ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE EjT GENERALE HISTOIRE NATURELLE ~ MORPHOLOGIE - HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDEES FAK HENRI de LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ET E.-G. RACOVITZA CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR ÉS-SCIENCES DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE TOME SIXIÈME PARIS LIBRAIRIE G. REINWALD SGHLEIGHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 Tous droits réservés 1907 TABLE DES MATIERES du tome sixième de la quatrième série (655 pages, IV planches. 109 flgures) Notes et Revue (4 numéros, en pages, 29 figures) Voir la Table spéciale des matières à la page ci Vusnicule 1 (Paru le 3o Janvier 1907) P. DE Beauchamp. — Morphologie et variations de l'appareil rotateur dans la série des Rotifères (avec 14 fig. d. 1. texte) Fascicule 2 (Paru le 25 Février 1907) R. Anthony. — Etudes et recherches sur les Edentés tardigrades et gravigrades. — I. Les coupures génériques de la famille des Bvadipodidœ. — II. Les attitudes et la locomotion des Paresseux (avec 13 fig. d. 1. texte et PI. letll) ; Fascicule 3 (Paru le 25 Février 1907) L. CuÉNOT. — L'origine des nématocystes des Eolidiens (avec 1 flg. d. 1. texte et Pi. III) Fascicule 4 (Paru le i5 Mars 1907) L. Germain. — Essai sur la malacographie de l'Afrique équa- toriale 31 73 103 \ h'^'^7 TABLE DES MATIERES Fascicule b (Paru le 2 Mai 1907) F. HoussAY. — V^ariations expérimentales. Etudes sur six générations de Poules carnivores (avec 47 fig. d. 1. texte) 137 Fascicule 6 (Paru le lo Mai 1907) L. P'aurot. — Nouvelles recherches sur le développement du pharynx et des cloisons chez les Hexactinies (avec 2 tig. d. 1. texte et Pl. IV) 333 Fascicule 7 (Paru le i5 Mai 1907) E.-G. Racovitza. — Essai sur les problèmes biospéolog"iques. Biospéolog-ica 1 371 Fascicule 8 (Paru le i5 Mai 1907) R. Jeannel et E.-G. Racovitza. — Enumération des grottes visitées, 1904-1906 (l'^ série). Biospéologica II 489 Fascicule 9 (Paru le 20 Mai 1907) E. Simon. — Ai^aneae, Chernetes et Opiliones [i''''- série). Biospéologica III (avec 3 tig. d. I. texte) 537 Index alphabéti^ie des matières 555 Versailles. Société Anonyme des Imprimeries Gérardin. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IV^ Série, Tome VI, p. 1 à 29. 30 Jancier 1907. MORPHOLOGIE ET VARIATIONS DE L'APPAREIL ROTATEUR DANS LA SÉRIE DES ROTIFÈRES PAR 1». DE BEAUCHAMP Docteur en Médecine. SOMMAIRE Pag-es I. — Introduction l II. — Etude de quelques appareils rotateurs. i L'appareil rotateur de Notommata (Copeus) cerberus Gosse 4 2 L'appareil rotateur de Diglena fordpata (Muller) 7 3 L'appareil rotateur de Furcularia forficula Ehebg 8 4 L'appareil rotateur de Proaies petromyzon (Ehrbg) 9 5 L'appareil rotateur de Pedalion mirum HUDSON 9 6 L'appareil rotateur de Cyrtonia tuba (Bbœibg) 12 7 L'appareil, rotateur d'Eicchlanis dilatata Ehrbg 1 i 8 L'appareil rotateur iVHydatina senia (Muller) 1(5 III. — La conception générale de l'appareil rotateur et ses variations anté- rieurement DÉCRITES 18 IV. — Conclusions ^ 20 Ouvrages cités 27 INTEODUCTION Dans tous les ouvrages où il est question de Eotifères, traités généraux de zoologie ou mémoires spéciaux, on rencontre d'abord l'affirmation que leur appareil ciliaire est composé de Arch. de zool. exp. et sén. — iv" série. — t. vi. — (i) i 2 P. DE BEAUCHAMP deux couronnes, l'une préorale ou trocJms, l'autre postorale ou cingulum (1), lesquelles sont respectivement homologues des deux couronnes semblables existant chez beaucoup de larves trochophores d'Annélides ou de Mollusques, et sont un des meilleurs arguments en faveur du rapprochement de ces deux sortes d'organismes. On pourrait donc croire que cette structure de l'appareil rotateur est quelque chose de tout à fait général, ou du moins de primitif et d'établi comme tel par une étude approfondie de ses variations dans l'ensemble du groupe. Or si l'on prend la peine de regarder les Rotifères eux-mêmes, en sortant de la demi-douzaine de formes qui ont fixé surtout l'attention des monographes, l'on s'aperçoit que le type clas- sique n'est pas réalisé dans la vingtième partie des espèces ; il s'applique avec peu de variations à presque tous les Bdelloïdes, parmi les Rhizotes aux Mélicertiens (2) qui ont surtout contribué à sa constitution, aux Scirtopodes, à deux ou trois genres de Ploïmes et c'est tout. La très grande majorité de ces derniers qui forment la grande niasse des Eotifères et le groupe, sinon le plus primitif, du moins le moins évolué dans des sens spéciaux, y échappent en entier, et nous verrons tout à l'heure que certains d'entr'eux qu'on avait cru pouvoir y rattacher n'y rentrent nullement. Si d'autre part on cherche dans la vaste bibliographie de l'ap- pareil rotateur une tentative de synthèse de ces formes variées, ou tout au moins de bonnes descriptions des plus caractéristiques d'entre elles, on ne les y trouve pas. Chose étrange à dire, jamais personne n'a pris la peine de figurer les principaux types de l'organe rotateur en dehors des quelques espèces, presque toutes Rhizotes ou Bdelloïdes ([ui ont fait l'objet de monographies (1) Les dénominations de troclius et de cingulum ont été créées par CuniTT en 1872 ; quant aux termes préorale et postorale, ils s'appliquent à un animal orienté horizontalement, la tête en avant, et il est singulier qu'on ne les ait pas modifiés dans les ouvrages, comme la Zoologie concrHe de MM. Delaoe et HéROVAKD (1897). où l'orientation verticale, la tête en haut, est adoptée, comme noua le ferons ici. Les termes de supra-orale et d'infra-orale sQ-ivent seuls s'appliciuer en ce cas. (2) J'adopte ici la subdivision des Rliizotes en Mélicertiens et Flosculariens proposée par HàRToo (1901) et qui est beaucoup plus justifiée que celle des l'ioïmes en Loriqués et lUo riqués. L'APPAHRfl. ROTATI-rn DKS l{OT[FKRES 3 étendues. On a généralisé la disposition de ces dernières au lieu de tirer une notion synthétique d'une étude comparative com- ])Iète, on a fait ce qu'aurait fait Gosse si au lieu d'écrire son mémorable travail sur les mastax il s'était borné à décrire le type malléo-ramé par exemple et à af&rmer que tout s'y rap- porte. Il faut néanmoins citer le très intéressant travail de WESENBERCT-Limo (1899), le seul auteur qui ait eu l'idée d'étudier l'appareil rotateur dans la série des Ploïmes sans conception a priori et soupçonné son importance systématique ainsi que ses corrélations avec le reste de l'organisme (le mastax notamment) et le genre de vie de l'animal. Mais son étude anatomique, restée toute superficielle, ne lui a pas montré les véritables homologies et son mémoire, entièrement écrit en danois, n'a pas eu les lecteurs qu'il méritait. Cette étude ne demandait pourtant pas de moyens d'investigation bien per- fectionnés ; il n'y faut qu'un peu de patience, car elle doit être faite en majeure partie sur l'animal vivant et il n'est pas toujours commode d'obtenir de bonnes vues d'une extrémité céphalique bien étalée et bien orientée, même avec l'aide des anesthésiques. Le présent travail n'a pas pour objet l'étude détaillée de l'ap- pareil rotateur dans toutes les familles ; il consistera en descrip- tions aussi exactes que possible de quelques formes peu connues, en rappelant pour la comparaison seulement celles déjà bien décrites. L'on pourra, je crois, par la suite rapporter à ces exemples presque toutes les variations existantes. C'est dans les mono- graphies systématiques qu'il y aura lieu plus tard de poursuivre celles-ci dans chaque genre ou famille. Je chercherai ensuite à les relier dans une notion générale de l'appareil rotateur qui me conduira à élargLr le schéma classique, mais je m'abstiendrai pour le moment d'entrer dans les conséquences importantes qu'on en peut tirer au point de vue des rapports des Rotifères avec les autres groupes voisins, et surtout de la conception et de la relation réciproque de leurs diverses coupes systém'atiques ; elles seront développées dans un travail ultérieur oii pourront 4 P. DE BEAUCHAMP intervenir les arguments tirés du reste de l'organisation. Je ne citerai donc pas ici les interminables discussions interprétatives et phylogéniques auxquelles l'appareil rotateur a donné lieu et ne donnerai comme bibliographie que les descriptions anté- rieures de chaque espèce considérée. Seront également laissés de côté pour le moment les détails histologiques de la couronne, les dessins ci-joints, légèrement schématisés, ne donnant que la disposition des cils ; les contours du mastax, du cerveau et de l'organe rétro -cérébral ont seuls été figurés pour servir à fixer les rapports ; la considération de ce dernier (voir mes deux notes, 1905 c et 1906) est extrêmement importante et permet de retrouver les homologies dans beaucoup de cas où on les a méconnues jusqu'ici. De chaque extrémité céphalique sont figu- rées en général deux vues. Tune ventrale, l'autre latérale ou dorsale qui donnent une idée complète de l'appareil rotateur mieux que la vue frontale ou supérieure, qui fournit de très belles figures, mais présente la région buccale en un raccourci parfois inadmissible, et de plus est fort difScile à obtenir malgré les artifices préconisés par Masius (1890) et Eousselet (1902). IL ÉTUDE DE QUELQUES APPAREILS ROTATEURS 10 L'appareil rotateur de Notommata (Copeus) cerberus Gosse Cette espèce, intéressante en raison de sa grande taille qui la rend d'une étude facile et que j'ai pu me procurer en grande abondance, n'est point aisée à déterminer ; c'est M. Ch. F. Rous- SELET, de Londres, qui, non sans hésitations, a fini par identifier avec certitude mes spécimens à l'espèce de Gosse bien qu'elle semble à première vue fort diiïérente de la description et de la figure assez médiocres de cet auteur (1886) ; je lui exprime ici tous mes remerciements pour son obligeance. Ce rapprocliement méritera d'être confirmé par une étude détaillée que je ferai en une autre occasion. Cela d'ailleurs n'a rien à voir avec l'étude de son appareil rotateur, choisi ici en raison de sa facilité d'étude, mais qui ne s'écarte en rien de celui des Notommata les plus L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 5 typiqiies, notamment de Tespèce commune N. aurita (le genre Copeus doit former à mon sens un simple sous-genre de Notom- mata, dont il ne diffère que par des caractères tout relatifs et non réunis dans toutes ses espèces, et la forme en question est celle qui s'écarte le moins des Notommata proprement dites). //Z/ Figure l. — Notommata (Copeus) cerberus Gosse; t^te x 320 environ; I, vue ventrale; II, vue latérale ; c, ceinture clrcumapicale ; p, plaque buccale ; o, oreillettes ; g, cerveau ; s, sac rétro-cérébral; r, glande sub-cérébrale ; b, bouche ; m, mastax. Cet appareil rotateur (fig. 1) consiste en un vaste champ cilié couvrant les faces supérieures et ventrales de la région céphalique dont il occupe toute la longueur en haut tandis qu'il se rétrécit en bas pour se terminer en pointe obtuse, légèrement saillante à la surface du corps. La bouche étant au milieu du champ, cette dernière portion peut, bien que non individualisée comme dans d'autres cas dont il sera question tout à l'heure, être qualifiée dès à présent de lèvre inférieure. Elle est tapissée de cils très fins et très courts, à peine plus longs sur les bords, qui paraissent très régulièrement disposés en quinconces. Cette ciliation homogène se continue latéralement à la dépression buccale et plonge à son intérieur jusqu'au mastax. Au-dessus de la bouche les cils deviennent graduellement plus longs et l'on s'aperçoit qu'ils laissent à nu sur la ligne médiane une petite dépression que surplombe un pli cuticulaire nette ^ 6 P. DE BEAI CHAMP ment marqué. Cette dépression est tout à fait terminale sur l'animal étendu (dans la fig. 1, I, il ne l'est pas complète- ment) et c'est à son intérieur, à la base du pli cuticu- laire, que viennent déboucher les deux conduits du sac rétro -cérébral (le cerveau est enfoncé beaucoup plus bas dans les tissus, comme on le voit sur la coupe fig. 2, re- production fidèle d'une pré- paration) ; elle est, comme nous Talions voir , d'une importance capitale pour rapprocher des autres appa- reils rotateurs celui de No- tommata considéré jusqu'ici comme très aberrant, et elle n'a jusqu'ici été aperçue que par Bergendal (1892), le seul auteur d'ailleurs qui ait figuré avec précision la cilia- tion des Notammatidés ; il l'a décrite très nettement chez N. gronlandica. Dorsa- lement à elle, nous trouvons donc encore une large bande couverte de cils plus longs que ceux de la région ven- trale, limitée en arrière par un bourrelet cuticulaire transversal et se continuant latéralement avec celle-ci. A leur point de jonction existe une autre différenciation ; ce sont les oreillettes si fréquentes chez les IS^otommatidés. Elles sont représentées invaginées sur la vue de profil, semi-étalée à droite, étalée à gauche, sur la vue de face ; un coup d'œil sur ces figures suffit à montrer que ce sont simplement des Fig. 2. — Notommata (Copeus) cerbenis UOSSE ; coupe sagittale paramédiane x 350. Mêmes lettres que la précédente, et : cr. crochet cuti- culaire ;. oe, œsophage ; i, intestin ; r, vitello- g^ne ; 7. glande pédieuse. L'APPAREIL ROTATELR DES ROTIFÉRES 7 régions du champ cilié général oii les cils sont beaucoup plus longs, mais rattachés au reste par des intermédiaires. Elles sont invaginables, sous l'action d'un muscle spécial, en une poche qui abrite ceux-ci quand l'animal rampe, mais peuvent au contraire quand il nage s'évaginer en une sorte de corne trans- versale. Il existe deux touffes contiguës de ces longs cils, l'ex- terne plus longue, qui se traduisent à l'état de rétraction par un aspect bilobé .de la poche ; leur continuité avec le reste de la ciliation est évidente. Mentionnons encore que le champ ciliaire est longitudinalement. au moins au-dessus de la bouche, déprimé sur la ligne médiane, ébauche d'une division en deux champs latéraux qui existe chez d'autres formes. Ce type d'organe rotateur se rencontre chez la plupart des Notommata proprement dites (du type de N. aurita car le genre, malgré les expurgations qu'il a subies, est encore assez hétéro- gène) et chez quelques genres voisins, avec des modification,^ de détail portant uniquement sur les proportions des différentes parties, oreillettes et lèvi'e inférieure principalement. En parti- culier dans les formes extrêmes des Copeus. tels que C. copeus (Ehrbg), ces parties s'allongent beaucoup; la seconde se détache complètement du corps jusqu'à la bouche, et dans les premières la touffe distale de cils subsiste seule, sa continuité avec le reste de la ciliation n'étant plus apparente. 2" L'appareil rotateur de Diyleint for rijKila (0. F. Millier) Chez D. foreipata, l'appareil rotateur (fig. 3) rappelle beaucoui) à première vue celui des Notommata ; c'est un champ cilié encore plus allongé s'étendant en arrière et en avant de la bouche qu'atïleure directement le mastax- forcipé, avec ébauche de sillon médian de même. On voit en haut des cils plus longs s'in- sérer latéralement dans deux légères dépressions, et l'on y reconnaît de petites oreillettes invaginées, qui n'ont pas été mentionnées jusqu'ici dans les descriptions de l'espèce car elles sont fort rarement évaginées chez cet animal qui nage peu. Le repli cuticulaù'e supérieur existe, très accentué, et prend vu p. DE BEAUCHAMP de profil l'aspect d'un véritable crochet depuis longtemps décrit par les auteurs. 3Iais il se continue en arrière directement avec la cuticule du corps. Son homologie avec celui des Notommata n'est pourtant pas dou- teuse, car à sa base, où sont placés les deux yeux , s'ouvrent les deux conduits de l'ap- pareil rétro - cérébral (que j'ai pu le premier déceler dans cette es- pèce par la coloration vitale). Il faut donc T. „ r>. , . .. ,T.T V ^-^ on„ admettre que toute la FiG. 3. — Diglena forcipata (Muller) ; tête x 360 env. ^ I, vue ventrale ; II, vue latérale. Mêmes lettres que partie pOStéricure à lui précédemment. de 1 appareil rotateur a disparu chez Diglena. Cette disposition se rencontre chez un certain nombre d'es- pèces du genre Diglena et des genres voisins {Pleurotrocha, etc.) et chez les Bdelloïdes du genre Adineta. 3° L'appareil rotateur de Furcnlaria forficula Ehrenberg Dans F. forficula (fig. 4), l'appareil ciliaire est beaucoup moins développé ; les cils recouvrent l'extrémité céphalique conique sans dilïérenciation bien mar- quée, en ne laissant que deux espaces nus ; l'un, presque ter- minal, entoure la bouche, pour- vue de lèvres protractiles, l'autre, un peu plus dorsal, présente un petit repli cuticulaire à la base duquel est l'œil et qui est certainement homologue de celui des o r__ y-i--/ -.J7V FiG. 4. — Furcularia forficula Ehrbg ; tête, vue latérale x 570 environ. Mêmes lettres L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES ^ deux formes précédentes. Somme tonte, la différence de propor- tions qui empêche de distinguer une partie buccale d'une partie circumapicale est, en outre de l'absence d'oreillettes, tout ce qui distingue cette disposition de celle de Notonwiata. Ce type est assez général chez les Furcularia, et surtout chez les Dias- chiza. 4" L'appareil rotateur de Proaies pelromyzon (Ehrenberg) Chez cette forme comme chez la précédente, l'appareil rota- teur est réduit à une ciliation à peu près circulaire de la région céphalique, mais les rapports en diffèrent assez profondément (fig. 5). Elle est tout entière supérieure à la bouche et comprend un champ frontal tapissé de cils régulièrement disposés qui plongent à la partie infé- /^ — rieure dans celle-ci et croissent à me- sure qu'ils s'en éloignent, deux touffes latérales assez développées pour simu- 1er presque des oreillettes, et un autre arc dorsal qui les raccorde. Entre 1 . . , , 1 p i 1 „j '4. 1 FiG. 5. — Proaies petromy^on (Ehkbg) ; celui-ci et le champ frontal s étend un ^.^^ ^^ ,^^.^^j^ ^7oo environ. petit espace nu oii s'élèvent deux Mêmes lettres. tentacules sétigères et que, vu l'absence de sac rétro -cérébral développé aussi bien que de repli cuticulaire, on ne peut qu'avec doute homologuer à la place oii se trouvent ces formations chez Notommata et Diglena. En somme on arrive à cette dispo- sition par : 1° la suppression de toute la partie infraorale du champ ciliaire de ceux-ci ; 2° la raréfaction des cils accompa- gnée comme toujours de leur différenciation. Un intermédiaire est réalisé par Pr. decipiens (Ehrbg) où l'appareil ciliaire est disposé exactement comme celui de D. forcipata, mais ne se prolonge pas en arrière de la bouche. 5" L'appareil rotateur de Pedalion niirum Hudson Cette forme a été bien décrite par Hudson (1886), puis par Levander (1894) ; il n'en existait néanmoins pas de figure 10 p. DR BEATT.ITAMP montrant bien les caractères sur lesquels nous devons insister. Elle paraît s'écarter beaucoup des précédentes, tout en réali- sant entièrement le type conventionnel de Fappareil rotateur ; mais décrivons-la d'abord (lig. 6). La surface supérieure tronquée de la tête est occupée par un vaste champ nu à la partie ventrale duquel le cerveau est immédiatement accolé. Ce champ est divisé eu deux lobes, droit et gauche ; une bande finement ciliée en fait le tour, interrompue par une lacune dorsale entre ceux-ci, tandis que ven- tralement elle s'élargit un peu, porte la bouche en son milieu, se continue avec l'œsophage cilié et se prolonge vers le bas en une lèvre inférieure courte, mais saillante pres- que horizontalement. Elle est bordée en haut i^ar une rangée de cils longs et forts qui passe au- dessus de la bouche (c'est elle qui donne lieu, par une illusion bien analysée FiG. fi. — Pedalion nUrum Uiw^o-x : extrémité supé- par ZeLINKA, 1886, chcZ rieure x 250 environ. T. vue ventrale ; II, vue laté- ^ ,,.-,. ; t i,.,. ,„^v.r.rv , „. , ..^ , - X.1 4. 4. 