était occupé de personne, une ville qui fait lajuste séparation des deux corps d'armées? > Un illustre historien que nous avons consulté sur eette question, M. Mignet, membre de l'Académie (f) HisMre du Valois^ u, liv. vu, p. 579. Digitized by Google -60 - française, nous a donné comme venant à l'appui des observations de Carlier le témoignage de François I®' lui-même. « François !«', nous écrit M. Mignet, François 1^^ traitant vers le même temps de la paix avec le roi d'Angleterre Henri VIII, donne au cardinal du Bellay, au maréchal de Riez, à Pierre Remond, premier pré- sident du parlement de Rouen, et au secrétaire des finances, Claude de l'Aubespine, des instructions dans lesquelles il dit personnellement : « et sur ce point (c feront bien entendre audit sieur roy d'Angleterre, € que jamais le roy n'a voulu consentir que ses dépu- € tez allassent au camp de l'empereur pour traiter, € afin qu'il n'eut aucun advantage ; mais que les de- € putez d'une part et d'autre viendroient entre les € deux armées avec sauf conduit de chaque costé...» (Voyez RiBiER, Lettres et Mémoires d* Estât, etc., i., p 575.) Voilà, selon nous, un argument irréfutable. Ajoutons que tout, même les plus petits détails, con- corde sur ce point et nous donne entièrement raison. — Les écrivains du temps, dira-t-on, ne parlent pas de Crépy-en- Valois. — D'accord, mais ils ne disent pas non plus Crépy- en-Laonnois : ils s'accordent à désigner seulement Crépy. Or, à notre avis, le défaut de qualification indique nécessairement la ville la plus forte et la plus connue. Eh bien ! Crépy, résidence royale, capitale du duché de Valois, appelée par Monstrelet « la maîtresse ville de tout le pays » ; Crépy qui. lors du siège qu'«3lle a soutenu en 1431 contre les Anglais, contenait 18,000 habitants, était beaucoup plus connue alors que le village obscur de Crépy en-Laonnois. € L'importance bien plus grande de Crépy-en- Valois, — dit encore M. Mignet, dont Topinion est d un si Digitized by Google - 61 - grand poids, — rendait possible la réunion des per- sonnages considérables désignés de part et d'autre pour négocier la paix. Le défaut de qualification du lieu est en faveur de la \ille du Valois contre le bourg du Laonnois. Or, dans les historiens du XVI« siècle et dans les pièces authentiques du temps, on ne trouve jamais que Crépy. Cette simple désignation est dans Sandoval comme dans de Thou. Sandoval, générale- ment fort exact, donne en substance les articles du traité qui fut conclu, dit-il, « en Crespiu. » Parlant ensuite, ce qui est à noter, de la rencontre du duc d'Orléans et de Charles-Quint quelques jours après la conclusion du traité, lorsque l'empereur retournait de Soissons dans les Pays-Bas, en traversant Crépy-en- Laonnois, Sandoval ajoute : « Jueves en la tarde es- € tando en tm lugar que se clama Crepiu (Cràpy-cn- tf Laonnois) vinô el duqvue de Orléans à besar la maao € al imper ador y salio su magestad a recihir'o con « miicha alegria . » Cette entrevue à Crépy-en-Laonnois, sur les derrières de l'armée impériale, après le traité et sans qu'il soit fait la moindre allusion à Crépy-en- Laonnois comme étant le lieu où il a été signé, est ra- contée dans une lettre curieuse de Villef rançon, frère aîné de Gaspard de Tavannes, qui y était présent : « et fut mandé M. d'Orléans pour venir trouver € l'empereur audict Soissons, et partit ledict seigneur « de Paris en poste et me manda au camp que je l'al- « lasse trouver à Villiers-Couterests...., et le lundy en « poste nous vinsmes disner audict Soissons et en es- « toit délogé l'empereur et estoit à Nicy (Anizy-le- « Château). Passâmes nos chevaux de poste fort las et « vinsmes audit Nicy où le vice-roi nous vint au- < devant avec un roy d'armes et environ vingt et • cinq chevaux, et dit à Monsieur que l'empereur étoit « délogé et qu'il alloit coucher à Crespy en Lannois, « à trois lieues de là A nostre arrivée à Crespy, Digitized by Google - 62 - € l'empereur vint au devant de M. d'Orléans jusques à € la porte de son logis et lui fit un grand bon accueil € et le mena en sa chambre, où ils parlèrent longue- € ment ensemble, etc. » (Mémoires de Tavannes^ édit. Petitot, I., p. 276.) € Dans les pièces authentiques, hors dans une seule où ce sera glissé une erreur, continue M. Mignet, il n'y a d'autre désignation de lieu que Crépy. Les pou- voirs donnés par l'empereur le 29 aoûtet par François !«' le 10 septembre pour traiter, ne font pas encore men- tion du lieu. Mais la simple dénomination de Crépy se trouve : dans l'acte de protestation du 12 décembre du Dauphin Henri « $i4r les ratifications du traité de Crépy de Van 1544 (1) ; > dans la protestation faite par les gens du roy du parlement de Toulouse à la publication du traité de Crespy de 1544 (2) ; dans l'acte des conventions accordées entre les députés du roi de France et ceux de l'empereur Charles-Quint en la ville de Cambrai, en exécution du traité de Crespy, concer- nant les limites d'entre le royaume de France et le comté de Bourgogne et des Pays-Bas, du 16 janvier 1545. € Aujourd'hui 16 janvier 1545. y est-il dit, les « commissaires et députez de l'empereur et du roy € très-chrestien, assemblez en cette ville de Cambrai, « suivant le traité de paix dernièrement fait à Crépi, € par lequel était dit, etc.. (3). » L'unique pièce où soit indiqué Crespi-en-Laonnois est « le traité de paix et d'alliance entre l'empereur Charles V et François !•', roi de France, fait à Crespi le 18 septembre 1544, en- registré par commandement exprès du roi au parle- ment et à la chambre des comptes. Cet acte emprunté par Dumont (tome IV, par. ii , p. 279 à 287), à Léonard (f) DuHONT, Corps dipUmatijue, iv., part, ii., p. 288. (2) Idid,, p. 289. (3) Ibid , p. 291, col. I. Digitized by Google ^ 63 - (tome II, p. 430 à 448), contient tous les articles du traité et se termine par ces mots : < En témoin des- € quels choses lesdits procureurs ont souscrit le pré- « sent traité de leurs noms, au lieu de Orespj/'en- € Laonnois, le dix-huitième jour de septembre mil € cinq cent quarante-quatre. » Je crois que en Laonnoù a été ajouté. Est-ce par le grelBer? est-ce par Léonard? Je suppose que l'addition vient de Léonard, qui n*a pas exactement copié cette phrase, comme on va en juger par la transcription de la même phrase, tirée d'un document authentique. Sous la date de Câteau-Cam- brésis, le 22 septembre 1544, se trouve aux Archives générales de France la ratification origiaale du traité du 18 septembre, signée par Charles-Quint et scellée de son sceau. Le texte du traité est inséré en entier dans cette ratification et se termine par la même phrase écrite avec l'orthographe du temps et sans les mots en Laonnoù. < En temoing dexquelles choses^ € lesdicts procureurs ont subscrit le présent traicté de « leurs noms au lieu de CREPY, le dix-huitième jour < de septembre mil cinq cent quarante^icatre. > Si la désignation de en Laonnois était réellciuent dans le traité enregistré au parlement et à la cour des comptes, elle serait aussi dans le traité ratifié par Charles- Quint. De ce qu'elle n'est pas dans l'un, il est évident qu'elle a été arbitrairement ajoutée à l'autre (1). Voilà qui est bien positif : l'original du traité ne dit pas Cr^-en-Laonnois , mais seulement Crépy, et ce n'est que dans le recueil de Léonard qu'il a été question pour la première fois de Crépy en-Laonnois, Dumont, dans son Corps diplomatique y a pris le texte du traité ^ans Léonard et a nécessairement commis la même erreur. La plupart des historiens, puisant leurs renseigne* (!) Micfivr, Lettre du 16 janvier 1868. Digitized by Google - 64 - meiits dans Tonvrage de Dumont, de l'exactitude du- quel ils n'avaient aucune raison de douter, ont inévi- tablement cité Crépy-en-Laonnois. M. Henri Martin lui même, toujours si exact, a fait la même citation et comme s'il eût pressenti un dis- sentiment, il expliqua sa citation par ce fait que Charles-Quint étant passé à Crépy-en-Laonnois en re- tournant dans < les Pays-Bas » , c'était lors de son passage en ce lieu que fut signé le traité. Charles-Quint est bien passé à Crépy-en-Laonnois où il eut une entrevue avec le duc d'Orléans, mais c'est quelques jours après la signature du traité, comme nous l'avons vu plus haut. Nous devons dire ici que bien qu'ayant jusqu'à pré- seent adopté cette opinion, M. Henri Martin, auquel nous avons soumis les raisons qui militent en faveur de Crépy-en- Valois, les a trouvées tout à fait décisives et partage aujourd'hui complètement l'avis de M. Mignet et le nôtre. Nous nous permettrons, non pas de l'excuser, — il n'a pas besoin d'excuse, — mais tout simplement d'expliquer que ce n'est point lui qui s'est trompé dans cette occasion ; que, au contraire, il a été trompé. En effet, trouvant dans le Gra^id recueil des Traités {Corps diplomatique de Duniont) la mention de Crespy- en Laonnois consigné dans le texte, il ne pouvait pas soupçonner qu'un éditeur ou un copiste eut pu se per- mettre d'altérer le texte en s'imaginant l'expliquer. Maintenant, et malgré toutes les probabilités ci- dessus qui ont converti M. Henri Martin, si quelques- uns doutaient encore, ils ne résisteraient certes pas devant deux autres preuves, les dernières que nous ferons valoir. On a vu plus haut que Gusman, le moine de la paix, avait été nommé abbé de Longpont en 1544. Or, dans Digitized by Google - 65 - la première moitié du xvii« siècle, un autre abbé de Longpont, Muldrac, écrivait, sous le titre de Valois Royal, l'histoire de la province. Eh bien ! dans cette histoire, il dit, page 399, que le lieu du congrès fut Crépyevt-Valois, Il devait le savoir, lui, le successeur du diplomate de Crépy ; lui qui vivait alors que les souvenirs de cette paix étaient encore tous frais ; lui qui, parmi les moines de son abbaye, pouvait avoir connu quelque contemporain de Gusman; lui, enfin, le voisin de Crépy-en- Valois où il fait conclure le traité. N'est-ce point là une autorité d'un grand poids et presque contemporaine ? Enfin, pour terminer, nous dirons que la tradition, cette histoire locale transmise à la manière gauloise de génération en génération, indique Crépy-en- Valois. Bien plus, dans un voyage récent que nous fîmes dans ce but à Crépy-en- Valois, on nous montra la maison, la chambre même où la négociation fut con- clue et le traité signé. Cette chambre, dont le souvenir conservé jusqu'à nos jours, a fait un monument historique, se trouve dans l'ancien château des ducs de Valois. Ce château, un peu mutilé^ mais dont la plus grande partie subsiste encore, est un édifice asssez disgracieux, rétabli sous Louis XII. Les fenêtres sont petites et espacées, comme au XIII® siècle, sauf les trois qui ouvrent le pignon du Midi et dont deux bouchées sont à ogives géminées, tréflées, et la troisième à meneaux cruciformes. La porte a été reposée par Henri IV, ainsi que le prouvent les clous dont les têles forment des H et des M. Un pareil manoir, qui fut la résidence des ducs de Valois et quelquefois des rois de France, sert aujour- d'hui de prison. C'est dans la grande salle de ce château, — ou de 9 Digitized by Google cette prison» que, suivant la tradition, les plénipoten* tiaires firent la paix. Nous espérons que les historiens futurs rétabliront la vérité des faits, et qu'il n'y aura plus aucun doute sur ce point désormais édairci. La séance est levée à 5 heures. Le Président, Db ia Prâirib. Le Secrétaire, l'abbé Pâgebur. Digitized by Google BULLETIN DB LA SOCIÉTÉ ARCHÊOL.OGIIQUE HISTORIQUE ET SCIEITIFIQIE DE SOISSONS. QUATRIÈME SÉANCE. MMmm s JLvrO tsf«. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le prooôs-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS BT DEPOSES. lo Ecocurswn de la Société historique, archéologv- que et seierUifique deSoissons, 1873, par M. A. Piette. (Brtrait da Biilletin de cette Société.) 2« CreutteSf crouttes, boves et silem^ par M. Ed. Fleury. 3» Cabinet historique, 22* année, 2* série, t. 1«', 1» livrais. Janvier 1876. Digitized by Google — 68 — 4o Bulletin de la Société des Antiquaires de Picar^ die, 1875, n« 4. 5<> Revue des Sociétés savantes, 6« série, t. 2. Jmllet- août 1875. 6<» Ulnvesiigateur, 41® année, novembre décembre 1875 et janvier-février 1876. 70 La Conversazione, annuale revista, etc., fasd- colo 2. 8<» Société des Antiquaires de la Morinie, Bulletin historique, 96« livrais. Octobre-décembre 1875. 9*> Société Linnéenne du Nord de la France, Bulletin mensuel, n^ 46, l*'^ avril 1876, 5« année, t. 3. 10® Annual report of the Smithsonian institution^ etc. 1874. NOMINATION DB MEMBRES. M. Lotte, conducteur des Ponts-et-Chaussées, est nommé membre titulaire. GORBESPONDANCB. Lettre du 28 mars 1876, adressée par M. le prési- dent de la Société des Antiquaires du centre de la France, à Bourges, à M. le président de la Société de Soissons, demandant un échange de publications. — Adopté. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. De la Prairie dépose sur le bureau et offre au Musée un fac-similé en bronae de la médaille d*or du prix que Lefévre de Laubrière, évêque de Soissons, avait proposé pour le concours de Tacadémie de Sois- sons. Ensuite il lit une note concernant cet objet Digitized by Google Messieurs, il y a quelques jours j'ai reçu de M. Caignard, conservateur du Musée monétaire, à Paris, une lettre à laquelle était jointe l'empreinte d'une médaille portant les armes d'un évêque de Soissons. M. le conservateur me demandait à qui appartenait ces armes, et il ajoutait que la médaille qu'il avait entre les mains avait à son revers la devise de l'an- cienne académie, de Soissons, c'est-à-dire : maternis aicsibus audax, avec l'aigle et son aiglon volant vers le soleil. J'ai fait quelques recherches et j'ai pu constater que ces armes sont celles de M. de Laubrière, sacré à Paris le 13 janvier 1732, et mort le 25 décembre 1738. Cet évêque, qui portait à l'académie de Soissons un grand intérêt, lui fit don, en 1734, d'une somme con- sidérable destinée à fonder des prix. Ces prix consis- tèrent dans des médailles dont celle du Musée de la Monnaie est un exemplaire. Je ne sais s'il en a été distribué un grand nombre, mais je ne le suppose pas, car, bien que l'académie de Soissons ait décerné des prix dans les années suivantes, cette médaille était jusqu'ici restée inconnue. Conmie je l'ai dit plus haut, elle porte d'un côté la devise de l'ancienne académie de Soissons, et de l'autre les armes de M. Lefèvre de Laubrière, qui sont d'azur à la levrette rempant d'argent, l'écu chargé de la cou- ronne de marquis et accompagné des attributs ordi- naires des évêques, le tout entouré de la légende : eœ dono ill. et rev. ep, sicrssionensis. Il existe au Musée de Soissons un beau portrait gravé de M. de Laubrière, avec ses armes qui sont les mêmes que celles de notre médaille. Autour de la tête on lit : Carohis franciscus fo Fèvre de Laubrière episcopics Suessionensis régi ah omnibus consiliis etparlamentis. M. de Laubrière fut évêque de Soissons à peine Digitized by Google -70 - pendant sept ans, et son épiscopat n*a pas laissé de traces importantes dans rhistoire de notre ville. En envoyant ces renseignements à M. le conserva- teur du Musée monétaire de Paris, je lui ai demandé s'il ne lui serait pas possible de faire faire pour nous une reproduction de la médaille de M. de Laubrière. Il m'a répondu en m'en adressant un très-bel exem- plaire en bronze que j'ai offert à mon tour à noire Musée municipal. Je n'ai pas négligé d'adresser de vifs remerciements à M. le conservateur. M. Piette donnne quelques indications sur une an- cienne sépulture trouvée à Ambleny, se réservant d8 donner de plus amples détails à une prochaine réu- nion. M. Watelet, parlant d'ossements donnés à M. Cho- ron, avec une dent canine d'un animal inconnu, dit qu'on doit attribuer celle-ci à un lophiodon de la car- rière d'Aizy-Jouy. Cet animal a dû être d'une grande taille telle que celle d'un rhinocéros, avec lequel les lophiodons ont des affinités, mais sont cependant d'un genre différent. Il ajoute qu'il a l'intention de lire à la réunion prochaine des Sociétés savantes un rapport détaillé sur ces ossements et d'en donner communication à la Société sous les yeux de laquelle il fait passer en même temps plusieurs beaux dessins relatifs à cette découverte. Ces dessins sont dus au crayon de M^^ Eugénie Watelet, sa fille. La séance est levée à 5 heures% Le Président, Db la Frairib. Le Secrétaire f l'abbé Pâcebub Digitized by Google BULLETIN DB LA j SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIERTIFIQUE DE SOISSONS. aasacas ■ ■ ;=■ CINQUIÈME SÉANCE. LniMI f Mal iSf«. Présidence de M. WATELET. ^a>«>do«>d?:) Le procès-verbal de là dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS BT DJ^POSis. 1« Romcmia. Avril 1876. 2» Recueil de notices et mémoires de la Société ar* chéologique du département de Constantim , 7« vol., (17« de la collection), 1875. 3^ Société des sciences^ agriculture et arts de la Basse-Alsace, t. 9» 1876. Digitized by Google — 72 — 4^ Cabinet historique, 2* série, t. 1«', 2« et 3® livr. Février et mars 1876. 5* Bulletin de la Société archéologique de Brest, 2* série, t. 2, 1874-1875. OOBKESPONDANCE. Lettre de LUle, du 25 avrU 1876, par laquelle on demande un échange des publications de la Société contre les archives générales et départementales du Nord. — Adopté. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. le présideut invite la Société à fixer d'une ma- nière définitive les lieux qu'elle devra visiter dans son excursion du mois de juin prochain. On désigne Fère- en-Tardois, Villers-sur-Fère et autres localités circonr voisines, surtout Carenda et Sablonnière, lieux deve- nus importants par les découvertes d'objets antiques qui y ont eu lieu dans ces derniers temps. M. l'abbé Dupuy propose, d'après des rapports qui lui ont été faits par des ouvriers, de faire des fouilles à l'ancien camp de Pasly et devant les grottes celtiques de ce village, n ne doute pas qu'elles n'amènent d'heu- reux résultats ; lui-même y a trouvé des médailles. M. Choron croit qu'il serait difficile d'entreprendre des fouiller sur des points assez peu déterminés et que le hasard et la charrue pourraient seuls amener des découvertes. M. Watelet, insistant sur la proposition de M. Du- puy, est d'avis qu'on pourrait fouiller au moins les puits que l'on remarque au camp de Pasly. M. Choron, reconnaissant qu'on y a trouvé déjà des poteries romaines et gauloises, des pointes de flèches, etc., revient sur son premier sentiment, et l'on dé- Digitized by Google — 78 - cide qu'une excursion partielle aura lieu sur les hau- teurs de Pasly et qu'on y pourrait pratiquer quelques fouilles après la moisson. MM. Watelet et Dupuy entretiennent de nouveau la Société de la découverte d'une grande sépulture faite récemment à Ambleny, ainsi que de divers objets trouvés dans ce lieu. Un travail complet sera fait pour constater et décrire ces différentes trouvailles. M. Watelet revient sur les découvertes déjà faites à Aizy-Jouy, appelle de nouveau l'attention de la com- pagnie sur ce lieu si intéressant au point de vue géo- logique, et croit qu'il y aurait là toute une exploitation de lophiodons à entreprendre. La seule objection qu'on lui oppose vient des sacrifices qu'exigerait cette entre- prise et qui sont au-dessus des ressources de la Société. Sur la demande de divers membres, la commission envoyée à la réunion des Sociétés savantes, ayant pro- mis de faire un rapport sur ce qui s'est passé dans cette importante assemblée, relativement à la Société historique, archéologique et scientifique de Soissons, MM. Choron et Watelet se chargent de ce travail. M. l'abbé Pécheur consacre quelques lignes à Jean- Baptiste-Ange Tissier, peintre soissonnais de talent, qui vient de s'éteindre à Nice. Ange Tissier, né à Paris le 6 mars 1814, de pa- rents soissonnais, commença ses études au collège de Soissons et fit ses humanités au petit séminaire de Laon où professait alors M. Henri Congnel, son compa- triote, et où résidaient deux de ses parents, M. Virgile Calland, comme maître d'études, et Victor Calland, comme architecte de la chapelle de l'établissement. Son voisin d'études je le voyais crayonner de petits des- sins pendant les récréations et même pendant les classes. Sa vocation l'entraînait donc vers la peinture. 10 Digitized by Google — 74 — Pressé par le désir de la suivre, il quitta Laon et bientôt Soissons pour entrer dans l'atelier d'Ary Schef- fer et dans celui de Paul Delaroche. Il fit des progrès rapides chez ces artistes célèbres et exposa pour la première fois au salon de 1838, quelques années seu- lement après son départ de Laon. Le Musée de Versailles possède deux toiles d'Ange Tissier ; V Empereur rendant la liberté à Abd-el-Kader au château d'Amboise; — Napoléo7i III approuvant les plans du palais du Louvre. On voit du[même artiste^ à la cathédrale de Soissons, une Mater dolorosa, et au Musée de la ville le portrait de l'abbé Henri Con- gnet, ancien doyen du Chapitre et ancien directeur de la Maîtrise ; il est accompagné d'un îeune enfant de chœur, l'un de ses élèves. La ville de Soissons a acquis en outre, d'Ange Tissier, d'autres tableaux et têtes d'études, entre autres le Sourire. De nombreux por- traits sont dus aussi à son pinceau. Tissier a souvent exposé ses œuvres au;Salon, et plu- sieurs ont été fort remarqués. Nous citerons : une Nymphe endormie ^ surprise par deux faunes ; la Bac- chante; la Jeune Fille à VŒseau; Tête de Vierge; le Christ partant sa croix. — Parmi les portraits : ceux de Mii« Noblet, d'Abd-el-Kader, du comte de Goyon (1838-43), du général Mayran, du colonel Martenot (1856), et d'autres admis à l'Exposition de 1857, au salon de 1859, etc. Il avait obtenu deux troisièmes médailles en 1845 et 1855, et deux secondes en 1847 et 1848. Ange Tissier, atteint d'un mal incurable, alla cher- cher à Nice une guérison qui ne devait pas venir. Il y mourut au mois d'avril 1876. Nous devions ce simple souvenir à la mémoire d'un condisciple et d'un homme d'un talent distingué. Digitized by Google - 75 - La société entend ensuite la lecture d'un mémoire de M. Collet, sur la fin de Tabbaye de St-Yved de Braine, d'après les archives communales de Soissons. EPISODES DE LA REVOLUTION Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous annoncer, l'an dernier, en vous lisant quelques épisodes soigsonnais de la révolution de 1789, que je me proposais de met- tre à votre disposition plusieurs autres de ces faits lo- caux. Aujourd'hui je vous tiens parole, au moins en par- tie, en vous donnant lecture d'un petit travail sur LA FIN DE L'ABBAYE DE SAINT-YVED. L En 1789, en même temps qu'elle comptait trois églises, la ville de Braine renfermait trois monastères : celui de St-Remi, dont l'histoire parle à peine ; celui de Notre-Dame, dont les dernières bénédictines ont été de ma part l'objet de quelques pages, et celui de St- Yved, dont je vais essayer de retracer la malheureuse fin. Et d'abord, il convient de remettre en mémoire que saint Yved même était évêque de Rouen au v* siècle et que, quatre cents ans plus tard, ses reliques véné- rées et celles de saint Victrice, l'un de ses prédéces- seurs, furent transférées de sa ville épiscopale dans la ville de Braine, afin de les soustraire aux sacrilèges que les guerres faisaient redouter. Ensuite il est nécessaire de rappeler aussi comment se fonda Tabbaye qui porte sou nom. Digitized by Google - 76- Ee coite de saint Yved, qui était professé dans la collégiale du château de Braine, fut « la première ori- gine » de ce monastère, dit l'abbé Carlier, dans son Histoire du Duché de Valois, L'époque des fondations proprement dites de l'ab- baye et de son église se place entre 1160 et 1180. A partir de cette dernière date, sous le comte Ro- bert I«',- les travaux d'élévation reçurent l'impulsion nécessaire ; et, continués par Robert II, ils ne subirent aucun retard notable. Aussi, dès 1216, Tarchevêque de Reims, Albéric de Hautvillers, et l'évêque deSoissons, Haymard de Provins, purent-ils bénir l'église, aujour- d'hui mutilée, mais admirable encore. L'abbaye de St-Yved, qui était de l'ordre des cha- noines réguliers de Prémontré, fut enrichie souvent et soutenue toujours par les seigneurs de Braine. EUe était en commende depuis plus de deux siècles a,u moment où s'imposa la révolution, et elle possédait, à cette der- nière époque, plusieurs fermes, des moulins, des bois, des vignes et des prés, ce qui lui constituait un revenu annuel, savoir : en argent, de douze mille sept cent quarante-six livres onze sols deux deniers ; en grains, de 26 muids et 42 pichets de froment, 11 muids de méteil, 13 muids et 24 pichets de seigle, 6 muids et 8 pichets d'avoine ; en paille, de 1,500 gerbées ; en échalas, de 200 bottes; et en faisances, de 3 porcs gras, 3 agneaux, 100 livres de beurre fondu, 110 livres de laine, 30 chapons, 6 canards, 6 poulets et 1 poule. En outre, l'abbaye faisait exploiter 60 arpents de terre, 12 arpents de pré, 172 arpents de taillis, 58 ar- pents de futaie et 12 arpents de vigne. Il dépendait également de la manse conventuelle de la maison, un prieuré, celui de Bougny (1), lequel (!) Près Gompiègne. Digitized by Google — 77 - était un bénéfice claustral et révocable, administré par M. Randon, chanoine de Dammartin et religieux pro- fès de St-Yved. De plus, au mois d'avril 1790, l'abbaye avait en argent monnayé 1,464 livres 5 sols 9 deniers, et on lui devait pour loyers, fermages et autres causes, une somme totale de 9,087 livres 10 sols 9 deniers. Son argenterie de table pesait 60 marcs ou 30 livres ; son argenterie d'église était de plus grande valeur en- core ; ses ornements, ses vêtements, ses accessoires sacerdotaux étaient d'or ou de vermeil, d'argent ou de cuivre argenté, de velours ou de soie ; son trésor, qui était jadis garni de reliques provenant de la Grèce et de la Palatine, se composait maintenant d'une coupe et de son couvercle en vermeil, de deux autres coupes en argent, d'une autre en cuivre doré, de deux anges supportant des reliquaires en argent, de deux figures d'albâtre, de plusieurs reliquaires variés et de dix-sept petits tableaux ; son église renfermait une châsse de St-Yved, en cuivre doré (avec ornements en vermeil), des peintures représentant les six évangélistes, dbc pièces de tapisserie de haute lice, un grand tapis de Turquie et un aigle de cuivre supporté par trois lions de môme métal ; son clocher contenait quatre grosses cloches pesant environ douze mille, trois petites clo- ches pour le service journalier et une horloge à ca- dran, avec un carillon de onze timbres ; sa bibliothèque était formée de plus de deux mille volumes, dont trente-six manuscrits sur parchemin ; sa salle à man- ger contenait les portraits de trois fondateurs de la maison; sa lingerie accusait 33 douzaines de ser- viettes, 33 surtouts, 106 paires de draps, etc.; et, par- tout, dans les appartements comme dans les dépen- dances, il y avait d'autres objets mobiliers. Chaque religieux avait .sa chambre modestement meublée. Les hôtes avaient également des chambres Digitized by Google -78 — plus ou moins garnies de meubles. Un organiste (1), un acolyte (1), un domestique (2), une blanchisseuse (3), un jardinier (4), un aide-cuisine, un portier et des femmes de basse-cour avaient aussi quelque mobilier. Six chevaux occupaient les écuries, huit vaches et une génisse partageaient une même étable. Les greniers étaient chargés de grains, le fointier bourré de foin, les bûchers remplis de bois et les caves approvision- nées de vins : celle de la maison contenait du vin de Bourgogne, du vin de Champagne, du vin de Craonne, du vin de Lunel, plus sept muids de vin de Braine, Chavonne, Vasseny; et, pour sa part, la cave-l'Abbé (bien connue encore de nos jours) la cave-l'Abbé ren- fermait trois feuillettes de vin de Bourgogne et trente- cinq muids de vin du pays. L'abbaye comptait quatre religieux profès ailleurs que dans son sein : M. Randon, chanoine à Dammar- tin, âgé de 77 ans ; M. Séné, prieur-curé de Renne- Moulin, âgé de 60. ans; M. Harmand, prieur-curé de Cerseuil, aussi âgé de 60 ans, et M. Bernard, âgé de 42 ans, prieur-curé de Rocquigny. L'abbé commendataire de la maison était M. d'Ai- greville ; il jouissait d'un revenu de 6,000 livres ; il paya partiellement la contribution patriotique décrétée le 6 octobre 1789 ; il finit par émigrer, et son départ de France fut juridiquement reporté au 6 juillet 1793. Il y avait place dans la maison pour seize religieux ; mais onze prémontrés seulement l'habitaient et encore (I) U s'appelait Jean -Joseph Dombren, il était originaire de Solre-le- Chftteau, né le 18 août 1740, et aveugle depuis Tâge de sept ans; il avait tenu Torgue de l'abbaye de Cuissy pendant dix ans, et il était en Tabbaye de St-Yved depuis 18 ans. (1) Il se nommait Labrie. (2) Il se nommait Chrétien. (3) C'était une demoiselle Baltat. {A) U s'appelait SceUier. Digitized by Google - TO - ne vivaient-ils pas en parfaite union : les uns, en effet, applaudissaient aux innovations politiques et les autres regrettaient l'état de choses ancien. Les onze religieux étaient : lo M. Isidore-Honoré Douay, âgé de 47 ans, prieur ; 2o M. Pierre-François Debrie, âgé de 78 ans, sous- prieur ; 30 M. Jean-Nicolas Héduin, ancien procureur, âgé de 56 aus ; 4® M. Jean-Pierre-Nicolas Debrotonne, âgé de 53 ans ; 5*^ M. Nicolas-François Duflot, âgé de 43 ans, pro- cureur ; 6° M. Pierre-Charles Lefebvre, âgé de 35 ans ; 7° M. Anselme-Joseph Oudart, âgé de 35 ans ; 8° M. François Tourier, âgé de 28 ans ; 9* M. François Humbert, âgé de 28 ans ; 10* M. André-Edme Lamy, âgé de 27 ans ; 11» M. Pierre-Louis-Honoré Thibault, âgé de 24 ans. Le frère Héduin avait été procureur pendant une quinzaine d'années ; il était instruit ; il écrivait claire- ment, nettement, et il était atteint d'une maladie qui le rendait infirme. De caractère indépendant, il s'était acheté, en 1783, les œuvres de Jean-Jacques Rous- seau. II s'était aussi acheté une glace, des pistolets et des estampes, alors qu'il ne lui était dû (comme à ses confrères du reste) que l'usage d'un mobilier stric- tement nécessaire. Il avait refusé, dans une séance capitulaire du 18 janvier 1787, de remettre, à son supérieur, des registres de recettes et de dépenses du temporel de l'abbaye. Une visite canonique avait été faite en cet établissement, le 23 février suivant, par un religieux du nom de Legras et un abbé de Laval- Dieu. La question de remise des registres fut alors po- sée à M. Héduin. Il déclara avoir brûlé l'un d'eux. M. Legras considéra ce fait comme un délit et annonça Digitized by Google rîntention d'en référer au chapitre national qui se te- nait en la maison chef d'ordre. Il en référa ainsi en effet. Un arrêté fut pris par ce chapitre contre le pré- montré Héduin. Celui-ci fut privé de voix active et passive pendant deux années, et cette décision fut re- mise et lue en Tabbaye de St-Yved, le 18 août 1788, par un abbé d'Abbécourt, — M. de Coulmiers. Mais M. Héduin refusa de s'y soumettre toutes les fois qu'on voulut l'y obliger. L'abbé général de Pré- montré (don Jean-Baptiste Lécuy) intervint alors en cette affaire. Il usa de toute son autorité pour vaincre l'obstination du frère Héduin, mais ne put parvenir à son but. Afin de mettre un terme à cette situation dé- plorable, il se vit obligé de demander — et il obtint — une lettre de cachet contre le chanoine insoumis. € Sous une lettre de cachet, écrivit plus tard M. Héduin, on ne jouissait plus des droits de citoyen. » Toutefois, enlevé de la maison de Braine et détenu je ne sais où, il protesta, il pétitionna auprès des mi- nistres ; il dépensa en frais divers, à ce sujet, une somme de 240 livres ; il se prétendit victime de ses efforts contre ce qu'il appela le despotisme du général de l'ordre, et les hommes d'Etat ne purent se refuser, ditril, à reconnaître l'injustice de sa détention et à lui en donner main-levée. Il recouvra donc sa liberté. Toujours membre de la communauté de St-Yved, il rentra immédiatement dans l'abbaye. Il ne trouva pas là autant d'amis que de confrères ; mais autant d'amis que d'ennemis (cinq contre cinq). En revanche, son affaire avait fait sensation dans la ville de Braine ; la municipalité et les habitants avaient pris parti pour lui; il était devenu populaire, et il fut, en conséquence, élu aumônier de la garde nationale; il crut même pouvoir écrire un jour au district de Soissons : « J'ai servi la communauté pendant quinze ans comme procureur. J'ai mis la maison et l'église dans le meil* Digitized by Google -81 — leur état possible. J'en ai administré les biens avec le plus grand zèle. Les fermiers, les ouvriers ont connu mon humanité, les honnêtes gens m'ont honoré de leur estime et de leur amitié. La calomnie m'a déchiré sans ménagement, la noire envie surtout, de la part des confrères auxquels j'avais rendu les services les plus essentiels. Je ne crains pas qu'ils osent mettre leur pa- triotisme en comparaison avec le mien. > IL En abolissant, aux mois d'août, septembre et no- vembre 1789, le régime féodal, les justices seigneu- riales, les dîmes, les privilèges, la pluralité des béné- fices et autres vieux droits séculaires, l'Assemblée nationale dépossédait partiellement les ordres religieux; elle les dépossédait encore quand, le 29 septembre de la même année, elle les invitait à « faire porter à l'hôtel des monnaies le plus prochain toute l'argenterie de leurs églises, chapelles ou confréries, qui ne serait pas nécessaire pour la décence du culte divin ; » et elle les dépossédait de plus belle lorsque, par son dé- cret des 2 et 4 novembre suivant, elle mettait les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation. Mais c'était la révolution qui s'accusait de plus en plus ; c'était l'ère nouvelle qui s'affirmait en toute chose ; c'était le présent qui détruisait le passé ; et les com- munautés ne pouvaient combattre avec succès ces dé- cisions souvent plus qu'énergiques ; aussi la mesure que prit l'Assemblée nationale, les 20 et 26 mars 1790, de faire procéder à l'inventaire des biens des religieux ne rencontra-t-elle pas d'opposition efficace et l'ut-elle même accueillie avec résignation dans certaines com- munautés, jlenfut du moins ainsi en l'abbaye de St-Yved. Cette mesure des 20 et et 26 mars, qui faisait l'objet 11 Digitized by Google - 82- d'un décret sanctionné par le roi Louis XVI, portait en détail que, dans la huitaine de sa publication, les of- ficiers municipaux se transporteraient dans toutes les maisons de religieux de leur territoire, s'y feraient représenter les registres et comptes de régie, les ar- rêteraient et formeraient un résultat des revenus et des époques de leurs échéances, dresseraient un état de l'argenterie, de l'argent monnayé, des effets de sacristie, des bibliothèques, médailles et mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils laisse- raient lesdits objets ; dresseraient aussi un état des religieux profès de chaque maison et de ceux qui y étaient affiliés, et enfin recevraient la déclaration de ceux qui voudraient s'expliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur ordre, ou d'y rester. Tout cela fut exécuté à la lettre, en l'abbaye de St- Yved, les 21, 22, 23 et 24 avril 1790, par M. Petit de Champlain, maire de Braine, MM. Maroteau, Hulot, Gosselin, Poinsart et Fessier, officiers municipaux de cette ville, accompagnés de M. Petiteau, procureur de la commune, et de M. Masure, secrétaire-greffier. Le premier jour se passa s^ns incident. Le deuxième, MM. Héduin, Debrotonne, Lefebvre, Oudard et Tourier firent toutes réserves au sujet de la susdite somme d'argent monnayé de 1,46< livres 5 sols 9 deniers, prétendant que, depuis longtemps, les comptes de l'administration des biens de la maison n'avaient point été établis légalement, et qu'il y avait lieu d'en faire rendre au procureur (1) qui avfit précédé M. Duflot. Mais MM. Douay, Duflot, Eiimbeii; et Lamj protestèrent contre ces réserves, soutenant que les comptes avaient été suffisamment discutés en leur temps. Il y eut alors (f)M. Bernard. Digitized by Google - 88 - réplique par les premiers, et les différents dires furent transcrits en l'inventaire. Le troisième jour, des prétentions réciproques se produisirent encore au sujet d'une montre, de tableaux, de tentures, etc. ; le mot faux fut même prononcé. Et le quatrième jour on détailla l'actif, qui était du chiffre déjà énoncé de 9,087 livres 10 sols 9 deniers ; on inscrivit le passif, qui s'élevait à 13,972 livres 16 sols 6 deniers ; on nota qu'il était charitablement ao- cordé à un ancien domestique de la maison, nommé Baradet, six setiers de méteil payables chaque année jusqu'au jour de son décès, et à un autre ancien ser- viteur du nom de Galimant, quatre setiers de méteil, un cent de fagots, douze livres, et la maison qu'il oc- cupait, sa vie durant. Puis vint la constatation la plus solennelle de toutes, celle relative aux intentions à manifester par les religieux profès sur la question de savoir s'ils entendaient ou non sortir de la maison de leur ordre. Interpellé le premier par les fonctionnaires qui pro- cédaient à l'inventaire, M. Douay, prieur, déclara ne pas vouloir s'expliquer sur ses intentions. Interrogé le deuxième, M. Debrie, sous-prieur, fit la même réponse que M. Douay. A son tour M. Héduin, aumônier delà milice locale, annonça « qu'il profiterait de la liberté accordée par l'Assemblée nationale pour se retirer. » M. Debrotonne < dit qu'il voulait profiter de la liberté que l'auguste Assemblée avait accordée aux religieux et que son intention était de sortir de la maison. » M. Duflot, procureur, « dit ne vouloir s'expliquer. » M. Lefebvre « dit qu'il profiterait de la liberté que l'Assemblée nationale, par la sagesse de ses décrets, accordait aux religieux ; qu'en conséquence il déclarait que son intention était de quitter son ordre. » M. Oudart « dit qu'il profiterait de la liberté accor- Digitized by Google - 84 — dée par l'Assemblée aux religieux, et que son intention était de se retirer. » M. Tourier déclara < qu'il voulait profiter de la li- berté que donnait l'auguste Assemblée aux religieux de quitter leur ordre. » M. Humbert annonça « vouloir rester dans la mai- son tant qu'elle subsisterait. > M. Lamy répondit comme M. Humbert. Et quant à M. Thibault, il ne put être consulté, at- tendu qu'il était malade, à Reims, chez ses parents. Ces déclarations faites, la situation de chacun de ces disciples de saint Norbert fut franchement accusée ; et, par cela même, le désaccord s'accentua d'autant plus, n y eut deux camps bien distincts dans l'abbaye : celui des partisans de la révolution et celui des parti- sans du statu quo. D'autre part, M. Douay se fit curé de la paroisse de Saint-Laurent de Michery (Yonne) et prétendit conserver néanmoins son titre de prieur de St-Yved, parce qu'il n'était pas sûr de jouir paisible- ment de sa cure et qu'il avait un certain délai pour opter. M. Debrotonne devint aumônier de la garde na- tionale de Marie. M. Lefebvre obtint le même titre dans un district des Ardennes, à Grandpré, et M. Du- flot fit de fréquentes absences du monastère. La disci- pline fut détruite, l'obéissance disparut, le désordre se produisit complet, et la ville de Braine, au courant de tout ce qui arrivait, fut loin d'admirer. Il se passa même, dans l'abbaye, un fait inouï et absolument con- traire à la règle des prémontrés. C'était le matin du 30 juin 1790. Le prieur Douay était en voyage. On di- sait, on aflairmait que, nommé curé de Michery, il ne pouvait cumuler les fonctions de curé dans l'Yonne et celles de prieur à Braine. On résolut donc de lui choi- sir un successeur. Alors la cloche du couvent appela tous les religieux en la salle capitulaire. Cinq seule- ment se présentèrent: MM. Debrie, Héduin, Lefebvre, Digitized by Google — 85 — Oudart et Tourier. Le sous-prieur expliqua la situa- tion ; on discuta sur ce qu'il y avait à faire, et les cinq prémontrés se mirent à voter. Le choix d'un prieur tomba sur M. Héduin. Acte notarié fut dressé de son élection, et l'on procéda à son installation ca- nonique. M. Duflot, le procureur, s'indigna ; il prit la plume, il écrivit au maire et aux officiers municipaux de Braine qu'il partait pour le district de Soissons et l'administration départementale de Laon, afin d'y dé- poser plainte, et qu'il emportait les clefs de la procure, laissant sous la sauvegarde de la municipalité les re- gistres et l'argent delà maison. Il partit effectivement, et, le même jour, à cinq heures de l'après-midi, le maire, les officiers municipaux, le procureur de la commune et le secrétaire, non seulement ne le trou- vèrent pas, mais ne rencontrèrent que les religieux qui avaient pris part à l'élection. Et, après délibéra- tion sur ce qu'il convenait de faire, ils s'arrêtèrent à ce fait que les prémontrés étaient individuellement garants et responsables de ce que renfermait l'abbaye, que M. Duflot avait d'ailleurs em*porté les clefs de la procure, et que les choses devaient rester en l'état. Puis, ayant de cela rédigé procès-verbal, ils se reti- rèrent. Cependant, tout en portant ses plaintes, le procu* reur Duflot déposait au district de Soissons un mé- moire qui relatait de nombreux griefs contre plusieurs de ses confrères et suspectait de partialité la munici- palité de Braine. Ses confrères, il donnait à penser qu'ils voulaient attenter à ses jours. La municipalité, il € paraissait la mépriser > et annonçait ne pas vou- loir lui rendre de comptes. Vif à la riposte, le corps municipal répondit au district, dès le 2 juillet, qu'il n'avait pas à statuer sur la légalité ou l'illégalité de la nomination du prieur Héduin, et que son but était de maintenir l'ordre dont l'était l'ami. Il se défendit Digitized by Google -86- en quelques phrases contre M. Duflot, et il termina en disant qu'il ne pouvait dissimuler les pas, les démar- ches et les désagréments de tous genres que l'abbaye lui avait causés, que cette maison devait être l'asile de l'union et de la paix, mais qu'elle n'était que celui de « la discorde la plus scandaleuse pour le pays. » Quant à M. Héduin, il chercha à disculper ses con- frères et à se justifier lui-même, le 16 juillet 1790, en écrivant ainsi aux membres du district : € Messieurs, < Le sieur Duflot a été se plaindre à vous de ses confrères. Ses plaintes sont absurdes. On ne lui veut pas de mal ; c'est lui qui en fait ; son mémoire en est la preuve. Il vous représente ses confrères comme li- vrés à une insubordination coupable. Il a même l'im- pudence de vous laisser entrevoir des craintes pour sa vie. Une conscience sans reproches ne craint point un pareil attentat. Mais, rassurez-vous, Messieurs, ses confrères sont aussi modérés qu'il l'est peu. Il avait tenu contre eux des propos offensants. Us l'ont prié de se dispenser de cette charité monacale, s'il ne vou- lait recevoir un témoignage énergique de leur ressen- timent. Il n'a pu croire qu'il méritait tant de ménage- ment; l'imagination d'un coupable mesure toujours la peine à l'offense. Mais je vous jure, Messsieurs, que mes confrères n'ont jamais eu d'autre intention que de l'engager à bien vivre avec eux. M. Duflot a tort de faire table à part, de quitter sans sujet son poste dans le temps d'une moisson, sans en prévenir aucun supérieur, et de vous donner des alarmes sur la tran- quillité et l'honnêteté de ses confrères, n était l'ami de M. Douay, ci-devant prieur de Brain^. Celui-ci vient de prendre possession d'une cure. Sitôt que ces mes- sieurs l'ont su, ils ont, le supérieur à leur tête, assem- blé le chapitre et m'ont nommé leur prieur. Le sieur Duflot a été convoqué comme les autres, il l'avoue. Digitized by Google - 87 - Les formes de mon élection et de ma prise de posses- sion ont, selon lui fait le scandale de la ville. J'ai reçu les preuves les plus touchantes du plaisir que mon élection inattendue a fait à tous mes concitoyens. Pardon, Messieurs, si je vous importune de ces détails claustraux, mais je dois vous prier de ne point me juger, de ne pas juger mes confrères sur les propos d'un homme passionné qui ne s'estime point assez pour ne rien craindre, qui, chargé de la régie des biens de sa maison, calomnie ses confrères et la municipalité de Braine pour éviter de leur rendre ses comptes. La marche d'un honnête homme est plus franche, plus loyale. Il Test sans doute, et il ne doit pas se dispen- ser de nous en donner une nouvelle preuve. » Que pensait et que faisait, p^idamt ce temps, dans sa cure de Michery, le frère Douay, prieur de l'abbaye de St-Yved, régulièrement nommé par le général des prémontrés ? Mis au courant de ce qui se tramait et de l'élection possible d'un autre prieur que lui, il écri- vit, le 2 juillet, c'est-à-dire trop tard, au frère Duflot, que n'ayant ni opté, ni donné sa démission, il trouvait la chose, aussi fausse dans ses principes que dans ses conséquences, qu'elle pouvait faire beaucoup de mal dans un moment où des esprits exaltés voulait tout faire impunément, qu'il se £[attait qu'il y aurait dans la maison des confrères assez prudents pour s'opposer aer aux innovations que d'autres voulaient susciter, qu'en cas d'opérations contraires au bon ordre, il fal- lait protester juridiquement, et que d'ailleurs il revien- drait en l'abbaye aassitôt que possible. • Mais ces bons conseils n'arrivèrent point en temps utile à Braine, je io répète, et M. Duiot, qui n'accep- tait pas l'électioa, insista sur l'esprit et les tendances de son mémoire. Il 3*adressa, le 15 juillet, à M. Lau- rent, président de l'administration du dépsurtement de TÂisne, qui était son parent, et lui dit, entre autres Digitized by Google choses : c Je vous prie de faire promptement finir mon afiEsdre, qui m'inquiète et trouble ma tranquillité. » La municipalité de Braine fut alors invitée à fournir des explications nouvelles. Elle déclara persister dans les renseignements qu'elle avait donnés le 2 juillet. € En effet, dit-elle, le mémoire du sieur Duflot ne ren- ferme que des méchancetés maladroitement lancées tant contre un de ses confrères qu'il cherche à cou- vrir d'opprobre, que contre la municipalité qu'il a déjà désignée comme un corps dont il se méfiait, en le prévenajit que les raisons les plus fortes l'empêchaient de lui rendre ses comptes. . . Quant aux éclaircissements demandés, la municipalité peut seulement assurer avec vérité que la réception de M. Héduin en qualité de prieur n'a pas causé le moindre scandale..., que ledit sieur Héduin, qui est Taumônier de la garde nationale, a pour lui l'opinion publique, le plus précieux avan- tage dans le moment actuel. » Sur le point de quitter Michery, après une absence de Braine de plus d'un mois, M. Douay crut devoir écrire, le 23 juillet, au président de l'administration départementale. Il qualifia sévèrement ce qui s'était passé dans l'abbaye et ajouta : « J'apprends que le désordre continue et que certains membres de la mu- nicipalité agissent dans ce moment avec la même par- tialité dont ils nous ont plusieurs fois donné des preuves en faveur des perturbateurs... L'homme qu'ils ont prétendu se choisir, trop connu déjà peut-être dans la province avant cette dernière scène, suffit seul pour faire juger des intentions qui ont déterminé une pa- reille opération... Avant de rentrer dans Braine, je resterai chez notre confrère, curé à Cerseuil... Best impossible que je me présente à nos confrères mutinés, comme leur prieur, si la prétendue nomination du sieur Héduin n'est auparavant déclarée nulle et illégale. Dans une communauté de onze religieux, cinq se con- Digitized by Google -M- certent en mon absence pour cihoisir entre eux ce prétendu supérieur ; tous cinq avaient déclaré à la municipalité vouloir quitter la maison et leur ordre ; ils s'appuient d'un vieillard (M. Debrie) aussi faible qu'inconséquent et que je n'ai laissé dans la place de sous*prieur que par ménagement pour sa vieillesse et sa santé, et le reste de cette communauté, attaché à son état, deviendrait victime d'une telle insurrection ? Je ne puis le croire... Le moyen le plus certain et le seul efficace pour rétablir l'ordre dans la maison de Braine est d'en faire sortir ceux qui ont fait leur dé- claration à cet effet... » La situation était grave, on le voit ; mais elle devait s'aggraver encore par suite d'un inddent aussi bizarre dans fion objet qu'imprévu en un pareil moment. Elu prieur, M. Héduin entendait que tout le monde lui obéit dans la maison. Or, le 27 juillet, il avait, après avoir pris l'avis de ses adhérents, donné l'ordre au cuisinier de servir dorénavant le rôti au repas du ma- tin, au lieu de le servir au repas du soir. M. Duflot, in- formé de cette innovation, avait, lui, enjoint au cuisi- nier d'agir comme par le passé. Le cuisinier avait écouté de préférence M. Duflot. M. Héduin^ irrité, et déclarant d'ailleurs à qui voulait l'entendre que M. Duflot faisait table à part et jouissait de mets parti- culiers, s'était immédiatement emparé de toutes les clefs et les avait remises à M. Lefebvre, qu'on avait aussitôt nommé dépensier à la pluralité des voix. M. Duflot soutint qu'il ne pouvait être dépossédé ainsi, que, s'il vivait seul dans sa chambre, ses repas con- sistaient : le matin (je dte textuellement) en un bouilli et une entrée, et le soir en pain et vin, et que, le 27 juillet, un jambon avait été substitué au rôti. Ensuite, n'ayant pu convaincre ses adversaires, il alla se plain- dre à la municipalité de Braine, laquelle refusa de s'occuper de pareilles futilités, n adressa alors une «a Digitized by Google requête au directoire du district de Soissons. Le di- rectoire obligea la municipalité à verbaliser. Et celle- ci s'exécuta avec toute la mauvaise grâce possible, en exprimant le désir de ne plus être chargée de sembla- ble opération. Le 9 août 1790, le directoire du district de Soissons était réuni. H statuait sur un rapport du comité ecclé- siastique, rapport dressé par M. Quinquet, administrar- teur de ce district, et traitant, en fait comme en droit, des difficultés survenues entre les religieux de St- Yved. € Il semble au premier aperçu des faits, avait écrit M. Quinquet, qu'il ne s'agisse que de querelles, que de moineries pitoyables ; mais l'administration de la maison soufiEre infiniment, et c'est ce que nous avons à considérer. Point d'ordre dans cette communauté, point de règle; tout y est frondé... Il peut même en résulter des suites fâcheuses par les passions qui agitent les religieux perturbateurs... » Ceci dit, et mille autres choses encore contre le frère Héduin et ses amis, le directoire de Soissons an- nula l'élection, réintégra le prieur Douay et le procu- reur Duflot dans leurs fonctions et ordonna que MM. Héduin et Lefebvre rendraient compte de leur courte gestion, s'il y avait lieu. Le directoire du département de l'Aisne examina l'afllsdre à son tour et se prononça, le 10 août 1790, dans le sens du directoire de Soissons. Il enjoignit, en en outre, aux religieux qui avaient déclaré vouloir sor- tir de l'abbaye, de le faire sans délai, et il nomma pour commissaire à l'exécution de sa décision M. Vui- gnier, de Vailly, administrateur du département de l'Aisne, et un administrateur du directoire du district de Soissons, qui était M. Boujot. Le 14 du même mois, à huit heures du matin, MM. Vuignier et Boujot étaient effectivement à Braine. La Digitized by VjOOQ IC %• - 91 — cloche de l'abbaye s^pela les religieux en assemblée générale. Les deax commissaires, assistés de la mu- nicipalité de Braine, firent part de l'objet de leur mis- sion et réclamèrent Texécution de la décision du direo- ' toire départemental. MM. Héduin, Debrie, Debrotonne^ Lefebvre, Oudart et Tourier répondirent qu'ils n'en- tendaient pas reconnaître M. Douay comme prieur, ni M. Duflot comme procureur; et M. Héduin ajouta même qu'il ne oesserait pas de remplir ses fonctions de prieur. Prenant la parole/ MM. Duflot, Humbert, Lamy et Thibault déclarèrent -qu'il n'y avait d'autre prieur que M. Douay et d'autre procureur que M. Duflot. Les deux commissaires s'armèrent alors des décla- rations de sortir ou- rester, faites par les religieux à l'issue de l'inventaire dressé en l'abbaye. Ils som- mèrent MM. Héduin, Debrotonne, Lefebvre, Oudart et Tourier^ qjii avaient déclaré vouloir quitter le cloître pour rentrer' dans le monde, d'évacuer le monastère sur le champ et sans délai, M. Douay offrant d'ailleurs de leur payer le premier quartier de la pension à eux due. A quoi lesdits religieux répondirent qu'ils ne sor- tiraient de la maison que quand l'Assemblée nationale aurait décrété l'époque de sortie de tous les religieux et que le paiement de leur pension leur serait assuré, n'entendant point accepter l'offre qui leur était faite par M. Douay, ce dernier étant sans qualité pour la leur faire. Et pour justifler leurs réponses aux deux commissaires, ils leur remirent un mémoire signé et dans lequel ils disaient qu'on devait les entendre dans leur défense, « surtout sous un régime où l'inquisi- tion des despotes était anéantie. » . MM. Vuignier et Boujot dressèrent procès-verbal de leur opération suivant l'usage suivi alors dans le dis- trict. Le lendemain, en transmettant cette pièce à M. Belin, procureur général syndic du départementi M. Digitized »/ VjOOQ IC - 92 ~ Vuignîer disait de Tabbaye St-Yved : « D y a dans cette maison des tètes chaudes et opiniâtres qu'il sera impossible d'amener à l'obéissance sans employer la force. » Aussi le directoire du département prit-il le parti, le 19 août, de décider que toutes les pièces du débat seraient envoyées à TÂssemblée nationale et au roi pour qu'ils pourvussent à l'exécution de sa déci- sion du 10 août. Ni l'Assemblée, ni le roi ne furent directement saisis de l'affaire; mais ce fut le comité ecclésiastique de l'Assemblée qui eut à s'en occuper. Il confirma la déci- sion départementale le 31 et la transmit immédiate- ment à Soissons. Le 16 septembre, MM. Vuignier et Bouîot furent de nouveau nommés commissaires à l'exécution de la décision du 10 août. Le 17, ils se rendirent à Braine, et comme la situation était plus tendue que jamais, M. Quinquet, du district de Sois- sons, les accompagnait. Arrivés dans la ville de Braine, il s'adjoignirent les maire, oflBlciers munici- paux et procureur de la commune, et se transportèrent solennellement en l'abbaye. Là ils convoquèrent les religieux. Tous comparurent devant eux, à l'excep- tion de M. Douay, qui était absent de Braine, et de M. Lamy, qui était à Meaux, pour y recevoir des ordres. Interpellés, et connaissance prise de la décision du co- mité ecclésiastique de l'Assemblée nationale, MM. Hé- duin, Debrotonne, Lefebvre, Oudart et Tourier se trou- vèrent enfin vaincus ; il déclarèrent alors consentir à quitter la maison sous trois jours et dirent qu'ils avaient la confiance qu'en ce faisant, non-seulement ils toucheraient leur pension, mais pourraient enlever le mobilier à leur usage personnel. Les choses furent réglées ainsi et s'exécutèrent de la sorte sans autre incident remarquable. Digitized by Google III. L'horizon politique s'assombrissait, et les prémontrés de St-Yved semblaient n'y point prendre garde; ils s'occupaient de leurs querelles intestines, de leurs dis- sensions personnelles, et ils devenaient aussi mes- quins, aussi petits que possible, alors qu'il fallait se mettre à la hauteur des événements majeurs que la révolution engendrait. Si la preuve de ce qui est avancé là ne ressortait pas des lignes qui précèdent, on la trouverait certes dans le présent chapitre. Cîomme Paris et tant d'autres villes, la commune de Braine avait eu sa fête de la fédération, et dans cette occurence, M. Héduin avait prononcé un discours pa- triotique en sa qualité d'aumônier. S'il n'était Thomme ni du directoire du district de Soissons, ni du direc- toire du département de l'Aisne, il était resté l'homme de la ville de Braine, *et l'homme écouté et recherché par le peuple. Ainsi, le 29 septembre 1790, la garde nationale de Braine songeait à faire célébrer, le 2 octobre, par M. Héduin, un service public pour les nombreuses victimes de la célèbre insurrection mili- taire qui avait éclaté à Nancy à la fin d'août, et dont le général Bouille se rendit vainqueur. L'église de St-Yved était celle qui, par ses dimensions, lui conve- nait le mieux pour cette cérémonie. M. Fossier, mem- bre de la municipalité de Braine, se rendit au monas- tère vers midi, et exprima le désir que le service fût fait en l'église de St-Yved. On ne lui promit rien; mais le soir même, à sept heures et demie, une assemblée extraordinaire avait lieu en la manière accoutumée, c'est-à-dire annoncée au son de la cloche, dans la saUe du chapitre. Etaient présents : MM. Debrie, Duflot, Humbert et Thibault. Ea demande fut mise en délibé- ration, et il fût arrêté : que les moines offriraient leur Digitized by Google — 94 — église pour la circonstance, qu'ils feraient ce qui dé- pendrait d'eux pour rendre la cérémonie aussi solen- nelle que possible tant sous le rapport du luminaire que sous le rapport de la sonnerie et des ornemente ; qu'ils ne pouvaient, sans se compromettre, consentir à ce que M. Héduin fût célébrant, puisqu'il avait de- mandé sa sortie du monastère et que cette sortie était effectuée ; que M. Douay, prieur, alors absent de Braine, avait d'ailleurs fait défense de laisser dire la messe à St-Yved par aucun des religieux sortis de cette mai- son ; que le service, s'il était célébré en l'àbbaye, le serait par le curé de Braine (1) et son clergé auxquels se joindraient en signe d'esprit patriotique les religieux restés dans la maison, ou bien en cas de refus ou d'im- possibilité de la part de M. le curé, par lesdits reli- gieux, à l'exclusion de tous autres appartenant ci- devant à cette maison ; et enfin que^s'il surgissait d^s difficultés, il en serait référé au district et au dépar- temeni pour avoir un jugement définitil. Ce cas de difficultés avait ^é •justement prévu. M, Héduia voulut officier comme aumônier. M. Mau- gras réclama 'Sf^s droits, appuyé par les religieux demeurée en Tabbaye, et l'emporta sur l'aumônier. ' Mais s'il faut en croire M. Duflot, M. Héduin chercha à le faire assassiner (m plus ni moins), ainsi que M. le curé Maugras. Il avait gagné, dit-il, des gens de la milice ; on avait Sivrèié qxxe six fusiliers tireraient sur M. le curé dès qu'il paraîtrait à la cérémonie du 2, et que six autres fusiliers tireraient sur lui, M. Duflot. Heureusement des patrouilles furent faites pour écarter les mécontente, et, grâce aux précautions prises, l'office se fit avec solennité, et sans enti^ave, par le clergé de la paroisse et les prémoutrés fidèles à leur ordre. a) M. MaDgm. Digitized by Google -9S- Ce n'est pas tout : quinze jours après, M. Duflot se plaignit encore, contre M. Héduin, au président du directoire du district de Soissons. < Un orage prêt à fondre sur nos têtes se prépare, écrivit-il. Jaloux de notre tranquillité, M. Héduin soulève les citoyens con- tre nous. Il veut nous forcer à le recevoir chez nous, avec la milice, pour dire la fûesse, à onze heures et demie, les dimanches et fêtes. M. le prieur nous a dé- fendu de donner l'entrée dans la maison à aucun de ceux qui en sont sortis, mêmç pour y dire la messe. M. le curé, de son côté, ne veut point du sieur Héduin dans son église^ en qualité d'aumônier... Les honnêtes gens tremblent des suites d'une animosité aussi mar- quée et craignent que par vengeance on ne commette quelque crime. » Mais M. Duflot pouvait se rassurer; personne ne devait être tué à Braine, aucun crime n'y devait être perpétré par M. Héduin ; et si ce dernier avait de nom- breux torts à se reprocher, M. Duflot avait au moins celui d'être sans miséricorde à son endroit IV. Oi) avait fait l'inventaire des biens des abbayes ; on allait compléter l'opération par l'enlèvement des titres et papiers ; puis auraient lieu les ventes mobilières et immobilières des choses possédées par le clergé, puis encore la fermeture des édiflces religieux, la profana- tion de beaucoup d'entre eux et la démolitioa d'au- tres; puis enfln la dispersion, l'émigration, et la mort souvent violente de certains ecclésiastiques. Et alors on ne dirait plus l'abbaye, mais la ci-devant abbaye ; on ne dirait plus les prémontrés, mais les ci-devant pré- montrés ; on ne dirait plus les saints, mais les ci- devant saints ; bref, on pousserait l'athéisme jusqu'à dire le ci-devant bon Dieu. Digitized by Google -96- Pour Saint-Yred, voici ce qui eut lieu. Le soir du 13 octobre 1790 deux administrateurs délégués du directoire du district de Soissons se ren- dirent en la maison des religieux, où étant ils s'adres- sèrent à M. Duflot et lui firent sommation de leur re- présenter et mettre tous les titres et papiers concer- nant la propriété des ^iens ci-devant attachés à ladite maison. Le procureur les conduisit devant une vaste armoire. Ce meuble se composait de vingt-quatre ti- roirs étiquetés et garnis de papiers. Tout fut enlevé, ainsi que deux autres tiroirs que Ton remplit également de titres. Indépendamment de ces pièces, il y avait des documents concernant la propriété des biens attachés, non pas à la maison, mais à Tabbaye. Informés de la présence de ces autres pièces, les deux délégués en de- mandèrent également la remise. M. Duflot leur répon- dit qu'il fallait pour cela s'adresser à l'abbé commen- dataire, M. d'Aigreville, ou plutôt à son fondé de pou- voir à Braine, qui était un bourgeois du noia de Fo- der. M. Focier fut appelé, n fut requis de remettre les papiers ; il y consentit, et dix tiroirs numérotés, avec indication des paroisses dans lesquelles se trou- vaient les possessions de l'abbé d'Aigreville furent ajoutés aux précédents, pour, le tout, être placé sur une voiture et déposé au secrétariat du district de Soissons. Un autre jour, jour de marché franc (c'était le mer- credi 17 novembre suivant), deux commissaires du même directoire se transportèrent encore à Braine. n s'agissait, notamment, de vendre à l'encan, et pour cause de départ prochaiu, les chevaux, bestiaux et au- tres objets inutiles à la régie des biens du monastère. On adjugea d'abord deux vaches pour 108 livres à un. boucher de Braine, nommé Harpon, une génisse à un appelé Maroteau pour 30 livres, une autre à un habi- tant de Billy-sur-Aisne, pour 36 livres, et un lot de 'Digitized by Google — « — quatre Taches à M. de Qivrj, chevalier de Saint-Louis, demeurant à Jouaignes, moyennant 158 livres 10 sols ; on vendit ensuite deux chevaux et leurs harnais à um maréchal de Braine pour 241 livres, puis deux autres chevaux avec leurs harnais à M. de Givry moyennant 103 livres, et enfin la plupart des objets annoncés. Mais sur la représentation faite par M. Douay que plusieurs portraits donnés au couvent par la famille d'Egmont, dont les ancêtres avaient fondé Fabbaye^ devaient être distraits de la vente par égard pour les donateurs, il fut décidé que les portraits retourneraient aux d'Egmont. Et il fut également pris cette autre dé- cision que rapporte le procôs-verbal de vente : c Mon- dit sieur ci-devant prieur nous a priés de lui accorder, pour être déposé en la paroisse de Saint-Laurent de Michery, dont il est curé, un petit reliquaire en cris- tal, garni en cuivre, renfermant un morceau de côte et une dent dudit saint Eaurent lesquelles reliques étaient, de temps immémorial, déposées au trésor de l'église de la ci-devant abbaye de St-Yved, ainsi qu'il résulte du procès-verbal des reliques déposées dans ladite ^lise. Sur quoi, délibérant et désirant multi- plier les monuments de notre sainte religion et donner à nos frères en Dieu, de la paroisse de Michery, des preuves de notre catholicisme et de notre foi, nous avons à l'instant permis audit sieur curé de Michery de faire l'extraction dudit reliquaire de St-Laurent ; ce à quoi il a été procédé en notre présence, en celle des officiers municipaux et des religieux de ladite abbaye, avec la vénération due aux choses saintes. » Le 26 janvier 1791, une mission plus délicate, con- fiée par le directoire du district à un administrateur, est exécutée par lui, assisté de M. Menessier, secré- taire-greffier de la municipalité de Vailly. L'adminis- trateur arrive en la ci-devant abbaye. Il y trouve MM. Dufiot, Debrie, Humbert et Lamy. Il vient procé- II Digitized by Google «9â- der à renlèvement de l'argetiterie à Tosage da ctiite. Les religieux lui demandent de distraire de son opéra- tion pour leur usage» un calice, une patène, un yase pour les saintes huiles, un canon d'autel, un livre d'érangiles, des chasubles, des étoles, etc. Et comme ils ne s'adressent pas à un de ces vandales intraitables ^ue Ton rencontre dans les histoires de la révolution française, mais à un de ces hommes dont l'honorabilité ne peut être suspectée, ils obtiennent satisfaction im- médiate. Le trésor de l'église est ensuite ouvert. Nous avons vu précédemment ce qu'il contenait. Deux parts sont faites : l'une pour être enlevée et .conduite au se- crétariat du district, l'autre pour être transférée pro- cessionnellement dans l'église de la paroisse. Et voilà que, sans désemparer, l'administrateur fait prévenir de la cérémonie M. le curé Maugras, son vicaire (1), tout le clergé, en un mot, puis les notables et les habitants de la ville. On sonne les cloches, on accourt, et aussitôt a lieu la translation, en l'église paroissiale de Saint- Nicolas, d'une coupe en cuivre doré contenant le chef de saint Yved, d'un reliquaire supporté par deux anges en argent, d'un vase de cuivre ai^enté renfermant des reliquaires, de dix-sept petits tableaux renfermantaussi des reliquaires, d'une châsse de saint Yved, d'une châsse de sainte Vérène et d'une châsse de sainte Florence. Les prémontrés Duflot et Lamy sont en tête de la pro- cession. On sort de l'église de Tabbaye, M. Duflot prononce (dit la pièce relative à l'opération) a un dis- cours très pathétique et qui caractérise le bon chrétien et le vrai citoyen, auquel discours M. le curé répond d'une manière aussi touchante qu'édifiante. » Ensuite la procession reprend sa marche et se rend à destina- tion. (f) M. Guériil. Digitized by Google ^99 - Cela 86 passait dans la première partie du jour. Le soir ce fut autre chose. Un ciboire était resté dans le tabernacle de l'église St-Yved ; il devait être enlevé. M. Duflot le réclama, et Tadministrateur s'empressa de le lui laisser. L'administrateur apposa ensuite les scellés (la mission à lui confiée le lui prescrivait) sur les portes et grilles du chœur de Téglise, laissant ou- verte une porte de bas côté pour les derniers religieux de la maison. Il se fit représenter l'argenterie de table ; il remit onze couverts pour les religieux sortis ou à sortir du couvent et fit placer le surplus dans un coffre, où se trouvaient déjà beaucoup d'autres objets en argent. Le lendemain un nommé Marié, voiturier à Braine, transportait au district de Soissons, moyennant douze livres, et sous l'escorte d'un cavalier de la maréchaus- sée de Braine, le coffre rempli d'argenterie. Le samedi 16 avril 1791, le maire et les ofllciers municipaux de la commune de Braine, agissant en exécution d'un arrêté du directoire de Soissons, en date du 15, accomplissaient un acte capital ; ils fer- maient à tous l'église de St-Yved et apposaient les scelKs, au moyen de leur cachet officiel, lequel por- tait un corbeau en écusson et pour légende les mots : < Municipalité de la ville de Braine. » Immédiatement après, ils se faisaient remettre par M. Duflot les objets précieux à lui laissés par le précédent commissaire» et, bons catholiques au milieu de leurs agissements révolutionnaires, ils songeaient que cette ^lise abba- tiale, désormais perdue pour les prémontrés, tersit une magnifique ^lise paroissiale. Ils l'avaient du reste déjà demandée au district de Soissons, il y avait six mois, avançant que celle St-Nicolas, située à l'extré- mité du faubourg Si-Remi, était beaucoup trop petite, incommoble, même insalubre, et que son predbytôre Digitized by Google - 100- tombait en ruiites. Nouvelle demande dans le même but fut alors adressée par eux à Soissons, afin que les exercices du culte ne fussent ni retardés, ni interrom- pus. La réponse, cette fois, ne se fit pas attendre. Le 29 du même mois d'avril, M. Marolles, évêque consti- tutionnel de l'Aisne, visitait la ville de Braine, accom- pagné de M. Rivoire, prêtre, membre du directoire du département et du conseil épiscopal, et assisté aussi des membres du directoire du district de Soissons. « Tout vu et considéré, dit un document que nous pos- sédons, et présumant le consentement certain du corps législatif, » il fut décidé que les scellés naguère appo- sés à St-Yved seraient à Tinstant levés et que Téglise € dudit St-Yved » serait et demeurerait, à dater de ce jour, l'église paroissiale de Braine, avec le pavillon de la procure de la maison ci-devant conventuelle pour presbytère. Et sur le champ, Tévêque, les autorités l'assistant, la municipalité et les habitants se rendirent à St-Yved, où les scellés furent levés et les portes ou- vertes. Puis, sur l'invitation unanime à lui faite, l'évêque patriote chanta un Te deum en actions de grâces, et l'on consigna ces choses par écrit « Tan deuxième de la liberté française, le 29 avril 1791. » « Mais on avait transféré, le 25 janvier, de St-Yved à St-Nicolas, des reliques et des châsses. Il fallait main- tenant faire leur translation de St-Nicolas à St-Yved. A cet effet un membre du district de Soissons fut en- core nommé délégué. Il se rendit à Braine le 10 mai. Il se fit accompagner de M. Champlain, maire (on ne di- sait plus M. Petit de Champlain) et des autres mem- bres de la municipalité, ainsi que de M. l'abbé Maugras. Il se transpoi*la en la ci-devant abbaye. Tous les reli- gieux l'avaient évacuée, excepté M. Duflot. Il somma alors l'ancien procureur de quitter, à son tour, le mo- nastère dans un délai qu'avait fixé le directoire. Il Digitized by Google -101 - 8*occnpa des ornements sacerdotaux, de la translation convenue, de la fermeture de l'élise Saint-Nicolas, de l'apposition des scellés sur les portes extérieures de l'église. Et il verbalisa, toujours suivant Tusage du district dans les circonstances sérieuses. C'en était fait de Tabbaye de Saint-Yved ! Elle avait duré six siècles et demi ; elle avait fait la gloire et l'orgueil de la cité ; eUe succombait forcément devant la révolution, et sa fin, on vient de le voir, devait être une véritable chute. Sa superbe église allait bien ser* vir à l'exercice du culte catholique des Brainois, mais pour très-peu de temps, mais pour être ensuite mutilée, mais pour être abandonnée pendant de longues années et pour ne devenir réellement église paroissiale qu'en 1837. Quant aux religieux, ils étaient disséminés, et c'est en vain qu'on voudrait suivre leurs traces. Au monastère ils avaient joui d'un sérieux bien-être ; ils avaient souvent fisdt la charité et dignement pratiqué l'hospitalité, comme jadis Norbert, le fondateur de leur ordre, l'avait recommandé. Maintenant, ils étaient eux-mêmes obligés d'avoir recours à autrui ; ils deman- daient au gouvernement le paiement des pensions dé- crétées pour tous ceux qui portaient l'habit ecclésiasti- que ; plusieurs d*entre eux devaient même probable- ment prêter serment pour ne pas être privés de leurs droits pécuniaires vis-à-vis de l'Etat, en d'autres ter- mes, pour pouvoir subsister ; et si l'on ne peut dire avec certitude que M. Harmand, qui occupa longtemps la cure de Cerseuîl, M. Oudart, qui fut curé de Ville- Savoie, et M. Humbert, qui fut desservant d'Âugy, ne se contentèrent pas de lever la main dans le but indiqué, du moins peut-on affirmer qu'ils rentrèrent tout-à-fait dans le monde, contractèrent mariage dans le pays, et, en un mot, devinrent citoyens de Braine, d'après un état de pensionnaires ecclésiastiques sur Digitized by Google - 101.