1 (lalhdina, a J apparence raie. Mêmes lettres que les précédentes, et : rt, champ ' w"'^""" " » ii apical ; if, trochus ; Z, lèvre inférieure. d'unC doublc rOUC tour- nante qui a tant frappé les anciens observateurs et d'où ])ro- vient le nom d'organe rotateur) ; elle l'est en bas par une autre rangée de cils beaucoup plus courts, guère plus longs que les siens, qui borde également la lèvi'e inférieure. Tous les cils qui tapissent celle-ci sont beaucoup plus longs (jue ceux du reste. Au fond, cette disposition n'est pas si éloignée qu'elle le parait de celle de Notommata : le large champ nu de Fedalion correspond au petit espace frontal de celui-ci ; il s'est chez le premier IVAPPAREIL HOTATETll DES UOTIFERES 44 considérablement rétréci en même temps que le cerveau s'enfon- çait dans la profondeur, mais ses rapports primitifs avec lui sont encore attestés par la présence des orifices de l'appareil rétro - cérébral (celui-ci n'a pu être décelé chez Pedalion mirum, mais chez Pterodina clypeata où l'organe rotateur est tout à fait analogue sauf l'absence de lèvre inférieure, il en existe un rudi- ment avec deux conduits débouchant à droite et à gauche sur l'espace apical). La bande ciliaire qui entoure ce champ est naturellement beaucoup ])lus développée, tandis que la ciliation ventrale a subi une régression, l'animal étant pélagique au lieu de ramper parmi les végétaux, et pourtant la lèvre inférieure est encore bien marquée. Enfin la présence de cils plus longs sur les deux bords du sillon cilié, surtout le supérieur, est commandée chez un animal nageur par des raisons purement mécaniques. Quani à l'interruption dorsale elle est tout à fait secondaire et on en rencontre de semblables à chaque instant dans l'étude des appareils rotateurs, même chez des types très voisins. La disposition réalisée chez Pedalion est, nous n'avons pas besoin de le rappeler, celle qui se rencontre, en outre de Pterodina, chez les Ploïmes, dans les Philodinidés parmi les Bdelloïdes et les Mélicertiens chez les Rhizotes, avec des complications secondaires (présence d'une trompe, lobes plus nombreux). C'est à elle qu'on a emprunté le type prétendu fondamental de l'organe rotateur où l'on décrit les deux couronnes supra- et infra-orale sans insister d'habitude sur le sillon cilié qui les sépare ; mais on a trouvé celui-ci dans la plupart de ces formes dès qu'on a voulu y regarder de près. Levander l'avait déjà vu dans Peda- lion (1894), Plate l'a signalé dans Pterodina (1889), Zelinka dans CalUdina (1886), Hlava dans Conochiloides (1905), et bien qu'il ne figure pas dans les descriptions nombreuses de Melicerta ringens, j'ai pu m'assurer de sa présence chez cette forme où les cils sont, il est vrai, fort ténus. 12 P. DE BEAUCHAMP 6" L'appareil rotateur de (Ji/z-lo/tia fiibn (Ehrenberg) La couronne ciliairc de C. tuba a été bien décrite et figurée par EousSELET (1894) auquel nous devons tout ce que nous savons sur cette espèce dont il a fait à juste titre un genre spé- cial. Mais ses figures ne se prêtent pas à la comparaison avec les nôtres, et son interprétation a été viciée par la préoccupa- tion des « deux couronnes » classiques bien qu'il ait reconnu qu'elle forme passage entre Notommata et Hydatina. J'ai eu la bonne fortune de pouvoir me procurer de cette espèce rare quelques exemplaires que j'ai étudiés au point de vue de l'ap- pareil rotateur et qui m'ont fourni des conséquences impor- tantes quant à l'interprétation de celles qui vont suivre. FlG. 7. — CyHonia tuba (Ehrbg). Extrémité supérieure x 380 environ. Mcpies lettres que les précédente*, et : t, touffes ciliaires supérieures ; d, arcs ciliaires adoraux. Chez CyHonia (fig. 7) il existe encore un vaste champ apical nu qui se relève dorsalement en pointe très obtuse ; il est limité par une rangée de cils assez forts dont la longueur est minima, sans pourtant qu'ils s'interrompent, au sommet de cette pointe, sur la ligne médiane dorsale. Deux soies un peu plus fortes, sans doute sensorielles, se trouvent de part et d'autre de celle-ci. Latéralement la ceinture ciliaire, en décrivant une sinuosité dont les cils sont plus longs, vient se jeter dans les angles d'une aire circumbuccale ciliée qui occupe toute une large troncature antéro -supérieure se raccordant au champ frontal et à la surface du corps. Vue de face, elle a la forme d'un quadrilatère allongé . L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 13 transversalement ; dans sa moitié inférieure se trouve la bouche, fendue dans la hauteur. Elle est bordée de deux rangées de longs cils, incurvés vers son intérieur, qui à son extrémité supérieure se portent transversalement en dehors, divisant l'aire buccale en deux champs superposés. L'inférieur, séparé lui-même en deux moitiés symétriques par la bouche, est nu ou ne porte que quelques cils clairsemés ; il est séparé de la surface du corps par deux arcs ciliaires rejoignant l'extrémité inférieure de la fente buccale. Le supérieur, beaucoup plus vaste, est tout entier tapissé de cils relativement longs (plus que chez Notommata), et sa limite supérieure est formée par une rangée de cils très longs, séparés en une touffe médiane plus haute et deux laté- rales s'abaissant graduellement ; elles bordent immédiatement le champ cilié, au contraire de ce que figure Eousselet. A l'angle externe de ce champ, les trois rangées de cils que nous venons de décrire se confondent entr'elles et avec la ceinture circum- apicale, ou plutôt toutes se confondent avec les cils du champ lui-même beaucoup plus longs à cet endroit, ce qui donne lieu à l'apparence d'oreillettes bien vue par Rousselet. Si nous comparons maintenant cette organisation à celle de notre premier type, nous constatons d'abord la dilatation du champ apical comme chez Pedalion (le cerveau n'y est pas immé- diatement sous-jacent, mais ses nerfs rayonnent vers lui ; le petit nombre d'exemplaires à ma disposition ne m'a pas permis de rechercher l'appareil rétro-cérébral, mais je ne serais pas étonné qu'il en existât un rudiment comme celui que j'ai décrit dans Hydatina, [1906]). Mais à l'inverse de Pedalion, la bande ciliaire qui contourne ce champ s'est réduite à une simple rangée de cils forts (chose déjà réalisée dans quelques IS'otommatidés : voyez ci-dessus Proaies et la description de Notommata distincta par Bergendal, 1892), tandis que l'aire buccale gardait un grand dévelox)pement. Toutefois sa partie supérieure reste seule complètement ciliée et se borde de cils plus longs, l'inférieure régressée se réduit à deux arcs ciliaires séparés de celle-ci et se rejoignant à l'extrémité inférieure de la bouche, que nous allons H 1', l)F, HEATTHAMP maintenant rotrouver chez toutes les formes qu'il nous reste à examiner. 7" L'appareil rotateur dH lùiclihuii^ dilntulti Ehrenberg Cette forme très commune a été souvent décrite ; les anciennes descriptions de Leydig (1854) et Cohn (1858) sont incomplètes, celle d'HuDSON (1872) in- exacte, celles ])lus récentes d'EcKSTEiN (1883), de Plate (1886), de Weber (1898), sont correctes et sensible- ment concordantes. Mais il n'eu avait pas encore été donné de ligure détaillée et permettant la comparaison avec les précédentes. I^ous reconnaissons à première vue (fig. 8) le champ cUié de f'yrtonia où s'ouvre inférieu- rement la bouche ; mais il est beaucoup plus réduit, triangulaire de forme, et les cils qui le tapissent sont très courts, à rinverse de ceux qui le bordent : les latéraux, peu nombreux, se portent en dehors, les supérieurs for- ment trois rangs différenciés de taille croissante à partir du bas et dont le dernier est divisé comme dans la forme précédente en une touffe médiane et deux latérales, un peu plus élevées. Celles-ci en dehors s'incurvent légèrement vers le bas sans rejoindre tout à fait les deux autres côtés du triangle. Les deux arcs ciliaires inférieurs de Cyrtonia sont ici bien développés et complètement indépen- P'k;. 8. — Euchanix (Hlalula Khkhg. Tête x 27^ environ. T. vue ventrale : II, vue dorsalf Mêmes lettres Que précédenimeut. l/APPAHEIl. HOTATETTR DES UOTTFÈRES 15 ■È> (f —P fn dants du champ ; ils se réunissent en bas sous la bouche, s'in- curvent en dehors et se terminent sur les côtés sans se continuer avec ceux dont nous allons parler. La ceinture circumapicale enclôt un espace beaucoup plus petit, mais qui renferme les deux ,^; papilles par où s'ouvre le sac rétro-cérébral, flanquée chacune en dehors d'une petite éminence qui porte des soies sensorielles (elle a été bien vue par Plate ; cf. les tentacules que nous avons vus chez ProaJes 'petromyzon). La coupe de la iig. 9 montre les rap- ports des organes céphaliques identiques à ce qui existe chez Notommata. Quant à la ceinture elle-même elle comprend deux parties bien distinctes : une ran- gée dorsale juste derrière les pa- ]iilles, dont les cils assez longs s'abaissent et s'interrompent presque sur la ligne médiane ; deux rangées latérales placées notablement plus bas et séparées d'elle par une forte lacune ver- ticale, qui sont formées de cils Fig. O. — Emhlanis dUatata Ehkhg. Coupe , ^ , ^ ^ t, j_ X ' sagittale paramédiane x 350. Mêmes lettres. très longs, très forts, recourbes en dehors, qui rappellent presque des oreillettes (la présence de cils plus longs aux extrémités latérales de la couronne est, nous l'avons vu, un fait fréquent, surtout chez les formes dont le corps est autant ou plus large que celle-ci ; elle s'explique évidemment par des raisons mécaniques fort simples). Ces deux arcs latéraux de la ceinture postérieure restent séparés par un certain espace de ceux qui passent sous la bouche; les rangées limitant le champ ciliaii'e ventral arrivent entre les deux et 16 P. DE BEAUGHAMP ne les touchent pas davantage. Toutes les espèces d'Euchlanis sont conformes à ce type. 8^ L'appareil rotateur à!Hi/datinn senta (0. F. Millier) Cette forme, si favorable à Fétude et dont pourtant nous ne possédons pas une monographie détaillée, a eu sa couronne figurée et décrite autre- fois par OOHN (1856) et Leydig (1857), plus ré- cemment par Plate (1886), qui Ta fait cor- rectement. L'importance de son interprétation étant grande, j'en re- donne néanmoins une figure (fig. 10). Elle dif- fère somme toute fortpeu des deux précédentes : le champ ciliaire supra - buccal est encore plus réduit que chez Euchla- nis, tapissé de cils très fins qui plongent dans la bouche. Ils ne mon- tent pas tout à fait jusqu'aux deux rangées de cils forts, les supé- rieurs plus grands et plus espacés, qui le limi- tent et sont eux-mêmes surmontés, toujours comme chez elle, par trois touffes de cils, qui, simple bordure du champ chez Cyrtonia, sont ici extrêmement diiïérenciées. Tout d'abord elles sont formées de lamelles triangulaires très larges, que leur dissociation aisée sous l'influence des réactifs montre, aussi bien que l'étude histologique, être de véritables cils Fig 10. — Eydatina senta (Muller). Tête x 260 environ. I, vue ventrale ; II, vue dorsale. Mêmes lettres. L'APPAUKIL HOTATEliH DES ilOTIFÈRKS 17 composés. Comme elles n'ont pas encore en français de nom qui s'applique bien à elles, je propose de les appeler membranelles ainsi que celles des Tnfusoires Hétérotriches aux- quelles elles sont absolument comparables au point de vue histologique comme cils composés, au point de vue morpholo- gique général comme différenciation d'un champ ciliaire d'abord homogène. La touffe médiane se décompose en deux rangées de mem- branelles superposées : une ventrale presque sessile en a sept, une dorsale, portée sur une éminence très saillante, en a quatre. Les deux latérales, également portées par des surélévations du champ, se décomposent elles-mêmes, cette fois dans le sens transversal, en deux : la partie interne a deux membranelles, rarement trois, l'externe en a cinq d'après Plate, plus souvent d'après mes observations six ou sept ; les dernières s'inflé- chissent vers le bas et restent séparées par une lacune de deux rangées, de membranelles également, qui limitent le champ ciliaire sur les côtés et plongent avec lui dans la bouche. L'ensemble constitue ce que les auteurs ont appelé la « cou- ronne préorale » de l'Hydatine. Mentionnons un détail non vu par Plate : ces deux rangées latérales sont doublées chacune d'une rangée de cils ordinaires très régulièrement intercalés entr'elles. A la partie inférieure, ils se continuent par deux touffes linéaires dans l'intérieur de la bouche au-dessous des dernières membranelles ; à la partie supérieure, par deux petits arcs ciliaires doublant les touffes latérales et se continuant avec la plus inférieure des deux rangées transversales décrites tout à l'heure (qui sont formées également de membranelles, mais plus petites). Une ceinture postérieure de cils fins et serrés court parallèle- ment aux trois touffes supérieures et un peu plus bas. Elle enclôt un champ apical bien étroit comparé à ceux de Cyrtonia ou de Pedalion, mais oii aboutissent les deux tractus qui terminent l'appareil rétro-cérébral rudimentaire décrit par moi chez cette forme (un peu en arrière de la touffe médiane, par conséquent, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET UE.N. IV^ SERIE. T. VI. (il 2 18 l\ DE BEAUCHAMP et non de part et d'autre d'elle comme je l'ai dit par erreur dans ma note 1906). Elle se continue avec les arcs ciliaires adoraux se réunissant sous la bouche et formés de cils semblables, sans autre démarcation qu'une inflexion oii s'insère une forte soie sensorielle (deux autres soies semblables existent plus dorsale- raent, sans doute homologues de celles que j'ai signalées dans Cyrtonia). L'ensemble forme la couronne postorale des auteurs. A côté de l'appareil rotateur de l'Hydatine, il faut placer celui des Brachions qui lui sont rattachés par l'intermédiaire du genre Notops. Il a été bien figuré par Eckstein (1883) chez Brachionus urceolaris Mùller, ce qui me dispense de le dessiner à nou- veau. Là est encore plus accentuée la disposition en double cou- ronne (profondément différente comme on le voit de celle de Pedalion et des Mélicertiens), compliquée par la présence de lobes qui s'intercalent entre les épines de la carapace. La « cou- ronne pré-orale » forme trois lobes (voir le schéma K, fig. 13), les deux latéraux larges, bordés de cils forts et longs mais sans autre différenciation, le dorsal très long et ovi l'on reconnaît à première vue la touffe médiane postérieure de l'Hydatine. Toute la surface de ces lobes est tapissée de cils très fins, bien figurés par Eckstein et dont j'ai moi-même constaté la pré- sence sur plusieurs espèces de Brachions. Ils se continuent avec la ciliation de l'entonnoir buccal. Quant à la « couronne post- orale », elle comprend deux lobes dorsaux bordés par la ceinture circumapicale, deux ventraux — non raccordés aux ])récé- dents — par les arcs adoraux. Je n'insiste pas sur la disposition des soies sensorielles. m. LA CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'APPAREIL ROTATEUR ET SES VARIATIONS Il nous est maintenant facile de nous fah'e une idée générale de l'appareil rotateur et de concevoir une forme simple, appa- remment primitive, dont il nous sera aisé de faire dériver toutes les autres par des modifications étroitement liées au genre -,y L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 19 de vie. J'espère pouvoir prouver ailleurs, en sortant du groupe des Eotifères, que c'est en effet une voie qu'a dû suivre la diffé- renciation pbylogénique et qui explique seule les ressemblances et les rapports entre un certain nombre de formes animales. Nous ferons ce type morphologique intermédiaire à Notommata et à Pedalion (flg. 11). Un large champ apical nu, qui représente le point de l'ectoderme oii s'est différencié le cerveau (celui-ci n'est plus en contact direct avec lui chez les Eoti- fères) Il n'a iamais ^^^' ^^' ~ ^^^^^^ '^" *yP'' générai de rappareil rotateur. *' ^ Mêmes lettres. de cils moteurs, mais porte fréquemment des soies et organes sensoriels. C'est, en un mot, pour lui donner son véritable nom qui indique du coup ses homologies, une plaque syncipitale. L'on y trouve encore les orifices du sac rétro -cérébral, différenciation glandu- laire de l'ectoderme apical qui s'applique à la face postérieure du cerveau. Ce champ est entouré d'une bande finement ciliée que nous appellerons bande circumapicale. En avant elle s'élargit pour se jeter, sans démarcation nette, dans un vaste champ ventral également cilié où s'ouvi'e la bouche et que nous appel- lerons la plaque buccale; nous y distinguerons dès à présent, en vue de l'étude des modifications qui vont suivre et bien qu'elles ne soient pas séparées chez ce type primitif, une portion supra- orale, une adorale et une infra-orale. Si nous admettons que des cils un peu plus forts, surtout "au bord supérieur, suivent les contours de cet appareil ciliaire (qui présente comme on le voit la forme d'une bague avec son chaton), on pourra dire que ce schéma diffère peu du schéma classique dans lequel Delage et HÉROUARD (1897) et Hartog (1901) ont compris correctement la ciliation de l'espace compris entre les deux couronnes. Il en diffère pourtant : 1° par l'importance majeure 20 P. DE BEAUCIIAMP attribuée à cette ciliation, dont les couronnes ne sont qu'une différenciation non constante ; 2° par la distinction essentielle entre la portion buccale et la portion circumapicale. Chez Notommata, forme rampante (fig. 12 A) la tête s'allonge et le cerveau s'enfonce dans la profondeur ; l'aire syncipitale se réduit par suite à une petite dépression nue que permettent seuls d'homologuer les conduits de l'appareil rétro -cérébral. Une bande circumapicale plus ou moins développée le contourne, peu distincte de la plaque buccale qui au contraire est très éten- due et se prolonge loin en arrière de la bouche, souvent diffé- renciée en lèvre inférieure. Sa ciliation uniforme constitue, comme chez une Planaire, le seul moyen de locomotion de l'ani- mal quand il rampe ou nage lentement. Quand il nage avec vi- gueur, apparaissent deux oreillettes qui ne sont qu'une différen- ciation latérale de l'appareil ciliaire, invaginable et à cils allongés. Chez Diglena (fig, 12 B) le type est identique, sauf la disparition totale de la ceinture circumapicale inutile à la reptation (ce type est aussi réalisé fort loin de là dans Adineta, correspondant au second type bdelloïdique d'HuDSON [1886]). Chez des formes moins exclusivement rampantes, on observe une série de régres- sions à partir des deux précédents, avec développement varié des diverses parties, mais le plus souvent disparition de la portion infra-orale comme nous l'avons décrit chez Proaies et Furcularia. On remarquera que ces deux formes tendent par simplification à la constitution d'un cercle ciliaire unique, supra-oral chez l'une, infra-oral chez l'autre (Cf. ma description de Drilo'pliaga Delagei de Beauchamp et Pleurotrocha parasitica, Jennings 1905 h) et que ceux-ci ne préjugent ainsi nullement l'existence d'un type normal à deux couronnes. Ces exemples suffisent à indiquer les très nombreuses variations qu'offrent les Notommatidés dans leur appareil ciliaire, suivant le genre de vie, et dans la revision si nécessaire de cette famille il sera aisé de les y rattacher presque toutes (voir les figures de Bergendal, 1892). Dans un second groupe de formes, la disposition est précisément L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 21 inverse : élargissement de la bande circumapicale, réduction de la plaque buccale qui ne sert plus à la reptation ; chez Feda- lion mirum (fig. 12 D) et quelques Mélicertiens elle forme encore une lèvre inférieure, jouant sans doute un rôle dans la préhen- sion des aliments et qui manque dans l'autre espèce du genre Pedalion (voir Levander, 1894). Les deux bords de l'appareil ciliaire se garnissent de cils beaucoup plus longs, surtout au bord sui)érieur, qui prennent le rôle XJrincipal dans la propul- FiG. 12. — Schéma de queltiues appareils rotateurs : A, Notommata ; B, Diglena ; C, Eos- phora ; P, Pedalion ; E, Melicerta ; F, Callidina. sion chez les formes nageantes, dans l'adduction des particules alimentaires chez les fixées, tandis que la ciliation qui les sépare devient très fine. Il y a d'ailleurs une division du travail connue depuis longtemps entre ces parties : le trochus, mettant l'eau en mouvement dans le sens vertical, produit la progres- sion ou amène les paroicules flottantes à portée du cingulum et de la bande ciliée qui les acheminent vers la bouche, dans le plan horizontal. Ce type correspond à l'un des deux types rhizotiques d'HuDSON et l'un de ses deux types bdelloïdiques : il est en effet réalisé, chez les Ploïmes, dans la famille des -2^2 P. DE BEAUCHAMP Pterodinidés (1), chez les Scirtopodes, chez les Ehizotes Méli- certiens où il se complique peu à peu en se lobant pour augmenter l'étendue de la ligne ciliaire utile (fig. 12 e), enfin chez les Bdelloïdes dans leur principale famille, les Philodinidés, où apparaît un nouvel organe, la trompe, en rapport avec le mode particulier de reptation (fig. 12 F). Je n'insiste pas sur celle-ci, Zelinka (1891) ayant magistralement démontré par l'embryologie qu'elle correspond à une partie médiane du champ apical lui-même, qui a donné naissance à la partie postérieure du cerveau et se déplace ensuite vers le dos : si ces animaux avaient un sac rétro -cérébral, c'est au sommet de la trompe qu'il s'ouvrirait. Parlons ici du cas d'Eosphora digitata Ehrbg dont j'ai publié une figure l'année dernière (1905 a). Elle possède dorsalement (fig. 12 C) deux couronnes, dont la supérieure est interrompue par deux protubérances oculaires ; un peu en avant d'elle, deux tentacules sétigères et les orifices du sac rétro-cérébral. Latéralement, les deux couronnes se réunissent en une seule qui vient se fermer sous la bouche. Nous avons là un cas analogue au précédent par la duplicité postérieure des couronnes dérivées de la bande circumapicale, mais avec disparition complète de la plaque buccale. La raison en est simple : en dehors des formes rampantes, celle-ci sert à amener à la bouche les débris ou les petits êtres vivants dont se nourrit l'animal. Quand son régime se compose de proies vivantes de grande taille, qu'il saisit direc- tement avec un mastax forcipé plus ou moins préhensile, ce qui est le cas ici, elle n'a plus de raison d'être et disparaît. Eosphora digitata nous mène par l'intermédiaire de Triphylus lacustris (Ehrbg) qui a le même type aux Asplanchna dont les mœurs sont les mêmes et où n'existe plus qu'un cercle ciliaire simple (voyez Masius, 1890, et les autres descriptions des auteurs (1) On compte souvent parmi les Ploïmes à couronne double les Microcodonidés ; je n'ai pu encore les étudier à ce point de vue, mais un coup d'œil sur les figures des auteurs suffit à montrer que les deux couronnes sont réalisées par un processus tout différent et rappelant plutôt ce que nous allons voir tout à l'heure. Au contraire le genre Triarthra parait se rapporter au type Pedalion avec simplification. I/APl'AREIL ROTATEUR DES IIOTIEERES 23 Leydig, 1854, Plate, 1886, etc.), la couronne supérieure à'Eos- phora ayant disparu tandis que les protubérances oculaires et les tentacules qui l'accompagnaient persistent sur le champ frontal relevé en deux bosses de V AsplancJina. Cyrtonia nous mène à un quatrième grand type (fig. 13 H) : champ apical bien développé, la bande qui l'entoure réduite à une simple rangée de cils, plaque buccale très large, mais sa partie infra-orale ayant complètement disparu et sa partie adorale réduite aux deux arcs ciliaires qui la limitent en bas. Fig. 13. — Schéma de quelques appareils rotateurs : G, Synchœta ; H, Ci/rtonia ; I, Euchlanis ; J, Hydatina : K, Brachionm. Cette plaque est bordée de cils longs (1) qui forment au bord supérieur une touffe médiane et deux latérales. Ces caractères se modifient peu en passant aux EucManis et Hydatina (fig. 13, I et S), par la diminution simultanée de l'espace apical et de la ciliation de la plaque buccale (en rapport toujours avec le mastax : ces deux genres ont un mastax malléé ou sub-malléé, légèrement préhenseur, tandis que celui de Cyrtonia, malléo-ramé, ne l'est pas du tout). En même temps, (1) Chez les formes rampantes, nous avons trouvé une ciliation uniforme; chez les nageuses les cils marginaux de toute aire ciliée sont beaucoup plus longs que les autres ; ce n'est pas une simple coïncidence : quand les cils doivent agir sur une surface soUde, s'ils n'étaient pas tous de même taille, une partie d'entre eux ne toucheraient pas le substratum et n'agiraient pas. Quand ils doivent au contraire battre l'eau, les marginaux ont un champ d'action et une résistance a vaincre beaucoup plus grands, et ils grandissent par excitation fonctionnelle. 24 P. DE BEAUCIIAAIP hi différenciation histologique des cils bordant cette plaque atteint un haut degré et les arcs ciliaires adoraux arrivent à se raccorder directement à la ceinture circumapicale en une couronne infra-orale unique, plus ou moins comparable, quoique formée par des intermédiaires tout différents, à celle du type Pedalion. Mais on ne peut nullement homologuer, comme l'ont fait jus- qu'ici les auteurs, la ceinture préorale du Brachion ou de l'Hy- datine à celle du Pedalion ou de la Mélicerte, la première entou- rant une partie du champ buccal, à ciliation prolongée dans la bouche (qui par une régularisation secondaire arrive chez BracMonus (fig. 13 K) à tapisser le sommet apparent de la tête et rejette dorsalement le véritable espace apical), la seconde ce champ apical lui-même, toujours nu on ne portant que des soies sensorielles. Le « pseudotrochus » plonge à la partie infé- rieure dans la bouche, le trochus se ferme au-dessus d'elle ; il est vrai que dans le cas, qui peut exister, d'interruption ven- trale, ce caractère n'est pas appréciable. Les deux dispositions à double couronne, si semblables que tous les auteurs jusqu'ici les ont identifiées, sont différentes à un tel point qu'on ne peut les concevoir reliées que par l'intermédiaire du schéma que nous avons construit et qui se trouve ainsi justifié. Nous savons qu'au type des Hydatinidés se rattache celui des Brachionidés, et celui des Auurœidés qui en sont proches. A celui moins différencié des Euchlanidés (1) il faudra sans doute rapporter, avec des variations analogues à celles qui se présentent chez les Notommatidés, et souvent plus voisines de celles-ci, les dispositions de l'appareil rotateur dans les quatre familles des Dinocharidés, Coluridés, Cathy;[3nidés et Salpi- nidés, que je n'ai pas eu le temps d'étudier en détail. Il nous faut encore rattacher à nos descriptions deux autres cas oii l'appareil rotateur a été bien décrit : celui des Synchaetidés, (1) Le cas particulier de la division de chaque demi-ceinture circumapicale en deux arcs superposés chez Euchlanis semble, quand on le rapproche de ce que nous avons vu chez Eos- phora, devoir faire admettre (jue ces deux ares dérivent des deux lèvres de la bande ciliée primitive, correspondant ainsi à deux portions de trochus et de cingulum. L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFÈRES â5 qu'on trouvera figuré dans l'excellente monographie de Eous- SELET (1902) et dont je donne le diagramme fig. 13 A, com- prend une ceinture apicale simple, très étendue vu la forme de la tête, mais dissociée en deux arcs ciliaires dorsaux et deux oreillettes latérales, plus deux arcs ciliaires flanquant la bouche. En un mot c'est celui de Cyrtonia, moins la plaque supra- buccale ciliée. Sa disparition est due toujours à la même cause : animal carnassier à mastax préhenseur (1). On peut en dire exac- tement autant des Rattulidés si bien étudiés par Jennings (1904), où la disposition est la même, sauf que la petitesse de la tête entraine le faible développement de la ceinture posté- rieure (dans les deux groupes, le sac rétro-cérébral que j'y ai décrit le premier s'ouvre à son intérieur) ; elle rejoint deux arcs ciliés flanquant le mastax protactile et suceur. Je n'énumère pas les quelques familles non encore mentionnées dont l'étude détaillée n'a été faite ni par moi, ni par les auteurs ; j'ai pu d'ores et déjà m'assurer qu'elles ne présentent rien de fondamentalement différent des précédentes, et j'ai jugé inu- tile d'attendre pour publier ce travail d'avoir eu le temps et l'occasion de rassembler des données qui n'en auraient pas modifié les grandes lignes. Un seul cas, fort aberrant, ne rentre pas dans les descriptions précédentes : c'est celui de la ciliation des Flosculariens. Elle a donné lieu à plusieurs interpréta- tions, dont les principales sont celles d'HuDSON (1886) et de Hlava (1905), également erronées. Une observation récente sur Stephanoceros fimhriatus (Goldfuss) dont les cinq bras ne sont que les lobes de l'entonnok des Floscularia prolongés, m'en a procuré la clef, avec une confirmation éclatante de la géné- ralité de mon schéma. Chez Stephanoceros au moment de l'éclo- sion existe une bande circumapicale bien nette, semblable en tous points à celle des jeunes Mélicertiens, avec un trochus développé, entourant un champ nu où se trouvent les yeux. Elle aboutit à une plaque buccale sur laquelle s'élèvent radiai- { I ) Ces corrélations de l'appareil rotateur avec le mastax, liées au mode de progression et d'alimentation, ont été déjà mises en évidence par Wesenberg-Lund (1899). 26 P. DE BEAUCHAMP rement autour de la bouche cinq bourrelets garnis de très longs cils, ébauches des cinq bras, d'abord invaginées, puis sail- lantes (flg. 14). Donc l'en- tonnoir des Flosculariens, placé secondairement dans l'axe du corps et diâ'érencié en une véritable nasse pour la capture des proies, repré- sente la seule plaque buc- cale, dont il a conservé en partie la ciliation à son intérieur, et lu. ceinture cir- cumapicale a totalement disparu chez l'adulte. FiG. 14. — Stephanoceros fimbriatus Goldfuss) jeune; tête, vue latérale, x 360 environ. Mêmes lettres que précédemment. IV. CONCLUSIONS En résumé : l'appareil rotateur se compose fondamentale- ment d'une plaque ciliée buccale et d'une bande ciliée circum- apicale. Toutes ses formes si variées n'en sont que des diffé- renciations étroitement conditionnées par le mode de vie de l'animal : la reptation entraîne un grand développement de la plaque ventrale qui régresse chez les formes nageuses ou fixées où elle ne sert plus qu'à l'adduction des aliments et disparaît totalement chez les formes carnassières à mastax préhenseur ou suceur. Une ceinture terminale de cils forts se différencie chez les premières pour la nage ou l'adduction de la nourriture, aux dépens soit de la bordure du champ apical soit de la plaque buccale elle-même. Ces diverses différenciations se faisant dans des sens et par des voies multiples, il est le plus souvent parfaitement vain de vouloir homologuer un cercle ciliaire d'une espèce donnée à l'un des cercles d'une autre prise arbitrairement comme type. Il ne le serait pas moins (bien que l'appareil rotateur soit appelé à rendre de grands services en systématique pour l'étude des rapports entre des formes voi- L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 27 sines) de baser une classification sur des caractères aussi nette- ment adaptatifs et de conclure de ses ressemblances, comme Ta fait Wesenberg-Lund, à des parentés réelles : il est certain que Diglena et Adineta, Pedalion et Melicerta, voire Euchlanis et Hydatina, ne dérivent pas d'un ancêtre unique présentant les caractères qui leur sont communs et s'opposant par eux à l'ensemble des Eotifères, mais ont acquis, aux dépens d'une disposition primitive analogue à notre schéma qui permet seul de les relier, des caractères identiques sous l'influence de conditions identiques. Sans entrer pour le moment dans la comparaison de l'organe rotateur avec les appareils analogues qui se rencontrent, surtout à l'état larvaire, dans des groupes voisins, je voudrais dès à présent généraliser ces conclusions : au lieu de chercher entre toutes ces formations des homologies qui ne sont pas réelles, car elles ne dérivent certainement pas toutes d'un type commun différencié comme la fameuse « double couronne », on ferait beaucoup mieux de mettre en évidence les procédés morpho- logiques et les conditions mécaniques et biologiques semblables qui sont arrivées à les produire analogues aux dépens d'une ciliation originairement indifférenciée. OUVRAGES CITES 1905a. Beauchamp (P. Marais de). Remarques sur Eosphora digi- tata Ehrbg. et description de son mâle. (Arch. Zoologie Expérimentale (4), vol. III, Notes et revue, p. ccxxv-ccxxxiii.) 19056. Beauchamp (P. Marais de). Remarques sur deux Rotifères parasites (Bull. Soc. Zoologique de France, vol. XXX, p. 117-124.) 1905c. 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Studien iiber Râdertiere : I. Ueber die Symbiose und Anatomie von Rotatorien ans dem genus Callidina. (Zeitschr. wissensch. Zoologie, Bd XLIV, pp. 396-507, pi. XXVI-XXIX.) 1892. Zelinka (C). Studien iiber Râdertiere : III Ueber Entwick- lungsgeschichte der Râdertiere, nebst Bemerkungen fiber ihre Anatomie und Biologie. {Zeitschr. wissensch. Zoologie, Bd LUI, pp. 1-159, pi. 1-VI.) (Travail dit Laboratoire d' Anatomie comparée de la Sorbonne et de la station biologique de Roscoff.) ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 31-72, pi. I et II 25 F écrier 1907 ÉTUDES ET RECHERCHES SUR LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES I, — Les coupures génériques de la famille des Bradypodidae 34 II. — Les attitudes et la locomotion des Paresseux. 55 PAR R. ANTHONY Directeur-adjoint du laboratoire maritime du Muséum d'Histoire naturelle Chef des travaux de l'Ecole des Hautes Etudes à la Station physiolog'ique du Collèg'e de France. INTRODUCTION Dans les traités de Zoologie les plus récents aussi bien que dans les mémoires originaux les plus modernes et les mieux conçus, les auteurs séparent avec trop de soin encore les Tardi- grades ou Paresseux actuels (famille des Bradypodidae) des Gravigrades disparus {Mylodon, Megalonyx, Scelidotherium, Megatherium, etc). Les premiers de taille relativement réduite sont des animaux aux formes grêles présentant les caractères de l'adaptation extrême à la vie arboricole. Les seconds, de taille souvent gigantesque, aux formes toujours lourdes et massives devaient, si l'on en juge par l'ensemble de leur mor- phologie, mener une existence terrestre et peut-être semi- fouisseuse. Si l'on y regarde de près, on ne tarde pas à s'aper- cevoir que ces différences générales de forme et d'aspect tiennent surtout à des différences de mode de vie et que les ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4° SERIE. T. VI. (il). 3 32 R. ANTHONY Gravigrades et les Tardigrades ont en somme un ensemble de caractères communs portant plus spécialement sur les parties anatomiques les moins exposées aux modifications que peut entraîner une existence arboricole dans le cas des Tardigrades, terrestre et semi-fouisseuse dans celui des Gravigrades. Sans vouloir nous engager ici plus à fond dans l'examen de la question des rapports morphologiques des deux groupes, rappe- lons seulement les caractères communs de leur bassin, de leur omoplate, de leur arc jugal et enfin de leur dentition caracté- ristique d'un régime essentiellement végétal. Ces similitudes morphologiques suffiraient déjà à elles seules à légitimer la réunion des Tardigrades et des Gravigrades. si la Paléontologie ne venait encore fournir à cette manière de voir un appoint important. En étudiant les fossiles des couches tertiaires les plus inférieures de la Patagonie, on est arrivé à découvrir des formes animales présentant un ensemble de caractères qui permettent de voir en eux les ancêtres communs possibles des Tardigrades actuels et des Gravigrades disparus. Je ne veux point remonter ici jusqu'au Protobradys Jiarmonicus Amegh., animal encore trop mal connu, qu'Ameghino considère comme cet ancêtre ; je veux simplement parler des nombreuses espèces du genre Hapalops. L'examen des planches dont Scott (1903) a illustré sa description des Edentés du Santa- cruzien de Patagonie est à ce point de vue éminemment suggestif. Les deux groupes des Gravigrades et des Tardigrades sont en somme si voisins qu'on ne peut entreprendre l'étude de l'un sans être immédiatement obligé d'aborder celle de l'autre, et, tout bien pesé et examiné, il semble impossible qu'en Systématique on ne les réunisse pas en un seul et même groupe auquel on pourra donner soit le nom de Phytophages qu'on leur a d'ailleurs déjà attribué en raison de la nature essen- tiellement végétale de leur régime, soit plus heureusement peut-être celui de Bradymorphes par exemple, qui rend compte de leurs caractères morphologiques généraux. LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 33 C'est ce groupe des Phytophages, ou si l'on veut des Brady- morphes, dont j'ai entrepris depuis phisieurs années déjà l'étude à la fois physiologique, morphologique et systématique. Mais comme la tâche que je me suis imposée est véritablement longue et, en raison de la difficulté que l'on a à se procurer des matériaux, assez peu aisée, j'ai résolu de procéder pour ainsi dire par étapes. Mon intention est donc de publier sur ce sujet, et dans un ordre quelconque, une suite de mémoires isolés et dont l'ensemble réalisera, j'espère, dans quelque mesure, le pro- gramme que je me suis imposé. Je présente aujourd'hui les deux premiers de ces mémoires. Le premier a pour titre : Les coupures génériques de la FAMILLE des Bradypodidae. Le second s'intitule : Les atti- tutdes et la locomotion des Paresseux. Bien que j'aie voulu, ainsi que je viens de le dire, ne m'imposer dans la publication de ces mémoires aucun ordre particulier, j'ai cru bien faire en publiant ces deux-ci tout d'abord. Le premier eût logiquement dû être un des derniers de la série, puisque la Systématique, telle que je la comprends du moins, doit être la résultante et l'aboutissant en quelque sorte des études de Morphologie et de Physiologie. Mis en tête des autres, il offre à mes yeux l'avantage de faire connaître de prime abord le terrain sur lequel je vais évoluer et de permettre peut-être au lecteur de mieux saisir les détails anatomiques dont il sera question au cours des autres mémoires. Quant au second, il était bien naturel de le produire au début de la série : pour bien comprendre la mprphologie des Paresseux, ne faut-ii pas d'abord bien connaître leur mode de vie, puisque c'est en somme ce mode de vie qui véritablement les a fait. Le troisième mémoire qui paraîtra sous peu traitera des caractères d'adaptation des extrémités des Paresseux. K. A. 34 R. ANTHONY LES COUPURES GÉNÉRIQUES DE U FAMILLE DES BRADYPODIDAE TABLE DES MATIERES I. — Du nombre de genres que doit en réalité contenir la famille des Bradypodidae (Etude critique des coupures génériques de Gray.) ^5 II. — Correspondance des genres établis avec ceux des auteurs et plus particulièrement de Gray 41 III. — Dénominations qu'il convient d'attribuer aux genres des Bradypodidae 44 IV. — Rapporta des différents genres de Bradypodidae entre eux et avec les formes fossiles du Santacruzien 47 v. — résumé et conclusions 51 Index bibliographique ,52 Légende de la planche I 54 On s'accorde en général aujourd'hui pour diviser les Brady- podidae actuels ou Paresseux en deux genres, le genre Choloepus Illig. ou Unau et le genre Bradypus Linn, ou Aï, habitant tous deux exclusivement l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale. Les genres Acheus de F. Cuvier (1825) et Prochilus d'iLLiGER (1811) doivent être définitivement éliminés, le premier étant tombé en synonymie et le deuxième ayant été créé, on l'a reconnu depuis, pour un Ursidé. A ces deux genres toutefois, Gray en a adjoint en 1849 un troisième, le genre Arctopithecus provenant de la division du genre Bradypus de Linné (1766) ; mais l'unanimité des auteurs pour ainsi dire se refuse actuellement à reconnaître le bien fondé de cette coupure générique (Zittel. Traité de Paléon- LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 35 tologie, 1894 : Flower et Lydekker (1) : Mammals living and extinct. London 1891. — Trouessart. Catalogus Mamma- lium, 1898-1899. — Beddard : Mammalia. London 1902, etc., etc.), et s'accordent à faire rentrer les Arctopithecus de Gray dans le genre Bradypus. Dans la première partie de ce travail, nous examinerons la question de savoir comment doit être subdivisée en fait la famille des Bradypodidae : doit-elle comprendre simplement deux genres, comme le pensent les auteurs, ou trois, comme l'a voulu Gray % Cette première question tranchée, une deuxième sera posée, celle de la correspondance des genres que nous aurons cru devoir établir avec ceux des différents auteurs et plus parti- culièrement de Gray. La deuxième partie de ce travail sera consacrée à sa résolution. La troisième partie traitera des dénominations qu'il convient de donner aux genres de Bradypodidae que nous admettrons finalement. La quatrième enfin traitera très Driévement des rapports des différents genres de Bradypodidae entre eux et avec les formes fossiles du Santacruzien. I Du nombre des genres que doit en réalité contenir la famille des Bradypodidae (Etude critique des coupures génériques de Gray). Les caractères des trois genres de Bradypodidae tels que les conçoit Gray sont donnés par lui (Proceed. Zool. Soc. 1849, page 65) de la façon résumée suivante : 1. Choloepus : Extrémités antérieures munies de deux griffes ; extrémités postérieurca munies de trois griffes. — Molaires antérieures de grande taiUe, ayant la forme de canines.