- lequel ils flgureat et qui est daté du < ^ brumaire an 7 de la république française, une et indivisible. » La séance est levée à 5 heures. Le Présidentj Db la Pràirus. Le Sect^étaire^ l'abbé Pkchbur. Digitized by Google BULLETIN DB LA SOCIÉTÉ ARCHÊOL.OGIQUE HISTORIQUE ET SCIEITIFIQttE DE SOISSONS. SIXIÈME SÉANCE. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le procôs-verbal de la dernière séahce est lu et adopté. OUTRAGES OFFERTS ET DEPOSES. 1« Cabinet historique, 2« série, t. 1«', 4« livraison. Avril 1876. 2« Bulletin de la Société d'agriculture^ sciences et arts de Poligny (Jura). Février et mars. 2i^ Mémoires de V académie des sciences, beHes^lel' très et arts de Marseille, année 1874-1876. 40 Bulletin de la Société des sciences historiques^ etc. de r Yonne, année 187B, 29* vol. , 0« de la 2» série. Digitized by Google &» Ménunres de la Société des Antiquaires du Centre^ 1869, 3« vol. 6« Mémoire de la Société nationale académique de Cherbourg, 187B. ?• Essai sur V histoire et la généalogie des sires de Jomville 1008-1386), par J. Simonnet, conseiller à la cour d'Appel de Dqon, etc., 1876. 8« Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes (Nice), t. 3. 9« Mémoires de la Société archéologique et histo- rique de rOrléanais, 1. 14, 1875. 10« Bulletin de la même Société, t. 6, n«*, 8B, 86 et 87 (1875). Il"" Société industrielle de St^Quentin, Bulletin n^ 11 ammeze à ce Bulletin (1876). 12^ Société académique des sciences, arts, etc. , de la même ville, 3« série, 1. 13, 1876. 13^ Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1875-1876, 2« série, t. 4. 14"" Société des Antiquaires de la Morinie, Bulletin historique, 24* année, 37* livrais. Janvier-mars 1876. 15* Société Linéenne du nord de la France, Bulletin mensuel, n<» 47, l«'mai 1876, 5* année, t. 3. COMMUNICATIONS BT TRAVAUX. M. le président s'étant mis en rapport avec M. Fré- déric Moreau, de Fère-en-Tardenois, pour la visite des fouilles de Caranda et de Sablonières, objet principal de l'excursion de juin, on convient que celle-ci sera faite sous la direction de Thonorable antiquaire et qu'on subordonnera à cette exploration la visite des locali- tés voisines qu'on avait aussi projetée. Digitized by Google ^ 105 - M. De la Prairie lit le rapport suivant sur la Vie de saint Rigobert, archevêqiie de Reims, par l'abbé Poc- quet. M. l'abbé Pocquet, notre collègue, doyen de Berry- au-6ac, vient de nous offrir la notice qu'il a publiée sur la vie de saint Rigobert, archevêque da Reims dans le vii« siècle. Je pense que la Société m'approuvera de lui faire connaître, par une courte analyse, la valeur du travail de M. l'abbé Pocquet. On l'a remarqué bien des fois, la religion catholi- que est la seule qui ait fait et peut-être pu faire la vie de ses saints. Pendant près d*un siècle, l'intérêt se portant beaucoup moins qu'autrefois sur cette partie de l'histoire de l'Eglise, on l'a en quelque sorte laissée de côté. Mais depuis plusieurs années Uya eu comme une réaction et on s'est remis de tous côtés,à étudier la vie de ses hommes et de ces femmes qui ont laissé dans le monde un profond souvenir. Les vies de sainte Elisabeth de Hongrie, de saint Augustin, de saint Bernard, de saint François-de-Sales, de sainte Monique et beaucoup d'autres sont des ouvrages d'un grand mérite qui ont beaucoup de lecteurs et d'admirateurs. Nous n'en sommes pas revenus aux temps où la vie des saints était en quelque sorte la seule lecture dans beaucoup de familles catholiques, comme la Bible Té- tait chez les protestants ; mais l'intérêt s'est porté de nouveau, au moins partiellement, sur ce genre de littérature. Quoique saint Rigobert ne soit ]>as un de ces hom- mes qui, ayant joué dans le monde un rôle très-impor- tant, ont laissé un nom que personne ne peut ignorer, M. l'abbé Pocquet a fait avec sa vie un livre fort in- téressant. Aux VII» et VIII» siècles, l'existence d'un évêque et surtout d'un archevêque de Reims, ne se bornait pas 14 Digitized by Google - l06 -^ à Tadministratioû paisible d'un diocèse, elle se trouvait mêlée à tous les événements politiques et religieux de répoque; et la plupart ne restaient; as sans contestations et même sans persécutions tranquilles sur leur siège. C'est ce qui arriva à Rigobert, qui, malgré < ses « vertus épiscopales, son zèle pour le service divin, € ses largesses pour son clergé, son amour des pau- € vres, > finit par être chassé de son siège. D est vrai qu'il avait osé résister à Charles Martel en lui fermant les portes de Reims. M. l'abbé PjOcquet dit dans sa préface : < l'ouvrage € que nous offrons au public n'est pas le fruit de l'i- « maginatîon, mais au contraire de recherches longues « et sérieuses et ce sont des actes presque contem- € porains de saint Rigobert qui forment le fond de € notre récit et lui donnent toute sa valeur. » L'auteur est trop modeste en s'exprimant ainsi. Il fallait mettre en œuvre tous les documents qu'il con- sultait, enchaîner les faits qu'il rencontrait, exposer d'une manière intéressante les actions, toute la vie de son saint, sans négliger les côtés de cette vie qui ont touché à l'histoire générale des vu® et viii* siècles. Ce programme, M. l'abbé Pocquet l'a réalisé d'une manière heureuse. La vie de saint Rigobert est donc un livre d'une lecture utile et agréable. La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Prairib. Le Secrétaire^ l'abbé Pécheur. Digitized by Google BULLETIN DB LA SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS. SEPTIÈME SÉANCE. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. <.2>i>dt>«>*9 Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS BT DEPOSES. lo Mémoires de la Société d'émiUation du Jicra, 2« série, 1 vol., 1875. 2o Bidletin de la Société d' agriculture f sciences et arts de Poligny (Jura), mai 1875. 3® Mémoires et documents de la Société savoisienne d'histoire et d* archéologie, t. 15, 2« partie, 1876. Digitized by Google - 108 - 4* Saint-Quentin à la fin du XVIII* siècle, par A. de Massy, 1875. 5* V Investigateur, 42« année, marg-avril. 1876. 6® Société Linéenne du nord de la France, Bulletin mensuel, n« 48, 1«' juin 1876, 5* année, t. 3. CORRBSPONDANOB. Lettre de M. Frédéric Moreau, de Fère, membre ti- tulaire de la Société, offrant pour le Musée divers ob- jets intéressants provenant des fouilles opérées par lui à Caranda et à Sablonniét^e. Ce don est accepté avec reconnaissance, et de vifs remerciements sont votés à M. Frédéric Moreau. COMMUNICATIONS ET TRAVAUX. M. le président prenant la parole au sujet du tableau de Rubens, dont on a plusieurs fois signalé à la So- ciété l'état de détérioration, dit qu'un restaurateur, de passage à Soissons, aurait estimé cette toile au prix de 150,000 francs, et que si on le laissait encore une dizaine d'années à la place qu'il occupe à la cathé- drale, il serait certainement très-compromis. Il ajoute que lui et M. Rigaux vont, l'après-midi même, saisir décidément le conseil de fabrique de cette importante question. La compagnie, sans émettre d'opinion à ce sujet, ne peut qu'insister sur la nécessité de prendre enfin un parti sur un fait dont elle s'est émue plusieurs fois. M. Michaux donne lecture du compte-rendu de l'excursion faite par la Société à Fère-en-Tardenois et à Caranda, le 15 juin 1876. Digitized by Google - 109 - EXCURSION DE LA SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE DS 80ISS0N8 A FÈRE-EN-TARDENOIS ET CARANDA Le jeudi 15 juin, la Société archéologique de Sois- sons a fait son excursion annuelle. Elle avait choisi cette année Fère-en-Tardenois et se proposait de vi- siter les endroits voisins, si célèbres depuis quelque temps par les nombreuses découvertes intéressantes qui 7 ont été faites. Nous partons de Soissons à 6 heures du matin, par un temps splendidequi semblait présager une journée magnifique. Assez beUe et bien entretenue, la route de Fère n'en est pas moins ennuyeuse et monotone. A part la râpe- rie d'Ambrief, on ne rencontre pas une maison, pas une chaumière ; mais en ce moment tout le monde est aux champs et la campagne ofEre encore un aspect as- sez animé ; puis on cause, et le chemin se fait. Bientôt le temps se couvre, les nuages s'amoncellent, on craint la pluie. Heureusement ce n'est qu'une me- nace. Nous arrivons sans encombre à Fère vers 9 heures et demie. Aussitôt descendus de notre char, nous nous diri- geâmes vers la demeure de M. Frédéric Moreau, an- cien conseiller général du canton, membre de la Société historique et archéologique de SoissonSi et propriétaire des terrains où ont lieu les fouilles. Digitized by Google - 110- Deptds deux ans environ, plusieurs ouvriers tra- vaillent constamment, à ses frais et sous son habile direction, et le résultat de ses découvertes a été si merveilleux qu'on peut aisément affirmer que jamais fouilles entreprises n'ont produit tant de débris des âges passés; que jamais tant de richesses n'ont été exhumées; c'est un fait pour ainsi dire unique, car le but obtenu a dépassé toutes les prévisions et récom- pensé laidement les efforts et la peine. On comprendra d'un mot que ce que nous venons de dire n'est autre chose que la vérité stricte : ce n'est pas par dizaines, ni par centaines, mais par milliers de pièces que se chiffraient les découvertes. Rien qu'en silex taillés, hachettes, grattoirs, etc., M. Moreau en a trouvé 24,000 ! et il en trouve encore tous les jours. Nous avons visité sa belle collection de Fère^n- Tardenois, la moins riche (la plus complète se trouve à P9ris), et tous nous avons poussé un cri d'admira- tion à la vue de ces poteries si bien conservées ou si intelligemment restaurées ; de ces armes et de ces ustensiles en fer, en bronze, en silex ! En effet, c'est admirable. Par une délicate attention, les découvertes de la veille avaient été mises de côté et ont été dépouillées de leur enveloppe de sable devant la Société. M. Frédéric Moreau nous explique sa manière d'o- pérer qui devrait servir d'exemple à tous ceux qui cherchent. Il trouve ainsi moyen de rendre à chacun de ceux qui travaillent sous ses ordres, une part de gloire, — suum cuique. Plusieurs ouvriers creusent la terre, et chaque pelle- tée est sondée, examinée, fouillée scrupuleusement ; si un objet quelconque, vase, arme ou instrument en fer, en bronze ou en silex, est trouvé, un jeune secrétaire en prend note sur un procès-verbal, jour par jour, puis Digitized by Google Tobjet est mis de côté et porté ensuite avec d*autres à M Moreau. Celui ci le fait nettoyer, et, si c'est un vase, par exemple, la terre intérieure est ôtée avec des outils spéciaux, de fâcon à ne pas endommager la poterie, et quand, par hasard, il y a lieu de rajuster quelques fragments brisés, un domestique fait la réparation avec une habileté et une adresse qu'envierait plus d'un marchand parisien. Nous avons vu de ces poteries ainsi réparées, et, franchement,, il faut y regarder de bien près pour aper- cevoir la restauration. Nous eussions désiré décrire en détail toutes ces merveilles et les étudier consciencieusement, mais deux obstacles nous ont arrêté : D'abord la grande quantité d'objets qui nous entraî- nerait trop loin; Ensuite le désir exprimé par M. Frédéric Moreau lui-même de publier en un album les principaux spé- cimen découverts. Cette publication qui intéressera au plus haut point le monde savant, qui sera pour les archéologues un véritable monument, rendrait notre humble descrip- tion inutile et prétentieuse. Nous laisserons à de plus habUes le soin de recher- cher si les silex sont de l'époque St-Acheulienne ou correspondant à ceux trouvés à St-Acheul ; de Tépo- que robenhausienne ou d'une autre; si le sable où ils apparaissent est du sable moyen ou du sable supé- rieur. Nous nous contenterons de jeter un rapide coup d'œil sur cette belle collection classée avec tant de soin, organisée avec tant de méthode que rien ne se perd, que le plus petit débris ne peut échapper aux investigations. Nous trouvons là, exposés dans d'élégantes vitrines, Digitized by Google - 112 - d'innombrables débris de Tâge de pierre, de l'âge de bronze et de Tâge de fer. Des silex de toutes formes, de toutes dimensions, de toutes couleurs, gris, jaunâtres et verts, des hachettes taillées et polies, des nuclei, des couteaux, des grat- toirs, des pointes de lance et de flèche, des lames de toutes sortes. En fer, nous voyons encore des armes diverses, haches et francisques, sacramasax, umbos, des bou- cliers, puis des torques, des anneaux, des éperons, des boucles, des pointes de lances. Ici, des débris d un char gaulois que^ Ton peut com- parer à celui trouvé il n ya pas longtemps à Chassemy. Le bronze nous étonne auijsi par sa profusion et surtout par la richesse de son ornementation. Il y a des bijoux ciselés, finis, gracieux, qui devaient servir de parure aux grandes dames du temps de Divitiac ou de ses ancêtres ; ces bagues à sujets, ces boucles, ces médaillons guillochés, émaillés, enchâssés d'argent et d'or, ces boucles d'oreilles à pendants, ces bracelets, ces colliers et ces torques, les uns bruts, les autres délicats, ces anneaux à cachets gravés ; tous ces or- nements divers d'une autre époque apparaissent pres- que intacts à nos yeux interrogateurs. A côté, des armes encore, puis, ce qui est aussi curieux, des ustensiles, des monnaies. Nous remarquons des styles pour écrire, des épingles et des aiguilles fines, piquantes ; des boucles de cein- turons, dos fibules aux formes variées» tantôt rusti- ques comme pour un mortel obscur, tantôt travaillées, ornées, comme pour un chef. Tout en nous montrant ces divers objets, M. Frédéric Moreau nous apprend un fait particulier : c'est que les silex ont été découverts aussi bien dans les tombes mé^ rovingienDbes que dans les terrains inférieurs. Nous ne tirerohs pas de conclusions, nous ne cQscu- Digitized by Google -. 118 - terons même pas ce point, nous le constatons comme il nous a été dit, voilà tout. N'oublions pas non plus les poteries qui sont égale- ment en grand nombre et remarquables, aussi bien par leur variété que par leur conservation et leur rareté. Si nous ne décrivons pas toutes ces belles choses plus scrupuleusement, nous ne pouvons du moins nous empêcher de relater Tétonnement que nous ont causé tant de richesses arrachées aux entrailles de la terre où elles gisaient en paix depuis vingt siècles et plus. On vient subitement mettre un terme à notre admi- ration en nous annonçant que le déjeuner est servi. Tous ceux qui connaissent M. Frédéric Moreau savent avec quel charme il offre l'hospitalité. Nous ne pou- vons que lui renouveler Texpression de notre grati- tude et nos vifs remerciements. Nous avons été heureux de rencontrer à côté du maître de la maison son digne neveu, M. Auguste Mo- reau, qui lui succède comme conseiller général du canton. Pour mettre le comble à son obligeance, M. Frédéric Moreau fit atteler et conduisit la Société à la Sablon- nière d'abord, puis à Oaranda, les deux nécropoles an- tiques. En passant on jeta un coup d'œil au grès qui va boire, curiosité qui pourrrait bien aussi être un mo- nument celtique et que nous avons décrit nous-mêmes en racontant la légende curieuse qui raccompagne. Puis nous partons pour Caranda, situé sur le terri- toire de Cierge. C'est un monticule qui domine le pays. D'un côté, on aperçoit le village, de l'autre la vallée de TOurcq qui prend sa source dans la forêt de Ris. Notre honorable hôte nous montre le dolmen ou allée couverte, et tout le terrain qui a été fouillé, retourné. Çà et là, à terre, on ramasse encore quelques dé- tritus de silex, quelque fragment de poterie cassée ; i5 Digitized by Google - 114 -- mais ce sont là des débris sans importance : le sol a produit tout ce qu'il pouvait donner, le hasard n'a plus rien à y voir. Avant de quitter cet endroit, désormais célèbre et acquis à la science, permettez*moi de rappeler un sou- venir personnel. On connaissait déjà depuis longtemps les sépultures de Caranda et de Sablonnière, A Caranda on avait trouvé, il y a bien cinquante ans, un cercueil de pierre en labourant la terre. Plus tard on trouva un autre cercueil et Ton ne s'en émut pas plus pour cela. Enfin, il y a dix ans environ, à la suite de nouvelles exhumations, M. Laurendeau s'occupa de Caranda, puis la Société archéologique de Château-Thierry en- voya plusieurs de ses membres pour y faire des fouilles. Deux ouvriers donnèrent deux ou trois coups de bêche au hasard. On mit à jour quelques objets peu importants. Nous assistions à ces premières fouilles et nous avons ramassé des silex taillés, semblables à ceux trouvés à Cœuvres. Cet essai de fouilles ne fut pas continué , et Caranda fut abandonné jusqu'au jour où M. Moreau, qui assistait également aux recherches de la Société de Château-Thierry, acquit le terrain et fit personnel- lement les recherches. C'est donc à lui seul qu'en revient l'honneur, car on peut aisément assurer que sans lui les trésors de Ca- randa dormiraient encore paisiblement dans leur sé- pulture. La Sablonnière était aussi connue depuis longtemps. Les propriétaires des terrains de temps en temps trou- vaient un cercueil en pierre. Quelques années avant la guerre de 1870, on fit le chemin du calvaire. En creusant la terre pour le nivel- Digitized by Google — 115 - lement on trouva quatre cercueils de pierre, plusieurs vases et une hachette en fer. La hachette et iin des vases, malheureusement incomplet, sont en ma pos- session. Alors il nous a semblé que des fouilles faites en cet endroit devraient amener des découvertes fort curieuses et nous nous empressâmes de publier nos impressions dans le Progrès de V Aisne, en 1869. Depuis cette époque, on ne s'est occupé de rien, à la Sablonnière comme à Caranda, jusqu'au jour où M. Moreau prit la direction des fouilles et en sut tirer un si splendide résultat. Nous remontons en voiture et retournons à Fère, où nous visitons Téglise si coquète et si bien ornée. C'est un beau monument du xvi» siècle, consacré à sainte Macre. Elle est très-propre, fort bien entretenue, possède de superbes vitraux de couleurs, un grand nombre de tableaux, offerts en grande partie par M. Frédéric Moreau et par MM. Adolphe Moreau père et fils. L'un des tableaux est de Ducomet, né sans bras. Un banc-d'œuvre, admirablement sculpté., attire aussi l'attention. En quittant l'église nous revenons vers la grande place, entourée de maisons blanches et gaies, parmi lesquelles se fait remarquer l'habitation de M. Adolphe Moreau, château moderne gracieux, réunissant ,avec le confortable de nos jours, des meubles anciens et des tableaux de maîtres. Madame Moreau, fille du célèbre docteur Nélaton, manie le pinceau avec une rare ha- bileté. Nous allons ensuite jeter un coup d'œil vers la grande halle, bâtie au xvi* siècle. C'est une très-cu- rieuse construction dont la charpente est remarquable. Je vous ai, dans le4«vol. 2« série, donné connaissance d'une charte concernant cette halle qui a aussi son histoire particulière. Digitized by Google — 116 — Puis, après avoir remercié notre excellent amphy- trion, qui fit gracieusement don de silex taillés à pres- que tous les membres de notre Société, nous reprenons notre véhicule et revenons à Soissons, en rendant une dernière visite au vieux château d'Anne de Mont- morency. Ce curieux édifice est composé de deux parties : L'une comprenant une enceinte défendue par neuf tours, au sommet d'un monticule isolé, revêtu d'un glacis de grès, a été construite par Robert de Dreux, au commencement du xui« siècle. La seconde partie, comprend la belle galerie reliant les tours avec la colline voisine ; elle est supportée par cinq arcades à plein cintre dont la plus haute a 20 mètres de hauteur. La porte d'entrée montre encore de belles sculptures que l'on attribuait à l'habile ciseau de Jean Goujon. Cette partie est du xvi^ siècle. Anne de Montmorency fit construire cette galerie en 1539, pour remplacer le pont-levis qui, alors, joi- gnait la forteresse au jardin. Les tours ont été démantelées en 1776, et depuis, le temps a continué son œuvre de destruction lente, mais sûre, et aujourd'hui la destruction en serait à peu près complète, si M. Roques Salvaza (1), qui en était pro- priétaire, n'eût fait faire à ces ruines importantes d'utiles travaux de préservation. Le temps s'est maintenu, et, au retour, nous nous rappelons avec plaisir cette journée si bien employée, et l'accueil si plein de cordialité de M. Frédéric Mo reau se conservera toujours dans le souvenir des mem- bres de notre Société, qui ont eu le bonheur de pren- dre part à cette excursion intéressante. (I) M. Roques Salvaza, ancien conseiller général du canton de Fère, corooiandant d'artillerie à SoissoDS^ est dérédé l'année dernière. Digitized by Google -. 117 - M. Piette lit, au nom de M. Lothe, non présent à la séance, une description d'une dizaine de médailles, trouvées à Caranda et faisant partie de la collection de M. Frédéric Moreau, qu'il avait pu examiner dan® l'excursion de Fère. DeseifHption de quelques médailles ra>naines provenant des fouilles faites par M. Moreau, à Caranda et à la Sablonnière^ près de Fère-en-Tardenois, déposées dans ses vitrines, lo Moyen bronze à Vefflgie de Jules César. — Frappé à Lyon, sous le règne d'Auguste, vers Tan de Rome 750 (3 ans avant J.-C), en commémoration de Jules César. Légende: PONTifex MAXimus C^ESAR, tête de Jules César laurée. R. Autel de Lyon, surmonté de deux victoires por- tant des couronnes. Exergue : ROMaeET AVGusto. Autel votif élevé à Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône, à la mémoire de Rome et d'Auguste, par soixante peuples gaulois. 2<» Moyen bronze de Néron. — Frappé de 54 à 68, sous son règne. Légende : IMPerator NERO.CiESAR. AVGustus Pon- tifex MAXimus TRibunitia Potestate Pater Patrice, tête laurée. R. Sans légende. Victoire passant tenant un bouclier sur lequel on lit : Senatus Populus Que Romanus, dans le champ Senatus Consulte. 3® Moyen bronze de Domitien. — Légendes effacées. — Monnaie frappée en 76 de J.-C, sous Titus, pendant le 5« Consulat de Domitien, avant son avènement à l'Empire : La légende doit être restituée ainsi qu'il suit : Titi CiESARIS, AVGusti Frates DOMITIANVS, COSul Digitized by Google ~ 118 - V. Tête laurée. R. L'Espérance passant, tenant nne fleur dans la main droite et relevant sa robe, dans le champ Sénatus Consulte. 4« Moyen bronze de Traj an. — En médiocre état. Monnaie frappée en Tan 100 de J.-C, sous le 3* con- sulat de Trajan. La légende doit être restituée ainsi qu'il suit : IMPerator C^SSAR, NERVA. TRAIANus AVGustus GERManicus Pontifex Maximus. Tête laurée. R. TRibunitia POTestate COSul III. Pater Patriœ. Victoire passant, tenant un bouclier sur lequel on lit : Senatus Populus Que Romanus, dans le champ Senatus Consulte. 5^ Grand bronze d'Hadrien. — Fleur de coin. — Frappé sous le 3« consulat d'Hadrien, de 119 à 138 de J,.C. Légende IMPerator C^ESAR. TRAIANVS. AVGus- tus. Tête laurée. R. PONTifex MAXimus TRibunitia POTestate COSul ni. Jupiter assis appuyé sur la haste, portant une petite Victoire sur là main droite. 6° Moyen bronze d'Hadrien. — Fruste , impossible de rétablir les légendes. 7" Moyen bronze d'Antonin-le-pieux, en médiocre état. — Monnaie frappée sous le 4* consulat d'Anto- nin, de 145 à 161 de J.-C. La légende doit être restituée ainsi qu'il suit : ANTONINVS. AVGustus PIVS. Pater Patriœ. Tête laurée. R. TRibunitia POTestate COS. IIII. La Piété debout, tenant la haste et une patère, dans le champ, Senatus Consulte. 8« Grand bronze de Marc-Aurèle. — Fruste. Mon- Digitized by Google - 119 — naie frappée sous le 3« consulat de Marc-Aurèle, de 161 à 180. La légende, côté de la tête, doit être restituée ainsi qu'il suit : Marcus AVRELius ANTONINIVS. ARMENIACVS. Tête laurée. R. Légendes effacées. L'Empereur debout entre quatre enseignes mili- taires. 9*> Moyen bronze de Crispine, femme de Commode. — Fruste. — Monnaie frappée de 177 à 183 de J.-C. Impossible de rétablir les légendes. 10» Petit bronze de Tétricus père, en médiocre état. — Frappé de 267 à 272, sous le règne de Tétricus, un des trente tyrans. Restitution de la légende de face :* IMPerator. TETRICVS Plus Félix AVGustus. Tête radiée. R. Impossible de décrire le revers. 11<> Petit bronze de Tétricus père, — passable. — Frappée vers la même époque, sous le règne de Tétri- cus père. Légende, Caius PIVs TETRICVS. CiESar. Tête radiée. R. SPES. AVGG (Augustorum). L'Espérance pas- sant, tenant une fleur et soulevant sa robe. 12« Petit bronze de Gratien, — très-beau — Mé- daille frappée de 375 à 383, sous son règne. Légende : Dominus Noster GRATIANVS Plus Félix AVGustus. Tête ceinte du bandeau de perles. R. SECVRITAS REIPVBLIC^. Victoire passant, tenant une couronne et une palme. Nous avons remarqué en outre, dans les procès-ver- baux des fouilles, un fac-similé d'un moyen bronze de Digitized by Google -. 120 - Vespasien, avec le revers Jtcdœ Capta, frappé ea commémoration de la prise de Jérusalem par Titus, en 70 de J.-C.; et un autre d'un moyen bronze que nous croyons être de Julia Maesa, aïeule d'Elagabale, frappé vers 218 à 222, ainsi que plusieurs autres dont nous n'avons pu prendre note. La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Prairie. Le Secrétaire, Tabbé Pécheur. Digitized by Google BULLETIN DK LA SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS. HUITIÈME SÉANCE. LOBAI V A«âl isie. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. '««>dK>«)^*!) Le procès-yerbal de la dernière séance est la «t adopté. OUVRAaRS OFFERTS ET DBPOSis. l^' Bulletin de V Académie royale des sciences de Belgique, t. 38, 1874, » 1875 et 40* id. 2» Annuaire id., 1875, 41« année 1876, 42* année, 74 notices biographiques. 3« Bulletin de la Sodélé des Antiquaires de Picar- die, 1876, n« 1«. 16 Digitized by Google 4^ Annales de l'académie de Màcon, t. 13, 1874- 1875* b^ Amiales de la Société histofiqu/e de Château- Thierry, 1874. 6» Btdletin de la Société d'açriciUture, sciaices et arts de la Sarthe, 1875. 7» Société littéraire de Lyon, 1876. 8« Revue des Sociétés savantes, 6» série, t. 2, sep- tembre et décembre 1875. 9* Qazfitte archéologique, 2* année, 3« et 4» livrai- son. 10<> Revue des Société savantes, 6* série, t. 3, jan- vier-février 1876. il» Société linnéenne du Nord de la Franc€î, bulletin mensuel, n® 49, juillet, août et septembre 1876. CORRESPONDANCE. M. le président donne lecture d'une lettre de M le ministre de l'instruction publique, du 29 juillet 1876, par laquelle il l'informe qu'il a alloué à la Société une somme de 300 francs. La Société vote des remercie- ments à M le ministre. M. Watelet, Tun des délégués de la compagnie à la réunion des Sociétés savantes, donne quelques ren- seignements sur des communications qu'il a faites à la Sorbonne sur divers fossiles trouvés dans le dépar- tement de l'Aisne, notamment sur un humérus très- considérable de Lophiodon. M. Watelet se propose de publier in extenso son travail qui a été l'objet d'un rapport inséré dans le journal la Naojfire (n® 164, 22 juiUet 1876, p. 116). Digitized by Google - 183 - ooifiamicATiONS et travaux. M. Branche de Flavigny lit une courte notice sur une cloche de Meillant, près de Bourges, baptisée par M. de Brichanteau» évêque de Laon. « Etant allé visiter le magnifique château de Meillant, situé près de Bourges et qui est classé au nombre des monuments historiques, je voulus visiter l'église. Une cloche neuve se trouvait sous le porche devant être baptisée quelques jours après: par M^ de Latour d'Auvergne , archevêque de Bourges. Cette cloche qui était du poids de 1750 kilos avait été donnée et bap- tisée en 1650, avec trois autres plus petites par M^ Philibert de Brichanteau, évêque et duc de Laon, parent du propriétaire du château et nommée Phili- berte. Ayant été cassée en 1875, elle venait d'être refondue ; les parrain et marraine étaient les arrières petits enfants du propriétaire du château, parents par conséquent du donateur primitif et, comme le nom de Victumien est de tradition dans la famille et porté par le parrain, la cloche a été nommée Philiherte Vtctumienne. Ms' de Brichanteau est inhumé dans la chapelle du château de Meillant. Je trouve dans l'his- toire du diocèse de Laon par j domLelong: « Beojamin de Brichanteau, évêque de Laon, mourut le 13 juillet 1620. Louis Séerniei*! doyen delà cathédrale de Paris, lui fut désigné pour successeur ; mais ayant cédé cette place à Pierre de BéruUe qui la refusa par humilité, Philibert de Brichanteau, frère de Benjamin la remplit à l'âge de 30 ans, après avoir été créé chevalier de Malte, en 1594 et abbé de St-Yincent de Laon en 1612. Il reçut les ordres des mains de l'archevêque de Bourges et fut sacré en 1620 par son parent le cardi- nal de la Rochefoucaud. » Il mourut le 21 décembre 1652, hors de son diocèse, Digitized by Google - i«4 - épuisé de vieillesse, d*austérités et de travaux, ayant été exilé pour avoir soutenu les droits de son église, et ensuite rendu aux vœux de son peuple qu'il gou- verna plus de trente ans. J'ai pensé. Messieurs, que ces renseignements pourraient avoir quelque intérêt pour vous, puisque c'est un fait d'histoire presque locale. » La séance est levée à 5 heures. Le Président, Db la Prairib. Le Secrétaire^ l'abbé Péchbur. Digitized by Google BULLETIN DB LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIEITIFIQUE DE SOISSONS. • i I ■ sas NEUVIÈME SÉANCE. I.an«il S 0«Mkre 18M. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. ■ oo p poo Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS ET DEPOSES. 1^ Un épisode de la chute des Carlovingiens, par M. E. Fleury. 2" Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie^ 2A'' année, 98* livi'aison, avril-juin 1876. 3» La Thiérache, t. 3. 4» Société des sciences^ agriculture de la Basse- Alsace, bulletin trimest., !•» trim. t. 10, 1876. Digitized by Google - 1» - 6^ Balletin de la Société cPagricuUure^ sciences de Poligniy (Jura), 17* année, n^ 7, 1876, juin et juillet. 6« Mémoires de la Société Dunherquoise, 1873-1874, 18* vol. 7« Mémoires de t Académie du Qard, 1874. 8« Ronumia, juillet 1876. 9^ Bulletin de la Société scientifique de Dragui- gnan, t. 10, 1874-1875. 10> Travaux de V Académie nationale de Reims, t. 52, 53 et 58. 11* Bulletin de la iSoce^^^ archéologique et historié que de l'Orléanais, t. 6, n« 89, 2* trim. 1876. 12« Mémoires de la Société d! archéologie du Midi de la France, séances du 23 novembre 1875 au 14 mars 1876 inclusivement. 13<> Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte^i'Or, t. 9, » Uvraison, 1874-1875. NOMINATION DB MEMBRBS. M. Morillon, membre de la Société de THistoire de Paris et de rile de France etc., est nommé membre correspondant. OORRESPONDANCB. Lettre du 29 septembre 1876 par laquelle Monsieur le Sous-Préfet de Soissons donne avis à la Société que le Conseil général, en sa séance du 22 août lui a alloué une somme de 200 fr. La Société vote des remerciments au Conseil général. Lettre du 11 s^tembre 1876 par laquelle M. le Président de la Société archéologique de la Haute- Garonne demande un écliange de publication. Adopté. Digitized by Google - 181 ^ COlfIfUmGATIOllS BT TEAVAUK. M. Branche de Flavigny ofTre à la Société pour le Musée un pavé de grès, brisé en deux morceaux pro. Tenant du pavage de sa cour et présentant sur chacun une impression végétale de fougère regardée comme rare. M. le Président donne lecture d'un compte-rendu de la Revue des Sociétés savantes par M. E. de Mo- fras, concernant V Etude sur P Arquebuse de Soissans, par M. Biscuit et un Mémoire de M. de La Prairie, sur les passages des Commentaires de César relatifs à la Civitas Suessionum insérés au t. 4 de la 2* série du Bulletin de la Société. Le savant rapporteur dit du mémoire de M. de La Prairie que ce « travail fait le plus grand honneur à son érudition > (Revue 6* série, t. 3, janvier-février 1876.) Cette mention de V Etude sur V Arquebuse dans un recueil aussi important que celui des Sociétés savantes fournit à la C!ompagnie une occasion' qu'elle saisit avec empressement de payer un tribut de regret à la mé- moire de M. Biscuit, décédé le 25 juin dernier.  peine admis dans son sein, il avait voulu payer sa bienvenue par ce travail intéressant. Il venait d'en terminer un autre sur l'ancienne corporation des Bouchers de Sois- sons et il se proposait d'entreprendre encore d'autres recherches sur les antiquités soissonnaises lorsque la mort est venue l'enlever, à la fleur de l'âge, à ses nom. breux amis et à la Société qui avait trouvé en lui un actif et sérieux travailleur. M. Piette lit un extrait du Recueil des InscriptiOM Digitized by Google - i» - de la France, par M. de Guilhermy, concernant Jean Racine, qui se TOit dans l'Eglise de Saint-Etienne-du- Mont à Paris, et Simon de Matiflàs, évêque de Paris, né à Bucy en Soissonnais. En parcourant dernièrement le recueil des inscrip- tions de la France, publié sous les auspices de M. le Ministre de llnstruction publique, par M. de Guilhermy, Membre du comité des travaux historiques et des sociétés savantes, j'ai remarqué,dans le premier volume qui est consacré aux inscriptions de l'ancien diocèse de Paris, une épitaphe qui intéresse à un haut d^ré le département de l'Aisne, c'est celle qui ornait le tombeau du grand poète qui illustra non-seulement le lieu de sa naissance, mais aussi la France toute entière, celle de Jean Racine : j'ai pensé que vous en enten- driez volontiers la lecture et que peui-être même vous seriez désireux de la reproduire dans vos bulletins afin de compléter les renseignements qu'ils contiennent déjà sur Jean Racine. Voici donc cette inscription qui est due à Nicolas Boileau, ami du grand poète et qui décore aujourd'hui l'élise de St-Etienne du Mont. D. 0. M. Hic jacet nobilia yir Joannes Racine Franci» Thesauris prœfectus Régi à aecretis atque A cabiculo, (1) nec non vnua e qaadrajinta Gallican» academiœ viria, qui post quam profana Tragediarum argumenta diù cum ingenti Hominum admiratione tractasset, musas tandem Suas uni Deo consecravit, omnem que ingenii vim In eo laudando contulit. qui solus laude Dignus. Cum eum vitœ negotiorumque rationes Multis nominibus aulœ tenerent addictuçi, tamen (f ) Trésorier de Franee, Secrétaire da Roi, GentiUiomme ordiaeire de la Chambre. Digitized by Google In frequenti hominum consortio omnia pietatis Hac reli^onis officia coluit. A christianissimo rege Ludovico magno selectus. una cum familiari Ipiius amico (1) fuerai, (pii res, eo régnante, prœclare Ac mirabiliter gestas prescriberet, huic intentus Operi repente in gravem œque et diutumum Morbom implicitus est : tandem que ab hac sede Miseriarum, in meliuss (2) domieilium translatas, Anno œtatis suœ LIX, qui mortem longiori adhuc Intervalle remotam valde horruerat, ejusdem Prœ sentis aspectum placide f rente sustinuit, Obiit que, spe multo magis et pifl in deum fiducie Ercctus, quam fractus metu : ea jactura omnes lUius amicos, e quibus non nulli inter regni Primores eminebant, acerbissimo dolore perculit. llanavit etiam ad ipsum regem tanti viri Desiderium. Fecit modestia ejus singularis, et Prœcipua in hanc portûs regii domum benevolentia, Ut in isto cœmeterio pie magis quam magnifiée Sepeliri Tellet, adeo que testamento carit, ut Corpus suum juxta piorura hominum, qtd hic Jacent, corpora humaretur. Tuvero qui cumque es, quem in hune (3) domum pietas Adduoit, tuœ ipse mortalitaiis, ad hune aspectum, Recordate, et darissimam tanli liri memoriam Precibus potius quam elogiis prosequere. Pierre, Hauteur l^SO largeur Ofil. M. de Guilhermy accompagne cette épitaphe des observations suivantes: » Une inscription sur marbre noir fixée près de la porte de la maison n* 21, de la rue du Marais St-Ger- main , (aujourd'hui rue Visconti) , rappelle que Jean (f) Nomm6 historiographe de France avec Boilean en ie77,le maonsc r de Bacine périt dans on mcendie en 1726. (2) Sic. (3) Sic. VI Digitized by Google Racme y est mort le 22 avril 1699. Il voulut être inhomé à Port Royal des Champs, au milieu de ses maîtres et de ses amis (1). Boileau lui composa une épitaphe qui fut gravée sur une dalle de pierre dont la seule décoration consistait en cet écusson, blasonné d-un cygne que la postérité aurait dû décerner au poète par excellence de la grâce et de l'harmonie, s'il ne l'avait trouvé dans l'héritage de sa famille. » Lorsque Port-Royal eût succombé, (2) l'édifice aussi bien que la doctrine, on transféra les cercueils des plus célèbres solitaires , et celui de Racine à St- Etienne du Mont, dans le caveau de la chapelle de St-Jean-Baptiste, l'épitaphe de Racine laissée à Port- Royal, fût employée,comme la plupart des inscriptions funéraires de l'abbaye, au dallage de la petite église de Magny l'Essart. C'est là qu'elle se retrouva en 1808, an pied d'un pillier près du maître autel. Dix années s'écoulèrent avant qu'elle fût remise en honneur. Enfin le 21 avril 1818, une cérémonie funèbre eut lieu à St-Etietme du Mont, pour le rétablissement des épitaphes de Pascal et de Racine, en présence d'une députation de l'Académie française et de quelques membres des familles des deux illustres défunts. L'officiant était un académicien, l'abbé Sicard, qui s'est fait un nom par ses écrits et par son dévouement à l'éducation des sourds- muets. Les inscriptions furent alors placées de chaque côté de l'entrée de la chapelle de la Vierge, un peu au-dessus du caveau qui renferme les deux cercueils. On les en retira bientôt pour lais- (1) Dans le cimetière intérieur, aux pieds de Jean Hamon, qui avait abandonné en i^SO la profession de médecin pour se reUrer k Port- Royal et qoi moorut en f687. (2) Suppression dn monastère, bulle du pape Clément XI, 1708. Ois- Ersion des religieuses f709. Ordre donné pour la démolition des timents et pour rexbnmatioo des corps. 1710. Digitized by Google ^ iSl - 8er le champ libre à une dëooration vulgaire. Nons les avons vues depuis, tantôt dans le collatéral du chevet, tantôt sur le mur occidental de la nef» auprès d'une porte de l'élise, tantôt dans le petit cloître où personne n'aurait imaginé de les aller chercher. Nous avons réclamé en leur faveur, auprès du préfet de la Seine. Elles se trouvât maintenant appliquées' aux pieds droits de la première chapelle du chœur, au sud. L*épitaphe de Racine est fracturée, on en a rajusté les morceaux sur une dalle, l'écusson en forme de car- touche, gravé an-dessus du texte, sommé d'un casque à lambrequins et accompagné de deux palmes, présente \m cygne au naturel tourné à dextre. € Ce monument si simple, exécuté par une main mal exercée, révèle mieux qu'on ne pourrait dire l'austérité des rudes chrétiens de Port-Royal. « Nous avons publié cette épitaphe avec toutes les incorrections du texte original. « Nous placerons ici entièrement, les quelques lignes tracées sur marbre noir qui consacrent le souvenir de la translation de Radine à St*Etienne du Mont. Epitaphium, quod Nicolaus Boileau, ad Amici memoriam recolendam, monumento ejas In Portûs regii ecdesia inscrip&erat ex liarum œdium ruderibus, anno MDGGGVIII Effosum. G. J. G. Cornes Chabrol de Vol vie Frœfectiis nrbi. Heic ubi summi viri reliquiœ Denno depositœ sunt, instauratum transferri Et looari curavit. A. R. S. MDGCCXVIII. (Extrait des inscriptions de la France T. l*» p. i^.) Le même recueil contient aussi Tinscription qui ornait le tombeau de Matiffits , évêque de Paris, né à Bucy-le-Long ; nous la reproduisons également avec la note qui l'accompagne et qui fait connaître la part Digitized by Google — 182 — que prit ce prélat dans la constniction de la cathédrale de Paris. Ci est leymage de bonne mémoire Simô Matiffas De Buci de le eveche de Soissons jadis esvesques de Paris Par qi forent fundôes premièrement ces trois chapeles Où il ^8t l'an de grâce M. CC. IIII^x et XYI at puis Là fit toutes les autres eavirù le oeur de oeste esglise Priés pour lui « Simon Matiffas, 83* évêque, occupa le siège de Paris pendant 15 ans, de 1289 à 1304, il avait auparavant exercé les fonctions de professeur en droit canon, d*archidiacre de Reims et de chanoine de Paris. Il mourut le 10 des calendes de juillet (22 juin) 1304. € A son titre d'évêque de Paris, Tobituairede Notre Dame ajoute celui de Conseiller du Roi, ce document énumère longuement les dons considérables que le prélat fît à son église et à divers établissements reli- gieux ou hospitaliers de son diocèse, en argent, do- maines et ornements sacrés. Nous y trouvons aussi réloge de son zèle pour l'entretien et pour la recons- truction des édifices épiscopaux, soit à Paris, soit dans les terres de Tévêché. € C'est lui qui entreprit la dernière série des travaux qui ont donné à la cathédrale de Paris . sa forme définitive, Jean de Chelles avait commencé en 1257 la réédification des façades du transept et celle de Ten- veloppe extérieure du chevet. L'œuvre demeura sans doute longtemps interrompue ; la précieuse inscription qui précède, nous apprend en efi^ct, que 39 ans plus tard, en 1296, Simon Matiffas élevait les trois chapelles du rond-point et qu'on acheva ensuite la ceinture des chapelles qui environnent le chœur. « L'inscription à laquelle nous devons ce renseigne- ment étaitplacée en dehors de la chapelle de St-Nicaise, Digitized by Google — 188 - sur une colonne de pierre polygone dont elle suit le contour, serrant de base à une statue du prélat fonda- teur. Cette pierre recueillie au musée des monuments français, puis transportée dans les magasins de régUse Si-Denis, n*est rentrée à Notre Dame qu*au mois de juin 1868, après une absence de trois quarts de siècle. Elle a repris la place qui lui appartenait ; la statue qui la surmontait a malheureusement disparu sous les coups des briseurs d'images. »  quelques pas de cette effigie, à l'intérieur delà chapelle de St-Nicaise, l'évêque Simon reposait sous un riche tombeau de marbre noir et blanc, abrité par un ajustement d'architecture qui encadrait une grande fresque d'une exécution remarquable. En 1791 le clergé constitutionnel récemment établi à Notre Dame fit enlever le tombeau dont la saillie mettait obstacle à la pose d'un confessional ; la statue fut reléguée dans la cave de la grande sacristie, où elle est restée igno- rée pendant plus de 50 ans ; c'est là d'ailleurs ce qui Ta sauvée. Cette figure en marbre blanc, restaurée avec soin, est maintenant replacée sur un cénotaphe en pierre dans le bas côté de l'abside, en arrière de la travée qui forme le fond du sanctuaire. La fresque dégagée du badigeon qui couvrait les parois de la chapelle de St-Nicaise est aussi remise en honneur ; la restauration a été habilement exécutée par M. Violet- Leduc. La vierge assise sur un tronc, portant un lys en la main gauche et tenant de la droite l'Enfant-Jésus, sourit avec grâce aux prières que lui adressent, en faveur du prélat défunt, St-Denis l'apôtre de Paris, sa tête à la main et St-Nicaise, patron de la chapelle, plus haut deux anges portent au ciel, sur une nappe d'une étoffe brillanie, l'âme mitrée de Simon Matiflfas. Si cette œuvre de haut style se rencontrait dans un cloître de Florence ou dans une basilique de Rome, elle aurait sa réputation faite à légal des excellentes Digitized by Google - 184 - madones du Oioito» ^e se tronve à Notre Dame de Paris, BOUS nos yeux et quelques rares archéologues, sont à peu près les seuls à s'arrôter uu moment devant elle. La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Prairie. Le Secrétaire, l'abbé Pécheur. Digitized by Google BULLETIH DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIERTIFigUE DE SOISSONS DIXIÈME SÉANCE. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OUVRAGES OFFERTS BT népOSÉS. V Société industrielle de Saint-Quentin et de l'Aisne. Bnlletin n» 12, août 1876. 2f^ Bulletin de la Société d'agriculture^ sciences et arts de la Sarthe, 2* série, t. 16, 24* de la collection, 1" et 2* trim. de 1876. 39 InsHtiU des. provinces. — Annuaire de Sociétés savantes de France et des Congrès scientifiques ; 4« Digitized by Google - 186 — série, 6« vol. 28«de la collection; 1876, 2« partie et Bulletin trimestriel n* 4, octobre 1876, 14« réunion des délégués des Sociétés savantes à la Sorbonne à Pa- ris, du 19 au 23 avril 1876. 4«» U Investigateur, 42« année, mai-juin 1876. 5° Société Linnéenne, n» 53, 1®' novembre 1876, 6» année, t. 2. CORRBSPONDANCB. M. l'abbé Pécheur dépose sur le bureau une médaille romaine en argent d'une belle conservation que M. Bâillon a découverte dans son jardin à côté de la Croix du Trie, à Bucy-le-Long, et qu'il le charge de donner au Musée en son nom. COMMUNICATIONS BT TRAVAUX. M. Michaux donne lecture d'une dissertation sur ce qu'on est convenu d'appeler la disgrâce de Racine, le poëte aimé de Louis XIV. n s'efforce de prouver que cette disgrâce n'a pas existé, en s'appuyant notamment sur la lettre même du poëte à Madame de Maintenon que les historiens et les critiques ont apporté en preuve de cette particularité si intéressante de la vie de Racine. La Société après s'être livrée à une assez longue discussion où elle ne paraît pas s'être rangée du côté de M: Michaux a demandé à l'honorable mem- bre un nouvel examen de la question qui ne pourra manquer de renforcer sa dissertation. M. de La Prairie donne la description détaillée d'une tapisserie provenant de la fabrique de la Sainte-Tri- nité à Paris et qui fait partie de VEœposition de VU- Digitized by Google - 137 — nion centrale. Cette tapisserie du temps de Louis XIII a été commandée par la corporation des Cordonniers de Paris et représente le martyre de Saint-Crépin et Saint-Crépinien ses patrons avec accompagnement d'ins- criptions ou légendes telles qu'on en voit généralement en ce genre d*ouvrages. Elle appartient maintenant au Musée des Gobelins. NOTE sur une tapisserie appartenant au Musée de la Manufacture des Gobelins à Paris, par M. de LA Prairie. St-Crépin etSKlrépinien sont les premiers apôtres du pays de Soissons. Pendant de longs siècles ils furent honorés avec beaucoup de dévotion par les habitants de Soissons qui avaient une grande confiance dans leur protection et qui ne manquaient pas de les invoquer dans les calamités publiques « Nemini dubium erit swmmo in honore apud Stcessionenses perpeiùo fuisse SS, martyres Crispinum tt Crispianum magnaqice eos cum fiducia ad illorum praesidium confugisse in pubhcis prœdpue necessitaiibus (Pascase Radbert). En 1133, pendant la peste qu'on appela le feu sacré ou divin ils reçurent les supplications des Soisson- nais. En 1421, on fit des prières publiques pour la paix et pour obtenir le retour du roi à la santé. A cette occasion la chasse des saints martyrs fut portée de St- Crépin le Grand à la Cathédrale, etc., etc. En lisant la vie des deux saints dans les BoUandistes j'ai été assez étonné de voir qu'ils avaient été honorés d'un culte très-fervent, par un personnage que l'on ne s'attendait pas à trouver ici : je veux parler d'Henri V, roi d'Angleterre. La bataille d'Azincourt ayant eu lieu le 25 octobre 1415, Henri V attribua sa victoire à la 18 Digitized by VjOOQ IC - 188 - protection de St-Crépin et de St-Crépinien. Et par là suite on en fît mémoire à toutes les messes où le roi assistait. Mais ce qui montre de la manière la plus évidente l'amour que les habitants de Soissons avaient pour les premiers confesseurs de la foi, dans leur pays, ce furent les monuments ou plutôt les abbayes qui furent élevés en leur honneur. Il y eu en même temps à Soissons: St-Crépin. le Petit, St-Crépin le Grand etSt- Crépin-en-Chaye. Que reste-t-il deces établissements ? Du premier absolument rien, des deux autres des bâtiments encore considérables, mais d'une construc- tion trop peu ancienne pour présenter de Tintérêt. Les guerres et les révolutions ont fait disparaître les chasses très-riches, qui, à diverses époques, ont contenu les reliques des saints. Les cordonniers de notre ville s'étaient formés en confréries, sous l'invocation de St-Crépin et de St- Crépinien ; quels souvenirs nous ont-ils laissé de leur dévotion à leurs saints patrons? deux statuettes en bois du xvi** siècle (?) qui n'ont pas un grand mérite, données au Musée de la ville par un vieux cordonnier, lequel a dit qu'elles étaient avant la Révolution, portées dans les processions. Le Musée ne possède que ces deux objets et la Cathédrale elle-même ne possède absolument rien. Cet oubli d'un peuple pour des hommes longtemps aimés et honorés, a quelque chose de triste; ici il est fâcheux, parceque leur vie a été liée à l'histoire de notre pays et que tout ce qui vient apporter de la lumière sur les premiers temps de cette histoire, pré- sente un grand intérêt. J'arrive à l'objet de ma note qui ne présente pas un grand intérêt, mais qui est motivée par la pauvreté de notre ville en souvenirs de St-Crépin et de St-Crépi- nien. Digitized by Google - i89 - L'exposition der Canton centrale ouverte àParis depuis trois mois, présente aux yeux des connaisseurs, la plus belle et la plus complète collection de tapisseries anciennes et modernes qu'il y aura peut-être jamais. En me promenant dans ces immenses galeries, mes regards s'arrêtèrent sur une grande tapisserie que le livret désignait ainsi : € Tapisserie de Paris ;Règne de Louis XIII, atelier de la Trinité, légende des Sts-Crépin et Crépinien. Musée des Gobelins. » Cette tapisserie porte quatre inscriptions, une en haut et trois en bas. P Inscription du haut; » Régnant Lo vis le Juste « XIII» de ce nom roy de France et de Navarre, Ces « quatres piecsses de tapisserie représentant la vie et « le martyr des Sts-Crepin et Crepinian ont esté faict « es années 1634 é 35 des bienfaits des maistres cor- « donniers pour servir é décorer leur chapelle fondée € en réglize N. D. de Paris. 2« l"^» inscription du bas. « St-Crépin et Saint-Crepi- « nian enfans d'un Sénateur Romain après avoir vêdu « et distribué leurs biens aux pauvres viennent en € France 30 £• Inscription du bas : « Arrivez qu'ils sont à « Soissonsla nécessité les contraint déployer le travail « de leurs mains é d'apprendre d'eux mesme à faire € des souUiers. » 4** 3« inscription du bas : « Les Epêreurs entendant < qu'ils etaiet cretiens les donnes au provost qui les « fait pouUier par dessous les escelles et fovetter « cruellement. » La première scène à gauche les représente faisant l'aumône à un pauvre.  la seconde, on voit l'un des deux saints travaillant du métier de cordonnier qu'il vient d'apprendre et derrière, deux personnages, qu Digitized by Google - i40 - paraissent venir Tarrêter. Au-dessus les saints sont encore représentés occupés à faire des souliers. Au centre deux empereurs portant sur la tête une couronne radiée sont assis sous un dais» orné de draperies : plus bas, sans doute le provost, est égale- ment assis. Les saints comparaissent devant les empereurs. Derrière un personnage portant un turban et vêtu d'une robe rouge parait à genoux. En dessus on voit dans de plus petites dimensions les empereurs toigours sous un dais et vis à vis une potence à laquelle deux personnages paraissent suspendus. Enfin au-dessous on voit les deux saints dont il est difficile de déterminer Faction. Toujours les deux saints sont représentés comme de très jeunes-hommes. Je termine en reproduisant le renseignement suivant dont je ne me rappelle pa^i l'origine : « Histoire de € St-Crépin et St-Crépinien. Pièce d'une suite de quatre « tapisseries divisées chacune en trois parties dont le « sujet est inscrit au bas de chaque compartiment. « Trois de ces tapisseries ont été détruites en 1871. € Une d'elles indiquait que les tapisseries sortaient < de la fabrique de la Trinité. » La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Pbairib. Le Secrétaire, l'abbé Pbchbur. Digitized by Google BULLETIN OK LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOG'IQUE HISTORigUE ET SCIEITIFIQIE DE SOISSONS. ONZIÈME SËANCE. Lvadl « DéMHAre isvs. Présidence de M. DE LA PRAIRIE. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. NOMINATION DB MEMBRES. Monseigneur Odon Thibaudier, Evêque de Soissons et Laon et M. le Vicomte Femand de Montesquieu, conseiller d'Etat, propriétaire à Longpont, sont nom- més Membres titulaires de la Société. OUVRAGES OFFERTS ET DEPOSES. lo Le Thiérache, Bulletin de la Société archéolo- gique de Vervins, 1876. Digitized by Google - 14S - 2« Vlnoestigateur, 42* année, jnilleiraoût 1876. Z^ Mémoires de la Société d*archéol(^e et d'histoire de ChâlonsHSur-Saône 4« Table générale de la Société archéologique et his- torique du Limousin, \^ série, t. 22», 1843-1873. 5<» Les forts détachés au Moyenràge, leur existence à Nesle du IX — XV^ siècle par M. Charles Duhamel, Décéjean, 1876. 6<> Bulletin de la Société des sciences de TYonne, année 1876, 13 vol. (16' de la 2« série). 7'' Bulletin de la Société des Antiquaires de Picar- die, 1876, n« 2. ff* Procès-Verbal de la Société des Lettres, Sciences et Arts de rAveyron, 10 vol. du 1«' juillet 1874, au P' juillet 1876. 9^ Société des sciences, agriculture et arts, de la Basse- Alsace, Bulletin trimestriel de la Société et de la Section agronomique, 2* et 3» trimestre, t- 10. 10» Chronique de V Abbaye de Saint-Pierrele Vif de Sens. 11» L'abbaye noble de Sainte-Gertrude, de Louvain par M. Alph. J. — L. Jacobs. CORRESPONDANCE. Lettre du mois de novembre 1876, par laquelle M. le président de la Société belge de Géographie, demande un échange de publication. Adopté. Lettre du 8 novembre 1876, par laquelle M. le Se- crétaire de la Société des Lettres, Sciences et Arts de TAveyron demande également un échange de publica- tions. Adopté. Digitized by Google - U8 - OOMMUmCATIONS BT TRAVAUX. M. Piette lit un mémoire sur les dalles tumulaires des églises de Ghaudun et Vierzy (cantou d*Oulchy). II fait précéder ce travail, accompagné de dessins d'une parfaite exactitude, d'observations générales sur la destruction et la mutilation de ces pierres qui sont des monuments si précieux au point de vue historique archéologique, artistique, religieux et épigraphique. Il rend aussi pleine justice aux Sociétés savantes et à celle de Soissons en particulier, pour le zèle qu'elles ont mis à signaler ces monuments, à les arracher à des actes de vandalisme trop fréquents même en ce siècle, à les faire conserver dans les édifices religieux où elles se trouvent et à les collectionner dans leurs mu sées, lorsqu'on ne peut employer d'autfes moyens de les préserver de leur ruine. Digitized by Google - 144 - LES PIERRES TUMULAIRES DES ÉGLISES DE CHAUDUN ET DE VIERZY. Oa voyait autrefois, dans la plupart des églises du Soissonnais, de nombreuses dalles tumulaires qui il- lustraient en quelque sorte le pavé de leur enceinte. Là le haut et puissant seigneur, le pasteur de la paroisse, le marguillier, le laboureur, le modeste fonc- tionnaire et souvent le simple artisan, dormaient pour ainsi dire côte à côte, dans le silence de la tombe, sous la pierre qui retraçait leur image et redisait leurs noms, leurs qualités, leurs titres, leurs vertus et quelquefois leurs bienfaits. C'était comme un livre toujours ouvert, dont chaque page rappelait une date , un souvenir qui reliaient le passé au temp^ présent et perpétuaient des traditions toujours utiles. Malheureusement ces monuments épigraphiques placés, pour les mettre plus en vue, dans la partie la plus apparente soit du chœur, soit des chapel- les ou de la nef, éprouvèrent de bonne heure les dégradations résultant du frottement incessant des pieds des fidèles, qui dans un temps donné, devaient faire disparaître fatalement leurs effigies et leurs inscriptions. Mais ce ne fût pas là le seul danger dont ils eurent à souffrir. Les guerres du xvs du xvi* et du xvn« siècle en firent disparaître un grand nom- bre; les réparations et les appropriations trop souvent maladroites que nos églises éprouvèrent, à dif- férentes époques, particulièrement sous le règne de Digitized by Google — 145 -. Louis XV.leur forent aussi très-souvent nuisibles. Pour mettre ces édifices en harmonie avec le goût du temps, les inscriptions funèbres placées sur {les mu- railles disparurent sous les couches du badigeon ou sous l'épaisseur des boiseries, les grandes dalles his- toriées du chœur et des chapelles quand elles ne furent pas brisées furent déplacées et reléguées dans Tombre pour faire place à un nouveau dallage, espèce de marqueterie régulière soit en marbre^ soit en pierres dures, imitée de nos salles à manger. La pose d'un meuble, d'une grille, d'une marche, d'un autel devin- rent aussi, dans le même temps, une cause fréquente de destruction pour le pavé historié de nos églises. La Révolution de 93, qui vint à son tour, fût pour eux un temps désastreux. Ce fut surtout dans les villes et dans les abbayes que les briseurs d'images exercèrent leurs ravages, toutes les églises, ainsi que les monastères, sauf quelques édifices privilégiés conmie les cathédrales de Noyon et de Laon virent périr ce qui restait de leur dallage historique. Dans les églises de campagne les ravages furent moins complets»grâce au respect instinctif que,malgré la surexcitation des esprits, l'homme des champs avait conservé pour le temple témoin des principaux événe- ments de sa vie. Ces modestes édifices eurent aussi sans aucun doute des pertes sensibles à enregistrer, mais si quelques-unes de leurs dalles funéraires furent brisées, si quelques-unes furent martelées en totalité ou en partie, un certain nombre traversa l'orage sans en être atteint et arrivèrent jusqu'à notre âge pour courir de nouveaux dangers, car, pour ces sortes de monuments, les travaux de la paix sont aussi à re- douter que les ravages de la guerre et des révolu- tions. Dans les premières années du xix- siècle, les églises longtemps abandonnées furent rendues au culte, dans 10 Digitized by Google - 146 — Un état voisin de la ruine. Sous TEmpire et sous la Restauration, elles furent réparées avec plus d'empres- sement que d*intelligence et trop souvent avec plus de zèle que de goût. Livrées à des architectes, à des entrepreneurs, à des maçons, peu soucieux comme tout le monde alors, de l'art, de l'histoire et des monuments, elles subirent, sous les yeux mêmes des autorités inattentives et des populations indifférentes, de nombreuses mutilations qui, comme sous le règne de Louis XV, furent surtout fatales à leurs pavés artistiques plus peut-être que la révolution. Si des renseignements nombreux et toujours concor- dants n'établissaient pas la certitude des dégradations qu'éprouvèrent les pierres tumulaires dans de nom breuses circonstances, tout-à-fait indépendantes des temps révolutionnaires, et qui malheureusement ne se sont que trop souvent reproduites de nos jours ; on la trouverait dans le soin, la régularité, la méthode, avec lesquels les pierres tumulaires ont été débitées pour être appropriées à un nouvel usage ; la révolution a brisé et renversé avec violence, mais elle a laissé les débris sur le sol pour témoigner de sa puissance. Il a fallu, au contraire, le calme, la réflexion, le calcul et surtout la prévision de l'emploi qu'on leur destinait pour avoir taillé et scié les tombes dont nous retrou- vons aujourd'hui les fragments sur tous les points de nos églises et jusqu'aux pieds des autels, sans que les lignes de leurs effigies et les caractères de leurs légendes, aient été altérés. C'était aux Sociétés savante^? des provinces que devait incomber le soin de mettre un terme à cette dévasta^ tion et de préserver de la ruine ceux de ces monu- ments conservés jusqu'à nous. Elles ne firent pas défaut à leur mission, grâce à leur intervention , beaucoup furent sauvés. Et si leur protection éclairée n'eût pas partout et toujours le succès qu'elles étaient en droit Digitized by Google - 147 - d'espérer, elles purent au moins relever, dessiner et décrire les monuments prêts de disparaître et les pages qui leur ont été consacrées ne sont point les moins intéressantes de leurs annales. La Société de Soissons n'est pas restée étrangère à ce mouvement, ses effoi"ts ont toujours tendu à ré- pandre, autour d'elle, des idées et des conseils utiles pour la conservation des monuments et particulière- ment des pierres tumulaires , déjà aussi , elle a recueilli un certain nombre d'inscriptions qui tiennent une place honorable dans ses buDetins. Malheureu- sement, on ne les a considérés jusqu'alors, que sous le rapport historique, sans tenir compte des détails artis- tiques qui les accompagnent ; quelques-unes n'ont été indiquées que d'une manière sommaire ou incomplète et le plus grand nombre est encore resté dans l'oubli. Il y a là dans les travaux de la Société de Soissons un vide qu'il importe de combler. Je n'ai pas la prétention de vouloir remplir cette lacune, en eussai-je le désir, mon grand âge, mes yeux qui s'affaiblissent, ma main qui commence à trembler ne m'en laisseraient pas la faculté. Si je viens aujourd'hui vous communiquer sur ce sujet quelques notes recueillies à la hâte, dans mes fréquentes périgrinations à travers le soissonnais, si je fais passer sous vos yeux quelques dessins défec- tueux mais qui cependant, mieux que mes descriptions, vous donneront une idée exacte des monumentls dont je vais vous entretenir, c'est que je désire vous faire connaître Tétat de dégradation et de ruine dans lequel ils sont tombés et vous inspirer la pensée de vous en occuper sans retard soit en les décrivant, soit en les reproduisant par la gravure ou la lithographie, car pour peu que l'on tarde, ces monuments dont la conservation est réclamée, non-seulement par l'art et l'histoire, mais aussi par un intérêt moral et religieux Digitized by Google - 148 - no seront bientôt plus pour nous qu*un souvenir et qu'un regret. Je commence donc aujourd'hui par vous entretenir des églises de Chaudun et de Vierzy qui, sous le rapport des inscriptions présentent un certain intérêt. ÉGLISE DE CHAUDUN. L'église de Chaudun est un petit édifice remanié dont ses parties principales et les plus anciennes, ne remontent pas au-delà de la fin du xv' siècle. Au-des- sus de la porte d'entrée figure le millésime de 1564 ; elle faisait autrefois partie du doyenné de la chrétienté, sous le patronage de St-Georges et formait un bénéfice à la nomination de l'abbaye de St-Jean des Vignes qui y entretenait un de ses religieux, sous le titr^ de prieur. La première inscription qu'elle offre à nos regards est placée sur la muraille extérieure, à droite du portail et à une hauteur de 2 m. 50 c. environ, elle est en caractères gothiques et comprend huit lignes, où plutôt huit vers, ou bouts rimes dont l'usage était assez fréquent au xvi« siècle. Malheureusement le salpêtre qui a rongé la partie centrale de la pierre a fait presque entièrement disparaître deux lignes dont Digitized by Google o O m 5: Ci ^ S ^ ^ » 6 r^ ^ iwv NOS TjAoa Ajia zaï-ui riLS DE KOBEKT M MîSVlLlETlS Digitized by Google Digitized by Google - 149 ~ il est devenu trd(9-difflcile de rétablir le sens. Void l'inscriptionteUe qu'on peut la lire aujourd'hui. 3e qui nourris mr0 ûm à Siainclt 1ia}ft%ùnit octoj^tnaire viM à 0i)au2>ati^ it et monbt nn iimanc\)t partis^ vitij^tthiu iour it Mai (Mil) cinq rme Jatimnap pour fairr don àvxi vtnine à TÙien^ Bon rorpd à pouriturr. U0tt0 qni en ce temple entte) 0oir tl matin prie) ponr moi qui fut ti)oma0 0ertin. (1) Quand on pénètre dans l'église on est surpris de la grande quantité de fragments de tombes qui parsèment le pavé de la nef et qui semblent, par le caractère de leur ornementation, appartenir au xvii* siècle, mais ce qui frappe surtout, c'est une série de cinq ou six dalles placées à la suite les unes des autres et occu- pant l'allée centrale, depuis la porte jusqu'à l'entrée du chœur, il n'est pas difficile de comprendre qu'elles se trouvent là dans des conditions de conservation les plus défavorables, aussi plusieurs d'entre elles subis- sent-elles déjà de nombreuses oblitérations qui laissent prévoir le moment prochain où elles deviendront illisibles. La première, de 1 m. 80 c. de hauteur sur 80 c. de largeur, représente un personnage jeune encore, debout, les mains jointes sur la poitrine, la tète nue (I) Bien que cetfe inscription ait déjà été publiée dans le Bulletin de la Soctéié de Soissons, Je la reproduis ici ponr présenter nn ensemlile complet des inscriptions de Chaudnn. Digitized by Google — 150 - avec la barbe entière, mais peu fournie. Son cou est entouré d'une fraise haute et plissée, dernier souvenir du temps de Henry IV ; il est vêtu d'une culotte serrée au-dessous des genoux par des nœuds de rubans, d'une veste ou juste-au corps terminée en pointe et d'un petit manteau entrouvert par-devant qui descend seulement jusqu'au milieu des cuisses, ses souliers -sont ronds et ornés de cordons ou rubans. C'est là le costume type du laboureur ou du censier, c'est-à-dire du cultivateur aisé de nos campagnes, au xvn* siècle. Nous le retrouvrons, à quelques variations près, pres- que toujours le même, dans un grand nombre de nos églises. L'effigie n'a pas d'autre encadrement que la bordure de la pierre qui porte entre deux fllets, l'inscription suivante: CT GIST LE CORPS DE JEAN DE MESVILLBRS, AGE DE 22 ANS NATIF DE CŒUVE, FILS DE ROBERT DE MESVJLLERS ET DE MARGUBRITTE CARRIERE LEQUEL TRESPASSA LE 27 DE NOV. 1627. PRIEZ POUR SON AME. À la suite de cette pierre, nous en trouvons une de 1 m. 12 c. de hauteur sur 0,61 c. de largeur, dont l'ornementation consiste dans un socle ou piédestal carré qui occupe les deux tiers de sa surface et se termine par deux moulures et une corniche dont la tranche présente un enroulement de feuillage, sur la corniche est posé un médaillon de forme ovale soutenu par des rinceaux et des palmettes feuillagées, le défunt est représenté en buste raccourci, sans bras, les cheveux légèrement pendants. Son vêtement paraît fermé par une double rangée de boutons, un large col plat s*étend sur sa poitrine et sur ses épaules. Digitized by Google V£6lSt HONtr»» Pf)lS»MN& nm 0!PONcnfucri]!UKnu: usitAMon u^m tvr ^um Digitized by Google Digitized by Google ~- 151 - L'inscription qui occupe toute la hauteur du piédestal est ainsi conçue : CY GIST HONNESTK PERSONNE JEAN ODONCEL NATIF DE NULLY SAINT FRONT FERMIER DE M' DESMARETS , LEQUEL EST DECEDE LE 30 SEPTEMBRE 1668 AGE DE ANS PRIEZ DIES POUR LE REPOS DE SON AME. L'ornementation pleine de sobriété et de bon goût de cette dalle est évidemment l'œuvre d'un burin habile et la finesse des traits de Tet&gie ne permet pas de douter que son auteur n'a pas voulu représenter une figure banale, mais qu'il nous a donné le véri- table portrait de Jean Odoncel. La dalle qui vient ensuite nous représente paie- ment le portrait du défunt dans un médaillon circu- laire. Cette fois, le médaillon placé au centre de la dalle est suivi immédiatement de sa légende, ils ont tous deux, pour encadrement un portique composé de deux colonnes sur lesquelles sont figurés deux longs cierges allumés, les chapitaux carrés des deux colonnes supportent un entablement au-dessus duquel s'élève un tympan triangulaire dont les deux côtés supérieurs se recourbent en volutes pour faire place à un écusson orné de ses lambrequins et sur lequel on ne peut plus reconnaître qu'un cœur posé en chef. Une bordure semée de larmes complète l'ornementation. Digitized by Google - 152 - La flgare qui occupe le médaillon est posée de face, les mains jointes sur la poitrine, elle a pour coifliire une espèce de bonnet qu'on pourrait prendre pour une toque de magistrat, un lai^ col plat couvre la partie supérieure de son vêtement, dont il n'est plus possible de déterminer la forme, mais qui pourrait être une robe. L'inscription ne nous éclairera pas plus sur le nom du personnage que sur ses titres et sa qualité, on n'y distingue plus que les mots qui suivent : CT 01 HÔHB NICOLAS 1661. AO DB 40 ANS. PBIBZ DIBU POUR SON AMB. Cette dalle, travaillée comme la première avec une grande fermeté de burin, ne lui est antérieure que de sept années, il est vraisemblable qu'elle nous montre également un portrait et qu'il est dû au même artiste que nous regrettons de ne pas avoir vu signer son œuvre. La tombe la plus rapprochée du chœur nous offre un sujet de décoration tout différent. Sous une large arcade surbaisée, on voit le christ en croix, à sa droite sont deux hommes à genoux, le père et le fils, vêtus de la culotte et du manteau court, à gauche se trouvent la mère et la fille, très-simplement habillées. Ces quatre personnages ont les mains jointes dans Digitized by Google Digitized by Google Digitized by Google j» - ,{» Digitized by Google Digitized by Google — 158 ^ l'attitude de la prière, un chapelet pend aux mains des deux femmes. Au-<iessous ont lit: CI DEVANT aiSSBNT LES CORPS DE M" ROBERT DE MESUILERS FERMIER DE LA GRANDE MAISON DE CHAVDVN NATIF DE VAVBERON ET DE MARGUERITTB CARRIERE SA FEMME NATIVE DE CCSUVE LESQUELS SONT DECEDEZ LE DIT MESUILERS LE 15 FEVRIER 1646 ET LA DICTE CARRIÈRE LE 17 JANVIER 1642 ET ONT FÔDÉ EN CESTE EGLISE 4 OBITS A PERPETVITE POVR CHACVN AN LE JO' DE LEVES TREPAS TANT PO' LE REPOS DE LEURS AMES Q CELVI DE JEAN ET DE MARGUERITTB DE MESUILÈBS LEVES ENFANTS LESQUEI^ SONS INHVMES EN CE MEME LIEU ET CB SUR DEVX PIECES DE TERRE LVNE SISE A LA VALLEE LUSSERON L*AUTRE PRES DV BOIS DE CHAZELLES CÔME IL EST DECLARE PLVS BMPLEMENT ANT PAR TESTAMENT Q PAR CONTRATS PASSEZ PAR DEVANT GOSSET ET FOVCART NOT'» ROYAUX ASOISSONS. A LA CHARGE d'VNE MESSE HAVLTE ET VNG LIBERA PO' CHACVN OBIT AVEC RECOMMANDISES Priez Dieu pour leurs âmes Une tête d'ange ailée planant au-dessus d'une draperie étendue et soutenue par deux anneaux, complète Tornementation de la tombe de Robert de Mesvillers et de sa femme. Nous avons décrit plus haut la tombe de Jean de Mesvillers, leur fils, mort à l'âge de 27 ans, dix ans avant son père. La dernière sépulture qui nous reste à signaler dans l'église de Chaudun est aussi la plus ancienne, c'est une dalle de 1 m. 30 c. de hauteur sur m. 70 c. de largeur, elle porte l'effigie d'une femme debout Digitized by Google — 154 — les mains jointes, la tête ornée d'une coîflfure plate v?ont les bandes descendent derrière les épaules, elle est couverte d'un ample manteau qui descend jusqu'aux genoux, laissant entrevoir une robe montante et serrée à la taille. A ses pieds sont également debout et les mains jointes, ses deux enfants, à droite un garçon et à gauche une petite fille. L'arcade à plein ceintre, qui forme l'encadrement, ornée de rinceaux à son som- met, s'appuie par ses extrémités sur la plate bande qui porte pour inscription en lettres gothiques : (ti) 0i6t Bvisannt. . . brrtte . . . î»c {) tcrrr tDf nr lie . Mît mari laboureur à la cen^r du ct)nnm laquelle tre6pad0a le 10 Ire mard Van 1S7S. ÉGLISE DE VIERZY. Le village de Vierzy ressortissait anciennement du doyenné de Chacrise, et sa cure, sous le patronnage de St-Rufln et de St-Valère, était à la nomination du chapitre de la cathédrale. L'église, comme celle de Chaudun,ne paraît pas avoir précédé de beaucoup le commencement du xvr siècle, elle ne nous offre guerre d'intéressant dans son architecture que son chœur polygone, percé de fenêtres prismatiques, ornées d'oves flamboyants de la dernière époque. Ce qui la recommande pariiculièrement, ce Digitized by Google — 155 — sont neuf pierres tumulaires qu'on trouve disséminées sur différents points de la nef et des chapelles. Mais avant de les décrire, nous signalerons, sur la muraille latérale . gauche de la nef , l'inscription suivante en beaux caractères gothiques parfaitement conservés : Ci 0i6t l)onfdt pttêàne loid (trrdpin tu 00 vivat lahovLxenv à Dûnt) Uqurl treepaeda U XXII' tour Vawil M. D' 0Otfantf rt lrcjr-l)uit7 prie; Wien pour son ame 3.ntl)Qinf DiUart. Cette inscription de 50 centimètres de hauteur sur 30 de largeur, longtemps masquée sous le badigeon, n'a été découverte qu'en 1874, lors des réparations faites à l'église. Elle est entourée d'un simple fllet et n'a pour ornement à sa base que deux mains jointes sortant de deux nuages. Il est probable que les mots Anthoine Villart qui la terminent nous indiquent le nom de l'artiste qui l'a gravée ou celui du parent ou de l'ami qui Ta fait exécuter. Sur les neuf pierres tumulaires conservées dans l'église de Vierzy, deux sont tellement oblitérées qu'il n'est plus possible d'y rien déchiffrer, deux autres sont aussi fort détériorées, mais elles laissent encore lire néanmoins une partie de leurs inscriptions et distinguer quelques traits des effigies dont elles étaient ornées. Ces deux dalles, placées dans le haut de la nef Digitized by Google — 156 - près de rentrée du chœur, se trouvent, suivant toute apparence dans leur position primitive et couvrent les restas de deux curés de la paroisse dont elles nous montrent l'image revêtue de ranqien costume ecclé» siastique, c'est-à-dire de la tunique ou dalmatique descendant en pointe par-devant et d'une longue robe flottante, dont les plis onduleux retombent gracieuse- ment sur les pieds, costume qui rappelle celui des évêques et des abbés du xm« et du xiv* siècles tels que les sceaux de cette époque nous les font connaître. Les bancs à demeure fixe qui couvrent la portion supérieure de ces deux dalles ne nous ont pas permis de connaître les noms des personnages qu'elles abritent on ne peut lire aujourd'hui sur la première, placée du côté de l'évangile, que ces mots en caractères gothiques : Ja^id cuvé ie Ceatid leqvLti tvtspawa le VHP \onx ic juillrt MK ID^ XXIX • . pricj 5Hrn pour. . . Sur la seconde qui occupe le côté de Fépitre, on lit: Curr dr Crans lequd est iiciié U XVI* jour bu mis U juilUt M.D^ rt VIII.,. Un jour le déplacement des bancs permettra sans doute de voir la partie supérieure de ces deux dalles qu'on retrouvera peut être intactes, mais alors leurs parties inférieures auront disparues entièrement, elles resteront par conséquent toujours incomplètes. Digitized by Google Digitized by Google lUAW'd-UX a^TTtnCaftSKnuTifl Digitized by Google - 157 - Entre ces deux tombes on en remarque une autre parfaitement conservée et placée transversallement à Taxe de l'église, indice certain d'un déplacement antérieur, elle porte en légende : CI GIST HONORABLE PERSONNE CHARLES DANRE VIVANT BECEPVEUR DE LONGPONT EN PARTIE LABOUREUR DES FERMES DE MOREMBEUF LEQUEL DÉCÉDA LE 26® JOUR DE DECEMBRE 1624 PRIEZ DIEU POUR SON AME. Charles Danré dont la famille était connue à Sois- sons, dès la fin du xvi" siècle et qui compte encore aujourd'hui d'honorables représentants dans la haute culture du Soissoimais, est figuré debout, la tête découverte, les mains jointes, sa lèvre supérieure est ornée de fines moustaches et son menton garni d'une barbiche taillée en pointe ; il est revêtu du costume traditionnel, manteau court et plissé ouvert par-devant laissant entrevoir des culottes serrées aux gonoux et un juste au corps, arrondi avec deux larges poches sur les côtés. L'ornementation est complétée par une arcade à plein ceintre qui encadre la tête et repose sur deux consoles appliquées contre les plates bandes de l'inscription. Tandis que des rinceaux de feuillages et de fruits remplissent le vide laissé entre elle et les angles supérieurs de la dalle. Une sépulture du môme genre, moins ornée cepen- dant, se remarque dans le haut de la nef, elle lous montre encore TeflAgiedun laboureur, debout, la tête nue et les mains joiutas. Son vêtement consiste en une large houppelande descendant jusqu'à mi-jambes, avec des manches pondantes et un vaste collet rabattu qui couvre les épaules. Elle n'a pas d'autre encadre- Digitized by Google - 158 ~ ment que sa bordure en lettres gothiques sur laquelle on lit : CI GIST HONNÊTE PERSONNE JEAN CREPIN EN SON VIVANT LABOUREUR A VIERZY LEQUEL TRESPASSA LE 18« JOUR DE JUIN 1526 PRIEZ DIEU POUR SON AME. Un peu plus bas, du même côté de l'église, vis-à-vis de la petite porte latérale qui ouvre sur le nord, c'est la pierre sépulcrale d'un ecclésiastique qui frappe les regards, elle mesure 1 m. 90 c. de hauteur sur une largeur de 30 centimètres, enlevée de sa position pri- mitive pour être employée à des usages profanes, elle a subi de grandes mutilations avant de revenir occu- per la place où nous la voyons aujourd'hui, la bordure de droite portant une partie de l'inscription a été sciée dans toute sa longeur et une large échancrure a été pratiquée dans sa partie centrale. Malgré ces mutila- tions elle présente encore un certain intérêt. Son enca- drement, tout entier de la renaissance, se compose de deux pilastres carrés semés de lozanges et de quatre feuilles, celui de droite chargé eu outre d'un calice. L'entablement à trois faces porte ces mots respire fineni, il est surmonté d'un ornement en forme de coquille couronné d'un large fleuron et acosté de deux vases d'où s'échappent des flammes, des enroulements de feuillages remplissent les angles. Le défunt est revêtu à peu près du même costume que ceux que nous avons décrits tout à l'heure, seulement il porte au bras gauche le manipule dont on voit les extrémités frangées au- dessous de l'échancrure de la pierre et sa tunique est bordée d'un galon sur la devanture, ses mains,si on en juge par la position du bras droit, devaient soute- nir, non le calice, symbole de ses fonctions que nous voyons sur le pied droit dé la tombe, mais très pro- Digitized by Google Digitized by Google ;y GÏ5T VEUl-MîiU îTDlSCiîtS -^AOTA lOl-UgN^A.!! V^SYA^lUX Digitized by Google - 159 — bablemeat le livre des évangiles. On lit sur les trois tranches conservées de Tinscription : CY GIST HONORABLE PERSONNE TRÉPASSA LE VENDREDI 1«' JOUR DE lUING M De IIII" VU. PRIEZ DIEU POUR SON AME. Dans la partie opposée de la nef, du côté du midi, nous trouvons une dalle à double personnage dont rinscription suivante en lettres gothiques bien con- servées nous donne les noms et la profession : CI GISSENT HONRABLE PERSÔNE ANTOINE CAHIFR ET GNE ARCHIN, VIVANT CENSIER A MOREMBEUF LEQUEL CAfflER MOURUT LE 18 OCTuBRE 1568 ET LADITE ARCHIN LE 9 OCTOBRE 1557 PRIEZ DIEU POUR LEURS AMES Les quatres angles de cette inscription sont ornés de médaillons effacés sur l'un desquels on voit encore un ange soutenant une banderoUe. Archin est repré- senté la tête nue et les mains jointes, le corps, enveloppé d'un long vêlement dont les extrémités inférieures se relèvent légèrement pour laisser entrevoir, une. dou- blure d'hermine et qui par sa forme, sauf les .manches larges et pendantes, ressemble beaucoui) à nos * robes de chambre modernes. Sa femme porte le simple costume des femmes de la campagne, un bonnet à bandes plates flottantes, un jupon et une camisole serrée à la taille dont les basques retombent sur les hanches. Ces deux figures sont encadrées par des,colonettes à Chapiteaux ioniques, soutenant une plate bande sur laquelle est posé un médaillon de forme elliptique ayant pour supports deux anges aux ailes éployées posant un genoux en terre. Digitized by Google - 160 - Le capucin vêtu de sa robe de bure et de son capu- chon qui occupe le champ du médaillon peut faire con- sidérer cette ornementation moins comme un emblème héraldique que comme une fantaisie, une allusion au nom patronimique d'Antoine Cahier. C'est aussi dans cette partie de l'élise que se trouve la tombe la plus remarquable que nous ayons à signaler dans l'église de Vierzy. Cette tombe qui se distingue moins par la richesse de son ornementation que par l'importance de la personne en la mi^moire de laquelle elle a été érigée, est celle de Catherine de Bourbon, fille aînée de Jacques de Bourbon, bâtard de Vendôme (1) et de Jeanne de Rubempré qui épousa Jean Destrées, capitaine des gardes du roi, à qui elle fut, dit-on, accordée, en récompense du service qu'il avait rendu à Jacques de Bourbon en lui sauvant la vie dans un combat. Jean Destrées, était alors Seigneur de Coauvres et de Vierzy, c'est en cette dernière qualité qu'il est dé- signé dans les lettres patentes, datées de St-Germain- en-Laye, le l®"^ juin 1547, par lesquelles le roi Henri II, le charge de fortifier Monthulin pour la sûreté des frontières de Picardie. Ce fut un des plus habiles et des plus expérimentés capitaines de son temps et les ser- vices signalés qu'il rendit dans les armées sous les rois François I®', Henri II, lui valurent les charges de grand maître de l'artillerie de France et de gouver- neur de Bo'ilonnois. Il fit de longs séjours à Vierzy avec sa femme Catherine de Vendôme et il n'y aurait peut-être pas de témérité à les regarder tous deux (f) Jacques de Bourbon comte de Vendôme, seigneur de Ligny, et de Bonnevalles, êlait conseiller et chambellan du roi, gouverneur du Valois et du Vandomois, capitaine d^Arcet Bailly du Vermandois. Ou lit dans la chronique de Longpont, qu'il fit don à co.tle abbaye d'un ornement en soye brodé de fleur t de Ivs d'or. l\ mourut le I" octobre 1326 et fut en- terié dans la chapelle de la vierge de Longpont. sous une tombe élevée de terre. Sa femme qui lui survécut plusieurs années fut inhumée au même lieu. Digitized by Google 1 Digitizedby Google ^^9(u;cmoo ^\ "A niauoui ii3U(OiT?n5^i!lf^ Digitized by Google - 161 — oomme les restaurateurs du château qui nous montre encore aujourd'hui avec les restes de construction du XIV* siècle, les plus beaux spécimens de l'architecture de la renaissance. C'est dans ce château que mourut Catherine de Ven- dôme, le 30 mai 1538, dans un âge peu avancé. Lais- sant à son mari deux enfants, Françoise, mariée à Philippe de Longueval et Antoine qui fut le père de Gabrielle d'Estrées. Jean d'Estrées, pour conserver la mémoire de sa femme, fit, suivant l'usage du temps , graver son image sur une large dalle destinée à couvrir sa tombe et dans la pensée, sans doute, de se réunir un jour à elle dans la même sépulture, il fit aussi graver son portrait sur la même dalle. Ses intentions sous ce rapport ne se réalisèrent pas. Jean d'Estrées mourut au château de Cœuvre le 23 octobre 1571, à l'âge de 85 ans, ayant survécu 33 ans à sa femme. Soit à cause des guerres civiles et étrangères qui sévissaient alors, soit à cause de la religion réformée qu'il avait embrassée par suite de son intimité avec le roi de Na- varre, son corps ne fut pas transporté à Vierzy, il fut inhumé dans l'église de Cœuvre et Catherine de Bourbon demeura seule dans le tombeau qui avait été prépai*é pour elle et son mari. La dalle funèbre reléguée aujourd'hui dans un coin de la chapelle méridionale de l'église occupait sans doute autrefois une place plus honorable. Elle en fut enlevée à une époque inconnue et à sa place on enchâssa une pierre sur laquelle était écrit ces mots : CI GIST CATHERINE DB VBNDOMB BARONBSSE DE VIERZY QUI TRESPASSA LE 30 MAY 1538, PRIEZ DIBU POUR SON AME. 2« Digitized by Google — 162 - Relevons en passant une erreur dans cette inscrip- tion, jamais la terre de Vierzy n'a possédé le titre de baronie, c'est baronne de Doiidanville, dame de Vierzy qu'il aurait fallu écrire. Cette pierre a été enlevée à son tour et après avoir été pendant longtemps déposée sous la chaire du prédicateur elle est aujourd'hui con- servée dans la sacristie, de sorte qu'il n'est plus pos- sible de reconnaître la place où a été inhumé le corps de Catherine de Vendôme, à moins de se livrer à des recherches qui très-probablement seront faites un jour avec succès. La belle dalle qui couvrait autrefois cette tombe, oubliée aujourd'hui dans un coin obscur,est une grande pierre blanche d'un grain irès-dur, comportant en hauteur 2» 33 sur une largeur de 1« 22, sa décoration se compose d'un double dais à trois faces, percées chacune de quatre fenêtres et surmontées d'une galerie à jour, de légers clochetons ou pinacles garnis de feuilles au lieu de crochets, séparent chacune des fa- ces, dont les arceaux, en forme d'accolades prolongent leurs pointes jusqu'au-dessus de la galerie où 'elles sont couronnées par des arcades fleuronnées entre les- quelles s'élèvent les pointes des pinacles. Cette orne- mentation qui n'est pas dénuée d'élégance dans sa simplicité, repose de chaque côté sur une colonnette en torsade, et elle est soutenue au centre par une co- lonne élégante destinée à séparer les deux effigies. Le tout est encadré par la plate bande qui contient l'ins- cription et porte à ses angles des écussons aux armes des d'Estrées et des Vendôme. (1) Jean d'Estrées est représenté en armure du temps de Henri II, recouverte d'une cotte qui laisse les bras (I) La famille cTEAtrées avait ses armes freltées d'argent et de sable aa chef d'or chargé de 3 mcrIcUes de sable. Les Bour Mas- Vendôme por- taient d« France, à la bande de goeules chargée de 3 lionceaux d'argent. Digitized by Google Digitized by Google Digitized by Google — 163 — libres ; il a Tépée au côté et autour du cou un collier qui descend sur sa poitrine ; son casque est déposé à ses pieds. Ses mains sont jointes, sa tête est découverte, son front dénudé est traversé de quelques rides, ses trait :^ sont fortement accentués et une barbe longue et épaisse garnit le bas de sa figure. C'est bien là le vieux routier de guerre dont Brantôme nous parle dans ses mémoires, qui toujours monté sur sa vieille haquenée allezanne, sans souci du canon et des arquebusades, ne baissait jamais la tête au milieu des plus grands dangers. Catherine de Vendôme porte une robe à collet rabattu et ouvert sur le devant ; elle descend en longs plis sur ses pieds et ses manches, largement ouverte , retombent en flottant à partir du coude, laissant ses brr-^s et ses mains, ornés de manchettes ouvrées, venir se joindre sur la poitrine. Ses cheveux, lissés en bandeaux sur son front, sont couronnés d'une espèce de diadème. Un collier de perles brille autour de son cou et une longue chaîne ou cordelière entoure ses épaules et des- cend jusqu'à ses genoux» L'inscription qui devait compléter l'ensemble de cette tombe n'existe pas du côté où est figuré Jean d'Estrées, la place qu'elle devait occuper est resiée vide, puis- qu'il n'a pas, comme je viens de vous le dire, été enterré à Vierzy. On ne la voit que du côté de sa femme, elle est en caractères gothiques et conçue en ces termes : Ci d^idl Catl)rnne it Denàomc Bavont^Bc 'àe ViDixiamxiie^ damr ie Duni)^ îrr (Kau(l)if it tUallira, nanUuil u6i|Uf qui trrspaeea IcXXX^br Biap 1553 vvit} IDiru pour 0Ott &m^. Digitized by Google - 164 - Telle est, Messieurs, la situation des monuments funèbres dont je viens de vous entretenir dans les églises de Chaudun et de Vierzy. S'il n'est guère per- mis d'espérer qu'à Chaudun ils puissent être prochai- nement l'objet de mesures conservatrices, il n'en est pas de même à Vierzy, déjà lors des réparations pratiquées en 1874, on avait résolu de remanier le pavé de l'Eglise, et de profiter de cette occasion pour relever les tombes et les placer contre les murailles à l'abri de toute cause destructive, malheureusement les fonds manquèrent et l'opération fut ajournée, espérons que lors de la reprise des travaux, l'autorité municipale et l'autorité ecclésiastique s'entendront de nouveau pour aviser à la conservation de ces monuments qui, dis- posés avec soin, peuvent encore devenir une des cu- riosités les plus intéressantes de leur église. Digitized by Google - 166 - M. l'abbë Pécheur dépose son Mémoire sur la Cité des Suessions. MÉMOIRE SUR LA CITÉ DES SUESSIONS. Sa sitnntion, ses limitas et celle de ses pagi , aux temps celti- ques, gaJlo-romains et mérovingiens, précédé de disserta- tions sur les divisions de la Gaule et les moyens de les reconnaître. «. Nec tnemet itnque ipsum prœiio errorum Hnmunem. Hadrîani, Valestt NoUtia GaUiarum.{ptm{, p. xxiv) La topographie de la Gaule a été l'objet de travaux aussi importants que consciencieux; la topographie particulière de chacune de ses provinces et cités n'a pas été moins fortement étudiée. Sous ce rapport la Ctvttas Suessionum n'a rien à envier, ce semble, à ses voisines. Toutefois, il nous a paru qu'il ne serait ni sans intérêt, ni sans utilité de résumer les savantes recherches qui ont été faites sur cette contrée célèbre pour en fixer d'une manière plus explicite et plus pré • cise encore la situation, l'étendue et les divisions aux époques les plus reculées des temps historiques, et d'ajouter aux données anciennes celles que nous au- raient fournies de nouvelles investigations. Mais comme les auteurs latins, et surtout César, les seuls à peu près dont on puisse invoquer l'autorité, ne nous ont laissé sur la Cité des Suessions que quelques échappées de lumière, nous avons cru indispensable de compléter notre travail, par un examen sérieux des ren- Digitized by Google — 166 — seignements identiques que l'on trouve dans leurs ite- cits sur les autres cités de la Gaule, et surtout de la Belgique dont les Suessions faisaient partie. Ces ren- seignements d'ailleurs nous ont paru indispensables pour rintelligence du système géographique que nous appliquons à la Cité des Suessions. Notre mémoire se composora donc !• d'une disser - tation sur les divisions de la Gaule, sur les subdivi- sions de celles-ci en cités ou nations et le fractionne- ment des cités en pagiy districts ou cantons ; 2^ d'une dissertation traitant des moyens fournis par l'érudi- tion pour retrouver ces diverses portions de territoire, et fixer, au moins d'une manière approximative et vrai- semblable, leurs limites respectives ; 3* enfin, viendra notre mémoire proprement ilit qui ne sera que l'appli- cation des principes résultants de ces investigations, à la Civitas Suessionvm^ dont nous indiquerons les frontières, dont nous rechercherons les pagi et leurs limites, leurs oppides et chefs lieux. Nous espérons arriver ainsi, non pas à dire le der- nier mot sur un sujet si rempli d'obscurités et dont plusieurs points sont et seront encore, nous le crai- gnons, longtemps problématiques, mais à fixer quel- ques nouveaux jalons qui pourront peut-être guider de plus habiles ou de plus heureux dans la voie de pré- cieuses découvertes. En tout état de cause, l'impor- tance qu'à prise, en ces derniers temps, la géographie historique et le rang qu'elle occupe dans les études et les travaux des Sociétés savantes, seront la justification d'une tentative qu'on pourra peut être taxer de té- mérité. Ne pouvant citer à chaque ligne tous les auteurs que nous avons suivis ou consultés, et dont ce mé- moire n'est souvent qu'un résumé succinct, nous de- vons mentionner ici les noms dos principaux, tous connus des savants. Ce sont, outre les anciens, tels Digitized by Google - 167 - que Adrien Valois et Danville « nos grands géogra- phes » comme les appellent les auteurs d'une excel- lente étude topographique sur Uxellodunum (1) ; tels encore que Sanson, Cluvier, Duchesne, Casùni, ce sont disons-nous, Messieurs Walkenaer, Guérard, Jacobs, Creuly, A. etE. de Barthélémy, Desnoyers, Deloches, E. Desjardins, Longnon, Houzé, Bertrand, Chéruel, Bour- quelot, Alfred Maury, Pardessus, qui font aujourd'hui l'honneur de l'érudition française. PREMIÈRE DISSERTATION DIVISIONS DE LA GAULE AVANT CESAR Sans nous préoccuper des peuples divers qui, dans les temps les plus éloignés, vinrent des contrées orien- tales habiter la Gaule, nous dirons que cette belle partie de l'Europe sur laquelle des peuplades germa- niques étendirent, en dernier lieu , leurs vigoureuses ramijQications, et que l'on comprend sous les noms de Celtes ou de Gaulois que nous croyons, d'après les meilleurs critiques, avoir été identiques et employés si- multanément parles anciens, avait pour encadrement naturel à l'occident l'Océan, au midi les Pyrénées et la mer Méditerranée, à l'orient les Alpes et le Rhin, au septentrion la mer Britannique et le Rhin inférieur (2). César à son arrivée (l'an 58 avant J.-C.) trouva la Gaule partagée en trois grandes régions, la Belgique au nord, l'Aquitaine au midi et la Celtique, ou Gaule pro- prement dite, entre les deux premières, auxquelles il faut ajouter la partie déjà conquise par les romains et comprenant, sous le nom de Province rœnaine {Pro- {\) MM. Jacobs et Greuly. (Balletindes Sociétés savaoUs t. 8. 2* ié- rie, «860, p. 183. (S) Stral)on, t. i des Historiens des Gaules, par D. Bouqaet. Digitized by Google — 468 — vincià), la Proveace ou Narbonnaise (1). Celle^i s'ap- pelait braeoata (portant des vêtements appelés braies), par opposition à la Gaule Cisalpine appelée togata (portant la toge romaine), et les trois autres Gallia comata (Gaule chevelue), à cause des cheveux longs que portaient les Gaulois. Néanmoins, ces dernières étaient, dit Thistorien de la conquête. « toutes trois différentes par la langue, les lois et les institutions » (2) . La Belgique, celle qui nous intéresse particulièrement, était séparée de la Celtique par la Marne et par la Seine. Elle s'étendait jusqu'au Rhin supérieur d'une part, et de l'autre jusqu'à l'Océan. Une longue bande forestière du nom d'Ardenne {Arduenna) protégait ses parties septentrionales. Elle tirait son nom du Belgium proprement dit, lequel ne comprenait guère originaire- ment que les Âtrébates, les Ambiens, les Bellovaques et, quelques-uns disent les Silvanectes et les Suessions I. LA CIVITAS CELTIQUE. Les trois grandes régions de la Gaule étaient eUes- mêmes divisées en trois ou quatre cents peuples ou peuplades que César nomme nationes, génies, civitates ou pagi, selon leur importance, mais ces derniers étaient plutôt des fractions du territoire de la civitas, dont les peuplades étaient clientes de la peuplade do- minante ou principale (3). Ces cités ou nations, en grand nombre (Plutarque dit que ce général prit plus de quatre-vingt-dix oppides et soumit 300 nations) (f) Ibid. (2) Histor. des Gaules t. «•' p. SOS et p. 4d8. (3) Cœ$ar, De Bello Gallîco. Lib. I. Digitized by Google — 169 — par conséquent une administration souveraine, des chefs, rois ou magistrats. Aussi, chez les auteurs la- tins tels que César, Tacite, Pline, la dénomination de civitas signifiait une nation, un peuple et tout son territoire avec ses cantons ou subdivisions, plus rare- ment son chef lieu : Civitas uEduorum, civitas Bituri- gum, cimtas Suessionum , civitas Reynorwriy etc., c'est-à-dire les Eduens, les Bituriges, les Suessions, les Rémois, etc. Oivitas est employé probablement dans le sens de ville lorsque César dit : « multis viris for- tibus Tolosaj Carcasone et Narbone, quœ simt civitates Gallise Provinciso finitimx^ evocatiSy in Sotianum eœer- citum duxil ». (1) Il faut aussi remarquer que le mot civitas lorsqu'il est pris pour territoire est remplacé quelquefois par ceux de finis^ regiOy ager, surtout comme dans ces passages : AyvumHelvetiicm — agrwtn Sequanorum et jEduorum — in agro CavarumValentia — Segusiani liberi in quorum agro colonia Lugdunum — in Treverico Galliœ agro. (2). Les cités n'étaient pas sans liens politiques entre elles ; souvent on les voit former des alliances et des coalitions quand surtout un intérêt général Texigeait. Toute la Belgique s'unit contre César, l'ennemi com- mun, et mit à la tête de ses troupes Galba, roi des Suessions. Des cités, pour doubler leur force, s'alliaient avec des cités voisines. Ainsi les Arvernes s'étaient attachés aux Séquanes ; les Rémois et les Suessions ne faisaient, pour ainsi dire, qu'un seul peuple ; mêmes ooutumes, même gouvernement, mêmes magistrats. Certaines cités avaient fini par acquérir sur d'autres une véritable prépondérance, soit par le nombre, soit par la valeur ou l'habileté de leurs habitants ou l'éten- due de leur territoire. Celles-ci formaient aux premières {i) De bello GaUico, L. III. (2) SoU, paya à l'entour d'Aire oa de Lectonre. 2» Digitized by Google - 110 ^ une clientèle; le récit de César ne peut laisser aucun doute à cet égard. Il parle en plusieurs emdroits des Eduens et de leurs clients (1) ; il indique même le nombre de soldats que ceux-ci durent fournir à l'armée gauloise qui marcha au secours d'Alesia: « Imper ant jEduis atque corum clienlibus Segtisianis.Ainbibaretis, Aulereis^ Brannoviis millia XXV > ; et ajoute, en pariant des Arvernes : « parem numerum ArvemiSy adjunotis Eleutlieriis, Cadurcis, Oabalis, Velatmis qui sub imper io Arvernorum esse consueverant, » (2). II LE PAGUS CELTIQUE. La cité gauloise, avons nous dit, était divisée en pagi occupés par des tribus ou peuplades soumises à la peu- plade dominante. Cette section mérite d'autant plus d'at- tention, dit M. Jacobs, qu'elle se présente souvent sous un jour fort obscur dans sa situation et dans ses limi- tes, quoi qu'elle ait laissé sur le sol une empreinte non encore efiEstcée. Le terme même de pagus paraît avoir été, selon le même auteur, détourné du sens que lui donnaient les latins. Chez eux, il signifiait le der- nier terme des divisions administratives de la Répu- blique et de l'Empire, un véritable district, tandis qu'il est appliqué par César, et, après lui par Tacite et Ammien Marcellin, pour désigner des peuplades cel- tiques secondaires, des fractions de peuple occupant des terroirs qui faisaient partie de la cité. C'est ce H) Voyez ee» passages dans César Lib. I, c. II et e X. -- Dans PUneJaist. nat. Lib. II, e. CVll, Lib. Ill, c. IV, XII e. XIV. XVIII. Ub. il. c. XLIX. m. De Bello Gallico, L. I. Digitized by Google - ni - qui a produit, dans la suite, ajoute-t-il, une extrême confusion dans l'emploi de ce terme, lequel ne répondit plus qu'au mot vague de pays signifiant tantôt une vaste région, tantôt un mince territoire. D*un autre côté, M. Deloche pense que le terme qui. chez les Gaulois, servait à exprimer les divisions inférieures d*une cité, devait se rapprocher beaucoup de pays qui se reproduit, à peine modifié, dit-il, dans les anciens et divers dialectes de la Gaule, tels que lo pey. Ion poi\ le pé, lesquels durent avoir une origine celtique (1). C'est auivsi l'avis de M. de Pétigny dans ses Etudes historiques sur les Institutions mérovingiennes. Quoiqu'il en soit, les Germains et les Suèves (la Souabe) eurent leurs i^a^rt comme leurs cités. Les pre- miers avaient des chetis de régions et de pagi {prin- cipes regionum pagorumque) , (2) et Tacite dit des se- conds qu'ils élisaient des chefs < qui jura per pagos vieos que reddantp (3). Pline constate qu'une portion de la Scandinavie était habitée par la nation des Hel- viens, répandue dans cinq cents pagi, et Sulpice Alexandre qu*Arbogaste ravagea le pays des Bruc- tères, voisins de la rive du Rhin, et même le pagus qu'habitaient les Chamavi (4). Les Gaulois venus des extrémités de la Germanie, apportèrent naturellement avec eux le même système de division territoriale des c^ï^^ qui embrassa tout le pays qu'ils occupèrent, et peut-être le trouvèrent-ils déjà établi par les peuples anciens dont ils prirent la place. César ne laisse sur ce point rien à désirer Après avoir parlé du pagus Tigurinus, lequel avait tué L. Cassius (I) Deloche, itém. des Savants, 2* série, i. 4, p.TÏ (Acad. des iràcrip.) <S) César L. IV. (S) Ibid. et Tacite ■ De Moribns GennaBoniiii. » (4) Ibid. L. I. LesSnéves avaieot 100 pagi et les Trévires racontèrent à César que ces cent jKipl s'étaient établis sur le Rhin {fienivm pagoê 5ii#twntM ad ripas ÉhêU emuediue). ' Digitized by Google {hic pagns L. Cassiuminterfecerat), il ajoute : €nam omnis civitas Helvetia in quatuor pagos divisa est » et ses habitants il les appelle Tigurini (1). Les peuplades les moins importantes formèrent avec leur territoire des pagi simples ou une dté sans divisions, tandis que les peuples les plus considérables, on vient d'en voir des exemples, étaient toujours di- visés en pagi. Ainsi le Gabalicus pagus (le Gévaudan) est la même chose que la cité des Gabales. Le pagus Gcssoriacics équivalait sans doute à la cité des Morins qui avait deux capitales, Teruennam et Gessoriacvm (Térouanne et Boulogne) (2). C'est aussi à cet ordre de classification topogra- phique que se rapporte la distinction des pagi en pagi majores correspondant aux cités formant des peuples ou nations, et en pagi minores sujets, tributaires, clients ou alliés, formant les subdivisions des premiers ; Ou, si Ton Veut, les grands pa^t étaient la province même comprenant toute la nation avec son territoire, les mi- neurs étaient des portions du territoire de la cité ou grand pagus. Mais, il faut l'avouer, cette distinction, toute conventionnelle, est plus ingénieuse que solide, car elle suppose une administration très régulière qui put exister sous les romains, mais jamais ni sous les Gaulois, ni plus tard sous les Mérovingiens ou les Car- lovingiens. Du reste les cités et pagi variaient en éten- due au point de vue du territoire et de la population, des cités n'ayant pas de pagi et d'autres ayant un nombre plus ou moins grand de ces districts. Ces observations nous paraissent d'autant plus fon- dées en raison, quant aux temps celtiques, qu'alors le pagus eût une autonomie relative, comme la cité eut (1) César, ibO,, L. I. (2) Hadriani Valesii Noi. Gall. prxfat, p. Digitized by Google — 173 - la sienne quoique bien plus accentuée. En effet, non seulement il eût aussi ses chefs particuliers, mais même son contingent à fournir en temps de guerre : « Inpace^ dit César, commtmis est magistraux \ sed frincipes regiotium pagorum que inter suos judicant » (1). Vercingétorix, dit-il encore, « Gabales, proximos que pagos Arvemorum^ in Helvios mitiit » (2). Il avait raconté au livre 1«' de ses Commentaires que le pagus Urbigenus (le pays d'Orbe), l'un des quatre de l'Helvttie, quitta le camp des Helvétiens, au nombre de 6.000 hommes qu'il a?ait fournis à cette cité dont il faisait partie, et se retira vers le Rhin (3). Enfin on voit dans son livre IV qu'il fit marcher le reste de son armée contre les Ménapiens, et contre lespagt des Môrins qui ne lui avaient pas envoyé des députés: « in Menapios atque in eos pagos Morinoruniy abquibusadeum legati non vénérant ^ » (4) texte qui im- piique,commeles précédents,pour lesjo^^z,une existence propre quoique dépendante, en certaines circonstances, de la cité, et qui fait voir que par le mot pagus il faut entendre aussi bien la peuplade que le territoire même qu'elle occupait. Sur le territoire des civitates et des pagi il y avait des oppida, des viciy des wdificia. Les oppides étaient des places fortes situées dans. des plis de. rivière, sur des hauteurs, toujours dans des lieux que la nature rendait propres à la défense. Les châteaux étalent des forteresses moins considérables; les vies des ag- (!) César L. VI. (2) Ibid. L, VU. (3) « ... Circiter millîa VI ejiis p<if(i, qui Urbigeans appellatur... ex castris Helveliorum egressi ad Rhenum fines qae Gerroanorum conte:;(!c runi « ibid. L. 1. (4) L. IV, c. 22. Digitized by Google - 474- ^lomérations de maidoiiiB, véritables botirgs et villages ouverts, les édMoes des habitations éparses et isolées (1). Les oppides étaient même souvent de grandes villes telles que Bibracte, Avarieum, À lesta. César appelle la première : oppidum jSdtiorum maanmum et copiosissimum (2) ; il dit de Vesontitcm qu'elle est : op- pidum maximum Seqiuinorum (3), d'Avc^ctem qu'elle est : oppidwn mtmitissimum in finibus Biturigum. Et lorsque les Gaulois décident de mettre le feu à leur propre pays pour affamer Tarmée romaine, les Bituriges demandent grâce pour Avaricnm et con- jurent qu'on né les oblige pas à la brûler: « nepulcher^ rimam prope totius Galliœ urbem^ quse prab^dio et omœTiento sit oivitati, suis manibus succcndere coge- rentur (4). Cet oppide ne renfermait pas moins de 40,000 habitants.. On voit aussi par ce texte et par beaucoup d'autres que les mots oppidum et tirbs sont identiques, qu'ils s'employaient indifféremment par César et les auteurs latins, mais le mot oppidum revient plus souvent sous leur plume, et il semble qu't<r6^ signiflaituneville plus considérable. Les habitants des oppides s'appelaient o/>- pidani. C'est dans ces forteresses et dans les châteaux qu'en temps de guerre et d'invasion, ceux des campa* gnes amenaient leurs troupeaux et leurs effets. Dans ce cas on choisissait un ou plusieurs oppides des plus (1) Avant de partir pour aller s'établir an centre de la Gaule, les Hel- vètes brûlent oppida «va ùmfUa, nwnero dttodêcimy tieoi ad fvadraoifUa, reliqua privata mdifMa » (César, L. I) — D'antres textes distinguent clairement les oppida, les rici, les castella, les sedi- lUia, «... vUoi atqut œdificia hœendi oporiere » (L. VII). (2) Ibid. L. II. (8) IM. L. VII. (4) Ibid. L. VII. Digitized by Google - «6- forts pour servir de refuge général et on brûlait tout le reste ( 1) Ici s'impose une question importante. Les oppide^ étaient ils les chefs lieux ou capitales des cités et des pagi celtiques? n serait assez difficile de répondre d'une manière absolue Toutefois, on remarquera d'abord que les oppidesn'étaient pas nombreux. LesSoissonnais n'en avaient que douze, et les Bituriges par exemple, quoique puissants, n'en avaient qu'un certain nombre (qui cum UUos fine^ et compltira oppida haberent^ unius legionis hibemis nonpoterant continetij (2). On remar- quera ensuite que la plupart des oppides que réduisit César, ou qu'il mentionne dans son récit, reparais- sait comme villes dominantes des t»Y(^^ on pagi gallo- romains, soit avec leurs noms primitifs, soit avec des noms nouveaux. Labienus se rend à Lutèce, oppide des Parisiens, situé dans une île de la Seine ; or Lutàce, sous le nom de Paris, devint capitale du Pa- risis (3). Melun, oppide des Sénones, dans une situa- tion identique, resta capitale du pagus Melodimensis, (4) et Sens celle de la f-ité Sénonaise ; Novtodunum rendu, la cité entière est soumise ; il était donc la capitale des Stcessioiis, et plus tard il conserve ce titre soviSlenomd'AugiuiiaStiessionnm ; Durocortorum Re- momm devient sous le nom de Reims, chef lieu de cette cité et métropole de la deuxième Belgique. (1) « . . CducUs oppidis, caiteUis que deseriit, sua omnit in nna. oppidum egregie nUnra muniiiim eoninterunt » {^id L II) - « ... Ubiu imperat ut pecora deducaot, tut que omoia ex agris io oppido conférant - {iàid. L. VI) -> «< ... Vices atque «dificia incendi oportere qu» non munition eet loci natura ab omni sint periculo tu ta. > — «t Uno die aroplius XX urbes Biturigum incendnntur. Hoc idem in re- liqoisciviUtibns... » (/M. L. VII). (2) César, L. VIII, c. I. (3) m Ubienus proAciscitor Lutetiaro, id est oppidum Parisiornm po- situm in insula fluminis Sequana • (César, L. Vil). (4) « ... Halodnnum pervemt, id est oppidum Senonom » {iàid,). Digitized by Google — 176 - Void un exemple non moins décisif que celui de Noviodunum^Césav songe d'abord à s'emparerd' Arori- cum (Bourges) < quod eo oppido recepto, dit-il, civita- tem Bituricam se in potestateni redactyrum confide- bat » (1). Ces textes ne prouveraient-ils pas assez clairement que ces oppides étaient les chefs lieux de leurs cités celtiques comme elles le furent de leurs cités gallo-ro- maines ? Il suffit du reste pour s'en convaincre de jeter les yeux sur quelques passages de Ptolémée qui indiquent Lutetia comme ville principale des Parisiens, Augitstobona comme ville principale des Tricasses ; Cœsaromagus comme ville principale des Bellovaques eiSa/narobriva comme ville principale des Ambiens etc. (2). D'ailleurs ces oppides chefs-lieux occupés succes- sivement par les romains et par les francs n'ont- ils pas presque toujours survécu avec leur territoire dans des villes, des bourgs ou villages encore sub- sistants? N'ont-ils pas laissé des noms et des débris historiques assez reconnaissables ? On ne risque même rien d'affirmer que les pagi et comtés du moyen-àge représentaient encore, en partie du moins, les cimtates, les pagi celtiques avec leurs capitales. Si nous n'étions pas dominés par la crainte de trop donner à la conjecture et à l'induction en une matière assez peu éclaircie, nous pourrions encore avancer que le pagus lui-même subissait quelque fois certaines divisions. Nous nous contenterons de citer à cet égard un ou deux textes de César, toujours notre guide le plus sûr et le plus autorisé. Parlant des mœurs (I). L. vil. (2) Voici, selon Plolemée, ces cités gallo-romaines avec lears capitales. Parisii et urbs Parisiorum Lueotatia. -- Tricassi et corum eiviUu Au- guttoàona — BellovotH quorum civiUu Cxsaromagus, Imbiani et eO' rum civitas SamaroMva, etc. (Uislor. des Gaules, t. I. p 74). Digitized by Google - 177 - des Germains et des Gaulois il dit : < Non solum in omnibm civitatibus, (Uque in omnibus pagis pariibus guey sedpene in omnibus domibus f actionnes sunt (i). il emploie ailleurs le terme partes dans le même sens (2). Faudrait-il voir dans ces portions, ces parties du territoire des régions, cités ou pagi , de ces frac- tions que Ton retrouvera plus tard, une sorte de pagi inférieurs? c'est ce que nous n'oserions avancer faute de renseignements plus précis. DIVISIONS DE LA QAVLE APRÈS CÉSAR César n'apporta pas de grandes modifications dans la division territoriale et politique de la Gaule après la conquête, mais il la réduisit en province romaine, laissant seulement à certaines cités, qui avait bien mérité du peuple romain, leur autonomie et leur attri- buant même quelque fois des cités voisines qui s'étaient signalées par leur résistance à l'envahisseur. « Omnem Galliam^ dit Suétone, prœter socias et bene méritas civitates, in provinctœ formant redegit. » CeUe de Soissons, on le verra, fut attribuée aux Rèmes. Vou- lant au contraire reconnaître les services que lui avait rendus Commius, César conserva à sa cité ( celle des Atrebates) ses immunités, ses lois, lui rendit ses droits et lui attribua la cité des Morins (3). Auguste maintint aussi l'ancienne division géné- rale, sauf que la Celtique devint la Lyonnaise et lapro- (1) César, L. VI. (8| /M. (S) César : « . . . pro qfnibiis meritis civiUtom ejas (Commii) immo- iiem essehissera, Jara l^esqae r«ddiderat, aiqve ipsis Morinos attribue- rat (L. ni.) 29 Digitized by Google — 178 vince romaine ou Provence la Narbonnaise Quant aux limites de la Belgique, de la Celtique et de FAqui* taine telles quelles existaient du temps de César, elles furent profondément modifiées, afin de rompre les an- ciennes habitudes et d'accélérer la fusion. Ainsi la Belgique, qui était séparée de la Celtique parla Marne la Seine, vit les siennes s'allonger vers l'Océan et vers la Loire. Pour égaliser à peu près ces quatre grandes provinces, il attribua quatorze nations à l'Aquitaine, et ajouta à la Belgique les Séquanes et même les Helvètes (1). En efiét, Pomponius Mêlas et Pline le jeune ne parlent pas de la Marne comme sé- parant la Belgique de la Celtique, et ils placent les Belges entre la Seine et le Rhin (2). Après Auguste, la Gaule éprouva de nouvelles et plus profondes modifications dans la distribution générale de son territoire. La Belgique avait empiété sur la Cel- tique ; toutes deux rentrèrent dans leurs anciennes limites, mais la première, bornée de nouveau par la Seine, conserva les Séquanes et les Helvètes et conquit les Lingons qui avaient été attribués à "la Lyonnaise. Enfin elle fut elle même, sous Othon ou Néron, divisée en trois parties, la Belgique proprement dite, la Ger- manie inférieure et la Germanie supérieure. Dioclé- tien à son tour bouleversa tout, créa quatre grandes divisions ou gouvernements et tailla dans les pro- vinces que Lucius Csecil lus lui reproche d'avoir dé- piécées (... provincia quaque in friista concisœ.) On attribue à Dioclétien l'tTection d'une 2' Belgique et de la Lyonnaise. Constantin et ses successeurs opérèrent de nouveaux morcellements. Il j avait sous Dioclétien 11 provinces, 13 sous Constantin. Selon Ammien Mar- (1) Ex. Pline et Ptolômée. — Strabon, Da Gallis, L. IV. (IJîstor. des Gaales, t. 1, p. 4) — Pomponius Mêlas, I>e Gallia {Ibid. p. :»2^. (2) Méin. de M. Valentio Smitt. {Hevue des Sociétés savant. ^ : vrie, t, f, mai-juin 18^9. Digitized by Google — 179 - cellin, la 'Gaule proprement dite avait, en 354, 12 pro- vinces et selon Sextus Rufus 14, en 469. Le Concile d'Aquilée en présente 15. Sous Honorius et sous le pape Zozime on avait porté ce nombre à 17 comprenant 115 peuples ou cités (1). A la tête de Tadministration des Gaules il y avait, un préfet du prétoire, ayant sous lui un comte, un maître de la cavalerie,un vicaire des sept provinces ayant sous lui des consulaires dont un dans la i^ Belgique. Celle- ci était régie par un duc et un consulaire, un maître des offices préposé aux fabriques d'armes qui étaient au nombre de huit dans les Gaules, dont trois à Sois- sons {Suessionensis scutariay balistaria et clibanaria,) — Venaient ensuite un comte des largesses sacrées {cornes sarranim largiiionum), des prévôts des trésors, des procureurs de la monnaie, le procureur des chasses dont un de la 2« Belgique à Reims; un des étoffes de laine {lanifkii) ; un des étoffes de laine et de soie, des prévôts des tapis ouvragés d'hommes et d'ani- maux, aux fils d'or et d'argent, dont un aussi à Reims ; un prévôt des chars ou des transports (prasposittis bas- tagœ^ un comte des affaires privées {jrervm privata- rum] ayant sous lui des procureurs des comptes, des transports privés. Des provinces avaient des duoes commandant à d'autres officiers militaires. Le duc de la i^ Belgique par exemple avait sous sa dépendance un prœfecttcs classis Sambricsp, in locoQiiartensisiveHor- nensi^ un tribun des soldats (2). (1) Selon Cédar, ce conquërani aurait soumis S8 natioas (ou cités) dans la Gaule. Plutarque en compte 30<», Josèphe 306, Appien 400. Ptolémée réduit ce nombre à 00 et Tacite se rapproche de ce chiffre, mais il doit désigner ici les 60 naUons on cités telles qu'Auguste les avait or- ganisées. (2) HoiiiAa dXgndUktiwm imperH. (Histor. des Gaules, I. I> p. 185. Cette notice parait dater du règne de Valentinien III. Digitized by Google - 180 - LA CITE GALLO-ROMAINE. Le système de la division des provinces en cités ou grands pagi, et de celles-ci en pagi inférieurs modelés à peu près sur les cités et pagi celtiques, subsista jus- qu'à la fin de l'empire. Une loi du Digeste enjoignait de désigner les biens ruraux sur les registres des cens par leurs noms, celui delà cité et àxipagiis où ils étaient situés {Forma censtcali caveatur ut agri sic in censum referentur : nomen fundi cujusque et in qua civiiate et quopago et quos duos vidnos proximos habeat) (1). Les premières continuèrent donc d'embrasser l'en- semble des peuplades groupées autour d'une peuplade principale, et les seconds se dessinèrent sur le terri- toire de chacune de ces peuplades secondaires formant la cité. En sorte que les subdivisions administratives des Romains correspondirent, dans un sens, aux an- ciennes divisions politiques des Gaulois. Nous disons dans un sens, parceque ni les cités, ni les pagi ne furent à labri des remaniements territoriaux qui modifièrent si souvent et si profondément les provinces. Us subirent des absorptions, des sup- pressions, des réductions ou des additions, le fond, le noyau restant le même. Des cités, des pagi dis- parurent donc complètement, mais d'autres conser- vèrent au moins leur nom avec une partie de leur ter- ritoire ; et même il se créa de nouvelles cités, de nou- veaux pagi, (t) Digeste, De cefMib^u, t. XV, L. I. Digitized by Google - 181 — Pour mieux rompre les liens qui existaient entre les grandes fractions de la Gaule, Auguste avait com- mencé le morcellement en réduisant à 60 le nombre des nations ou cités de 80 qu'elles étaient selon César, ou de 99 selon Pline. Les noms de ces 60 peuples furent gravés sur l'autel du temple d'Auguste à Lyon et eux- mêmes y furent représentés par autant de statues. Selon Ptoléméc la Belgique contint à elle seule 19 (niés. Sur les 80 peuples de toute la Gaule nommés par César, il y en a 35, paraît-il, dont on ne trouve plus guère de traces. Auguste conserva à dix cités le titre de libercBy entre autres à celles de Soissons et de Senlis, et à quatre celui de fœderatœ, dont la cité de Reims. Quoiqu'il en soit,la civiias reconstitué conserva, sous la période gallo-romaine, son individualité, son rang dans la hiérarchie, formant une grande administra- tion municipale ayant sous elle les municipalités se- condaires de sa circonscription et surveillée par les agents du pouvoir impérial. IL LE PAGUS GALLaROMAIN. L'ancien régime des pagt celtiques eut le même sort que celui des cités. Les uns s'effacèrent, les autres s'aggrandirent, d'autres se virent partager; mais il yen eût qui furent élevés au rang de cités y tels que lepagus Noviomen^s (Noyonnais le Vadisus (le Valois). Toute- fois, de même que la civitas signifie encore un peuple, au ui^ siècle,dans les auteurs latins, de même le paçus continua de marquer, comme aux temps celtiques,uno subdivision de la civitas. H y a ici une particularité Digitized by Google - 182 -^ fort remarquable à sif naler, c'est que si la civiio^ gallotromaino survécut dans le diocèse, les modifioa^ tioas que subit le pagus ne purent jamais non plus si bien détruire toutes les traces imprimées sur son territoire par la peuplade qui . l'occupa jadis, qu'on n'en puisse retrouver quelques linéaments. L'existence despagi, sous la période gallo-romaine, est indéniable. Tite-Live parle des Insubres qu'il attri- bue à la cité des Eduens (JEldiiorîim pagum (1). Pline mentionne trois pagi, lepagtis Gcssoriaczis (Boulogne), le pagics Verlacomilnrttm (Vercors) {2\ le pagtcs Ga- baliciis (le G-évaudan); Tacite ceux des Séquanes (Seqtdanorion pages JE^duis conta^minos, sociosqtœ in annù) Quoique plusieurs de ces subdivisions de la cité gallo-romaine ne répondissent plus régulièrement aux anciens districts occupés par les petites peuplades celtiques, il n'en est pas moins vrai quelles jouissaient d'une certaine indépendance relative, comme les cités qui s'administraient elles-mêmes sous le contrôle du pouvoir central représenté par le gouverneur de la province. Il y avait, d'après* les auteurs latins confir- més par les découvertes épigraphiques modernes, un magister pagorum, qu'on désigna plus tard sous le nom de prcepositus, de prœfscttts, ayant un conseil composé de pagani, pour l'assister, des édiles, des primates, des patrons, un genius pagi^ dénomina- tions qui indiquent un reste de l'autonomie dont jouis- saient lespagi celtiques. Les vid ou bourgs répandus sur les pagi gallo-romains avaient leurs administra- teurs nommés pa^roni t?tco9*tim,qui cumulaient diTerses fonctions, perceptioa des impôts, surveillance des che- mins vicinaux, fourniture» aux. fonctionnaires et aux (1) L. V. c. \U: (2) «^ YerUcomiooros, Voeratiomm, faodie que pigom » HHd, L. IV. Digitized by Google ^ 488 - troupes de passage. Cependant il est bon d'observer que les met étaient presque entièrement assimilés 'aux paçi ou du moins en étaient les chefs lieux (1). Appliquant leur système politique de fusion et d'ef- facement aux villes mêmes, les romains, non contents de les rebâtir, changèrent leurs noms gaulois en noms latins ou gallo-romains, et firent souvent entrer nans leur composition les noms de César et d'Auguste : Cœsarodunum Turœmm ; Csesaro-magus Bellmaco- rum ; Àugusto-dwiwn jEduorum ; Augitsto-magus St/l- vanectorwn ; Augtcsta Siiessionum; Julio-Magno ^di-^ cavormn; Julio bona Calet07^um, eic. Celles nés villes auxquelles on conserva ou on donna le titre de capi- tales des dtés, reçurent surtout de grands embellisse- memts que Suétone attribue à Jules César : « Divus Ju- Ihts Cœsar^ dit-il, lêaliœ Calbarum que et Hispanior- rtmi potentisstmas urbes prœcipuis opéribas ornon visse » (2) / et, au rapport de Dion Cassius, Auguste envoya en Gaule et en Ibérie de nombreuses colonies pour affermir la conquête, modifier les mœurs des peuples et bâlir de nouvelles villes. A Tinstar de Rome ces capitales ou villes principales des dtés eurent cha- cune un ou plusieurs palais à Tusage des officiers de l'empire, des thermes, des amphitéâtres, des temples, des basiliques, des ateliers monétaires, des fabriques d'armes, un champ de Mars, un panthéon, etc. Dans certaines villes, et, sans doute dans les seules capi- tales des cités, la partie intérieure, celle qui était close de murailles romaines autour desquelles s'étendaient les faubourgs, retint plus particulièrement le titre de cité, de petite cité. C'était à proprement parler la ville par excellence, ceîle où doivent avoir résidé les auto- rités romaines, les préfets, îes gouverneurs, et où fu- (1) Deloche, ubi-iupra, p. 579. (J) L. LiV. Digitized by Google - 184 - rent ensuite le siège de l'évêque, V Église-Hère^ la Grande Eglise du diocèse. Les villes inférieures, les bourgs, les œdificia subirent aussi d'heureuses trans- formations. Les romains durent conserver surtout et embellir les lieux où les Gaulois se réfugiaient pendant les chaleurs de Tété, près des bois, sur les bords des eaux, et faire de quelques uns d'oppulentes villas (1). DIVISIONS DE LA OAULE APRàS l'invasion DBS BARBARES. Les invasions successives des barbares apportèrent nécessairement, non pas seulement de profondes mo- difications dans les dernières divisions gallo-romaines, mais elles y jetèrent une inextricable confusion. Celles qu'on leur substitua sous les noms de Neustrie, d'Aus- trasie, de Burgondie, d'Aquitaine, ne furent jamais que des frontières vagues, incertaines, flottantes et subis- sant de continuels remaniements. Les territoires se divisaient , se subdivisaient, se morcelaient à chaque changement de règne, à la suite de chaque querelle des princes entre eux. Les noms des lieux eux-mêmes, ce qu'on appelle aujourd'hui la terminologie géogra- phique et topographique, deviennent incertain, vagues, incohérents. Déjà corrompus, dit M. Jacobs, parles pa- tois gallo-romains, ils se sont de nouveaux transformés, modifiés dans la langue des barbares, Goths, Francs» Bourguignons, etc. Il faut donc s'attendre à marcher désormais à travers les plus épaisses ténèbres. (<) Hadriani Valesii NotU. Gall. prafatio. Digitized by Google - 185 - I. LA CIVITAS MEROVINGIENNE ET CARLOVIN- GIENNE. Sous les Gaulois la cimtas était une région habitée par un peuple, uue nation distincte composée elle- même de diverses peuplades. Sous les romains, elle formait une division administrative. Vers la fin du IV* siècle, et sous les Mérovingiens, elle continua de subsister, mais * moins comme circonscription civile que comme division ecclésiastique [parœcia, diœcesis). En effet, tandis que le mot civitas, qui s'efface de plus en plus, se voit remplacer par les termes synonimes, mais vagues 4© pagus, de provincia, regio, patria, so- lum, /undus (1), l'expression d'évêque de telle cité pour désigner le premier pasteur du diocèse, demeu- re en usage et devait plus tard aider puissamment à retrouver les anciennes limites de celle-ci aux temps gallo-romains, et aider même à la réconstituer aux époques plus reculées encore. Une des causes principales de la confusion intro- duite dans la topographie des citésy sous les mérovin- giens, vient surtout de ce que ceux-ci employaient ' assez indifféremment les mots civitas, urbs (ville ca- pitale), oppidum (forteresse) pour signifier une ville avec son territoire, quoique la civitas conservée par le diocèse signifiât le plus souvent un territoire, ou au moins, ainsi qxx'urbs, le chef lieu d'un diocèse. En voici quelques exemples . Quand, par le pacte d'An- (I) An Ueu de civitoê on distit, par exemple solum TricasUnum^ pagut Trieassinui, pagus BUorinvs^ l'ancienne cité, le diocèse des TréeasieSj des Biiurigei, 24 Digitized by Google - 186 — delot, la cité de Paris est partagée en trois lots, selon Grégoire de Tours, il est question certainement, du territoire de l'ancienne cUé des Parisiens et non de la ville même de Paris : (tertiom partem de Parisiensi civitate) (1). Lorsque Chilpèric donne à sa femme cer- taines cités, cela veut dire des villes avec leur territoire ou leurs anciennes limites. Au contraire lorsque Gré- goire de Tours dit : Aurelianeasis civitas, Aurelianen" sis urbs, Aurelianensis oppidum, il peut entendre par là soit la ville d'Orléans seule , soit la ville d'Orléans avec son territoire, ce qui dans ce dernier cas équivaut à civitas ou à pagus. Une autre remarque à faire ici, c'est que si les dé- nominations de diœcesis, de par'ochia représentent le diocèse ou territoire épiscopal, l'ancienne cité gallo- romaine, elles s'employaient aussi, dans Grégoire de Tours, pour signifier une simple paroisse. Ainsi, quand cet historien dit : « Papolics diœcesis Camotinœ episco- pus (2); Cautinus episcopus in Brivaterisem diœcesim adiré dispostwrat (3) ; Sellense castrum quod in Picta^ va habetur diœcesi (4) ; Tornodorensis pagus in pa- rochia Lingonensi » (5), voilà bien les diocèses ou an- ciennes cités de Privas, de Poitiers, de Langres ; mais quand il raconte que « l'Eglise de Poitiers recouvra ses diocèses p {diœceses suas Ecclcsia Pictava recepit), il s'agit bien ici de paroisses proprement dites. Et lors- que, par un diplôme de 627, Théodèle donne à Saint- Denis « villam MalriuSj quœ est in oppido CameliOr ce>ise, cum domibus^ mancip \^s, vineis, » (6) on doit évi- (1) Grég.-Turon L HI. c. 6. Paclum pacis inier Guntrammim, etc., apud Pardessus t. i. p. 157. (2)/6W. L. VII, c. 17. (3) Ibid, L. IV, c. 78. (4) Ibid. Ubi supra (5; Gloria Confessorum^ êjusd. c. 87. (6) Pardessus, t. I, Diplom. p. 227. Digitized by Google - 187 - demment entendre ici le terroir de Chambly ou du Tpagus Cameliacensis. IL LES PAGUS MÉROVINGIEN ET CARLOVINGIEN. Le pagus celtique était un territoire déterminé, ayant sa tribu ou peuplade secondaire, sa physiono- mie propre, quoique faisant partie d'une nation ou cité; lé pagus gallo-romain était une division administrative de la dvltas. Le pagus mérovingien paraît représenter le premier et avoir survécu au second, en sorte que cette antique division géographique n'aurait jamais entièrement perdu sa signification. Sans doute ses li- mites étaient indécises, mais elle n'en subsista pas moins, non-seulement sous les Mérovingiens où elle reparaît sans cesse, mais encore sous les Garlovin- giens où elle porte de nouveau le caractère d'une vé- ritable division administrative. On peut même dire que si elle ne se présente pas avec ce caractère sous la pre- mière race, cela tient sans doute à un défaut de rensei- gnements positifs ; car il paraît que les pagi eurent alors leurs chefs lieux et leurs comtes successeurs des comtes romains ; et, en tout cas , il n'est pas ad- missible qu'ils aient réapparu ainsi subitement après une si longue période d'oubli. Leur rôle fut donc im- portant sous les deux races, mais il se dessina, davan- tage sous la seconde par le système des missi ou com- missaires que les Carlovingiens envoyaient sur la surface de leurs états, pour en surveiller la justice et l'administration. Quoiqu'il en soit, le terme de pagiis ayant été sou- vent détourné de son sens primitif par les historiens de cette époque, il importe d'ensuivre les diverses va^ Digitized by Google — 188 - riations, si on veut éviter bien des erreurs. Ils l'appli- quent tantôt à une cité entière, tantôt à une étendue de pays moins grande que œlle d'une cité y tantôt à une contrée vague, sans limites déterminées, tantôt au territoire d'une ville, et tantôt enfin à des bourgs, à des villages, à de simples habitations. Mais quand il signifie une ^rtaine étendue de pays moins grande que celle d'u le cité entière, il rappelle le pagits cel- tique ; s'il s'applique à une cité entière, il équivaut à civitas, à diœcesis. Grégoire de Tours se sert en effet de pagtis et de civitas comme ayant la même signification, pour désigner une cité ou grand pagtis. Il s'exprime ainsi en parlant des Francs : « Francos juxta yagos vel civitates, reges crinitos super se créa- visse de prima et nobiliori, siiorum tamilia ». Le pagus dans ce sens est la cité ayant sous elle d'autres pagi En voici encore des exemples. Le pagus Bello- vactcs comprenait le pagus Vitmau ou Vhiemaous (le Vi- meux) le pagus Camiïiacensîs [le Chambliois) ; le pagus Stcessionicus comprenait les pagi Tardanensis (le Tar- denois) Urcisus (l'Ourçois) ; le pagus Re9nefisis compre- nais les pagi Dolomensis, Vo7igensis, CastricensiSy StadinensiSy Portiantcs, Mosomegensis, etc. (les pays de Dormois, de Vonc, de Castrice, de Stenay, de Por- cien, de Mouzon). On rencontre aussi dans certains monuments Vex- pression pagelltcs, diminutif de pa^i^. Elle servait à désigner, selon Ducange, un pagus de moindre éten- due, mais ne signifle-t-elle pas une division du pagus même, quand celui-ci est une cité, ou bien une division de peu d'étendue comme les nombreux pngi qui compo- saient une cité telle que celle de Reims ? On pourrait admettre l'un et l'autre sentiment. Ducange cite deux exemples deTemploi depagellus, l'un tiré d'une charte du roi Louis II, qui range au nombre de ses possessions Digitized by Google - 189 - « ct&rtim Turegvm inpago Turgaugense et pagel- lum Urania » (1) ; et l'autre d'un diplôme de Charles- -le-Chauve : « Depagellis qm suœ stmt parochiœ^ > de l'an 861 (2). On rencontre aussi l'expression pagenses civitatiSy qui signifie les habitants des pagi de la cité, ou sim- plement les habitants, les paysans de la cité. Pagus a produit pays et pagenses, paysans. C'est égale- ment de pagus que vint aux habitants des campagnes la dénomination de pagani, payens.parce que l'idolâ- trie se montra plus tenace parmi eux que parmi ceux des villes. Mais si le mot pagus fut employé, sous la première race , comme équivalant de civitas, on lui donna aussi d'autres désignations correspondantes. Dès Gré- goire de Tours les expressions de comitatus, territorium, ager, suburbium, et ruSy districtus, terminum, des- quels il faut rapprocher marchia, fines confiniayOnt la même valeur que pagvs et pagellus, mais non la même que ctvitas. Ainsi, lorsque les auteurs et les diplômes disent : Ambianum solum, Bellovaciim solmn^ Tricassinum soluniy ager Suessionicms, etc., ils n'en- tendent pas par là la cité d'Amiens, de Beauvais, de Troyes, de Soissons, mais le propre pa^w5 du chef-lieu de la cité. Ils en vinrent même à supprimer quelque- fois les mots pagus, et tous ses correspondants ager, solum, territorium, et à dire simplement Biturictim, Pictavum, Suessionicum, le Berry, le Poitou, le Sois- sonnais, expressions passées aujourd'hui en usage. 11 n'en est pas moins utile de fixer, approximative- ment du moins, le sens de ces désignations diverses correspondant à celle de pagus ou s'en rapprochant sous quelques rapports, même éloignés, surtout en s'ap- (f) Apud GuiUimannam De rebut Helveticis, L. H. (2) Appendix capittU. n* 90, ana. 86. Digitized by Google - 190 — payant sur des textes qui les mentionnent. Ainsi, terri- torium équivaut kpagus et se confond avec lui. Par son testament saint Rémi donnait des biens situés in Portensi... in solo Portetisi.,. in tcrritor^io Portcnsi. Dans les diplômes et chartes de la collection Bréqui- gny-Pardessus on lit : « interritorio Autissiodorensi... simititer in eodem page — in pagis vel tcrritoriis Lugdîmensi» Viennensi » (1). Ager^ svburbium et ruS" représentent le territoire d'une ville, sa banlieue, sans doute aussi son pagi^ particulier et non celui d'une cité. Grégoire de Tours dit : « Adextremum Leiidastes^ pueros Mcrovechi. qui in pago egressi fuerunt gladto- trucidavit » (2). Saint Eloi construisit une église « in su- burbio Lemovicansi, in terra et fundo agri Solem nia-- censis et lui donna agrum Soletnniacensem cum omni termino intégra statu » (3). Selon Guérard, le subur^ bium, était souvent une division territoriale assez éten- due, comme on le voit par ce texte, puisque le suburbium Lemovicense comprend rager Solermnacensis (4). Ter- minus, et son correspondant fines, signifient les bor- nes, les limites d'un territoire, comme chez les romains fines, et aussi le territoire même qu'elles circonscri- vent ; César « tn fines Suessionum venit, » Grégoire de Tours dit : « infra terminum Turonicum pour intra terminum » (5). Marchia, confinia ont la même signifi- cation que les précédents. Childéric II concéda à l'ab- baye de Senones, « quod a nova œdificavit,per fines et marchias, terminas vel confinia, » diverses posses- sions. C'est de l'expression marchia que vint le territoire frontière Sii^pelé marquisat, de marcha ou marca (mar- (f) Diplamata t. 2 p. 37 et t. I, p. 6'. — Testament de saint Remy ibid. t. f, p. 85. (2 Greg. Turon. L. V, c. 14. (3) Dipldm. ibid,, t, 2, p. 11. (4) Ouérard, da Système teniîoriaU de la Gaule, p. 50. {6) Greg. Turon. ibid., c. 18. Digitized by Google - 191 -r che). On cite un lieu Elariacits où les expressions terminus, ager^ pagus sont employées pour signifier le territoire d'une simple villa. m LE PAGUS ET LE COMITATUS MÉROVINGIENS ET GARLOVINGIENS. Mais le correspondant du pagus qui mérite surtout de fixer l'attention est le comilatus avec ses divi- sions et subdivisions en comtés inférieurs, vicairies, centénies, etc. Le pagm reçut le nom de comitatm de Tofflce de comte et de la prépondérance que prit cet officier, sous les rois francs, dans la cité ou fraction de la cité qu'il était chargé de gouverner. Ce comte chef militaire et administrateur subordonné à la volonté du souverain, surveillé par ses missi, fut d'abord électif et révocable. 11 y en eut un dans chaque cité, de même qu'il y avait un évêque, en sorte que comme la charge de l'évêque avait engendré le diocèse, celle du comte produisit le comté. Ceci se prouve par des textes de Grégoire de Tours et de divers capitulaires : « Pax sit etconcordia viter episcoposet comités.^ — « Episcopus suo cômiti... adjuior sit et eœhortator existât. » — € Similiter et cornes fadet contra suum episcopvm.,. qvaliter intra suant parochiam canonicum possit ex- pier e ministerium (1). » — « Volumus ut missi nostri per singulas civitates una cum episcopo et comité misses ,. eligant » (2). C'est sous les premiers Carlo- vingiens qu'apparaît le comté comme division territo- riale (3). (f) Capitul. Baloze, t. I^nol. 808 et 854. (2) Ibid. Lib. IV, col. 785 et pas^m. (8) Cmj^M' CaroU magni paMn, Digitized by Google -. 192 - Des auteurs pensent que le ditcatus a remplacé le pagus aussi bien que le comitatus et que ces expres- sions sont identiques ; ils apportent en preuve les textes suivants de Grégoire de Tours : « W^mtrio dux, a pa- gensibus suis ducatu caruit (1). » — « 17^ in ipso pago Cenomannico accipere debeant ducem », dit encore Childéric, dans un diplôme. Ils y ajoutent ces vers du poëte saxon dans le Gesta cœroli Magni : (c Sed variis divisa modis plebs omnU habet « Quot pagos toi duces (2). Mais ces textes ne nous ont pas paru prévaloir sur ceux que rapporte M. Deloche pour prouver que le ducatiis correspondant à l'office de dicx comprenait sous lui plusieurs comtés, ou cités épiscopales, sans toutefois correspondre aux provinces. Le comte d'Au- vergne, Nicetius, lit-on dans Grégoire de Tours, « du- catum a rege (Childeberto) eœpetiit, daiis ; ro eo im- mensis muneribus, et sic in urbe Arverna, Ra- venna atque Uoetia dtuv ordinatus est (3). » Euric, roi des Goths, établit Victorius en qualité de duc € supei^ septem civitates » (4). On remarquera que le duché mérovingien variant arbitrairement en étendue, n'a pas laissé de traces comme division territoriale. La substitution du comitatics au pactes, ou plutôt l'emploi arbitraire de ces deux locutions, comme celui deparœcia pour diœcesis, se remarque surtout à pro- pos de la division des Gaules et de la Germanie par Louis-le-Débonnaire. C'est également alors que se font jour les subdivisions du pagus en vicairies, villes ou cités, villas, oppides, bourgs (5). Sous les deux pre- (\) Ex Larrey cité par M. Jacobs. (2) Mabillon, AnaiticiaX, 3, p. 221. (3) Lib. VIII, c. 18. Clermont, Rodez et Usez. (4) Gregor. Turon, Lib. 2, c. 20. (5) DucaDge cite à Tarticle r^pto de nombreux exemples de cette division. Digitized by Google - 193 - mières races, non -seulement les cités ou gvsnids pagt devinrent en général des comtés, mais elles furent même le plus souvent divisées en d'autres comtés dont la circonscription correspondait ordinairement aux pa^i inférieurs, et étaient régis par des comtes appelés comités rurales, comités pagorum, parigieni, pagisi, pour les distinguer du comes civitatis. En effet, on employait simultanément les mots depagus et de comi" tatus pour exprimer une rirconscription bien connue comme paguSy telle que le Perticus (le Pertois), le Toniodensis (le pays de Tonnerre), le Cmnliacensis (leChambliois), etc., etc. Une formule de 832 s'exprime ainsi : « Concessimus qiuzsdam res, in pago illo, in comitatu Ulo, in villa illa, illo vocabulOy hominibus ipsitis comiiatus (1). Il semblerait que, dès lors, le vicecomitatics dut être une subdivision du comttatus^ de même que le vicomte fut un lieutenant du comte ipost-com^s) ; mais outre que cette subdivision, en tant que géographique, n'apparaît que rarement et fort tard , il est impos- sible de lui assigner une circonscription. Cette dignité dut donc rester à l'état de simple office s'exerçant, jusqu'à la période féodale, en l'absence du comte ou par son ordre. Dans le Reciceil des chartes de Cltmy édité par MM. Bernard et Alexandre Bruel, il est ques- tion d'un vicecomitattis LugdunensiSy faisant partie du pagtcs Lugdimefisis i946) ; et d'un vicomte du Maçon- nais dans un procès qui eut lieu « ante presentiam domni Leotaldi comitis vel fidelibus suis, Vualterium vicecomitem et scabinorum » (951). Peut-être dans le nord de la France les vicomtes correspondirent-ils aux (1) Bévue Msioriqw du droit français, formuUs inédites, par H. Roiiêm, février 1858. 