— Ptérygoïdes renflés, subvésiculaires. 2. Bradypus: Extrémités antérieures et postérieures munies de trois griffes.— Pytérygoldw renflés, creux, vésiculaires. (1) FLOWER et LYDDEKKER disent même à la page 182 : « More recently D' Gray described as many as eleven species ranged in two gênera Bradypus and ArctopUhecus ; but tlie dis- tinctions which he assigned both to species and gênera do not bear close examination. » 36 R. ANTHONY Il fait dans ce genre rentrer seulement deux espèces qui ne sont vraisemblablement et jusqu'à plus ample informé que des variétés du Bradypus torquatus Illig. 3. ArctopithecitK ■ Extrémités antérieures et postérieures munies de trois griffes. — Dents antérieures petites. — Ptérygoïdes comprimés en forme de crêtes et compacts. Ce genre comprend la totalité, à part les deux espèces pré- citées, des Paresseux à trois doigts. Eéglons d'abord rapidement la question du CJioloepus. Pour ce qui est de ce genre, il n'y a pas de controverse possible ; sa validité ne fait de doute pour personne, d'autant plus que pour achever de le caractériser on peut aux caractères ci-dessus énoncés ajouter les très importantes particularités anatomiques suivantes qui achèvent de le séparer nettement des Paresseux à trois doigts. Tête plus allongée que chez le Bradypus Linn. — Extrémité antérieure de la mâchoire infé- rieure développée en avant en forme de pointe. — Présence d'un'diastème en arrière des molaires antérieures qui sont en forme de canines. — Intermaxillaires très développés. — Os malaire court, triangulaire, dilaté à son extrémité, rappelant par sa forme un peu celui du Miilodon robuntus Owen. — Sinus crâniens très développés notamment dans la région de la voûte. — Foramen sus-épitrochléen à l'humérus. — Premières phalanges non soudées aux métacarpiens [ou aux métatarsiens chez ll'adulte, contrairement à ce qui se passe 'chez le Bradypus Linn. — Fourrure longue, épaisse et généralement brune, dépourvue de tache dorsale à poils courts et couleur de feu (1). La question délicate est uniquement celle de l'opportunité de la subdivision du genre Bradypus de Linné (1766) en deux genres. Exception faite de Gray (1849), ainsi qu'il a été dit, l'ensemble des auteurs l'ont résolue par la négative. Je dois avouer qu'au moment oii je débutais dans l'étude des Brady- podidae, je n'étais pas éloigné de me ranger avec l'unanimité, non pas qu'il m'ait jamais paru qu'il fût déshonorant à un titre quelconque de faire partie d'une minorité, mais bien parce qu'en tout état de causes, il me semblait que la subdi- vision du genre Bradypus était inopportune et que les raisons que Gray (1849) avait invoquées n'étaient pas suffisantes. (1) Me reprochera-t-on d'avoir mêlé ici des caractères purement anatomiques à des caractères zoologiques, c'est-à-dire portant uniquement sur l'extérieur et sur le crâne ? J'espère que non, d'autant qu'il ne me paraît pas que cette distinction des caractères en anatomiques et zoologigues soit autre chose qu'artificielle ; et, si l'on veut que les classifications ne soient pas simplement des muyens de se retrouver, ne doit-on pas tenir compte de tous les carac- tères sans exception ? LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVÎGRADES 37 Voyons en effet quels sont dans leur ensemble, outre les caractères ci-dessus énoncés, ceux sur lesquels a pu s'appuyer cet auteur pour établir le genre Arctopithecus et le différencier du genre Bradypus. Pour s'en rendre compte, le mieux est de reproduire la diagnose plus complète de ces deux genres qu'il donne dans le second travail qu'il fit paraître en 1871 sur ce sujet. Nous la transcrivons ici intégralement et en anglais. Bradypus : « Pterygoïds swollen, hoUow, vesicular. Maies and females similar. Lower jaw with a short truncated anterior lobe varying in width at the anterior end. Intermarillary bones rhombic, as broad as long. The angle of the lower jaw is broad, triangular, with a rounded lower edge and produced for behind the condyle. The lower ramus of the malâr bone is simple, elongate, triangular, and the upper ramus much produced and dilated at the end. » Arctopithecus : « Pterygoïds compressed, crest-like. Maies with a patch of soft hair between the shoulders not founden in the females. Intermaxillary bones rhombic vith an attenuated process behind. The front of the lower jaw broad and truncated, sometimes with a slight keel in the centre near the upper margin. The front grinders are short and blunt. The upper process of the malar bone attenuated. » Ces différents caractères sont à vrai dire de valeur très diffé- rente : ceux tirés de la forme de l'extrémité postérieure de la mandibule, et auxquels Gray semble avoir attaché beaucoup d'importance ne me paraissent pas en avoir une très grande. Les recherches expérimentales que j'ai faites sur le rôle des muscles masticateurs dans l'établissement de la morphologie du crâne et de la face m'incitaient déjà à la défiance sur ce point (1) ; mais j'ai constaté en outre sur des Paresseux à trois doigts des variations individuelles considérables concernant l'extrémité postérieure de la mandibule. Quoique déjà plus importante la forme de l'os malaire est aussi sujette à caution. Là, encore, des variations individuelles peuvent entrer en jeu. Et d'ailleurs la forme de cet os n'est- elle pas elle aussi en rapport intime avec le plus ou moins grand développement des muscles masticateurs. (1) Voyez : R. Anthony. Etudes de Morphogénîe expérimentale ; ablation d'un crotaphyte chez le Chien (C. R. Soc. Biol., 1902). — Introduction à YEtude expérimentale de la Morpho- génie. Modifications crâniennes consécutives à l'ablation du crotaphyte chez le Chien et consi- dérations siu' le rôle morphogénique de ce muscle. (Bull. Soc. Anthrop., 1903 ; J. de Physiol et de Pathol. générales ; Congrès Assoc. française, Grenoble, 1904.) Contribution à l'étude de la morphogénie du crâne chez les Primates {Bull. Soc. Anthrop., 1904), — De l'action mor- phogénique des muscles crotaphytes sur le crâne et le cerveau des Carnassiers et des Primates C. R., Acad. Se, 1904. Bull. Inst. PsychoL, 1904). ^ Les conditions mécaniques du dévelop- pement de l'encéphale chez les Carnassiers et les Primates. (Revue des Idées, 15 sept. 1906.) 38 R. ANTHONY Les caractères différentiels qui me semblent devoir plus spé- cialement être retenus parmi ceux signalés par Gray (1871) sont les suivants : Bradypus Arctopithecus Forme différente des intermaxillaires dans l'un et l'autre genr(\ Ptérygoïdes arrondis, creux et vésiculaires. Les mâles et les femelles se- raient semblables. Ptérygoïdes comprimés, en forme de crête. La tache de poils courts et soyeux et souvent de cou- leur de feu située entre les deux épaules serait d'après certains auteurs l'apanage du mâle. Ajoutons à cela que la fourrure du Bradypus est le plus souvent, contrairement à celle de V Arctopithecus, de couleur brune à peu près uniforme à l'exception du collier noir qui a fait donner à sa principale, et vraisemblablement sa seule espèce, le nom de Bradypus torquatus Illig. Elle est en outre plus longue que celle de Y Arctopithecus. Les oreilles externes paraissent également plus longues chez le Bradypus de Gray que chez son Arctopithecus. (Signalons en passant que le savant mammalogiste du British Muséum ne nous paraît pas avoir remarqué cet important caractère.) H est évident que parmi ces caractères, la forme des ptéry- goïdes, celle des oreilles externes et le dimorphisme sexuel (la forme des oreilles externes et le dimorphisme sexuel demanderaient à être étudiés avec plus de détails sur des ani- maux frais) sont d'une réelle valeur taxinomique. La plupart des auteurs cependant ne les ont pas trouvés sufiûsants pour justifier une division du genre et tout au plus ont-ils voulu les considérer comme valant simplement pour délimiter les espèces, s'en tenant ainsi strictement à l'opinion de CuviER (1817) qui dit dans son « Eègne animal » (Volume des Mammi- LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 39 fères, page 264) : « L'Aï à collier {Bradypus torquatus Illig.) est une espèce fort distincte, même par la structure osseuse de sa tête. « Cette mention spéciale pour le Bradypus torquatus Illig. me laisse à penser, maintenant que j'ai en main la plupart des éléments de la question, que Cuvier avait entrevu la vérité mais n'avait pas, faute de documents suffisants, osé l'énoncer d'une façon plus précise. Malgré l'importance qui ne m'avait pas échappé des deux caractères précités (ptérygoïdes et dimorphisme sexuel) et de celui que j'avais ajouté aux précédents (oreilles externes), j'étais encore, ainsi que je l'ai déjà dit, très perplexe sur la valeur de la coupure générique de Gray (1849). Une heureuse trouvaille que je fis au cours de l'hiver de 1902 vint lever mes derniers doutes. Je disséquais à cette époque un jeune Paresseux à trois doigts qui faisait partie de la petite réserve de matériaux destinés à l'anatomie que possède la Station physiologique du Collège de France. Cet animal, conservé depuis très longtemps dans l'alcool, et, dont je n'ai pu arriver à découvrir la provenance exacte, ne devait pas avoir vécu plus de quelques jours. En extension maxima il mesurait du trou auditif à la terminaison de la queue 175 millimètres ; il était de sexe mâle, et son corps était couvert de poils très longs, d'une couleur uniforme jaune assez clair ; sa fourrure présentait deux tourbillons situés sur la ligne dorsale médiane, l'un au niveau de la base de la région cervicale, l'autre au niveau du sacrum. Les poils étaient surtout longs dans la région dorsale ; sur le ventre ils étaient beaucoup plus courts et plus rares. Ses oreilles étaient relativement assez longues et légèrement pointues. Par ces caractères il paraissait donc devoir être rapporté au genre Bradypus tel que l'enten- dait Gray. Ses ptérygoïdes d'ailleurs étaient arrondis, gonflés et vésiculaires. Mais outre ces caractères, il en présentait deux autres extrê- mement particuliers : 1° Une perforation sus-épitrochléenne ; 40 R. ANTHONY 2° Une réduction marquée du doigt IV (1) aux extrémités anté- rieures. C'est la première fois, je crois, que de semblables caractères ai?iit été signalés chez les Paresseux à trois doigts. Pour ce qui est de la perforation sus-épitrocliléenne, son absence est d'ailleurs considérée comme normale et caractéris- tique pour ainsi dire du Paresseux tridactyle. Tous les anato- mistes qui se sont occupés de la question sont formels sur ce point [Eapp : Anat. Untersuchungen ûber die Edentaten. Tu- bingen 1843. — Owen : On the Anatomy of Vertebrates. London 1866. — P. Gervais : Remarques ostéol. au sujet du pied des Edentés. Journ. de Zool., T. VI, 1877. — Bronn's Thierreicli 1874-1900 (le volume des Mammifères) ] pour n'en citer que quelques-uns. Comme chez tous les Mammifères où elle existe, cette perfo- ration livrait passage chez mon sujet à un nerf et à une artère. Pour ce qui est de la réduction du doigt IV les chiffres sui- vants rendent compte des différences de ^dimensions existant entre la deuxième phalange du doigt IV et celles du doigt II et du doigt III : 1^ chez un jeune Paresseux à trois doigts à peu près de même taille et d'une espèce que Gray aurait attribuée à son genre Arctopithecus (Collections d'Anatomie comparée du Muséum d'Histoire naturelle); 2° chez mon sujet. Largeur au milieu de la 2^ phalange (minimum) Doigt II Doigt III Doigt IV 1° 2 m. 8 3 m. 1 2 m. 8 20 2 m. 3 m. Im. Les figures 2 et 3 de la Planche faites d'après des photogra- phies, permettent d'apprécier ces particularités. Recherchant dans les Collections d'Anatomie comparée du Muséum un terme de comparaison avec mon animal, j'y trouvais (1) Les doigt» du Paresseux tridactyle doivent être numérotés II, III, IV. Le doigt IV, qui correspond au bord cubital de la main, est celui qui est absent chez le Paresseux didactyle. Chez lei Bradypodidae, d'une façon générale, le doigt 1 et le doigt V ont disparu, en grande partie du moins. LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET dRAVIGRADES 4i un squelette monté de jeune Bradypus étiqueté Bradypus tridactylus Linn. et catalogué sous le numéro A. 3117 (Voy. fig. 1 de la Planche) lequel est en tout semblable à l'individu de la Station physiologique ci-dessus décrit. Comme lui, il présente des ptérygoïdes vésiculaires, une perforation sus- épitrochléenne et le quatrième doigt de la main réduit. Disons immédiatement que les différents caractères, ptéry- goïdes renflés et vésiculaires, perforation sus-épitrochléenne, réduction du doigt IV, ne peuvent être considérés comme des caractères de jeune âge puisque d'autres squelettes de Paresseux à trois doigts appartenant au Muséum, de même âge et même plus jeunes, possèdent des ptérygoïdes parfaitement aplatis et compacts, un humérus sans perforation et les doigts de la main égaux. En résumé, donc, et étant donnée Texistence des deux spé- cimens dont il vient d'être question, il semble que Ton puisse admettre deux sortes de Paresseux à trois doigts. La première sera brièvement caractérisée de la façon suivante : Ptérygoïdes renflés, vésiculaires. — Perforation sus-épitrociiléenne. — Doigt IV des extré- mités antérieures très réduit dans le sens transversa'. La deuxième : Ptérygoïdes compacts et en forme de crêtes. — Pas de perforation sus-épitrochléenne. — Les trois doigts de la main sensiblement égaux. Ces seules différences (abstraction faite des autres) nous sem- blent largement suffisantes pour légitimer la subdivision du genre Bradypus en deux genres. La famille des Bradypodidae doit donc comprendre en réalité trois genres. II . Correspondance des genres établis avec ceux des auteurs et plus particulièrement de Gray. Cette premi^e question résolue, il convient d'examiner com- ment et dans quelle mesure ces deux genres de Paresseux à trois doigts répondent aux genres Bradypus et Arctopithecus de Geat (1849). 42 R. ANTHONY Si nous comparons les caractères du Paresseux de la Station physiologique et de celui désigné aux galeries d'Anatomie com- parée du Muséum sous le numéro A. 3117 à ceux donnés par Gray (1871) à son genre Bradypus, nous nous apercevons que nos animaux s'en rapprochent par les ptérygoïdes renflés et vésiculaires, la fourrure longue, de ton à peu près uniforme et d'une nuance assez foncée à tout prendre, surtout si Ton consi- dère le jeune âge de Tanimal, et aussi, par la forme des oreilles externes, très semblables à celles que possède le Bradypus tor- quatus Illig, ainsi que nous l'avons vu. En ne tenant compte que des caractères fournis par le crâne et la peau, il y a donc incontestablement lieu d'identifier le Paresseux tridactyle de la Station physiologique et le numéro A. 3117 des galeries d'Anatomie comparée du Muséum au genre Bradypiis de Gray (1849). Mais l'on s'étonnera alors que Gray (1871) n'ait pas parlé, dans sa diagnose, de ces caractères si importants, qui n'auraient certainement pu lui échapper, la perforation sus-épitrochléenne et la réduction du doigt IV. Gray, suivant en cela une tendance malheureuse, aurait-il considéré le caractère de l'humérus comme un caractère ana- tomique dont un pur systématicien ne doit pas tenir compte f Mais alors comment concevoir qu'il ne parle pas de la réduction du doigt IV, qui intéressant la griffe elle-même, ainsi que nous le verrons plus loin, est bien un caractère zoologique au sens le plus étroit que l'on peut attribuer à ce mot. La chose s'explique plus aisément, je crois, en admettant que Gray n'a eu à sa disposition du Bradypus torquatus Illig. (la seule espèce, en somme, de son genre Bradypus) que des peaux et des crânes. Il ne pouvait donc constater la perforation sus-épitrochléenne, dont il n'aurait pas manqué de parler, et l'on conçoit que la réduction du doigt IV ait pu échapper à sori esprit non prévenu. De mon côté, d'ailleurs, je ne connais aucun squelette de Bradypus torquatus Illig. Le Muséum d'Histoire naturelle de Paris n'en possède pas, et il parait en être de même du British LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 43 Muséum de Londres (1). Il n'y en existe pas non plus, à mon su, de représentation par les auteurs. L'identification certaine de nos animaux de la Station physiologique et des galeries d'Anatomie comparée du Muséum (n» A. 3117) avec le Bradypus de Gray est donc bien difficile à établir. Toutefois, sur les peaux préparées de Bradypus torquatus lUig. ou constate aisément, pourvu que Tattention ait été attirée sur ce point, une réduction certaine du doigt IV de la main; elle se manifeste d'une façon très évidente par la moindre dimension de la griffe correspondant à ce doigt. (Voy. fig. 7 de la Planche L) Dans ces conditions il semble, eu somme, que l'on puisse attribuer, en raison des caractères des oreilles externes, des ptérygoïdes, de la griffe IV et de la fourrure (l'absence chez notre animal du collier noir caractéristique de l'espèce Bradypus tor quatus lUig. peut être mise sur le compte soit du jeune âge, soit de ce fait que notre spécimen, au lieu d'appartenir à l'espèce en question, appartenait à une espèce voisine) sans trop craindre d'être démenti par l'avenir, notre type de la Station physiologique et le numéro A. 3117 des collections d'Anatomie comparée du Muséum au genre Bradypus de Gray, et, cela avec d'autant plus de probabilité que Peters (1865) qui, lui, paraît avoir vu un squelette de Bradypus torquatus Illig., signale, dans son mémoire sur le Choloepus d'HoFFMANN, sans la préciser, la forme particulière du bras de cet animal. Les autres Paresseux à trois doigts rentrent dans le genre Arctopithecus de Gray. Il est bien évident toutefois que la ques- tion de l'identification de notre animal avec le Bradypus tor- quatus Illig. ne pourra être tranchée d'une façon définitive que lorsque l'on connaîtra avec certitude l'humérus et la main complète de ce dernier animal. (1) Ayant demandé au British Muséum la communication d'un croquis d'humérus de Bradypus torquatus Illig, j'ai reçu de M. Ray Lankester la réponse suivante • « The Director présents his compliments and regrets that a skeleton of Bradypus torquatus is not available ». Ai R. ANTHONY TU Dénominations qu'il convient d'attribuer aux genres de Bradypodidae. La troisième question à résoudre est celle des noms qu'il con- vient de donner aux genres qui devront, dès lors, constituer la famille de Bradypodidae. Le nom de Choloepus Illig. attribué au Paresseux à deux doigts n'est naturellement pas en cause. La seule question à trancher est de savoir si l'on doit admettre ou non pour les deux autres genres les noms proposés par Gray (1849), c'est-à-dire appeler le premier Bradypus et le deuxième Arctopithecus. Il semble qu'il y ait de nombreuses raisons pour ne pas le faire. En effet, Gray n'aurait pas dû donner le nom de Bradypus à son premier genre à ptérygoïdes vésiculaires et celui d' Arcto- pithecus à son second à ptérygoïdes plats et compacts, car l'ani- mal que Linné (1766) a eu en vue lorsqu'il a établi sa diagnose du Bradypus tridactylus, semble avoir été bien nettement un de