25 Digitized by Google vicaires et aux centeniers et rempla^aientrils les comtes dans les pagi inférieurs de la cité. Ainsi Tarrondissement de Tancienue cité romaine était toujours le pagus^ base persistante de toute cir- conscription territoriale dans la Gaule. Au grand pagus ou dlè succèdent le diocèse et le comté, et au pagus inférieur le comté inférieur. Le pagus devenu comitatus, tout en conservant, souvent sa dénomina- tion première de pagus, se subdivisa en vicairte et cefitenie, centainCy de même que le pagu^s s'était sub- divisé en actus et ager. Les vicaires et les centeniers, desquels on peut rap- procher les vicomtes, étaient des lieutenants du comte. Ces derniers commandant de petits détachements de cent hommes sur divers points du territoire, leurs ofllces finirent par donner lieu, sous les Carlovingiens, à des divisions géographiques du pagus ou comté appelées vicairies et centenies qui eurent pour ressorts les limites du territoire sur lequjel s'étendait l'autorité de leurs titulaires. C'est ce que prouvent jusqu'à l'évi- dence des diplômes de 716, 770 et 814 de Carloman et de Charlemagne, cités par M. Deloche (1). Il existait une distinction bien marquée entre le centenier et le vicaire, dès leur apparition, dans un diplôme de 496 du roi Clovis et dans an autre de 516 du roi Clotaire pour le monastère de Réomé (2). Tous deux sont adressés aux évêques, abbés, vicaires, col- lecteurs centeniers {vicariis, grafionibus^ centenariis^ etc.) Grégoire de Tours parle d'un vicaire exerçant le pouvoir judiciaire dans le pagus Turonensis (585) ; Pépin, dans un diplôme qu'on croit remonter à 764, énonce plusieurs vicaires (3) sans parler de centeniers. (1) l^i supra pp. 185 et 186. fébr. (2)£H«(or. deFrancByX, A p« 616. (3) GaU, ChrM. t. i,lnstrum. HabiUon, Balnse. Digitized by Google - 195 -" Mais sous Louis-le-Débonnaire, lorsque le missus réu- nissait, par ordre de Tempereur, les principaux per- sonnages de sa missie, il était dit que le comte devait amener avec lui ses vicaires et centeniers (habeat untis- quis que oomes vicarios vel centenarios suos secum) (1). Énfln, dans le Recueil des chartes de Clunt/y on men- tionne, à la date du l»*^ février 814, un plaid où des jus- ticiers paraissent devant les « vicarios vel centenarios sive etiam ante missos dominicos » (2). Walafrid Stra- bon, auteur du ix« siècle, comparant les vicaires et cen- teniers aux prêtres des églises baptismales ou pleba- nes, distinguait aussi ces deux fonctionuaires : « Cen- tenarii vel (pour et) viearii quiper pagosstaluti sunt, presbyterisplebium.. conferri queunt » (3). L'interpré- tation que Ton donne à ce texte se soutient par celui d'un diplôme de 875, où vel équivatlt ket:€ prœci- piensvobis... comttibusvel vicariiSy judicibus, centena- rits... >En effet, l'on ne peut pas dire que dans ce texte on confond les comtes avec les vicaires et que ces der- niers ne sont pas bien distingués des centeniers. Aux passages affirmant la distinction de ces deux offi- ciers il suffira d'ajouter cette formule de Marculf : Du- cibuSy comitibi4S, vicariiset decanis [i). De même que le comte avait sous lui un vicomte, de même le vicaire avait sous lui un sifbvicarim ou ypo- vicarius chargé, en cas d'absence, de le suppléer dans sa vicairie. Le passage de Marculf semblerait faire croire qu'il y avait une circonscription formant une dernière subdivision du pagus appelé décanie ou diœainey administrée par un decanus, dizainier^ doyen, officier inférieur au vicaire, mais il est à croiï'e que (1) CapiUl. Ludùviei PH, L 4, G. S8. - Histor* de France, t. f*' p. T45. (2) Recuea,T. I**. p. 16, NoUUa pladU, \ fiftbr. 148. (3) Bibl. Palrum, t. 15, p. 198. (4) autor. de Frtmce, t. 4, p. 288. — ÀppemUm farmui. Mareulfi. Digitized by Google — 196 - le decanus ne fut qu'un fonctionnaire suppléant du comte ou vicaire, quoique ce point ne soit pas éclairci. La centaine {cente^ia, centina, centuria), administrée par un centenier, ne paraît pas plus devoir se con- fondre avec la vicairie que le vicaire avec le cen- tenier, ni être regardée comme une subdivision de celle-ci, pas plus que la décanie ne fut une subdivision de la centaine. L'une et l'autre, composées de la réu- nion de plusieui 3 vici, et administrées temporairement par un vicaire ou un centenier, sans subordination de l'une sur l'autre, signifièrent, depuis environ 542, selon D. Bouquet, et jusqu'au x« siècle, une fraction, un canton de l'ancien pagus. Du reste, l'identification du comitatics SLveclepagusy et ses subdivisions en vicairies jusque sous les Carlovingiens, est prouvée par une foule de textes, Adrien Valois cite en ce genre des titres des monastères de Saint-Ëparche d'Angoulème et de Beaulieu en Limousin, où l'on voit des lieux placés géographiquement dans cette subdivision, comme par exemple : In comitatui Lemovicino^ in vicor ria Exavdonense — in comitaiu Lemovicino^ in civitate Eœaudonense — m Comttatu Catwcino^ in vicaria Baciliacense Ces comtés, dans le même cartulaire, s'ap- pellent également : pagus Lemovicintis, parochia et parœcia Lemoviciensis, pagres Caturcinus et même orbis qui équivaut à comitatus, avec lequel il s'emploie indifféremment : in orbe CaturcinOy in vicaria Casilia" censoyin villa Aniciaco mansum — inorbe Lemovicino, in vicaria U^ercense, in loco Moniemediano — in orbe Lemovicino, in vicaria Usercensè^ in villa Sancli Maxentii, etc.^ Iç district, 16 cercle de Limoges, de Cahors, etc. Dans le centre de la Gaule se présente un terme géographique assez difficile à expliquer, soit comme circonscription, soit dans son étymologie ; c'est Vaïcis ou ards et aUium^ Yaïce ou aié^e. On croit que Vaire Digitized by Google -197- corrêspond à Fager ou finis des autres contrées ; et même qu'il est synonyme du pagus inférieur ou plutôt de la vicaria. On cite à l'appui de ce sentiment une charte du monastère de Brioude où on lit : in ipso aïce, seu in ipsa vicaria, et d'autres textes rapportés par Ducange. Mais, dit M. Deloche, ces expressions souf- frent un sens bien restreint et équivalent à une éten- due de terrain beaucoup moindre que la vicaria ; tout, ajoute-t-il, dépend du contexte. En effet, tantôt Taice paraît être une division du comté, supérieure à la vicairie, et tantôt il semble devoir se confondre avec celle-ci. Ainsi, dans le Rectml des Chartes de Cluny, on trouve ces textes : Inpago Alvemico, in comitatu Brivatense, m aïce Cantinalico, in vicaria de CantoiolCy in cuUura de villa quœ didtur Volamala majore (939); — in pago AlvernicOy in aïce Cantinalico, in vicaria Cantoiole, in villa Bislago (947) : — in pago Vivariense, in aïce Legernatense, in villa Triecis (948). Quoiqu'il en soit de ces dénominations obscures, la vicaria fut toujours la division la plus claire du pagus ou comitatus. Une des formules de Leudenbrog la dis- tingue très-bien en ce sens: « Dono mansum cum omni- bus appenditiiSy et in pago Carnotense, in vicaria Gane- giacense, in loco quœ didtur Sicherivilia. Dono eiiam in prœfîxo pago, vel (et) in eadem vicaria, in loco qui didtur Bùna villa.,. » (1). Un diplôme de 813, cité par Mabillon, nous fournit un rare exemple d'une vicairie plus rapprochée du Soissonuais, qui, jusqu'ici, n'en a fourni que deux, dont il sera fait mention à propos àxi pagus Otmensis (Otmois). Il s'agit, dans cette pièce, d'une donation inpago Meldico, in vicaria Copediense et Brodacense (dans la vicairie de Queude et de Broussy) (2). (1) HUtar. de France, t. 4. p. 555. (2) innaL ardin. bened, t. 8, p. 67f . Cette pièce est citée p«r Gné- rardet M. Deloche. Digitized by Google Après cette date et jusqu'à la fin du xr Biècle, la vicairie, qui n'apparaît guère dans le nord, continue de se montrer fréquemment ailleurs. Des formules portent : in pago illo, in vicaria illa, in villa illa (dans tel pagus, dans telle vicatrie^ dans tel village) [l). Le Recueil des chartes de Cluny en fournit de nombreux exemples, où Ton voit d'ailleurs la vicairie remplacée indifféremment par fims, ager^ centena même. En voici quelques-uns : Des biens donnés à Tabbaye sont situés in pago Matiscomense^ in vicaria Sidunense, in villa q^fe dicitur VoVis (953) — in paéria (pour popo) Arvemica, tn vicwria Ucionense, in cultura de Vinzella — in pago Lugdunense, in vicaria seu agro Tematense, in villa Madalico (938) — in pago LtigdU" nense, in fine Pistriacense, in villa Tarbonato (905) — in pago Matiscomense^ in fine Agenacense^ in villa Btes6iaco (949) — in pago Lucdunense, m agro Can- dicense, in fine VaWs^ vel fines Metonensis (949), — in pago Masticomense, in agro Marciagiacense, in villa Seines (906). — In pago Matiacomense, in agro Rufiu- censé, in villa Rufiaco (926) — in CTmitaûu Warasco- mm, in centena Neudentense, in villa Warnerio-fojitana (934). Il paraît que Vager aurait disparu à la fin du X® siècle et que le finis ne servit plus qu'à désigner un seul finage, comme le pagtis lui-même. Après la décanie apparaissent, dès la fin du viii« siècle, comme subdivisions des pagi et comitatus méro- vingiens, un certain nombre de termes géographiques qu'il importe de ne pas négliger, tels que la quinte ou quintenie {quinta, quintena), la septenie ou sep- taine (septefia ou defensoria), la dixaine {deci), le ban et la banlieue (bannum), le suburbicaire {siUntrbitim), usités jusque sous l'époque féodale. Ces termes em- ployés pour signifier la zone ou territoire environnant (8) Oeloche ubi supra, p. 171. Digitized by Google - 190 — la ville épiscopale, soumis à l'évêque ou à la juridic- tion municipale, indiquent la distance rayonnante au- tour de la ville de 5, de 7, de 10 lieues, sous^ntendu leuca^ comme si Ton disait : quinta leuca^ quintena leuca, etc. de même qu'on disait : qnintum miUiare (cinq milles;, in fra quintena civitatis. La quintaine a produit, dans certains lieux, des archidiaconnés, des achiprêtrés et doyennés dits de la quinte^ embrassant, comme au Mans, la ville épiscopale et sa qumtaine, et répondant aux grands archidiaconnés de certains diocèses, tels que ceux de Reims et de Soissons. Dans la suite, la quinte se rétrécit assez pour ne plus former qu'une simple banlieue ou distance du rayon d'une lieue autour delà ville. Il y avait à Troyes un archidiaconné de la banlieue : Archidiaconatus Banleucœ Trecensis. Le terme de banlieue, bannum, bannuml^ucœ ou leugse^ bafileuca ou banl**uga fut employé, non-seule- ment pour exprimer le territoire environnant une ville épiscopale, mais encore une ville ordinaire, un châ- teau, une bourgade, une église, et soumis à leur juri- diction respective. La banlieue de Laon {banleuca de Lauduno) comprenait ses faubourgs situés autour de la montagne, Ardon, Lœuilly, Semilly, Saint-Marcel, Saint Ladre, Champleu, Laneuville, et constituait au, XII» et XIII* siècles, le pays ou « la Paix de f.aoû » {Pax Laudunensis) (1). C'était, dit M. Matton, le territoire de la commune. Aussi vient-il de bannum, amende, et de leuca^ lieue, exprimant l'étendue d'une lieue sur laqueUe on pouvait l'imposer et qui en formait par conséquent le ressort. Le suburbanum, suburbium, suburbicanœ regiofies s'employait généralement, sous les Mérovingiens et après eux, pour signifier le fau- boui^ d'une cité, d'un castrum, ou le territoire de leur dépendance autour des murs, la banlieue même (I) Grand eartulain de l'é^/éché de Laon, chap. 8 et 8. Digitized by Google - 200 - dans un sens plus étendu, mais quelquefois aussi la civitas, le diocèse. On remarque que lorsque Grégoire de Tours l'emploie pour indiquer le faubourg d'une ville il ajoute l'expression murus; ainsi in suburbano mu- raruniy ou une autre qui ne laisse aucun doute, telle que la désignation d'une basilique, d'un monastère, d'un lieu : « Est apud urbem Treoericam, suburbano, Sanctus Maxinms, basilica Sancti Martini quse sita esse cognosciturinsuburbio Turonis cwitatis > (1), — « Coab- bas Berlandus de monasterio Sancti Vincentii in su- burbio Laicduni posito (2). — In suburbh basiUcœ, Sancti Medardi (3). » Quand on désignait, avec l'expression in suburbiOy un lieu assez éloigné de la ville épiscopale, celle-ci signifiait, croyons-nous, le pagm propre du chef-lieu de l'ancienne cwitas. Ainsi saint Eloi fonda une église « in suburbio Lemovicensis in terra et fvndio agri So- lemniacensis. » Or, Solignac se trouve à plus de 10 ki- lomètres de Limoges. Le mot suburbium représente donc ici une vaste banlieue, ou, si l'on veut, le pagus Lemovicensis proprement dit, dont faisait partie Yager Solemniacensts (4). Lors donc que les auteurs placent une localité in suburbio d'une ville dont elle est souvent assez éloignée, le doute n'estplus possible ; il s'agit du territoire, du pagics de la ville. A plus forte raison, ce qui est rare du reste, signifie-t-il la cité entière, lorsque le lieu est fort éloigné de la ville. Quand donc Mabillon dit , d'après un auteur contemporain, du vn« siècle, que sainte Galaberge fonda un monastère %n (1) nreg. Turon, passhn et apud. ffUtor. de France^ t. 9^ p. 509, Diplom. CaroU CaM. (2) Bi$i, de StrDénii, par FeléMen, preuv. p. 81, Diplama an 988. (3) Annal, du diocèse deSoitêotis^ t. f', p. 471. (4) Diplem. cart», Pardessus, t. 2, p. Il et GaU. Christ, t. II col. 185. Digitized by Google - 201 — suburMo Lingonicœ vrbis^ ea un lieu situé aux confins de TÂustrasie et voisin de la Boui^ogne, distant de Luxeuil de 40 milles, Luxeuil étant lui-même à près de 40 lieues de Langres, il ne peut être question que de la cité ou diocèse de Langres dans toute son extension (1), M. Deloche ajoute que quant aux comtatus suburbani d'un capitulaire cité par Du- cange, il faut entendre par là non plus la banUeue de la ville, mais les comtés ou pagi majores devenus la citéy le diocèse, et il fait rentrer dans ce sens les suburbicariœ regiones, les régions, les pagi de la cité (2). Outre ces termes topographiques, on en rencontre encore d'autres plus difficiles à expliquer et que nous signalerons néanmoins. On trouve au-dessous des pa- gelli ou pagi inférieurs, de plus inférieurs encore en usage dans les contrées du centre de la Gaule. Ici c'est le castrvm ayant sous lui la villa ; là Yager et le finis qui peut être sont desimpies territoires de villa, ou bien des correspondants des vicairies et centenies ; là encore le finis et VactitSy et ailleurs, comme en Sois- sonnais, le finis à peu près seul. Nous avons cité Yaïcis ; M. Deloche ajoute à ces petites subdivisions territoriales du pagi^s le condeta ou condeda au-des- sous duquel serait la plebs ou paroisse, et Vara, Varnim qui n'est peut-être que Vaire et touche à villa, dernier terme de toutes ces divisions. M. Jacobs ne cite qu'un seul exemple de cette circonscription, qui serait moin- dre encore que le bannies, selon lui ; il est tiré d'un di- plôme mérovingien : « donamtis res inpago Constantino in condeda Qicas^iiacense. » Et encore M. Pardessus (t) kcia SS, ordin. Bened, sxcul. II, p. 122. (2) Deloche, ubi supra^ p. 477, t. 4 des Mém. de divers savants^ 2* série. 2G Digitized by Google petise qae eondéfia, q\ apparaît surtout au ix* sîêele, serait à cette époque le synonime de c^ntena (1). De toutes ces divisionls et eubdivisiotis du pagus, aucuue ne survécut, <5oiiime division territoriale, au X* siècle. Elles (fisparitrent, cî^ât^n<35f , ceniemes, quinte- nies, au milieu des troubles qui prëparèrettt l'établisse- ment du régime féodal, lequel opéra un fractionnement infini sur la surface du territoire des Gaules. Le pagus seul persista avec ténadté. et si, au ix" siècle, le comi- tatus passa en usage et le remplaça comme division géographique, il ne le fit nullement oublia. Ce ne fut même qu'au milieu du siècle suivant qu'il disparut avec le comté lui-même, et encore réapparuWl , sous son nom antique, dans <ies désignations géographiques qui sont comn>e éternisées par T usage. Toujours on dira Boui^^n Bresse, Grépy en Valois, Chézy en Orceois, Fère en Tardenois, Mons en Laonnois, Chartres en Beauce, Meaux en Brie, etc. DEUXIÈME DISSERTATION MOYENS DB RECONNAITRE LES ANCIENNES DIVISIONS DE LA OAULE ET DE FIXEd LEURS UMITES. La première partie de notre travail n'était, ainsi que nous l'avons annoncé, qu'une sorte de préparation nécessaire à une étude plus circonscrite que nous avions surtout en vue, celle de la civitas et des pagi soissonnais. N'est-il pas évident que des investigations portées sur chaque citéy sur chaque pagu^ pourront seules produire une topographie complète et définitive de la Gaule ? « La délimitation des anciens pagi de la province ecclésiastique de Reims, écrivait en 185(j M. A. de Barthélémy, dans son intéressante notice sur (I) D^hmaia^eart. Pardessus, t. 2, p 450. Digitized by Google le Sormois (ie pagus Dulcomensés) . n*eat pits encore fixée, bien que cette question ait une grande impor- tance pour la géographie ancienne^ ainsi qne pour l'histoire locale. L'absence de notions certaines à cpt égard augmente les difflcultf's lorsqu'on veut se rendî*e complu des événements mentionnés par les annalistes de la province. » .... € J'ai pensé, ajoutait-il, qu'en coordonnant des notes recueillies à la suite de longues recherches je pourrais établir clairement les limites du pagus Dulcomensis et résoudre ainsi une question qui paraît avoir été jusquà ce jour comme insoluble.» Les vœux exprimés par le savaat critique, quant aux pagi rémois, ont été réalisa d^uis par un autre érudit. M. Longnon, que nous aurons aussi occasion de citer. Nous essayons, à notre tour, de combler une autre partie des lacunes signalées par M. de Barthélémy dans l'étude de la topographie de la province ré^ moise. Mats avant d'entrer au coeur de notre travail, nous avons cru qu'il ne serait pas inutile, pour nous d'ar bord, et ensuite pour ceux de nos coUègues qui vou* draiait aussi entrer dans cette v(He, de résumer les moyens généraux fournis par la critique et l'érudition pour reconnaître les cités et les pd^i, et même pour en fixer les limites. Ces moyens sont nombreux, et, employés simultanément, ne peuvent que produire les plus heureux résultats. L Outre les documents fournis par les anciennes in- vestigations, ceux surtout des grands érudits des deux derniers siècles, < ces explorateurs si sagaces de notre passé historique, » dit excellemment M. Ernest Desjardins, il y a pour la solution des difficiles problè- mes agités par eux, des sources nouvelles. Tout chez Digitized by Google — 204 — eux se bornait, ajoute-t-il, peut-être avec moins de raison, à la rechjerche des identités des villes et des lieux célèbres de l'époque moderne, et à la fixation du tracé des anciennes voies de communication. Mais la limite des Etats, leur régime politique et administra- tif, leurs nationalités détruites ou subalternisées, leur sol enfin, dans sa constitution et ses aspects succès- sifs, ils ne s'en étaient guère occupés. Aux décou- vertes anciennes on joindra celles opérées par la science moderne, qui dispose aujourd'hui de moyens à eux inconnus. Aux écrivains classiques et aux rares monuments étudiés alors par l'archéologie naissante qu'ils ont seuls à peu près connus, se sont ajoutées des sources abondantes et nouvelles d'investiga- tions » (1). L'étude de la topographie ancienne exige, ce nous semble, plusieurs opérations. 1^ première consiste à reconnaître authentiquement l'existence des cités et des pagt dont on veut s'occuper ; la seconde à récher- cher leur origine et leur étymologie ; la troisième, à fixer leur situation, leur étendue et leurs limites et à les suivre à travers leurs vicissitudes historiques. C'est ici surtout qu'il faut en tout obéir à la science, sous peine de s'égarer et de faire une œuvre de pure imagination. César le premier et après lui plusieurs auteurs grecs et latins, on l'a déjà vu, nous ont révélé l'existence d'un grand nombre de ces divisions et subdivisions de la Gaule. On les consultera les premiers. Après eux viendront les historiens plus récents,l6S hagiographes, les chroniqueurs, surtout la diplomatique des deux premières races, les missies de la seconde, les dénom- brements, les cartulaires, etc. L'immense collection (I) Géographie historique et eulmitUslradve de la Gaule romaine, par M. Ernest Desjardins, 1*' volume paru (lUcheUe, 1877.) Digitized by Google - 205 - des inscriptions sera aussi parcourue avec soin. On y verra mentionnés de nombreux pagi romains à l'aide desquels on pourra, par induction, par analogie, re- constituer bien des pagi gaulois. On sait de combien de découvertes en ce genre M. Léon Rénier, le célèbre épigraphiste. a enrichi le monde savant. La Table alimentaire de Velleia, inscription de Parme qui date du règne de Trajan, fournit à elle seule une série de trente-sept pagi, dont M. Ernest Desjardins a désigné la position dans son livre De tabulis alimentariis pu- blié en 1854 (1). L'étude des médailles gauloises et mérovingiennes révélera aussi bien des noms de pagi et de localités, ainsi que les découvertes iirchéolo- giques qui abondent sur tous les points de la France. Pour ce qui est de Torigine et de Tétymologie des dénominations des cités et des pagi, elles viennent de sources si variées qu'on ne négligera rien pour s'en rendre compte. Les cités ou grands pagi tirent leur nom du peuple ou peuplade la plus éminente de la circonscription, le Se^ionicus, le Carnotimcs, le Sues- sionioiis, le Remensis ; les autres de leur capitale ou oppide. principal, ou des villes les plus distinguées de leur territoire : le pagus Aurelianensis, le pagus Ro- thomagensis, Cameracensis ; les moindres également de villes, oppides ou forteresses qui en étaient les chefs-lieux : le Portianus pagus, le Mehidintnsis pa- gus ; les plus petits encore de localités devenues obs- cures : le Vongensis (pays de Vonc , le Camelit/censis (le pays de Chambly). Quelques pagi doivent leur ori- gine à leur situation sur des fleuves des rivières : le Blcsensis, de la Bleise (Blisa), le Mosanus, Moselleft- sis (de la Meuse), le SambrensiSy de la Sambre, le Lœ- ticus de la Lœtia (la Lys), YUrcistis de YVrc, (FOurcq). La proximité et les défrichements des grandes forêts (1) RHvue des Sociétis sa vantes, t. 3, f857, p- 603 Digitized by Google ont acqnis à eertaiûfi pagi le nom inÂme do la focêt : lepaffm ÂjrdHennensis (le pays des Ardennes), le pagus Tewacensis (le p^ys* de Thiérache) ; Pertécus saUus a produit le pagm PerVcus^ Perticnisis , le PenAe (1). Enfin la constitution physique du sol a aussi pro- duit le nom d'un assez grand nombre de pagi dont il faut citer quelques-uns. Ainsi rbumidité du sol jointe à des bois entrecoupés de lieux gras et marécageux a fait la Bresse {saltus Brixim); la Brie {saittis Brie- gius) ; le pays de Braie {saUus Braius). De vastes plaines ooit acquis le nom de Cmnpania aux contrées de Reims, Troyes et Chilons. Mais il importe d ère- marquer que les pagi improprement dits, qui ont suc- cédé à de vastes surfaces forestières, formèrent ordi- nairement des contrées naturelles ek non des circons- criptions administratives et furent découpées en pagi véritables. Dans la Brie par exemple nous trouvons les pagi Meldensis, Otme^i^is, Bagensonistcs, etc. (2). II. Après avoir bien établi l'existence d'une cité, d'un pagitSj leur origine^ on fixera la situation géographi- que et les limites de ces vieilles circonscriptious gau- loises et romaines. Pour obtenir cet important résul- tat, il faut recourir à divers moyens indiqués par les maîtres en ce genre. Après les sources d'informa- tions que nous avons déjà signalées, on consultera les anciens géographes, les cartes les plus estimées, celles de Cassini, du dépôt delà guerre, etc., par les- (0 « Abdilissimam toUtudiwm $av»qux Perticui dicUur » (icto B. LaunomarU) Àd. Vales M>r GaU. p. 449.)- Pbilippide, III - Aymoia. Le Perche éUit un papu du pays Ghartraîn (Perteosis CarnoteBUS pagas — Carnotenus pagas quem P crticem vocaot) mais uo pagui couvert de bois jusqu'au x* siècle. {Gloria confes$orum, 99). (2) Ad. VaUs. NoUUa GaU.. p. 96. - Annuaire hisL, p. 29. Digitized by Google quelles on verra ces circonscriptions aboatir à des voies antiques, à des forêts, à de vastes plaines, à de grands marais, à des cours d*eau, à des chaînes dé montagnes et de collines qui souvent leur servent de frontières. On cherchera dans cet espace de terrain les noms de localités qui peuvent se rattacher à là circonscription. En groupant ainsi ceux qui rappel- lent l'ancienne tribu et ont une physionomie identique on parviendra à reconnaître la surfade autrefois occupée par elle. C'est de cette manière que beau- coup de pagi celtiques du récit de €ésar peuvent être retrouvés et leurs limites retracées par Tinspection géographique et la nomenclature des lieux qu'on peut y renfermer. Mais c'est surtout dans les divisions ecdésiastiques, en général modelées sur les anciennes divisions civi- les, c'est-à-dire sur les cités gallo-romiaines, qu'on trou- vera des traces évidentes de ces dernières. Les comtés leur ont aussi succédé, mais ceux ci ont bea-ucoup varié dans leur étendue ; bénéfices temporaires et amo- vibles, ils étaient à la disposition des princes qui, en les Raccordant, les rétrécissaient ou les amplifiaient selon leur bon plaisir. Il en fut tout autrement des dio- cèses et de leurs divisions que sauvegardait la fixité des limites de la juridiction ecclésiastique. Ils ont donc pu nous transmettre, presque sans altération, les circonscriptions des dtés ou grands payl gallo- romains sur lesquels ils avaient été formés, survivant presque seuls à la révolution féodale qui ne laissa rien subsister de l'ancien régime administratif. A chaque métropole civile d'une province avait correspondu une métropole ecclésiastique, à chaque cité un diocèse et souvent aux divisions inférieures de la cité des di- visions inférieures diocésaines. Auiourdliui encore, c'est la coutume à Rome, croyons-nous, lorsqu'on crée un nouveau diocèse, Digitized by Google - 20B~ d'ériger d'abord son territoire en cité, non-sealement afin d'en relever la dignité, mais encore pour rappeler le mode de formation des anciennes églises épiscopa- les. Les divisions diocésaines offrent donc un moyen sûr pour remonter aux anciennes divisions politiques et administratives des romains. On observera même que quoique ces divisions soient loin quelquefois de correspondre aux régions gauloises, elles ne les firent jamais tout à fait oublier, puisqu'elles reparurent en partie sous les Carlovingiens et qu'aujourd'hui même elles ne sont pas encore effacées, tant elles avaient de racines sur le sol. D'ailleurs les Romains conservèrent le plus souvent la dénomination de la cité celtique et de la tribu principale et dominante qui l'occupait dont on fit la base de la. cité gallo-romaine, lui enlevant toutefois, nous l'avons vu, des pagi ou portions de pagi pour en former de nouvelles cités ou en fortifier d'au- tres trop peu considérables. Dans cet ordre de constatation, plusieurs monuments écrits seront d'un grand secours pour aider aux re- cherches et même leur servir de point de départ. C'est i^ la Notitia dignitatum omnium tam civilium qtiam militarivm per Gallias, qui paraît avoir été rédigée sous Valentinien III ; 2« La Notitia provinciarum et civitatum Qalliœ, qu'on fait remonter au règne d'Ho- norius (395-423), monument que les uns regardent comme politique et civil, d'autres comme ecclésiasti- que, tel que le P. Colombier dans un excellent article des Etudes religieuses^ philosophiques, historiques et littéraires (août 1817, n» 2) ; 3** enfin deux autres no- tices intitulées CapUulatio de nominibus regionum Gai- lice et Noniina regionum et civitatum Galliœ qui ne sont que des reproductions de la dernière, mais avec les modifications que le temps y avait introduites. Ici se pose une question importante et qu'il est utile de résoudre. Tandis que les diocèses correspondirent Digitized by Google - 209 - en général et sous beaucoup de rapports aux cités gallo-romaines, les subdivisions diocésaines corres- pondirent-elles aussi, dans un sens restreint, à celles des cités, les archidiaconnées aux pagi ou comtés in- férieurs, les archiprêtrés et doyennés ruraux aux vicairies ou vigueries et centenies, et les cures de leur ressort aux décanies ; en sorte que le diocèse repré- senterait la cité gallo-romaine, et par conséquent la partie principale et centrale conservée de la cité cel- tique, rarcbidiaconné les pagi les plus importants, les archiprêtrés et doyennés les pagi moindres, les cente- nies et vicairies ? Nous répondrons : ce sont là, même pour les cités, des bases générales, et non absolues, à cause des nom- breuses exceptions qu'on peut signaler dans cet ordre géographique. En effet, il y eut des cités gauloises qui se découpèrent en plusieurs diocèses ; celles des Eduens en produisit quatre, Autun, Châlon, Mâcon et Nevers, lesquels réunis représentent cette cité, la plus considérable, il est vrai, de toute la Gaule. Ensuite il y eut bien des limit^^s indécises pendant des siècles et disputées entre les diocèses limitrophes, ce qui indi- que certaines vicissitudes topographiques. Aussi, lors- qu'il s'agit des archidiaconnés et des doyennés ruraux a est impossible d'admettre, en principe, que ces cir- conscriptions ecclésiastiques furent ordinairement cal- quées sur les circonscriptions politiques. Tel pagus administratif, comme le Tardenois, ou telle région na- turelle, comme la Brie, est divisée entre plusieurs diocèses ; tel doyenné, comme celui d'Oulchy, formé du pagus Urcensis, est annexé à la portion du Tarde- nois englobée dans le diocèse de Soissons. Dans le même diocèse, trois archidiaconnés sur quatre rap- pellent les anciens pagi de Tardenois, de Brie et de Soissonnais. N'y eut-il pas en outre des archidiaconnés qui tiré- 27 Digitized by Google ^ «lu- rent leur nom de leur situation sur une rivière, dans un pays montagneux, ou bien d'une ville, et n'eurent pas de chefs-lieux correspondant à ceux des anciens pagi ? Le diocèse de Beauvais sur neuf archidiaconnés n'en avait que deux correspondant ampagus Braiensis (le pays de Braye) et au Rossontensis (le Ressontois. Les autres étaient l'archidiaconné des Montagnes, dont on trouve l'analogue au diocèse de Reims, de Pont-Saint-Maxence, de Coudun, de création récente. Soissons avait son archidiaconné de la Rivière, ainsi nommé à cause de sa situation sur la rivière d'Aisne. Ainsi, non-seulement les archidiaconnés, les archiprê- trés et doyennés ruraux ne correspondirent pas tou- jours aux limites des pagi et de leurs divisions, mais souvent n'en représentèrent aucun (1). D'ailleurs il faut observer qu'il n'y avait encore aux V* et vi« siècles qu'un seul archiprêtre et un seul ar- chidiacre qui étaient à la tête des prêtres et des dia- cres et résidaient auprès de l'évêque. Ce n'est guère que sous les Carlovingieas, c'est à-dire au ix^ siècle, qu'apparaissent les divisions des diocèses en archidia- connés et archiprêtrés. « On objecte, il est vrai, ce texte d'une charte de Réolus, métropolitain de Reims, de 686 : € Nos ima cum consensu fratrum meorum vel con- civium remensiuni, hoc est tam archidiaconibiiSy abba- tibusy prœsbyteris et diaconibtcSf etc. » (2). Il est bien ici question de plusieurs archidiacres, mais on ne voit pas qu'ils eussent des territoires distincts. Quant à la raison que l'on apporte de cette multi- plicité des archidiacres à Reims, que le métropolitain ayant dans sa dépendance plusieurs diocèses, devait par conséquent avoir plusieurs archidiacres, elle n'est pas recevable. Le métropolitain n'avait de droits ad- (f) Ga6rar<l, E^ai sur les divisions territoriale» de la Gaule, — Au- gu6te Le Pi'c\08t, etc. (2) Diplom, carix, t. 2, p. 2) Digitized by Google - 211 ^ ministratifs réels que sur son propre diocèse Enfin, on n'oubliera pas que la multiplication des prêtres et des diacres dans les bourgs, villages, hameaux et châ- teaux amena la création successive de plusieurs ar- chidiacres, archîprêtres et doyens, et que ce dernier titre était aussi donné au chef des prêtres et des clercs attachés à une église ayant une importance particu- lière, soit à raison d'un pèlerinage très-fréquenté, soit à cause de l'étendue de son ressort paroissial, et que des diacres gouvernaient même des églises, ayant sous eux des prêtres faisant les fonctions curiales (1). Walafrid Strabon, auteur du ix« siècle, semblerait donner à croire, par un texte que nous avons déjà cité, que, non-seulement les diocèses correspondaient aux cités et les archidiaconnés aux paçi, mais encore que les doyennés correspondaient aussi aux centenies et vicairies et les cures aux décanies. Il dit en effet que « de même que des comtes préposent aux popula- tions certains commissaires {missi) pour décider des causes mineures, se réservant les plus importantes, de même les évêques ont des co-évêques, (coepiscopi) qui s'occupent de certaines choses qui leur sont confiées ; que les centeniers ou centurions, ou vicaires établis dans lespaffi (perpagos statut!) , peixYent être comparés aux prêtres des paroisses (plebium) qui tiennent les égli- ses baptismales et président aux prêtres moindres, les décuri'jns ou doyens {decani, dizainiers) qui, sous les vicaires eux-mêmes exercent des offices subalter- nes, aux prêtres ayant des titres inférieurs. » (2) Il est inutile de faiie remarquer que si Ton peut tirer de ce texte des inductions ingénieuses en faveur de ces subdivisions diocésaines et par conséquent de celles (1) Desnoyera, ÀnntMire hUtorique, 1853 et 1859. (2) Walafrid Sirabon, De Relna ecclesiast. c. 31» apud Maxim, Bibl Palrum, p. 98. — Deloche vbi supra^ p. 384. Digitized by Google - 212 - des anciennes cités, il ne faut pas toutefois y attacher une trop grande importance. Quoiqu'il en soit, il ne résulte pas moins de nos ob- servations et de nos réserves que ce sera toujours avec un grand profit que pour remonter aux ancien- nes divisions de la Gaule, on interrogera les divisions et subdivisions ecclésiastiques et que, par conséquent, on examinera les états et pouillés des diocèses, ren- fermant le dénombrement des paroisses par archidia- connés, archiprêtrés ou doyennés dont plusieurs au moins sont les survivants ou les représentants d'un état de choses plus ancien. m. La persistance de ces divisions à travers tant de siècles ne vient pas seulement de ce qu'elles ont servi de modèles aux divisions ecclésiastiques, mais elle a aussi sa raison d'être dans l'aspect physique du sol, dans les mœurs et la langue, dialecte, patois ou ac- cent de leurs habitants. Si ces circonscriptions ont subsisté en dépit des révolutions, des invasions, des divisions nouvelles sans cesse réitérées qui devaient les faire à jamais disparaître et oublier, c'est suivant un critique éminent, M. Chéruel, parce que leurs déno- minations viennent de peuplades qui ont conservé leur physionomie propre, ou de l'aspect physique par- ticulier que présente le sol qu'elles occupent, dans le même genre de culture, de productions naturelles, que rien ne peut effacer, malgré les mutilations, les chan- gements qu'elles ont éprouvés. Sans doute, ajoute-t-il, on a pu se tromper peut être en attribuant ces régions naturelles à la constitution géologique intime des terrains qu'elles occupent, mais on est dans le vrai si, en tenant compte de cette cons- titution, on a surtout en vue les aspects qu'elle pro- Digitized by Google - 218 ^ duità la surface par la différence des terrains, de leur végétation, de leurs productions, des matériaux qu'ils ofib^ent à 1 industrie et même par la disposition des habitations isolées ou par groupes (1). Cette opinion aussi ingénieuse que fondée en raison n*est pas nouvelle, mais elle a été surtout mise en vogue dans ces derniers temps. 11 n'est pas extraordi- naire, dit M. Antoine Passy, de pouvoir constater l'identité des régions naturelles et géologiques avec les plus anciennes divisions territoriales ou pagi de la Gaule, surtout si on sait les rapporter plutôt à ces ré- gions naturelles qu'aux régions géologiques opnstituées par la différence des terrains (2). Le docte M. Des- noyers a aussi indiqué, dans sa Topographie ecclé" siastiqtie de la France de ces analogies qui sont incon- testables mais,en écrivain judicieux, il fait remarquer ailleurs : qu'il serait contraire à la vérité de faire de cette règle une application trop générale au point de vue géologique strictement envisagé; car c'est surtout, dit-il, et principalement au relief extérieur du sol, dont elles suivaient la configuration, bien plutôt qu'à la structure intérieure que les régions naturelles ont emprunté leur physionomie et ont été désignées sous des noms distinctifs par les plus anciens habitants (3). D'où l'on peut conclure que les divisions et les fron- tières des cités et même des pagi peuvent avoir pour bases générales l'aspect des terrains, leurs produits géologiques, leur configuration dessinée par des mas- ses boisées, des plaines découvertes, des collines, des montagnes, des vallées, des marais, les rives d'un fleuve, d'une rivière, d'un ruisseau même, leur mode (1) H. Ghéruel, IMiconri d'çuvertW0 eu comn de géogmphk i la faculté des leltrea à Paris. 185(i, p. •. (2) M. Antoine Passy, Compte-rendu de V Académie d€9 sciences, (3) Revue ddt Sodét & aavaatos, rapport aur les Mémoirei delà Sociélû d'agriculture, .scieoces, etc., dr l'Aube, par M. Deanoyers sur le t. 13 de latSf, (4' séria, t. 5. février-mars 1867, p. 135). Digitized by Google — 214 - de culture, leur genre de production. Mais ici il a encore un écueil à éviter. Il faut se garder de confondre les contrées naturelles et administratives tout à la fois, avec les contrées purement naturelles embrassant dans dans un périmètre étendu plusieurs cités ou plusieurs pagi. Ainsi, pour donner des exemples de cette distinc- tion essentielle que nous avons déjà touchée, YUrcen- siSy le Tardinisus^ le Sicessioneasis proprement dit, sont des pagi administratifs et qui ont leur physiono- mie naturelle et distincte, tandis que la Brie aux terres grasses entrecoupées de bois, pays de la pierre meu- lière, et que la Champagne, aux plaines immenses, pays de la craie, sont des pagi purement naturels sur lesquels se sont formés de nombreux pagi adminis- tratifs. Ce ne sera pas non plus sans fruit que l'on étudiera les mœurs et surtout le langage pour reconnaître les grandes divisions territoriales, celle de la civitas qui a été habitée par un véritable peuple ayant sa nationa- lité , et même celles des pagi , ses subdivisions, occupées par des tribus ayant aussi leur caractère propre et formant, dit M. Deloche, des types persis- tants ayant chacun ses intérêts, sa langue, ses moeurs, etc. « Rien, dit à son tour Ozanam, n'est plus tenace, plus persistant qu'une langue, qu'un dialecte même et un patois ; il y a des mots, des noms qui ré- sistent à toutes les fusions... Tandis que les langues paraissent changer, leur fond primitif se fait toujours sentir. Une langue est l'expression des idées, des sen- timents d'une race, de ses usages, de ses affections ; elle est le produit naturel du sol qui Ta vue sortir, du soleil qui éclaire sa naissance ; elle est l'image de la patrie. Le latin populaire, campagnard, qu'apportèrent en Gaule les Romains, par les camps, les colonies ar- mées, plein de barbarismes et de solécismes, se cor- Digitized by Google - 215 - rompit encore, par le mélange des races, avec les dia- lectes celtiques pour former des dialectes particuliers, mais rélément primitif domina toujours, laissant le véritable latin devenir la langue savante. » Cela est si vrai, qu'après tant de siècles écoulés, tant de révolutions, de bouleversements politiques, ad- ministratifs ; malgré le changement profond de nos mœurs, nos divisions territoriales multipliées, où Ton n'a tenu presqu'aucun compte des divisions primitives; malgré enfin la diffusion de Tinstruction, notamment de rinslruction primaire, le développement des moyens de communication, une centralisation poussée à Tex- trême, on n'est pas encore parvenu à détruire la lan - gue picarde, le patois normand ou flamand, l'accent champenois, ni même celui du Valois et de TOrceois. On peut donc être assuré que, d'ordinaire, là où chan- gent la langue, le dialecte, le patois, l'accent, là se trouve la limite d'une contrée, d'une peuplade primi- tive. C'est un fait dont chacun peut facilement s'as- surer par sa propre expérience. M. Bourquelot, dans son mémoire si savant et si intéressant sur Les foires de Champagne, émet la même opinion sous une autre forme. I e système des provinces, dit-il, quoique totalement détruit « est for- tement empreint dans toute notre histoire ; il a même laissé des traces assez profondes dans l'esprit, dans les habitudes et dans le langage de la France divisée par départements. » Longtemps encore, toujours peut-être, on distinguera la Provence, la Bourgogne, la Cham- pagne, la Gascogne, etc. « Et l'on se fait de l'in- fluence de race et du climat sur le caractère des popu- lations une idée telle, que le nom d'une province est resté le signe distinctif d'une certaine manière d'être, de parler et d'agir. Tout travail relatif à nos ancien- nes annales repose nécessairement sur la division provinciale ». Digitized by Google - 816 - LA CITE DES SUESSIONS. Cette troisième partie de notre Mémoire est comme le couronnement des deux autres, ou plutôt celles-ci étaient les moyens, celle-là était le but. L'atten- tion des savants s'est depuis longtemps portée sur la Civitas Suessionum mentionnée avec honneur dans le récit de César sur sa conquête des Gaules, et qui devait être plus tard le témoin de la ruine de la puis- sance romaine dans cette magnifique contrée. La si- tuation de la cité est incontestable, mais son étendue et ses limites sont restées inconnues. A l'exception de NoviodimuMy que tout porte à faire considérer comme sa capitale, ses autres oppides ne sont pas nommés dans les anciens récits. Rien non plus sur ses pagi, rien même sur l'emplacement du Nof)iodrmiim vers lequel César se dirigea à marches forcées après sa victoire sur les Belges à Berry-au-Bac, {et magno iti" nere confecto ad oppidum Noviodunum contendit)^ et qu'il ne put emporter d'assaut, comme il Tavait es- péré, propter latitudinem fossse muri quea Ititudinem A la faveur de ces obscurités et de ce silence de l'histoire, les érudits pouvaient se donner carrière ; ils le firent laidement. Noviodunum, d'abord, en tant que représenté par YAugusta Suessionum des Romains et le Soissons actuel, a été l'objet de vives attaques et de non moins vives défenses. Tour à tour on a proposé de le placer à Noyon, à Noyant, à Nouvion-le- Vineux (I) £et Foires de Chûnnpa^^ par H. Boaraaelot, Mém. des savasU, 2* série, Antiquités de la France, t. V, Académie des inscriptions el belles- lettres. Digitized by Google — 217 — au MonWe-Soissons, au Mont-de-Noyon, à Coucy-le- Château, et même, le croirait-on, à Nogent-sous- Coucy, qu'on plaçait, pour lui faire jouer ce rôle, sur la montagne de Plein-Châtel , près de Pont-Saint- Mard. Tant d'infatigables recherches, tant d'essais plus ou moins heureux n'ont fait que raffermir l'an- cienne opinion qui plaçait Noviodimtcm à Soissons. Venant aux autres oppides, au nombre de onze, Le- beuf et, après lui, Carlier et Lemoine, leur cherchè- rent une situation géographique. Us en plaçaient un près de Verberie, dont la racine serait ver ou vern, grand, et bria, montagne, en un lieu appelé Mal- Assise^ où l'on a retrouvé des débris archéologiques (1). Le Tardenois, pays boisé, où se trouvent Fara et Daula (Fère et Daule), aurait eu un autre oppide, sans doute FarUy qui signifie selon Ducange et Adrien Valois i2), une réunion de familles au même lieu (3), Un troisième est réservé aux environs de Vailly et de Braine. Longpont, Ancienville, Muret où Ton voyait des vestiges de murailles, des élévations de terres, un camp de César, en un mot, auraient le même privilège qui pourrait échoir aussi à Montmélian, à Montépilois (diocèse de Senlis), à Montgé ou Montgré (diocèse de Meaux) et à plusieurs autres bourgs et villages du même diocèse (4). Enfin, Latanobriga (de Mon, marais, et briga, pont), que Carlier place à Pont-Saint-Maxence et Lebeuf sur la voie de Soissons (0 Lebeuf, Dissert, sur l^ancien Saisstmnais. — Carlier Bist. du Valois, (2) Notit. Gall.^p. 192. (3) Lebeaf, ibid. — Lemoine, t. \", (4) Lemoine {ubi supra). Le camp de Mnrel dut êlre un de ces lieux de reiuge, dont parie César, occupés par les Gaulois- Bel j^es, le^ Romains et même les Francs, témoins les objets d'art et d'industrie des différentes époques qu'on y a rencontrés, mais qui ne furent jamais des oppides. On peut citer en ce genre, avec le camp de Muret, ceux d'Ëpagny, du Mont-Ganelon, prés de Compiègne, du Mont-de-Noyon près de Ribé^ coart (Oise), etc. 28 Digitized by Google ~ 2iè - à Amiens, à la ferme des Loges, où Ton a découvert des traces d'habitations et qui est proche de Nampcel, peut-être le Nemetocemia de César, pourrait bien être l'un des douze oppides Soissonnais. M. Léon Fallue a fait récemment la même supposition à l'égard de Champlieu, sur la voie de Soissons à Sentis, dans son Analyse des campagnes de César (1). D'autres auteurs, procédant avec plus de circons- pection, laissant de côté l'archéologie problématique, pour interroger l'histoire et tirer des textes des induc- tions naturelles et raisonnables, ont ouvert en ce genre des voies nouvelles et beaucoup plus sûres. En dehors de sept pagi Soissonnais, qu'il fait correspon- dre à autant d'oppides, D. Grenier déclare que le reste lui demeure inconnu, mais il indique lui aussi, sans plus de preuves, des lieux anciens tels que Pier- refonds. Cuise , Vic-sur-Aisne, comme pouvant avoir succédé à des villes gauloises. Toutefois, en donnant les oppides comme chefs-lieux des pagi, c'était peut- être faire un pas de plus vers la lumière. M. Guérard, savant du premier ordre , trouvant dans les missies des princes Carlovingiens des désignations de pagi. en cite cinq qui auraient formé la division de la cité des Suessions : le Siiessionicus , VOrcemis, le Tardinisus et VUrcisuSy qu'il distingue de VOrcensis, et, qui sont le même pagus. Un autre érudit, M. Desnoyers, ajoute à ceux-ci YOtmetisis, mais en l'attribuant plutôt à la cité de Châlons qu'à celle de Soissons. Enfin, des recherches ayant été provoquées officielle- ment pour la confection d'une carte des Gaules, la Société historique de Soissons a vu paraître, sous ses auspices, un ouvrage spécial, La Civitas Suessionwn par feu S. Prioux, l'un de ses membres. Dans ce mé- moire se trouve résumé tout ce qui avait été écrit de (4) Lebeur, ibid, p. 49. - Lemoine, ibid. Carlier, ibid. Léon FaUne, énalyse^ voir p. 223. Digitized by Google — 219 - plus scientifique sur le sujet qui nous occupe, et a mé- rité à son auteur l'approbation de plusieurs savants, entre autres de M. Houzé, si connu par ses traraux sur la géographie historique. Quant à nous, qui l'avons mis à profit, nous l'avouerons sincèrement, l'ouvrage de notre collègue et ami ne nous a pas entièrement satisfait, malgré sa valeur incontestable, en ce sens qu'on y remarque des lacunes importantes, que cer- tains textes n'ont peut être pas été assez mis en relief, ou même assez étudiés, et que l'auteur ne s'attachant qu*à la Cité gallo-romaine, représentée par l'ancien dio- cèse de Soissons, • a négligé la cité celtique et même des pagi qui devaient faire partie de l'une ou de l'autre ou de toutes deux. Dans l'espoir d'arriver à donner à la cité des Sues- sions, à ses pagi, à ses oppides une situation moins vague, tout en profitant des travaux de nos devan- ciers, nous soumettrons la question à une nouvelle révision, à un examen approfondi. Dans ce dessein, nous appliquerons scrupuleusement les principes gé- néraux qui ont été posés par les meilleurs critiques et que nous avons résumés dans nos deux dissertations» Ensuite, nous emparant d3s conjectures vagues de Le- beuf et de Cartier qui, par a:i3 sorte d'intuition, vont chercher les oppides Soissonnais jusque dans le Sen- lisien et le Mulcien, et surtout de celles plus précises et plus vraisemblables de Dormay, l'historien de Sois- sons, qui les place avec leurs pagl à Soissons, à Noyon, à Château-Thierry, Senlis, Compiègne et Laon, nous donnerons, avec l'auteur de Y Histoire de César, à la Civitas Siiessionu/n celtique la vaste extension qu'elle comporte, et nous essaierons d'y trouver place pour ses pagi et leurs oppides dont nous traiterons ensuite' isolément. Digitized by Google LA CITE CELTIQUE DES SUÉSSIONS. La Gaule Belgique, selon le récit de César, se com- posait des nations suivantes : Les Rémi, voisins de ceux de Sens qui appartenaient à la Celtique ; les Suessi(nies, voisins de ceux de Reims ; les Neroii\ les Atrebates, les Ainbiani, les Metiapii (Gueldre), les Caletes (Caux), les Velocasses (Vexin), les Veromandui (Vermand), les Bellovaci, les Adiiatuces (Namur), les Condruses (Coudrotz), les Ebvarmies (Tongres), les Cœresos (Namur), les Pomani (Pémont, territoire de Liège, incertain). Plusieurs de ces grandes tribus paraissent avoir appartenu au Belgium, portion considérable de terri- toire expressément mentionnée dans César et son con- tinuateur Hirtius, en ces termes : < Très {legiones) in Belgio collocavit — Quatuor legiones in Belgio collxh cavit. — € Cœsar cum in Belgis hiemaret, » — « Tre- honium cum legionibus quatucn^ in Belgio collocavit (1). » L'historien semble avoir compris dans cette contrée, selon M. Desnoyers, les cités des Belle va- ques, des Ambiens, probablement des Atrebates, peut- être des Suessions et des Silvanectes, et, selon N. Sanson, des Veromandues. On remarque, en effet, que César cantonne trois à quatre légions dans le Belgium et qu'il distribue le reste de ses troupes dans les autres cités de la Belgique, nommément chez les Trévires, les Morins, les Nerviens, les Rèmes, etc. (i), Cluvier parait trop restreindre le Belgium en Tattri- (1) César, L. V., c. 24. c, 46, 49 et c. 54. (2) Ibid, c. 24. Digitized by Google — 281 — buant aux seuls Bellovaques. Cette cité, ajoute M. Des- noyers, pouvait être le centre ou la cité dominante du Belgium par son étendue et sa puissance et avoir formé avec ses voisines une antique confédération qui fit étendre le nom de Belgium à toute la Gaule- Belgique. Ce sentiment, du reste, adopté en premier lieu par Cellarius et Adrien Valois, développé surtout par Tabbé Carlier, a été suivi aussi par Walltenaër et d'autres auteurs modernes d'un grand poids (I). Le plus puissant parmi les peuples de la Belgique était en effet le peuple Bellovaque. Il pouvait armer 100 mille hommes et en avait promis 60 mille à la ligue des Belges. On s'explique ce nombreux contin- gent, puisque son territoire, borné à l'Orient par les Veromandues et les Suessions, s'étendait au Nord jus- qu'aux Ambiens , au Midi jusqu'aux Parisiens et à l'Occident jusqu'aux Calètes et aux Vélocasses (2). Le peuple Suession en offrait 50 mille et les Ner viens au- tant; les Vélocasses et les Veromandues ensemble 10 mille seulement ; les autres chacun un nombre in* férieur à celui des Suessions et des Nerviens et ne dépassaient pas quarante mille hommes Il serait aussi difficile que superflu de rechercher l'origine de la nation suessione, son histoire présumée, sa marche progressive dans la civilisation gauloise, mais on peut dire qu'elle était une des plus nom- breuses et des plus puissantes de la Belgique. Si elle fournissait un contingent de 50 mille guerriers, comme les Bellovaques elle pouvait sans doute en mettre sous les armes un nombre plus élevé. Ce contingent (1) Btllovaci '• civilas magna et inler Belgas auctoritale et homiouni muUitudine prœsUbal. » (César L. 2.) « Inter Belgas prœstarc aiimt BeUovarosac serundum hos Saesiiones. « (Straboa L. 4, p. 29, Histor, de France, t. I".) (2) Carlier. Vistertation sur le Belgium (Amiens, 1753). — Walkc- na«r, biographie awienne des Gaules, t. 1, p. 42i. — Desnoyers, To- pographie eccl. de la Frant'f, Anonaire de 1862, p 493. Digitized by Google suppose déjà une population de 200 mille individus, dont 800 par lieue carrée, et fait un quart de toute la population. Cette évaluation peut s'établir d'après César lui- même, lequel portant à 369 mille le nombre des Hel- vètes qui avaient gagné les rives de la Charente, compte parmi eux 92 mille guerriers, environ un sur quatre individus (1). Malgré de puissantes masses forestières qui cou- vraient encore une partie de leur territoire les Suessions possédaient de très-vastes et très-fertiles campagnes {latissimos et feracissimos agros). Formant un peuple autonome, une véritable dté, ils étaient, comme les iVïA*o6ri<7^5 (Agenais), régis par une monarchie, tandis que les autres avaient pour chefs des d ces, des prin- cipes, les premiers, chefs militaires, et les seconds, ma- gistrats rendant la justice {principes qui jura per pa- gos vicos que reddant) (2). On se souvenait de leur roi Divitiac, € le plus puissant prince de toute la Gaule, lequel avait régné sur la majeure partie de ces régions et même de la Bretagne. » La partie maritime de cette île qui regarde les côtes de la Gaule, conquise par les Belges, conservait du temps. de César des souve- nirs de cette invasion. Presque toutes les cités où ils s'étaient établis portaient les noms de celles qu'ils avaient quittées dans leur pays. Voici le texte cu- rieux qui contient cette particularité : € Maritima pars ab his qui prœdœ ac bclli infere'ndi catisa, ex Belgis iransierant ; qui omnes fere iis nominibus dvi- tatwn appellantuTy quibus orti ex civitatibus eo peroe- nerunt, et bello illato ibi remœnserunt atque agros colère cœperunt. » (3). Il serait intéressant de rechercher si la colonie des Suessions de Divitiac a laissé des traces (f) César L 2. — Prioax, Civitas Sueuitmum, (2) Tacite De morUnu Oermanorum^ C. xi. (8) De Bello gallico, L. 5, c. 12. Digitized by Google - 228 - encore subsistantes de son émigration et de sa domi- nation dans quelques lieux de la Grande-Bretagne ou quelque médaiUe antique par exemple. Au moment de l'invasion romaine dans les Gaules, le roi des Suessions était Galba, « à qui sa justice et sa prudence avaient fait déférer la conduite de toute cette guerre, d'un consentement unanime (1). » Des monnaies frappées sous les règnes des deux princes soat parvenues jusqu'à nous. On en a trouvé de brooze de Divitiac dans la Seine, depuis 1850. Serait-ce une preuve que le prince Suession aurait dominé jusque sur le Parisis ? Elles indiqueraient au moins la proxi- mité des deux cités où ces monnaies avaient cours. Ces pièces portent les variantes suivantes qui répon- dent au latin Diviacuset Divitiacus: Deovitiaéoc, Deiov^ tia, DeivicOy Deiovitti^ Deiviias ou Deimcoc, Une autre pièce rare en argent porte le nom de Nooiod, M. de Saulcy, un maître en ce genre, croit qu'elle a été frappée à Noviodunum Suessionum, Du texte de César, où les Rémois disent des Soisson- nais < fratres consangwneos que suos, qui eodetn jure, iisdem qiœ legibusutantur, imum imperiwn, imiim que magistratum cum ipsis habeant » (2), plusieurs ont conclu que les deux cités n'en faisaient qu'une ; c'est une erreur évidente qui vient de ce que l'on confond la subordination avec la confédération ; il ne s'agit ici que d'unité de race ou d'origine, d'alliance intime sans aucune altération de l'indépendance réciproque des deux peuples. Ne voit-on pas les Soissonnais se séparer des Rémois pour combattre César à la tête des Belges, et les Rémois, au contraire , aller au-devant de lui ? La cité de Soissons avait douze oppides pour sa dé- fi) César L. I. (2) Ibid, L. II, c. 3. Digitized by Google - 224 - fense, disaient encore les Rémois à César au moment de leur soumission à l'envahisseur, entre autres sans doute Noviodunum (l),sa capitale. Aussi,après la défaite des Belges à Berry-au-Bac, est-ce cette ville qu'il vint assiéger en toute hâte. Ne pouvant la prendre d'assaut à cause de la hauteur de ses murailles et de la pro- fondeur de ses fossés, il dut l'assiéger dans les formes et l'obliger à une capitulation qui mit entre ses mains les principaux de la cité, qui s'y étaient réfugiés avec la multitude des Suessions (2). Naoiodunwn était un nom de ville assez répandu dans les Gaules ; on le distinguait en y ajoutant le nom du peuple chez lequel elle était située : Noviodunum des Suessions, Noviodunum des Bituriges, Noviodunum des Sénones. On le trouve jusqu'en Scythie. Le martyrologe Hiéro- nimien rapporte les deux martyrs , Macrobius et Gor- dianus, à Noviodunum, et les trois autres, Zoticus, Lu- cianus et Hélias à Tomi, deux villes de cette province. La racine dunum, qui est gauloise, se retrouve dans un grand nombre d'autres villes : Melodunum (Melun), Uxellodunum^ Latcdunum, Lugdunum ; elle signifie un lieu élevé, ou au moins fortifié ; c'est sans doute à cause de la sitmition de la capitale des Suessions sur une sorte de dune et de la hauteur de ses remparts qu'elle a reçu le nom de Noviodunum. Quant au pré- fixe nomo, il paraît équivaloir à novwn. Ainsi Novio- dunum sigmûerait nouvelle forteresse, comme Neapolis, nouvelle ville, Novavilla, Neuville ou nouveau village. Si donc prenant la cité celtique des Suessions telle que le récit de César nous la dépeiùt, on donnait pour base de sa délimitation territoriale la cité gallo- romaine représentée par l'ancien diocèse de Soissons, comment pourrait-on concilier une population si nom- if) César, L. 2, c. 12. (2) Ibtd. Digitized by Google - 225 — breuse, une richesse agricole si grande, une puissance si prédominante, et surtout cet empire de Divitiac jusque sur une partie de la Bretagne, avec une étendue de pays aussi peu considérable et restreinte à d'aussi étroites limites ? Cela paraît impossible. C'est pourquoi on a dû chercher aux Suessions celtiques des frontiè- res bien plus éloignées et correspondantes à celles de leurs voisins nommés dans César. Sans doute, en pré- sence du silence des historiens, on est réduit à des inductions, à des conjectures, mais ces moyens en apparence si faibles, peuvent, réunis en faisceaux, conduire à une sorte de certitude. Voici donc les limites générales que nous assignons à cette cité cel- tique, en attendant que nous les particularisions lors- que nous traiterons de celles de chacun de s^s pagi. Les Suessions avaient pour voisins à l'Est les Rèmes, à rOuestles Véromandues et les Belle vaques, au Nord les Nerviens et au Sud les Parisiens. Les Rèmes dirent à César : € Suesstones suos esse finiiimos. » Le général romain vint de chez eux avec son armée sur les frontières du Soissonnais «... in fines Suessionum qui proximi Remis erant exercitum duxit; » (1) et il plaça son armée sur la rivière d'Aisne, qui coule à l'extrême frontière des Rèmes « f lumen Axonam quod est in extremis Rhemorum finibus transdùcere matu- ravit... » (2). Or, quelque sentiment qu'on adopte sur le camp de César en ces lieux, il faut toujours admet- tre que la limite des deux peuples était peu distante de Berry-au-Bac. D'un autre côté Fismes {Fines) (3) est certainement l'antique point de séparation entre le Ré^ (1) ^evuedes Sociétés savanteSy juillet 4S77, p. 240 (2) De Bello gaUieo, L. 1*'. (3) Fines figure dans ritinéraire d'Antonin et y est employé fré- qneinineDt sur divers points de la Gaule. {Hisior, de France^ t. I", p. 167.) :9 Digitized by Google - 226 - mois et le Soissonnais sur la Vesle (1) ; et Toppide de Bibrax, qu'on s'accorde aujourd'hui à placer au camp de Saint-Thomas était du Rémois (?). Cette ligne frontière du Rémois et du Soissonnais s'allon- geait au Nord jusqu'aux Ardennes et au Midi jusqu'à la Marne, laissant le Laonnois aux Suessions, ainsi q ue nous le prouverons lorsqu'il s'Agira de ce pagus. Du côté opposé, c'est-à-dire à l'Ouest, les Suassions étaient séparées des Véromandues et des Bellovaques par la rivière d'Oise, en partie, et par de grands bois dont il faut nécessairement tenir compte pour fixer aussi les autres frontières de la cité celtique, surtout du côté des Nerviens et des Parisiens (3). La Gaule Bel- gique était limitée au Nord par la forêt d^Arduenna^ dont rétymologie serait ar article, et den, dan ou dean forêt, la forêt par excellence. C'était en effet la plus vaste forêt de toute la Gaule. Elle s'étendait des bords du Rhin et du pays des Trévires, jusqu'à celui des Nerviens (le Hainaut et le Cambresis) sur une lon- gueur de plus de 500 milles et même, selon Brover jus- qu'aux Véromandues, s'allongeant vers les Rémois et les Catalaunes. Strabon conteste cette amplitude, mais le géographe grec paraît en cela moins bien renseigné que l'historien latin, qui l'avait parcourue plusieurs fois. C'est le sentiment exprimé par D. Bouquet. Les Nerviens, voisins des Ambiens, des Atrébates, des Véromandues et des Eburons (lesquels doivent se placer entre le Rhin et la Meuse), touchaient donc à l'extrémité de la forêt (4). La ligne des Ardennes se terminait par les bois de Thlérache et d'Arrouaise, {\)Jbid. L. 4, c. «2. (2) ibid. L. 2, c. 5. (3) César, ubi supra. (4) « Ardiienna ail va qa» est totii:8 Gai liai luaxima, atqne à ripis Rheni finibus que Trevirorum ad Nervios portinel mUtibus amplios D. la loDgiludiuem palet» (César, L. vu). — o Nervii «oram vAmbiaiio- ram)iiaes aitiDgebant » (IbidyJL. II). Digitized by Google — 227 - qu'elle lançait vers le midi et dont les défrichements donnèrent naissance Bixxxpaffi de Thiérache, de Faigne et d'Arrouaise (Teoracia, Fania, Aroisa), sur les con- fins du Cambrésis et du Vermandois, et connus seule- ment au vm' siècle. La Charbonnière (Carbonarià), autre partie des Ardennes, entre la Meuse et l'Escaut, s'étendait sur les Nervîens et autres pagi voisins et se divisait, dit Adrien Valois, en forêt de Mormal» de Ciran, de Soigne, etc. Elle tirait son nom, soit du charbon qu'on y faisait, soit de sa destruction en partie par le feu. D'après le même auteur, toute cette masse se nommait Hagelanden ou Hageland, contrée boisée ou sylvestre, et poussait jusque vers la Somme et l'Oise, se confondant avec la fç :êt de Thiérache. Ainsi, au Nord, la cité des Suessr ons confinait aux Nerviens et à la forêt des Ardenne» ^ dont les bois de Thiérache n'étaient qu'un prolongenent ; à l'Ouest, les Suessions étaient séparés des Véro nandues et des Bel- lo vaques, non-seulement par rOis« sur une partie de son parcours, mais encore par le grands bois qui couvraient et couvrent encore les • auteurs de sa rive droite et une partie de sa rive gauche. Les ramifications que l'on attribue aux grandes Ar- dennes, les forêts de Thiérache, de Mormal, etc., sou- daient à celles-là d'autres forêts de l'intérieur de la Gaule, surtout le Silvacum, qui, des marais du Pon- thieu, descendait particulièrement le long de l'Oise, jusqu'au Nord de Lutèce et touchait aux Meldes. Le nom de SUvacum, (de siha) donné par les Romains à cette grande ligne forestière, s'est conservé sur di- vers points de sa surface, tels que dans Servais en Laonnois, Selvais en Parisis, la Chapelle en Servais ou en Selvais, dans Senlis même et le pays des Silva- nectes, dans Ville-Serve ou Ville-Selve. Le Silvacum entamé de toutes parts par des défrichements succes- sifs, se découpa, comme les Ardennes, en un grand Digitized by Google nombre de bois qui sont nommés dans les vieux au- teurs et dans les capitulaires, et forment de vastes débris de cette immense ramification, qu'il importe de signaler ici dans l'intérêt de notre géographie locale : L'un des débris de l'anneau qui joignait la Charbon- nière aux Ardennes et aux Silvanectes, dit M. Alfred Maury, est la forêt de Voëse ou de Voas {silva Voegia ou Vedogia), par corruption, de Vosges {Vosagus silva) Peut-être faudrait-il, ajoute l'éminent érudit, rappro- cher de Voas, Wasda ou Waes (la forêt aux vastes prairies) qui s'étendait entre la Lys et l'Escaut (1). Les Belges, notamment les Suessions, éclaircirent ces grands bois et découvrirent d'immenses plaines. Les Romains, les Francs des deux premières races et sur- tout les moines ne cessèrent d'y porter la hache, la cognée et la charrue, et , en entamant ces masses fo- restières y opérèrent des divisions nouvelles et très multipliées. On a vu se détacher des Ardennes les bois de Thiérache, d'Arouaise et de Charbonnière ; du groupe de Voas se formèrent sur la rive droite de l'Oise, les forêts Bouvresse, de Prières, de Senlis, de Baine ; sur la rive gauche celles de Couty, de Saint- Gobain, de Prémontré, et même au-delà de Laon celle de Salmoucy (2). Le deuxième groupe du Silvacum est celui de Cuise, d'où sortirent la forêt de Cuise propre- ment dite sur la rive gauche de l'Oise, celles de Laigue, sur la rive droite, et de Retz, trop connues pour qu'on s'en occupe davantage. Le troisième enfin est celui des (') Dans la forêt de Voas se trouvent Sdint-Nicolas-au-Bois {de saltu ou in bosco) qu*Herinann de Laon signale ainsi : « Canobium sancli Nirolai in sylva Vosn^^o situm. » (« De miraculis sanctœ Marin Landun L 4, c. 3|. Prémonlré, que Barthélémy de Laon montre À saint Nor- bert. « Episcopus Barthoiomœus, dit le même auteur, Laudunum re- diens duxit eum in sylvam Vosagum, ostendit que ei (Norberto) in ipsa looum quemdam qui Pratrum-monstratum vocatur. » {Ibid. c. 6, et Adriani Valesii Not, QaU , p. 622.) (2) Voyez Les Forêts de la France^ par A. Maury, p. 35-37. Digitized by Google - 229 - Silvanectes qui se découpa en d'autres grands bois tels que ceux de Hallate, de Gamelle, de Coye, etc. La rivière de Marne paraît, avoir été au Midi la limite de la Gaule Belgique et de la cité des Suessions, mais la limite vraie devait être plutôt les bois de Brie, qui s'étendaient au-delà de la rive gauche de cette rivière et s'unissaient à l'extrémité du S/ toa(?wm, lequel, avons-nous dit, touchait aux Meldi et séparait les Suessions des Parisiens. Quant à ceux du Tardenois, qui de la Marne remontaient vers la Vesle sur Fère et Fismes et qui constituent les forêts de Riz, de Fère, et de Daule, ils formaient plutôt, comme ceux de Sal- moucy,un groupe intérieur dans la cité celtique qu'une bande limitative de cette cité à TEst (1). De ce coup d'œil général jeté sur nos contrées telles qu'elles ont dû existe:* du temps de César, il semble résulter que la cité celtique des Suessions était comme englobée au milieu de ces bois profonds ; au Nord par les Ardennes et la forêt de Thiérache traversée par tous les aflBuents de l'Oise, vers sa source, et s'avan- çant jusque sur les plaines de la Serre ; à l'Ouest par le SUvacum bordant les deux rives de l'Oise lorsqu'elle (\) Des maisons royales ayant été bâties dans un grand nombre de ces bois on sur leurs lisières, cela donna lieu de les mentionner dans les auteurs et dans les actes mérovingiens et carlovingiens. Dans le capitu- laire du titre 43 sont même énumérées la plupart de ces villas. On y trouve le bois de Kierzy {Kari$iacum foreste) dans le pagvs Suessionei^ sis'j le bois de Servais {Silvacum foreste), \à forêt de Cuise [Cau^in on Coiia sHva)'^ relie de Salmoucy en Laonnois {Salmotiacum), relie de Voas in des Vosges {\osagum fores fe), pour ne parler que rie celles qni intéressent notre sujet. Dans le capitalairo de Cnarles le-Chaave de ^77 sont nommées les forêts de l'Escaut {Scaldehoi) ei de Làigue {lH^ga\. Ce prince, énumère aussi dans r«Me pièce datée de Kierz> les villas el les bois où son fils Louis ne devra ni séjourner, ni cbasser sans nécessité, tels que ceux de Kierzy et du Laonnois : • Gausiicus penitus cum fores- tibus », ceux de Servais : « Silvâcus cum toto I^udunenai. etc. (Baluze Divlomata. - D. Houquet, t. 1*% p. 704). Adrien Valoin {NoUt. GnlL, p. 5i5) croit que par Silvacum il faut entendre le Sauvoir près de Laon. ou mieux Ville Selve, mais le Sauvoir s'appelle en latin Snlvamentum, et Ville-Selve n'était pas du Laonnois, mais bien du Ver- mandois. Or, ccst dans le Laonnois qn*il faut chercher le représentam de Silvacum, le texte du capitulaire ne souffrant aucune autre interpré- tation : « Silvacum cum tolo Laudnnensi. « Digitized by Google - 230 - coule en descendant au Sud-Ouest, jusqu'à Senlis ; au Midi par les bois de Brie au-delà de la Marne, limite approximative de la Belgique ; à l'Ouest, en partie par les bois du Tardenois et les vastes plaines qui des hau- teurs du Laonnois forment la campagne de Reims, à rextrémité de laquelle se trouvait l'oppide rémois de Blbrax. Ainsi le Laonnois et la Thiérache, dans la direction septentrionale, se trouveraient faire une suite naturelle au pays des Suessions. Quant à la limite de la Marne, que César donne à la Gaule-Belgique au Sud, {Gallos.., à Belgis Matrona dividit)y ces expressions (nous croyons devoir insister sur ce point), ne peuvent pas être prises dans un sens absolu, mais général ; et l'on doit supposer que la cité celtique des Suessions dépassa assez fortement cette rivière à mesure surtout que la forêt de Brie, qui envahissait toute cette contrée, se défricha, car elle eut sur la rive gauche de la rivière des pagi qu'on signalera plus tard comme ayant fait partie de la cité gallo-romaine et sur lesquels se forma la Gal- levèse. Si du régime forestier tel qu'il paraît avoir existé dans les temps les plus anciens, tant sur les limites que dans l'intérieur de la cité celtique des Suessions, on passe à l'inspection orographique et hydrographi- que, on verra d'abord qu'elle était comme enveloppée au nord dans une longue chaîne de hauteurs qui, se détachant des Ardennes, contournent la Thiérache, descendent sur la rive droite de l'Oise, poussent jus- qu'au-dessus du Noyonnais et se replient de là vers le Beauvaisis. Cette chaîne est généralement recouverte par les bois de Thiérache et le Silvacum et forme avec eux une limite naturelle. L'occasion se représen- tera de développer cette observation que rend surtout sensible l'inspection des cartes en relief. Indépendam- ment de ces hauteurs, de l'Aisne, de la Marne et de Digitized by Google - 231 - l'Oise, qui souvent lui serveut de limites, la cité des Suessioûs était traversée par d'autres chaînes de col Unes et par plusieurs cours d'eau moins importants, tels que l'Ailette et la Serre, qui tombent dans l'Oise, formée elle-même, vers sa source, de plusieurs ruis- seaux; tels encore que la Vesle, la Crise, l'Ardre, qui tombent dans l'Aisne ; l'Ourcq qui reçoit la Savière, le Clignon et l'Alland et se. perd dans la Marne que viennent aussi rejoindre les deux Morins. Ces collines et ces cours d'eau sont d'un grand secours pour servir à la délimitation des divisions intérieures de la cité. C'est au milieu de ces vastes bois, sur les bords de ces rivières, qu'étaient venus s'établir la grande peu- plade des Suessions et ses diverses tribus. Du temps de la conquête elle possédait déjà ces < très-vastes et très-fertiles campagnes » que les Rémois vantaient à César, et ses divers pagi fortement établis sur sa sur- face obéissaient à un chef suprême. Ceux-ci peu nom- breux d'abord et de peu d'étendue «'augmentèrent et se multiplièrent sous l'action des défrichements. Sur remplacement des bois se formèrent même des pagi administratifs ou seulement naturels, tek que la Brie, la Thiérache, le Tardenois, ou au moins des petites contrées qui en prirent le nom : Beaumont en Baine (inbosco deBoy7ie), Beaulieu en Beine, la Neuville en Beine, dans la forêt de Beine ; Vaux en Arroise, Mon- tigny en Arroise, Gouy en Arroise, Estriîes on Ar- roise, Beauvoir en Arroise ou en Cambrésis, dans la orêtd' Arroise (Arroasta^Aridagamantta sUva/, Mareuil en Daule, Nesle en Daule {Daula silva) , forêt qui d'ail- eurs tirait son nom du lieu de Daule, comme la forêt de Cuise du lieu de Cuise, celle de Retz de Rhée ou Retz, etc (1). (I) Noas citerons aussi en ce genre Livry en Laïuay (Livriaeym in Ameto)j près de la forôt de Launav ou de Livry, qui a donné son nom au paguê ÀlnetensU en Parisis ; Clichy en Aunay {Clippiacwn inÀlneio)i Sa\ignv en Aunay (Sabinia in Àlneto) et aussi Saint- Germain-en-Laye, Roche&rt-en-lTeune, etc. Digitized by Google - 282 — Le système que nous proposons ici sur l'étendue de la cité celtique des Suessions n'est pas nouveau. Il a été indiqué par Sanson, et entrevu par Dormay, qui, recherchant les oppides Soissonnais, avons-nous dit, les place avec leurs pagië Soissons, Noyon, Château- Thierry, Senlis, Compiègne et Laon, et attribue par conséquent à la cité celtique des Suessions le Noyon- nais, la Brie, le Senlisien et le Laonnois. L'abbé Le- beuf, frappé de la puissance attribuée aux Suessions par César, pense aussi que leur territoire embrassait avant la conquête, une partie de celui des Caialatmiy des Laudunenses^ des Silvanectenses et des Meldi\ auxquels d'autres auteurs ajoutent les^ Noviomenses. Il est certain, en effet, que ces peuplades n'apparais- sant comme citéa qu'au moment de leur érection à ce titre par les Romains, on ne peut les considérer jus- que-là que comme de simples pagi celtiques ayant appartenu aux cités les plus voisines. D. Grenier se rapproche du sentiment de Lebeuf , lequel est suivi par le P. Wastelain, les historiens de Soissons, Le- moine, H. Martin et plus récemment par l'historien de César. Selon celui-ci, la cité gauloise des Suessions s'étendait des environs de Paris et de Meaux jusque vers les sources de la Sambre, au pays des Nerviens, comprenait les sources de l'Oise et le cours de cette rivière jusqu'à Vadencourt, près de Guise, laquelle ensuite se dirigeant vers Pontoise, faisait jusqu'à Compiègne la séparation des Suessions des Véroman- dues et des Belle vaques. Ajoutons enfin que la caite du Recueil des historiens des Gaules, dressée sur celles de Sanson, corrigée sur les remarques de D. Bouquet et d'après les dissertations de l'abbé Lebeuf, par Gobert, géographe du roi, renferme dans le pays des Suessions le Laonnois, la Thiérache, avec Vervins, lui donne l'Oise pour limite à l'Ouest, et lui fait dépas- ser la Marne au midi ; et pourtant cette carte ne donne Digitized by Google -- 233 - la circonscription des provinces de la Gaule qu'après la formation des deux Belgiques (1). Du reste ce système, appuyé de telles autorités, se trouvera encore fortifié de nouvelles preuves non moins décisives lorsque nous donnerons les délimitations de chacun des pagi que nous attribuons à la cité celtique des Suessions ; et nous prions ceux qui ne se range- raient pas encore à notre avis, de ne pas se prononcer tout à fait avant d'avoir soumis à un examen sérieux et impartial l'ensemble de notre travail. Nous avons dit que la cité primitive des Suessions était composée de plusieurs pagi ou cantons. Ces pagi correspondaient-ils aux douze oppides que leur attribue le récit de César ? D. Grenier serait porté à le croire, et nous admettrions d'autant mieux le sentiment du docte bénédictin que nous croyons avoir établi par des textes de l'historien latin, l'autonomie relative de cette division, autonomie qui semble emporter avec elle l'existence d'une capitale ou chef-lieu de second ordre, lequel pouvait être ou n'être pas un oppide ou ville fortifiée. Enefl'et, les oppides celtiques paraissent avoir été peu nombreux ; les Helvètes n'en avaient que douze quoiqu'ils comptassent 400 pagi, et les Suessions un pareil nombre, quoiqu'ils fussent très puissants. Ce que nous pourrons avancer dans le sens de D. Grenier devra donc n'être regardé que comme une simple pro- position. Jusqu'ici la plupart des auteurs, ne s'étant guère oc- cupés que des cités telles qu'elles furent constituées par les Romains, n'ont attribué aux anciens Soisson- nais d'autres pagi que ceux que renfermait leur cité gallo-romaine : le SuessionicuSy VOrcisiùs, le Vddtsics, (I) Voyez le P . Wastelain, Description de la Gaule Belgique; Lebenf, Diîsertaiion sur Vancien Scissannais -^ Henri Marlio, Bist, deSoissons] Lemoine, Antiquités de Soissuns : D. Grenier, Introduction à VHist^re de la Picardie, — La carie des Histor. dea Gaules, t. 1*^ Digitized by Google -. 234 - le Tardinism et le Bric gins. A ceux-ci on peut ajouter sans choquer la vraisemblance et, en attendant des preuves plus directes pour la cité celtique, VOime^uis et le Bagenso?iisKs^ le Multianus formés sur le Saltus Briegius, le SUvanectensi^, le NomometisiSy le Laa- dunensis et le Teoracensis, Et ainsi nous aurons la composition intérieure et Tarondissement de toute la cité avec ses antiques divisions. Devant conssîcrer à chacune d'elles une étude particulière, nous passons à la cité gallo-romaine. II LA CITE GALLO-ROMAINE DES SUESSIONS. La cité celtique des Suessions telle que nous venons de la dessiner sur la carte des Gaules, dut subir, après la conquête de grandes modiflcations, ou plutôt de profondes mutilations. Elle perdit plusieurs de ses pagi et Ton forma du reste une nouvelle cité, la cite gcUloroniaine. C'est une vérité historique reconnue que les Ro- mains, dans les divisions et subdivisions qu^ils opérè- rent en Gaule tinrent grand compte des dispositions que ses divers peuples, ses cités, avaient témoignées à leur égard, lors de la conquête par César. Les peuples ralliés et demeurés fidèles aux vainqueurs furent ré- compensés de leur défection par l'annexion de plu- sieurs ^a^." ou cités mêmes, leurs voisines, au détri- ment de ceux qui avaient fait résistance au vainqueur ou qui, après leur réduction, s'étaient mis eu insur- rection. Nous avons déjà cité Texemple des Morins à l'appui Digitized by Google de cette assertion. César ayant éprouvé la fidélité de Commius, chef des Atrébates, voulut que sa cité fut libre, lui conserva ses droits et ses lois et lui attribua les Morins (1). Les Rémois, qui étaient allés au-de- vant du vainqueur, l'avaient assez lâchement rensei- gné sur la ligue des Belges et lui étaient toujours restés fidèles, furent récompensés de leur défection par une augmentation de territoire. Leur cité devait se composer primitivement du Remensis, du Dulcomen- siSj du Stadonensis, du Porlianus, du Mosomagensis, de VArdennerms, du Vabreiisis ou Vaprensis, du Fow- genstSj du Castrensis^ du Montania (la Montagne), de Y \rQOMia; elle fut agrandie de toute la cité des Sues- sions qui avaient pris la tête de la défense nationale et ensuite fait des efforts pour recouvrer leur indépen- dance, Hirtius dit en effet de ceux-ci qu'ils furent attribués aux Rèmes {ftierunt Remis attributi) (2) Toutefois il ne faut pas se méprendre sdr le sens de ces expressions du continuateur de César. Il ne s'agit pas ici d'une annexion ou d'une subordination propre- ment dite, ainsi qu'on pourrait le croire, mais d'une attribution, d'une union forcée, ou si Ton veut de la suprématie passagère d'une population sur une autre. Ce qui le prouve jusqu'à l'évidence, c'est que la paci- fication des Gaules étant devenue générale, la cité des Suessions recouvra sa liberté, car Pline écrivant au plus tard cinquante ans après cette attribution, les appelle Suessiones liberi, expressions qui tranchent sans répli- que la question de la séparation des deux cités Rémoise et Soissonnaise et l'indépendance de celle-ci à l'égard de la première et même, relativement, à Tégard des (1) « GiviUten ejns immaoum esMjatsit (Cœsar), jura leges que rad- didit, atqueipsi Morioos attribait. » (Suite des Commentairu^ L. 8, n» 5.) (2) Pline. HUi. dss Gaule$^ t. I*% p. 56.— Desnoyers, Topogr* ecM» «n. 1859, p. 173. Digitized by Google - 286 - Romains. Néanmoins, on a voulu apporter une autre preuve en faveur de la permanence de la subordi- nation primitive des Suessions aux Rèmes, de ce que, lors de rétablissement du christianisme, les deux cités n'en faisaient qu'une. On a oublié sans doute que l'Evangile prêché d'abord à Reims, mais sans succès, par saint Sixte et saint Sinice, ceux-ci durent se rendre à Soissons, dont ils fondèrent l'évêché, qu'ils retournèrent ensuite à Reims dont Sixte devint évêque métropolitain, tandis que Sinice restait évêque de Soissons, et qu'enfin, après la mort de Sixte, Sinice le remplaça après avoir mis Divitien sur le siège de Soissons, particularités qui indiquent toujours une séparation des deux cités et une indépendance réciproque, (1). Cependant en recouvrant leur liberté, les Suessions éprouvèrent de grands changements dans la constitu- tion de leur nouvelle cité, changements qui du reste furent la conséquence de l'organisation du gouverne- ment des Gaules. La Belgique est partagée en deux métropoles civiles, la Belgique 1^ et la Belgique 2«; celle-là, séparée de celle-ci à l'Ouest par la Meuse, a Trêves pour chef-lieu métropolitain, et l'autre, Reims. Elles exercent leur suprématie administrative sur un certain nombre de cités dont les unes rappellent d'an- ciennes cités gauloises et dont les autres sont de nou- velle création. La Notitia Provinciarum en donne la nomenclature (2). La cité des Suessions occupe le premier rang après celle de Reims dans la 2* Belgi- que, mais elle est réduite et mutilée ; elle s'est vu re- |l) Voyez les actes <ie saint Gervais dans les Bollandistes et les Jti- nale& du diocèse de SoUionâ, t. i". (2) Provincia Belçica secunda (habet civitates) numéro m. — Me- tropolis, civitas Remorum — civUas Sues&ionum — civitas CatueUo dunum — civilas Veromanduorum — civitas Atrebatum — civitas Came- racensium — civitas Turnacensium — civitas Silvanectum — civitas Bellovacoram — civilas Ambianensium — civitas Morinorom (Th^rooane) — civitas Bononensium. » Digitized by Google - 887 — tirer le Laonnois et la Thiérache, qui restent au Rémois, avec une portion du Tardenois, le Mulcien et le Senlisien qui forment deux cit^s, celui-ci avec un coin du Valois, et une partie du Noyonnais qui va grossir le Vermandois. Il ne lui restait donc plus de ses anciens pagi que le Suessionictis, VUreisus, ^0^ mensis et le Bagensonibits dans la Brie, la maieure partie du Tardinisus^ une portion du Vadisus et du Noviomensis. L'ancienne capitale de la cité celtique, Toppide de Noviodumun^ garda son rang dans la. cité gallo- romaine sous le nom à!Augtista Suessûmum. Comment pourrait-on, en effet, trouver le nom celtique de celle-ci si elle n'était le Noviodunum de César ? La ville et la cité conservèrent, sous la domination romaine, une partie de leur importance. Soissons, au iv* siècle, pos- sédait des fabriques d'armes, des palais, un théâtre, des bains et tout ce qui constituait le luxe et l'aisance dang cette phase de la civilisation, et ftit le centre d'un réseau de voies romaines qui faisaient partie de voie solennelle conduisant de Rome à GessUrraoum (Boulo- gne), et avaient sans doute succédé à d'antiques che- mins gaulois. Il serait aussi difficile de fixer les limites de la cité gallo-romaine que celles de la cité celtique des Sues- sions sa devancière, si le diocèse modelé sur la pre- mière ne les avait conservées par les siennes. D'après ce principe dès longtemps, admis et renouvelé par la critique moderne, que les diocèses représentent à peu près ces cités^ donner les limites de ceux-ci telles qu'elles existaient avant la Révolution, c'est donner les limites des cités gallo-romrâies (1;. Or, voici (1) « Estai sur le système des divisioDS territorMles de la Gaule, par Gnérard. Digitized by Google - 288 — d*abord qu'elle était alors la situation topographique du diocèse de Soissons. Ce diocèse, le plus éminent parmi lous ceux de la province, fomant la partie sud-ouest de la 2« Belgi- que, était limité à l'Est par le diocèse de Reims ; au Sud-Est par le diocèse de Châlons ; au Nord-Est par celui de Laon. Il confinait au Nord-Ouest à celui de Noyon, et vers l'Ouest à ceux de Senlis et de Beau- vais. Ces diocèses entraient avec lui dans la circons- cription de la province romaine, puis ecclésiastique de la métropole, Reims devint la résidence d'un préfet romain et dans la suite d'un évêque métropolitain (1). Vers sa partie méridionale il touchait au diocèse de Meaux, suffragant de Sens, puis de Paris au xvu» siècle, et, dans sa partie Sud-Est, à celui de Troyes dépendant aussi de la métropole de Sens (2). Quant à la ligne de démarcation indiquée par les meilleures cartes générales et locales on peut la con- duire ainsi : Au Nord elle suit la petite rivière d'Ai- lette (Lette ou Delette, Aquila^ Lsela, Deletta) jusqu'à son confluent avec l'Oise, prenant Pargny, Filain, Cha- vignon, Guny et Pont-Saint-Mard ; elle descend sur la rive gauche de l'Oise depuis ce confluent jusqu'à Rhuis, près de Verberie, et sauf un petit cantoD de l'ancien Noyonnais qui dépasse la rivière. De Rhuys, qu'elle comprend, elle va rejoindre la vallée de l' An- tenne (Altonna, AtUumna), la suit, descend un peu au Sud, versDormoy-le-Davien, qu'elle comprend aussi, gagne l'Ourcq au ruisseau d'Alland et la traverse au- dessous de la Ferté-Milon ; à l'Est, suit le Clignon jus- qu'au nord de Gandelu, descend vers la Marne à Nan- teuil, laisse à droite Bussiares et Bertron, gagne, près (1) « Inter tsUs gentes Rhemt oobilittimi et aoram urbs primaria Da- rocortora maxime iacolitar et romanorom prœfectis hospitiam probet » (Straboo, 1. 4, p. 29, •'Histor. desGaules, « t. «•'J (1) Desnoyers, Annuaire, de 1859, p. 171. Digitized by Google - 289 - de Sablonnîères, le Petit-Morin (Moru), qu'elle suit jusqu'au sud de Montiuirail, et prenant ensuite le pays d'entre cette rivière et celle de Marne, elle laisse en dehors Fromentières et Montmaur, renferme Lucy- Sainte-Colombe, Damery, où elle passe la Marne, et, remontant vers le Nord-Est, va prendre Belval, Aiguisy, Vezilly, Coulonge, Cohan, Dravegny, Chéry- Chartreuve , le Mont-Saint-Martin , Villesavoye, et, longeant à peu près TArdre (Ârida) jusque près de Fimes, elle passe la Vesle {Vidula, Vetulaj, puis l'Aisne à Pontarcy, laissant Glenne et Merval, passe entre Ostel et Braye en Laonnois, où une borne sépa- rait les deux diocèses de Laon et de Soissons et vient rejoindre son point de départ à Pargny et Filain (1\ Le diocèse actuel de Soissons, modelé sur le départe- ment de l'Aisne, dont il comprend l'enclave, perdit une partie du Tardenois, des pagi de la Brie, recon- quit tout le Laonnois et la Thiérache et une partie considérable du Vermandois. Il semble représenter en quelque sorte la vaste étendue de la cité celtique des Suessions. III LA CITÉ MÉROVINGIENNE ET CARLOVINGIENNE DES SUESSIONS. Il y a peu de chose à ajouter ici à ce que nous avons dit en traitant des cilés et pagi mérovingiens et car- lovingiens en général, d'autant plus que chacun d'eux (I) Cartes de l'ancien diocèse de Soissons ; » Etatdn diocèse, par Houl- lier, <f Gall. Christ. », carte de la métropole de Reims. — Civitas Suessionnm, par S. Prioox. Digitized by Google — 240- sera l'objet d'une étude particulière. Lorsque les bar- bares se ruèrent sur la Gaule, la confusion y devint extrême, et ensuite lorsqu'ils s'y établirent, ils resser- rèrent de plus en plus le dernier lambeau de territoire qu'y possédaient les Romains et qui fut enfin réduit à peu près à la cité de Soissons. JSgidius et son fils Sia- grius, comtes de la 2* Belgique, y établirent leur rési- dence et ce dernier fit même de Soissons la capitale de ses Etats. Clovis ayant remporté sur lui une célèbre victoire, s'empara du pouvoir et à son tour, établit à SoissonSjOÙ étaitexpiréeladomination desdemiersempe- reurs romains dans les Gaules, le siège de son empire. Cette ville conserva encore longtemps le titre de capitale dans les divers partages que firent les rois mérovin- giens des conquêtes de Clovis. Mais la cité gallo- romaine des Suessions disparut avec toutes les autres cités de la Gaule, après l'invasion des barbares et l'installation définitive des Francs sur son terri- toire. LES PAGI DE LA CITE CELTIQUE, GALLO-ROMAINE ET MÉROVINGIENNE DES SUESSIONS. Ayant attribué à la cité celtique des Suessions une étendue beaucoup plus grande que celle de la cité gallo-romaine et mérovingienne représentée par l'an- cien diocèse de Soissons, il importe d'autant plus de consacrer un article spécial à chacun despagi de son en- clave, que celle-ci en a conservé quelques-uns en entier et des portions de plusieurs autres. Dans l'ordre que nous allons leur assigner, nous n'avons eu en vue au- cune idée de prééminence, nous avons seulement cherché à rapprocher l'un de l'autre ceux qui avaient. Digitized by Google - 241 - dans nos investigations, le plus de rapports entre eux. En voici la nomenclature telle que nous la propo- sons : 1<> Le pagus Siiessioniciis, le Soissonnais propre- ment dit. 2o Le pagus Urcisiis, l'Orceois ou pays de l'Ourcq. 3« Le pagus Tardinisus, le Tardenois. 40 Le pagus Otmetisis, TOtmois. 5® Le pagus Bagensoyiisus, le Bainsonois. 6° Le pagus Meldeyisis, le Mulcien. 70 Lepagus Silvanecte)isiSy le Senlisien. 8<> Ee pagus Vadisus, le Valois. 9' Le pagus Noviomensis, le Noyonnais. 10<> Le pagus Rossontensis , le Ressontois ou le pagus Calniacensis, le pays de Chauny. IP Lepagus Laudunoisis, le Laonnois. {2^ he pagus Teoracensis, la Thiérache. LJ£ PAGUS SUESSIONICUS. LE SOISSONNAIS Le pagus Suessionicus, ou Soissonnais proprement dit, était le plus éminent dans Tordre des pagi de la cité gauloise et de la cité gallo-romaine. Il avait pour chef-lieu la capitale même de la nation , Voppidum Noviodunum, origine de ÏAugusta Suessionum et du Soissons moderne. Il apparaît dans les Gesta Franco- rmn et dans la vie de saint Rémy sous le nom de pOrgus Suessionicus, quelquefois sous ceux de territo- riuni Sîiessicnium, d'Ager Suessionicus. Dans le missa- tieum de Charlemagne de'.Fan 796, où se* fait la pre- mière apparition historique de ce genre d'institution, il y est clairement distingué des autres pagi ses voi- 31 Digitized by Google - 242 - sins et surtout de ceux qui composaient encore la dtë ou diocèse, et de la cité elle-même. Wulfaire, succes- seur de Tilpin, archevêque de Reims, dit Flodoard, avait été avant son épiscopat rrUssus, ou commissaire, « super totam Campaniam; tn his qvjoque pagiSy Dolo mensi sciUcet, Oastricensi^ Stadonensi Catalaunefisi, Laudunensi, Porciano, Tardunensi^ Suessionensi (1), c'est à-dire dans les pays de Dormois, de Castrice, de Stenay (2), de Chàlons, d'Otmois, de Laonnois, de Va- lois, de Porcien, de Tardenois, de Soissonnais. Or, si on eut voulu entendre par pagtis Suessionensis, toute la cité ou le diocèse de Soissons, on n'eut pas spéci- ficié rotmois, le Tardenois, le Valois qui, au moins pour une bonne portion, en faisaient partie. D'autres missies confirment la même distinction. Elle se prouve encore par un passage d'Aymoin qui place Droisy, Trucia, où Frédégonde livra une fameuse bataille, in pago Suessionico (3) ; par un autre passage de la vie de saint Amoul, évêque de Soissons, qui met Juoiniaovm (Juvigny) in pago Suessionico (4) ; par un diplôme de Charles-le-Chauve de 857 où l'on cite Vas- liacvs (Vailly) in pago Suessionico (bj ; enfin par un autre diplôme du roi Eudes de 893 qui, en aidant avec les précédents à distinguer le pagics de la cité en fixe la limite à l'Ouest. On y place Fontenoy-sur- Aisne, en Soissonnais, Fonteneiwn in pago Suessionico^ tandis que les villages de Berny-Rivière, Bitry, etc., sont (1) « Bist, Eccl. R''mê)is. » t. 2, c. 18, «< Ilistor. de France. (2) Adrien Valois place le Stadonensis entre le Oastricensis et le Von- gensis(« Not. Gall. », p. 133). Ce doit être Stenay, le Stadinum et Sla- naciim des diplômes. (3) Aymoin, L. 3, c. 81 . (4)c€ Vita s. Ârnulfi, Bolland. 18 juillet. — « Histor. de France, « t. 3, p. 383 • (5) Diplômps de Charles-IeChauve, « Histor. de France, t. 8, p. 330 et 594 où ou lit aussi « Vasli. » Digitized by Google - 243 - dits in pago Noviometisi par d'autres pièces du même genre (1). Nous apporterons encore oomm^ cotifirmatur une donation du comte Héric, abbé de Saint-Crépin-le- Grand de Soissons, en faveur de cette abbaye, dans trois villages peu éloignés de Soissons et placés m pago Suessionico, in fine villœ Montiniaco (Montigny-Len- grain)... in ipso pago vel {et) villa quœ vocattcr Sa- vincus{Sa,cjt)tn ipso pago et villa Alta/bntana {HaMte- Fontaine)... » (2) Flodoard parlant aussi de Montigny le caractérise en ces termes : « Castrum quoddam vo- cabulo Mantiniacum in pago Suessionico siiimi » (3). Ainsi le pagus finissait, d'après ces textes, à TOuest vers Fontenoy, Montigny et Haute-Fontaine ; à l'Est, du côté de Vailly; au Midi, au-delà de Droisy. Quant à le faire correspondre au pays situé entre le Porcien et l'Oroeois, comme le fait Adrien Valois, il n'y faut pas songer, au moins quant à son étendue (4). Sans doute le même diplôme du roi Eudes, de 893, en faveur de Saint-Médard-de-Soissons, met Fraxinum^ Fresne, et Bruerias, Bruyères, qui sont certainement du Tardenois, in pago Suessionico, mais il faut croire que par cette expression on entendait quelquefois tout le diocèse de Soissons ^^5); ce serait donc là une pure exception. Le pagvLs Suessionicus devint le comté de Soissons et le Grand- Archidiaconnédu diocèse qui le représentè- (1) Voyei ces diplômes cités dans les « Annales da diocèse de Sois- sons, » t. {•'^et Adrien Valois, » mt. Gall., p. 587. (2) « Ibid. « (3) Flod. « HUi. Eecl. Rem,, » e. (S) <c Noi, GaU. art. Pagus Snessionicus. » ' (5) « Annales, » t. t", p. Digitized by Google — 244 — rent approximativement dans son étendue , surtout le premier. Or, voici, diaprés Tabbé Lebeuf , quelles étaient ses limites. Au Nord, il était séparé du Laonnois et de la seigneurie de Coucy (Fancien pays de Mège), par TAilette qui coule au pied de ses derniers plateaux et forme de ce côté la ligne séparative des diocèses de Laon et de Soissons. La borne placée entre Ostel et Braye en Laonnois le limitait à TEst ; il s'avançait jusqu'à Fismes, qui était du Rémois, et contournait le comté de Braine depuis Braye jusqu'à Quincampoix. De là, la ligne de démarcation passait par Lesges, Cuiry, Arcy, Servenay, longeait TOrceois, atteignait Morenval, prenait une partie de la forêt de Retz et cô- toyait le Valois ; à TOuest il s'étendait jusqu'à la chaussée romaine de Vic-sur-Aisne à Noyon, vers Au- trêches, et était bordé par les forêts de Laigne et de Cuise. Il comprenait environ 60 bourgs et villages dans son domaine du ressort. Il se divisait en quatre vicomtes principales, celles de Buzancy, la plus ancienne, celles de Cœuvres, de Fromentel et d'Ostel. Il est impos- sible de dire, à cause de leur création relativement récente, si ces vicomtes eurent leur origine dans des vicairies ou autres subdivisions du comté. L'archidiaconné de Soissons, appelé aussi Grand- Archidiaconné , Major-Archidiaconatus , rappelle la prééminence du pagus qu'il a remplacé, sur les autres pagi de la cité. Il comptait les quatre doyennés de la chrétienté de Soissons, de Vailly, de Chacrise et de Viviers. L'archidiaconné de la Rivière qui ne repré- sente aucun pagus est peut-être un démembrement de celui de Soissons comprenant les doyennés de Vic-sur- Aisne et de Blérancourt. De cette sorte on rentrerait à peu près dans les limites du comté de Soissons qui aurait compris deux archidiaconnés. Quant aux autres Digitized by Google - 245 — doyennés de Tarchidiaconné de la Rivière, CoUioles et Béthisy, ils ont été évidemment tirés du pagus Vadisus ou Valois, comme on le verra en son lieu. hepagtis Suessioniciis embrassant dans ses limites de fraîches vallées, de vastes plaines limitées par des forêts, des rivières, des ruisseaux, représente éminem ment ces vastissimos et feracissimos agros dont les Retni faisaient la description à César. Dès le temps des Gaulois il produii*ait cette rein frumentariam des approvisionnements que le général Romain savait si bien trouver et diriger vers son armée. C'est aussi le pays de la pierre à bâtir d'où Ton a tiré tant de monu- ments superbes, tant de belles habitations. Les ha- meaux y sont relativement rares et les agglomérations nombreuses quoique peu importantes. Çà et là de gros- ses fermes sur les plateaux et les crêtes des collines à la tête des plaines de grande culture. C'est surtout au Nord et au Midi que le pagiis se distingue de ses voi- sins par l'aspect physique. Si, des versants de Pargny, de Chavignon, de Pinon, de Pont-Saint-Mard, de Guny baignés par l'Ailette, on jette les yeux devant soi, on découvre à ses pieds le vaste bassin marécageux du I^onnois, enveloppé de ses vertes collines. Si, quit- tant les vallées de l'Aisne et de la Crise pour arriver au sommet des hauteurs de Thau, Hartennes et Buzancy, on descend vers Oulchy, on sera frappé du changement des sites. Voilà les plaines accidentées de rOrceois, au terrain nu, onduleux, et dont la monotonie n'est rompue que par des monceaux de grès et de rares bouquets de bois Quant .1 la langue, elle est parlée assez incorrecte- ment dans les campagnes du pagus Suessionicus, mais ne forme pas de patois et n'a pas un accent bien ca- ractérisé comme rOrceois, dont le dialecte se fait sentir dès Hartennes et les villages voisins. Elle ne Digitized by Google - 246 - diflère de celle du Laonnois que par quelques ex- pressions et quelques nuances que distinguent facile- ment ceux qui fréquentent ces contrées. M. Fleury admet un patois différent dans les trois contrées admi- nistratives du Laonnois, du Soissonnais et du Tarde- nois, et il en cite des exemples auxquels on pourrait en ajouter beaucoup d'autres encore plus frappants (1). II • LE PAGUS URCISUS l'orceois. Le pagus Urcisus était placé au centre de la cité et de l'ancien diocèse de Soissons et tirait son origine de la rivière d'Ourcq,^surles bords duquel il s'étendait. Cette rivière, dont le nom celtique doit être Ur et Uic, qu'elle conserve dans quelques vieux écrits, s'ap- pelait en latin, Urcay Urctis, Ulcum (2). Elle a sa source à Courmont, dans le cœur du Tardenois, et traverse V Urcisus dans toute sa largeur, de l'Est à rOuest, puis faisant une courbe vers le Midi à La Ferté-Milon, après avoir reçu la Savière, se jette dans la Marne à Lisy, dans le Mulcien. Quant au pagus, il est appelé par les auteurs Urcisus^ Vrcensis^ Orceius, Orcensis, VOrceois, YOrœois, VOurceois, VChirquoi, VAî4Soù, VOrchoiSj VAussoys et VAuxois (3). Le docte Guérard distinguant à tort VOrcisus et YOrcensts a fait deux pagi d'un pagus unique. (1) «- Antiquités et monnmeiits dn département de l'Aisne. • (2) Flodoart, L 2, et Carlier ex Damiens Tcmpleux. (3) Lebeof, « Dissert, sur le Soissonnais, » p. 71 et 125. — Hist. dn Valois. Introduction. Digitized by Google ^ Î47 - On a cru longtemps que Ulcum, Ulc/hium, Ulcheia, Uldactan, Dlceium et Urcitmi, variantes du nom latin d'Oulchy, Ouchy et Aulchy, avait été formé de celui del'Ourcq par l'adoucissement de Vr en /, mais il n*est pas non plus improbable qu'il ne vienne du mot ouchia, ouche, lieu sec et aride. On dit encore Cugnv les Ouches, ou lés Oulchy-le-Châtel. Dans tous les cas, ces origines seraient celtiques et le casêrum Ulciacum placé sur un promontoire dominant tout le pays d'a- lentour, pourrait, non sans probabilité, représenter l'un des douze oppides des Suessions et le chef -lieu du pagus celtique. On a cru aussi que Ulcwn, Ulcheium pouvait éma- ner des autres racines gauloises vchs et el, dont la première signifie hauteur et la seconde eau, ce qui voudrait dire un lieu élevé près d'un cours d'eau. Or, cette étymologie convient à l'endroit que nous assi- gnons à Foppide situé sur une altitude baignée par un ruisseau coulant dans un marais, et, en tout état de cause, peu éloigné de l'Ourcq, où ce ruisseau se jette. L'Orceois, région naturelle, apparaît historiquement sous la dénomination d'Urcisum^ dans une vie de saint Vulgis, disciple de saint Remy, solitaire à Troësne, lieu baigné par la rivière d'Ourcq (locum.. Orcisum vo- catur) (1) et sous celle de pagus Urcisus au viii« siècle. Garloman mourant à Salmoucy, donna, par un diplôme de T71, à l'Eglise de Reims la terre de Neuilly en Orçeois < villayn Noviliacum in pago Urtcnse sitam (2) laquelle ne s'appela Neuilly-Saint^Front qu'au xiv« siècle, « mllm Nulliaci Sancti Frontori'S » en 1343, lorsque les reliques de ce saint y furent apportées de Périgueux. Charles-le-Chauve, par un diplôme de 855, (\) Bolland. t. «» Octob. (S) MabUloD, De re iHplom, Digitized by Google ^ 248 - donna au diacre Fulbert le bien de Confavreux, lieu situé près d'Oulchy et vers l'endroit où la voie ro- maine de Soissons à Château-Thierry passait TOurcq, au pont Berna et à peu de distance du village de Berni ou Breni qui ont pour racine commune ber ou bar, barrièie ou passage, pont, {Fabrorum ciirtis in pago Urcetisi super fliimum Urc), Par un autre di- plôme le même prince transmit Confavreux à Saint - Médard de Soissons et le désigne en ces termes : € Fabrorum curtis in pago Urcetisi super flumwn Urc, » ou en ceux-ci : « Sujit que sitœ (ras) in pago Urcense super fluvium Urc » (1). Ne pouvant placer géographiquement Fabrorwn curtis, Confavreux, qui n'est plus aujourd'hui qu'une petite métairie, où Ton a découvert des tombes méro- vingiennes, faute de connaître des lieux si obscurs, Mabillon et D. Bouquet ont dénaturé, le premier, Ur- censi en Breensi et le second Urccnsi en Orne^isi, et ont placé ce pagus bien loin de TOiircq. Leur erreur est détruite par les textes mêmes, et le judicieux Carlier, qui connaissait mieux le pays, en a le premier fait justice. Du reste, le capitulaire de Servais fait figurer TOrceois comme objet d'une missie, parmi des pagi qui ne laissent subsister aucun doute sur sa situation : 4 Pardulfus eplscopv^ {Laudunensis) Alt ma- rus, Thfadaciijts, rnissi in Laudunesio, Portiano, Sues- sionico, Urciso et Vadiso » (2). Avant de tracer la ligne de circonscription de TOr- ceois, il convient de grouper toutes les localités dont la désignation indique qu'elles en faisaient partie. \\) « Histor. de France, » t. 3, p. 533. (2) » Gall, Christ. » t. 9, col. 39 el « Capitul. Baluze. Digitized by Google -249- Outre Confavreux, Neuilly et Troësnes, que les plus anciens documents placent dans ce pagus, il y a la Perte en Orceois, ainsi désignée dans un diplôme de Henri 1" de Tan 1040 : Firmitas quœ appellaittr TJrc (1), la Ferté-Milon depuis la construction du château par le seigneur Milon ; Marigny-en-Orceois, Dammard- en-Orceois, Chézy-en-Orceois, Vaux-en-Orceois, et sans doute Billy-sur-Ourcq. Il parait, d'après la situation de ces lieux, très-bien représenté par l'ancien comté et doyenné d'Oulchy. Le premier, administré par un comte romain auquel succéda un officier du même nom sous les deux premières races, ne perdit ce titre que lorsque les comtes de Meaux et de Troyes l'englo- bèrent, à la fin du x* siècle, dans leurs vastes domaines de la Brie et de la Champagne et n'entretinrent plus à Oulchy qu'un vicomte, leur lieutenant, successeur des anciens comtes d'Orceois dont le dernier , Olderik, vivait en 964. Quant au doyenné il subsista en entier jusqu'au XVIII* siècle où on le démembra pour former celui de Neuilly. Les localités de ces deux doyennés réunis, indiquées par les anciens pouillés et l'Etat du diocèse de Soissons, donnent donc à peu près l'ensemble du Pagus Urcensis (2). D'après cette base et la configura- tion naturelle du sol, il peut se limiter ainsi : Il s'é- tendait du Nord au Sud sur les plaines qui descendent en ondulant des hauteurs dUartennes jusqu'à l'Ourcq et remontent de l'Ourcq jusqu'au delà de Recourt vers Epieds et Lucy-le-Bocage, prenait Marigny-en-Orceois, suivait la rive droite du ruisseau de Marigny, puis celle du Clignon, jusqu'au bois de Montigny-rAllier, un peu au-dessus de Cerfroy, laissant au Mulcien tout ce qui est sur leur rive gauche, Gandelus et Vaux- if) Ce diplAme porte : « Teudo de Firmitate qua appellatur Urc. » (Hist. du Valois, pièces justifie, t. I*'. (2) Etat du diocèse de Soissons, par l*abbé Houliier. 82 Digitized by Google ^ 250 - sous-Coulombs. A l'Ouest, il devait confluer à la Sa- vière et à la forêt de Retz ; à VEst aux forêts de Ris et de Fère. En un mot la ligne de démarcation entre l'Orceois et le ragics SiiessionictiSy au Nord, passait en deçà d*Har- tennes, de Droisy et de Chaudun ; à l'Ouest la Savière et la forêt de Retz le séparaient du Valois, et TOurcq du Mulcien laissant à celui-ci, Montigny et Crouy- sur-Ourcq ; au Sud les hauteurs de Bézu le séparaient de la Brie et des pagi d'Otmois et de Bainsonois ; à TEst les bois de Ris et de Fère le sépamient du Tar- denois. Si Ton jetie les yeux sur une carte on verra que cette étendue de terrain formait le bassin de rOurcq dont l'aspect général, nous l'avons déjà fait remarquer, est celui de plaines onduleuses et fertiles dont la nudité monotone n'est interrompue que par quelques bois détachés de la forêt de Retz. L'Orceois est le pays du grès, du plâtre, du tuf et du moellon friable. Le premier s'y montre en monceaux énormes. On n'y trouve guère ces belles pierres de taille du Soissonnais et du Valois qui ont produit d'ad- mirables monuments civils et religieux. Le langage et l'accent y sont reinarquaUement caractérisés, quoi- qu'ils aient du rapport avec celui du Valois et du Tar- denois. On ne parle pas dans le Soissonnais, ni dans la Brie comme à Oulchy, Neuilly et La Ferté Milon. Si, en quittant la vallée de la Marne, on encre dans l'Orceois vers Bézu, Beuvarde, Brécy et Coincy, on sera sur- pris de trouver une différence aussi tranchée entre le patois de l'Orceois et celui qu'on entend dans la Brie. 11 en sera de même si l'on vient du Soissonnais où le langage est beaucoup plus pur. UUrcisus était traversé dans toute sa longueur, du Nord au Sud, par une voie romaine, dont il reste de fortes traces, et qui conduisait de Soissons au-delà do Digitized by Google — 251 - Château-Thierry. Cette voie qui a pu être originaire- ment gauloise a été remplacée par une route nationale qui suit la mêmedirection. On y remarque aussi d'anti- ques chemins allant de Paris à Reims et appelées, sur plusieurs points, Chemins du sacre ; un autre condui- sant de Soissons à Neuilly-Saint-Front. m LE PAGUS TARDINISUS LE TARDENOIS. Cepogus, appelé indistinctement Tardanensis ou Tardœiensis , Tardunensis , Tadriniacus , Tardor nusy Tardanensium comiiatus^ est connu aujourd'hui sous lenomde TardenoisouTartenois (1). Il ne peut s'é- lever de difficultés sur sa position géographique entre la Marne et la Vesle. Il occupait la partie occidentale de la cité et du diocèse de Soissons et était limitrophe, au Nord, du Laonnois, à TOaest de TOrceois, au midi de rotmois et du Bainsonois,pagi de la Brie et, à TEst, du Rémois. Il y a tout lieu de croire que le Tardenois a été une contrée naturelle avant de devenir un pagus administratif. Il était à l'origine couvert de bois à l'Ouest surtout, et il a conservé des masses forestières assez importantes, telles que les bois de Ris, de Fère, de Coulonges, qui étaient autant de sections de la forêt de Daule. La dénomination de Kis parfldt se rap- procher de celle de Retz ; celle de Daule ou Dole vient du hameau de Dole, Dola ou Daula, situé au centre de cette forêt et dépendant de Mareuil-en-Daule. Col- liette cite une charte d'Héribert III, comte de Verman- (I) M Uistor. de France, t. 7, p. 616 et t. 9, p. 599. - Flodoard, L. 2, c. 18. — Vita S. Rigoberii apud Bollaod. 9 septemb. Digitized by Google - 252 - dois, donnant à l'église de Mont-Notre-Dame des biens dans la forêt de Daule : « Ecclesiœ de Para apvd Mon- tiffnies, absus très cum area, ecclesiœ Montis Noslrœ Dominœ huobam unam in foresta Daula » (1). Des savants prétendent que la racine de Tardeuois est tard, source, en celtique, ce qui indiquerait un pays de sources, un pays arrosé par de nombreux cours d'eau. D'autres étymologistes, qui se rapprochent de ce sentiment, disent que Tardinisus voudrait dire un pays tourbeux. L'aspect général du pagus est celui de plaines onduleuses entrecoupées de sources don- nant naissance à des ruisseaux qui se rendent, les uns dans l'Ourcq, les autres dans la Vesle et dans la Marne, l'Ardre, la Sémoigne, etc. Ce pagus était traversé par un ancien chemin, peut-être gauloie, dont on retrouve partout des traces. Partant de Sois- sons, il suivait les hauts plateaux du Mont de Sois- sons, descendait vers Arcy, gagnait Fère, Champ- voici, et se dirigeait vers la Marne, qu'il passait au Pont, aujourd'hui Port-à-Binson, chef-lieu du Bainso- nois. Il est appelé aggerera publicum dans, la bulle de confirmation du pape Urbain II des biens du prieuré cluniste de Coincy (2) et a conservé le nom de chaus- sée Brunehaut. Le Tardenois parsut avoir appartenu en entier à la cité celtique des Suessions ; une faible partie en fut détachée en faveur de la cité gallo-romaine des Ré- mois. Cette division a fait supposera plusieurs qu'il y avait eu deux pagi de Tardenois, mais n'est-il pas plus rationnel de dire que les cités gallo-romaines et les diocèses s'étendirent souvent sur des pagi gaulois (1) Mém. du Vetmand. par CoUieUe, t. I", pièces justifie, p. 693. Absus signifie une terre en friche, Area une place propre à i>atir et huba tantôt une terre cultivée et tantôt une t^^rre en bois. (2) Recueil de pièces sur Coinry. Bibl. nation. Manuscrits. — Revue arch., nouvelle série^ t. f9, ari. de M. Longnon sur le pagu\ Bajemmisus, Digitized by Google — 253 — à leur proximité, soit par voie d'accroissement, soit par suite d'une division régulière. C'est ce qui arriva pour le Tardenois. Aussi Adrien Valois attribue sans hésiter le Tardenois primitif au Soissonnais. Du reste, ce qui prouve cette attribution, c'est que la partie la plus considérable annexée à la cité gallo-romaine de Soissons, forme dans le dfocèse un archidiaconné.tân- dis que celle annexée au Rémois ne forme pas même un doyenné. Le Tardenois devint un comté dont le titulaire était, en 853, Bertrand, parent d'Hincmar, archevêque de Reims, et vers 860, un personnage nommé Other (1) ; mais il apparaît avant ces époques dans un capitulaire de Charlemagne de 795 que Ton va citer et dans le Livre des Miracles de saint Denis, composé avant Ton- née 800. Flodoard le nomme plusieurs fois dans les livres I et II de son Histoire de V Eglise de Reims (2). Si l'on devait tenir compte du rang que ce comté occupe dans les missies, il faudrait le placer entre le StwssionCcus et le Portianics, mais on sait que pour les composer on n'avait égard ni au rang, ni à la situation topographique respective des pagi ; on cherchait surtout leur proximité de la résidence du commissaire chargé de leur inspection. Il suffit pour s'en convaincre- de jeter de nouveau les yeux sur le missalicum assigné à Wulfaire, lequel s'étendait : * Super totam Campa- niam, in his quoquepagis Dolomense scilicety Laiidu- nense, Vadense,Portiano, Tardiounsc, Siœssiojienso L'archevêque était au centre de ces pagi. Quant au Porcien, il était bien éloigné du Valois et du Tarde- nois. M. A. de Barthélémy pense, s'il nous en sou- (1} " fieriranno illustri comiti Tardunensis pagi, propinqno sdo, pm sacramento régi a^^n'lo, qualiler regi fidelitateni jurare deberent qui i.» tpsios conoilatu coosistebant. ( Hitl, Eccl. Rem , L. 8 ) (2) Flod., A ibid., L. 2. Digitized by Google ~ 254 - vient, que lo Vungensis confondu avec le Tardenois fut sans doute absorbé ensuite par le Laonnois, mais la chose paraîtra impossible si Ton remarque que le Tardenois ne dépassait guère la Vesle au Nord et que le pays de Vonc, représenté aujourd'hui par son chef- lieu Vonc, était situé au delà du Rémois, au Nord* Est de l'Aisne, et se trouvait même séparé du Tarde- nois par le Soissonnais et le Laonnois qui en formait la frontière septentrionale. Les auteurs, la tradition, les cartes géographiques, en indiquant un grand nombre de lieux sur divers points du Tardenois, tant dans la partie rémoise que dans la partie soissonnaise, permettent de reconstituer l'ancien pagus. Nous y placerons en premier lieu Crus- cmiacum et Faram, Cruny et Fère-en-Tardenois, que sainte Geneviève avait reçus de Clovis pour l'aider en ses voyages de Paris à Reims, et que saint Remy donna à son Eglise par son testament (1). Fara {in Tardanense, in Tardanesio) serait une dénomination celtique signifiant une réunion d'habitations occupées par des individus d'une même famille ou tribu. M. Desnoyers croit que cette petite ville, regardée généralement comme le lieu principal et même comme l'un des oppides Soissonnais, serait l'ancien Portus Tadriniactis, ce que ne justifie pas sa situation sur rOurcq, rivière qui n'est encore qu'un courant d'eau fort faible en cet endroit, quoique Tadriniacus indique bien un lieu du Tardenois (2). Observons toutefois que le Porcien, le Portensis du testament de saint Remy s'appelait aussi en latin Portus, et Chàteau-Porcien Castrum Portuense. Le Livre des miracles de saint Dé- fi) Flod. L. f, c. 18. — Outre Fère-en>Tardenois, il y a encore La Fère-en Thiérache, Fère-Champenoise, Fère eaBrie, en Briange, etc. ~ Brequigny Pardessus, Diplom,^ t. I*% p. 85. itj Annuaire <i0 1859, p, 183, note. Digitized by Google — 255 — nis place en ce canton Caviniaca, Savigny-sur-Ardre et AltaripUy qu'Adrien Valois traduit par Autreppes, village de la Thiérache bien éloigné du Tardenois, et qui est demeuré inconnu. Flodoard y place Chartreuve {villom Cartobram m pago Tardanensi); Acmiacum qui se rendrait bien par Acy, si cette localité n'était pas si rapprochée de Boissons, et qui est peut-être Arcyle- Ponsart. Dans l'édition de l'abbé Mîgne Aciniacum in pago Tardonensi est traduit par Arcini-en-Tardenois. Un autre passage du même historien semble rappro- cher ce lieu de Cruny et de Courville. Waratus, dit-il, donna ad ecclesiam Sanctœ Mariœ el sancti Remigii Remis Cncciniacum 'inoyitem^ Curbam-mllam cum Acci- niaco in pago Tardonens^i, sous l'épiscopat de saint Réol (1). L'Appendice à l'Histoire de l'Eglise de Reims attri- bue au Tardenois le Mônt-Notre-Dame, dans la convo- cation d'un concile en ce lieu {apud Montem S. Mariœ in pago Tarda?iensi) (2) ; Nigella, qui est. bien Nesle en Tardenois, ou en Daule,près de Fère ; Longavilla, Longeville près d'Arcy-le-Ponsart ; Corneclacus où sont donnés à la matricule de Saint-Remy de Reims, quel- ques biens en ces termes : ^a Ad malriculam sancti Re- migii res quasdam in pago Tardanensi, in villa Cor- neciaco constitutas. » M. Longnon déclare ignorer à quelle localité correspond Corneciacus et croit qu'il faut rejeter Crugny qui se disait en latin Crusciniacum et Crusniacum, lequel est d ailleurs déjà désigné avec Courville par Flodoard lorsqu'il dit que Tilpin, arche- vêque de Reims, obtint de Carloman un précepte < De his qui in Cmsciniaco, Curba villa vel {et) in omni pago Tardonensi (3). » (1) Flod. L. 2, c. I . (2) «Appendix ad BUi, Eccl, Rem, (3) Flod. L. 2, c. M. Digitized by Google -. 256 - Parmi les monuments qui peuvent encore être d'une grande utilité pour servir à retrouver d'autres locali- tés du Tardenois, se présente le Polyptique de Saint- Remy de Reims, ou dénombrement des manses, serfs et revenus de cette abbaye vers le milieu du ix« siècle (1). Ce monument ne fut pas inconnu d'Adrien Valois; il dit, en effet que le Juviniacum qu'il a vu dans un vieux livre des revenus et dîmes de Saiut-Remy, est Joygnes ou Jouaingnes, situé auprès du Mont-Notre- Dame en Tardenois. Le Polyptique de Saint-Remy a été édité, en 1853, par Guérard, cet homme si remarquable par sa science et son érudition, qui y a ajouté une nomenclature des lieux du Tardenois devant des décimes (dismes' à l'ab- baye de Saini-Timothée de Reims (2). Mais ce dernier document est plein de fautes, lesquelles se joignant au désordre qu'y avaient introduit les copistes, le ren- daient à peu près inintelligible. Ajoutons que Guérard, malgré son étonnante sagacité, commit lui-même di- verses erreurs dans la traduction de plusieurs noms de lieux, faute de bien connaître le pays. Mais, par un bonheur inespéré, le hasard en fit tomber entre les mainsde M. Houzé une seconde copie, laquelle, pleine elle-même d'erreurs d'un genre diffé- rent, mît toutefois ce géographe sur la voie de re- dresser celles de l'autre. Voici ce qui était arrivé : on avait mis en colonne, sur la première, ce qui devait être mis en ligne, c'est-à-dire qu'on avait placé au- dessous ce qui devait être écrit à côté. Nous allons reproduire, d'après cette pièce rectifiée par M. Houzé, la nomenclature des lieux placés en Tardenois. Ce sont les villages de Corchereio, Cucherv (1) Baluze et les bénédictins, dit D, Noël, font remonter cette ^ièce au temps d'JHMcmar, mais M. Longnon la croit plus récente d'un siècle ou deux {Notice sur ChatUhn^ p. 49.) (2) P. 28. Digitized by Google - 257 - au Nord-Est de ChâtilIon-sur-Marne, selon Guérard ; de Ponte-Salcidi, Sarcy-en-Tardenois, que .nous reje- tons. ouPontarcy, selon le même, et plutôt Pontsculd selon M. Houzé, selon nous le Pont-d'Ancy, près de Limé, sur la Vesle et à peu de distance du Mont- Notre-Dame en Tardenois ; de Antennayo , Anthenay à deux lieues au Nord de Châtillon-sur-Mame, d'après Guérard ; de Monte sancti Martiniy le Mont-Saint- Martin, non loin du Mont Notre-Dame et de Ghar- treuve-en-Tardenois ; de Awennaio, Aougny Marne), d'après M. Houzé ; ne serait-ce pas Avenay aux envi- rons de Reims ? de Paars, Pars, près de Braisne, mais au-delà du cours de la Vesle, quoique dans la vallée qu'arrose cette rivière ; de Lagereio^ Lagery, canton de Ville-en-Tardenois ; de Proviliaco, Prouilly, au Nord-Est de Jonchery, canton de Fismes, au-delà et dans un arrière-vallon de la Vesle, ce qui indiquerait un autre envahissement du Tardenois sur la rive droite de cette rivière. Nous remarquerons que la lec- ture du mot Proviliaco n'est pas absolument certaine, que Flodoart place ce lieu dans le Rémois {Proviliacum in eodempago Remensi); de BailL. Baslieu près Me- leroy (Aisne); de Casa-Heribaldi ou Heriboldi (in- connu ; de Cwmisel, Cramoiselles ? canton d'Oulchy (Aisne), à deux lieues Ouest de Fère, ou Courcelles, canton de Ville-en-Tardenois, selon M. Houzé^ et le même sans doute que Corcellum villam où saint Remy avait assigné 2 sous de rente pour être distri- bués à douze pauvres inscrits sur la matricule de l'église et qui attendent leur aumône devant les portes (au portail) (1); de Culmedis, qui doit être plutôt Cor- moyeux en Tardenoisjque Cramailles (canton d'Oulchy, (I) « Panperibns duodecim in matricula positîB, ante fores eeclesie ezpectanUbos stipem. duo solidi unde se reficiant inferentorf qoibos CorcaUum viUam dudnm desservire prœcepit. » (Fiod. L I^ c. 18, col. 62, 6dit. Migne ) Digitized by Google - 468 - ou Cornières, canton d'Ailly (Marne), que nous avions accepté d'abord faute de mieux ; de Villcia, Villette près de Ste-Euphrasie, canton de Ville-en Tardenois ; de Nantoïlo, Nanteuil-la-Fosse, qu'un pouillé rémois de 1305 place aussi en Tardenois {Parochia de Nan- tholio in Tardano) (1). C'est pour la même cause découverte par M. Houzé que le monument de Saint Timothée de Reims place dans le Remensis les localités suivantes qui appartien- nent au Tardenois, à moins que par le pagus Remoisis il ne faille entendre le Rémois en général ou diocèse de Reims comprenant une partie du Tardenois, ce qui est peu probable. Ces localités sont celles de &?oi*to, Ecueil (Marne), ou bien Cuile entre Meleroy et Anthe- nay; de Calmisiacn, Chaumftsy, autrefois Ohaumisi, près de Ville-en-Tardenois ; de Rodenais, Rosnay ou Rosny, à une lieue et demie au Sud de Muizon, en décade la Vesle ; de CersoUo, Cerseuil au Sud de cette rivière et de Braine ; de CurbavillUy Courville, à une lieue et demie au Sud de Fismes, et déjà signalé. Dans les diplômes relatifs à Saint-Corneille de Com- piègne, nous trouvons l'indication de plusieurs do- maines que le monastère possédait en Tardenois. On y mentionne Romigny-en-Tardenois, le prieuré de Ste- Marthe-en-Tardenois (le Mout-Notre-Dame\ Jouaignes en Tardenois, Sarcy-en-Tardenois, Cruny et Fave- rolles-en-Tardenois {in pago Tadriniaco] (2). Sarcy nous paraît être incontestablement le Saiariciaciis villa de Grégoire de Tours, où se tint, en 589, un synode provincial de la métropole de Reims pour juger Droc- tégisile, évêque de Soissons. Ce lieu qu'on a regardé longtemps comme inconnu, n'est donc ni Saureau (!) D. D. Noël, Notice sur CharUUmsur Marne, art. Nanteuil. (2) Grcg. Turon. L. 9, c. 37. Digitized by Google ou Sorel, lieu dit près de MontrNotre-Dame, ainsi que le pease Tabbé Carlier et avec lui S. Prioux (l) ; ni Soucy (canton de Villers Cotterêts), comme le croit M. Jacobs (2), mais Sorcy, Saurcy ou Sarcy en Tarde- nois, qui se trouvait dans la partie r<émoise du paffits Tardcmensis, et à portée de Soissons et de Reims. Nous sommes aussi d*avis que VAntiniacum donné en 877 à Saint-Corneille est Anthenay dans le Tarde- nois, où cette abbaye recevait Romigny et les autres lieux qu'on vient de nommer, et non Anthony près de Rumigny en Thiérache, aujourd'hui dans les Ardeu- nes. Ce dernier représenterait plutôt VAntennacum où, selon les Annales de Saint-Bertin, l'impératrice Ri- childe, fuyant devant l'invasion de Louis de Germa- nie, vint se réfugier, au mois d'octobre 876, et d'où Charles-le-Chauve, après l'y être venu trouver, se rendit à Douzy, maison royale de ces quartiers là, pour retourner de nouveau à Antheny (3). Ce senti- ment est contraire à celui de D. Noël qui, dans sa No- tice sur le canton de Châtaion-sur-Marne, voit, mais non sans quelque hésitation, à la suite de D. Bouquet et de l'abbé Lebeuf, dans Anthenay-en-Tardenois, VAntennacum des Annales (4). A une époque plus ré- cente, nous voyons figurer encore d'autres localités avec l'indication de leur situation dans le Tardenois. Ainsi, au cartulaire de saint Jean-des-Vignes, c'est Ma- reuil-en-Tardenois, Villers-en-Tardenois. ou Villiers-en- Tardenois, en celui d'Igny (1218) ; dans d'autres titres c'est Coulonges-en- Tardenois (1359) ; Cergy-en-Tarde- nois, Espiera-en-Tardinays ou en-Brie (1342 et 1344). Le Fouillé ou Livre rouge de l'évêché de Soissons nomme,en 1573, Lacroix-en-Tardenois, quoique ce vil- (1) HUi, du Valois, t. <•', p. 122. S. Prioux. Civiias Sueuîcnum , (2) Géographie de Grégoire de Tours, p. 391 . (3) Ilislor. des Gaules. (4^ Notice hUiorique sur ChaUllon, p. 14. Digitized by Google lage, placé entre Oulchy et Neuilly, soit assurément de l'Oroerâi^ mais de rarchidiaconné de Tardenois (1). Lorsque le pagus Bagensonisus (le Bainsonolsj, situé au Sud du Tardenois, disparut, la plupart des localités de la rive droite de la Marne, telles que VillersHSOUS-ChâtiUon, Passy, Grigny, Bainson, Orqui- gny, Vendières et autres qui en faisaient partie furent attribuées au Tardenois, mais alors ce pagus n'existait que comme contrée géographique n'ayant plus rien d'administratif, ni de bien délimité. Quant à attribuer ces localités au Bainsonnois parce qu'ils firent partie du doyenné de Châtillon, lequel était de l'archldia- conné de Brie, cette raison nous paraît de peu de valeur d'après ce qui a été dit des archidiaoonnés, qu'ils étaient dé création trop récente pour pouvoir fournir une base un peu solide aux délimitations an- ciennes. Ce serait également une erreur de regarder comme ayant fait partie du Tardenois les quatre doyennés de rarchidiaconné soissonuais de ce nomf, Oulchy et Neuilly, Bazoches et Fère, puisque le premier, avec son démembrement, Neuilly, était certainement de rOrceois, et que le second seul, avec Fère, devait entrer dans l'antique pagm TarJtnisus. De tout ce qui précède, il résulte, nous semble-t-il, que le Tardinisus s'étendait entre les vallées de la Marne et de la Vesle. Celle-ci lui formait au Nord une limite naturelle qui le séparait du Suesstonicus depuis Courcelles, Limé, Cerseuil et Bazoches jusqu'à la Mon- tagne de Reims, laquelle le séparait ensuite du Renien- sis. A l'Est il se terminait vers Mesnaux, Sacy, Ecueil, et plus bas au bois de la Montagne de Reims jusqu'à la Marne, près de Damery. Au Sud, il aboutissait à la vallée et aux arrières vallons de cette rivière, sur (6) BibI de Tévéch^e Soisnons. Digitized by Google - 261 - lesquels la Brie, c'est-à-^lire rotmois et le Bainso- nois avaient empiété. A l'Ouest, il paraît finir au pied du vaste plateau du Mont-de-Soissons au-delà de Jouaignes, du Mont-Notre-Dame et de Mareuil-en- Daule, où il touchait au Suessionicus, et était séparé ensuite de VOrcisus par les bois de Daule et de Fère, qu'il englobait jusque vers Bézu et Epieds. Le Tardenois rémois soissonnais représenté par les anciens doyennés de Bazoches et de Fère était séparé du Tardenois par une ligne qui longerait du Nord au Sud la rivière d'Ardre, le ruisseau d'Ovion, son tributaire, jusqu'au bois de Coulonges, laissant au Rémois Fismes, Cour- ville, Mont, Arcy-le-Ponsart, Igny, Ville-en-Tardenois, prendrait le bois d'Ormont, traverserait la Semoigne vers sa source, et renfermerait Aiguisy, Anthenay, le Neuville-aux-Larris , Cuchery, Belval, Arthy et Damery. LE SALTUS OU PAGUS BRIEGIUS LA BRIE. La Brie ne forma point une contrée administrative; ce ne fut jamais ni une cité, ni un diocèse, ni même à proprement parler un pagres dans le vrai sens du mot, mais une contrée naturelle qui devait son nom à la constitution géologique extérieure du sol. Elle ne figure ni dans les auteurs latins, ni même dans les missies, et si elle devint, au mo^en-àge, unvaste domaine avec la Champagne, ce domaine ne fut constitué que fort tard en comté féodal n'ayant aucun rapport avec les comtés des deux premières races. M. Bourquelot, dans son grand Ménoire aur les Foires de Champagne, dit que sur le territoire qui devint la Champagne habitèrent les Meldi, ainsi que les Rémi, les Catalauni, les Lin- Digitized by Google gones, les &nones, et que sur ce territoire figurent une foule de cités et depagi tels que le Rémois, le Pertois, le Sénonais, etc., auxquels il ajoute la Brie, la Haute-Brie, la Basse-Brie ou Brie pouilleuse. Il nous semble que la Brie fut originairement une contrée entièrement distiacte de la Champagne ayant sur sa surface ses peuplades et ses pagi propres. La Cham- pagne, en effet, considérée au point de vue géologique et physique, s'étend, ajoute-t-il, sur ua banc de craie; ses plaines immenses au sol aride, d*où vint le nom de Champagne pouilleuse, sauf sur les lisières de la province. Or, la Brie nous oflfre un aspect tout à fait différent. C'était un territoire couvert de taillis, de bois et de forêts très-étendues, et peu pourvu d'habitants ; aussi nous apparaît-elle d'abord sous la dénomination de saltiÂS et assez rarement sous celle de pagus. Mais sur sa surface, à la suite de vastes déboisements, se for- mèrent de vrais pa^t politiques, comme il s'en forma, dans des conditions identiques, dans l'Ârdenne, la Bresse, la Beauce, et, dans des conditions différentes, dans la Champagne et la Voivre, etc. Ainsi, dans la circonscription de la région physique de la Voivre, pour ne parler que de cette dernière, par rapproche- ment avec notre siyet, se formèrent les comitattcs Vir- dunensis, Scarponensis, Castricensis et Emduensis, cités par M. Houzé. Sur la vaste étendue de la Brie se découpèrent les pagi Otmensis, Bagensonùus^ Melden- sis, qu'on pourrait appeler la Brie soissonnaise, une partie des pagi Parisiactcs, MUidunensis, et le Vasti- nensis (le Gastînais), etc. Souvent les contrées naturelles ont survécu géogra- phiquement aux contrées administrativeîi ou véritables pagi et on les confond quelquefois, loi^squ'il s'agit d'y indiquer une localité quelconque ? Ainsi on écrivait indifféremment Resbacus in territorio Meldensi ou Digitized by Google -- «68 - intra Brigen^m saltum (Ij ; Dravemum iéi Brigeio (2) et ]>raoemum in Parisiaco (3); Linerolie inpago Mili- dunensi^ et Linerolœ in pago Brtgio(i), A ces exem- ples, M. Houzé en ajoute d'autres dont il suffira de citer le suivant relatif au pays de Voivre. On disait Nugaretum in pago Valrense et Nugarelwn in coini- taiu Scarponetise (5). L'étymologie de la Brie ne peut guère soulever de difficultés sérieuses. Brie y Braye^ Brive sont des dé- nominations identiques et fort communes en France. Outre le pays de Brie, il y a le pays de Bray (pagus Bnnensis) dans le Beauvaisis. On dit Brie ou Brie- comte Robert, non loin de Corbeil, dans Tarchidiaconné de Brie, du diocèse de Paris {Bria comitis Roberii). La Philippide appelle même ce lieu Terra Brida co^ mftis Roberti, Dans le pays de Braio il y a Houdans- en-Bray, Ville-en-Bray, Pisseux-en-Bray, Tour-de-Bray Osem-Bray, etc. Dans le Senlisien, il y a le bourg de Bray, dans le Soissonnais Bray-sous-Clamecy, Oultre- Bray (hameau d'Autrêches); dans le Laonnois on trouve Folembray, Bray-en-Laonnois. Ces mots Brie, Bray, viennent de Bria, Braïa, Braïtmi, expressions qui signifient boue, boueux, marécageux, et dont se rappro- chent briva, briga, rivière, passage de rivière (6), Briva Isarœ (Pontoise, Pont sur-Oise) (7). Cette inter- (1) Piinleasas, Diplôtn, cart., t. 2, p 33. (2) Ibid, p. 31. (3) Lebeuf, Oist.dudtoc, de Paris, t. 12, p. 39. (4)Gu6rard, « Polypt. d'Irminon, Mém des Antiq. de France, » t. 3, p. t<f9. (5) Pardessus, t. S, p 228 et D. Calmet, Hist, de Champ., i. 2, coL 209. (6) Givrave près de Fère-eo-Tardenois, comme Gray près de Falaise {Wlbraium) pea\ent aussi venir de Braia. (7) Uadriani Valeta, NoUt, Gall. Art. Bric. Digitized by Google - 264 - prétation est donnée clairement dans le Livre des Miracles de saint Bernard ; » Castrum Braïum quod lutum interpretatur » (Brai-sur-Seine dans le Séno nais). Elle est confirmée par la Chronique de S. Pierre- lO'Vifk propos du même château: « MunitionctUa... que Braiacus didtur in locis palustribus. » Du temps de Monstrelet on disait encore < des eatix et sources moult trayeuses. » Du mot Braïa se rapprocherait encore, selon Adrien Valois, le germain bruch ou broCy brod, brud^ qui a fait broces^ brottssailles, bois, forêts découpés en petits groupes. Or, si on examine les lieux portant les noms de Brie, Bray, Brives, on verra que tous sont situés dans des endroits bas, fangeux, près de cours d'eaux,ou qui ont été autrefoiSjOt sont même encore en partie aujourd'hui, couverts de forêts, de bois ou de broussailles. C'est sous cet aspect et avec cette physionomie que se présentent aux yeux de l'explorateur le pays de Bray et celui de la Brie qui se trouvent dans les mêmes conditions physiques. Le premier est un pays de grasses pâtures anciennement couvert, en partie, de bois dont il reste, près de Gournay, la forêt de Bray. Les plaines de la Brie, entrecoupées de vallées humides et composées de terres grasses sont aussi renommées pour leurs pâturages. Dans ces plaines, au bord des bois, au fond des vallées, au penchant des collines, sur les ruisseaux, on voit des villages, d'innombrables fermes, hameaux et maisons isolées, éparses çà et là. Les habitations bâties en moellons recouverts de plâtre se détachent par leur blancheur sur la verdure des arbres. Telle est l'humidité du sol que, pour le faire produire, il faut l'entrecouper de sillons profonds entre lesquels on le relève en l'exhaussant pour l'exposer au soleil.. Des auteurs tels qu'Adrien Valois, D. Toussaint, Duplessis et Carlier restreignent et localisent outre Digitized by Google - 265 - mesure l'étendue de la Brie primitive aussi bien que son étymologie. Selon le premier, ce pays a été, non- seulement plus petit qull ne le fut depuis, mais même il se distinguait du Meldicics et du Provinensis, dont les capitales Meaux et Provins en font partie aujour- d'hui. Ce qui l'induit à faire cette distinction, c'est qu'il trouve dans le Gesta Dagob^rti deux textes con- cernant une localité nommée Latiniacum donnée par ce prince à saint Denis et qui est placée par l'un, en Brie et l'autre en Mulcien [Latiniacum villam sitam in terri torio Meldico, — Latiniacum villam quœ sita est in Brieio,) dont il fait deux localités, quoiqu'elles lui soient inconnues. Latiniacum est Lagny, que l'on peut placer tantôt dans la Brie, tantôt dans le Mulcien qui en fait partie (1). Duplessis attribue l'origine du nom de Brie à un ancien pont jeté sur le Grand-Morin, se fondant en cela sur l'expression briva, qui signifie un pont, un passage. Ce nom, dit il, s'étendit d'abord à la contrée qui est entre cette rivière et l'Aubertin, et ce n'est que successivement qu'il gagna des portions des diocèses de Soissons, de Paris, de Sens, Meaux et Troyes, et dont plusieurs, tels que Soissons, Meaux et Paris eurent des archidiaconnés de Brie, et à mesure que les bois s'éclaircissaient. Carlier repousse avec raison ce sys- tème, mais pour retomber dans un autre qui n'est pas plus admissible. Il enlève l'origine du nom de Brie au pont du Petit-Morin pour l'attribuer au territoire de NanteuiUe-Haudouin appelé dans les vieux écrits Nant en Brie et où se trouvent des noms de lieux qui ont brie pour base : Lagombrie, Boissy lès Gombrie, Fresnoy lès Gombrie, Peroy lès Gombrie. Les Nanteuils, ajoute le prieur d'Ândresy, signifiaient aussi des lieux (t) BiU, de Meaux, t. I, p. 638. 34 Digitized by Google -266- où il y a beaucoup de sources, de ruisseaux et d'étangs, ce qui convient parfaitement à Nanteuil et à ces loca- lités qui Tenvironnent. Cette ville aurait même été le chef-lieu de la forêt de Brie comprenant les deux Morins dans son étendue. Ce sont là, ce nous semble, de ces erreurs telles qu'il en échappe à des hommes judicieux, et qui, d'après ce que nous venons de dire, n'ont pas besoin de réfu- tation. Répétons et maintenons seulement que Brie vient de l'aspect général d'un vaste pays que couvraient des massifs boisés très considérables dont les défri- chements, en les découpant de plus en plus, ont mis à nû des terres fortes et marécageuses sur lesquelles se créèrent divers vagi et se formèrent par envahisse- ment les cités et diocèses qu'on vient de nommer. On a remarqué, non sans raison, que les forêts pri- mitives de la Brie se désignaient le plus souvent en latin sous le nom caractéristique de saltus qui veut dire bois espacés, bois présentant de nombreuses solutions de continuité et non sous celui de silva qui signifie une masse compacte et étendue telles que les Ardennes, les forêts de Cuise et de Retz. Dans la vie de S. Ouen,c*est sous le nom de Brigiensis silva qu'est dé- signée la forêt de Brie. Une foule de localités, sur quelque point delà Brie que Ton jette les yeux, portent ce nom comme indication de leur situation géographique dans ce pays : Castra in Bria ou Castra briegensi, Chartres-en-Brie (diocèse de Paris, archidiaconné de Brie) (1), Roissy-en Brie, Sucy ou Sou:-sy-en Brie, Lagny-en-Brie Latiniacitm qiiœ sila est in Brieiro]^ près de Meaux; Spinoleton n Brigio (Epinay-en-Brie), Vigneux (de vinrà) en Brie, sur 'a Seine. Dans la Brie, qu'on appellerait sois- sonnaise et qui peuvent, comme les locaUtés préeéden- (I) ^oUUa GaU., p. 403. Digitized by Google - 267 - tes, aider à fixer les limites du pagus naturel, nous trouvons les suivantes : Baulne-en-Brie , Condé-en- Brie, Celles en-Brie , la Chapelle-Monthodon ou en Brie (1225), Monlevon-en-Brie (1274) , Pargny-en- Brie, Pavant-en-Brie, Saint-Agnan-en-Brie (Sancttcs Anianus inpago Briacensi) (1110) (1), Rosoy-en-Brie {Rosiacwn in Bria), Rosoy-Bellevalle ou en-Brie (1386), Rosoy Gasteblé, Fossoy-en-Brie, Priez-en-Brie (2). Ce n'est qu'au vi* siècle que l'on commence à faire mention du salivis Briegiv^ et plus tard encore, lors- que ces bois se défrichent, qu'apparaît \q pagus Bri- geiîsisonBregius. Jonas, danslaviedes saints Colomban et Ëustase nomme le Brigensem saltum, et le solium pagvm que Bregium^ distinguant déjà le pagus des bois de la Brie, de même qu'on distingua le saltus et le pagus Perticus lie Perche) (3l; et le chroniqueur Âymoin, à propos de la fondation de - Rebais par S. Ouen, s'exprime ainsi : « Porro B. Auduenus /aàri- cavît monasterium intra Brige7isem saltum çuod Hierusalem ab eo quidem est nomhiatum^ sed ntmc à fluviolo stiper quem est situm Resbace dicitur cœno- bium » (4). Le vénérable Bède parle au contraire de la Brie en indiquant que le monastère que sainte Fare édifia à Eboracum ou Evoriaca^ y était situé en un lieu qui dicitur Brige (5). Dans le testament de cette sainte fondatrice de Faremontier, on nomme un moulin situé en Brie « farinariuM situm in Briegio super fluviolum AWai^ (6). Les Gesta Dagoberti nomment aussi la Brie, (f) ex Cartnl. de Fosaenx, p. 417. (2) CarUU, S. Johan, in Flndc. {ii Cette dénomination de Priex indiquerait que la Brie 8*éiendait an Nord de la Marne. (4) Adriani Vales. NoUi. GûlV (5) Vener. Beda, lib. 3, c. 8. - VAlba est TAnbetin. (6) Pardonna «M tupra^ t. %y p. 88. Digitized by Google — «68 — Brievm (l), appelée ailleurs Bria (2). Enfin c*est le plus souvent Brieffitcs pagtcs (775) (3) pagus Breensis 855 ) 4) Brigensispagus, pagus Briacensis, Briensis pagus dans les chartes de Saint-Jean-des-Vignes, et dansla Vie de Louis-le-Gros, par Suger (5). La Brie, comme le Perche, se divisa en divers pagi que se partagèrent plusieurs cités et diocèses, en tout ou en partie. Sens, Troyes, Meaux, Paris et Soissons, et dans la suite en flaute-Brie ou Brie /ratiçaise, en Basse- Brie, et en Brie Galleicse ou Pouilleuse par cor- ruption de Gallevèse. Les seuls jxigi de la Brie qui rentrent dans le cadre de cette étude, comme ayant fait partie, au moins primitivement, de la cité des Suessions étant lepagics Meldeyisis et lospagi Ot/nensis et Bagensonisus auxquels, selon toute apparence, suc- céda la Gallevèse, ce sera aussi de ceux-là seulement que nous nous occuperons. Leurs frontières septentrio- nales seront celles de la Brie elle-même du coté du Valois, de TOrceois et du Tardenois. Le diocèse de Soissons eut, comme Paris et Meaux. son archidiaconné de Brie, qui prenait à peu près le quart de sa surface et se composait des doyennés primitifs d'Orbais, de Chà- tillon, de Chézy-l* Abbaye et de Château-Thierry. En 1762 révêque François de Fitz-James créa le doyenné de Dormans, démembré de Châtillon, et celui de Mont- mirail, démembré de Chézy. Ces subdivisions ecclésias- tiques représentent bien la Brie soissonnaise dans sa plus grande extension. (1) GalL Christ, i. 8, Instrum. (2) Histor. de France, t. 2, p. 394. (3; Ex €testis Amhascensium dominorum [Histor. df France, t. 10, p. 239) Orderic Vital {Ibid, t. 2, p. 247). {i) Mabillon De re JJiplom. p. 497. (6) Cartul, S. Criipini Magni Voyez le Dlct. topog, de M, MattofL Digitized by Google - 269 — IV LE PAGUS OTMENSIS, l'otmois. L'existence du pagtis OtmensiSy qui n'a laissé que peu de traces, n'est pas contestable, mais sa position géographique a donné lieu à d'intéressantes contro- verses parmi les savants. Adrien Valois n'en fait pas mention ; Guérard le cite comme pagus et comitatus dans son Essai sur les divisions territoriales de la Gaule, et l'attribue à la cité de Soissons, sans autre désignation. Ailleurs, dans sa Liste des pagi de France (1), il change d'opinion et le décrit en ces termes .