ceux que Gray (1849) a désignés sous le nom à' Arctopithecus. Voici, d'ailleurs, la diagnose complète de Linné (1766), extraite du Systema Naturae, 12® édit., pages 50-51. Bradypus tridactylus. — Pedibus tridactylis. Caudae brevi. Corpus pilosissimum, griseum- Fades nuda. Gula flava. Auriculae nullae. Cauda subovata. Dentés priorea nuUi, niai laniarii aed occursentes, antice remotissimi, longiores, trimcati. Molares laniarii, 'approximati, bre- viores. Pedes anteriores longiores posterioribns divarioatissimi ; digiti combinat! in flngibus pedis. Ungues compressi valdissime lotidem. Mammae pectorales. Les caractères mis en italiques sont ceux qui permettent à nos yeux d'établir incontestablement que le Bradypus tridac- tylus de Linné (1766) était ce que Gray (1849) a appelé plus tard un Arctopithecus. Les animaux de ce genre sont, en effet, caractérisés par une fourrure de teinte souvent gris clair et non brun sombre, comme chez le Bradypus torquatus Illig. Certains d'entre eux {Bradypus euculliger Wagler) ont la face recouverte de poils courts, ce qui a pu leur faire donner par Linné (1766) ce qualificatif de fades nuda. Auriculae nullae est aussi bien en rapport avec LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 45 V Arctopithecus , dont les oreilles sont extrêmement courtes, et ne peut se rapporter au Bradypus torguatus Illig, qui, ainsi qu'il a été dit, paraît les avoir sensiblement plus longues. Enfin, le fait d'avoir les ongles égaux est aussi un caractère d' Arctopithecus puisque, ainsi qu'il a été dit et montré, le Bradypus torquatus Illig. a l'ongle IV de la main plus réduit. Dans ces conditions et pour se conformer aux règles de la nomenclature zoologique, il convient d'attribuer à l'Arctopi- thecus de Gray le nom de Bradypus L., rendant ainsi à ce genre sa véritable dénomination linéenne. Il y a donc lieu, par conséquent, de donner au genre carac- térisé par des ptérygoïdes vésiculeux, des oreilles plus longues, une perforation sus-épitrochléenne et un doigt IV réduit, un autre nom. Quel nom choisirons-nous f Prendrons-nous celui d' Arctopithecus, nous bornant ainsi à une simple inter- version f Ce choix ne me paraîtrait pas heureux. En effet, ce nom a été emprunté par Gray (1849) à Gesner, qui l'employa pour la première fois en 1560 en décrivant, d'une façon bien vague d'ailleurs, un Paresseux à trois doigts qu'il prenait, au surplus, pour un Singe. Ce terme d' Arctopithecus indique en effet nettement la pensée de l'auteur. De plus, en appelant le Bradypus de Gray Arctopithecus, et son Arctopithecus, Bradypus, on risquerait d'amener une confusion. Enfin, on peut admettre que les genres de Gray (1871) sont insuffisamment caractérisés, puisqu'il n'a pas tenu compte, dans sa diagnose, ni des caractères de l'humérus, ni de ceux de la main, ni de ceux des oreilles externes qui sont cependant si importants. Il semble donc, pour toutes ces raisons, qu'il y ait lieu de rejeter le terme Arctopithecus. Il nous a semblé en outre qu'il n'y avait pas Heu de tenir compte davantage du terme Scaeopus, créé par Peters (1865), pour le Bradypus torquatus Illig. Ce genre Scaeopus est insuffisam- ment caractérisé. Voici ce qu'en dit l'auteur dans une note en bas <le page dans laquelle il semble pourtant avoir entrevu la vérité : c( In den meisten Fâllen bei Bradypus torquatus fur welchen. 46 R. ANTHONY wenn er als besondere gattung wegen des verschiedenen Baus des Schadels, des Zungenbeins und des Oberarmsbeins von den anderen Bradypus Arten abgetrennt werden sollte, ich der Namen Scaeopus vorschlagen wurde, da der Name. Bradypus nach LrNNÉ und Illiger den letzteren bleiben mufs. » J'ai préféré introduire un nom nouveau dans la nomenclature générique des Bradypodidae, et j'ai cru devoir faire de mon Paresseux de la Station physiologique le type d'un nouveau genre que j'ai appelé Hemibradypus. En le nommant ainsi, j'ai voulu simplement indiquer que je le considérais comme participant, au point de vue morpholo- gique, à la fois des caractères du Choloepus lUig. et de ceux du Bradypus Linn., et non que je le regardais comme une forme intermédiaire au sens phylogénique du mot entre le Choloepus Illig. et le Bradypus Linn. Jj' Hemibradypus nov. gen. se rapproche du Choloepus Illig. par son humérus, par sa fourrure et ses oreilles externes. En poussant plus loin l'analyse on s'apercevrait que, par la cons- titution de son carpe (1) (voy. fig. 2), par l'extrémité antérieure de sa mandibule et par ses zygomes, V Hemibradypus nov. gen. rappelle encore le Choloepus Illig. Il se rapproche du Bradypus Linn, surtout par sa dentition, et ce fait qu'il possède trois doigts complets aux extrémités antérieures. Quoi qu'il en soit, l'ensemble des caractères morphologiques rapproche davantage \' Hemibradypus nov. gen. du Choloepus Illig. que du Bradypus Linn. Le type du genre Hemibradypus sera V Hemybradypus Mareyi nov. sp. Je dédie cet animal à la mémoire de mon maître Marey, dans le laboratoire duquel j'ai eu la chance de rencontrer le premier spécimen du genre. (1) L'étude détaillée du carpe des Bradypodidae sera faite au cours de mon prochain mémoire sur les Edentés. D'ores et déjà cependant, nous pouvons dire qu'abstraction faite du trapèze, la deuxième rangée carpienne de V Hcmibraduinis nov. gen. comprend trois os comme celle du Cholœpiis Illig. et non deux seulement comme celle du Bradypus Linn. Nous nous sommes assurés que cette différence ne pouvait pas tenir à l'état jeune. LES ÉDENTES TARDIGUADES ËT GRAVIGRADËS AI Oette espèce est vraisemblablement provisoire, car, en me basant sur la note de Peters (1865), il me semble presque cer- tain que, lorsque Ton connaîtra mieux la morphologie du Bra- dypus torquatus, Illig. on pourra l'identifier avec VHemïbradypus Mareyi Anth., qui deviendra alors VHemïbradypus torquatus lUig. IV Rapports des différents genres de Bradypodidaè entré eux et avec les formes fossiles du Santacruzien. Parmi les différentes formes d'Edentés trouvées dans les couches santacruziennes de l'Amérique du Sud, les Hapalo- psidae (1) sont de beaucoup les mieux connus, et, jusqu'à plus ample informé, on peut les considérer comme donnant une idée très rapprochée de ce qu'ont dii être, au début des temps tertiaires, les formes ancestrales à la fois des Gravigrades disparus et des Bradypodidaè actuels (2). De ces formes, deux ra- meaux divergents seraient partis : l'un, très important, aurait donné l'ensemble des Gravigrades, animaux gigan- fig tesques aux formes lourdes et massives ; l'autre, plus réduit, évoluant dans le sens de l'adaptation à la vie arboricole, aurait donné, en passant 1. Extrémité antérieure gauche d'Hapalops longi-ceps Scott (d'après Soott). I, premier rayon digité ; II, deuxième rayon ; III, troisième rayon ; IV, quatrième rayon ; V, cinquième rayon. Non inclus le trapèze, la deuxième rangée carpienne comprend trois os (trapézoïde, grand os, os crochu). (1) Scott (1903) fait rentrer le genre Hapalops dans la famille des Megalonychidae ; mais il me semble qu'en raison de sa distribution géologiiiue aussi bien qu'en raison de ses carac- tères anatomiques, on peut sans inconvénient en faire le type d'une famille distincte à laquelle on devra vraisemblablement rattacher plus tard un certain nombre de formes décrites par Fl. Ameghino. (2) Le Protobradys décrit par Fl. Ameghino en 1902 dans les couches à Notostylops et qu'il considère comme la souche possible des Bradypoda et Gravigrada est trop mal connu pour qu'il puisse en être question ici. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET QÉN . !f SÉKIE . T. VI. — (il). 4 48 R. ANTHONY peut-être par des formes analogues au Nothropus priscus Burm. (1) des couches pampéennes, les Paresseux actuels. Les Hapalopsidae que, grâce à Scott (1903), nous connais- sons aujourd'hui d'une façon bien suffisante, étaient des Edentés probablement demi-fouisseurs et d'une taille un peu supérieure à celle de nos Paresseux actuels. Le tableau suivant, qui résume quelques-uns des principaux caractères ostéologiques (2) des genres Eapalops, Hemibradypus, Choloepus et Bradypus, permet mieux qu'une longue disser- tation de se rendre compte que de tous les Bradypodidae actuels, V Hemibradypus est incontestablement celui qui se rap- proche le plus des formes santacruziennes probablement ances- trales. Hapalops Hrmidradvcus Chui.oepus Buadypus 1" Perforation sus -épi - Irociiléeiirie + + Pas de perforation. Pas de diaslème. . . . arrière de la l"dent. 3" 5 doiii^ts complets au membre antérieur. . 3 doigts - doigts 3 doigts. V Réduction transver- sale du doigt IV . . . + I)oii;l IV disparu. . . Doigt IV égal aux autres doigts. 6' 3 os à la 2« rangée du carpe + + 2 os. 0» Pterygfoîdes étroits. . Plerygoides buUeux. Pterygoïdes bulleux -l- Nota. — Les croix qui se trouvent dans les 2», 3« et 40 colonnes, indiquent chez l'Hemi- bradi/piis, le Choloepus et le Bradypus la présence des caractères existant chez VHapalop». Nous insisterons plus spécialement sur le fait de la réduction transversale du doigt IV ; déjà perceptible chez VHapalops, elle est très nettement marquée chez V Hemibradypus et n'existe pas chez le Bradypus. Insistons également sur la présence chez V Hemibradypus et le Choloepus de la perforation sus-épitrochléenne, qui existerait constamment chez tous les Hapalopsidae du Santacruzien ; c'est un caractère nettement primitif, et, de tous les Paresseux actuels, (1) Le Nothropus priscus Burm. n'est connu que par sa mâchoire inférieure; il est donc bien difficile de savoir si l'on doit ou non le considérer comme un précurseur des Bradypo- didae. (2) Les caractères ostéologiques de genre Eapalops sont donnés d'après les descriptions de Scott (1003). LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 49 le Bradypus est le seul à ne plus le posséder. Sa disparitiou semble bien certainement secondaire. La présence de trois /-r'TrYx ®^ ^ ^^ deuxième rangée carpienne rapproche ^^Ow^ encore VHemihradypus et le Choloepus des {-"^ — V^iK Hapalopsidae. Fia . 2 . Extrémité antérieure gauche d'HéniibradypusMa- regi Anth. Même légende que la figure 1. Non inclus le trapèze soudé avec le premier rayon, la deuxième ' rangée carpienne comprend trois 03. FiG. 3. Extrémité antérieure gauche de Choloepus didac- tylus Linn. Même légende que la figure 1. Non inclus le trapèze soudé avec le premier rayon, la deuxième rangée carpienne comprend trois os. FiG. 4. Extrémité antérieure gauche de Bradypus cucul- liger Wagler. Même légende que la figure 1. Non inclus le trapèze soudé avec !e premier rayon, la deuxième rangée carpienne comprend trois 03. Chez le Bradypus, le nombre de ces os est réduit à deux. Enfin ajoutons que, par la forme générale de l'ensemble du corps et du crâne, l'Hemibradypus et le Choloepus se rappro- chent infiniment plus que le Bradypus des Hapalopsidae. On peut donc conclure de ceci que VHemihradypus et le Choloepus se rapprochent plus que le Bradypus des formes ances- trales santacruziennes. SO R. ANTHONY A ces dernières ont dû faire suite, à la fin des temps tertiaires, des formes commençant à s'adapter à la vie arboricole par la disparition progressive des doigts I et V et l'allongement des rayons persistant. Peut-être la mâchoire à l'aide de laquelle BunMEiSTER (1882) a établi son espèce Nothropus priscus Burm., provient-elle d'un de ces Paresseux disparus. Désignons sous le nom imprécis de Probradypodidae ces formes hypothétiques postérieures au Santacruzieu. Sans rien vouloir préjuger de leur morphologie, il semble rationnel d'admettre qu'elles aient, en s'adaptant à la vie arboricole, conservé leurs caractères ancestraux de l'humérus, du carpe et du doigt IV. En supposant plus accentuée l'adaptation à l'existence arbo- ricole, nous passons tout naturellement à VHemihradypus qui, soit par la disparition du doigt IV, nous conduit au Choloepus, soit par l'augmentation du diamètre transversal de ce même doigt IV, la disparition de la perforation sus-épitrochléenne et la réduction des os de la deuxième rangée du carpe, nous conduit au Bradypus. Nous pouvons donc écrire la série de formes suivantes, s'enchaînant morphologiquement les unes les autres : Hapalopsidae I Probradypes (?) I Hemibradypus I Choloepus ou peut-être Bradypus ? Une étude anatomique détaillée pourra seule trancher la question des affinités réciproques des Bradypodidae actuels parmi lesquels V Hemibradypus reste, en somme, au point de vue anatomique, le plus près de la souche santacruzienne. LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 51 Résumé et Conclusions. La famille des Bradypodidae peut donc se diviser de la façon suivante : Hemihradypus nov. gen. Extrémités antérieures et posté- rieures munies de trois doigts; les doigts externes (doigt IV) des membres antérieurs réduits dans le sens transversal. Molaires toutes semblables, en série ininterrompue, les antérieurs petites. Ptérygoïdes renflés, vésiculaires . Perforation sus-épitrochléenue à rhumérus. Trois os à la deuxième rangée carpienne. Fourrure longue de teinte à peu près uniforme sans tache de feu à poils courts entre les deux épaules. Oreilles longues. Type : Hemi- bradypus Mareyi nov. sp. dont les caractères ont été donnés au cours de ce travail. [Ce genre est vraisem- blablement l'équivalent du gemeBradypus de Gray (1849) et du genre Scaeopus de Petees (1865)]. Choloepus Illig. Extrémités antérieures munies de deux doigts ; extrémités postérieures munies de trois doigts. Molaires antérieures de grande taille ayant la forme de canines séparées des autres molaires par un diastème. Ptérygoïdes renflés, sub vésiculaires . Perforation sus- épitrochléenne à l'humérus. Trois os à la deuxième rangée carpienne. Fourrure longue de couleur foncée, sans tache de feu à poils courts entre les deux épaules, semblable dans les deux sexes, d'après Gray. Oreilles externes assez longues. Type-: Choloepus didactylus Linn. Bradypus Linné. Extrémités antérieures et postérieures munies de trois doigts égaux. Molaires toutes semblables en série ininterrompue, les antérieures petites. Ptérygoïdes plats, compacts, en forme de crêtes. Pas de perforation sus-épitrochléenne à l'humérus. Fourrure plus courte, d'un ton plus clair, présentant, chez les mâles du moins. 52 R. ANTHONY d'après Gray, une tache de feu, à poils courts entre les deux épaules. Oreilles très courtes. Type : Bradypus nwulUger Wagler. [Ce genre est l'équivalent du genre Arctopithecus de Gray (1849). Il comprend, à part le Bradypus torquatus Illig., qui semble devoir rentrer dans le genre Hemibradypus), la totalité des Paresseux à trois doigts]. La synonymie des différents genres de Bradypodidae actuels peut être résumée de la façon suivante : Hemibradypus Anth. = Bradypus Gray ; Scaeopus Peters. (Jusqu'à plus ample informé cette assimilation restera simplement probable). Choloepus Linn. Bradypus Linn. = Arctopithecus Gray'. De tous les Paresseux actuels, Y Hemibradypus est, au point de vue anatomique, le plus près des formes ancestrales santa- cruziennes (Hapalopsidae). {Laboratoire d'Anatomie comparée du Muséum d'Histoire naturelle.) INDEX BIBLIOaRÂPHiqUE 1879-1882. Alston (Edw. R.). Mammalia {Biologia Centrali Ame- ricana.) 1889. Fl. Ameghino. Mamraiferos fossiles de la Republica Argentina. Buenos-Ayres. 1894. Fl. Ameghino. Enumer. synopt. des Mammifères Êocènes de Patagonie. Buenos- Ayres. 1902. Fl. Ameghino. Notices préliminaires sur des Mammifères nouveaux des terrains crétacés de Patagonie. {Bol. de la Academia nacional de Ciencias Cordoba, T. XVII.) 1906. R. Anthony. Les coupures génériques de la famille des Brady- podidae (le genre Hemibradypus nov. g.). (0. B. Acad. Se, 29 janvier 1906.) 1907. R. Anthony. Sur les affinités des Bradypodidae. (G. B. Acad. Se, séance du 28 janvier 1907.) 1902. Beddard. Mammalia, London. 1839-1864. De Blainville. Ostéographie des Mammifère». Paris. I.KS ÉOENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 53 1874-1900. Bronn's. Thierreich. (Le volume des Edentés.) 1882. BuKMEiSTER. Nothropus priscus, eiu bisher unbekanntes fos- siles Faulthier. (Sitzungsh. der K. Preuss. Acad. der Wiss. Berlin.) 1817. Gr. CuviER. Le Règne animal. 1825. Ct. Cuvier. Recherches sur les ossements fossiles. 4^ édit., T. Vin. 1825. F. Cuvier. Des dents des Mammifères. Sjbraebourg et Paris. 1891. Flower et Lydekker. Mammals living and extinct. London. 1877. P. Gervais. Rem. ostéologiques au sujet du pied des Edentés. {Journ. de Zoologie.) Gesner. Icônes animalium. Gray. Notes on the genus Bradypus Linn. {Proceed. Zool. Soc.) Gray. Catal. of Carnivorous, Pachydermatous and Edentate Mammalia in the British Muséum. Gray. Notes on the species of Bradypodidae in the British Muséum (Proceed. Zool. Soc.) C. Grevé. Die fossilen und recenten Edentaten und deren Verbreitung. (Sitzungsh. der Naturf. Oes. bei der Univ. Jurjew.) Illiger. Prodrom. Syst. Mamm. et Avium. Langkavel. Aphorismen ïiber Faultiere. (Der Zool. Garten. Frankfurt a. M., page 18.) 1766. LiNNAEUS. Systema Naturae, 12^ édit. 1894. Lydekker. The extinct Edentates of Argentina. (Annales del Museo de la Plata.) III. 1866. Owen. On the Anatomy of Vertebrates, London. 1904. Palmer. 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(Collections d'Anatoniie comparée du Muséum d'Histoire naturelle. A, n° 3117.) Sur ce squelette, monté d'ailleurs dans une position défectueuse, on voit surtout la réduction très marquée du doigt IV de la main. Fio. 2 et 3. Humérus, avant-bras et main du coté droit d'HrmibradinJus Mareyi Anth. jeune. Vue antérieure destinée à montrer le foramen sus-épitrochléen dans lequel a été introduite une épingle, la présence de trois rayons digités à la main et la réduc- tion très marquée du doigt IV. (Spécimen de la Station physiologique du Collège de France.) FiG. 4. Humérus gauche de Choloepus didactylus Linn. adulte. Vue antérieure destinée à montrer le foramen sus-épitrochléen. (Collections d'Anatomie comparée du Muséum d'Histoire naturelle.) Fio. 5. Humérus gauche de Brudypus euculliger Wagler adulte. Vue antérieure destinée à montrer l'absence de foramen sus-épitrochléen. (Rap- porté par le D' Rivet, médecin de la Mission gcodésique française de l'Equateur.) FlQ. 0. Main de Bradypus sp. ? adulte monté en peau. Cette figure est destinée à montrer l'égalité à peu près parfaite des trois ongles. (Collections de Mammalogie du Muséum d'Histoire naturelle.) FiG. 7. Main de Bradypus (Hémibrndypus t) torguatus lUig. adulte monté en peau. Cette figure est destinée à montrer la réduction sensible de l'ongle du doigt IV (Collections de Mammalogie du MusC'um d'Histoire naturelle.) LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 55 II LES ATTITUDES ET LA LOCOMOTION DES PARESSEUX TABLE DES MATIERES I. — Etude des attitudes des Brad'jpodidae 5B II. — Etude de la locomotion des Bradypodidae 62 III. — Résumé et conclusions 71 Index bibliographique .... 71 Légende de la planche H 72 Dans un certain nombre de mes publications et notamment l'une d'elles qui, ayant été écrite en langue allemande (1903), n'est peut-être pas très connue en France, j'ai montré l'intérêt que l'on avait en Sciences naturelles à appliquer aussi strictement que possible les méthodes de reclierclies usitées dans les Sciences physiques par exemple. J'ai insisté particulièrement sur ce point que les faits morphologiques n'avaient dans leur descrip- tion pure et simple qu'un petit intérêt par rapport à celui consi- dérable qu'ils acquéraient lorsqu'on avait pu arriver à en faire entrevoir l'explication rationnelle possible. La méthode de recherches du naturaliste doit donc, à mon avis du moins, se rapprocher autant que possible de celle du physi- cien, et, comme elle, comprendre en quelque sorte deux étapes : 1° La constatation des faits en eux-mêmes, c'est-à-dire, dans le cas particulier, des dispositions morphologiques. 2° L'explication de ces faits, c'est-à-dire la recherche des causes déterminantes de ces mêmes dispositions. Or n'a-t-on pas actuellement d'excellentes raisons de croire 56 R. ANTHONY que ce sont les agents extérieurs physiques, comme la pesanteur, ou chimiques comme le degré de salure d'un milieu aquatique par exemple, les conditions de fonctionnement dans c^ qu'elles ont de plus général, qui déterminent les dispositions morpholo- giques. Pour comprendre la morphologie d'un animal, il sera donc indispensable de connaître d'abord les conditions dans lesquelles il vit, son genre de locomotion, ses attitudes habi- tuelles, etc., etc. C'est pour me conformer à ce principe que j'ai cru bon au début d'une série d'études sur les Edentés de la famille des Paresseux de donner une idée de leurs attitudes et de leur locomotion. Je considère ce court mémoire comme une sorte de préface indis- pensable aux ■ recherches ultérieures que je compte publier sur la morphologie et la morphogénie de ces animaux. I Etude des attitudes des Bradypodidae. Les Bradypodidae, communément appelés Paresseux, sont parmi les groupes de Mammifères un de ceux dont les attitudes sont les plus spéciales et un de ceux aussi chez lesquels on les connaît peut-être avec le moins d'exactitude et de précision. Dans la plupart des livres anciens, dans Buppon, notamment (voy. fig. 1) on prête à ces animaux des attitudes absolument contre nature, et, si un certain nombre d'auteurs les représentent actuellement, même dans les livres de vulgarisation et les livres classiques, dans des attitudes physiologiques et exactes, d'autres, encore aujourd'hui continuent à les figurer comme les natura- listes d'autrefois. Dans les Musées de même, on peut encore observer à côté de Bradypodidae montés dans des attitudes véritablement phy- siologiques, un certain nombre d'autres de ces animaux affec- tant des positions qu'ils n'ont certainement jamais prises de leur vivant. LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 57 Parfois on les représente soit marchant à quatre pattes comme des Chiens, soit assis sur leurs ischions comme de petits Ours ou grimpant aux branches des arbres à la façon des Singes. Or, FiG. 1. Bradypiis représenté dans une attitude défectueuse (Buffon et Daubenton). d'après les voyageurs qui en ont observé à l'état sauvage, aussi bien que d'après les personnes qui en ont vu en Ménagerie, ils ne prennent jamais de semblables positions. 58 R. ANTHONY Bien plus, en admettant qu'ils puissent désirer se tenir de cette façon, il leur serait, de par la constitution même de leurs membres, aussi difficile de le faire qu'il le serait à un cheval de FiG. 2. Montage en peau ancien de Bradypus {Heniibradypus ?) torquatus lUig. (attitude défectueuse). monter un escalier par exemple. Dans cet état de choses, il m'a semblé utile de fixer définitivement la question des attitudes des Bradypodidae. Les documents vrais et précis (et les documents photogra- phiques sont seuls dans ce cas) que l'on possède à ce point de vue sur les Paresseux sont extrêmement rares ; je ne connais LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 59 guère que la clironophotographie d'un pas de Choloepus par MuYBRiDGE (1902), clironophotographie qui nous renseigne à la fois sur les attitudes et la locomotion de cet animal. Ce précieux document nous montre déjà très nettement l'atti- tude du Choloepus qui est, comme l'on sait, une attitude ren- versée par rapport à celle que l'on observe chez les Primates ayant un genre de vie comparable. Le Choloepus progresse sous les branches le ventre dirigé en haut et le dos en bas. J'ai eu moi-même l'occasion de pouvoir étudier en grands détails au cours du printemps de 1902, à la Ménagerie du Muséum, les différentes attitudes d'un Choloepus didactylus Linn. offert par le Gouverneur de la Guyane française et qu'on ne put conserver vivant qu'une quinzaine de jours environ. M'occupant depuis plusieurs années déjà de l'étude des carac- tères d'adaptation des Bradypodidae, j'avais demandé à M. Sau- vinet. Assistant de la Ménagerie, de vouloir bien me prévenir lorsqu'il recevrait un de ces animaux vivants. L'occasion se présenta sans trop tarder : un matin, je reçus un télégramme de M. Sauvinet. Je me rendis immédiatement à la Ménagerie. Le Choloepus était dans une cage à treillage métallique ; mais je fus bientôt vivement désappointé en voyant que l'animal pour lequel j "étais venu se refusait absolument à faire quelque mouvement que ce soit. Il était roulé en boule et accroché, à l'aide de ses puissantes griffes tout en haut du grillage de sa cage, figurant une sorte de masse informe couverte de poils, hors de laquelle n'apparaissaient ni tête, ni membres (voy. flg. 1 de la Planche). Sa respiration régulière semblait indiquer qu'il dormait profondément, et, aucun des moyens que nous employâ- mes, M. Sauvinet et moi, ne réussit à le faire sortir de sa torpeur et quitter cette position. Au bout de peu de temps, nous nous rendîmes compte que mieux valait y renoncer, et, réfléchissant que les Edentés sont en général des animaux de mœurs nocturnes, je proposais à M. Sauvinet de remettre notre visite à la nuit pro- chaine ; après avoir pris une photographie de l'animal dans sa position de sommeil, nous nous retirâmes. 60 tl. ANTHONY Le soir même à 11 heures, nous retournâmes tous deux à la Ménagerie, accompagnés de M. Noguès, étudiant en médecine, attaché au laboratoire du professeur Marey et habile photo- graphe. Le Choloepus avait quitté la position qu'il occupait dans la journée. Cette fois il reposait sur la paille qui garnissait le fond de sa cage, accroché au treillage par les griffes de ses quatre membres, les avant-bras dans leur extension maximum (qui est normalement assez peu considérable) et la tête repliée sur la poitrine (voy. flg. 2 et 3 de la Planche). Il dormait encore. Après l'avoir photographié dans cette nouvelle position, nous n'avons pas eu de peine cette fois à le réveiller et nous pûmes arriver sans beaucoup d'efforts à le sortir de sa cage. Nous le déposâmes alors sur le sol. Le pauvre animal s'y montra absolument dépaysé, ne sachant que faire de ses longs bras qu'il projetait lentement à droite, à gauche, sans prendre jamais aucune position stable. On voyait qu'il n'était pas là [dans les conditions normales de son existence. Nous lui présentâmes alors une large planche tenue inclinée à 45 degrés environ sur le sol. Il n'essaya pas de la gravir. Une longue branche sèche lui fut ensuite présentée dans la même position, le Choloepe la saisit alors de ses longs bras et s'y sus- pendit le dos tourné vers le sol. Nous pûmes alors prendre plu- sieurs photographies représentant l'animal exécutant l'ascension de la branche. Nous fîmes varier l'inclinaison de cette dernière, lui donnant successivement la position verticale, la position hori- zontale et toutes les positions intermédiaires. Lorsque la direc- tion de la branche se rapprochait de la verticale, l'animal n'ar- rivait à son sommet que très péniblement, donnant, par les regards qu'il jetait à droite et à gauche, des marques évidentes du trouble dans lequel il se trouvait. C'était lorsque la branche était horizontale qu'il paraissait en somme le plus à son aise (voy. fig. 4 et 5 de la Planche). Pendant deux heures, nous fîmes ainsi progresser l'animal le long de cette branche, prenant de nombreuses photographies avec l'aide d'explosions de magnésium. A aucun moment il ne LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 64 quitta la position ci-dessus décrite, c'est-à-dire qu'il resta tou- jours le dos tourné vers le sol. Ses mouvements étaient lents, peu amples, et ses membres semblaient complètement dépourvus de souplesse, La tête seule se mouvait sans cesse et avec une •grande rapidité. De temps en temps il s'arrêtait et prenait alors une position de repos un peu bizarre, rapprochant les quatre membres et laissant paraître entre eux sa tête (voy. fig. 6 de la Planche). Pour soutenir et récompenser sa bonne volonté, je lui offrais de temps en temps des bananes qu'il saisissait dans la paume d'une de ses mains en repliant par-dessus ses longues griffes, et qu'il portait ensuite à sa bouche. C'était d'ailleurs, paraît-il, d'après le dire du gardien qui le soignait, la seule nourriture qu'il acceptât avec plaisir. Ces documents que je fournis ici sur les attitudes du Choloepns sont donc complètement d'accord avec ceux que fournit l'examen des photographies de Muybridge. Si l'on se fie aux représen- tations que donnent actuellement la majorité des auteurs aussi bien des Bradypes que des Choloepes, on peut estimer qu'ils le sont également avec les renseignements qu'ont pu fournir tous ceux qui ont soigneusement observé ces animaux à l'état sauvage ou en ménagerie. Ce qui caractérise en somme au point de vue de l'attitude les Bradypodidae, c'est qu'ils sont arboricoles dans toute l'acception du terme. Bien plus, ils le sont exclusivement, en ce sens qu'ils paraissent ne pouvoir se tenir et progresser à terre. Ce sont les plus arboricoles de tous les animaux. Ils doivent naître et mourir dans le même arbre, et, si par aventure il leur arrive de tomber à terre, il doit leur être impossible de regagner leur séjour habituel, et, il est vraisemblable qu'ils meurent alors de faim ou deviennent pour les animaux féroces une proie facile. Ce qui est vrai pour le Gholoepus semble l'être a priori pour les autres animaux de la famille des Bradypodidae {Hemibra- dypus et Bradypus). Nous verrons au cours des mémoires ultérieui'S quelles sont 6â R. ANTHONY les modifications que ce genre de vie si spécial a produites sur leur organisme. II Etude de la locomotion des Bradypodidae. Les documents que j'utiliserai pour cette étude sont de deux ordres : 10 Les chronophotographies de Muybridge (1902) d'un pas de Choloepus. 2° Les observations faites par moi-même sur le Choloepus de la Ménagerie du Muséum d'Histoire naturelle dont il vient d'être question. Malheureusement, comme pour la question des attitudes, je ne puis apporter ici aucune contribution à la locomotion ni du Bradypus ni de VHemibradypus ; elle semble a priori devoir être très analogue à celle du Choloepus. MUYBRIDGE (1902), dans son atlas, a représenté, obtenus par son procédé chronophotograpique spécial, les stades successifs d'un pas complet de Choloepus, c'est-à-dire la série des différents mouvements qui s'exécutent entre deux positions semblables de l'animal sur une branche. Malheureusement beaucoup des photographies de Muybridge (1902) sont extrêmement floues. Il en résulte que dans beaucoup de cas on ne peut savoir exactement si, par exemple, un membre est soulevé ou appuyé. Un certain nombre de fois nos observations personnelles nous ont permis de nous fixer ; mais dans d'autres cas il nous a été impossible d'arriver à la certitude. Néanmoins, et comme nos doutes n'ont porté que sur des points de détails, l'exposé que nous donnons du mode de locomotion du Choloepus peut être considéré comme véritablement exact. Muybridge représente (page 79) 12 positions successives du Choloepus, nous les numéroterons de I à XII. (Voir fig. 3.) Position I : L'animal est suspendu à la branche par les ongles puissants de ses quatre membres ; ceux du bipède la- téral gauche sont rapprochés l'un de l'autre, l'antérieur très LES ÉDENTÉS TARDLGRADES ET GKAVIGRADES 63 ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4* SÉRIE. T. VI. — (il) 64 R. ANTHONY légèrement projeté en arrière, le postérieur très légèrement projeté en avant, ceux du bipède latéral droit au contraire, sont éloignés au maximum et en extension. Position II : Elle est sensiblement la même que la position I ; toutefois l'animal par la contraction des muscles fléchisseurs de son membre antérieur droit (on voit nettement que ce der- nier tend à se rapprocher de la verticale) et des muscles exten- seurs de son membre postérieur gauche, (j'ai constaté, ainsi qu'il le sera dit plus loin par la palpation, la réalité de ces contractions musculaires) tend à faire progresser son corps en avant. En même femps son membre antérieur gauche, et, peut- être aussi, quoiqu'à un degré moindre, son membre postérieur droit semblent manifester une tendance à se détacher de la branche. Position III : La progression du corps en avant continue par le fait des mêmes contractions musculaires que précédemment. Le membre antérieur gauche est maintenant nettement déta- ché de la branche et s'en trouve même assez éloigné ; quant au postérieur droit il semble également en train de s'en détacher à son tour. La photographie de Muybridge floue en ce point ne permet pas de s'exprimer d'une façon plus catégorique. Quoi qu'il eu soit et si même le membre postérieur droit est vraiment détaché de la branche, il en est moins éloigné que l'antérieur gauche, ce qui exprime nécessairement qu'il s'en détache un certain temps après ce dernier. Sur le Choloepus du Muséum d'Histoire naturelle, je me suis rendu compte du retard de courte durée, mais indiscutable, que présente dans son soulèvement le membre postérieur sur le membre antérieur diagonal. Position IV : Continuation par le même mécanisme du même mouvement de progression du corps en avant. Les membres antérieurs gauches et postérieurs droits sont nettement éloi- gnés de la branche. Par suite de la progression du corps le pre- mier est maintenant en avant de son homologue du côté droit. LES E DENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 65 Position V : Le corps a encore progressé en avant ; les mem- bres antérieurs droits et postérieur gauche agents actifs de cette progression sont maintenant dans une direction perpendicu- laire à celle de la branche. Le membre antérieur gauche s'est abattu sur la branche et le postérieur droit ne va pas tarder à retomber à son tour. Il est important de noter cette avance pour l'appui du membre antérieur gauche sur le postérieur droit, elle est en quelque sorte compensatrice du retard pour le sou- lèvement du membre postérieur droit sur l'antérieur gauche. Cette avance et ce retard ne paraissent pas être absolument égaux. Il semblerait que le membre antérieur est toujours un peu moins longtemps soulevé que le postérieur diagonal. Position VI : Le corps a encore progressé en avant par le fait de la contraction des muscles fléchisseurs du membre anté- rieur droit, et extenseurs du membre postérieur gauche. Sur •la silhouette VI on se rend compte que ces muscles ne sont pas loin d'être à bout de course. En même temps le membre posté- rieur s'est abattu à son tour sur la branche se mettant au contact de l'antérieur droit. L'animal se trouve alors dans une position très voisine de la position I avec cette dilïérence que ce sont les membres du côté droit qui occupent la position qu'occu- paient ceux du côté gauche et inversement. L'animal a accompli un demi pas. Positions VII-VIII-IX-X-XI : Le deuxième demi-pas s'ac- complit de la même façon que le premier, mais ce sont cette fois les membres antérieur droit et postérieur gauche qui se soulè- vent, pendant que les membres antérieur gauche et postérieur droit sont les agents actifs de la progression. Pendant les positions VII et VIII la progression du corps en avant paraît encore se continuer par le fait des contractions mus- culaires des muscles fléchisseurs du membre antérieur droit et extenseurs du membre postérieur gauche. Il semble que ce ne soit qu'à partir de la position VIII que ces muscles soient à bout de course. Ce n'est qu'à partir de ce moment en tous cas que les mem- bres antérieur droit et postérieur gauche tendent à se soulever. R. ANTHONY Position XII : L'animal occupe en ce moment une position voisine de celle qu'il occupait en I. Le membre antérieur droit s'est abattu sur la branche ; mais le postérieur gauche n'est pas encore à son contact. C'est le retard déjà signalé du membre postérieur à l'appui (voyez position V). Si l'auteur avait repré- senté une treizième photographie, elle aurait certainement réalisé d'une façon parfaite la position I. Les figures 4, 5, 6, 7, représentent le déplacement et la trajectoire de chacun , _....„ ^^ des membres pris en particuHer. FlQ. 4. Positions successives occupées par le membre antérieur droit au cours d'un paa complet {Ckoloepus). Sur cette figure, on se rend compte que pendant l'appui, le membre, par le fait de la contraction de ses muscles fléchisseurs, tourne autour d'un point fixe pris sur la branche. Lorsqu'il est arrivé à occuper une direction à peu près perpen- diculaire à cette dernière, il tourne alors autour d'un point fixe (lequel d'ailleurs, par le fait de la progression du corps en avant déterminée par la contraction des fléchisseurs de l'antérieur gauche et des extenseurs du postérieur droit, se. déplace d'arrière en avant), situé probablement dans l'articulation scapulo- humérale ou dans son voisinage. Cette figure, ainsi que les figures 5, 6, 7, a été exécutée d'après la chronophoto- graphie de Muybridge. ^ - : - - .A7/. FiG. 5. Positions successives occupées par le membre anté- rieur gauche au cours d'un pas complet {Choloepus). Mêmes observations qne pour la figure précédente. LES EDENTuS TARDIGRADeS ET GRAVIGRADES 67 m. FiG. 6. Positions successives occupées par le membre postérieur gauche au coiurs d'un pas complet {Choloepus). Sur cette figure, on se rend compte que pendant l'appui le membre tourne, par le fait de la contraction de ses muscles extenseurs, autour d'un point fixe pris sur la branche. Lorsqu'il est arrivé à occuper une direction à peu près perpendiculaire à cette dernière, il tourne alors autour d'un point fixe (lequel d'ailleurs, par le fait de la progression du corps en avant déterminée par la contraction des fléchisseurs de l'antérieur gauche et des extensem:s du postérieur droit, se déplace d'arrière en avant), situé probablement dans l'articulation coxo - fémorale ou dans son voisinage. t'iG. 7. Positions successives occupées par le membre postérieur droit au cours d'un pas complet (Choloepus). Mêmes observations que pour la figure précédente. Malheureusement, je n'ai pu me servir pour l'étude que j'ai faite du Oholoepus de la Ménagerie du Muséum de la méthode 68 R. ANTHONY chronophotographique : les locaux ne s'y prêtaient pas ; de plus le fait que l'animal se refusait à se mouvoir en plein jour rendait également l'exécution de la chose extrêmement difficile. J'ai dû me contenter de l'observation pure et simple, qui, dans l'étude de la locomotion peut parfois être si féconde, surtout lorsqu'il s'agit d'un animal dont les mouvements sont aussi lents que ceux du CJioloepus. Par ce seul procédé, j'ai pu constater effectivement que l'animal se mouvait à peu près toujours de la façon représentée par Muybridge (1902) et pour ainsi dire jamais différemment. Je reconnais toutefois qu'il ne serait pas inutile de recommencer les expériences de Muybridge (1902), et je compte tenter de le faire à la prochaine occasion. Au cours de mes observations, j'ai pu me rendre compte aussi que la progression du corps en avant se faisait ainsi qu'il l'a été annoncé, non seulement par la contraction des extenseurs du membre postérieur fixé, mais aussi par celle des fléchisseurs du membre antérieur. La simple palpation m'a permis de me rendre facilement compte de l'action de ces muscles fléchisseurs du membre antérieur laquelle est véritablement très puissante. On sait combien a été discuté ces dernières années le rôle des membres antérieurs dans la propulsion du corps chez les animaux à attitude normale, le cheval notamment. La plupart des auteurs, en effet, admettent que chez le cheval la propulsion se fait par l'intermédiaire des membres postérieurs seuls, les membres antérieurs ne jouant simplement le rôle que de co- lonnes de soutien. L'opinion contraire a cependant été émise et certains pensent que les membres antérieurs jouent un rôle actif dans la propulsion prenant un point d'appui sur le sol et amenant en quelque sorte par la contraction de leurs muscles fléchisseurs le corps à eux. Le lieu n'est point ici de prendre parti dans cette question. Disons seulement qu'en ce qui con- cerne le Choloepus, il nous a semblé que les membres antérieurs jouaient un rôle peu important dans la propulsion du corps lorsque la branche sur laquelle se déplaçait l'animal était hori- zontale. Lorsque la branche était inclinée et que l'animal la LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 69 gravissait, leur rôle était indiscutable et très important. L'animal grimpe alors autant qu'il marche. Lorsque la branche était inclinée en sens inverse et que l'animal descendait la pente, il ne contractait plus du tout les fléchisseurs de ses membres antérieurs et la contraction des extenseurs des membres postérieurs était elle-même très diminuée. Il profitait en quelque sorte de l'action de la pesanteur, et avait plutôt besoin de se retenir que de faire effort pour avancer. Le rôle des membres antérieurs était alors nul. Mais le paresseux n'aime guère descendre les pentes, d'autre part les branches sont rarement horizontales. Il s'ensuit qu'il est le plus souvent dans les conditions où les fléchisseurs de ses membres antérieurs se contractent, de telle sorte que l'on peut considérer leur contraction comme un acte normal de la loco- motion de cet animal qui tient à la fois de la marche et du grim- pement. Les membres antérieurs jouent donc en somme un rôle important dans la propulsion du corps chez les Paresseux. D'après la méthode de Mârey (1873) on peut écrire graphi- quement de la façon suivante le pas du CJioloepus chronopho- tographié par Muybridge (1902). J'ai suivi dans cette figure aussi exactement que je l'ai pu les indications de l'auteur; mais le flou de certaines photographies a souvent rendu ma tâche difiicile. 