* « Otmensis pagus y peut-être le pays d'Otte : Champagne, Vincelles, canton de Dormans (Marne). » M. Desnoyers, héritant des hésitations de son érudit collègue, après avoir soutenu une sorte de thèse en faveur de l'attribution de l'Otmois à la cité de Sois- sons, la renverse et se prononce pour le pays d'Othe dans celle de Châlons-sur-Marne ; du moins regarde- t-il cette opinion « comme beaucoup plus vraisembla- ble » (2). Notre rôle est donc tout tracé : rét^iblir et même corroborer la thèse de M. Desnoyers et com- battre les objections qu'il y opposa, pour lui conserver toute sa force et sa valeur. Commençons par la citation des textes concernant le pagus Otmensis : Le plus ancien est celui de Flodoard où Y Otmensis figure dans une missie de Wulfaire, archevêque de Reims. Nous lisons dans le Cartulaire de Saint-Martin de Tours qu'une donation fut faite à ce monastère par le (\)-ViiaS. BereharH, MabilloD, ViUe SS. Ordin, bmed, 2* sœcul. p. 851. (2) Mabillon iàid. 1.3, p. G 8, Jnnal. Ordin. bened. Digitized by Google -278- comte Eudes « in poffo Olmense, in villa Novienio, in vicaria Otmensi^ villœ Nwientis cvem capellis dua- l^us » fl). En 886, Héric, comte-abbé de SainlrCrépin-le-Grand de Soissons, faisait à c^;t6 abbaye la donation sui- vante confirmée plus tard par Charles-le-Simple : < In pago SuessionicOy in fine villœ Montiniaco mansa duo, in ipso pago vel{et) villa qtcœ vocalur Saviniacus manstim unum, in ipso pago et in villa Altafofi- lana terra arabile etinaliopago^ Olmen&it in villa quœvocatur Vincella dioAdiummansuni^,. » (2). En 980, le comte de Vermandois et de Troyes, s'inti- tulant aussi Francorum cornes, Héribert II, concéda à l'abbaye de Der {monasterium Samti Pétri Dervense) € alodiurn quod adjacet in villa cui Velcianas fiomen est » (3). On lit ce passage dans la vie de S. Berchaire : < Me- dietatem terrée quam hademus Ulcenias » lequel rap- pelle la donation faite en ce lieu par Héribert-le- Vieux à Tabbé de Moutiers-en-Der (4). D'autres titres vont fixer la situation de Velcenias ou Ulcenias. Dans un diplôme ainsi daté : < Actum Velcianis, villa publica » est signalé € in villa Velcianas nomine, in comitalu Otminse, mansum unwn cum appenditiis suis. » Et Lothaire confirmant, la même année, ce di- plôme, ajoute dans le sien : « Adjacet vero alodiurn in pago Otminse, infra fines villœ quœ Velcianas dici^ tur.... infra fines illius ojquœ decursum tibi Vêtus Materna nominatur » (4). En 988, un vassal, du nom d'Haderic, donnait, par le conseil d'Héribert III, comte de Vermandois, et de lui. d'£ Hémér^ Auçusta Vêromandwmim, p. 34. GolUette: Mëm. du Vermandois^ t. I«% pièces justifie, €X Car- _ d'Homblières. ti) Toxte cité par À. Valois, p. S90. — Flod. Biêl, Bmneiu. Eed. h f, col. '88, édit. de Migne. (4) Ann, hUt. delà Marne, deVkiMe, etc., p. 60 (année 1877). Digitized by Google ^ 271 - sa femme Héresinde, à l'abbaye d'Homblières, près de Saint-Quentin; « Quemdamalodium incomitatu Oimensi, in villa quœ dicitvr Tedenacus (!}... Qui alodus suis finibus termhiatur de uno UUere via publicay de alio latere terra de potestate ejusdem viltie » (2). Ces textes ainsi groupés et juxtaposés, toute la question se réduit pour nous, comme pour M. Des- noyers, à se demander s'il n'y a pas dans la province soissonnaise quelques localités propres à représenter Novientum in pago Otmensi Vincella inpago Otmensi, Velciana in pago Otmefisi et enfin Vvdenacus in pago Olmensi, et à rechercher le cours d'eau appelé Vêtus Materna, puisque là où elles se rencontreront, là aussi sera le pagus et sa circonscription tels qu'ils étaient constitués au ix« et au x* siècle. Or, dans le Soissonnais et dans un espace assez restreint Ton trouve Nogent l'Artaud et Nogentel sur la rive gauche de la Marne, aux environs de Château-Thierry, qui repré- senteraient Novientum ; Vincelles, situé au Nord de cette rivière, près de Dormans, qui correspondrait à Vincella, plutôt qu'à Vincelles près de Château- Thierry ; Vauciennes à une lieue et demie au Sud de la Marne et de Damery, qu'il ne faut pas confondre avec Vauciennes sur la route de Villers-Cotterets à Paris, lequel est en plein Valois, s'adapterait à Vel- cianas ; Vinay, au Sud de Vauciennes en Brie, dans une clairière des forêts d'Epernay et de Boursault, près deSaint-Martin-d'Ablois, serait Vedenacus. On pourrait aussi rapprocher de Venedacus Vendières- sous-Montmirail et Vendières-sous-Châtillon, lequel va figurer aussi dans le Bainsonois ; mais ce dernier se disait plutôt en latin Venderœ. On rencontre en effet dans la vie de S. Thierry ce passage concernant une (f) IHé, ex archiv nai. p. 18 dn t. 19, cité pir M. LongBOa* Digitized by Google - 272 - donation de Thierry, fils de Clovis !•' : Venderas super fluvium Maternam reverendo patri Remigi ; Gaugia- cum (Gueux) in pago Remensi villam stiam^ sancto Theodorico conttdisse » (1). Quant à Vetiis MaLerna, la Vieille-Marne (le vieux lit de la Marne), elle passait au-dessous du château de Boursault, localité que D. Noël, bénédictin de Solesnes, n'hésite pas à placer en Otmois (2). M. Longnon cite d'ailleurs un titre de 1598 reproduit par le savant religieux, où on lit : Item : € J'ai en ma baronnie de Boursault une pièce de pré assise au-dessous dudit chastel contenant quatorze ar- pents ou environ, tenant d'une part à la Vieille-Marne et à la grande rivière de Marne, d'autre part au grand chemin... » Des concordances aussi frappantes n'ont pas man- qué de faire impression sur un esprit aussi sagace que celui de M. Desnoyers, lequel déclare en effet que, d'a- près elles, le pagus Olmensis aurait dépendu de la cité de Soissons et serait € une circonscription de la région naturelle appelée Brie. » Dans ce système, l'Otmois s'étendait le long de la vallée de la Marne, qu'il pouvait dépasser en plusieurs endroits au Nord, depuis Nogent-l* Artaud jusqu'aux environs de Vauciennes; qui n'était pas, comme le pense M. Desnoyers, au centre du pagus, mais à son extrémité orientale, ainsi que Vinay. Rien ne s'oppose à ce qu'il ait été approximative- ment resserré, dans les temps les plus anciens, entre la Marne, le Petit-Morin, le Surmelin et la d'Huis, et qu'il se soit même étendu au-delà de ces deux cours (f) Annuaire historique de la Marne, ubi supra, p. 60. (2) Melville dans son Dictionnaire historique de l'Aisne, dit qu'il est question de l'Otmois dans des chartes des 7, 8, 9 et 10* siècles dont il ne cite aucun texte. Il indique six localités comme lui appartenant : Bro- noilus, Boimeil; Novienium, Nogent ; Vincella, Vincelle, dépendance de Château-Thierry ; Vendenacus, Verdilly; Cheziacum, Chézy-en-Orceois ; Velciana^ Vauciennes. l\ est inutile de signaler les erreurs conteiiaes dans cet article. Elles se signalent elles-mêmes. Digitized by Google - «3 - d'eau jusqu'aux grands bois de Vassy,d'Eughieu et de Boursault, lui formant des barrières naturelles. Nous disons primitivement, parce que cette partie parait en avoir été détachée pour arrondir le Bainsonois. M. Lon- gnon et D. Noël lui donnent du Nord au Sud une dizaine de kilomètres, et de TEst à l'Ouest une vingtaine, le long de la rive gauche de la Marne, et le font terminer aux environs d'Epernay. Il serait selon eux représenté par le canton actuel de Dormans ou du moins à peu près, et aurait disparu, après une durée de sept siècles, dans les troubles du x«. Toute- fois, joutent-ils, il est encore indiqué dans un rôle de 1252 des vassaux de la chatellenie d'Epernay. Nous croyons que ces savants restreignent outre mesure l'étendue que comportait l'Otmois. WOtmefisis fut l'objet d*un nmsalicum sous les Carlovingiens avec d'autresi>a^t.G'est toujours celui où, selon Flodoard. Y'ulfaire, métropolitain de Reims, fut nommé « missus super totam Campaniam. in hts quoque pagis Dolomense scilicet, Yongensi, Castrtcense, Sta- donense^ Catalatmensi^ Otmensi et Latuiunensiy Vo- densiy Portiano^ Tardunensi, Suessionensi^ pays qui se trouvaient à sa portée puisqu'ils touchaient au Ré- mois. L'Otmois, rapproché de Châlons et de Reims, formait donc une contrée administrative. Il eut aussi le titre de comté d'après le texte cité dans YAugxtëia Yeromanduorum où Héiibert est qualifié cornes ejus-^ dem lociy c'est à-dire comte de l'Otmois. Celui que rapporte D. Martène dans YAmplissima CollectiOy y signale une vicairie, vicaria Olinensis, ex- pression qui ressemble étonnamment à Otmensis. Ne peut-on pas supposer en effet qu'une lecture plus atten- tive du texte primitif pourrait amener à remplacer l'n par un m et donner Otmensis pour Otmensis ? Dans cette supposition, la vicaria O^in^nm comprendrait dans son territoire la villa Novientis ou Nogent-l'Ar- S5 Digitized by Google taud, et ce serait dans une localité rapprochée Ae celui-ci qu'il faudrait chercher le correspondant d"Ot- mensis et par conséquent le titre du pagns. Ov, cette localité a jusqu'ici échappé à toutes nos recherches. On a bien désigné Essômes, lieu célèbre par son abbaye, mais pour en faire le chef-lieu de TOt- mois, il fallait dénaturer spn nom, qui, au x« siècle, était Sosma, Soma, Sosmensis villa, Sos7nensts ecelesia (1;, dont on avait fait Os^nensis mlla,0s7netisis ecclesia. Sans repousser absolument Essômes, serait-ce aller contre toute vraisemblance que de proposer Château- Thierry comme l'oppide principal de l'Otmois? Des monnaies gauloises trouvées aux environs de cette ville paraissent porter le mot Tideria...co qui est peut être son nom gaulois de Tideriacum. M. E. Fleury dit que l'attribution de Château-Thierry à un Thierry, prince mérovingien, « est légendaire, » maie qu'elle convient à un Tideriac qui laissa son nom à l'oppide dont il était brenn ou roi (2\ Ajoutons que Château-Thierry a dû, comme oppide, exister antérieurement à la cons- truction de la voie romaine qui, remplaçant quelque voie gauloise, allait de Soissons par Oulchy à Châlons et passait la Marne au pied du monticule où le château a été élevé du temps de Charles Martel, vers 720, et traversait la vallée et ses prairies sur une longue chaussée. Sans rejeter l'opinion qui place l'Otmois dans le dio- cèse de Soissons, M Desnoyers en adopte une autre, ainsi que nous rav( ns fait remarquer, selon laquelle le pogus Otmensis^i :dii\epays d'Otheen Champagne. Ce qui l'engage tout i'abordàla préférer à la première qu'il avait établie en véritable savant, c'est l'objection suivante qui lui paraît ressortir du texte de Flodoard (1) Cartvl. s, Medardi — Carlier, l. \, p. 150. — Saint- If édanl de Soissous avait une prévôté de St-Mard à fitabmes, non loin de l'abbaTe. (2) Antiquités monument cUesdvL département de l'Aisne, par B. Fleurj. Digitized by Google - 275 - relatif à la place qu'occupe VOtmensis parmi lespagi soumis à Tinspection de Wulfaire avant son élévation sur le siège de Reims. « On voit, dit-il, que celui-ci, placé entre les pays de Châlons et de Laon [Catalau- 9iensi, Otmensi, Laudwienst), s'éloigne davantage de celui de Soissons. » Nous répondrons, pour n'y plus revenir, que ce texte même, dans son ensemble, prouve combien le placement des lieux dans les missi était arbitraire (1). Partant de là, M. Desnoyers signale dans la partie Sud-Orientale du diocèse de Troyes le pays d'Othe, en latin Utta ou Ottay Usta silva, région naturelle qui s'étend jusque sur le diocèse de Sens, laquelle n'a au- cun rapport, dit-il, avec le diocèse de Soissons, et n'en a d'autres, ajoute-t-il, avec YOtmoms qu'une ressem- blance apparente de nom. Il rejette même toute iden- tité entre le pagus Otmensis et le salttis Oita que Ni- thard place entre Sens et Troyes. Ensuite il raisonne ainsi : Lq pagus Otmensis aurait été, d'après tous les documents, placé à l'extrémité orientale du pagus et saltus Brlgius et de l'archidiaconné de Brie soisson- naise ; or, aucun texte n'indique qu'il en fût une dé- pendance. Il est signalé au contraire comme faisant partie du pagus Pertisus (le Pertois), ayant Perte pour capitale, région placée en Champagne Nord-rOrientale, au diocèse de Châlons, où il formait un archidiaconné, et qui se divisait en plusieurs pagelli tels que le Ble-^ sensis, le CamiziuSy etc., fort loin du diocèse de Sois- sons (2). Quoi qu'il en soit, l'Otmois une fois placé dans le Pertois, M. Desnoyers cherche et trouve en ce pagus des correspondants aux lieux indiqués inpago Otmensi. D'abord, selon lui, le correspondant dJOtmeiisis ou (f ) Topoqraphàê eedétUuUqm^ p. 178^ 18». Digitized by Google - 276 - OlmensisBertÀt Omej (Orné) en Champagne, à quelques lieux de Châlons, au Sud-Est^ sur la rive droite de la Marne, vers rextrémité Nord du Pertois. Pour justifier le titre de chef-lieu du pagus donné à Omey, il s'efforce de jeter quelque lustre sur cette localité sans impor* tance et qui n'oflto aucun souvenir de ces temps éloi- gnés. Il y eût à Omey un prieuré de Tordre de Saint- Benoit, désigné dans un pouiilé de TEglise de Châlons, de 140S, sous les noms latins de Otmeyo, de Otmay, de Ulmeto, de Ormeio. Le Veldanœ ou Velcianas du diplôme de .980, serait, « avec la plus grande probabi- lité, » le village de Vaucîennes ou Vouciennes, vis-à- vis Omey, sur la rive gauche de la Marne et sur le bord d*un cours d*eau occupant presque le même lit, € qui représenterait parfaitement Vettcs Materna ; > Vedenacus serait Vanney ou Vanault fle Fann^yttm ou Vanadium des pouillés). M. Desnoyers termine son ex- position en disant qu'il pourrait trouver d'autres ana- logies, mais que celles-là lui paraissent suffire (1). Disons tout d'abord qu'on ne trouve en ces quartiers aucun lieu correspondant aux autres localités placées dajisle pagiis Otm/msis, telles que Novientum, et Vin- cella, par les monuments précités. Cette opinion peut d'ailleuns être combattue par les raisons suivantes : Au ix« siècle les archidiaconnés ne faisaient que de naître ; il n'est donc pas étonnant qu'un pagus, qui disparut peu de temps après cette époque, n'ait pas été indiqué comme une dépendance de l'archidiaconné de Brie, qui n'existait peut-être pas. Aucun des pa^i cités dans les capitulaires ne porte l'attache à un archidiaconné quelconque. Quand il est question alors d'archidiacre, c'est toujours du seul archidiacre de tout le diocèse qu'il s'agit, archidia- contes. Lorsque, pendant la deuxième moitié du vi« siè- (I) md. Digitized by Google - 877 - cle, Droctégisile, évêque de Soissons, est attaqué d'accès de folie, c'est aux maléfices de l'archidiacre, qu'il avait destitué, qu'on attribua son mal (per emissionem ar- chidiaconi, quem ah honore repulerat). C'est dans le même sens que l'on doit entendre ces mots du privi- lège accordé par S. Drausin à Notre-Dame de Soissons en 666 : Nos^ vel archidiaconuSy etc. (1). Il ne nous reste plus qu'à examiner la correspon- dance que M. Desnoyers trouve entre les localités pla- cées en Otmois et qu'il rencontre dans le pays d'Othe. Non seulement Omey est. selon M. Houzé, le nom d'une localité dont l'église paraît dans les pouillés châlon- nais sous le nom de ecclesia de Omeiro ou Omero, mais, de plus, ce lieu n'a jamais possédé de prieuré. Celui qu'on lui attribue, de la dépendance de Saint-Bénigne de Dijon, était, non à Omey, mais à Ulmoy, hameau de Helltz-le-Maurupt, sur la Chée {Prioratus de Ulmeio ad moniales sancti Benigni Divionis) (2). Venderas ne peut non plus être représenté par Vanault-le-Chatel qui, au vni« siècle, et non au x«, s'appelait Vasnao et était situé dans le pagtcs Stadonensis, Quant à Vel- cianasj il pourrait être aussi bien à Vauciennes, près de Damery, qu'à Vouciennes sur l'Isson, puisque tous deux sont à peu de distance de la Marne. Disons plus : M. Desnoyers ne regarde la désignation de Velcenias sur la Vieille-Marne qu'il croit être l'Isson, comme dé- cisive en faveur du sentiment qui place l'Otmois près de Châlons, que parce qu'il ne connaissait pas le texte que nous avons cité, lequel indique la Vieille-Marne, près de Boursault. Llsson suit en effet la vallée de la Marne depuis les environs de Vitry, où il prend sa source aux étangs du Village d'Isson, et court jusque (0 V^yei nos Annales du diocèse de Soissons, t. 1". (2) Bd. de Birthélemy, Diocèse de Chéhni-ntr-Mame. Digitized by Google - i78 - vers Châlons, mais il forme un véritable ruisseau qui ne peut être l'ancien lit de la Marne. Nous croyons avoir suffisamment établi la thôse en faveur de l'attribution de VOtmensis à la cité de Sois- sons et avoir réfuté d'une manière assez péremptoire les objections apportées pour la combattre. Cette ques- tion du reste ne paraît plus faire aujourd'hui l'objet d'aucun doute parmi ceux qui s'occupent de géographie historique. PAGUS BAGENSONISUS LE BAINSONOIS. L'Otmois et le Bainsonois, qui,selon quelques-uns,ne formèrent primitivement qu'un même pagus, sont dé- signés séparément dans les missies et furent par con- séquent deux circonscriptions administratives. En effet, si, d'un côté, Wulfaire, on vient de le voir, a été nommé missus inpagis Catalaunensi, Otmmsi et Latidunensty etc , d'un autre côté le missaticum de 853 est donné dans l'ordre suivant : Catalawiicus, Vtrtudtstis, Bagen- sonisus, Tariinisus, etc , pagi qui se touchent. Aussi serait-il oisoux de rechercher par où passait le com missaire pour aller par exemple de l'Otmois dans le Laonnois, ou duSoissonnais dans l'Otmois. Il suffit que tous fussent accessibles à celui-ci. Wulfaire et ses col- lègues n'étaient sans doute pas tenus à des tournées continues, mais plutôt à une inspection générale et à des visites subordonnées aux circonstances. Quant à l'époque et pour quelles raisons les deux pagi enche- vêtrés l'un dans l'autre^ furent séparés, c'est une Digitized by Google - 279 -- question insoluble ; dire qu'ils s'absorbèrei.t réciproque- ment, ce n'est pas la faire avancer d'un pas. Quoi qu'il en soit, préoccupés du rang où le pagus Bagensonims est placé dans la missie du capituiaire de Kiersy de 853, où il apparaît pour la première fois, Adrien Valois et M. Houzé sont d'avis qu'il faudrait le mettre entre le Verludistim et le Tardinisum, puisqu'il est nommé dans Tordre suivant : Virtudiso^ Bagenso- niso, TardinisOy argument qui tire surtout sa valeur du groupement des trois contrées ensemble. Le pre- mier, toutefois, impressionné par le nom de Ragensch nisus, prétend que celui-ci correspond à Bagcmsone, Bezance, sur la rive gauche de la Vesle, ce qui est tout à fait inadmissible (1). Le second, considérant que si ce pagus s'appelait Bagensonisus, il s'appelait aussi Bansonie7isis et Bainscniiensis, qui ne sont que des variantes du même nom, dont la dernière surtout lui paraît fort caractéristique pour aider à trouver son emplacement, regarde comme certain qu'il avait pour origine étymologique et chef-lieu Baiiison, sur la Marne.Ce lieu qui est représenté aujourd'hui parle Port- à-Bainson et par la chapelle du prieuré de Bainson situés au-dessous de Châtillon, est le même que celui pour lequel Tilpin, archevêque de Reims, obtint de Charlemagne un précepte d'exemption de tonlieu sur le pont jeté sur la Marne en cet endroit {de ponte Besonensi) (1). Il en trouve la preuve dans le cartu- laire de Saint-Etienne de Châlons, dont un diplôme du roi Charles, de 868, désigne comme étant de ce pagus un village dont on retrouve le nom dans sa circonscription : villa Balliolis in page Bapisionensi (I) Âdriani VaUs. Nui. GalL, p. 73. (1) Flod. Bist. MemensU, L.I. e. T. Digitized by Google - 280 - qui doit être Bailleax-sous-Chatillon (1). D. Noël lui attribue aussi Vernoffiltts, Verneuil-sur-Mame. La dif- férence qui existe entre Bagensonisus et Bainsonien- sis s'explique très-bien, ajoute M. Houzé, par Fusage de nos ancêtres de placer un g euphonique entre deux voyelles. Ainsi ils disaient AUoïlus ou AUogilus (la pe- tite colline), Nantoïlus ou Nantogilus (la Valette) Ma- roilus ou Marogilus (la petite mare), et partant £aw- sonisus et Bagensonisus (le pays de Bainson). L'Otmois renfermait-il le Bainsonois dans les limites indiquées par D. Grenier et Guérard? On l'ignore. Le Bainsonois, qui dut comprendre surtout les doyennés de Dormans et de Ghatillon, disparut au x« siècle, comme TOtmois, avec son chef-lieu. Bainson ayant été ruiné par les guerres de cette époque si agitée, Ghatil- lon (Castellio) devint, vers 940, la forteresse et le lieu dominant de la contrée, sous les puissants seigneurs qui l'avaient fondé et qui en rendirent le nom célèbre. Le Bainsonois et TOtmois étaient mis en communica- tion avec Soissons par l'ancien chemin qui a été si- gnalé à propos du Tardenois et qui venant de cette ville, aboutit encore aujourd'hui au Port-à-Baiuson où l'on passe la Marne. Des monnaies gauloises et méro- vingiennes frappées à Bainson et à Vendières ont fait croire à l'existence en ces lieux d'ateliers monétaires (2). LA OALLEVèSE. Cependant l'emplacement que nous donnons à l'Ot- mois et au Bainsonois sur la rive gauche delà Marne, (\) B. de Barlhèltmy, Diocèse de ChM&ns, t. f •', p. 319. Le di- plôme de M8 est relatif à un échange qu'Erchanrade. èvéqoe de Chalons, fit à Baflieax-8oaa-Ghâtilloa. Le prélat cédait à un nommé Got- bert • villam quœ dicitur Balliolia in pago Bansionense. » (Céftal. de l'Eglise de Châlons, f iS, archiv. de la Marne, cité par D. Noël du» sa Notice sur Ghatillon. (2) D. Noël, Notice historique sur le canton de Dormant (1877). Digitized by Google — 2Ô1 — qu'ils franchissaient en plusieurs endroits, tant du côté derOrceois que du Tardenois, englobant ainsi Château- Thierry, soulève une question qu'il importe d'exposer. On se demande ce que l'on fera de la Qallevèse où l'on a voulu voir un pagus Oallivassinus. Nous répon- drons premièrement, que ce pagus n'est cité dans au- cun monument ancien; secondement, que son existence, non comme contrée administrative, mais seulement comme une certaine étendue de territoire, ne repose que sur une tradition récente et sur des étymologies problématiques, et que par conséquent la Galleoèse^ Brie Galleuse ou Pouilleuse, a très-bien pu succéder aux denx pagi Otmensis et Bagensonisus (l\ et faire place à son tour à la seigneurie et au duché moderne de Château-Thierry. Toutefois, pour ne rien avancer d'absolu en des matières si obscures, il importe de rapporter ici les opinions des critiques sur cette con- trée. Adrien Valois estime que le pagus GallivassinuSy habité par la peuplade des Oallevessans, est la Galle- vèse et qu'il eût pour capitale Tideriacumy nom pri- mitif de Château-Thierry, autour duquel il s'étendait. Il avait déjà émis cette opinion en traitant des Cata- launi. S'ingéniant à chercher la position géographique de cette peuplade dont il n'est question ni dans César, ni dans Strabon, ni dans Pline, ni dans Ptolémée, il imagina d'en faire une division des Vadicasses, dont parle le dernier en ces termes : « Meta Meldas, pros ten Belgiken Ouadicassioi k. poHs Noiomagos, » qu'il traduit ainsi en latin : « Ponuntur (in Gallia Lugdunensi) post Meldas prope Belgicam Vadicasses et urbs eorwn NoiomagicSf id est Noviomagus. p Ils faisaient partie des Vadicasses, de même que les Meldes, leurs voisins, faisaient partie du Parisis, lequel faisait lui-même (f) Notiee historique sur le canton de Châtillon Digitized by Google - «82 - partie des Senones. Or, dit-il, les Vadicassini, qui étaient de la Celtique ou Gaule Lyonnaise, lors du partage de celle-ci en !«* et 2« Lyonnaise et de la Belgique en 1" et 2« Belgique, furent comme divisés en deux na- tions dont Tune, sous le nom de Catalauw, passa à la 2* Belgique et l'autre, gardant le nom de Vadicassini, fut attribuée en partie aux Gliâlonnais, en partie aux Suessions et en pai ie aux Meldes. La partie soisson- naise appartient à 1 - 2« Ealgique, et celle attribuée au Mulcienà la !'• Ly >anai.e (1). Quant à la capit .e Nooiomagusy elle aurait pris le nom du peuple cata auniea et serait devenue Châlons. Ici les auteurs du Gc lia Christiana se séparent d'Adrien Valois et estiment ( ae c'est plutôt une autre ville plus ancienne, ou contei iporaine au moins, appelée en cel- tique Catelaon ou ( italaon qui aurait donné son nom au peuple, Laon, pi r exemple, n'est-il pas une expres- sion celtique à laquelle on a ajouté dun pour expri- mer sa situation sur une élévation? Laon-dun, par contraction Laodwi. Ainsi, de même que chez les Carnutes, il y eût deux villes principales, Autricimi et Qenabvm, de même il y en eût deux chez les Catalau* niens, Catalaunum et Nomomagiis; la première dispa- rut et la seconde survécut ; mais le peuple qui de la ville disparue avait été appelé Catalauni, se retira, peut on croire, à Noviomagus auquel il donna son nom. Ces hypothèses sont ingénieuses, mais ne sortent pas du rang des hypothèses, aussi bien cell3s d'Adrien Valois que celles du Gallia, Elles ont été inspirées au premier par la préoccupation où il était de trouver dans les Vadicassini la Gallevèsc, préoccupation qui lui a fait ajouter au texte de Ptolémée ces mots : in GnUin Lugdunensi et traduire meta Meldas par post Meldas (après les Meldes, à la suite des Meldes, au lieu de du (I) Adr. Vales. yotit. GaU, Art. Catalami. Digitized by Google - 288 - côté des Meldes. vers les Meldes), et proste Belgiken ipa,Tprope Belgicam {auprès delà Belgique, au lieu de dans la Belgique). Il est certain en effet que les Vadi- oassini ne peuvent se placer ailleurs que dans la Bel- gique et non dans la Lyonnaise, dont ne parle pas Ptolémée. Or, la 2^ Belgique comprenait, on le sait, les Ne/'viiy les Morini, les Atrebales, les Ambiant^ les Bellovacij les Veromandui, les Silvanectes, les Sues- siones, les Rémi y les Catalauni, C'est donc entre ceux- ci qu'il faut les chercher ; et, le seul correspondant des Vadicasses dans cette contrée est le Vadisus, Vor dens-is ou Valois placé entre Soissons et Senlis et an- annexé en partie à cette dernière cité. Une fois fixé sur Tattribution des Ouadicassioi de Ptolémée à la Gallevèse et à ses habitants, Adrien Va- lois démontre comment a pu se faire la transformation du nom grec de ce peuple. Il suffisait de changer le d en l pour tirer de Ouadicass^ioi, Vadicassesy Yadi" cassini ou Cadivassim, la Gallevesse, les Oallevessans. D. Toussaint Duplessis adopte ce sentiment, qui est suivi aussi par Cluvier (1), Lamartinière, etc. De Ké^• dicasses, dit Fauteur de THistoirede l'Eglise de Meaux, s'est formé Vadicassini, puis, par transposition des deux lettres V et C, on a fait Cadivassiniy et enfin par celle de d en l, Galivassini, de même que de Yadensis on a fait Valois, etc. L'autorité d'Adrien Valois est d'un si grand poids, que la plupart des géographes l'ont suivi, et qu'aujour- d'hui elle impressionne encore ceux qui s'occupent de ces matières. Néanmoins M. Houzé, dans sa carte de la Gaule au moment de la conquête de Jules César, place les Vadicasses entre les Suessions, au Nord et à l'Est ; les Silvanectes à l'Ouest, et les Meldes au Sud. (I) Clavier et d'autres géographes admettent ^e sentiment d*Adrien Va- lois, mais n'apportent aucune autre rais>>nqoe .es siennes (Philippi 01a- verti Introdactio in universam Geographiam Libri V) . Digitized by Google - 284 - Dans son autre carte de la Gaule romaine, sous Gra- tien, divisée en dix-sept provinces» c'est-à-dire 380 ans aprôs, il leur fait occuper la même position avec Nœ- magus, Noviomagus (le Noïomagos de Ptolémée) pour capitale; mais dans les cartes suivantes, il les re- place sur la Marne, ce qui semble trahir des hésita- tions. La Société archéologique de Château-Thierry, dont les travaux scientifiques doivent se porter natur^e- ment sur la province de Brie, ne pouvait manquer de s'occuper de la Gallevè se et de revendiquer pour elle l'honneur historique d'avoir succédé à l'antique peu- plade de Ouadicassioi. Elle a pour ainsi dire épuisé la question, concluant toujours en faveur de la Gallevèse. Mgr de Basilite, l'un de ses membres, non seulement se ramge du côté d'Adrien Valois et de D. Toussaint Duplessis, mais il les imite dans leur travail de trans- position de lettres sur le mot Vadicassini ; il renchérit même sur eux. Pour arriver, selon lui, de ce nom à celui de Oallevessans, il suffit de mettre la lettre v à la place de la lettre c et la lettre c à la place de la lettre v, ce qui produira Cadivassini. Que si l'on ob- jecte que Cadivassini fera Cadevessans et non Qalves- sans^ on répondra que cicada, par exemple, ne fait pas non plus cicade, mais cigale; ni cicuta cicue, mais ciguë ; que si Yadensis fait Yadois, on traduit pour tant ce mot par Valois. « Donc Yadicassini doit se traduire (aussi) rigoureusement par Gallevessans, et les Yadicassini de Ptolémée sont bien le peuple delà Gallevèse. » Un autre membre de la même Société, le docteur Corlieu, dans uq travail récent sur cette contrée, à laquelle il appartient, croyons-nous, par sa naissance, adoptant l'opinion d'Adrien Valois, voit aussi dans la Gallevèse les Vadicasses dont l'emplacement, dit-il avec raison, a été fort discuté parmi les savants, ainsi que Digitized by Google - 286 - celui de leur capitale Noviomaçus. U invoque le texte de Ptolémée et l'autorité des anciens géographes Or- telius, Bertius, Hardouin, celle plus récente de M. Houzé, pour corroborer cette opinion et repousser celle de Banville qui se prononce pour le Valois. Il y a en effet, dit-il, dans le texte du géographe grec là pré- position meta qui signifie après, et non uper, au-dessus de ; et ainsi les Vadicasses seraient placés après les Meldes et non au-dessus des Meldes, ce qui convient aux Gallevesans. Pour ce qui est de Noviomagtcs, nom commun à beaucoup de villes des Gaules telles que Lisieux, Spire, Nimègue, Nyon, Noyon, dont le radi- cal celtique latinisé est magus, marais, plaine, selon M. Quicherat, et, selon d'autres, l'équivalent de oppi- dum, ville forte, ce ne pourrait être Noyon qui est si- tué chez les Bellovaques et non chez les Vadicasses. Toutefois, le docteur Corlieu avoue que les distances diffèrent peu à la rigueur (quant au Valois et à la Gal- levèse) de celles que donnent les cartes de Peutinger. Et il ajoute, sous forme dubitative : • Si les Vadicasses habitaient les bords de la Marne après (meta) les Mel- dois ; si leur capitale était NovtomagtiSy nous ne voyons que la ville actuelle de Château-Thierry qui puisse avoir porté ce nom » au lieu de Tideriacimi. Le doc- teur Corlieu admet d'ailleurs que la GaUevèse a été habitée par les Suessions et les Meldes et qu'elle fit partie, sous Auguste, de la 2* Belgique. Pour complé- ter cette intéressante étude, il semble faire succéder la Brie, dont l'origine serait ôrta, dn^a,défrichement, cours d'eau, à la GaUevèse et donne à cette dernière pour^^a^i limitrophes VUrsisus au Nord, le Tardinoisîs au Nord- Est, VOtme)isiSj le Bagcnsonisus et le YJrtudefisis à l'Est, le Meldensis à l'Ouest, et le Senonicus, dont elle était séparée par la Seine, au Sud. [.es partisans du sentiment que l'on vient d'exposer sur l'attribution des Vadicasses aux Gallevesans, Digitized by Google - 286 - avouent que ceux-là disparurent, vers le v* siècle, lors de rapparition du saltus Brigiiis, pour ne plus repa- raître et qu'ils ne furent remplacés par aucune peu- plade dans une situation identique. Interrogé par eux sur cette particularité assez embarrassante, M. Houzé aurait répondu : « que le changement des noms de peuple est une chose très-obscure, que l'on peut bien retrouver les anciens noms de ceux qui existent, mais qu'on ne peut fixer l'époque des changements, » Et il aurait seulement ajouté : que Château-Thierry est très^ ancien et qu'il a perdu son nom, lors de la fondation du château, pour prendre celui de Château-Thierry, Cette disparition inexplicable des Gallevesans cédant la place au saltus Brighis, qu'ils auraient précédé, nous parait une raison grave que nous ajouterons, enson lieu, à plusieurs autres, pour prouver qu'il ne faut pas voir dans les Gallevesans les correspondants des Vadicasses, mais qu'il faut chercher ceux-ci dans le pagres Yadi- siis qui a survécu jusqu'aujourd'hui sous la dénomina- tion de Valois. On a épuisé la matière étymologique autour du nom de Gallevèse, appelée aussi Brie-Galieuse ou Pouil- leuse. M. Barbey ot son collègue, le docteur Corlieu, avouent que le nom de Gallevèse, transmis par une tradition dont on ne peut saisir Torigine, ne paraît dans aucun monument connu jusqu'au xvii® siècle, où on le trouve dans les écrits de quelques géographes modernes. Les uns le font venir de Gallia Vêtus (Gaule ancienne), les autres de- Gallia ou Gallus et de Vadum dont on aurait fait GalU-vassinus, qui aurait fait à son tour la Gallevèse. M. Barbey, dans une note où il s'ap- plique surtout à écarter les étymologies bizarres que l'on a donné à ce nom et qui ne reposent sur aucun fondement sérieux, s'arrête à cette dernière- Vaduni étant la traduction du gaulois vez qui signifie un gué, et la Marne qui séparait la Gaule proprement dite ou Digitized by Google ~ 281 - Celtique, de la Belgique, selon le texte dos commen- taires, étant guéable en cet endroit, c'est-à-dire à Châ- teau-Thierry, c'est là qu'était le gué des Galls ou con- duisant au pays des Galls. Cette dénomination d'un fiflmple lieudit s'étendit à toute la contrée voisine qui devint ainsi la Galle vèse. Mais le nom de gué des Galls ayant été remplacé par celui d'un pont ou brige (brigio, brie, pont en celtique^ ce pont étant très-fréquenté et peut-être unique en ces contrées, le nom de Brie aurait fait oublier celui de Gallevèse absorbé par ce dernier. L'honorable archéologue, il faut le dire, n'a pas au- trement coaûaace en cette explication par trop ingé- nieuse. Un autre membre de la Société, Tévêque de Basi- lite, la 1 )pou3se en s'autorisant do MM. Arthur Ber- trand et Lecoq, archivistes de l'Ecole des chartes, les- quels pensent que Gallia s'étant contractée en Gaule, ne peut être la racine de Gall^ et prétend que vèse n'est qu'une terminaison, comme vace, vice y venant de la racine wys qui signifie homme, peuple, pays, cèdent il rapporte plusieurs exemples. Ainsi les Gallevesans, les anciens Vadicasses, seraient dans le sens primitif € les hommes du gué, ou de l'eau, ou du fleuve, » vo- dvm signifiant gué et wys homme. Selon M. Corlieu, qui étudia spécialement ce sujet tout local, le nom de Gallevèse aurait une origine beau- coup plus simple. Gai signifiant B-rie, cette contrée ne serait qu'une division de la Brie dont on aurait fait la Brie Gallevèze ou Gallevoise, De Gallevèse corrompue en Galuèse par le changement du v en u, lettres qui s'emploient indifféremment dans les vieux auteurs, et Gallevèse ayant été écrit Galluèse en plaçant Vu avant Vey comme il arrivait dans neuf, dans cœur, qui s'écri- vaient 7iuefy cuer, on a pu facilement faire dégénérer Galluèse en Galleuse, ce qui a dû avoir lieu lors de la division de la France en gouvernements, sous François Digitized by Google - 888 - !•'. Reste l'épithète^ c non moins mal sonnante, de Pouilleuse > donnée à cette partie de la Brie, mais on Ta expliquée en la rapprochant de la première qui Taura engendrée. Qui sait toutefois si son origine n'est pas dans pa^tUtan, pabulosus^ lieu de pâturages, lieu plantureux? Cela n'a rien qui répugne. Mons-en-Puèle, en Feule, ne se disait-il pas en latin Mons in pascuis ou m pabulis et ne faisaitH pas partie du pagus Par bulensis, le pays de Povèle, Puèle ou Peule ? Nous en faisons juges nos doctes confrères de la Société acadé- mique de Château-Thierry, dont nous nous sommes efforcé, peut-être sans y avoir pleinement réussi, d'a- nalyser les opinions que nous avons le regret de ne pas partager entièrement et sur lesquelles nous reviendrons encore à propos du pagus Vadisua (1). VI PAGUS MELTIANUS LB MULaSN. Les Meldes ne sont pas mentionnés comme cité dans les commentaires de César. Ils y apparaissent néanmoins sous le nom de Meldi, ce qui a fait croire, non sans motif, à l'existence d'un pagxis Meldensis celtique. Voici le texte de César sur lequel s'appuie cette opinion. Le général romain s'étant rendu au port Iccius avec ses légions pour passer de là en Bre- tagne, y apprit que 40 navires qui avaient été faits chez les Meldi, rejetés par la tempête, n'avaient pu (t) Voyez le Bulletin de la Société archéoloaigue de Château-Thierry : Opinions de MM. Corlieu, Barber, l'abbé Wilbertet de Vertus, deTévè- qoe de Baailite. f873, p. '/f2. ~ Revne des Sociétés savantes, t. 5, 5* série, mars-avril f 87S, compte-rendu de l'histoire de Charly, par le doc- teur Corlieu. Digitized by Google tenir la mer et étaient retournés au lieu d'où ils étaient partis. « Cœsar ad poritcm Icciumciim leyioyiibvis per- venit : ibi que cognoscit XL navesj quœin Meldis factœ erant^ tempestate r éjectas tenere curstAm nofipotul^se, atqice eodem^ wide erant profectœ nlatas,., »(1) Au premier abord, dit Danville, la dénomination de Meldi fait songer au pagus Meldensis habité par les Meldi mentionnés par Straboa et Ptolémée. Cette première impression, qui était peut^tre la bonne, fut aussi celle de plusieurs savants critiques; néanmoins, il la rejette avec eux et croit qu'il doit être ici ques- tion d'un autre pays que du Mulcien et sans doute plus rapproché de la mer, attendu que César ne put faire venir des vaisseaux d'aussi loin et encore construits sur la Marne qui n*est qu'une .îvièro. « La navigation, ajoute le célèbre géographe, q li av lit été favorable au plus grand nombre des bâtiments co. i struits, selon toute vraisemblance, sur la Somme, TAuiie, la Canche, de- vait être au contraire dans une direction opposée et venant du Nord. » C'est là, on le voit, une pure sup- position. Danville n'en indique pas moins, comme de vaut correspondre aux Meldi de César, « un canton de la Flandre, voisin dé Bruges, dont le nom est Melp- feld^ qu'il rend par Meldicus crt»z/>w6,vuigairement Mal-deghcm vell, » prétendant qu'il nous a transmis le nom de Meldi € sans aucune altération. > Il rjoute que la rivière d'Iper avait autrefois plusieurs e abouchures par des bras différents et formait des ports, « à la hau* teur de Bruges précisément. » Ce sentiment lui paraît d'ailleurs plus recevable que l'idée d'effacé.* le nom de Meldi et de lui substituer celui de Unelli, cjmmele fait Nicolas Sanson (S). (I) Cesar L. V. C. V. (f) Dan^Ule, p. 45S 37. Digitized by Google — 290 - M. de Saulcy se range à l'opinioa de Danville. « Oa commettrait, dit-il, une lourde erreur si Ton prétendait confondre les Meldes dont il s'agit avec ceux qui étaient voisins des Parisiens et des Senones, et dont le chef- lieu élait certainement où se trouve actuellement la ville de Meaux. » Il rectifie Torthographe des noms de la région indiquée par Danville, et qui s'appelle Melde Ghett, où se trouve le village de McUdi Ghem, et, à 5 ki- lomètres au Sud-Ouest d'Ostende, sur la côte, une autre localité du nom de Mildekerke, église des Maldes ; il y a là une petite baie qui s'ouvre à Ostende ; c'est là « très-probablement » celle où furent construits et où retournèrent les quarante navires (l). Cette théorie fut combattue, au point de vue phylo- logique, par M. Léon Fallue (2). Il répond à M. de Saulcy : qu'il ne croit pas que cesn oms rappellent celui des Meldœ, car Malde et Meld dérivent de mulde ou de mUde.en germain marécages, ghell couverts de roseaux; que midelkerkt veutdire église du jr.ilieUyqixe rédificesoit placé entre deux localités, ou bien au centre de terrains marécageux. En outre midel se retrouve dans Milde- bourg, « où M. de Saulcy ne s'avisera jamais de placer les Meldes » D'ailleurs, continue M. Fallue, comment César aurait-il pu faire construire des navires à quinze lieues au Nord d'Iccîus, « si près des Ménapiens tou- jours insoumis ? » Et puis les Morins et les Ménapiens n'étaient-ils pas, selon cet historien, voisins du côté de la mer ^Menapiis contermvii sunt ad mare Morini) ? Où donc placer les Meldes entre ces deux peuples ? Enfin, si l'on songe que la mer s'avançait vers Térouane et Ypres, jusqu'à Bruges etc., formant ainsi une large baie qui se prolongeait circulairement du promontoire (1) Campagnes de César dans les Gaules. Exp6diUoD de la Graode- Bretagne, p. 164. (2) ConquAte des Oaules, par L. Falloe, p. 153. Digitized by Google — sol- de Morins jusqu'à Dam et longeait ces villes, où placer les Meldes ? sous la mer, puisque les villages cités par M. de Saulcy ne datent que du xiii« siècle, ainsi que l'attestent des textes du Moyen-âge Ces réponses à M. de Saulcy et à Danville ne laissent pas que d'être très-graves. Néanmoins, M. E. Desjardins, dans son bel ouvrage de la Géographie de la Gaule, incline évidemment vers l'opinion de Danville, rectifiée par M. de Saulcy. Lui aussi rectifie les noms des localités cités plus haut. Il faut écrire Maldegem et non Meldeghem ; Middelkerke et non Mildekerhe, « et ce mot, dit-il, dont le sens est aussi clair que celui de Middelbourgy ne saurait rappeler par conséquent le nom des Meldi. Cependant la conjecture de notre savant confrère doit être, ajoute- t-il, géographiquement fondée (l) » Et il élimine le nom de la rivière de Meldich qui se jette dans l'Âa, près de Saint-Omer, indiquée par Henry, parce qu'il n'est pas dérivé de meldi (2). « Nous croyons,dit encore ailleurs M. Desjardins, avec M. de Saulcy, que les Meldi, qui reçurent ordre de construire quarante na- vires, étaient situés aux environs de Bruges et proba- blemenl sur les bords du golfe comblé auîourd'hui, qui pénétrait dans les terres jusqu'à Sithieuou Saint-Omer. C'étaient sans doute ces mêmes Meldi qui avaient fourni, l'année précédente, les dix-huit navires dont la navigation fut contrariée par les vents, etc. » Après avoir rapporté cette particularité, il avait déjà expri- mé, en effet, ce sentiment en ces termes : « On ne peut inférer qu'il ne s'agit pas ici des Meldi, peuple de l'in- térieur, sur les bords de la Marne, mais évidemment d'un peuple situé sur les côtes maritimes. M. de Saulcy a probablement raison de les placer aux environs de (I) Géographie de U Gaule romaine, t. I*% p. Ml. Digitized by Google - 292 - Bruges, où quelques noms modernes lui semblent être un souvenir de celui des Meldi (1). Enfin, dans sa Carte composée des côtes, depuis Dieppe jusqu'aux bouches du Rhin, Térudit géographe indique, au-dessus despa- ludes Mo7'iao7'nm, les Meldi avec un point d'interroga- tion, entre les Menapii et la mer, là où il marque sur la côte J^liadelkerke et melherke (2). En proseace d(* telles autorités, nous avons dû hé- siter à faire lioiv^ choix sur la position topographique des Meldi de Cé3.;r, et si nous nous sommes décidé à soutenir l'opinion contraire à la leur, c'est surtout en remarqU'int, dans l'exposé de M. Desjardins, cer- taines formas dubitatives. Nous ferons donc obsener que le trajet de Meaux à l'Océan par la Marne et la Seiae n'est pas aussi long qu'on le suppose ; que le uoiabre extrêmement considérable de bâtiments que César employa pour passer en Bretagne, la rapidité avec laquelle il en fit construire la majeure partie, en excluant toute idée de grandeur, indique qu'il s'agit ici de petits navires, ou plutôt de forts bateaux n'exi- geant qu'un faible tiran d'eau, destinés à faire un court trajet et qui en effet ne purent comme les autres tenir la mer. Ces navires des Meldes ne devaient pas diffé- rer de ceux que Labiénus avait réunis pour le .siège de melodunum (Melun) : {deprehe^isis circiter navibus L, celeriter g^ue ùonjunctis atque eomilitibus impositis.,.) et dont il se servit ensuite pour transporter sa cavale- rie vers Lutèce où les Gaulois attaquaient son camp. {Naves qiuzs a Meloduno deduxcrat singidas equitibus romanis attribuit,. ,) (1). Voici, d'ailleurs, un autre texte où l'on voit le nom- bre incroyable de navires que César employa pour cette expédition en Bretagne: « fmvibus circiter LXXXanera- (0 Ibid. 385. (2) Planche XV. Ibid l3) César L. 4, C. 58. Digitized by Google riiscoantis contractis que, quodsatis esse ad duos legi(h nés transportandaseœistimabat » (1) auxquels 80 il faut encore en ajouter 18 autres, et cela pour transporter deux légions seulement. Disons aussi que le Mulcien offrait par ses forets le bois nécessaire àl a construction de cette sorte de petits bâtiments de transport. Mais ce qui devrait faire surtout tomber Tobjection tirée de la difficulté d'organiser une flotte en Mulcien, c'est que les auteurs latins nous fournissent de nombreux exem- ples de ce genre de flottes sur les rivières et qui étaient cependant assez importantes j>our qu'on mit à leur tête des maitres comme il y en avait à la tête de la cava- lerie : la Notitia dignitatum imperii cite un magis- ter classis Sambricœ in loco Quartenst seu Homensi ; nnprœfecttis classis Anderecianorum Parisii^. lly avait d'autres préfets de la flotte du Rhône à Vienne ou à Arles (2) Ces raisons qui durent, ce semble, se présenter à l'esprit d'un homme aussi sagace qu'Adrien Valois, ne paraissent pas l'avoir touché, car il n'admet pas l'assimilation des nieldi qui fournirent des navires à César avec les nieldi de la Brie, quoique cette idée des deux noms doive frapper tout d'abord ; toutefois, il n'invoque aucun motif pour la repousser. Il n'en est pas de même de M. Bourquelot qui l'admet carrément en plusieurs endroits de son excellent ouvrage sur les Foires de Champagne, Le territoire champenois, dit-il, avait pour habitants, à l'origine, les Remiy les Cata- launi, les Lingoni, les Senoncs et les Meldœ. Les Tri- casses paraissent avoir appartenu à la confédération des Senofies. Les Rémi étaient Belges ainsi que les Catalauniy les autres Celtes. Les Rémi, les Lingones^ (1) md C. 60. (2) Histor. de France,' t. f", p, 128. Digitized by Google -agi- les Senones^ les 7neldœ figurent dans la relation de la conquête des Gaules par César (1). Lors des modifications opérées par Auguste dans la Celtique dont il tira la Lyonnaise, les meldi, les Velto- casses (Vexin), les Caletes (Oaux), furent, d'après Ptolémée, compris dans celle-ci. Strabon mentionne expressément les Metdi et leur situation. Sur la Seine, dit-il, sont aussi les Parisii... tnsiUam habitantes in flumine et urbem iuteiiam (Lucototia) ; tum Meldœ (Meldoï), Lexobii (Lisieux), ht ad Oceanum; et le plus considérable de tous ces peuples sont les Rémi, avec leur capitale Durocortora, ville fort peuplée et rési- dence des gouverneurs romains (2). Pline parle des Rémi fœderati, des Meldi liberi, Strabon donne à ceax- ci pour ville principale latinum qui correspondrait à Festrimtm (3), En effet, d'après la distance de 16 lieues où est /a/inum d'Augtcslomagus (Seulis), laquelle est égale à celle qui sépare Senlis de Meaux^ c'est-à- dire de 16 lieues gauloises, latinum est donc la même ville que Meaux. D'autre part, la continuation de la route par Calagum et Riobe, concourt à prouver que Festrinum ne peut être que la capitale des Meldi ou latinum qui a pris ensuite le nom du peuple et Melde, en passant par meltis, melcis et milicianus, termes latins du moyen-âge, a fait Meaux et le Mulcien (4). Dans la Nolitia provinciarum et civitatum Galliœ, le Mulcien figure sous le titre de civitas Meldomm, preuve sans réplique de l'érection du pagus Meldcnsis en cité et plus tard en évéché. Meaux sa capitale, l'an- cien latinum, s'étend sur les deux rives de la Marne, (l)Mém. de divers savants, Académie des Inscriptions, 2* série,» t. 5, p. 87. (2) Histor. de France, t. i*', p. 57, Strabon, L. 4. (8) ibid., p. 74. (4) Histor. de France, t. I\p. 875. «- Nithard, L. 4 et nne Viede S. Permin, citée par A. Valois, p. 885. Digitized by Google - 295 - qui était la limite de la Celtique au Nord, mais la partie la plus oonsidérable est sur la rive droite de cette rivière, en sorte, dit Adrien Valois, que si la Marne était la limite naturelle stricte des deux grandes provinces, elle serait plutôt de la Belgique que de la Celtique, depuis la Lyonnaise (1). Mais on n'ignore pas combien cette limite a dû varier et qu'il est très-pro- bable que le pagres celtique, comme la civitas gallo-ro- maine dut s'étendre au moins quelque peu au-delà de la rive gauche. Ce ne serait pas une raison, parce que la ville aurait été sur cette rive, de placer la civitas dans la Celtique ou Lyonnaise-Senonaise, plutôt que dans la Belgique. Du reste on sait que c'est Thibauld, comte de Champagne, qui ayant fait dériver la rivière au Sud de la ville, la plaça ainsi sur la rive droite, ce qui a induit en erreur plusieurs géographes. Nous avons attribué le pagus Meldensis celtique à la cité primitive des Suessions, parce qu'il semble, par sa position, s'y rattacher naturellement, surtout si l'on con- sidère, ainsi que nous espérons le prouver, qu'il s'éten- dait en grande partie au Nord de la Marne, du côté du Valois et de l'Orceois ses voisins. Les auteurs du Gallia Christiana^ dans l'incertitude où ils se trouvaient sur ce point, se sont contentés de dire : que pi les Me! des n'appartenaient pas aux Parisii, ils leur furent soumis quelquefois ou « quelque temps (2). » La cité de Meaux, peu considérable, devint le comté de Meaux, comitatus meldensis dont parle Grégoire de Tours, le terriiorium meldense des Gesta régis Dago- bertij le pagus meltianus des capitulaires et des di- plômes mérovingiens et carlovingiens et le mclticmis cité par Louis-le-Débonnaire dans le partage de ses états entre ses enfants. On remarquera que dans ces (') Adr Vales. Not. Gall. art. Meldensis. {t)QalL ChrUi., t. IX, Eccl. Meld. Digitized by Google - 2W- textes le Mulcien n'est pas désigné sohs le nom decwi- tas, laquelle en effet ne paraît pas avoir contenu d'au- tres pc^i que le Melcumus. Voici le texte de Gr^oire de Tours : « Gondobaldus comitatum Meldensem accipiens, in- « gressus que urbem, causarum actionem agere cœpit. « Exinde dum pagum urbis in hoc officie circumiret € in quadam villa interficitur (1). » Dagobert I, dans un diplôme concernant l'abbaye de Rebais, s'exprime ainsi : « lUustris vir Dado, referendarius noster, ejus- « que germani adoct Rado monasterium Jérusalem... € quod vulgo appoUatur Resbacis in Meldensi territo- € rio situm construxerunt (2). » Rebais est aussi placé par une bulle de Jean IV, de 642 « in page qui diciiur Meldicics, > et par une autre de Martin I < m pago Meldensi (3), » Un diplôme du roi Thierry III, de 688, en faveur de Saint-Denis, mentionne Lagny-eti-Mul- cien « villa mmcupanti LaUniaco quœ ponïtur in pago meldico (4). » Pépia restituant à cette abbaye des biens qu'il lui avait enlevés, fait figurer, dans un acte de 751, diverses localités situées drns la Brie, le Mul- cien, le Beauvaisis et le Chambliois (5\ On attribue à saint Fiacre le défrichemeat de la partie de Tépaisse forêt de Brie où fut fondé le monastère de Jouarre, dont il resta, dit l'auteur des Forêts de la Gaule, les bois de Meaux et de Jouarre {Joranics salins). Lepagus tnelcianurS fit partie du 5* missaticum com- prenant les pagi suivants : Parisiacus, meldensis, Sil- vanectensts, Bellovacensis, F endoliencis et Velcassinus, confié à Louis, abbé de Saint-Denis, à l'évêque Irmen- (1) Greg. TuroD, C. 8. (2) Diplom. Pardessus, t. 2, p. 33. (3) /i'id.^p. 83. (4) Ihid., p. 404. (5) Ihid,, p. 419. Digitized by Google - 297 — froid, Ingelwin et Gotselme (1). Il figure dans le ca- pitulaire de Charles-le-Chauve, de 853, avec d'autres pagi dans cet ordre : pagi Bellovacensis, Silvanectensis^ Vetcassinics , Melcicmus et Panstactis, si toutefois on peut dire qu'on observait dans ces pièces quelqu'ordra géographique (2). Le comté de Meauz, dit Dan ville, remplissait donc l'intervalle qui sépare le Parisiacus du Milidimensis. Le nom actuel de Mulcien, ajoute-t-il, se borne à la partie qui est au Nord de la Marne, le reste étant compris dans le Brteginm. Nous regardons aussi cette partie comme ayant formé surtout le pagus celtique avant que, franchis- sant la Marne, il empiétât largement sur la Brie. Sur la rive droite il touchait aux Silvanectes, au Valois et à rOrceois. C'est de ce côté que se trouvent les loca- lités suivantes qui rappellent le nom des anciens Meldi : May-en-Mulcien, Assy en-Mulcien, Rhée ou Retz-en- Mulcien, Rosoy-en-Mulcien, Rouvres-en-Mulcien, lequel est peut-être le Rodomum d'un diplôme de Charles -le- Simple en faveur de l'abbaye de Moriènval (3), qui était situé en ces quartiers-là ; Isles-les-Meldeuses, nom d'un village situé sur la rive gauche de la Marne et qui vient des îles que l'on y voit dans cette rivière. Ces lieux, par leur position géographique, indique- raient que l'antique pagus était d'abord assez exigu. Borné au Nord par la vallée de la Grinette qui se jette dans l'Ourcq à Neufchelles, après avoir arrosé Maque- lines, Retz, Antilly et CoUinances, au-delà desquels sont Thury-en-Valois et Crépy-en-Valois, il traverse l'Ourcq et, suivant à peu près la vallée du Clignon, autre aflaïuent de cette rivière sur sa rive gauche, il remonte ce ruisseau en prenant Montigny-l'Allier, (1) Histor. de France, t. 6, p. 616, Capitul. de Servais. (2) CapitulaHa Baloze, t. 2, col. 69. (3) Annales du diocéte de Soisions, t. I. p. 550 88 Digitized by Google - 29Ô - Cerfroy, Brumetz, Gandelu, puis, descendant an Midi, il laisse Veuilly-la-Poterie, Marigny-en-Orceoîs, prend Germigny, d'Huisy, laisse Montreuil-aux- Lions dont il suit le ruisseau jusqu*à la Marne, au delà de Ste-Aulde. Ces limites furent celles de la cité gallo-romaine, au Nord. Ce n'est qu'après l'érection de celle-ci que le Mulden dut s'étendre foii; au Midi, entre la Marne et la Seine, et s'allongea jusqu'aux cités des Sénones et des Parisiens. On trouve auprès de Ville-Selve en Ver- mandois Flavy-le-Meldeux, et dans le Laonnois Chè- yresis-le-Meldeux^ mais nous ignorons quels rapports il peut y avoir entre ces localités et les Isles-Meldeuses qui rappellent si bien les anciens Meldes. Le géographe Abraham Ortelius, qui vivait vers 1594, resserre encore davantage le Mulcien primitif. Il lui donne aussi pour frontières au Midi et à l'Est la Marne, à l'Ouest la rivière de Claye qui passe à Claye, à Thieux, etc., tombe dans la Marne au-dessus d'Anet et le sépare du Parisis* et de l'Aulnay, pagellus du Pari- sis. Entre le Valois et le Mulcien il trace une ligne allant du Nord-Ouest au Sud-Ouest en prenant Saint- Faron, Noyon, Montigny, Baron, etc. Ce Noyon est tout proche de Plessis-Boulancy qui est du Valois. Au- delà de la Marne, notre vieux géographe place la Brie proprement dite et Meaux sur sa rive droite ^1). La Goélle (Goella) paraît être le seul pagellus qu'ait eu le Mulcien. Elle s'étendait jusqu'aux sources de la Nonnette qui arrose Senlis, et dans l'angle formé par la rivière de Claye qui la sépare de l'Aulnay et un au- tre ruisseau son tributaire. La Goëlle entra dans la for- mation du comté de Dammartin qui s'appelle encore Dammartin en Goëlle. La civitas Meldensis forma le diocèse de Meaux le plus petit de la quatrième Lyonnaise. Il ne renferma {f) Théâtre dâ VUiUven^ par Abraham Ortelios. Digitized by Google -Mo- que deux archidiaconnés, rÂrchidiaconné de Meaux {Archidiaconatus Meldensis vel Major), au Nord delà Marne, et l'archidiaconné de Brie {Archidiacotiattis Briœ vel Briensis), au sud de la rivière. Le premier est formé du Mulcien proprement dit et comprend la Goelle ; le second comprend les lieux dits en Brie (1). vn LE PAGUS SILVANECTENSIS LB 8KNUSIEN OU SBRYÂIS. Un chanoine de Senlis, Jean Deslyons, auteur de Re- cherches sur ce diocèse, écrivait à Adrien Valois : Quœro originem Silvanectiy nec invenio inter opacas silvarum tenebras. « Je cherche l'origine de Senlis et je ne la trouve pas au milieu des forêts ténébreuses. » Nous essaierons d'être plus heureux que le docte cha- noine. La dénomination latine de cette contrée viendrait, selon le sentiment le plus commun, de ce que dans To- rigine elle était environnée de bois. De silva on au- rait fait Silvanecles, les habitants des bois. Aijgour- d'hui encore ce pays montueux est comme enveloppé de toutes parts par les forêts de Hallate, de Chantilly^ de Pontarmé, d'Hérivaux, de Dammartin, etc., qui formaient les extrémités du Silvacum, vers le Beau- vaisis, le Parisis et le Mulcien. Il s'appelait autrefois le Servais ou Servais pour le Selvois ou Selvats, qui correspondent rigoureusement à silva. Ne dit-on pas toujours Ville-Serve pour Ville-iielve^ village du Ver- mandois ; Servais pour Selvais en Laonnois ; la cha- pelle en Selvois, en Selvalt La capitale du pagus elle- Digitized by Google - 800 - même est située dans un demi-cercle de forêts. Ces rai- sons toutefois ne font pas impression sur l'esprit sagace d'Adrien Valois ; il croit que le nom de Silvanectes a plutôt une origine celtique que latine, mais on peut toujours dire que ce nom latinisé devait signifier forêt en langue gauloise (1). Si les Silvanectes ne sont pas indiqués dans César parmi les peuples de la Qaule-Belgique, on n'en doit pas conclure qu'ils n'existaient pas alors, mais qu'ils ne formaient qu'un simple pagus habité par une tribu inférieure, ainsi que le dit très-bien d'Anville. Ce peu- ple n'a pas surgi tout à coup au m criècle ; il était du nombre de ceux que César ne nomme pas, tels, par exemple, que les Catalaimi, et qui n'en remontent pas moins à l'époque celtique. On apporte en prouvée de son existence, dans ces temps éloignés, des monuments mé- galitiques, comme les pierres de Ruys, et des médailles gauloises trouvées sur son territoire (2). Toutefois si celles-ci sont attribuées justement aux celtes, les pre- mières pourraient l'être plutôt à la peuplade antérieure à l'établissement des Gaulois silvanectes , c'est-à-dire aux hommes des dolmens. Mais à laquelle des cités voisines faut-il attribuer le pagus celtique des Silvanectes ? C'est la question qui maintenant se présente. Sanson le fait dépendre plus probablement des Bellovaques, sans en apporter au- cune raison ; Adrien Valois paraît opposé à ce senti- ment ; M. Desnoyers regarde cette attribution comme € incertaine » et croit que si elle a existé elle n'a pas été de longue durée. Un savant noyonnais, M. de Grat- tier, dans son Essai sur Noviodtmiwi, qu'il place à Soîssons, établit, d'après Sanson, Banville, Walkenaer (1) Adriani ValesiL.'Voe. Gall. (2) Mémoire snr Vorigine de la ville et du nom de Senlis (Comité ar- chéologiqne de Seaiis), anoée 1862-1869, par UT. Decaix de 9tilmoiir. Digitized by Google - 801 - et contrairement à l'opinion d'Adrien Valois, qu'il ap- partint primitivement aux Bellovaques et qu'il n'a pu leur rester annexé après la conquête, « la politique romaine ayant tendu à les aflEaiblir au lieu de les for- tifier, tandis qu'elle n'aurait au contraire trouvé aucun inconvénient à les laisser aux Suessions déjà annexés aux Rèmes et demeurés fidèles après la conquête (1). » Les Bellovaques et les Suessions se disputent donc seuls la possession de ce pagus celtique. Quant aux Bellovaques, il y a entre eux et les Sil- vanectes des limites naturelles, de grands bois et la rivière d'Oise qui devait les séparer aussi bien que des Suessions. On objecte que le diocèse de Beauvais fran- chit cette rivière depuis Verberie jusqu'à la Morlaye, mais on peut répondre que bien des remaniements ont dû avoir lieu depuis cette époque reculée et que l'é- vêque de Soissons revendiquait aussi plusieurs pa- roisses du Beauvaisis, de ce côté, preuve de l'incerti- tude qui régnait encore sur ces limites en deçà de l'Oise. Quant à nous, nous n'hésitons pas à voir dans le Senlisien un pagus celtique du Suession dont il était avec le Valois le dernier prolongement environné de bois et bordé par l'Oise. Du reste, les détails qui vont suivre pourront rendre au moins vraisemblable cette opinion que nous partageons avec d'autres critiques. Le yagus Silvanectensis revit encore sous la 2* race, n reparaît dans un capitiilaire du concile d'Attigny , de 823, où on lui donne le titre de- coinitatiis ; dans le capilulaire de Charles-le-Chauve, donné à Kierzy en 853. où il est clairement distingué du Vadisus, dxxMel- densis et autres pa^i voisins. Il faisait partie du mis- àaticum^ comprenant les pagi Remensis, CatalaunensiSy SuessionensiSj Sylvanecttis, Bellovacus et Lâtidunensis. Il est désigné dans la vie de S. Génulfe sous le nom do (1) Bulletin archéologique du Comité de No)oo, t. S, 1877. Digitized by Google - 302 - pagus Silvanectensis [l). On connaît un titulaire du comté de Senlis ; Bernar ius Silvanectensis cornes, le- quel prit et ruina, en 945, le château de Montigny-Len- grain, en Soissonnais (2). Un petit nombre de lieux sont placés par les titres anciens et les auteurs dans le Senlisien. Outre la cha- pelle en Servais, il y avait Fresnoy-la-Rivière, Bettan- court (Betton-Cortem), son voisin sur la rive gauche de l'Automne, AUemans (villa Alamanorum)^ cités dans un diplôme de Charles -le-Simple pour Morienval, où sont rappelées les donations de Charles-le Chauve à cette abbaye (870 et 920) (3) et le prieuré de Braye {in pago Silvanectetisi.,, villa quœ dicitur Braïco). Il faut donc pour retrouver les limites de la cité gallo- romaine des Silvanectes, recourir à la carte du dio- cèse de Senlis qui la représente. Or, le diocèse n'allait pas, au Nord, au-delà du cours, puis de la vallée de la petite rivière d'Automne, et des branches de cette val- lée qui remonte vers Morienval et Bonneuil. A l'Est il aboutissait à la forêt de Retz et s'arrêtait, vers le Sud, à la Faloise, où, comme dit M. Graves, com- mence la contrée naturelle du Mulcien, c'est-à-dire aux sables et grès couronnés par le travertin moyen. De ce côté il aboutissait à Plailly, (Plaitlayacum), près de Mortefontaine que le diplôme de Charles-le-Sîm- ple place en Mulcien. Il aboutissait,à l'Ouest, non pas à l'Oise, mais à la forêt deHallate qu'il embrassait dans son ensemble. Au Nord-Ouest, la partie qui s'étend en- tre la rivière et la forêt était encore en litige, l'an 872, entre l'évêque de Soissons et celui de Beauvais. Cinq paroisses, du nombre desquelles était Villeneuve- sur- Verberie étant revendiquées par les deux prélats, (1) ViU s. Genulfi, L. 4, C. M. (2) Flod. Annal, an. 945. — An. da diocèse de SoUsons, l. I, p.OI. (8) Annales du diocèse de Soissons, t. i, p. 467 ei 551 . — Hittor. de France, t. 9, p, 546. Digitized by Google ~ 308 - Charles-le-€hauve les assigna à révêcho de Beauvais quoiqu'il paraisse certain, ajoute le même auteur, que Villeneuve faisait partie du Suession (I.) En tout état de cause, il est certain que lepaçtasil- vanectis perdu au milieu d*une masse forestière, et de faible étendue, était, comme les Meldes, érigé en cité par les Romains au ii« siècle, puisqu'il apparaît avec cette qualité dans les auteurs latins postérieurs à César et qu'il forma ensuite un évêché au in«. Pline en effet mentionne les Silvanectes en ces ter- mes avec les Suessions et d'autres peuples de la Gaule : Nervii liberi, , Suesstones liberi, Ulbanectes liberi pour sulbanecies ou sulvanectes, qui sont aussi les corres. pondants de Sumanectoi on Subaneotoi, de Ptolémée (2). Il semble, d'après cette expression de liberi, que les Silvanectes et les Soissonnais eurent part aux mêmes avantages tandis que les Rémois sont appelés /'eipû^é'ra/i, comme ils avaient autrefois partagé la même infor- tune ; ou bien que les Silvanectes recouvrèrent leur autonomie par rapport aux Suessions, comme ceux-ci la leur par rapport aux Rémois, en un mot qu'ils furent détachés de Soissons, etSoissons de Heims. Dans la No- titia Dig7iiiatimt imperii, le Senlisien est placé dans la seconde Belgique, Silvaneotas Belgicœ sectoidœ, et dans la notitia provinciarum il est appelé civitas silva- neclitm ou silvanectensium et est aussi placé dans cette province. Le même monument nous apprend qu'il y avait même dans cette cité et dans celle de Reims un préfet des Lètes étrangers : « Prœfeclus Lœtorum gen- tilivm Remos et silvanectes Belgicœ secundœ {3). » Strabon indique la position géographique de la cité (1) Flod. Annal» an. - Graves, Notice archéologique sur le déptrte* ment de l'Oise. (2) Plin. Histur. naturaUi, L. à, C. 7. (3) Voyez ces monuments dans les historiens de France, t. f, p. ISS. Digitized by Google - 804 - de Senlis par rapport aux autres ciiés ses voisines et donne le nom ancien de sa capitale : « Sitb his (les Nerviens) svbanecti quorum civitas ab Oriente sequanœ fltwii Rotomagus (ou Rhotomagns) — sub quitus Fe- romandui quorum civitas Augusta Veromanduorum — sub lis suessiones quorttm civitas similiter ab Oriente sequanœ fluvii Augusta suessionum. Post quos juxta flwnwn Rhemi et eorum ctvitas Durocortorum (1). — Ptolémée, comme Strabon, nomme la capitale des Sil- vanectes Rotomagos (2) au lieu de Augustomagus in- diqué dans l'Itinéraire d'Antonin et à la Table théodo- sienne. Si cette exposition géographique de Strabon, qui a commis bien des erreurs, est loin d'avoir toute la précision et l'exactitude désirables, quant à la situation vraie du pays des Silvanectes, il ne faut pas la cher- cher ailleurs que parmi les peuples indiqués par ce texte, c'est-à-dire parmi les Nerviens, les Vermandois et les Rèmes. Or, dans ces quartiers de la Gaule-Bel- gique, les Senlisiens sont le seul peuple qui corres- ponde aux submiectioxx silvanectes de cet auteur. Adrien Valois n'en est pas moins d'avis, tout en admettant l'existence des Silvanectes et leur position géographi- que au lieu que nous indiquons, que les Ulmanectes ou Ulbanectes des diverses versions de Pline ne peuvent leur être appliqués, sans toutefois indiquer où ceux-ci devraient être cherchés. Le doyen Jean Des- lyons se range de son avis. On ne saura, dit de son côté D. Bouquet, si Rhotomagus est V Augustomagus des itinéraires et de la table de Peutinger que quand on sera certain que les Subanecti sont les mêmes que les Silvanectes. Cluvier, que le Gallia Christiana qualifie de doctissi- {\)Tbid., t. «,p. 770. (2)Ptolém6e, Lib. I. G. 25. Digitized by Google - 305 - mus geographicuSf le non moins érudit DanvUle, et Adrien Valois, croient que les anciens géographes, Pline et Ptolémée, se seraient trompés en appelant, par une altération de nom, la capitale des Silvanectes Ratomagus, Ce serait Augtistomagus {Augusti-magiis oxkAugustimansio), laquelle prit ensuite le nom de Sen- tis, corruption de celui du peuple de la cité des Silva- nectes. En ce cas Ratomagus pourrait être VAugusto^ magi4S altéré dans ses deux premières syllabes. Leur véritable capitale, dit en effet M. Desnoyers, est Au- gustomagus que désignent la Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin, et qui, du nom du peuple, devint incontestablement Senlis. D'autres savants ne se conten- tant pas de cette assertion toute conjecturale, ont cher- ché à découvrir une ville dont le nom correspondrait mieux au Ratomagus de Ptolémée et de Pline. Peut-être, dit l'un d'eux, faudrait-il dire qu'il y avait deux peu- plades dans cette contrée, dont l'une, plus favorisée, fut érigée en ctvitas, tandis que l'on retrouverait dans Ratomagus et Rossontensis le Ressontois, situé au-delà de l'Oise et au-dessous du Noyonnais,lequel demeurant dans son infériorité primitive, n'a trouvé que Grégoire de Tours pour le reconstituer. Cette opinion émise par M. Jacobs, dans sa première édition delà Géographie de l'historien de la conquête, mais rétractée par lui dans la seconde, n'en devait pas moins trouver place ici, puisqu'elle peut être un point de départ vers de nouvelles recherches. Une autre opinion s'est produite en faveur de l'exac- titude du nom donné par Ptolémée et Pline à la capi- tale des Silvanectes. Elle est soutenue entre autres par € le savant chantre Rouyer, » chanoine de Senlis, en ses Mémoires manuscrits. Il prétend que cet oppide fut appelé d'abord Ratomagus^ puis Augustomagus,; nous serions assez de cet avis. Ratomagus, oppide ou cas- /rum celtique principal des Silvanectes, a puêtretrans- Digitized by Google formé ea Augustomagus^ capitale de la civitas gallo- romaine. Cette forme semi-latiDe semi-gauloiae, se re- trouTe dans Cœsaromagus (Beauvais), Naoiomagui (Noyon). Pline et Ptolémée oat très-bien pu employer randen nom au lieu du nouveau. Ces géographes ont même pu préférer le premier au second, employé dans les documents officiels. Il serait donc assez ra- tionnel de dire que le nom de la capitale celtique des Silvanectes, lors de son érection en cité, a été roma- niséen l'honneur d'Auguste, tout en conservant la ter- minaison ancienne magus, comme cela est arrivé pour beaucoup de cités. On sait du reste, ainsi que le fait remarquer le même auteur, M. Jacobs, que des villes conservèrent quelquefois leurs anciens noms qu'on em- ployait concurremment avec les nouveaux. Ainsi , Gré- goire de Tours désigne Autun, Angustodunvm, sous le nom de JEduorum civitas, dans son Histoire; et il ap- pelle encore Orléans Genabensis urbSf de l'ancien Gêna- bum, dans ses Vies des Pères (1). Reims n'a-t-il pas été souvent désigné sous son nom de Durocortorwnf On a élevé aussi des difficultés sur l'origine du nom moderne de Senlis. Adrien Valois affirme, contre le doyen Deslyons, que le nom âH Augustomagus disparut à son tour, quec et oppide s'appela castrumSilvanectes^ nom que lui donne Usuard, puis Silvanectas^ Stfoiocum, d'après Loup de Ferrières, Sanletensejn urbem, selon le livre de Vita S. Genulfiy toutes formes qui étaient un acheminement vers le Senlis d'aujourd'hui. Grégcùre de Tours est le premier auteur qui ait donné le nom de^7- vanectum à l'antique A ugustomagm. Ainsi la ville aurait pris peu à peu le nom du peuple silvaneote d'où est dérivé Senlis, comme cela est arrivé pour Reims, Soissons» Beauvais, Meaux, Amiens et tant d'autres (I) Jaoobs ubiéupra, p. tl6. Digitized by Google -807- Tilles (1). Le Gallia Christiana, Expilly, M. Desnoyer n'hésitent pas à adopter ce sentiment que repousse M. Caix de Saint-An; our dans son Mémoire sur r origine de Sentis, trouvant qu'il y a bien loin de la dénomi- nation Sitvanectes à Senlis auquel il donne une origine purement celtique (2). La situation d'AuçustomaguSy quoiqu'elle ne puisse donner lieu à beaucoup de difficultés, a été aussi l'ob- jet de quelques doutes. Il en est qui ont placé Senlis dans le Valois dont elle est très éloignée et en ont fait le cheMieu de cette contrée, qui est Grespy. Selon M. Peigné-Delacour, Toppide de Senlis n'occupait pas le même emplacement que la ville actuelle, mais un au- tre endroit de son territoire où l'on rencontre une voie gauloise, près du hameau de Villeoert, Ce n'est là du reste qu'une pure hypothèse qui ne rentre pas d'ail- leurs dans notre sujet. Confondant les oppides, véritar blés villes et places fortes, qui n'étaient pas nombreux, avec les lieux de refuge, les simples camps, le même auteur en découvre d'autres chez les Silvanectes, ceux de Rhuis, de Oouvieux, très-rapprochés entre eux et dont il fixe la position (3). Il place Varx ou oppidum de Rhuis sur un plateau situé au-dessous de ce village près de Verberie. Nous nous contenterons de détermi- ner géographiquement la situation d'Àuffustomagus^ le Senlis gallo-romain. L'Itinéraire d'Antonin le place entre Cœsaromagus (Beauvais), Siêessionas (Soissons), latinum, que la Table Théodosienne appelle improprement Fiœtrintmi (Meaux), ce qui doit faire cesser toute incertitude. Danville re- marque, il est vrai, que la distance XII de l'itinéraire (1) Had. Vtl. Not. QaU. W Mm. iwr VorifHiê de la HUe êi du nom 4ê SmOU, par M.Oaii d« laint- Amour. (Comité «rchéologiquo do Sonlis. Comptes reiidas oi m6- moim. Aiméo ltes.«86l). m ComiUdo SonUt. Gomptot rondut o( m4moifOs, 1802-1168. Digitized by Google — 308 — ne remplit pas Tespace qui sépare Augustomagiis de Suessionas, puisque cette distance est d'environ 29,000 toises, en droite ligne, produisant 26 à 27 lieues gau- loise de mesure itinéraire, mais en reyanche la dis- tance de XVI lieues entre latinum et Àuffustomagus est inexacte (1). Inutile de dire que la situation du Senlis actuel répond parfaitement aux distances données à Augustomagus, par rapport à Cœsaromagus^ Augasta Sttessionum et Saniarobriva (Amiens), par l'Itinéraire et la Table Théodosienne. Cest au II* siècle que le pagtM Stlvaneclensi4 fut érigé en cité et que sa capitale devint, comme Reims, Sois- sons, Noyon,etc., une ville toute romaine, reliée à ses voisines par la grande voie de Rome à Gessoriacum et ses divers embranchements. On trouve la preuve de cette érection en ce qu'on ne lui connaît aucune divi* sion en pagi inférieurs. Pour former la nouvelle cité^ on annexa, paraît-il, à l'ancien ^a^uj la partie occiden- tale du Valois appartenant aux Suessions, lesquels, se- lon M. Desnoyers, auraient reçu une compensation de territoire au-delà de la Marne ; m|iis, il faut l'avouer, ce dernier point n'est justifié par aucune preuve. Cette annexion de la partie la plus considérable du Valois avec Crespy sa capitale, n'aggrandit pas beaucoup ni la dté^ ni le diocèse qui s'y forma au iii« siècle et qui n'occupèrent que le 8* rang dans la province ecclésias- tique comme dans la province civile de Reims* kugus- tomagus fut le cheMieu de l'évéché, comme il l'avait été de la civitas. Le diocèse de Senlis n'eût qu'un seul titre d'archi- diaconné qui suffisait à son peu d'étendue (Archidiato- nains S%lvaneetensis)y et primitivement que deux archi- prêtrés ou doyennés. L'un, le Doyenné de la Chrétienté de Senlis ( Decanatns Christianitatis Silvanectensù ), (f) DtiiTiUe, GéogrtphU, p. 176. Digitized by Google — 809 — représentait Tanden pays des Silvanectes ; Tautre, le doyenné de Crespy (de Crisptaco, de Crespeio)^ compre- nait la majeure partie du Valois. Un de ses titulaires figure, en 1270, dans une charte pour la collégiale de Sainir Albin de Senlis : Decanus Christianitatis de Cres- peio (1). Crespy devint même conune le second siège de l'évéché dont la maison épiscopale était à Bouillant, près de cette ville, particularités qui rappellent l'an- cien pagus Yadisus (2). Les autres doyennés ne datant que du xviii* siècle, ne peuvent fournir aucune indi- cation à la géographie historique. Malgré l'annexion d'une partie du Valois au Senli- sien pour former une civitas, les deux pagi n'en demeu- rèrent pas moins distincts. Sous les Mérovingiens ils continuèrent de former deux contrées administratives, deux comtés. Le pagus Silvanectensis reparaît dans Grégoire de Tours à l'occasion du traité d'Andelot, passé en 557. Par ce traité, il fut convenu que Childe- bert posséderait le Senlisien intégralement, et que quant au tiers de ce pagus qui était dû à Gontran, il serait compensé par le tiers de ce que Childebert possé- dait dans le Ressontois : « ( Ut Silvanectis dominus a Ohildebertus in integritate teneat, et quantum tertia « domini Guntchramni ex inde débita competiti de « tertia domini Ohildeberti quœ et in Rossontense» de € Guntchramni partîbus comparetur) (3). » Selon le P. du Moulinet, bibliothécaire de Sainte-Geneviève, écri- vant à Deslyons sur le sujet qui nous occupe, ce texte indiquerait que le territoire du Senlisien devait être assez étendu, puisqu'il fut alors divisé en trois parts. (I) Carlier. HUt. àm Valois, t. S, p. (S) aBonaire historiq. de U Société de rHisloire de France. (Topog. ecd. IMS, par M. Desnoyers). \S) Greg. Taron. L. 9, G. SO. Ce chapitre est intitulé :« Ad divisio- nem SyWaneetensem > « Pars mea de uroe Siivanectensi,» {pour orbe on ciTitate.) Digitized by Google - 810 -« mais oe raisonnement ne prouve rien puisque rechange eut lieu contre une partie du petit pays de Ressontois dont nous ne tarderons pas à nous occuper. vm LE PAGUS VADISUS LB TALOIS De savants critiques ont émis des sentiments divers sur la position géographique des Yadicasses^ peuplade dont il n'est pas question dans César, mais qu'ont si- gnalée Pline etPtolémée et à laquelle ils donnent pour capitale Nœomagus (1). Les uns, tels que DanviUe, M. Houzé, etc., après un examen attentif des textes, les placent dans le Valois» entre les Silvanecteset les Sues sions; les autres, au contraire, les négligeant trop,ou, partant d'une interprétation fautive, les ont indiqués dans des contrées bien éloignées de celles fixés par eux. Ainsi Sanson et Briet les vont chercher dans le Nivernais, erreur qui leur fut inspirée par le nom de leur capitale Nœomagus que portait aussi Neversavant de prendre celui de Nevimum. Adrien Valois, sans les éloigner autant, les voit dans leChâlonnais et est suivi à peu près par Spruner dans sa Gavle au temps de César (2), et par Hardouin, d'après D. Bouquet, n se rapproche au moins beaucoup de la vérité. Nous croyons nécessaire de résumer ici ce que nous avons déjà dit fort au long de cette opinion en traitant de la Galle- It^yadicassesQViBodicasses.^i Valois^furent le nom (1) Guérard « omit le Valoîi dans m lifU des pa^ de U cit6 dei Saesftiojie et ne^le fait pu figurer ailleura. (I) Carte des Gaules au temps de César. Digitized by Google primitif des Catalauni et enrent pour ville Nomoma- gus. Pline et Ptolémée les indiquent dans la Gaule Lyonnaise et auprès des Meldes qui étaient, selon eux, de la Belgique ; mais comme ils étaient rapprochés de cette province, on pouvait facilement les lui attribuer. En effet, les Meldes, peuple de la Lyonnaise, sont sur la Marne comme les Catalauni et ont pour ville lati^ num. Poursuivant son Iiypothèse,il ajoute: que les Va- dicasses, nom primitif de leurs voisins le^; Catalatmi, auraient laissé ce nom à la Gallevèse, que Château- Thierry, l'ancien Tideriacum, aurait été la capitale de ce pagus Vadicassimis qu'on aurait partagé entre les Ghâlonnais, les Soissonnais et les Meldes jusqu'aux- quels ils s'étendaient, embrassant la Gallevèse. Cette opinion qui n'avait pas la moindre base solide, dit M. Desnoyers, n'a été adoptée par auciia des savants qui se sont occupés delà géographie ancienne de la Gaule, tels que Banville, Mannert et Walkenaër (1}. Récem- ment, le docteur Corlieu, on l'a vu précédemment, a fait néanmoins revivre l'opinion d'Adrien Valois et trouve dans les Vadicasses les habitants de la Galle- vèse. Nous avons exposé ses preuves ; on a pu en appré- cier la valeur. Nous ne mentionnons que pour mémoire le sentiment de ceux qui, trouvant les Bodicasses c\\é% dans Pline à la suite des Vadicasses, confondent ces peuples et les placent tous deux à Bayeux. Quelque peu d'ordre qu'observe cet écrivain latin dans la nomencla- ture des cités et des peuplades, on ne peut pas dire toutefois que les Yellocasses qu'il indique dans la Lyonnaise au milieu de peuples fort éloignés de la Belgique (Lugdunensis Gallia habet Leœovios, VellO' casses^ Calletos, Venetos^ etc.) soient les mêmes que les Vadicasses (2}. C'est aussi sans en apporter aucune (1) AnoMirede 1859, p. 909. (1) Plioe, L. 4, Histor. de France, t. !•% p. 58. Digitized by Google — su - preuve qae Jean de Paris prétend que, dès avant %0, le Valois s'appelait Valeitan et Valesium (1). Quant à nous, après un examen attentif et désinté- ressé du texte de Ptolémée» entraîné surtout par Fauto- rité de Danville, de Walkenanaôr et de MM. Desnoyers, Houzé, etc., nous avons cru pouvoir adopter l'opinion qui identifie les habitants du Valois à l'antique tribu des Vadicasses. Voici d'abord ce texte en grec et en latin : « Ton hai eirémenân anatolikéteroi Meldi hai polis Idtinon ». ^^ « Meta ous (Meldai) pros té Belgikê Otut" dthMsioi hai polis Noiomagos. » c Prœfatis orientaliores his {Meldœ) et civitas lati- num » — < Post quoi ad Belgicam Vadicasses et civi- tas Nœomagus » (2). D'après ces passages, il est clair qu'il faut chercher les Vadicassii auprès des Meldes ou après eux (meta^ post), vers la Belgique, du côté ou sur les confins de la Belgique (post, ad). Or, au Nord du Mulcien, dont la majeure partie devait appartenir à la Celtique ou Lyon- naise, à l'extrémité méridionale de la forêt de Retz et sur les frontières de la Belgique telles qu'elles se com- portaient du temps de Ptolémée, se trouve le Vadisus ou Vadensis des monuments carlovingiens. Outre qu'il y a une ressemblance frappante entre Vadicassii et Vadisus, Vadensis, sauf la terminaison, la situation du Valois convient très-bien, dit Danville, aux circons* tances de la position donnée aux Vadicasses de Pto- lémée ; d'un côté les Meldi en partie de la Celtique et d'un autre côté les Suessions de la Belgique (3) La grande difficulté serait de déterminer la situation de la ville de Nœomagus {Noiomagos) à laquelle ne (I) Mémorial hhtorique. (1) Àpud Uist. de France, t f**, p. 74 et 75. m Duville, p.M7. Digitized by Google — SIS ^ correspond aucune localité connue du Valois. C'est ee qui a induit Briet à assimiler Noviomagus au Novio- dunum des Eduens ou des Nivernais, Adrien Valois à croire qu'il était l'ancien nom de Châlons, et Cellier à n'oser se prononcer sur un point aussi obscur. Nous hasarderons néanmoins une solution plus ou moins vraisemblable et que nous donnerons comme telle. Noviomagus et ses similaires Noviomum, Noviodur num, ont pour racine novio avec un terminatif caracté- ristique d'un emplacement, d'une situation. Magus, selon le savant Quicherat, voudrait dire marais, plaine ma- récageuse. Or, posé que les Vadicass'i soient les Valaî- sans ou Valaisiens, le seul nom de ville correspondant au nom et à la situation de Noiom ^gus, est certaine- ment Noyon, toujours appelé NovUmagus aux temps les plus anciens. En admettant do ic que le Valois, comme le Noyonnais, ait fait partie de la cité de Sois- sons, que les pagiei cités ont subi ce nombreux chan- gements de circonscription, pourqn )i n'admettrait-on pas également que le Noyonnai ^ et 1 i Valois,qui ne sont séparés que par l'Aisne, aient pu faire un seul pagus avec Noviomagtis pour capitale, du temps de Pline et de Ptolémée, lesquels, vu l'état peu avancé de la géo- graphie, de leur temps, ont pu admettre bien des erreurs et donner même pour ville principale au Valois Nomo- magtisau lieu de Vadum ou Crespeium ? On remarquera enfin que le Valois proprement dit, à peu près couvert de forêts, n'eût guère pu à lui seul former primiti- vement un véritable pagiis. C'est l'opinion de Lemoine, de Dom Grenier et avant eux d'Adrien Valois, que le pagus Vadisus fut enlevé en partie à la cité de Soissons pour former celles de Senlis et de Meaux et ensuite les diocèses de ces cités ; et celle de Banville que les Vadicassii perdirent eux- mêmes le titre de cité. Leur territoire se trouva donc resserré dans d'étroites limites et partagé entre les 40 Digitized by Google -814- trois cités et diocèses. Ainsi,il avait, selon M. Graves (1)» pour voisins les Silvanectes dont il était séparé par la rivière de Launette, vers Ermenonville, Baron, Rully, etc.; vers le Sud les Meldes ; vers l'Est et le Nord le ptzgiùs Stiessionicus.ll était si bien delà cité de Soissons que Crespy, qui devint plus tard sa capitale, était en- core par habitude, sous le roi Robert, réputé du Sois- sonnais, puisque Helgaud, auteur de la Vie de ce prince, le place « Suessionico in territorio (2). » Sur la partie septentrionale et orientale du Valois, restée à la cité de Soissons, se formèrent surtout le doyenné de Vé {de VadOy Vedo, Vadolioj, ensuite de Collioles ; celui de Béthisy vers les limites des diocèses de Senlis et de Beauvais, et une partie de ceux de Viviers et de Vie- sur-Aisne. Vé, ancienne capitale du Valois, perdit donc aussi le titre de chef-lieu de doyenné (3). Le Valois, comme pagus administratif, demeura distinct du Mulcien, du Senlisien et du Soissonnais, ses voisins, quoiqu'il s'étendît sur les trois diocèses. Il re- paraît dans les capitulaires, dans les récits de Flodo- ard et dans des chartes de donations faites à l'abbaye de Morienval par Charles-le-Simple, de 907 et de 920. Le capitulaire de Servais, déjà cité, ne laisse aucun doute sur son autonomie lorsqu'il indique des missi m Laudimiso, Suessionico, Urciso,Yadiso. Que si Flodoard nomme le pagum Vadensem entre le Laudunensem et le Pordanum, nous le répétons, ce n'est nullement, comme paraît le croire Adrien Valois, une indication de sa position géographique que cet historien ne pou- vait ignorer (4). Le Valois fut changé en comté et il (1) Annuaire de TOise. (2) Lemoine, Antiquités de Soissons, t. 1, p. 40. (3) Desnoyers, AnntMttre 1859. (4) Hadr. Fales. NoUt, Gall, p. 580. - Fiod. Lib. Il, C. 18. BU. Eecl, Bemens. Digitized by Google - 815 — eù porte le titre ea 1047, Vadensis comitatus (Ij, avec Crespy ponr capitale, prérogative qui avait été enlevée à Vé. Dans la suite il prit une grande extension sous le titre de duché qui subsista jusqu'en 1789 et comprit tout rOurçois, l'ancien Valois et une partie du Sois- sonnais. Il suffit d'indiquer ici ces additions et d'ajou- ter que certains lieux, dits en Valois, c'est-à-dire dans le duché de Valois, ne peuvent pas aider à retrouver les bornes de Ydincienpaffiis. Nous signalerons toute- fois Bourgfontaine-Notre-Dame-en- Valois (Fons Beatœ Marifje in Valesio), et CoUioles-en-Valois. Passy-en- Va- lois, situé en pleinOrceois, était du duché de Valois. On s'est beaucoup occupé de rechercher l'étymologie du pactes Vadisus, VadensiSy mais les sentiments di- vers émis à ce propos sont également vraisemblables et ne paraissent pas au fond différer beaucoup. Selon Damiens Templeux, suivi par plusieurs savants, Va- disus viendrait de Vadum, Vedum, Vadoditim, Vé ou Vez, son chef-lieu, lequel conserve dans sa forme con- tractée le souvenir des Vadicassii ( Valêsiens ou Fato- sans). Cet auteur se fonde en cela sur un passage de la Translation de S. Amoul, ouvrage du x* siècle. L'abbé Carlier serait du même avis. Or, le nom de Vez, Vor duniy viendrait lui même des gués nombreux de la rivière d'Autonne qui coule au pied de la colline où ce lieu est situé et qui est remarquable par un château du xiv« siècle, successeur de l'ancienne forteresse. Selon d'autres, le nom de Vadisus viendrait d'une cause plus étendue, c'est-à-dire de l'ensemble des vallées et des collines agréables qui le composent. Bodin, dans sa République, tire le pagus Waldensem, le pays de Vaux en Suisse, du germain, wald ou toalt, forêt, mon- tagne boisée, à cause de ses épais ombrages. Autour du lac de Luceme, dit M. Alfred Maury dans ses Fo- (I) Dncheue, Script. Franc, t. 4. Digitized by Google — 816 — rets de la France, sont les WaldsMten ou états for^- tiers (1). Ne pourrait-on pas appliquer par analogie cette étymologie au Valois, laquelle ne serait pas non plus sans quelque rapport avec les montagnes boisées des Vosges et de Voas ? Le Valois était surtout, et est encore aujourd'hui, couvert par la forêt de Retz, une par- tie de celle de Cuise et par leurs divisions. Cette opi- nion plus simple et plus fondée en raison est celle que nous adoptons. Après s'être détachée du Silvacum, la forêt de Cuise, par suite de défrichements successife, produisit des groupes considérables tels que ceux de Béthisy, de Laigue, de Hez ou de la NeuvUle, de Hal ou Hallate et surtout de Retz; c'est celui-ci, le plus étendu, qui cou- vrit le Valois de sa grande masse et de ses divisions. Les éclairois qui se firent entre ces différentes branches produisirent les parties habitées du pagits Meldensis et du pagtAS Vadensis dont les limites peuvent se fixer ainsi : Au Midi il était séparé du Mulcien (en Brie) par la petite rivière de Grinette qui arrose Macquelines, Betz, Anthilly, le monastère de CoUinances et Neufchelles, où elle se iette dans l'Ourcq. En effet, plusieurs loca- lités, sur la rive droite de ce cours d'eau, portent le ter- minatif -Brie ou riudication de leur situation dans le Mulcien : Frenoy-les-Gom-brie,Assy-en-Mulcien,Rozoy- en-Mulcien, Rouvres-en-Mulcien, May-en-Mulcien, tsm- dis que d'autres s\- ppellent Crépy-en-Valois, Thury-en Valois ; à TEst il itait séparé de TOrceois par TOurcq et sa vallée à partir du confluent de la Grinette jusqu'à la Ferté-Milon, autrefois la Ferté-en-Orceois, et de la Ferté jusqu'à Troesnes placé dans TOrceois par la Vie de S. Vulgis. De ce lieu où l'Ourcq faisant un coude (I) Les Forets de la France, par M. Alfred Manry, Mëm. présentés par plusieurs savants à l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 2« série, t. IV, I- partie, p. 162. Digitized by Google - sn - descend vers le Midi et reçoit le rû de Savières, cette petite rivière, qui arrose Corcy et Longpont, dut former la séparation des deuxpagi jusque vers Chau- dun et Vierzy. Au Nord on ne voit pas de limites na- turelles entre le pagus Stiessionicus et le pagics Vadi- sus, si ce n'est peut-être le rù de Parmailles, et la vallée de F Aisne. ES LE PAGUS NOVIOMENSIS LE NOYONNAIS. La distraction des Silvanectes du Soissonnais celti- que pour en former une cité gallo-romaine avec l'ad- dition d'une partie du Valois, nous conduit à recher- cher à laquelle des trois cités qui l'entouraient, celles des Bellovaquei, des Véromandues, et des Suassions, dut appartenir le Noyonnais celtique avant qu'il fut partagé entre ces deux dernières, et qu'il enlevât au diocèse de Vermandois son nom pour lui imposer le sien. Nous pensons que c'est aux Suessions qu'il faut l'attribuer et nous nous efforcerons de le prouver. La cité des Véromandues était, du temps de César, l'une des moindres de la Belgique, puisqu'elle n'avait pu fournir à la ligue des Belges qu'un contingent de 10,000 hommes et encore conjointement avec les Vélo- casses {ceux du Vexin). Rien donc d'étonnant qu'on ait détaché des Suessions, dans le but d'affaiblir cette cité des plus insoumises, le Noyonnais, pour renforcer la cité inférieure des Véromandues, trop faible par elle-même. Outre les raisons générales que noas avons apportées pour expliquer ces diminutions de territoire infligées Digitized by Google - 318 - aux Suessions, et qui peuTeat s'appliquer plus spécia- lement au Noyonnais, en voici une autre qui rend sur- tout vraisemblable l'attribution que nous en faisons à la cité celtique de Soissons. De Noviodwium, capitale de cette dernière, César marche directement chez les Bellovaques, sans s'occuper ni des Noyonnais, ni des Silvanectes qui en effet n'étaient, dans notre système, que des paçfi soissonnais qu'il traverse pour entrer immédiatement sur le territoire de Bellovaques. C'est ce qu'admettent les partisans de l'opinion qui fait de Noyon le Noviodunum des Suessions, quoique cette ville s'appelât primitivement Noviomagust ce qui est tout différent. Il est si vrai, disent-ils, que Noyon et son^a^i^faisaient partie du Soissonnais que le sou- venir de cette annexion persévéra jusqu'au moyen- âge. Fortunat appelle encore cette oppide castHlum forteresse, {ca^tellum quod fertm* Noviomagur^,) dans sa Vie de S. Médatd; et un anonyme, chanoine de Laon, dit que c'est dans cette forteresse, qui avait été du Soissonnais, que S. Médard transféra son siège vers 530-535 [sedem episcopalem ah urbe Yeromandttorum ad castrum Noviomum transkdit; fuerai autem cas- trum suessi07iense (1). Du reste personne n'ignore que Noyon avait été fortifié par les Romains et qu'il y existe encore, comme à Soissons, des restes de la muraille dont ils l'avaient entouré. C'est encore aujourd'hui assez l'usage de donner le nom de forteresse, qui équi- vaut à celui de ville forte, aux villes de guerre. Ainsi cette qualification n'enlève rien de sa dignité à Noyon qui est placé, dans la Vie de S. Eloi par S. Ouen de Rouen, au rang des villes de Tournai, de Gand, de Courtrai, lorsqu'il dit du peuple de ces villes : € Au- « rificem invitum, detunsum (Eligium) constituenint (1) " Beatut Hedardns veritaa iterandum paganorum irrapUonein, Noviomum sedem coastituit episcopalem • (Viia B. JManU). L^ano- nyme est cité dans Héméré, Àugtuta Veromand, p. 3S. Digitized by Google - 319 - fl custodem (episcopum) urbium seu municipiorum quo- « rum hdôc sunt vocabula, Viromandensis quae est € urbs metropolis (le siège épiscopal' ; Tornaceasis € quse quondamfoitregaliscivitas; Novlomeûsis, Flan- < drensis, Gandavensis atque Corturiacensis (1). » Au livre des Miracles de 8. Quentin, S. Eloi est appelé épis- copies \ iromandemiîim ac Noviomensium (2), souvenir écrit de la séparation du Noyonnais et du Verman- dois. L'abbé Lebeuf , recherchant remplacement des douze oppides des Suessions et trouvant que Novioniagus pouvait être l'un d'eux, conjecture qu'avant Auguste leNoyonaais faisait partie de leur cité dont il n'au- rait été distrait qu'au commencement du v® siècle, à l'époque de la translation du siège de Vermandois à Noyon. C'est aussi à peu près le sentiment émis par CoUiette dans ses Mémoires du Vermandois. Il est bien plus problable que la d straction a été antérieure et que c'est sous Auguste, ou l'un de ses successeurs, qu'elle a été opérée, au détriment des Soissonnais rebelles et pour augmenter la cité trop restreinte de leurs voisins. Il ne reste en effet dans l'histoire aucune trace du démembrement du diocèse de Soissons au v« siècle, et la translation môme du siège du Verman- dois à Noyon est une preuve qu'à cette époque il fai- sait déjà partie de cette cité. De plus, Fortunat, auteur de la plus ancienne Vie de S. Médard dont il était pres- que le contemporain, le fait naître àSalency en Ver- mandois {Sallentîacus in Wermandensi territorio .) Or, Salency était certainement du pagus Noviame^ms ; par conséquent, celui-ci était déjà annexé au territoire de la cité de Vermandois (3). Radbod, évêque de Noyon, (•) Spicileg. l. %, c. 6, Vita B.EUgii, t.... L. 2, c. 2. (2) ColUetle, t. I, p. 229, pièces jasliUcalives du livre I** où est cité «ussi le texte anonyme. (3) Vita S. Medardi auct. Fortunato {SpiciL t. 2, édit in f^). Digitized by Google - 3» - dans sa rie du même saint ne s'exprime pas autrement sur Salency qu'il dit situé dans Tévêché de Verman- dois dans le pays de Noyonnaîs, « in episcopaiu situm Yiroma/ideHsi, in regione autem Noviomensi (l). » En tout état de cause il ressort de ces textes concernant des événements du commencement du yV' siècle, que l'annexion était bien antérieure à 531 , année où avait eu lieu la translation du siège à Noyon, et pour la formation de la cité gallo-romaine des Véromandues, Du reste, la séparation primitive du Noyonnais et du Vermandois semble avoir survécu dans le titre que prenaient les évoques de cette cité, qui, au x« siècle, se qualifiaient : Epùcopus Vermandensis et Noviomensis Ecclesiœ, et, au siècle suivant; Vermandensis Episco- pus ou Novio}nensis Epii^copus,. On a vu précédemment qu'au milieu des morcelle- ments continuels des provinces de la Gaule, les Vadi- casses et les Noyonnais, tous deux du Soissonnais, avaient pu ne former, à un moment donné, qu'une seule cité gallo-romaine ayant pour chef-lieu Noïomagus qui représente bien Noviom^gus, le vrai nom de Noyon appelé à tort par les modernes Noviomum et même iVo- modimum (2). Cette dénomination seule de Novioma- ffi4s, où l'on retrouve le préfixe Novio comme dans d'autres noms d'oppides celtiques et qui a produit celle de pagus Noviomagensf's, Noviomensis^ Noviomi" sus, fait remonter cette ville aux temps celtiques. Elle la conserva sans altération sous la domination romaine où elle figure dans l'Itinéraire d' Antonin etdans la Notice des Provinces de l'Empire (3). Le premier donne comme (I) BoUand, t. 8 junii. HUtor* de France, t. 3, p. 454. {%) NoviomagHs, disent les auteurs du GalUa Christiana poarait bien venir des mots celtiques noa, sol couvert des eaux descendant des col- lines, et de magus qui signifie emporium^ réservoir. En effet, ajonlent- ils. la ville est arrosée par la Golle, la Marguerite et la Verse qui. aprte avoir reçu les deux premières, va se jeter dans l'Oise. (3) Itin. (Histor. de France, t. i, p. f05). Digitized by Google — 821 - échelonnés sur la voie de Reims à Amiens^ dont la construction remonte aux règnes de Septime Sévère et deCaracalla: Durocortoro^ Suessionas^Noviomago^ Ambianis. La Notice des Dignités de l'Empire l'at- tribue à la 2* Belgique et lui donne une certaine impor- tance, puisqu'elle en fait le lieu de résidence, le siège du préfet ou chef du poste des Lètes Bataves, établi à Contraginum, selon ce texte : « Lœtorum Batavorum Cùntraginensium Noviomago Belgicœ secundœ. (\) > Cofitraginum, dit Danville, d'accord en cela avec la plupart des géographes, est certainement Condren en Noyonnais, sur la route à^Augusta Suessionum k Au- gusta Veramanduorum, et où l'on passait l'Oise. Mais, s'il est question de Noyon aux temps gallo- romains, il n'en est pas ainsi de son pagus. Celui-ci n^apparidt qu'au vn* siècle» sous la désignation de pàgtÂS Noviommsis, dans un précepte de 662, de CIo- taire III, où est aussi mentionnée la cMtas Novio- mensis (2) On le voit reparaître quatre ans après dans un autre précepte de 666, par lequel le même Clotaire confirme un échange entre S Mommolin, évêque de Noyon, et S. Bertin, abbé de Sitieu, de biens situés tf tam in Copistantino quam in Noviomagense (3). » Tou- tefois, il faut observer qu'avant ces deux années le pagtis Noviamensis s'était produit sous le titre de comté. Il avait même pour comte, sous l'épiscopat de S. Eloi, c'est-à-dire de 640 à 659, Amalbert, le seul, connu, il est vrai, de ceux qui occupèrent cette dignité. D est désigné ainsi dans la vie du prélat par S. Ouen : « Amalberto^ viro illuttri^ comité scilicet Noviomagen^ si 9. L'auteur parle, dans le même ouvrage^ d'un cente- nier de la ville qui en était sans doute le gouverneur sous (I) Som. IHgnii. imper, (ibid.), p. 128. (S) BréquigOT, Pardassnt, Dij^amata, Cart.y ete., t. 2, p. ISA. (a) Spteil. Vita S. SligU and. Audoeno, t. 5. Digitized by Google son autorité : « Modelentis quidam, centenariuso ppidi Noviomeiisis, colonus ». Le comté de Noyon avait dû aussi entrer dans le territoire du duché de Dantelin, en 600, sous le roi Clotaire II, lequel englobait dans son ressort tout le pays compris entre la Seine, l'Oise et la mer, mais ce bénéfice n*eut point de durée, et, en outre, il ne présente rien dans sa constitution qui concerne le comt^ de Noyon. L'indécision sur les limites des diocèses de Noyon et de Soissons, après le partage qui s'était fait, entre les deux cités, dix pagtis Noviometisis, laquelle se prolongea jusqu'en 814, est peut-être la preuve la plus probante de l'annexion, aux temps celtiques, duNoyonnais à la cité de Soissons et de sa soustraction partielle, aux temps gallo-romains, à cette cité, pour en augmenter celle des Veromandues. Elle fut terminée enfin, cette année-là, dans un concile dont le jugement fournit la preuve que le payiis Noviomensis, de la cité des Suessions, avait, été pour la partie en deçà de l'Oise, sauf quelque exception, laissé à la cité gallo-romaine,et que l'autre au-delà de l'Oise avait été attribuée au Yermandois. La présence en cette assemblée de plu- sieurs comtes, indique assez qu'aux intérêts ecclésias- tiques s'en joignaient de civiles et de politiques, et qu'on avait à sauvegarder les uns et les autres en leur donnant une juste satisfaction. Voici, du reste, pour ne rien omettre en cette ma- tière, l'historique du concile de 814. Il se composa des évêques de la province de Reims, entre autres de Ro- thade, de Soissons, et de Wandelimar, de Noyon, et de quatre comtes. Il avait pour but de fixer les lieux d'au-delà de l'Oise et du Noyonnais < loca irons /în- vium Isaram in pago Noviome7ist » devant appartenir aux diocèses de ces deux prélats. Il y fut décidé que Varennes (Varinas), Ourscamp (UrbS'^ompus), Tracy (Trapiacum), Carlepont? {Jérusalem), St-Léger-aux- Digitized by Google — 8Î3 — Bois (Harbodianisva) et les lieox dépendant de ces paroisses appartiendraient au diocèse de Noyon. et tous les autres lieux du même pagus (in eodem pago) au diocèse de Soissons (1). Ces expressions in pago No- viomensi, in eodem pago indiquent parfaitement que l'anden Noyonnais s'étendait des deux côtés de TOise. Et en eflfèt on verra t)ientôt qu'il allait jusqu'au bord de la rive droite de l'Aisne, embrassant le plateau élevé qui sépare ces deux rivières avant leur jonction, avec toute la forêt de Laigue, quoique toute cette partie appartint au diocèse de Soissons. Au point de vue civil, le Noyonnais resta donc ce qu*il avait été autrefois et continua de former une cir- conscription administrative et un comté signalés dans lé missaticum donné à Servais en 854 par Charles-le- Chauve, en ces termes : « Missi in Noviomi^, Ver- mandiso, Advertiso, Flandra » (le Noyonnais, le Ver- mandois, l'Artois et la Flandre) (2). Dans celui de 853 révêque Immon, de Noyon, et l'abbé Adalard avaient été nommés également « missi in Noviomiso^ Yerman- diso, » le Noyonnais est bien distingué du Vermandois. En formulant notre thèse, à savoir que le Noyonnais celtique dut faire partie de la cité des Suessions, nous n'avons pas eu la prétention de répondre aux objec- tions qu'on peut lui opposer et qui ont d'autant plus de force, ce semble, qu'elles émanent d'écrivains locaux qui doivent avoir étudié de près la question. Cepen- dant il s*en présente une qu'il importe de ne pas pas- ser sous silence. M. Léon Hazières, du comité archéo- logique de Noyon, se demande aussi à laquelle des trois cités, dont il est limitrophe, il faut attribuer le Noviomensis pendant la période gauloise. Est-ce aux Yeromandm, aux Bellovaci ou aux Suessionesl Pro- fit Flod. L. Il, c. 18. (2) Hadr. Valesii KoUt. GaU., p. m. Digitized by Google cédant par élimination» ce savant,, après avoir admis que les Silvanectes appartenaient aox Suessions, rejette cette cité et celle des Vermandois comme ayant com- pris dans leur enclave le Noyonnais celtique. Reste donc celle des Bellovaques. Toutefois, en critique im- partial et consciencieux, il ne lui attribue le Noyon- nais < qu'avec hésitation et avec une réserve que Ton comprendra, > dit-il, mais enfin il le lui attribue et il énumère les raisons de ce qu'il appelle « cette nouv^e attribution. » Toutefois, comme il ne l'a fait en somme reposer, ajoute-t-il, que « sur un mot écrit par César, > il ne se dissimule pas que cette base est bien fragile en présence de la vraisemblance qui milite si fort en faveur des Yeromandui. Ainsi l'auteur de la proposi*- tion n'a pas une entière confiance dans la preuve uni- que qui milite en sa faveur, et il ne s'en cache nulle- inent. La voici telle qu'il la présente : César, aptes la prise d'AlestUy place deux légions € in Remis f ne quam à finitimis Bellovacts ccUamitatem accipiant. > M. Mazières raisonne ainsi sur ce texte : Les Rend et les Bellovad étaient donc limitrophes. Or, ils ne pouvaient l'être qu'autant que le Noviomisus aurait appartenu aux Bellovad et le Laudunisus aux Rémi; ces deux^^^t, Tun bellovaque, l'autre rémois, formaient le point de contact entre les deux cités, le reste de leurs territoires étant séparé par celle des Suessions. Pour ce qui est du Laonnois, qui faisait en- core partie, au v* siècle, de Tévêché de Reims, il a du nécessairement appartenir à la cité gallo-romaine^ et, partant aussi, à la cité eeltique des Rcmi^ cette der^ nière n'ayant pu être démembrée après la conquête. Nous croyons devoir arrêter un* instant ifci M. Mazières. De ce que le Laonnois faisait partie, au v« 8iède> de l'évêché de Reims et par conséquent de la cité gallo- romaine, ce qui est très-vrai, il ne s'en suit nullement qu'il avait été partie intégrante de la cité celtique de Digitized by Google — SJ5 — Reims, celle^d en effet ayant plutôt été augmentée que démembrée, d'après le système pratiqué par les Romains après la conquête, nous croyons ravoir démontré. Préoccupé, à juste titre, de l'eziguité du point de contact unissant les territoires des Rémi et des Bello- vaci par le Noyonnais et le Laonnois, lequel en effet ne pouvait guère s'étendre que du confluent de la Serre à LaFère, à celui deTÂilette à Manicamp avec l'Oise, l'espace de quatre lieues environ, M. Mazières se de- mande si, tenant compte de l'intimité qui estait ^tre les Rémois et lesSoissonnais leurs voisins, et regardant ces deux cités réunies comme ne formant encore qu'un seul peuple limitrophe des Bellovaques, le passage de César ne s'entendrait pas mieux? D'ailleurs, dit-il, cette union n'empêchait pas qu'ils ne formassent deux dtés distinctes, ce qui est vraisemblable. A cette observa* tion : qu'après la campagne des Belges les Soissonnais furent attribués aux Rémois (ii^m£f attributi) et qu'ainsi l'on peut dire que ceux-ci, par l'absorption du Soisson- nais, devinrent voisins des Bellovaques^ il répond que l'expression attributi n'a pas la force qu'on lui donne et qu'il s'agit ici d'une simple clientèle et non d'une annexion proprement dite, les attributi ne gardant pas moins l'autonomie de leur cité. Et en effet, ajoute-t-il, sur l'ii^onction des Gaulois les Suessions durent four- nir un contingent de 5,000 hommes pour le siège d'A- lesia^ei il n'en est pas moins question non plus de leurs frontières {fines Suessionum). Comme c'est ici le nœud de la difficulté, nous expo- serons d'abord le récit de César en ce qui touche à notre siget. Tandis que le général romain assiège Alesia^ les Gaulois se liguent de nouveau pour secou- rir cet oppide, et leur assemblée assigne à chaque peuple le contingent qu'il doit fournir. Ceux de Sois* sons, les Ambiens, les Messins, les Nerviens, les Mo- Digitized by Google - 826 - rîQS, etc. doivent fournir chacun 5,000 hommes (r. Les Bellovaques, après avoir voulu réserver leur liberté d'action contre les Romains, en envoient 2,000. Après la reddition de la place, César distribuant ses légions dans les quartiers d*hiver, « C. Fabivm et L. Minudum cum Illegionibus in Rhemis collocat^ ne quam a fini- timis Bellovacis calamiiatem accipiant..,> Les Sues- sions avaient sans doute fait une nouvelle soumission aux Romains, car bientôt l'ÂtrébateCommius et leBèl- lovaque Correus réunissent une nouvelle armée « ui in omni multUtidine in fines Suessiofium qui Rhetnis erant attribua, facerent impressimiem. » César, averti de ce qui se passait, vient au secours des Rémois et ordonne à C. Fabius « ut in fines Suessionum legiones II guas habebat adduceret, > et marchant contre les BeUova ques : « His copUs eoactis ad Bellovaces proficiscitw\.. castris que in eorum flnibus positis^ » il leur livre bataille. Rien de plus vague à vrai dire, au point de vue to- pograpbiquc, que ce passage d'Hirtius» bien inférieur du reste comme écrivain à son illustre devancier. Il ne cite aucun nom de lieu, pas même celui du combat. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il se livra sur les confins des Soissonnais et des Bellovaques, dans un lieu par conséquent où leurs frontières étaient contiguës, et où Fabius amena à César les légions cantonnées en Ré- mois, pour empêcher les Bellovaques de tomber sur les Rèmes, c'est-à-dire aux environs des forêts de Laigue et de Cuise et sur la rivière d'Oise ou d* Aisne. Car, si on suppose que les Bellovaques, comprenant le Noyonnais, touchaient, au moyen decepa^u^, au Ré- mois par le Laonnois appartenant à ce dernier, U n'y avait pas lieu de faire venir les deux légions c in fines Suessionum^ » dans le pays des Suessions^ comme tra- (I) César, Uv. VIC, c. TS, Digitized by Google - 327 ~ duit M. deSaulcy. Dans l'autre hypothèse, au coatraire, c'est le Rémois menacé par une invasion des Bellova- ques en la personne des Soissonnais attribués aux Ré- mois qu'il faut défendre, et que César défend en effet, là où le Beauvaisis touchait au Soissonnais, dans les environs de Compiègne. M. Mazières, pour soutenir son système, s'applique à diminuer la force du mot attributi, et le fait équivaloir à clientes. Âinsi^ il supprime l'annexion momentanée des Suessions aux Rèmes et prétend que les Bellova- ques pouvaient être voisins de ceux-ci par le Laonnois. Nous croyons que, à la suite de leurs hostilités réitérées contre César, les Suessions ne furent pas seulement ren- dus clients des Rèmes, selon les anciennes formes celti- ques, et au sens que César donne constamment à cette expression, mais qu'ils leur furent soumis au point qu'a- près leur séparation des Rèmes, on les appela Stiessio- nés liberi. En effet, clientes veut dire des gens placés sous la sauvegarde et tutelle de quelqu'un, et clientela ne peut se rendre que par protection, patronage, dé- fense, etc. Atirtbuti Si une toute autre signification. D' Ablancour le traduit par annexés (1) . Voici des exem- ples qui démontrent la différence radicale des deux ex- pressions : Les Camutes employèrent l'entremise des Rèmes, sous la clientèle desquels ils étaient, pour ob- tenir leur grâce de César {Usi sunt deprecatoribus Rhe- mis quorum erant in clientela ) (2). Or, est-il possible de dire des Carnutes, si éloignés de Reims, qu'ils furent autre chose que les protégés des Rémois ? Aussi D'A- blancourt traduit-il clientela par protection (3). L'as- semblée des Belges commande aux Eduens « atqtie eorum clientibus Stgusianis, Ambibarcctis... » un con- (1) TraducUon de César, t. I, p. 239. (2) César, L. 6, C. 4. (S)Ibid. D'Ablancourt, t. 1% p. 299. Digitized by Google tingent de 96,000 hommes (1). Suterins occape « Vop- pidwn Umellodunum quod in clienteia /itérât ejus... suis et Drapetis cqpiis. » Dira-t-oû que clienteia est ici encore là même chose que attributit n 8*agit ioiqoars ieprotégés, de protection et non d^altriiués, d'annexés. M. Léon FallEe adopte carrément aussi cette interpré- tation : € Les Suessions, dit-il, furent annexés aux Rhômes par le conquérant (Rhemis eranl altributt) (2), probablement pour s'être alliés aux Belges lors de sa campagne sur FAisne, ou pour avoir envoyé au secours d'Âlesia (3). > M. de Saulçy dit à son tour : que les Oaulois se massèrent sur un seul point, afin de se jeter sur le territoire des Suessions qui avaient été concédés aux Rèmes. Ailleurs, il les dit attribués à ceux ci (4). Que si César^ après la prise d'Alesia^ connaissant l'hu- meur turbulente des Bellovaques^ place deux légions dies les Itèmes, de peur qu'il ne leur arrive quelque calamité de la part de ce peuple leur voisin lato sensu, ou même leur voisin immédiat, par Tannexion des Soissonnais {ne quam à Bellovacis calamitatem accL piani\ c'est que n'ayant rien à craindre ni de ceux-ci- ni des Vermandois, ils pouvaient facilement se leter par dessus la dté de Soissons sur le Rémois, d'où les l^ons qui y étaient cantonnées se porteraient de leur côté avec célérité sur les points menacés par les Bel- lovaques, à travers la dté de Soissons incorporée aux Rèmes. Enfin, deux textes décisifs, que nous avons déjà dtés viennent jeter un nouveau jour sur la question. César, < en récompense des services que lui avait ren- dus Cïommius, conserva à sa cité (celle des Atrébates) ses immunités, ses lois, lui rendit ses droits et lui at- tribua {attribuif) la cité des Morins. » D'une autre part, (1) Cétar, L. T, C. 74. (2) Campagmu de Céêar^ pir L. Fallae^ p. SIS. (8) L. Falloa, p. 818 «tCétar, L. 8. (4) Dt Saolcy, <M., p. 818 61886. Digitized by Google Suétone dit que César réduisit toute la Gaule en forme de province, excepté les cités alliées et qui avaient bien mérité du peuple romain (1). Les délimitations du Noyonnais, surtout du côté du Soissonnais, telles qu^les nous sont fournies par l'ins- pection des cartes, les anciens textes et la connais- sance du pays, pourront encore confirmer notre opi- nion sur ce point si controversé. Le pagus Notiomensis avait pour frontières au Midi le cours de l'Aisne qui le séparait du Soissonnais et du Valois ; à l'Est celui de l'Oise en partie et les marais de Manicamp qui le sépa- raient du Soissonnais et du Laonnois, au Nord les grands bois et les hauteurs de Prières, de Baine, de Bouvresse et leurs prolongements qui le séparaient du Yerman- dois, et> en descendant au Sud-Est, du Beauvaisis. Ainsi, indépendamment du bassin de l'Oise depuis les envi- rons de Travecy jusqu'à son confluent avec l'Aisne, le pagiis embrassait dans sa circonscription l'extrémité occidentale du haut plateau qui s'élève entre les val- lées de ces deux cours d'eau, et qui comprend la forêt de Laigue. Cette étendue donnée au pagus Nomomensis trouve sa confirmation dans la nomenclature des noms de lieux indiqués en Nôyonnais par les historiens les diplômes et les chartes. Sur ce terrain qu'il a si bien exploré, non-seulement nous nous trouverons d'accord avec M. Mazières, mais nous tirerons encore un grand secours de son travail sur le Nôyonnais. En première ligne paraît Contraginum, Condren, oc- cupé par des Lètes Bataves» dont le chef était à Navio- magus (Noyon), pendant la période gallo-romaine. Il faut ensuite gagner l'époque mérovingienne pour trou- ver la première localité placée en Nôyonnais. Les actes (I) Voyei ci-d6t8iii, p. 177; Digitized by Google — 830 - de S. Amand, mort en 679, disent que ce saint se rendant du prieuré de Barisis à Compiègne, dans l'es- pérance de trouver Dagobert II dans cette résidence, s'arrêta à Melineoium in pago Novtomensi, qui est Mé- licocq (1). Dans une charte de 708, relative à une vente faite à Tabbaye de St-Bertin ou Sitieu, sont mention- nés les villages suivants : « Saroaldsclusa super fluvio St4mna in pago Vermandensi; similiter et in ÀppU" liaco super fluvio Isara duos partes silos in pago No- viomense teu in Diva et Corbunaco duos paries.., (Apilly, Dives et... en Noyonnais (2). Les Annales bé- nédictines, sous Tan 753, placent in pago Noviomensi Britannicum seu Britannacum monasierium ad Isaram fluoium (Bretigny). On a vu par les actes du concile provincial de 814 que l'on plaçait in pago Noviomense^ Yarinœ (Varennes), Urbscampus (Ourscamp), Trapior cum (Tracy), Jérusalem (Cariepont?), Harbodianisva seu Sanctus Leodegarius in Bosco (St-Léger-aux-Bois), lieux situés sur la rive gauche de l'Oise (3). D'autres localités baignées par la rive droite de l'Aisne faisaient aussi partie du Noyonnais. Nous lisons dans un diplôme de 823, de Louis-le-Pieux, sur la donation de Berneuil faite à Saint-Médard de Soissons par Berthe , ÛUe de Gharlemagne , « Bemolium in pago Noviomensi super fluvium Aœona. » Clotaire III donnant Berny-Riviôre au même monastère, avait em- ployé les mêmes expressions pour exprimer la situa- tion de ce village : < Yiliam nomine Bernacam sitam in pago Noviomensi super fluvium Axond, » (4) Par un diplôme, du 2 août 827, de Louis-le-Pieux, on apprend celle de Choisy au bac : < Monasterium cujus (f) Acta Sanct. BolUod, f** février, d* 18. (3) Bréqaigoy-Pardessas, Diplôm. Cart,, etc. t. t, p. 277. (3) Dere Diplam. p. 1514. ^4) Cartul. d'Abbayes^ MSS. de Dachetne, (D6camp. n* fOS, Biblio- thèque nation.) Digitized by Google - SSl - vocabulum est Cauciaeum in pago Nomomensi super flumum Àxonam. > (1) On troave montionné dans un autre diplôme de 862 c Yillam cognomento Bonam^ Mansianem in comitaiu Noviomensi super fiuvium Ac^ ctnœ sitam, » (2) Une localité du même nom est signalée dans le diplôme de 877 donné par Charles le Chauve pour la fondation de Saint-Corneille, de Com- piègne : < m 'pago Noviomensi villulam qust dicitur Bonas'hfansiones. (3) Bonne Maison devint le couvent, puis le château des Bons-Hommes, entre Bemeuil et Choisj. Du même côté et dans le Noyonnais se trouve selon un diplôme du roi Eudes de 893, en faveur de Saint Médard, le village de Bitry, < Bilerium in comitatu Noviomensi cum duabus ecclésiis. » (4) (Saint Sulpice et Saint Pierre ). Deux diplômes du commencement du x« siècle nous fournissent aussi des renseignements géographiques sur plusieurs autres lieux du Noyonnais. Le premier, donné en 917 par le roi Charles-le-Simple pour le rétablissement des titres incendiés de Saint Corneille, signale parmi les biens de l'abbaye, en Noyonnais : « in pago Noviomensi, in villa Sinesicurte de manso uno quem dédit eis prœpositus Wanilo, (Séni- court, près Chauny t) in eodem pago Mammaccas (Mau- maques) quem dédit Odo rex, Sancto Comelio ad lumi- naria. » (5) Le second indique un don fait par Oduiz avant 917 à Saint Eloi, de Noyon, < in Noviomensi pago et in villa Sachéricurte super Versam mansum unum. » (Siéricourt, commune de Muirencourt) (6). Quoique le régime féodal ait porté la perturbation dans les divisions territoriales anciennes, la persévé- « (I) Jieta. Ordin. bénéd. amuI. /F. paH. I«. (S| Cité par M, Maiièras, d'après Delafoni. RackereliM avr Noyon. (3) M>é rê diplam. p. 404. (4) /Md. €i Annal, du dioeètê d§ SoUitm. p. S. (5) md. p. 555. (6) ibid, p. m. Digitized by Google - 3Î8 - ranoe de celles-ci fut telle, avons nous dit» qu'elles restèrent comme empreintes sur le sol. Aussi, fidèle à notre plan, suivrons nous M. Mazières dans sa re- cherche des lieux attribués au Noyonnais durant cette période, n en trouve d'abord dans une déclaration des biens du chapitre de Noyon, donnée par Guy, son trésorier, qui mourut en 1029. Selon cette pièce étaient situés in pago Noviomensi, villam Canetonis-cyrtem ( Canectancourt ), Betonis - curtem ( Béthencourt - en- YsL\ix),Spineiam villam (Epinoy, commune d*Evricourt), Villa qnœ dicitvr Lacenidus (Lassigny), Camberona ( Gambronne ), Bizencort Bezancourt, commune de Sermaise). Mariscus (Marest - Dampcourt), Noveron ( Nouvron-Vingré ) , Bucedeiwn ( Bussy ), Camiaoo (Quesmy), Moirencort (Muirencourt), (1). M, Mazières cite une charte de 1124 de Simon de Vermandois, Évoque de Noyon, laquelle place in pago Noviomensi une chapelle de Saint Amand à Mache- mont (2); et en effet, dans une charte d'Hériman, abbé de Saint-Martin de Tournai de 1127 à 1147, se trouve nommé Saint Amand de Machemont> en Noyonnais et près de Torote : « in pago Noviomemi^ prope castnan quod dicitur Torota ecclésiolam wiam in honore éancti Amandi constructam. » (3) Une autre charte de 1176, relative au partage des prébendes du chapitre de Noyon, nomme comme appartenant également au Noyonnais, la grange de Mali Demetam qu'un croit être Magni (près Guiscart); Drailencurth, (Drelinconrt); îïA^cîir^(Thies- court); C!an^tewc«r^ (Canectencourt); Divetam, (Di- vette); Epinetum, (Épinay, commune d'ÉvericouH); jipellyy (Appilly); Haironval, (Héronval, commune de Grand 'Ru); Mondescourt, lequel se retrouve aussi indi- (1) Cariai, do Chapitre de Noyon, (• S6, cité par M Macièret. {t) Cartul. d'Ouracamp, Ibéd. (3) NarraUù restauraUonii ahbati^ SaneU Martini TamaeentU, cit6 par M. Macière. Digitized by Google --. 333 - que in Namomensi pago sous la dânomination de ManiS' curtem, dans une charte du cartulaire de Nogent sous Cîoucy; Vert, (Viri); Qvincurth, (Guyencourt); Begàin ? FlAvercourt, etc., villages dont plusieurs ont déjà figuré dans les pièces plus andenanes que nous avons citées. Diaprés la nomenclature de ces nombreuses loca- lités placées en Noyonnais,il devient facile de fixer les limites précises de Tancien pagus, en prenant celles qui sont les plus éloignées du centre et au-delà des quelles il y a d'autres localitées situées dans les pagi limitrophes. Il s'avançait au Nord jusque vers Fretoy, Muirencourt, Quiscart, Berlancourt, la Neuville-en- Beine, Frières-Faillouel au-delà desquels se trouve Fréniches qui, selon un diplôme de Robert II et de Hugues Capet en faveur de Notre Dame de Soissons, est en Yermandois [Freniscia in pago Yeromandta), Rumigny et Mennessis qu'un aufare diplôme de 950 donnée par la reine Gerberge à Homblières place aussi dans le même pagus en ces termes : < quamdam terrant in pago P'ermandensi in vUla quœ dicitur Ruminiacus. » (1). Du côté du Laonnois et du Soissonnais, dont il était séparé par l'Oise, il prenait sur la rive droite de cette rivière, Travecy. Quessy, Famiers, Vouél, Viry, Condé, Chauny, Ognes, Abbécourt, Marest-Dancourt, Apilly ; et sur la rive gauche, Varennes, Pontoise, Sempigny, Carlepont, Tracy le- Val et Tracy-le-Mont, Moulin-sous-tous- Vents, Autrêches, Nouvron-Vingré, Saint-Christophe à Berry, Berny-Rivière et Vie sur- Aisne, excluant Kiersy qu'un diplôme de Philippe 1*', de 1070, en faveur de l'évêché de Noyon, indique en Soissonnais {inpago Siiessionnico situm)\ (2) et laissant (4) Bia, de N,'D, de Soissont, preuves. (2) Gartul. de TéTèché de Noyon, cité par M. Iftziéres. Digitized by Google — 884 — Fonteaoy qui était aussi in pago Suessiomco ou Sois- sonnais pi-oprement dit. Au Sud, le Noviomensis séparé du Soissonnais par l'Aisne, englobait sur la rive droite, Bitry, Attichy, Ber- neuil, Rethondes, les Bons-Hommes et Cholsy-ati-Bac. A rOuest, du côté daBeauyaisis et du Vermandois il s'étendait jusqu'au Plessis-Brion, Longueuil-sous-Tou- rotte,Thourotte, laisse^d Acuciacimiet Cosdunum {villas) sitas m pago BeUovacensi, d'après un diplôme de Dagobert en faveur de Saint-Denis, (1) Mélicocq, Mache- mont, Cambronne, Drelincourt, Cannectencourt, Thies- court, Plessis-de-Roi, Lassigny, Dive, Lagni, Candor, Ecuvilly et Beaulieu. Chevincourt, au-delà de Mélicocq, était du Beauvaisis. En effet, les actes de S. Riquier parlent d'un miracle arrivé, vers le x* siècle, à Cavini- cortis in pago Belvacensi (2). Mareuil, près de Plessis le Roi et de Thiescourt, et Élincourt Ste-Marguerite, étaient également du Beauvaisis, selon un précepte de 924 en faveur de Saint Corneille de Compiègne : < in pago Behace^isi, villam Marogildi cum capella etaqtù- limeur tem cum capella S.-Margaritse (3). Ainsi, les vallées du Matz et du Mareuil où se trouvent ces localités, seraient de ce côté la limite précise qui séparait le Noyonnais du Beauvaisis- Enfin, au Nord-Ouest et au Nord la ligne séparative du Noyonnais et du Vermandois prenait, après Plessis le Roi, Lassigny, Candor, Ecuvilly, Beaulieu, le Fretoy, Muirenconrt, Guiscart, Berlancourt, la Neuville en Beine, Prières, Liez et Travecy. Au-delà de cette ligne et de la foret Bouvresse nous trouyons Amy, voisin de (f) Bréguigny-Pardeasut, diplém. cari. t. 2, p. f51. — GloUire III avrit coDurmê, en 6f7, i SaiDt>DeDit, das biens dans les villages • nuncupaiU kguciaco^ Coiduno^ MagninovaviUa (diplôme, ibid,) p, «07. (2) BoUand. avril, f 413, n« S. (3) Cartul, blanc de Si CameiUe. p. 19; ciUtion de M. Mazières. Digitized by Google - 835 — Lassigny et de Candor qu'une charte d'Hadulphe, evêquede Noyon de 955 à 977, en faveur de son cha- pitre place en Vermandois : m Viromandensi pago ecclesiam de Amedeio, Dans une autre charte de Guy, trésorier du même chapitre, pour le partage des piébendes entre les chanoines, est nommé Ercheu dans le mêmepa^w^, et Ercheu est près de Beaulieu : « Erceium habent xii canonici pro annona Véromaniense » (1), Le prolongement du Noyonnais jusque sur la rive droite de TAisne est rendu fort sensible par celui du patois et de Taccent qui y sont en usage et qui se rapprochent fortement du vrai picard. Il y a une différence frappante entre la langue qui se parle dans le Soissonnais au Sud de TAisne et celle qui se parle au Nord de cette rivière. On en peut faire facilement l'expérience. Que l'on quitte cette vallée à Fontenoy, Berny-Rivière,Vic-sur-Aisne, Attichy, Berneuil, et qu'on écoute le parler des gens de Nouvron, Morsain, Au- trêches,Tracy-le-Mont au Nord des premiers, la nuance se fera déjà sentir à l'observateur attentif. Que l'on descende ensuite dans la vallée de l'Oise à Cutz, Caisne, Carlepont, Bailly, Maumacques et Plessis-Brion, on entendra un véritable patois Noyonnais ; expressions, inflexions vocales, prononciation, tout y diffère du langage soissonnais. Mais faut-il attribuer cette diversité au repeuplement du pays, après les invasions du m* et iv* siècles, par l'établissement des Bataves tels que ceux de Condren, au séjour et au mélange de ces barbares avec les populations gallo-romaines? C'est là une question diffi- cile à résoudre. Sans doute, comme on le dit très-bien, des colonies étrangères furent établies sur les territoires des cités des Ambiens, des Nerviens. des Bellovaques, des Véromandues, et ce fait est justifié par ce passage (i; IHd. Digitized by Google - 886 - du panégyrique de Constance César où Eumènes s'écrie : « Maintenant^ par tes victoires, César invincible ! tout ce qui restait dépeuplé sur le sol des Ambiens, des Bellovaques, des Tricasses et des Lin- gons, refleurit so.us la culture des barbares... > (1). Mais, outre que ceci est une métaphore louangeuse, il ne faut pas oublier que si ces colonies ont pu modifier par l'importation d'un certain nombre d'expressions étrangères, la langue indigène, le fond a dû demeurer le même, Il nous reste peu de choses è dire sur le Noyonnais ecclésiastique. Il semble qu'il eût dû se diviser en deux ^rchidiaconés, l'un du Vermandois et l'autre du Noyon- nais, correspondant à i es deux pagi ; et pourtant il n'y en eut qu'un seul dans ce diocèse, VArchidiaconatus Noviomefisis dont le titulaire était, en 950, Raoul, qui fut nommé évêque de Noyon < . ... Datur episcopatus Noviomensis dit Flodoard, Radulfo archidiaconatus ejusdem Ecclesiœ > (2). Le Noyonnais, strictement dit, fut représenté par le Doyenné de la Chrétienté de Noyon : Decanatus Christianitaiis Noviomensis, auquel s'ajouta le doyenné deChauny : Decanatus Calniacensis peut-être le survivant d'un ancien pagus formant une division du Noviomensis. Malgré l'addition du Noyon- nais à la cité de Vermandois ce diocèse, et celui de Senlis, malgré l'annexion d'une partie du Valois, res- tèrent les plus petits de la province de Reims. (1)« ... Naoc per victoriat tnas Ccftsar invineta qnidqaid iBfrMraeDf Àmbiano et Beliovaco et Tricai sino solo, Liogonico que resUbat, barba- rica caltura revirescit. . . n Panégyrique de Gonatance, par BamèBea. Hls- tor. de France t. !•'. • 09 Flod. Aimai, aittio DCCCOI. Digitized by Google - 337 - LE PAGUS ROSSONTENSIS ET ILE PAGUS CALNIACENSIS. LBS PATS DB RBSSONS ET Dl CHAUNT. Ces denxpaçt ont été rangés dans le même article, et à la suite du Noyonnais, non-seulement parcequlls ont pu en faire partie, mais aussi parceque Tun et Tautre présentent bien des obscurités. P Lb PaQUS RoSSONTENSlS. Le pagus inférieur du Ressontois dont les diverses formes latines sont : Rossuntensis^ RossoniiS9€y Ris- santisse, Rossontile, Rossoniille^ Rossunium et Rosse- mum (1), est révélé pour la première fois au vi« siècle par Grégoire de Tours dans le pacte d'Andelau conclu* en 585, entre Gontran, Childebert et Brunehaut. Il parait certain, néanmoins, qu*il devait exister à une époque plus éloignée, aux temps gallo-romains ou mêmes celtiques. Il figure en effet, dans ce célèbre traité, au milieu des cités de Chartres, de Paris, des Silvanectes et de Meaux, et d*aulres pagi, ce qui sup- pose déjà une certaine importance, à propos d'un échange fait entre ces princes, d*une partie du Sen- lisien contre le Ressontois : « Convenu, dit le texte, ut Silvanectis do/nnus Childebertus in integritate teneat, et quantum ter tia pars domni Ountchramni exinde débita competit , de tertia domni Childeberti quœ est in Ros- tensiy domni Ountchramni partibus compensetur » (2). (f) Pardessus, diplam. eart., t. I'. p. 159. (2) Gregor. Turon. 1. 10, c. 20 : « Pactum inter Guntchranmum et Childebertum et BruneeMldUm reginam » et Pardessus, ibid. p. 157. 43 Digitized by Google - 338 - Ainsi, le tiers du Silvanectensis qui faisait partie des possessions de Gontran est échangé, selon la convention, par Childebert, contre le tiers de ce que celui-ci possé- dait dans le Rossentensis^ en sorte que ce dernier prince posséda désormais la cité de Senlis toute entière, et que le Kessontois pouvait à peu prés équivaloir en étendue à la cité de Senlis la plus petite de la Oaule Belgique, puisque le tiers du premier est donné en compensation du tiers du second. Quant à la situation du Rossentensis le pacte d'An- delau ne fournit aucun renseignement. Plusieurs loca- lités, dont le nom se rapproche plus ou moins de Ros- sentensiSy semblent revendiquer le titre de chef-lieu de ce pagus. Il y a Ràé^ en Mulcien, sur les lisières de la torètdeRetz; Ressens sur le Matz et Ressens sur TAronde, deux affluents de la rive droite de l'Oise au-dessous du Noyonnais; Ressons-le-Long, près de Yic-sur-Aisne et à trois lieues Ouest de Soissons. Il y a même un pagus RatiaUnsis dans la Loire-Inférieure. Auquel de ces lieux correspond le Rossontensis, voilà la question. Nous avons indiqué précédemment Thagiographie comme une des grandes ressources de la géographie historique ; voici en effet un texte de la Vie de saint Amand, personnage né en 591 et mort en 684, qui parait venir en aide à celui de Grégoire de Tours pour réclaircissement de la difflcultée proposée. S. Amand, évoque de Maëstrik, Tun des apôtres de la Gaule Belgique évangélisa jusqu'en Beauvaisis « inpago Betvacensi » et gagna un lieu nommé Ressens, sur TAronde « quetn dam locum cuivocabulum est Rossonto jtAXta Aronna » où il opéra un miracle (1), et qui devait être du Beau- vaisis ou près du Beauvaisis. Adrien Valois avoue bien que le passage de la vie (I) keia Sanei, Ordin. Benedict. Digitized by Google ~ 839- de S. Amand se rapporte au territoire de Ressens sur le Matz en Beauvaisis, parce que le texte porte Rosson- tum seous Drondam fltwium nom d'une autre rivière peu éloignée de la première qui traversait les doyennés de Ressens et de Coudun; mais il soutient que celui de Grégoire de Tours correspond à Ressons-le-Long, au diocèse de Soissons, localité, dit-il, autrefois plus considérable qu'aujourd'hui. Sans relever la confusion que fait ici le savant géographe entre Ressens sur le Matz et Ressens sur l'Aronde, nous ajouterons : que Ressons-le-Long ( Rossontum, Rosontum^ Rosson ), village encore assez important, est situé à la bifurcation de la voie romaine de Soissons à Senlis et à Noyon, près de la station d'Arlaines, et qu'il possédait, au moyen âge, plusieurs flefs importants, ce qui aurait eu pour résultat de corroborer sa conviction sur ce point de critique géographique. On lui objecterait toutefois que Montigny-Lengrain et Haute-Fontaine qui sont à peu de distance et au-delà de Ressons-le Long, étsdenldvLpaff us Suessionict4sleq\jie\ par consé- quent englobait ce village (1). Guérard, dans son Essai survies divisions de la Gaule, se prononce pour Ressons-en-Beauvaisis et y place le R^sontois, mais, il faut l'avouer, sans donner plus de preuves en faveur de son sentiment qu'Adrien Valois en faveur du sien. Visiblement impressionné par une autorité aussi compétente, M. Desnoyers, rapprochant des deux textes précités la subdivision ecclésiastique du Decanati4S ruralis de Ressomum des plus anciens pouillés de Beauvais, conclut : « qu'on peut affirmer, avec un assez grand degré de certitude, que le Rossentensis du vi* siècle, le Rossontum du vu* et le Rossomtim des siècles suivants, où se trouvait en outre une chapelle du Vieil-Ressons, représentent (Sj Ad. Val. Nat. «al., p. 480. Digitized by Google — 340- UD seul et même territoire. » Il pense aussi que la réuaioQ des deux doyennés de Coudun (Çosdunum) et de Ressens formerait Tensemble du Ressontois et qu'on trouverait ainsi < un territoire plus comparable à celui de Senlis dont réchange fut conclu entre les rois francs en 587. » M. Desnoyers n'en flotte pas moins encore entre les deux sentiments que Ton vient d'exposer sur le Ressontois. < Ce territoire, dit-il, dépendait, soit du diocèse de Beauvais, soit rTwifis probablement du diocèse de Soissons, suivant qu'on adopte l'un des deux lieux anciens indiqués sous le noms de Ressens dans chacun de ces deux diocèses (1). M. Jacobs, procédant d'une autre manière, groupe Ressens sur-le-Matz et Ressons-sur-l'Aronde, Ressons- le-Long, Rethoude, et croit que ce territoire ou pagtis pouvait s'étendre au-delà de l'Oise, jusqu'en-deçà de l'Aisne, au Sud du Noyonnais, que par conséquent il était assez vaste, et qu'il était, ainsi que le Senlisien, partagé en trois portions. « Il est possible ajoute-t-il. que cette mention nous restitue le nom d'une petite peuplade celtique. Je n'insiste pas sur le rapport que j'attachais dans ma première édition (de la Géographie de Orégoire de Tours) au nom Rossonteyisis et Roto- magus de Ptolémée, parce qu'il est fort probable que celui-ci est simplement une mauvaise lecture de Augxistomagus (Senlisj » (2). D'après cette idée ingénieuse, le Ressontois aurait été dans l'origine un véritable pagiis Soissonnais tou- chant au Noyonnais ou en faisant partie, et dont une portion, celle de Ressons-le-Long, serait restée à la cité de Soissons, et une autre aurait été détachée pour être annexée au Beauvaisis, lorsque le Noviomen- (f) Ann. de 862, ubi supra, (2) Géographie Grégoire de Tours, art. RosswtensU. Digitized by Google - 841 — sis alla arrondir la cité des Veromandui. La portion annexée au diocèse de Beauvais lui donna le doyenné de Ressens, celle demeurée au diocèse de Soissons se perdit dans TÂrchidiaconné de la Rivière et dans celui de Soissons. Nous donnons, on le conçoit, ces diverses suppositions pour ce qu'elles valent, et nous n'ajoute- rons qu'un mot à propos du passage de la Vie de S. Amand. Sans doute il semble, parce texte, que Ressens- sur-l'Aronde était du Beauvaisis; mais on peut suppo- ser aussi qu'il n'en faisait pas partie, puisqu'il est dit que le saint évangélisa en cette cité et qu'il gagna un lieu nommé Ressens où il flt un miracle. Ne semble t-il pas même qu'il sortit du Beauvaisis pour aller à Ressons- sur-l'Aronde, et par conséquent dans le Ressontois ? Quoiqu'il en soit, nous laissons à d'autres le soin de mieux éclaircir un point si obscur et si controversé, pour passer au pagus Calniaccnsis, II. Le Pagus Calniacensis. Le Noviomensis, simple pagus ou circonscription inférieure de la cité celtique de Soissons, avant son annexion à la cité gallo-romaine des Vermandois, était-il subdivisé en pagi plus inférieurs encore ou pagellif C'est une autre question à laquelle l'examen de la situation du Ressontois ne nous a pas encore permis de trouver la véritable réponse. Nous ne serons pas plus heureux sans doute en traitant du pagus Calniacensis; mais comme le but que nous nous proposons d'atteindre ne nous permet pas de négliger aucun texte , aucune induction, aucune probabilité, nous exami- nerons donc si Chauny, qui a toujours fait partie du Noyonnais, n'a pas été le chef-lieu d'une de ses subdivisions, un pagelliis ayant pu avoir été ancien- nement un véritable pagus du Noyonnais et par con- séquent de la cité de Soissons. Digitized by Google - 84i - Si Ton interroge le Brève Pfoviomoisis, s m Or do officii divùv, du diocèse de Noyon, on voit que Fan- tique Noyonnais, pour la partie annexée autrefois au Vermandois, est partagée en deux doyennés, celui de Noyon, Decanatus Noviomensis, et celui de Chauny, Decaaalii6 Calniacencis, lesquels se trouvent renfermés à peu près dans la limite que nous avons assignée au pagics Noviomensis. Ce n'est que tardivement et au xu* siècle que nous rencontrons la mention du pagus Calniacencis, dont ne parle aucun ancien diplôme. En 1144, Raoul et Adélaïde de Vermandois donnèrent des biens à Longpont in pago Calniaconsi, tant à Crépigny, hameau de Caillouël, qu'à Héron val, Bel- vade, et à Chauny même, loc^ilités qui, par conséquent, en firent partie (1). Ce pagus avait aussi, dans sa circonscription, Condren, Contraginum, qu'AdrienValois regarde, sans en donner le motif, comme la première dénomination de Chauny. Cette ville est ainsi désignée dans Flodoard : Castellum super Isaram flumum nomine Calniacum (2), et dans Guibert de Nogent elle est appelée Castrum Calniacum (3). Dans la suite c*est tantôt Calniacum, tantôt Calni, surtout dans les car- tulaires (4\ Sa position sur plusieurs bras de l'Oise a permis de faire de Chauny une forteresse qui a peut- être succédé à un antique oppide. Le doyenné de Chauny, qui a dû se modeler sur le pagus, se composait des paroisses d'Abbécourt, de Bétancourt, de Caillouël, de Commenchon, de Fargnies, de Condren, de Prières, de Genlis, de Guyancourt, de Marest, de Mondescourt, de Neuflieu, de Neuville-en- Baine, d'Ognes, de Quessy, d'Ugny-le^ay, de Viry, (f) Chranie, Lonçip, par Maidrac. (S) Flod. Annales. (3) Guiberti Novigentit, ie fUa tua, (4) Cartol. de Noire-Dame de Soiiiont, de Prémontré, et GoUtette, t. X p. 995, Digitized by Google ^ 348 - de Noreuil et de Vouêl, touted localitées situées entre la rivière d'Oise et la forêt de Baine, depuis Fargniers jusqu'à Mondescourt. Elles formaient donc l'ensemble dix pagus Calniaceyuls et l'extrémité Nord-Est du pactes Noviomensis. XI LE PAGUS LAUDUNENSIS. LE LÂONNOIS. Le Laonnois est trop connu pour que nous nous occupions ici beaucoup de celte contrée célèbre, si ce n'est pour en fixer l'origine et l'étendue géographique. Sa première apparition dans l'histoire se fait parla Vie de S. Remy dont l'auteur, Hincmar, avait travaillé sur d'anciens écrits et d'après de constantes traditions. 11 y est nommé tantôt pagus, tantôt lomilaiiis Latidu" netisiSy avec Laudunum pour capitale. Du comté de Laon S. Remy forma un diocèse, et de Laon le siège de l'évêque {comitatus que Laudunemis eidem castra subjecit parochiam (1). On croit que le gallo-romain Emilitts, son père, fut, au v* siècle, comte du Laonnois, et l'on a recueilli les noms d'un certain nombre de comtes et de ducs préposés à ce pagus jusqu'au x% où comtés, duchés et pagi disparurent. Dans la Vie de S. Fursi est mentionné Bercharius dux Luffdunefitium (650) ; dans le diplôme de donation que fit S. Amand au prieuré de Barisis, on rencontre Fulcœto (661), avec la même qualité. Après eux viennent Gautsuin dont S^ Anstrude guérit la fille (688\ et Charibert dont (I) Flod. HUt. Rtmêfis, et Hincm. Vita S. RemiçU. Digitized by Google - 344 - Pépin le Bref épousa la fille appelée Berthe (760) (1). Il faut reculer jusqu'en 661 pour retrouver le Laudu- nensis dans ce diplôme recueilli par Aubert le Mire concernant Barisy qui y est situé : < Bariziacum in pago Laudunensi » (2) ; Nous reviendrons sur cette pièce, n suffira de dire pour le moment que le Laonnois s'appela aussi, dans les auteurs anciens, les diplômes et les capitulaires pagus Laudunensis, Latuiunensù paroohia, provincia, episcopatus (3). Le nom primitif de la capitale et oppide principal de ce pagus paraît avoir été Lugàunum, Laudtmum. L*expression celtique dunum, caractérise parfaitement sa situation sur une montagne isolée au centre d'une vaste plaine ; quant à celle de Clavatum ou Cloatum qui l'accompagne souvent, on n'a pu encore en donner une explication satisfaisante. Lug dunum, en passant par diverses formes telles que Leodwium, qui se trouve dans la relation de l'invention du corps de S.-Quentin, et Laudunum, a fini par aboutir à Loon et à Laan (4). De même qu'ailleurs il produisit, en subissant des transformations analogues, Lyon, Leyde, Loudun, etc. Laon deviût un municipe romain, mais ne figure pas dans la Notitia Civiiatum , et ne fut érigé en évêché que beaucoup plus tard. On a aussi donné à Laon, au moyen-âge, le nom de Bibrax, parceque la montagne où il est situé semble former deux bras autour d'un vallon appelé Ctœe de Saint- Vincent que dominait en effet l'abbaye de Saint* Vincent : « Latuiunum Clavatum quod Bibrax dici^ (0 knnal, Ordàn. bened t. f, 1. 15, nMf et ibd, 17 n*68.-- Marlot Hittor. Rem^n9,i, l',p. 157. (2) Auberti Mirœi, cUp{. Belg. — Vita S, Fursei. (3) Hincmari Remen^. Epist, ad ,\NicoUium papam (Histor. de France, t. 7, p. 528, et Vita S, RemigU, par le même. (4) Danville, Laoo. — Jacobs, Géographie de Grégoire de Tours, p. 460. Digitized by Google -â45 - tvT^ » lisons noas dans une vie du duc Guillaume (1). Guibert de Nogent appelle la vallée de Saint- Vincent : Convallem-B bracinam, et la chroniiue d'Origny s'ex- prime ainsi : « Laudtmum . .,quod anliquior œtas Bibrax nuncupari{ tnaluit. » Pour épuiser les vieux textes concernant cette ville, nous ajouter as aux précédents celui de la légende de S. Gobain q li parle aussi de Laon : « Latulimensem qui ab antiq- o sermone Bibrax nuncupatur, » (2) et cette stance de la prose de saint Vincent, patron du monastère qui domine la cuve : Vinaens sub Vincentio Ciijus Bibrax brackio Dexirum muni brachium (3). Ces écrivains se copient érîdemment les uns les autres ou obéissent aux dires d'une tradition ayant cours parmi les savants du pays. Néanmoins certains critiques ont prétendu que ce nom donné à Laon ne devait pas laisser subsister de doutes sur la position de Toppide Rémois assiégé par les Belges et secouru par César. Mais il s*agirait de savoir si Bibrax corres- pond à bis et à brachitmi, pour pouvoir admettre qu'il a été donné avec raison aux deux bras de la cuve, et s'il n'a pas été seulement emprunté à l'oppide Rémois pour caractériser, à l'aide d'une simple similitude, la configuration de la montagne de Laon. Et, n'est il pas constant d'ailleurs, que la distance qui, selon le récit de César, séparait l'Aisne de Bibrax ne s'accorde pas avec celle qui sépare Laon de cette rivière ? L'auteurd'un antique manuscrit avance que Macrobe, préteur romain, fonda cette ville i^ur une montagne élevée portant le nom de Bibrax et qu'il l'appela Lau' . (I) Vita WilMmi Ducis. Dudoo. (2) Bolland, t. 4, p. 2()5. (3) Histoire deLaon. — k. Mattoo, JHeiian. Topog. de VAUne, (latro- duction, p. fO). 