1 / //. ///. //: /; 17. 17/. 17//. /r. ,t ,17. A7/. ~* " ' ... ■ i m ■ Or/ . /^'/ |^^^^^^^^^^^^^^^^_^^_^^^^_ /'.// 'V. FiG. 8. Notation (d'après la méthode de Marey) d'un pas de Choloepus d'après la chro- nophotographie de Muybridge. ad, membre antérieur droit ; ag, membre antérieur gauche ; pd, membre postérieur droit ; pg, membre postérieur gauche. 70 R. ANTHONY De ces observations sur le Choloepus il ressort que l'allure qu'aiïecte cet animal est une allure diagonale, c'est-à-dire que les mouvements des membres sont associés en diagonale, l'an- térieur droit et le postérieur gauche d'une part, le postérieur droit et l'antérieur gauche d'autre part. On conçoit d'ailleurs qu'il serait difficile qu'il en fût autrement. Si ces animaux à attitude renversée avaient une allure latérale analogue à l'amble du cheval, ils risqueraient de rester suspendus par leurs deux membres du même côté. Pour éviter cette occurrence ils devraient contracter énergiquement les muscles adducteurs de leurs mem- bres de l'autre côté afin de lutter contre l'influence de la pesan- teur qui tendrait dans le cas de leur attitude spéciale à s'op- poser à l'appui qu'elle favorise au contraire dans le cas de la locomotion d'un animal tel que le cheval. Dans cette allure du Choloepus il n'y a pas une synergie strictement absolue entre les deux bipèdes diagonaux. Cela se voit bien dans la figure 3 : ainsi qu'il l'a été dit le membre anté- rieur se met en contact avec la branche avant que le membre postérieur ne l'ait atteinte (Position V). Il résulte de ceci que l'allure renversée du Choloepus est une sorte de trot décousu dans lequel l'animal ne perdrait jamais le contact avec la branche sur laquelle il progresse. Non seule- ment le Choloepus ne perd pas contact avec la branche le long de laquelle il progresse mais encore entre chaque demi pas il y a un moment oii ses quatre membres sont en contact avec eUe. L'allure de cet animal peut en adoptant la notation pro- posée par Marey (1873) s'inscrire de la façon schématisée suivante (voy. fig. 9). no. 9- Notation simplifiée et schématisée (d'après la méthode de Marey) de l'allare du Choloepus. Même légende que la figure précédente. LES ÉDENTÉS TARDIGR4DES ET GRAVIGRADES 7i III Résumé et Conclusions. 10 Les Bradypodidae (Paresseux) sont des animaux essen- tiellement et exclusivement arboricoles. 2° Leur attitude dans les arbres est toujours renversée, c'est-à-dire que leur dos est tourné vers le sol. 30 Leur locomotion est lente et ils paraissent affecter d'une manière constante une allure diagonale comparable à un trot légèrement décousu dans lequel l'animal ne perdrait jamais contact avec la branche sur laquelle il progresse et dans lequel entre chaque demi pas ses quatre membres seraient en même temps en contact avec elle. INDEX BIBLIOaRAPHiqUE 1903. Anthony (R.). Die Morphogenie oder Lehre von der Enste- hung der Formen. Wien. 1905. Anthony (R.). Note préliminaire sur les attitudes et les carac- tères d'adaptation des Edentés de la famille des Bradypo- didae. {Bull. Mus. Hist. nat, liP 5, p. 385.) 1902. Beddard. Mammalia. London. 1868. Brehm. La vie des animaux illustrée. Les Mammifères. 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Le même progressant le long d'une branche inclinée. FiG . 6 . Le même suspendu à une branche dans une attitude de repos. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 73 à 102, pi. III 25 Février 1907 L'ORIGINE DES NEMÂTOCYSTES DES ÉOLIDIENS PAR L. CUÉNOT Professeui- à la Faculté des Sciences de Nancy. SOMMAIRE Etat de la question 73 Les Eolidiens étudiés et leurs proies 76 Identité des nématocystes des Eolidiens avec ceux de leurs proies 77 Expériences démontrant l'origine alimentaire des nématocystes des Eolidiens.... "9 Régénération du sac cnidophore 83 Fonctionnement du sac cnidophore normal 84 Valeur défensive des nématocystes des Eolidiens 85 Appendice. — I. Structure et physiologie du nématocyste 89 II. Ressemblance mimétique entre Eolidiens et Coelentérés 94 III. Détermination des Actinies citées 95 Conclusions 99 Etat de la question La présence de nématocystes chez les Eolidiens a été inter- prétée de deux façons différentes : pour la très grande majorité des auteurs, ces organites appartiennent en propre au Mollusque et se développent dans les cellules (cnidoblastes) qui tapissent intérieurement les sacs enidophores des papilles ; la ressem- blance complète, l'identité pour mieux dire, qu'ils présentent avec les nématocystes des Coelentérés rentre dans la catégorie (les phénomènes de convergence. Arch. de zool. exp. et gén. — iv série. — t. vi. — (m) 6 74 L. CUENOT - Mais, d'autre part, on sait que les Eolidiens à nématocystes, sans exception, se nourrissent précisément de Ocelentérés, Acti- nies ou Hydraires ; frappé par ce fait, T. Strethlll Wright, dès 1858, avait pensé que les nématocystes des Eolidiens pour- raient bien provenir des Cœlentérés ingérés ; malgré les obser- vations et expériences assez probantes qu'il avait faites, cette manière de voir a paru sans doute par trop invraisemblable, et ses publications ont passé tout à fait inaperçues ; ce n'est que tout récemment, en 1903, que cette idée a été reprise par Glaser et par Grosvenor. Les arguments invoqués à l'appui de leur thèse par Wright, Glaser et Grosvenor, sont d'ordre varié : les uns relèvent d'observations, les autres d'expériences. On peut les grouper de la façon suivante, en ne mentionnant que les plus frappants : 1° Diverses espèces d'Eolidiens, pris sur diverses espèces d'Hydraires, ont resx)ectivement des nématocystes identiques à ceux de ces Hydraires ; de même, d'une façon générale, les Eoli- diens qui dévorent les Actinies ont des nématocystes rappelant ceux de ces Cœlentérés (Wright, Glaser, Grosvenor). 2° Les nématocystes trouvés en abondance dans les excré- ments des Eolidiens, et qui proviennent sans aucun doute des Cœlentérés ingérés, sont généralement identiques à ceux des sacs cnidophores (Grosvenor). 3'' Il est vrai qu'il y a d'assez nombreux Eolidiens {Fiona, Glaucus, Doto) qui se nourrissent de Cœlentérés et qui n'ont ni sacs cnidophores ni nématocystes, mais la réciproque n'est pas vraie : les Eolidiens qui mangent autre chose que des Cœlen- térés, soit des Bryozoaires {Janidœ), soit des œufs de Poissons {Calma glaucoides), sont toujours dépourvus de sacs cnido- phores et de nématocystes. 40 Les divers individus d'une même espèce d'Eolidien n'ont pas toujours des nématocystes identiques ; il peut y avoir une assez forte variation, qui trouverait une explication simple dans un changement de nourriture (Grosvenor, Abric). 50 Un jeune EoUs aïba, trouvé dans un aquarium où il s'est L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES EOLIDIENS 75 probablement métamorphosé (depuis deux mois environ), n'a sûrement pas eu d'Hydraires à sa disposition. Il ne renferme pas de nématocystes (Glaser). 6° Eolis Druîmnondi, vivant sur Tubularia indivisa, a des nématocystes semblables à ceux de cet Hydraire. Après un jeûne prolongé, VEolis est nourri avec des Goryne eximia ; le jour suivant, ses papilles et son tube digestif renferment des nématocystes de Coryne mélangés à ceux de Tubularia (Wright). Des RizzoUa peregrina ont dans les sacs cnidophores, au moment de leur capture, de petits nématocystes pyriformes d'Hydraires (provenant de tentacules à'Eudendrium ?) ; ils sont placés dans un aquarium renfermant uniquement l'Hydraire Pennaria Cavolinii, qui a des nématocystes ovoïdes, grands et petits. Au bout de neuf jours, on trouve dans les sacs cnido- phores des RizzoUa un mélange des nématocystes originels et de ceux de Pennaria ; au bout d'un mois, les premiers ont été presque entièrement remplacés par les nématocystes de Pen- naria (Grosvenor). 70 Si les nématocystes se développaient dans les cellules des sacs, on devrait trouver tous les stades de développement, ce qui n'est pas ; les nématocystes sont toujours parfaits, quelle que soit leur taille. La présence d'un canal de communication entre le diverticule hépatique et le sac ne se comprend guère que si les nématocystes arrivent dans ce dernier par la voie digestive. Assurément, ces arguments et ces expériences, surtout pré- sentés en masse, sont probants ; mais le fait à prouver est tel- lement extraordinaire, tellement invraisemblable, peut-on dire, que de nouvelles recherches à ce sujet ne paraîtront peut-être pas superflues. Je les avais, du reste, commencées avec la con- viction, malgré la lecture du mémoire de Grosvenor, que les nématocystes des Eolidiens leur appartenaient bien en propre, et avec l'idée préconçue qu'il fallait trouver une explication, influence chimique ou autre, de la ressemblance indiscutable des nématocystes d'Eolidiens avec ceux des Cœlentérés dont % h. CUÉNOT ils se nourrissent habituellement. Mes expériences m'ont forcé de changer complètement d'opinion ; j'espère donc qu'on les trouvera convaincantes. Les Eolidiens étudiés et leurs proies J'ai étudié surtout deux Eolidiens fréquents dans le bassin d'Arcachon pendant les mois d'été : BergMa cœrulescens Lau- rillard, parfaitement conforme à l'excellente description donnée par Teinchese (1882), et Spurilla neapolitana Délie Chiaje, bien décrite également dans les travaux de Bergh, Trinchese et Vayssière. Ces deux espèces se rencontrent ensemble dans les parcs à Huîtres, sous les collecteurs, les vieilles caisses aban- données et les pierres, accompagnées d'une faune assez riche d'animaux fixés. Spongiaires, Actinies, Balanes et Tuniciers. Des observations préliminaires m'ont permis de préciser les Coelentérés dont ils se nourrissent : BergMa cœrulescens s'attaque uniquement à une petite Actinie du groupe des Sagartiadées, VAiptasia lacerata Dalyell, et surtout, peut-être exclusivement, à la variété a à tentacules carminés, qui présente, quand on la voit en place, une ressemblance décevante avec l'Eolidien (1). Spurilla neapolitana est plus éclectique et plus vorace : elle attaque surtout des Sagartiadées : Aiptasia lacerata Dal. et Aiptasia erythrochila P. Fischer, Cylista viduata Miill., Heliactis bellis Ellis, et une espèce de la famille des Phellidés, Phellia elongata Délie Chiaje (2). Quand la colonne est peu consistante, comme c'est le cas chez les Aiptasia, les Actinies sont dévorées entièrement, sans qu'il reste de résidu ; si la colonne est coriace, la Spurille, quand elle a réussi à l'entamer, mange le contenu de la cavité du corps, mése<ntéroïdes et organes génitaux, ainsi que les tentacules, mais laisse intacte la plus grande partie de la colonne. Je n'ai jamais vu les Spurilles tenter d'attaques sur (1) Voir à V Appendice, note II, quelques remarques sur la ressemblance mimétique entre Eolidiens et Cœlentérés. (2) Voir à {'Appendice, note III, des références au sujet de la détermination des Actinies citées au cours de ce travail. L'ORIGINE DES NEMA f OCYSTES DES EOLIDIENS 77 Sagartia troglodytes Johnston et Bunodes Balli Cocks ; elles s'approchent souvent de Sagartia sphyrodeta Gosse, mais comme cette espèce rejette an moindre contact des quantités d'aconties, les Spurilles sont visiblement incommodées par ces organes et s'écartent d'un animal aussi bien défendu. Un sens très délicat, l'olfaction sans doute, avertit les Eoli- diens de la présence d'une proie qui leur convient. Bien sou- vent, dans des aquariums renfermant des Spurilles immobiles, cachées sous des pierres, j'ai laissé tomber des Aiptasia, qui sont leur mets de prédilection ; presque aussitôt, les Eolidiens se mettent en marche, se dirigeant tout droit vers l'Actinie ; quand ils l'ont rencontrée, ils tâtent la colonne avec leurs rhi- nophores et commencent à la ronger; le muffle buccal se dilate d'une façon singulière, et son extrémité s'applique étroitement, comme une ventouse, sur l'Actinie. Les particules alimentaires passent ainsi dans le tube digestif de TEolidien, sans subir de contact avec l'eau ambiante ; ce qui explique que les némato- cystes de l'Actinie parviennent intacts, non déchargés, dans les diverticules hépatiques des papilles. Identité des nématocystes des Eolidiens avec ceux de leurs proies Les nématocystes trouvés dans les sacs cnidophores sont incontestablement identiques à ceux des Actinies attaquées or- dinairement par Berghia et Spurilla, et cela seul permet déjà d'afl&rmer l'origine actiniaire des premiers. En dehors des spiro- cystes (qui ne se rencontrent jamais dans les sacs cnidophores), les Sagartiadées et les Phellia ont deux types principaux de néma- tocystes, que je qualifierai de forme barbelée et de forme spiralée. La première (pi. III, fig. 5, 6; figurés I et III du texte, page 88) a une capsule allongée, de taille variable, qui est surmontée, à l'état de dévagination, par un tube basilaire sur lequel sont implantées de nombreuses barbules dirigées vers la capsule ; ces barbules sont petites et rares au voisinage de celle-ci, et aug- mentent en taille et en nombre à mesure qu'on s'en éloigne ; le tube basilaire, à son extrémité distale, porte un court tronc 78 L. CLTENOT ' de cône, sans barbules, qui se prolonge par un très long et très mince filament creux (1). La forme spiralée diffère de la pré- cédente par la constitution du tube basilaire qui ressemble (fig. 8) à une vis doublement spiralée, ne portant pas de bar- bules, mais de courts piquants à peine visibles ; le filament ter- minal est souvent d'une longueur considérable. Chez Aiptasia erytJirochila, on rencontre, dans les tentacules seulement, une forme de grande taille (fig. 7), modification du type barbelé, qui paraît absolument propre à cette espèce ; je ne l'ai vue nulle part ailleurs. Elle diffère de la forme habituelle par la longueur inusitée du tube basilaire qui décrit (dans l'état invaginé) une double boucle à l'intérieur de la capsule. Chez Berghia, qui mange uniquement Aiptasia lacerata, on trouve presque exclusivement de grands nématocystes barbelés à tube basilaire droit ; la forme spiralée est rare et petite. Iden- tité parfaite de formes et de dimensions entre les nématocystes de l'Actinie et de l'Eolidien. Chez Spurilla, qui a un régime très varié, il y a du polymor- phisme dans les nématocystes d'un même animal, et de notables différences entre les divers individus : les nématocystes barbelés et spirales ont des tailles très variables, et parmi eux on ren- contre fréquemment, mais pas constamment, le nématocyste à tube basilaire bouclé, caractéristique de V Aiptasia erythrochila. J'ai isolé dans un aquarium, pendant plusieurs semaines, des Spurilles auxquelles je ne donnais en pâture, mais à profusion, que cette espèce d' Aiptasia ; immanquablement, j'ai vu dans les sacs cnidophores le nématocyste caractéristique. Dans une même cellule de sac cnidophore, on peut trouver plusieurs formes de nématocystes, comme l'ont déjà constaté Bedot (1896) et Abric (1904-a). Il est presque superflu de dire que les nématocystes libres dans la cavité des diverticules hépatiques, de même que ceux inclus dans les excréments, sont aussi identiques à ceux des sacs (1) Voir à V Appendice, note I, une description détaillée du nématocyste barbelé et de son mode de fonctionnement. L'ORIGINE DES NEMATOGYSTES DES EOLIDIENS 79 cnidophores. Je mentionnerai en passant que l'on trouve dans les excréments, outre des nématocystes non déchargés, de très nombreux spirocystes intacts ; il est fréquent d'en voir de libres à l'intérieur des diverticules hépatiques ; et cependant, comme on le sait, il n'y a jamais de spirocystes dans les sacs cnidophores; mais ce n'est pas parce qu'ils sont digérés avant d'y arriver, comme on le croyait. Chez Aeolidiella glauca Aider et Hancock, dont je n'ai eu qu'un exemplaire entre les mains, j'ai trouvé dans les sacs cni- dophores les deux formes habituelles de nématocystes, spi- ralée et barbelée ; il est probable que cette espèce s'attaque aussi à des Actinies voisines des Sagartia, mais je ne l'ai pas constaté de visu. Expériences démontrant l'origine alimentaire des nématocystes des Eolidiens J'ai cherché à réaliser une expérience cruciale, dilïérente de celles de Wright et Grosvenoe, parce que la substitution d'une espèce de Cœlentéré à une autre, dans le régime alimentaire des Eolidiens, donne difficilement des résultats démonstratifs; souvent, tel Eolidien ne mange qu'une seule espèce de Cœlen- téré et n'en accepte pas d'autre (par exemple BergMa) ; ou bien, s'il attaque plusieurs espèces, celles-ci sont voisines et ont des nématocystes à peu près identiques (par exemple Spurilla). Mes expériences sont faciles à refaire, et confirment par une autre voie celles qui sont basées sur le changement de nourriture. Avec de fins ciseaux coupant très bien, je sectionne chez des Berghia et des Spurilla toutes les extrémités des papilles, de façon à enlever les sacs cnidophores ; il faut une certaine patience pour atteindre toutes les papilles, mais ce n'est pas impossible ; d'ailleurs, s'il reste sur les côtés du corps quelques petites pa- pilles avec sacs intacts, cela ne trouble pas l'expérience. Les animaux ne paraissent pas souffrir de l'opération. Je les divise ensuite en deux lots, qui sont placés dans les meilleures conditions d'existence possibles (eau très aérée. 