44 Digitized by Google — 346- dunum {3j. H s'est sans doute autorisé du récit d'Hinc mar, archevêque de Reims, concernant l'érection de l'évêché de Laon et que nous rapporterons en sou lieu. Ce prélat, pour rabaisser Torgaeil de son neveu, évoque de Laon, qui déclinait l'autorité de son métropolitain, lui rappelle que cette ville, depuis sa fondation par Macrobe, ne fut jamais qu'un simple municipe de la province (IK Selon un autre texte, Macrobe ne bâtit pas Laon, mais il en fit une forteresse qu'il munit de murailles. En effet, un poète anonyme du xi« siècle s'exprime ainsi : « Macrobitcs prœéor, Bibrax, tua mœnia fecit. » On sait aujourd'hui qu'il ne faut pas attacher trop d'importance à ces données historiques que nous ne faisons, du reste, qu'effleurer pour ne pas nous égarer en de trop longues excursions en dehors de notre sujet. Nous avons avancé que le pagus Laudunensis cel- tique, avec Laudunum son oppide, faisait partie de la cité celtique de Suessions et non de celle des Rèmes, contrée d'aspect naturel si différent; nous n'avons fait, en cela, que suivre le système de l'abbé Lebeuf et des géographes qui l'ont adopté. En tout cas, il est infini- ment préférable à celui de Sanson lequel pense que, du temps de César, la cité de Soissons appartenait à celle de Reims avec tout ce qui composa depuis les diocèses de Reims, de Châlons et de Laon. En effet, dit Adrien Valois, < ces choses ne sont appuyées d'aucunes raisons; c'est pourquoi on doit les regarder comme de pures conjectures qui ne méritent même pas de réfu- tation. • On sait comment doit s'entendre le texte des commentaires sur la nature des rappo.^ts qui unissaient (I) aincmarl RemensU opéra, t. 2. p. 430. « Scire debneras, qiiod hi i is regîouibus nenno p«ne ignorât^ quia municipinm Laiiduni in quo o.dinatus es episco us, abezordio sui, post qnain à Macrobio, prœtore, ut produnl hisloria, conditum fuit, nunquain iater sedes provinriiles Reinorum^ in paganijmO) \el in Christ iaais»imo, noinen vel locum habuit donec Remigius n Digitized by Google — 847 — les Suessions et les Rèmes (1). Danville se jette, lui aussi dans d'autres hypothèses. Il admet que le diocèse de Laon a été, au moins en partie, compris dans le Rémois et dit seulement < qu'on n'est point assuré que le nouveau diocèse formé par S. Remy, qui jouissait d'un grand crédit et qui favorisa cette église au point de la doter de ses propres biens, n'ait été composé que du démembrement de celui de Reims et sans rien prendre des anciens territoires des Suessions et des Veroynandid dont les églises reconnoissoient ce prélat pour métropolitain. » Et il ajoute : < au reste, Sanson et ceux qui l'ont copié, ne sont point excusables d'avoir adjugé le diocèse de Laon, dans ses limites actuelles, aux Suessions en ôtant aux Rémi ce qu'on connoit indubitablement par César avoir été de leur dépen- dance. > Les hésitations de ces autorités géographiques viennent de ce que l'on n'a pas distingué assez nette- ment la cité celtique des Suessions de la cité gallo- romaine et tenu compte des réductions que la pre- mière a dû éprouver en faveur des Rèmes. Mais en pres- sentant ces remaniements de territoire,que nous pensons avoir clairement établis, elles viennent plutôt corroborer qu'ébranler notre thèse : que le pactes Laudunensis primitif, détaché de la cité celtique des Suessions, fut annexé à la cité gallo-romaine des Rèmes et en fut détaché de nouveau avec la Thiérache pour former l'arrondissement du diocèse de Laon. Pour ce qui est de supposer que S. Remy ait pu démembrer du diocèse de Soissons quelques lambeaux des anciens territoires des Suessions, cela nous paraît peu admissible au point (f ) Le texte de César ne peot laisser aucun doute sor l'indépendance f^es Saessions, « ...taofum essecorum omniam foorem (Belgarum) at ne Saessionn es guidera fratres coosanguineos que suos quieodem jure iisdem legibus utantnr, nuin imperium unumque magistrumeum ipsis halieant deterrere potuer'nt quin cura liis consentirent, i» (César, L. 1). Digitized by Google ~ 348 - de vue de la juridiction ecclésiastique. S. Remy u*a pu céder que ce qui appartenait sans conteste à son diocèse. On comprend d'ailleurs qu'il en ait détaché une contrée qui, géographiquement et historiquement, ne lui avait appartenu que depuis la formation des cités gallo-romaines. Quoiqu*il en soit, pour nous, la preuve la plus forte que la cité celtique des Suessions comprenait le Laonnois et la Thiérache qui parait avoir toujours partagé ses destinées, ressort des Com- mentaires mêmes lorsqu'ils décrivent la campagne de César sur la rivière d'Aisne. Les Suessions sont à la tête de la confédération des peuples Belges contre l'ennemi commun avec lequel les Rémois ont pactisé. Où doit être le rendez- vous général des divers contingents si ce n'est chez eux, dans leur cité qui touche à celle de Reims que traverse César. En effet, c'est dansle^a^w^ du Laonnois, au centre de leur territoire que toutes les troupes se réunissent. César s'avance sur leurs frontières, ils s'avancent eux-mêmes sur les frontières Rémoises et, pour les entamer, ils assiègent l'oppide de Bibrax qu'ils pensaient emporter d'assaut chemin faisant; ils le manquent et ravagent le Rémois où ils sont entrés. Où vont-ils ensuite attendre César ? A peu de distance de l'Aisne qui coule sur leurs extrêmes frontières. Si au contraire le Laonnois avait fait partie du Rémois, il faudrait dire que les Belges réunirent leurs troupes dans cette cité, par conséquent en plein pays ennemi, pays déjà occupé en partie par les Romains. Or, quand a-t-on jamais vu opérer ainsi en cas de guerre? Lorsqu'un chef veut la porter dans un pays voisin, n'est-ce pas toujours sur les frontières de ses états qu'il réunit ses troupes pour tomber de là sur le territoire ennemi ? Et s'il s'agit de défendre ses états, n'est-ce pas toujours dans l'intérieur qu'il organise ses troupes pour se porter au plutôt à la frontière menacée par Digitized by Google -^ 349 - rennemi? La conclusion se tire d'elle-même : le Laonnois celtique appartenait à la cité celtique des Suessions, lors de la conquête de César, Si l'on cherche les limites naturelles de cepagvs, on verra qu'il ne devait guère dépasser, au Nord, la Serre qui coulait entre lui et lepagus Teoracensis\ à l'Ouest l'Oise qui le séparait du Vermandois et du Noyonnais ; au Midi, l'Ailette qui le séparait du Soissonnais Du côté de l'Est, il devait finir vers la naissance des grandes plaines où commence la Campagne ou Cham- pagne Rémoise, c'est-à-dire vers Nisy le-Comte, Lor, la Malmaison, point culminant, Amifontaine, Mau- champs, Berry-au-Bac, Gernicourt, Roucy, Meurival, Baslieux et Fisiues. On observera que cette frontière put être modifiée lors de l'annexion du Laudunensis au Rémois, et que le Soissonnais, qui devait s'avancer de ce côté sur les deux rives de l'Aisne, perdit cette portion deterritoire jusqu'aux limites de l'ancien diocèse telles que nous les avons fixées. A partir de Lor et de Nisy-le-Comte, le Laonnois et la Thiérache étaient limitrophes du Porcien, pagus Rémois qui fut plus t*d absorbé par le Rethelois Ce pagus situé entre le Vogensis et le Remensis, est représenté par plusieurs lieux anciens : Aoust-en-Porcien (Villam Augiistamt in pago Porcenû); Arches ou Arc^n- Porcien {Xrchias in pago Porcenis), près de Mézières, cités par Flodoard; Chauraont-en-Porcien, Novion-en- Porcien, au Nord-Est de Rethel, et Chàleau-Porcien, son chef-lieu. Le pagus Portensis, solum Portensey Porcinense, dont il est question dans le testament de S Remy, était une contrée des Ardennes dont Portus, bâti sur une voie romaine venant de Reims, s'appela Castrum Portense après la construction de son château. Il s'étendait de la rive droite de l'Aisne, jusqu'au dessus de Riimigny-en-Thiérache. Il longeait ainsi le Laonnois et la Thiérache. I.or, situé près de la voie de Digitized by Google - 350 - Reims à Beau vais, et à deux lieues au Sud de Nisy-le- Comte, était du Porcieii Du reste, nous allons indiquer parmi les localités placées en Laonnois par les auteurs anciens, celles surtout qui fixent le mieux ses limites à l'Est, où elles sont assez vagues. En premier lieu, on citera Ercli qui prit, au viir siècle, le nom deSaint-Erme(Sa?w?<i^^ J?rm?- nus) (1). vFrater quidam ex nostris, Liezo ?iu?ntne, villœ Ercli m pago Lauduneasi proposituram admi- nistràbat. » (2). Or, Saint-Erme est situé au-dessous du camp du Wié-Laon, dit aussi de Saint-Thomas ou de Berrieux. Selon la plupart des savants qui voient dans Berrieux, autrefois B brieux, une analogie frappante avec Bibrax, ce camp de César, qui domine les deux localit^'s, serait Toppide Rémois. Là donc était la fron- tière du Laonnois et du Riimois. Gernicourt était du Laonnois, selon une vie de S. Rigobert, archevêque de Reims, où il est dit que Pépin séjournait « in pago Lauduncnsi et loco qui dicitur Gei^nia-cvriis (3), Dans le même écrit et dans Flodoard, Bouconville est dési- gné comme faisant partie du Laonnois : (Begoni villa inpajo Laudwiensi) (4), ainsi que Raiisidus qui doit être Roucy (5). L'historien de l'Eglise de Reims nomme encore Vulfia- niis-^rivus in pago Laudunensi où il y avait un oratoire dédié à S. Rem y, et qu'il faut chercher auprès de Cormicy, puisque le roi Raoul poursuivant le comte Héribert et allant assiéger Reims, campe en ce lieu, tandis que ses troupes occupent les villages voisins et notamment Vulfianus rivus (Bouffignereux, près de (1) Acta Sanct, Ordin. Bened.y t. 2, p. 340. (2) Rolland, 22jun.,C. 82. (3) Rolland, Vita S. Rigoherii, i, 1, n- 2. (4) ibid. (5) Selon Flodoard, S. Rigobert donna ft son Eglise « res sitas in pago Lauduneasi in vico qui dicilur Rausidus, Raosidus. » Digitized by Google - 351 - Neu/châtel-sur-Aisne) (1). D'ailleurs S. Kigobert desti- nant des revenus, qu'il avait en ce lieu et en plusieurs autres, au rétablissement de quelques églises, nomme Wilfiacum rivum parmi ses voisins Gemiacam cortem, Mîisceiicm, Rosceium, Curcellas, qui sont Gernicourt, Moussy-sur-Aisne, Roucy et Courcelles, près de Reims (2). Le WarociKs inpago Latuiiinensi du même auteur, n'a pas encore trouvé de correspondance certaine. La villa royale de Corbeny ,Carbo}iacum), des temps méro- vingiens est à coup sûr la même que le château de ce nom que Flodoard met en Laonnois {Castrum Corbi- niacum m comitatu Laudunmsi.) Enfin un diplôme de Charles le Simple de 906 place Croona (Craonne) € m comitaiti Laudimensi, » Ainsi ces lieux et les autres, nommés plus haut, formaieat la limite histo- rique des deuxjD^^^ Rémois et Laonnois. D'autres documents viennent confirmer les frontières naturelles que nous avons assignées au pigns Latcdu- dunensis, à savoir l'Oise, la Serre et l'Ailette II y a en premier lieu, une donation faite en 671 au monas- tère de Maroilles [A/aricolœj, par labbé Huinbert, qui mentionne Macerias (Maizières) « sita tu pago Laudu- nensi super fliivium Isaram » (3); et une autre de Beaudouin. chancelier du roi Henri 1% qui attribue à celui de Saint-Prix, « alodium qnemdam tn pago Lan- dunensi, in villa quœ dicUvr Senercei super fïuvium Isaram. » (Senercy, ferme près de Séry-Méziéres) (4). Mais il fait remarquer que ces lieux, qui étaient de la Thiérache, ne furent da Laonnois que pris dans son extension diocésaine. On désigne en ces termes Barisis (1) Flod. L ^ C. 20. (2) Fd, L. 2, C. II. (3) Pardessus. D\plom.^ t. 2., p. «55. <4) Mèm <hi Vermnnd. { \, pièces juslff. du L. 8. Les Annales Béné dicUnes plaienl a lorl Mézières dans le Vermandois (t. 4. Liv. 54n*46 et l. 3 Liv. 42, n" 43) \ Digitized by Google ~ 352 - dans une charte de Tabbaye de Saint-Amand relative au prieuré de ce village : « villam nwicupatam Barizicam in pago Laudunensi sUam ubi cœnobittm in loco Fave- ro'es in honore Pétri et Pauli apostoli... » (1). Le capi- tulâire de Kiersy de 877, exclut du nombre des palais où Charles le Chauve permet à son fils de chasser, « Servais, avec tout le Laonnois, » et Mabillon en cite un autre de 894 où Chèvregny, village sur l'Ailette, est dit du Laonnois : « Capriniacum in pago Laudu- nensi » (2), tandis que Pargny et Filain, sur la rive gauche de cette petite rivière, était du Soissonnaîs. Les autres localités les plus anciennement nommées par les monuments comme faisant partie du Laonnois, sont encore Brearie in pago Loudtmetisi (Bruyères) (3); Bospatium in pago Laudunensi (Beaurepaire , (4); Bisi- niacum in comitatu Laudunensi (Besny); Villa de Sal- neriis in pago Lauduneyisi (Gagnières, ferme près de Tupigny) (5); Fara et Fera (la Fère', nommé en 898 dans la chronique de Sithieu, dans les Annales deSaint- Vaast, et e»^ 958 dans la Chronique de Flodoard ; No- vigentum in pago Laudunensi dans un titre de 1 100 (6). Au xm« siècle, bien d'autres lieux portent la désigna- tion géographique ta Laudunensi, tels que .• Anisia- cum (Anizy), i4/ôe?^n/acw^ (Aubigny), JBraiww(Braye), Chiviacum (Chivy) , Corlegis (Colligis) , Crispinum (Crépy), Martiniacum (Martigny), Montes (Mons), No- vavilla (Neuville), Ceimiaoum (Cemy). Le Laonnois, avec une grande partie de la Thié- (4) Pardessus,!. 2, p. 433. Diplom. (2) Dere iHplom., p. 460. (3) Diplôme de 855. (4) Diplôme de Charles le Chauve de 877, kcta. Ordin. bened. satcnl. 8, p. 19. (5) Diplôme de 877, Histor. de Fraoce, t. 8, p. 6C«. (6) Diplôme pour Maroilles, ibid^ p. 550, t. 9. Voyez, pour un grand nombre ae lieux du Laonnois, le Dictionnaire Topograpnique de l'Aisne, par A. Matton. Digitized by Google - 35â- rache, fut érigé en cité et en diocèse par l'apôtre des Francs à la fin du v« siècle. Dans une lettre à son neveu Hincmar de Laon, Hincmar de Reims rappelle cette érection, mais comme le neveu voulait secouer le joug trop pesant de l'oncle, celui-ci, pour abattre ses prétentions, s'appliquait à rabaisser la valeur historique du siège de Laon « Après la fondation de Laon par le préteur Macrobe, d'après les histoires, jamais, dit l'Archevêque, jamais cette ville n'eut de nom ni de place parmi les sièges de la province de Reims, ni du temps du paganisme, ni du temps du christianisme, jusqu'à ce que S. Remy, xv* archevêque de Reims, pour plusieurs causes, y ordonna le premier un évêque, après avoir largement doté ce municipe des biens de la métropole de Reims, et lui assigna le comté même, tel qu'il se comporte, c'est-à-dire une partie du diocèse de Reims; mais il fut toujours un municipe de la province de Reims, comme il Test encore à présent, et demeurant, ainsi que les autres municipes du dio- cèse, à l'état de sujétion... » (1). Ce texte difière peu de celui de Flodoard relatif à cette fondation. S. Remy dit cet historien, emprunta pour former le district de ce diocèse, la circonscription du comté de Laon (parocAtam comitatus Laudtinensis), c'est à-dire du pcigus Laudu- nensis et du pagits Teoracensis (2). La ville de Laon, dont on ne peut guère contester l'origine celtique, quoiqu'on dise Hincmar de Reims, n'avait pas moins aussi une certaine importance aux temps gallo-romains, laquelle est justifiée par son érection même en chef lieu épiscopal Elle possédait (1) « MuDicipium Landunnm poslquam a llacrobio pretore cooditum fuit( Dunqoam interiedes Remornm provincia nomen vel locum habuisae donec Remic^ius, xv Remoram archiepiscopus, ibi ordina>it epis<u>pui]i et eidem municipio rebas Remensis ecclasiœ salis super que ditato ipsam eonitatam in quo coosistit, partem scilicet ex Remensi parochia delega- vit... » (Flod. L. C. n, EpM. Binemari). (2) Flod L. I C. 4. 4o Digitized by Google - 354 - une basilique dédiée à Notre-Dame, que S. Remy en- richit de biens qu'il avait reçus de Clovis, et lui-même y avait été élevé, « Non modicamy dit Flodoard, neo- non earwidem partem rerum ecclesiœ sanctœ Mariœ Lauduni Clavati, Remensisparochiœ castri, obi nutrittu fuerat tradidit comitatus que LaudunenHs eidem Castro subjedt parochiam » (1). Le nouveau diocèse fut divisé eu deux archidiaconnés correspondant aux deux pagi du Laonnois et de la Thié- rache qui formaient le comté de Laon, et qui ont sub- sisté îusqu'en 1790. Toutefois, Tévêché de Laon n'eût à son origine, comme les autres sièges, qu*an seul archidiacre pour tout le dioccse. On rapporte en effet dans les actes du concile d'Orléans de 549, que Géne- baud, premier évêque de Laon nommé par S. Remy, y envoya l'archidiacre Médulfe pour le représenter, < Medulfus archidiaconus directus a domno Genebaudo^ episcopo Ecclesiœ Lugdunensis Clavatœ. » Cette érection de l'évêché de Laon, dit avec raison M. Desnoyers, est un des rares exemples de la déroga- tion aux prescriptions civiles et ecclésiastiques de ne pas modifier les anciens terroirs des cités, pas plus que de changer le siège des évêchés comme il est arrivé à Noyon. Ces mesures ne s'expliquent et ne se justifient "que par d'impérieuses nécessités (2). Le siège du Ver- mandois a été transféré à Noyon par suite de l'invasion des barbares, et si S. Remy a créé l'évêché de Laon, ce fut pour restreindre la trop grande étendue de celui de Reims. Que s'il a choisi cette partie du diocèse plu- tôt qu'une autre pour ^a diminuer, c'est qu'elle s'éloi- gnait davantage du centre de la cité de Reims et peut être parcequ'elle ne lui avait pas toujours appar- tenu. Quant au grand pouvoir qu'exerça S. Remy (1) Ibid. (2) Topogr. eoclés. de la France, Ana. historiq. deSSS. Digitized by Google - 865 - dans cette circoastance, il s'explique par la dignité qu'il avait acquise auprès des deux puissances ; il était légat du S. Siège et père spirituel de Clovis et de la nation des francs sur lesquels il exerçait une immense influence, qu'il faisait tourner au profit de l'église et de la civilisation. LA TERRE DE MÈGE ET LE PAGUS VENNECTES. Le Laonnois n'étant, comme le Noyonnais, qu'un simple pafftis, ne paraît pas avoir plus que celui-ci con- tenu de subdivision. Néanmoins nous mentionnerons pour mémoire le pat/s ou terre de Mège [Meige^ ou Mègre, Megiwn), donnée par S. Remy à son Eglise de Reims après l'avoir reçu de Clovis, et qui embrassait dans ses limites les environs de Coucy, sa capitale. {Terra quœ Megium didtur in qua est castellum Co- ciaci, dit l'historien Laonnois Leleu en ses mémoires manuscrits) (1). Coucy apparaît dès 550 dans le testa- ment de S. Remy. Ce prélat rappelle les circonstances de cette donation rapportée par Flodoard. Elle com- prenait entre autres Coucy et LeuîUy, (Quarum rerum simt Juliacus et Codidacus) (2). Le même historien qualifie Coucy de municipe {Codiciacum S* Remigii mtmicipitdm), et rapporte que l'archevêque de Reims Hérivée, y fit élever et fortifier un château en un lieu sûr {Mimitianem quoque apud Codiciacum tuto loco constittdt atque firmavit) vers 924 (3) C'est l'origine de la fameuse forteresse féodale rebâtie par la puissante maison de Coucy et qui a laissé de si grandioses ruines. Avant de devenir aussi célèbre qu'il le fût au (1) Mém. d€ Uku, t. f , f 2581., bibl. de Uoa. (S) Flod. h. I\ Col. » et n, Bdit. lligne. (3) ibid, t. 4, C. S. Digitized by Google — 356 - moyen ^e, Coucy reparaît sous le nom de Cotiaman dans la vie de S. Hubert de Bretigny, et sous celui de Chocis sur un denier frappé en ce lieu (1). Depuis lors c'est sous le nom de Codiciacum castrum qu'il est dési- gné, mais nulle part on ne rencontre de pagus Codir ciacus. Le pays de Mège n'était pas nommé dans la donation de Leuilly et de Coucy à S. Remy, mais il y a une charte de 1116 donnée par Barthélémy de Vir, évêquede Laon, en faveur de Saint-Remy de Reims qui place Coucy in Megio, dans le Mège. < Beatiis Retnigius te7*ram quœ Megium dicitur^ in qua ^st castellum Cociacum, à pHncipibus Franciœ adquisivit et in vita sua oblinuit... Ingelranus qui Cociacum obtinebat ceii- sum ecclesiœ diu abstulit^ imuper etiam homines qui in Megio habitahant percussit. • c2). Nous avons dit que les inscriptions étaient un des moyens féconds pour découvrir d'anciennes divisions territoriales, et que la critique moderne avait su en faire un merveilleux usage. Nos contrées ne nous offrent qu'un seul exemple en ce genre d'exploration. En 1851 on découvrit à Nisy-le-Comte, village du Laonnois, au milieu de nombreuses antiquités gallo-romaines qui ont rendu ce lieu célèbre dans le monde savant, une ins- cription qui ne révélerait rien moins qu'un nouveau pagtis. La pierre sur laquelle elle est gravée est dépo- sée au musée de Soissons. Elle est ainsi conçue : NVM. AVa. DEC APO LLIN. -PAGO. VBNNECn PROSCiENIVM. L. BfA GIV8. SECVNDVS. DO NO. DB SVO. DEDIT (3). ( ) Boll. t. 7, et Académ.* d3 Laoa buUet. t. 5. p. 32. (2)Har1ot, Bist. Métrop. Rem. t. 2, p. 260. (3) Nous croyons devoir rapprocher de ce mooument un autre da même genre, découvert chez les Lingons, quoiqu'il ne porte pa« de nom de lieu ATTIA. 8ACBATA G. F. PKOSCENIOlf VETUBT\TB. COHKVPTUV. dB 800 RESTI- TUiT. [Jani Gruteri ifucriptiones^ n* 10, p. l4<). Digitized by Google - 357 - € Numini Augusti, deo Apollini, pago Yennecti , proscœnium Luciics Magius Secundm dono de suo de- dit. > qui se traduit de cette manière : « A la divinité d'Auguste, au dieu Apollon, Lucius Magius Secundus a donné ce proscenium construit à ses frais. » Nisy-l^omte, localité romaine considérable, aurait donc eu un théâtre dont Lucius Magius Secundus aurait fait construire et dédier le proscœnium, et aurait été le chef-lieu du pagus Yermectes, Vennectensis ou fennec- tiensis. Des médailles gauloises trouvées dans le lit de la Seine à Paris, sur lesquelles M. de Saulcy croit pouvoir lire la légende, en lettres grecques, vbnextoc. en rappelant le pagus Vennectes, vient corroborrer l'interprétation donnée à notre inscription. On a aussi trouvé à Nisy d'autres médailles gauloises dont une porte le nom d'un chef rème, Alisios, et une autre sans nom qu'on rencontre souvent aux environs de Laon et de Reifns dont ce pagus était proche (1). Du reste, Nisy représente exactement le Minahcum etiVe- natiùum de l'Itinéraire d'Antonîn et le Ninnatici de la Table Théodosienne, indiqué sur la voie romaine de Reims à Bavai, et son nom de Nùmatici se rapproche de celui de Venmcti (pour Nennecti) révélé par la pierre votive. Selon le Qallia Ckristiana Nisi aurait été un fiscus regius, supposition que rendent très-vrai- semblable sa situation sur un chemin public et l'opu- lence de ses édifices (2). Il est désigné dans les titres du moyen-âge sous les noms latins de terriiorium de Nisio ^1147), deNiseium (1158), de Castrum deNisiaco et de NisiacumrCastrutT (1251), de Doniinium de Nisi (1224), et devint une baronie du comté de Roucy (3). (1) ll.Delûche, Ftude, etc. p. 374. Hêvuentanismaiiquey nouvelle série aon. 1855, p. 438. — Voyez sur rette décoaverte les travaoi remarqua- bles de M. B. FleurylBulieliQ des sociétés de Laoo etde Soissons). (2) GaUia ChrUt, t 9. Col. 634. (3) Dici, topog. de l'AUtie, par A. MattOD. Digitized by Google — 858 - L^paffus Vennectes, dont, quant à présent du moins, on ne peut, faute d'éléments, fixer, même approxima- tivement rétendue, représenterait, selon M. Léon Ré- nier, la portion du territoire des Rémi qui en fut distraite pour former le diocèse de Laon dès les pre- miers temps de la période Mérovingienne. Selon M. Fleury, il devait toucher au Porcien, au Rémois, au Laonnois et peut-être à la Thiérache (1). Pour nous il représenterait Textrémité de cette vaste plaine que nous avons attribuée à la cité celtique des Rémois, qui était limitrophe de Tancien Laonnois, dont il ne paraît pas avoir fait partie. Quant au titre de pagus proprement dit, on peut même le contester à ce terri- toire. M. Deloche remarque avec raison que le mot pagus de Tinscription peut signifier une simple localité, une simple bourgade et non une contrée. Sans doute le savant critique n'ignore pas que d*après plusieurs inscriptions de ce genre, le pagus proprement dit avait son dieu, son génie tutélaire comme la province, la dté, le municipe, la colonie, la ville, le lieu, et que les dé- dicaces s'adressent geniopagi, comme au ^r^nioprovin- ciœ, genio municipii, genio eoloniœ, genio loci, mais cela ne fait qu'augmenter les doutes par rapport au pagus Vennectes, puisque leproscamium a pu très-bien être dédié au genio loci,, au génie de la localité de Venntctis ou de Ninalicum (2). (1) BuUem ArehéoloçiquefrunçaU, 1855, ariida de 11. L6ob Bénier. Ubi iupra. — H. OeUtoclie,p. 380. (2) Pour tout ce qui regarde les antiquités gallo-romaioes de Ifisy-l«> Comte, nous renvoyons au grand ouvrage de 11. B. Fleury leiknUfiUUi l et Manvmenii du département de l'Aisne. Digitizedby Google I J - 859 xn LE PAGUS TEORACENSIS. LA THIÉRAOHE. Les défrichements de la forêt de Thiérache produi- sirent, en mettant à nu de vastes espaces, un pagus naturel d'abord, puis administratif, qui prit le nom de Teracta, dont les formes multiples furent Terrascia, Terrascea, Tfierasca, Teorascia, Thera^sa, que les vieux auteurs français rendirent par la Tiérace, la Tirascke la Tirasse^ la Terraohe et la Tiéraisse, et même par Tierche-Terre. On écrit et on ditaujourd'hui . la Thiéi^ache. Il est à propos de revenir sur ce que Ton a déjà dit des Ardennes, dont la forêt de Thiérache était un prolongement, en y ajoutant quelques détails ayant trait plus particulièrement à cette contrée. Strabon s'exprime ainsi en parlant des Ardennes : « Il existe une forêt d'arbres peu élevés, grande assurément, mais non pas tant que des écrivains l'ont dit en lui accordant une étendue de 4,000 stades (ou 740 kilo- mètres), on l'appelle l'Ardenne. » (1). Ce géographe a été moins bien renseigné que César sur l'étendue des Ardennes, ou, ne prenant pas la forêt dans sa plus grande extension, la limitait au prolongement de la forêt de Thiérache. Car, non-seulement l'historien latin dit qu'elle s'étendait des bords du Rhin aux confins des Reini, du Nord-Est au Sud-Ouest, sur une longueur (f) strabon, L. 4, 0. 5. Digitized by Google - 860 - de 500 milles : « qwB ingenti magnitudine per medios fines Trevirorum à flumine Rheno ad initium Remo- rum pertinet » (1;, mais il la prolonge jusqu'à l'Escaut dans ce texte où il dit : que poursuivant Ambiorix € cumreliquis tribus legionibus ad flumen Scaldim quod influit in Mosam, extremos que Arduenfiœ portes ire constituit (2). Or, TEscaut prend sa source au Mont- Saint-Martin, près de Gouy, et coule du Sud au Nord, sur les confins du Vermandois et de la Thiérache, au- delà de ûuise. L'Ardenne, déjà fort éclaircie à l'époque Gauloise, continua de l'être sous la période gallo-romaine, et enfin se découpa en puissants groupes qui prirent des noms divers : la Charbonnière {Carbonaria stlva) dans le Hainaut, vers l'Escaut; la forêt deThiérache etc.. L'Ardenne proprement dite se terminait vers la Meuse et l'Escaut où commence sa principale ramification de la Thiérache, laquelle couvrant une ligne semi-circu- laire détachée de la chaîne des montagnes ardennaises, s'arrondissait autour de l'extrémité Nord de la cité des Suessions et par conséquent du pagus Teoracensis. La forêt de Thiérache proprement dite paraît s'étendre des rives de la Meuse aux environs de Rocroy à l'Est, jusqu'à Fourmies, Mondrepuis et.Hirsonà l'Ouest. Elle lançait elle-même des ramifications secondaires consi- dérables au-delà des rives de l'Oise {Isara, Eisa, Oesia), et jusque vers la Serre [Sara\ embrassant dans son éten- due les sources de ces deux rivières et de ses premiers aflBuents tels que la Serre, le Noirieu, la Brune (Bruna^ Bruina), la Haye (Haga), l'Endrie en Thié- rache, l'Helpe, le Ton, l'Aube, le Gland, dont les noms rappellent une étymologie forestière. Elle comprenait au Sud, les forêts secondaires de Signy, de Saint-Michel (() César, L. 4, C. 3. (2) iMd, L. 6, C. 83. Digitized by Google - 361 ~ qui ne sont séparées que par les cours d'eau des sources de rOise et ne font qu'un avec elle. On peut même regarder comme ses prolongements au Nord, la Fagne; vers TOuest la Haie d'Avesne, les forêts du Nouvion, d'Arrouaise, de Mormal, de Liessies et d'Audigny qui peuvent n'en être que des sections. Les masses boisées échappées aux défrichements et qui s'étendent de la Haute-Serre et du Ton jusqu'à Rumi- gny et Hannapes; les bois de Signy, de Saint-Michel, la Haie d'Aubenton, les bois de Foigny, de Thenailles etc., portent encore le nom général de Bois de Tié- roche. Anciennement on les appelait Taraschia silva^ Theras(^ia silva, Teoracia silva, silva Terassia^ selva Theoraiœ. S. Norbert étant à la recherche d'un lieu solitaire pour y établir une abbaye, Barthélémy de Vir, évêque de Laon, lui montra la forêt de Thiérache. «.... Illam nuxœimam diœcesis sw.e silvam qicœ vocatitr Ter- rasceay » et le conduisit à Foigny « ad locum qui Fuis- niacus vocatur » (1). 11 n'est pas facile de déterminer l'origine de la dé- nomination du pogus Teoracensis, autour de laquelle les historiens locaux ont épuisé toutes les ressources de leur critique. On a voulu d'abord voir dans les habitants de cette contrée les Essui de César, et dans la contrée elle même la terre des Essuens terra Essuo- rum, dont on fit par abréviation dans la suite terra Essey et par corruption Terrasse, Terrache, et enfin Tiérache. Il n'y avait qu'un mot à répondre à ce trait d'érudition, c'est que les Essui des Commentaires, qui sont synonimes des Edui, ne faisaient pas partie de la Gaule Belgique et représentent les peuples d'Autun et de Sêez, chez lesquels fleurissaient la vigne etTolivien D'autres érudits, se reportant à une époque antérieure (I) Hermann. De mlmciiUf Saneim Maria LauduMnH%, L. S. 0. %, etc. H. Digitized by Google à la conquête, ont cra reconnaître dans Teracia on Teoracia, le Teos des Grecs qui aurait été honoré par les Gaulois dans la forêt primitive. Il est certain, il est vrai, que ces peuples, comme les Grecs et les Romain.i, divinisaient les eaux et les bois, et que par conséquent la forêt de Tiérache [Teoracia) a, pu être l'objet d*un culte de même que VArduenna, rAridagameniia, la Wodagia qui étaient personnifiées et symbolisées dans autant de divinités portant des noms antiques. Il en est aussi qui font dériver la Thiérache d'un Thierry, roi de Neustrie, qui, au vu* siècle, était maître de ce pays, frontière alors de son royaume, comme la Lor- raine a pris le nom de Lothaire, son possesseur, mais ce sont là de pures suppositions qui ne s*appuient même pas sur quelque bas3 fragile. La philologie en fournit une beaucoup plus ingénieuse à l'auteur de Vbssai sur Rozoy-sur-Serre, Thiérache viendrait, selon lui, de tier, bête fauve en langue franque et aujourd'hui encore en allemand, et aschen qu'un pro- nonce acherif chasser, expressions qui rappellent les habitudes de chasse des rois francs et les facilités qu'ils trouvaient dans la Tiérache pour s'y livrer (1). Nous n'opposerons à cette étymologie qu'une simple observation, c'est que, sauf Ghaourse, dont il est question sous Charles-le-Chauve, on ne voit pas que les rois des deux preiaières races aient eu de villas dans la Thiérache et que l'histoire ne dit pas qu'ils y soient jamais vod is chasser, comme à Compiègne, Kiersy, Crécy, Cuis^ , etc., villas placées dans de belles forêts. Quant à nous, nous nous rallierons à une autre opinion déjà ancienne sur laquelle il est utile d'insister. Selon toute probàbi ité, la forêt de Thiérache dut son nom aux défriche.nents dont elle fut l'objet et aux (1) BLl. du Vioc. dé laofi, par D. N . Lelong. Digitized by Google - 868 - terreins qu'elle laissa à découvert dans sa destruction : Terra assa^ Terra sarti, Terre brûUe^ Terrt de sart ou essartée^ mise à nu, mise eu culture par le fer et par le feu, dont on fit arec le temps Terr*ascha, Terracta^ Terrache et Thiérache, Ce qu'on ne peut nier c'est que le mot terra entre dans les diverses formes de ce nom, La foret d'Arrouaise {Aridagimantia), par l'ajjectif Arida, .n'a-t-eUe pas son origine dans Taridité du sol qu'elle avait couvert? La forêt Charbonnière (Carbona" ria) ne tire-t-elle pas la sienne de Tincendie qui en détruisit une partie? Le bénédictin Nicolas-le-Long, préfère cette t:t;mologie à une autre qui s'en rapproche et qui a moins de vraisemblance. Thiérache viendrait de Terr-assa ou Terra sicca. siccc ta, teire desséchée, brûlée par le soleil, à cause de Taiiditédu terrein qui prit la place de la forêt ; or, on sait que si le sol de cette contrée est en général, dans les plaines, sec et dur, il est néanmoins riche et vigoureux, et que, dans les parties arrosées par des cours d'eau, il forme d'op- pulents pâturages. Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins avéré que làpagtis leoracensis doit son existence à l'éclaircisse- ment des bois antiques qui couvraient sa surface comme ceux de Brie, de Bresse, du Perche doivent la leur aux forêts de Brie, de Bresse et de Perche etc... € Teoracia » est-il dit dans le livre des miracles de S. Théodulfe ou S. Thiou < vocabulum est cujusdam nominatœ silvi > (1). Une aulre partie de la forêt de Thiérache, le bois de Fagne, Saltus Faniœ, produisit aussi, par défriche- ment, un autre pagus secondaire qui paraît avoir appartenu à celui de Thiérache et qui est appelé tania, la Fagne, la Faigne et pagus Faniœ^ le pays de Fagne. (4) Géographie hittariauê wi adminMraOpe delà GauXê AomoiiM, mt M. Desjardini, t. !•', p SU. Digitized by Google — 864 — Ce mot ne viendrait pas de Fagus, hêtre, essence de bois dominante en ces quartiers là, ainsi qu'on pourrait le croire, mais de Fania, marécage, fange, mot ger- manique latinisé. Il y avait le Fagne et la Haute-Fagne. Entre deux larges bandes boisées qui touchent aux Ardennes vers Rocroy, et s'étendent du Nord-Est au Sud-Ouestjusqu'àla Meuse à Givet, s'est formée une longue clairière qui sépare, au Midi, le bois de Thié rache des bois de Fagne au Nord. C'est dans cette clairière que s'est formée le pagt4S Faniœ. La partie Ouest du bois qui avoisine Trélon, s'appelle Bots de la Fagne de Trélon. La Fagne est donc enveloppée de forêts. Out'^e Marienbourg, Trélon, Chimai, ses villes principales, elle fournit entre autres localités : Bossus- en-Fagne, Villers-en-Fagne, Sart-en-Fagne, Fagnolles, Moustier-en-Fagne, La Fagne, ferme voisine de Givet. On a quelquefois confondu la Fagne avec la Thiérache, comme celle-ci l'a été, quoique rarement, avec le Laon- nois pris dans sa plus grande étendue. César parcourut plusieurs fois les Ardennes et leurs divisions, Il dut pénétrer dans la Thiérache, car Ton sait, par ses Commentaires, qu'il remportât, l'an 55 avant J.-C, sur les Nerviens unis aux Véromandues, une grande bataille, non sur les bords de l'Oise et dans un lieu peu éloigné de la ville de Guise, comme quelques auteurs l'ont avancé, mais sur les rives de la Sambre (Sabimjy du côté de Landrecies. Il n'entre pas dans notre sujet de traiter des antiquités celtiques et gallo- romaines que Ton rencontre en Thiérache, surtout du côté de Vervins; nous dirons seulement que cepagus fut traversé dans sa partie orientale par une voie solennelle allant de Reims à Bavai, et dans sa partie occidentale par des voies secondaires : que la forêt primitive déjà fortéclairciedu temps de César, ainsi que l'attestent un grand nombre de lieux aux racines celtiques, tels que Ferbinim (Vervins), Fara (La Fère), Novtomum (le Digitized by Google -. 865 — Nouvîon), Maria (Marie), etc., dut s'éclaircir de plus en pins dans les temps gallo-romains. C'est au commencement de cette période que le pa- gus Teoracensis et le paffus Laudunensis, enlevés à la cité des Suessions, allèrent renforcer la cité des Rèmes déjà fort étendue, et dont la capitale Durocortoruni, fut érigée en métropole de la deuxième Belgique. Il n'en devaient être distraits qu'au v* siècle pour former une nouvelle cité et un nouveau diocèse, celui du Laonnois L'attribution qne nous avons faite de la Thiérache celtique à la cité des Suessions, dont elle formait avec ses bois l'extrt^mité septentrionale, n'est pas plus nouvelle que sa distraction eu faveur des Rèmes. Nous ne reviendrons pas sur les raisons que nous en avons données en traitant des limites géné- rale de notre ancienne citée. Nous maintenons cette opinion que corroborera la description des frontières que nous attribuerons à la Thiérache, après avoir f^lané dans les textes les mentions historiques qui ont trait à ce pagus. Après le texte du livre des miracles de S. Théodulphe, disciple de S. Thierry et natif de Gronard on Thiérache, au v« siècle, que l'on vient de rapporter : « Teracia vocabulum est cujusdam nominatissimse silvœ^ (1). Le premier en date qui se présente est fourni par la Vie de S. Ursmer, abbé de Lobbes et évêque régionnaire, écrite, en 770, par Anson son successeur, et retouché par Rathère, évêque de Veroyia, vers 950. Il est ainsi conçu : « Urs^nariis episcopus^ iligyins laude bono7^umy in pago Ilaùiao et Teoracensis in villi quse vocata est Fleon oriioidus fuit ». (2). Floyon se trouve aujourd'hui en Hainaut, mais, comme on le remarque avec raison, (<) Adalg. Df mhaiu i.^ S, Hêodnlkpi (2) Boll. kcfo sanctoiiitn \f>riUt, l. 3. p. 630. De S. Urimaro epU- cûpoetabbate Lob, Vi:a auvt. Ans9ne abb. Lob, Digitized by Google - 366 — il faisait alors platôt partie de la Thiérache qui avait une plus grande extension de ce côté (1). Le légendaire ajoute : €per Usmarum, cum in partibics QcUlise, in Fania et Teoracia muUi per eum conversi fuissent et constructa quœ ad htic supersunt ecclesiœ, se ad proedt" candum Flandriœ contulit versus Menapiorum fines » (Gueldres) (2). Quelques uns appellent S. Ursmer : € Apostolus Terasciorum Flandrensium et Menapir rum » (3). Falcuin, abbé de Lobbes vers DCCCXC, dit encore de S. Ursmer, qui mourut en 713 : « monaste- rium qujque dictum Vastare (Waster), versus Tcoror cix saltvtm in finibus Fanim œdificavit Ursmarus eux et Dodonem prœfecU virum admodum sanctum, qui ali- quaniisper ibi demoratus, eremum concupivit, extructa que in eodem Fanise saltu cellula^ vitam in ea duxit migelicam (4). Il faut arriver à Tépoque des invasions Normandes pour trouver une nouvelle mention de la Thiérache. Les Danois y pénétrèrent en 889, parla rivière d'Oise : < Anno Domini DCCCXXCIII Northmanni Ter- raciam iter agentes Hisam transierunt (5). Dans les siècles suivants, surtout à partir du xii*, la Thiérache, sous le nom de Terasca, figure dans une foule de Chartres et de titres qu'il serait superflu de signaler, mais l'indi- cation des lieux qui y étaient situés nous aidera puis- samment à en fixer l'étendue et les limites que nous avons déjà indiquées. Avant d'entrer dans la formation de l'évêché de Laon au v* siècle et jusqu'aux ix« et x* siècles la Thié- (1) tbid. (2) Ibid.ei Histor. des Gaules, t. f*'. p. 39. (.1) Hislor. des Gaules, iàid. (4) Falcuinu, DeGestis abbat. latt^. avant DCC. — Waster etl JTotu- iirr'tn-'Faigne, sur une petite rhière dont il prit le nom. (5) Chron, de Gestis Northmannorum et Annal. Sancli VedastitUnlor des Gaules, t. 8, p. 83. Digitized by Google - 367 - rache, qui paraît avoir toigours partagé le sort du Laonnois, devait avoir formé un comté particulier, mais souvent aussi confondu avec le comté de Laon. Selon un auteur, le comte Albert de Vermandois, outre son titre de comte du Laonnois, prit celui de duc de Thiérache où il possédait de vastes domaines et joua un rôle très-important dans les luttes qui signalèrent le règne de Louis d'Outremer. Ce serait aussi ce per- sonnage, qui n'est autre qu'Albert I, fils d'Herbert I, le- quel en 945, fonda, au village de Rochefort, dans la forêt de Thiérache, « in sattu qui dicitur Teracia > l'abbaye de Saint-Michel (3). On n'a recueilli aucun autre nom (8) GaU. ChrUt. t. 9, Eeel. Laudun. des comtes particuliers de la Thiérache. On sait seule- ment que, vers la fin des Carlovingiens, les comtes de Vermandois, et les comtes de Guise après eux y domi- nèrent. Elle se divisait en Grmdeet Fetile Thiérache, dont deux hameaux de Montmigny portent encore les noms, La Grande Thiérache était proprement le comté et le duché de Guise, et la petite les environs de Ver- vins. La Thiérache n'entra pas toute entière dans la cilé et dans Vévéchéàxk Laonnois. En dehors de cet arron- dissement, nous trouverons des portions de territoire assez considérables qui restèrent au Cambrésis et au Hainant, telle que Ja Faigne, et au Rémois tel que le doyenné de Rumigny , supposé que la Faigne en ait fait partie sur des points indéterminés. Ce ne dut être qu'assez longtemps après sa création que l'évèché de Laon fut divisé en deux archidiaconnés, celui de Laon et celui de Thiérache, Archidiaconatus Teoracencis. On suivit si peu, dans ce partage, les limites dos deux pagi, que le doyenné de Marie qui était de la Thié- rache, fi t attribué au Grand Archidiaconé de Laon. L'archidiaconé de Thiérache comprit donc dans son ressort les doyennés de Vervins, de Guise, de la Fère, Digitized by Google de Ribemont, de Crécy, d'Aubentoa et d'Origny-en- Thiérache, {Decanatus Ckrisiianiiatis de Orignaoo in Teràsça, 1223). Aucuq ne paraît avoir été calqué sur un paju^ inférieur. II arriva que, comme pour les autres grands pagi^ on plaça dans le Laonnois, ou diocèse de Laon, des lieux appartenant proprement à la Thiérache. Ainsi Charles-le-Chauve donna, en 845, à son cousin Nithard, des biens du domaine rojal à Hannape, près de Guise. qusa sita sunt inpago Lauduntnsi^ in villa Hanapiad). Le Laonnois est pris ici pour le diocèse de Laon, car Hannape dont il s'agit est de la Thiérache aussi bien que l'autre Hannape situé à l'extrémité Nord-Est de ce paqus dans le doyenné de Rumigny, et avec lequel il ne faut pas le confondre. 11 en est de même d'Autreppes et de Roubaix, donnés à Saint-Denis par le comte Altram, et que le diplôme de donation de 879 place m pago LaudwieiisiSj quoiqu'ils soient en pleine Thié- rache (2). On sait que Charles-le-Chauve avait donné également à ce monastère la chatellenie et les deux églises de Chaourse « Cadiissa villa in comilaiti Lau- dunen\i super fluviton Sarœ € où il était venu passer les fêtes de Pâques en 867 (3). Guibert de Nogent citant Guise dans livre De \'itaSxui (xir siècle), disait : Gui- sia hujus Laudtmensi pagi castellum; et enfin nous ci- terons une charte de 1118 extraite par M. Matton, archiviste de l'Aisne, du catalogue de Jourvensault, où Hauteville, près de Guise, est placé dans le même Laonnois : « Terra in pago Laudunenti sita^ in loco qui dicitur Altavilla » (4', I) Flod. Chronic. L. 3. Chronic. veterum scriptorum. {î. f des Histor. de Frtncey.D Martene, AmplUt. CoLlect. t. f%Gol. 109. (3) niti. de Saint-Detm, L. S, p. 98. (3) If'id, p. 802, aux preuves. (4) Viet. topog de V Aisne, art. HauUville. Digitized by Google - 369 - La Thiéraohe eut-elle une capitale dans les temps" anciens et quelle fut cette capitale? G*est encore là une de ces questions auxquelles il est difficile de répondre. On peut néanmoins regarder Guise comme ayant dû être l'oppide principal de l'antique pagus, à cause du rôle éminent que cette ville a toujours joué dans la province dont elle a de tout temps revendiqué le titre de chef-lieu, qui du reste lui a été généralement ao- cordé. Guise {Ouisia, Ousia), selon plusieurs auteurs, dériverait, ainsi que Guise, Cuisy, Coucy et leurs con- génères, Coy, Choisy, de cuUura, cuUum, colère^ c'est-à-dire d'une culture ou métairie primitive créée au milieu des bois. Quant à Vervins, auquel on ne peut refuser une an- tiquité autrement certaine, on le regarde comme la ville principale de la Petite Thiérache. Le nom latin de Vervins, Verbintmi, a donné lieu à plusieurs coniec- tures étymologiques que Ton peut voir dans l'intéres- sant Mémoire de M. Papillon sur les origines de Ver- vins. Verbinum n'a-t-il pas pour préfixe le terme gaulois ver qui s'écrit également ber et signifie toujours, ainsi que briva, un pont, un gué, le passage d'une rivière, d'un ruisseau, et qu'on fait suivre d'une terminaison latine caractéristique? Telle est toujours la situation des lieux qui dans leur nom contiennent cette racine : les Bemi {Ber-neium^ Ber^fiada) les Vemeuil (Frr-wo- lium), les Bemeuil (Ber-nogilum), Ver (palatium Ver- num)^ Verberie (Ver-bria), les Bar, sur Seine, sur Aube ; le Pont de Bem, Pont-à-Ver, le Pont-Ver, etc., etc. L'antique cité de Ver-àinvun, établie sur le ruisseau de Ghertemp, ne serait remonté que plus tard sur la colline où on la voit aiyourd'hui, et sur- tout à la suite de la construction du château par les sires de Goucy, au xn« siècle (1). Le passage en ces (I) la TkUraeKe, p. I7« 47 Digitized by Google - 870 - lieux de la voie romaine de Bavai à Reims, sur le Cher- temp et le Vilpion, ne justifle-t-il pas surtout l'étymo- logie que nous donnons à Verbimim ? Quoi qu'il en soit, cette ville représente incontestablement le VerbinumùQ l'Itinéraire d'Antonin (écrit Vironum dans la Table Théodosienne), placé sur la route de Reims à Bavai, dont les stations s'échelonnaient ainsi à partir de cette dernière ville: Bagaco {Bagaco Nerviorum, selon la Table) ; Duronum (la Capelle ou Dorengt) ; Verbinwn (VerviDs), Cattisium (Chaourse) ; Minaticum {Ninstiaci ou Nmittaci), Nisy-le-Comte ; Mueima (ou plutôt Aicxuenna (l'Aisne à Neufchatel) ; Durocortorwn (ou Diirocortora), Reims. N Sanson attribue Verbinum aux Suessions, et un autre géogiaphe désigne ainsi cette ville : Verbinum Siœss'onum oppidum. C'est sans Joute d'après l'opi- nion de Danville, qu'an écrivain avance que lors de la distribution des Gaules sous Gratien, au iv« siècle, Verbinus fut attribué aux Véromandues, dans la Bel- gique seconde, tandis que Duronum (Dorengt), au Nord de cette ville, fut annexé aux Nerviens el Catusium aux Rèmes; mais cette opinion, que rien ne justifie, ne peut eîro admise. Guér.ird, s'autorisant d'un texte qu'il interprète d'une aanière fautive, avance, dans ses Divisions an- ciennes de la Gaule, que le doyenné de Vervins s'était formé sur un prrçus, ou pagellus Yerbenensis, subdi- vision de la cicUa'n Laudui'asis. Ce texte, extrait d'un diplôme de donation, est ainsi conçu : « in pago « Verbonense, in fine Inguriaca, vel in Fracelense, in « fine Dodiniaca (1). » Mais, dit avec raison M. Des- noyers, l'attribution de ce pagus Verboaensis à Vervins (t) De re diplom. p. «26. Digitized by Google - 371 - et des autres noms latius à des localités des environs de cette ville offre trop de difficultés, ou même d'in- vraisemblances, pour qu'on doive s'y arrêter. Avant d'entrer dans la question des limites natu- relles et des limites administratives de la Thiérache, il importe de dire de quels peuples ou peuplades était entouré cepogus. Limitrophe au Midi du iaudunensis^ il 1 était à l'Ouest, sur une faible partie, du Novio- mejisis et surtout du Viromandensis. Au Nord, il con- finait au pagiis Snnbrensis (pays de la Sambre), au pagits Hainoemis (Hainaut), au pagus Cameracefists (Cambresis), qui avalent fait partie de la cité des Ner- viens ; à TEst aux Ardennes et au pagta Portensis (le Porciens lesquels appai-f^naient aux Rèmes, Les limites naturelles de la Thiérache étaient, au Midi, la Serre qui la séparait du Laonnois ; l'Oise, ou plutôt la vallée de l'Oise qui la séparait du Verman- dois et du Noyonnais et lui formait une sorte d'enca- drement. Au Nord, au Nord-Est et à l'Est, ses frontières plus indécises s'arrêtaient aux masses forestières des Ardennes et de Thiérache, celle-ci s allongeant vers le Porcien du côté du Sud, Dans sa plus grande exten- sion de ce côté elle embrassait les sources de l'Oise et de ses affluents, c'està dire le haut bassin de cette rivière. Elle prenait les sources du Ton à la Neuville- aux-Tourneurs ou en Thiérache, à Auvillers, à Antheny ou aux bois de Liart. proche voisin de Ogia ou Auge que, selon D. Noël, on s'accorde à placer sur les limites méridonales de la forât de Thiérache. Elle renfermait, au-delà de Rumigny, celles de l'Aube avec Aoust, la Serlau et peut-être Estrebray et Plaigne ; celles de la Serre à la Ferrée, du Hurtaut, affluent de celle^i, le- quel longe le bois d'Apremont pour la séparer ensuite du Porcien, puis du Laonnois jusqu'à Montcomet où la Serre devient la ligne séparative. Digitized by Google - 372 - La chaîne secondaire des hauteurs boisées détachées des Ardennes, remontant au Nord pour former ensuite autour delà Thiérache ce demi-cercle dont il a été parlé précédemment, sépare d*abord le bassin supérieur de rOise et de ses aflBuents coulant de l'Est à l'Ouest, du bassin de la Meuse dont les affluents sortant du côté opposé, coulent de l'Ouest à l'Est, tels que TAndrlequi part de Marlemont et de Liart, la Sermonne qui vient des bois d'Auvillers. Cette chaîne passant ensuite au Nord de la Capelle et de Wassigny, sépare du cours de rOise et de celui du Noirrieu, son tributaire qui coule du Nord au Sud, les sources de la Sambre et de la Somme, et continue dé longer la rive droite de l'Oise jusqu'au-delà de Noyon pour se diriger à l'Ouest vers Beauvais. La Thiérache primitive subit dans le cours des t^^mps des empiétements de la part des pagi ses voisins au Nord surtout de la part de coux des Ardennes, du Por- den et du Hainaut, d'où vint la division en Thiérache française, en Thiérache flamande et en Thiérache ardennaise. La Fagne lui a été enlevée par le Hainaut, et le doyenné de Rumigny (Decanatus de Rumigny in Terasca) par le Porcien. Ce doyenné, pris sur la Thié- rache ardennaise, faisait partie du Grand Archidia- conné de Reims, Ruminiacum (Rumeigny-en-Tiérache au xii« siècle), existait avant le viii* siècle, puisque S- Rigobert, archevêque de Reims, consacra son église. Il possédait d'ailleurs une forteresse au ix« siècle. La Thiérache et la Fagne avaient des villages qui appar- tinrent à la Belgique, tels que Bourlers, Forges, Virelles, Bonchamp, la Bussière. Saint-Remy, Mont- migny, Salles, etc. Le Hainaut belge comprit la partie occidentale de la Thiérache ; Perche et Bossus-eii-Fai- Digitized by Google - 373 - gne, dit D. Noël, doivent aussi être attribués à ce district de la Thîérache (1). En prenant les localités les plas excentriques parmi celles placées par les titres, les cartes, la tradition et l'usage dans la Thiérache, il sera facile d'arriver à retrouver l'arrondissement de l'ancien pagus. La ligne formant son circuit prendrait, au Midi, La Fère, Crécy-sur-Serre, Marie, Montcomet et Rosoy en Thié- rache (1233-1574), en suivant la Serre, puis le Hurtaut où elle prendrait Rocquigny en Thiérache et la Férée à sa source; elle gagnerait le cours supérieur de l'Aube à l'Est, prendrait Âoust, la Cerlau et Bossus, tous trois dits m Thiérache; gagnerait les sources du Ton, prendrait Auvillers, Neuville et Auge en Thié- rache, Signy-le Petit en Thiérache (1218), Breugnon, sis au milieu de la forêt de Thiérache ; elle s'avance- rait vers Avesnes, prendrait Tesnières en Thiérache, Floyonen Thiérache, Aubenton, Saint-Michd w Tiéra- che {Terrace^îsis^ xii* siècle), Irson en Tiérache (1323), Rocquigny en Thiérache [villa in Terasca nomine Ro- cheni, 1140), le Nouvion en 2%iVfracA^ avec sa forêt {Novionwin Terrassia, 1298), Bei^ues en Thiérache (1134) sur le Noirrieu, Oisy en Thiérache (in Terasca Landunefisis dicecesis, 1325), Wassigny en Thiérache. Enfin, descendant vers l'Oise, la ligne prendrait Les- quielles en Thiérache, Guise en Thiérache, Origny, Ribe- mont, et rejoindrait La Fère. Le vieux géographe Or- telius étend la Thiérache au-delà de la rive de l'Oise, au-delà même de sa vallée et lui donne « Dorengt, Han- nape, Oigny, Vaux-en-Arrouaise, Bohérie, Vadencourt, Seboncourt, Grugis, Essigny-le Grand, Mont-Begny, Montigny, Mézières, la Fère, > et la pousse jusque vers (f) Notes pour servir à V isloire des commanes de rarrondissenienl de Rbetel, par D. Noël, bénéfîicUn de Solesnes. Echo de GIvet, numéros des 10 Octobre, 14 Novembre. 12 Décembre IW5, et2f Mars 1876. Digitized by Google -- 374 - Genlis* Nous ne croyons pas qu'elle ait dépassé, de ce côté, la vallée de l'Oise, ni surtout la série des hauteurs que nous avons signalées. Il serait inutile d'énumérer les nombreuses localités renfermées dans le cercle que nous venons de tracer et qui sont, comme les précé- dentes, placées en Thiérache. Nous ajouterons seule- ment qu'en dehors de cette ligne, tous les autres lieux, sauf ceux de la Fagne, appartiennent aux p'/^i voisins, ou du moins ne portent plus la désignation en Thié- rache, mais celle-ci : en Vermandois, en Gambrésis, en Porcien, en Laonnois, etc. (1). Les limites de la Thiérache, que nous appellerons ecclésiastique et administrative, sont indiquées par celles mêmes du diocèse de Laon et telles sans doute qu'elles avaient été fixées par S. Remy lorsqu'il érigea le diocèse de Laon avec le Laonnois et la Thiérache. La ligne diocésaine partant du Nord-Est et du ruis- seau de la Sambre, qui la séparait du Gambrésis, lais- sait à celui-ci Saint-Souplet, Fontenelles, Papleux, Barsy, Fémy, Molin, Ribeauville, Saînt-Martin-Rivière, Vaux-Andigny, Wassigny, Béquigny et Escaufourt, Aubencheul-au-Bois, Bohain, Bony, le Gatelet, Gouy, Lempire, Prémont, Serain et Vendhuile, enfermait le Nouvion, Rocquigny, Glairfontaine jusqu'à Notre-Dame du Gland, descendait la rive droite du Noirrieu et celle (I) Voici les bourgs et viUages situés dans l'intérieur des frontières que nous avons données à la Thiérache : Biaye-en -Thiérache, (Braium <n Te- rascoy 1144); Brunhainel en -Terrasse ou ThirasseiBucilly en Tiérache;la- Ghapelle-eu-Thiérache;Chéry-en-Thierache, {in Theroica, l3IO);CuirT-en Thiérache 1398; DoligDOo en-Thiérache; Esquehéries, ((?M^/U»ri<-€ii- TAtfe- rasae)) Archonen-Thiéras.se, 1464; Baucigny-en-Thiérasse ; Bermont-en- Thiérache; Bohaing-en-Thiérar.he, 1296;Foigny en- Thiérache; G roogiar«n- Thiérache; Harcigny-en-Thiérache; Iviers-en-Thlérache fSvîl; Janles-en- Thiérache 1671; La Hérie-en> Thiérache; Landouzis-en- Thiérache; Morgny- en-Thiérache, (m Terasca, 1225); Moranzy-en-Thiérache; Montreuil, iMona^tetium ki Therosca, 1236): Montloué-eu-Theraisse; Noircourt-en- Thiérache: Origny-en-Thiérache (m Therasca^; Pritz ou Prices-«a -Thié- rache ou lès Gronard, «527; Puysieux-en-Thiérache (PuteoUs in The- rahcah Ribemont-en-Thiérache, etc. Voyez, pour tous ces noms^le Dic- tionnaire Topographique de l*Aisne, par 'A. Matton. Digitized by Google - 375 - de rOise jusqu'à La Fère, renfennait à l'Ouest Verly, Aisonville, Longchamp, Bernot, Neuvillette, Thenelles, Sissy, Maizières, La Fère, Viry, et laissait Chaiiny au Vermandois (diocèse deNoyon), prenait au Midi Uouy, Saint-Gobain et une partie de la forêt de Voas, tra- versait les bois de Prémoatré, remontait Ters le Nord jusqu'à Barenton, prenait llosoy, Montcornet, Apre- mont, Brunehamel, Aubenton, et laissait Brienne et La Neuville-aux-Joùtes auLaonnois; allait de là rejoindre la frontière du Nord à Notre-Dame du Gland, près des sources de l'Oise, et laissait Lagny, du doyenné de Rumigny, au Rémois. Son étendue en tous sens était de 12 à 15 lieues selon les uns. et selon les autres de 17 ou 18 lieues de long sur 9 à 10 de large. Elle avait perdu Marie et son doyenné qui dépendait de l'archi- diaconné de Laon ou Laonnois proprement dit. Ce que nous avons dit de la Thiérache dans cette étude suffit amplement pour donner une idée de l'as- pect physique de cette contrée, qui, à partir surtout de la Serre, sa limite méridionale, est tout différent de celui du Laonnois. La Thiérache se compose, ainsi que la Brie, do grands bois, de terres cultivées et de pâturages, mais les premiers y dominent dans le Nord. Sur sa surface et surtout dans les forêts sont dissé- minés de nombreux hameaux, des habitations. isolées construites en bois, en terre et en briques. On y fa- çonne encore aujourd'hui toutes sortes d'ustensiles en bois, et l'industrie vannière. celles du verre et du fer, perdues pour la Brie, y sont en pleine prospérité. Les habitants de la Thiérache se distinguent de ceux des contrées voisines par leurs mœurs, leurs goûts, leurs habitudes et tranchent sur eux par leur langage. Cette différence de patois et d'accent est extrêment sensible du côté du Laonnois, mais surtout au Nord, du côté du Cambresis, et à l'Est, du côté du Porcien et des Ardennes. On peut aisément en faire une expérience Digitized by Google - 376 - personnelle en passant seulement des environs de Guise à Cati.lon et au Gâteau, par exemple, où on en- tend le cambrësien, ou des environs de Vervins et de Rosoy, dans le département actuel des Ârdennes, où se fait vivement sentir Tidiome ardennais. Nous terminerons ce mémoire, comme nous Tavons commencé, en déclarant de nouveau, après Adrien Valois : que « nous sommes bien loin de le regarder comme exempt d'erreurs » Aussi avons nous été en récrivant très-sobre d'affirmations. En tout état de cause, si nous nous sommes trompé, on voudra bien reconnaître que c'est le plus souvent à la suite de maîtres habiles, d'écrivains judicieux, et d'éminents critiq jes.Nous en citerons entre autres deux exemples : avant d'avoir pu jeter les yeux sur r Histoire de César ^ par Napoléon III, nous avions donné à la cité gallo- romaine des Suessions une étendue bien plus vaste que celle qu'on lui attribue ordinairement. Or, l'auteur avance qu'elle devait avoir à peu près l'étendue du département de l'Aisne. Nous avions soutenu que les Meldi des Commentaires étaient les mêmes que les Meldes des bords de la Marne, et le même historien déclare qu'il ne faut pas les chercher sur les bords de la mer, du côté de Boulogne, mais sur ceux de la Marne ; on pourrait se tromper en moins bonne com- pagnie. ERRATUM. Nous ne relèverons dans notre travail que quelques fautes typographiques. On lit à la fin du chapitre re- latif au pagvs Tardinisus^ p. 101 : « Le Tardenois rémois soissonnais, représenté par Digitized by Google - 877 - le sdoyennés de Bazoches et de Fère, était séparé du Tardonois par une ligne...» 11 faut lire : « Le Tardenois Soissonnais... était séparé du Tardenois rémois par une ligne... > Lisez, p. 294 « latinum qui a pris le nom du peuple Melde en passant par Meltis, Melcis et MilUianus , termes latins du moyen-âge, a fait Meaux le Mul- cien. » A la page 296, lisez « ..eji^que germantes Rado. > A la page 337, lisez Rossontetisi au lieu de Rostensi, A la page 349, lisez « ...vtllam Augustam in page Porcensi)^ et « Archias in pago Porcensi... » au lieu detnpago Porcenis. A la page 363, lisez silva au lieu de silvi. A la page 365, 22* ligne, supprimez le point après silvœ et lisez silvœ, le premier... Nous réclamons l'indulgence du lecteur pour les autres imperfections qu'il pourrait encore rencontrer dans une étude, qui, par la nature même du sujet, et les nombreuses citations qu'il comportait, n'a pas été sans offirir bien des difficultés. La séance est levée à 5 heures. Le Président, De la Prairie. Le Secrétaire, l'abbé Pécheur. Ai Digitized by Google Digitized by Google LISTE DES MEMBRES DE LAfSOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE, HISTOBIQtJB 'BT SCIBNTIPIQUB DB SQISSONS 1876. Bureau. MM. Db la Praibie, Président. PiBTTB, Vice-Président. PÉCHEUR, (l'abbé), Curé de Crouy, Secrétaire. Branchb db Flavigny, Vîce-Secrétaire-Archiviste. Collet, Secrétaire de la Mairie de Soissons, Trésorier. M embreii titaiaireii. MM. 1847 Db la Prairie, Propriétaire à Soissons, Chevalier derOrdre pontifical de S^r^ire-le-Orand. 1847 Fossé d'Arcobse , Présideirt du Tribunal de Commerce^ ^. Digitized by Google 1847 Perin (Charles), Juge honoraire, Officier d'Aca- démie. 1849 Branche de Flavigny, Propriétaire à Soissons. 1849 Fleury (Edouard) , à Laon, * 1849 Matton, Archiviste du département, à Laon, Officier de T Université. 1850 AuGER, Avoué à Soissons, Officier d'Académie. 1850 Pécheur (l'abbé), Curé de Crouy, Officier d'Aca- démie. 1850 Watelet, ancien Professeur à Soissons, Officier de l'Université. 1856 SiEYÈs (le comte), au château de Chevreux. 1859 Choron, Avoué â Soissons. 1859 Vuaflart, ^, rue La Tour-d'Auvergne, 36, à Paris. 1863 Laurent, Professeur de dessin à Soissons, cor- respondant du Ministre de l'Instruction pu- blique. 1864 Macé, Architecte à Soissons. 1865 Delaplace (l'abbé). Aumônier de Saint-Médard. 1867 MiGNEAux, Principal du Collège de Soissons, Officier de l'Université. 1867 Deviolaine (Emile) , Manufacturier à Vauxrot. 1868 DupuY (l'abbé). Supérieur du Séminaire Saint- Léger, à Soissons. 1868 PÉRONNE (l'abbé), Chanoine de la cathédrale à Soissons. 1868 PiETTB (Amédée), Propriétaire à Soissons, Offi • cier d'Académie. 1869 FoRZY, Notaire à Soissons. 1869 Waddington, Membre de l'Institut, député de l'Aisne, à I a Ferté-Miîon. Digitized by Google - 381 — 1869 Truchy,' Architecte à Soissons. 1871 RiGAUx, Eugène, Propriétaire à Soissons. 1871 Salingre, Artiste Peintre à Soissons, 1871 Collet, Secrt^taire de la Mairie à Soissons. 1871 Deschamps, Maire de Pasly. 1872 De Courval (le vicomte de), à Pinon. 1874 Michaux, Imorimeur à Soissons. 1874 Gheerbrandt, Sous-Préfet de rarrondissement de Soissons, Officier d* Académie. 1874 Leroy (l'abbé). Curé de Presles-etrBoves. 1874 Brancourt (l'abbé), Curé de Fluquières. 1874 Salansôn, Juge de paix, à Villers-Cotterêts 1874 Lbgris, Conseiller général, à Vailly. 1874 Marsaux, Conseiller général, à Vic-sur-Aisne. 1874 Palant, Curé de Cilly. 1874 Salleron (Henri), Maire de Soissons, ^. 1874 MoREAu (Frédéric), Propriétaire, *, à Fère. 1875 Ferrus, Receveur des Finances à Soissons, Officier de l'Université. 1875 CoRNBAux (l'abbé), Curé de Longpont, Officier d'Académie. 1875 Leroy (Octave), propriétaire à Soissons. 1875 Lhotte, Conducteur des Ponts-et-Chaussées. 1876 Monseigneur Odon Thibaudibr, Evêque de Sois- sons et Laon. 1876 Fernand de Montesquiou, Conseiller d'Etat à Longpont. Digitized by Google - 882 — Vembre» corre«poiMlcuDit«« MM. 1847 PoQUBT (l'abbé), Chanoine, Curé de Berry-au-Bac. 1847 Clouet, propriétaire à Vioâur-Âisne. 1847 SouuAG-BoiLBAu, Propriétaire à Château Thierry. 1848 Delsart (rabbé), curé à Âizelles. 1848 PBTrr (Victor), Artiste à Paris 1848 DucuBSNB, ancien maire à Vervins. 1849 DuQUESNBLt Membre de TAcadémie de Reims. 1849 PisTOYB (de), à Paris. 1851 Adam, Médecin à Montcomet. 1851 Leroux, Docteur en Médecine, à Corbeny. 1852 Parizot (l'abbé), Aumônier de l'Hôpital à Laon. 1853 Peioné-Dblaoourt, Manufacturier à Ourscamp. 1856 PiLLOT, Agent- Voyer, à Saint-Quentin. 1856 TouRNEux (Joseph), Directeur du CoÛ^e de Vervins. 1858 SomE!i (Léon), anciec Préfet, à Paris. 1858 Flobftrt, propriétaire au Thiolet (Autrôchee). 1859 Coûtant (Lucien), à Paris. 1860 Mazure, ancien maire, à Braine. 1861 CoRBLET (Jules), Directeur de F Art Chrétien, à Amiens. 1861 Vertus (de), maire à Brécy. 1863 Doublemart, Statuaire à Paris. 1863 De Marct (Arthur), à Compiègne. 1863 De Pomper y, propriétaire, à Ciry-Salsogfne. 1863 Plonquet, Propriétaire à Coincy. 1863 Mors AUNE, Architecte, à Château-Thierry. Digitized by Google - 388 .- 1 865 Hachette, Ingénieur en chef à Chdteau-Thierry . 1865 Martin-Marville, Propriétaire, à Trosly-Loire. 1868 Noue (de), Avocat à Malmédy. 1869 Cheryin, Directeur de l'Institut des Bègues, à Paris. 1869 Piette, Edouard, Propriétaire à Vervins. 1869 Papillon, Propriétaire à Vervins. 1871 Miller, Membre de l'Institut, à Paris. 1853 Baebey, ancien Notaire à Château-Thierry. 1853 Gomart, Charles, à SIrQuentin. 1 871 Montaiglon (de) Professeur à l'Ecole des Chartes. 1874 Cesson (Victor), Artiste Peintre, à Coincy. 1 874 Angot (l'abbé), Curé-Doyen , de Villers-Cotterêts. 1874 Pignon (l'abbé). Curé de Mons-en-Laonnois. 1875 Jacobs (Alphonse), Attaché aux Archives de la Belgique. 1876 Morillon, Membre de la Société de l'Histoire de Paris et des villes de France, à Paris. Digitized by Google Digitized by Google TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE SIXIÈME VOLUME {» série) OU BULLETIN DE LA SOCIETE ARCHEOLOGIQUE HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS AixmPjË i9Ye. PREMIÂRE 6ÉÂNGB, Lundi 7 Janvier 1876. Renouyellement du bureau pour 1876. ... 4 Rapport du Président sur les travaux de Tannée 6 Compte-rendu par le Trésorier, de la situation finan- cière de 1876 13 Proposition d'une étude à faire sur le groupe litté- raire connu dans le pays sous le nom de Société de Vauxbuin 13 Haches en pierre, offertes au Musée par M. de Li- niàres, Lieutenant-Colonel du 67* de ligne . . 14 Lecture d'une notice imprimée de M. de M ortiliet sur les Sépultures du Caranda 14 Mémoires sur Tàge du bronze dans le département de TAisne, par M. Wateiet 15 Digitized by Google - 886 — DEUZISME 8ÉANCB. Lundi 7 Février 1876. Renseignements relatifs aux états généraux deman- dés par le Comité des Travaux Historiques . 34 Essai sur la Boucherie et les Bouchers de Soissons, par M. Biscuit 35 TROISIBMB siANGK. Lundi 6 Mars 1%16. Désignation des membres qui doivent représenter la Société au prochain congrès des Sociétés sa • vantes 52 Communication de M. Michaux au sujet des fouilles de Carauda et de la Sablonnière 52 La Paix de Crépy, mémoire sur le lieu où cette paix a été signée, par M. Michaux 53 QUATRIEME SÉANCE. Lundi S Avril 1876. Nomination de M. Lhotto comme membre titulaire . 68 Echange de communications avec la Société des Antiquaires du centre, à Bourges .... 68 Mémoire de H. de la Prairie sur une médaille offerte en prix à l'Académie ic Soissons, par M. de L-îu brière, Evèque de celte ville . . • . . 69 Ossements de Rhinocéros et de Lophiodons, trouvés à Oisy 70 Digitized by Google - 387 - CINQUIÈMS SÉANCB. Lundi i-' Mai 1876. Echange des publications de la Société contre les Archives générales du département du Nord . . 72 La Société décide qu'elle visitera celte année le Châ- teau de Fère-en-Tardenois et l'emplacement des Sépultures du Garanda et de la Sablonnière . 72 Proposition de pratiquer des fouilles sur remplace- ment du camp de Pommiers et des Grottes de Pasly, ainsi que sur le gisement d'Aisy-et-Jouy. 72 Notice biographique sur Ange Tissier, peintre Sois- sonnais qui vient de mourir à Nice» par M. Tabbé Pécheur 7Î La fin de l'Abbaye de S. Yvod, de Braine, par M. Gollet 75 SlXlillB SiANGB. Lundi 6 Juin 1876 M. Moreau se charge de diriger l'excursion de Fère et de Garanda 104 Rapport de M. de la Prairie sur la Vie de S. Rigo- i»ert , Archevêque de Reims , par M. i'Abbé Poquet 105 SBPTiiMB SÉANGB. Lundi S Juillet 1876. M. Horeau offre pour le Musée divers objets in- téressants provenant des fouilles de Garanda et de la Sablonnière 100 Digitized by Google -- 388 - Rapport sur l'excursion de Fère^ de C&randa et de la SabloQQiére par M. Michaux 109 Description de quelques médailles romaines trou- vées à Caranda et à la Sablonnière par M. Lhotte. 1 17 HUITIÈME SÉANCB. Lundi 7 Août 1976. Allocation de 800 francs accordée à la Société par M. le Ministre de Tlnstruction publique. • 122 Communication faite à la Sorbonne, sur les osse- ments fossiles d'AJzy-et^ouy, par M. Watelet. 122 Note de M. Branche de Flavigny sur une cloche de la commune de Meillant, près Bourges, baptisée par M. de BrichanteaUi évèque de Laon. . 123 NBUTIÀMB SÉANCE. Lundi S Octobre 1876. M. Morillon, membre de la Société de l'Histoire de ' Paris et de l'Ile-de-France, est nommé membre correspondant . 126 Allocation de 200 francs accordée a la Société par le Conseil général de l'Aisne 126 Echange de publications avec la Société archéolo- gique de la Haute-Garonne 126 M. Branche deFlavigny offre pour le Musée un grès , à empreintes de fougères 127 Mort de M. Biscuit, membre titulaire* ... 127 Inscription funèbre de Jean Racine et de Simon de Matiffas. Extraits des inscriptions de la France, de Guilhermy 127 Digitized by Google - 889 — DIZIÈMB SEANCE. LuDdi 6 Novembre 1876, Médaille romaioe trouvée à Bucy-le-Long, offerte au Musée par M. Bâillon 196 Discussion sur la disgrâce de Racine . . . 136 Note sur une tapisserie du Musée de la manufacture des Gobelins, représentant le martyre de saint Cri^pin et de saint Grépinien, par M. De La Prairie 137 ONZIÂMS SlANGB. Lundi 6 Décembre 1876. Monseigneur Odon Thibaudier, évoque deSoissons, et M. le vicomte Fernaad de Montesquieu» conseiller d'Etat, sont reçus membres titulaires. 140 Echange de publications avec la Société belge de géographie et la Société des Lettres, Sciences et Arts de TAveyron 140 Notice sur les pierres tumulaires des églises de Chaudun, de Vierzy, par M. Piettd. ... 144 Mémoire sur la citô des Suessions, par M. l'abbé Pécheur. . ' 165 Divisions de la Gaule avant Gésar 167 I^ Givitas Geltique 168 Le pagus Celtique 170 Divisions de la Gaule après César 177 I^a cité gallo-romaine 18 j Le pagus gallo-romain 181 Divisions de la Gaule après Tinvasion des barbares 184 La civitas mérovingienne et carlovingienne 185 Les pagi mérovingiens et carlovingiens 187 Le pagus et le comiiaius mérovingiens et carlovingiens 191 Moyens de reconnaître les anciennes divisions de la Gaule et de fixer leurs limites 202 I a cité des Suessions 216 Digitized by Google