80 L. CUENOT pierres pour s'abriter). Les Eolidiens du premier lot ne reçoivent absolument aucune nourriture ; ceux du second sont nourris abondamment avec une seule espèce d'Actinie, dont on étudie minutieusement les nématocystes. La cicatrisation des papilles coupées se fait très rapidement, et elle est suivie peu après de la régénération de nouveaux sacs cnidophores à l'extrémité distale et aux dépens du diverticule hépatique (fig. 1) ; ces sacs apparaissent, suivant les lots, de 7 à 10 jours après l'amputation. A partir de ce moment, il suffit d'enlever quelques papilles aux Eolidiens de l'un et l'autre lots, et de les examiner telles quelles au microscope, pour se faire une opinion sur la question. Les sacs des Eolidiens abondamment nourris, bien que très petits, à peine formés (7 jours après ampu- tation), ont leurs cellules internes bourrées de nématocystes adultes (fig. 1 et 2). On trouve aussi d'assez nombreux nématocystes libres dans la cavité des diverticules hépatiques. Tous ces néma- tocystes, aussi bien les libres que ceux renfermés dans les cel- lules des sacs, sont identiques dans les moindres détails à ceux de l'Actinie donnée comme nourriture. Je citerai en particulier l'exemple suivant : une Spurille, amputée depuis 7 jours, a mangé durant ce temps (le 6® jour) une seule Aiptasia erythrocMla, de grande taille, mais sans toucher à la couronne tentaculaire ; les cellules des sacs cnido- phores sont bourrées des nématocystes de V Aiptasia ; j'y trouve trois formes de nématocystes barbelés, une grande (cajjsule de 49 [x environ de longueur), une moyenne (28 (j^) et une petite (13 fx), et une forme petite et effilée de nématocyste spirale (capsule de 11 ^ environ de longueur). Or les nématocystes barbelés petits et moyens, ainsi que les nématocystes spirales, proviennent des mésentéroïdes de V Aiptasia, tandis que la grande forme des nématocystes barbelés se trouve dans les aconties. Comme la Spurille n'a pas touché à la couronne tentaculaire, qui renferme seule le nématocyste barbelé à tube bas'laire bouclé (flg. 7), cette forme ne se trouve pas dans les sacs cnidophores. L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 81 Au contraire, chez les Eolidiens laissés à jeun, les sacs, bien que parfaitement développés et tapissés intérieurement de grandes cellules (flg. 3), ne renferment pas de nématocystes, même 18 jours après Topération. Les cellules des sacs ont un cytoplasme va- cuolaire renfermant quelques sphérules jaunâtres, mais sans le moindre indice de nématocystes en voie de formation. La conclusion s'impose : puisqu'il n'y a pas de nématocystes dans les sacs régénérés des Eolidiens à jeun, alors que ceux des Eolidiens bien nourris en sont bourrés, c'est que ces éléments proviennent des Cœlentérés ingérés. Je dois dire que l'expérience ne donne pas toujours des résul- tats aussi tranchés ; il y a une cause d'erreur à peu près impos- sible à éviter, mais dont l'interprétation est facile. Bien que j'aie pris la précaution de faire jeûner les Eolidiens pendant quelques jours, préalablement à l'amputation des sacs, il peut arriver et il arrive parfois qu'il reste quelques nématocystes libres dans les cavités compliquées des diverticules hépatiques, provenant du dernier repas absorbé avant la période de jeûne préalable. Dès que les sacs sont régénérés, ces nématocystes passent par le canal de communication et se logent dans les cellules néoformées ; c'est ainsi que de temps en temps, on trouve quelques nématocystes adultes dans les sacs régénérés des Eoli- diens à jeun ; il n'y en a qu'un très petit nombre par sac, de 1 à 6 par exemple, et jamais plus d'un dans une même cellule (fig. 4), ce qui contraste avec les centaines de nématocystes renfermés dans les sacs régénérés des Eolidiens bien nourris. Par exemple, sur une Berghia amputée depuis 18 jours, j'exa- mine successivement 12 papilles, et je trouve : un sac renfermant trois nématocystes, trois sacs qui en contiennent chacun deux, un sac qui présente un seul nématocyste, et sept sacs n'en con- tenant pas un seul. Il|est absolument impossible que ces rares nématocystes se soient formés dans les cellules régénérées, vu leur distribution capricieuse, leur petit nombre, et surtout le fait qu'ils sont adultes (fig. 4), de grande taille, et qu'ils ne sont accompagnés d'aucune forme jeune. f^'2 L. CUENOT La présence accidentelle de ces nématocystes est d'ailleurs heureuse, car elle permet de réfuter deux critiques que l'on pourrait faire au dispositif expérimental que j'ai adopté. Sup- posons pour un instant un zoologiste qui continue à croire que les nématocystes des Eolidieus se forment sur place, dans les cnidoblîistes des sac« : il pourrait dire, pour expliquer l'absence de nématocystes chez les amputés laissés à jeiin. que les cel- lules des sacs régénères n'en forment pas parce qu'elles n'ont plus assez de réserves, qu'elles sont dans un certain état d'ina- nition : il pourrait objecter aussi que la formation des néma- tocystes par les cnidoblastes exige peut-être la présence chez l'Eolidien d'un excitateiu- chindque particulier, qu'il ne peut se procurer qu'en mangeant des Cœlentérés : comme il est à jeun, il ny a pas d'excitateur de la sécrétion, et il ne se déve- loppe pas de nématocystes. Or, puisqu'on trouve de temps en temps des nématocystes dans les sacs des amputés laissés à jeun, ces deux critiques, du reste spécieuses et hasardées, tombent complètement : le zoologiste que j'ai supposé serait forcé de reconnaître que les Eolidieus n'ont pa^ besoin d'un excitateur pour fabriquer des nématocystes. et que les cellules des sacs ne sont pas non plus en état d'inanition. Mais si elles ne sont pas iuauitiées et si l'excitant spécifique est une pure imagination, comment se fait-il que. dans les expériences réussies, il n'y ait pas du tout de nématocystes dans les sacs régénères des Eolidieus privés de nourriture f Le bon sens repond que c'est parce qu'il n'en entre point dans le tube digestif. N'oublions pas. du reste, que la présence ou l'absence de néma- tocystes dans les sacs régénérés, suivant que l'Eolidien mange des Cœlentérés ou reste à jeun, ne constitue qu'une pai'tie de la démonstration ; le fait que l'Eolidien nourri acquiert cons- tamment des nématocystes i^eniique^ à ceux de l'Actinie qu'il mange, et surtout l'absence totale de stades de développement des nématocystes, dans quelque circonstance que ce soit, suffi- sent amplement à entraîner la conviction. L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 83 Régénération du sac cnidophore Lors de la régénération, le sac cnidophore se développe exac- tement comme dans l'ontogénie normale (voir Davenport, Hecht, Krembzow) ; après la cicatrisation de la papille, le diverticule hépatique, très ramifié comme on sait, est fermé à son extrémité distale ; c'est la branche terminale, celle qui est la plus voisine de l'épiderme de la papille, qui donnera le sac cnidophore. A cet effet, elle présente un étranglement (fig. 2) qui sépare une région ovoïde — le futur sac — du reste du diverticule, tandis que l'étranglement deviendra le canal de communication. On trouve à ce moment de nombreuses mitoses dans l'épithélium du sac cnidophore. Le mésenchyme de la papille s'organise autour du sac et produit d'une part le revê- tement musculaire de celui-ci, d'autre part le sphincter qui se développe très tôt autour du canal de communication, vers la base du sac. L'épithélium du sac cnidophore régénéré m'a paru être vibra- tile au début de sa formation ; plus tard je n'ai pu apercevoir de mouvements vibrants. Il est constitué (fig. 3) par de grandes cellules en forme de tronc de pyramide, qui présentent un noyau nucléole, basilaire ; la surface libre de la cellule porte souvent, à ce qu'il m'a semblé, un revêtement de très courts bâtonnets. Entre les grandes cellules fonctionnelles, il y en a de plus petites, ou plus exactement on voit entre elles, au contact de la basale, de nombreux noyaux qui sont sans aucun doute des noyaux de remplacement {interstitial cells de Grosvenor). Quand les cellules commencent à englober des nématocystes, (ûg. 2), ceux-ci se voient seulement dans les cellules des régions supérieure et moyenne du sac ; la base reste . onstituée par des cellules non différenciées {embryonic zone de Grosvenor), pré- sentant des mitoses, qui sont évidemment responsables de l'ac- croissement du sac. On a remarqué bien des fois, lors de la régénération d'organes teutaculif ormes, que celle-ci s'accompagnait fréquemment d ano- 84 L. CUENOT malies ; les papilles des Eolidiens ne font pas exception à la règle ; il est très commun, après régénération du bout des pa- pilles, de trouver deux ou même trois sacs cnidophores au lieu d'un seul (fig. 1). Il semble que la cause déterminante de l'hyper- production des sacs est la multiplicité des contacts entre l'épi- démie du sommet et de petites branches terminales du caecum hépatique. Fonctionnement du sac cnidophore normal Il résulte sans conteste, de toutes les observations et expé- riences accumulées, que les nématocystes des Eolidiens pro- viennent bien des Cœlentérés qu'ils ont ingérés. Le canal de communication entre le diverticule hépatique et le sac cnido- phore joue sans doute le rôle d'un filtre, arrêtant certains corps solides pour en laisser passer d'autres. Il est facile de constater, en effet, que les nématocystes seuls passent dans le sac, alors ((u'il y a bien d'autres débris dans le contenu du tube hépatique ; on y rencontre très fréquemment des spirocystes intacts, et aussi des Diatomées, ayant à peu près la forme et la dimension de nématocystes allongés, et cependant ni Diatomées ni spi- rocystes ne passent dans le sac cnidophore. Le canal de commu- nication est revêtu d'un épithélium vibratile à très longs cils ; il est probable que ceux-ci font un choix parmi les corps qui tendent à entrer dans le canal, soit en ne laissant passer que ceux qui sont particulièrement lisses, soit en commandant par voie réflexe l'ouverture du sphincter qui est à la base du sac cnido- phore. Quant à la capture par l'épithélium interne des nématocystes entrés dans le sac, elle est impossible à constater de visu ; on peut supposer qu'elle rentre dans le cadre des phénomènes de phagocytose. En tous cas, cette phagocytose présente un carac- tère bien particulier : les nématocystes ne sont pas ingérés par n'importe laquelle de leurs extrémités ; comme on l'a déjà remarqué, tous, sauf de rarissimes exceptions, sont disposés de L* ORIGINE DES NEMATOCYSTES DES EOLIDIENS 80 la même façon dans la cellule englobante (fig. 5) ; l'extrémité ouverte par laquelle se produit la sortie de l'appareil interne est toujours du côté libre de la cellule, de telle sorte que la dévagination peut se produire (comme cela arrive parfois sous l'action des réactifs), la cellule étant encore en place. C'est ce fait qui, au début de mes recherches, m'avait incité à croire que les nématocystes se développaient de toutes pièces dans les cellules du sac cnidophore ; mais puisqu'il n'en est pas ainsi, il faut que quelque tropisme oriente les nématocystes au contact de la cellule englobante, de façon à ce que l'extrémité fermée de ceux-ci entre la première dans le cytoplasme. Les cellules des sacs cnidophores n'étant pas des cnidoblastes, c'est-à-dire des cellules formatrices de nématocystes, doivent recevoir un nom nouveau rappelant leur mode de fonctionne- ment : je propose de les appeler des némato'phages. Ce terme me paraît préférable à celui de cellules agglutinantes suggéré par Abric (19046). Les nématocystes des Eolidiens sont parfaitement fonct on- nels, exactement comme ceux des Cœlentérés ; je n'ai jamais remarqué qu'ils soient modifiés en quelque manière par le cyto- plasme étranger qui les englobe ; c'est peut-être là, du reste, le point le plus étonnant de leur histoire. Valeur défensive des nématocystes des Eolidiens Pour achever l'histoire des nématocystes, reste à voir si ces organites, empruntés aux Cœlentérés et devenus partie inté- grante de l'organisme des Eolidiens, jouent un rôle quelconque dans la biologie de ceux-ci. Chez les Cœlentérés, les némato- cystes ont sans aucun doute une vaheur défensive ; en est-il de même chez les Eolidiens f Lorsqu'on touche un Eolidien avec une baguette de verre, il prend aussitôt une attitude particulière ; les papilles s'érigent, s'allongent et se tournent autant que possible vers le point lésé, comme si elles s'orientaient pour cribler l'ennemi de némato- cystes ; mais en réalité, comme le dit très justement Grosvenor, 86 L. CUENOT " il y a très peu ou même pas du tout de nématocystes rejetés au dehors par la contraction des sacs. Cette attitude est donc purement émotive, et n'a pas d'effet défensif direct. Ce n'est que lorsqu'on tracasse violemment l'animal, ou mieux encore lorsque les papilles sont arrachées et comprimées, qu'il sort des sacs une masse de cellules nématophages et de nématocystes, qui explosent aussitôt. Il y a de très bonnes raisons, tirées du mode de fonctionnement des nématocystes, pour croire que cette explosion non dirigée ne peut avoir qu'un effet insigni- fiant (voir à I'Appendice, note I) ; mais laissons cela et essayons des expériences. Si un Poisson, par exemple, attaque un Eolidien, il mord tout d'abord les papilles, les arrache, et reçoit la décharge des néma- tocystes dans la bouche ; paraît-il en éprouver un effet quel- conque ? Les expériences ont donné des résultats assez contra- dictoires, mais il est juste de dire qu'elles ont porté à la fois sur des Eolidiens et des Poissons différents. Herdman et Clubb jettent divers Eolidiens {Coryphella rufihrancMalis, Galvina picta et Facelina coronata) dans des aquariums renfermant des Blennius pJiolis, Gadus morrhua, Cottus buhalis et TracMnus vipera : les Poissons nagent vive- ment vers les Nudibranches, et les avalent, mais pour les rejeter aussitôt ; ils reviennent parfois à la charge, mais pour les rejeter encore et cette fois d'une façon définitive ; les papilles détachées par le choc n'ont attiré aucun Poisson. Donc incomestibilité complète des Eolidiens. Garstang {in Poulton, 1890, p. 200) obtient des résultats analogues : il jette Galvina tricolor Forbes (1), variété orange, dans un aquarium contenant de jeunes Gadus pollachius ; l'Eolidien est happé, puis rejeté après une ou deux secondes par deux Gades, qui semblent manifester leur sur- prise désagréable par des mouvements de la bouche identiques à ceux qu'ils effectuent lorsqu'ils ont happé des tentacules d'Actinies. De plus, Garstang constate que cet Eolidien et d'autres comme Facelina coronata, Eolis Alderi, placés sur la (1) Nom correct, synonyme de Cavolina Farrani. L'ORIGINE DES NEMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS f^7 langue, déterminent une sensation piquante très nette, qui varie d'intensité suivant la taille du Mollusque. Cependant, la non-comestibilité des Eolidiens ne peut pas être tenue pour générale ; Me Intosh (cité par Grosvenor) a remarqué que la Morue {Gadus morrhua) mange volontiers des Eolis papillosa et même des Actinies. J'ai opéré de la même façon avec Spurilla neapolitana ; je jette des Spurilles venant d'être prises, donc en parfait état, dans une série d'aquariums renfermant des Poissons carnassiers, bien acclimatés, mais plutôt affamés : Grondin {Trigla Mrundo Bloch), Griset [Cantharus lineatus Mont.), Bar {Labrax lupus Cuv.), Dorade {Pagrus auratus L.), Loche {GoUus niger L.). Les Trigles, Grisets et Dorades se précipitent sur les Spurilles et les avalent ; parfois ils les rejettent plusieurs fois, mais revien- nent à la charge en poursuivant même les papilles détachées, et dévorent finalement Spurilles et papilles. Ils se comportent exactement de même avec de petites Actinies de taille semblable à celle des Eolidiens {Aiptasia lacerata). Par contre, des Poissons très voraces, comme les Dorades et les Bars, même affamés, refusent obstinément de manger de petites Adamsia Rondeleti ; ils les mordent, mais évidemment dégoiités par les aconties, ils s'en écartent définitivement après la première tentative. La différence de comestibilité entre les deux Actinies est due sans doute au rejet plus ou moins facile des aconties : Adamsia les émet en quantité au moindre attouchement, tandis qu'ils sor- tent difficilement et en petit nombre chez V Aiptasia. Les Gobius niger nagent vivement vers les Spurilles qu'on leur jette, les happent quelquefois, mais les rejettent aussitôt et s'écartent définitivement ; si on leur jette de nouvelles Spu- rilles, ils les regardent tomber dans l'aquarium, semblent les reconnaître, puis s'éloignent. Ils se comportent exactement de même avec de petites Actinies de taille analogue. Les Spurilles présentent donc des défenses efficaces contre les Gobius, qui abondent du reste dans les stations où on rencontre ces Eolidiens, mais il reste à savoir si les Poissons sont repoussés par un goût 88 L. CUENOT i (Voir l'explication des figiires dans le texte.) capsule du nématocyste. b, tube basilaire invaginé dans la capsule, b', tube basilaire dévaginé, hérissé de barbules. c, stylet perforant formé par les barbules accolées eu pinceau, d, cône distal du tube basilaire. e, filament terminal invaginé. e', filament terminal dévaginé. o, appareil operculaire fermant l'orifice de dévagination. o', pièces operculaires rejetées sur le côté après la sortie du tube basilaire. x, trou perforé dans une capsule de nématocyste par le stylet d'un autre nématocyste. L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES EOLIDIENS 89 désagréable global, ou bien seulement par les nématocystes. J'ai alors offert à des GoUus une Spurille dont j'avais sectionné presque tous les sacs cnidophores : il n'y a eu aucune différence : les Gohius ont happé la Spurille, mais l'ont rejetée aussitôt et ne l'ont plus attaquée. Malheureusement je n'ai fait cette expé- rience qu'une seule fois, il est vrai dans de très bonnes condi- tions ; elle paraît démontrer que vis-à-vis des Poissons, la valeur défensive des nématocystes des Eolidiens est très faible, sinon tout à fait nulle, et que les Eolidiens sont surtout protégés — quand ils le sont — par leur revêtement de mucus ou leur goût désagréable global. H serait intéressant d'expérimenter avec des Crustacés, qui paraissent redouter vivement les nématocystes, et de leur offrir des Eolidiens de même espèce, les uns normaux, les autres privés de leurs sacs cnidophores. En somme, les Eolidiens ne sont pas dédaignés par tous les Po'ssons, leurs ennemis naturels ; quelques espèces .tiennent ces Mollusques pour comestibles, mais il est à remarquer que les mêmes peuvent aussi manger des Actinies médiocrement armées, ce qui indique un palais assez peu susceptible. D'autres Poissons manifestent un franc dégoût pour les Eolidiens, mais il n'est pas du tout prouvé que ceux-ci doivent l'immunité à leurs nématocystes d'emprunt. Autant qu'on peut en juger d'après des expériences incomplètes, la valeur défensive de ces nématocystes paraît des plus réduites. APPENDICE I. Structure et physiologie du nématocyste La structure des nématocystes est certes bien connue dans ses grandes lignes, mais néanmoins on a beaucoup de peine à trouver dans les classiques ou ailleurs des renseignements clairs et précis permettant d'interpréter les détails des images que l'on a sous les yeux. Aussi, bien qu'il n'y ait rien de très nou- veau dans l'exposé qui suit, j'ai cru utile de décrire la structure ARCH. DE ZOOL. F.XP. ET GÉN. — 4« SERIE. T. VI. — (lll) 7 90 L. CTJENOt et le processus de dévagination du uématocyste de la forme barbelée ; on pourra les suivre facilement sur les figures ci-jointes, à peine schématisées. Le nématocyste chargé, adulte (fig. I du texte, fig. 4 et 5 de la planche III), est constitué par une capsule oblongue, limitée par une membrane très élastique et rigide. Au sommet de la capsule, la membrane s'invagine pour constituer le tuhe hasi- laire, qui présente une striation en spirale extrêmement serrée ; à son extrémité inférieure, la membrane du tube basilaire se replie en dedans pour constituer le cône distal, et finalement celui-ci se continue, à son sommet, avec un tube capillaire, qui présente vraisemblablement un très fin orifice terminal. La place laissée libre dans la capsule est comblée par une substance amorphe et transparente, coagulable par le formol, qui présente les caractères de coloration du mucus, et qui est plus ou moins vénéneuse. A son sommet, la capsule est fermée par un petit appareil, trop petit pour qu'on le puisse bien comprendre, mais qui paraît plus compliqué qu'un simple opercule. Lorsque le nématocyste a explosé (fig. III du texte), on retrouve facilement les parties sus-indiquées ; la capsule est parfaitement vide, son contenu muqueux ayant disparu ; le tube basilaire, parcouru par une spire à tours beaucoup plus écartés que dans le nématocyste chargé, est hérissé de barbules souples, très petites et écartées au voisinage de la capsule, et devenant de plus en plus grandes et serrées à mesure qu'on s'en éloigne. Le tube basilaire porte à son sommet le cône distal, qui se prolonge par le fin filament terminal. Dans le némato- cyste explosé, on voit que le tube basilaire est deux ou trois fois plus long que dans le nématocyste chargé ; il subit donc un allon- gement propre. Je crois qu'on peut le comparer à un ressort à boudin, fortement serré et tendu à l'état chargé, et tout à fait détendu après l'explosion. Lorsqu'on tue un Eolidien ou une Actinie par immersion dans du formol, on trouve facilement des nématocystes fixés par le réactif à divers stades de la dévagination, comme celui L'ORIGINE DES NEMATOCYSTES DES EOLIDIENS 91 représenté pi. III, ûg.^, et dans le schéma II du texte : Tappareil de fermeture a cédé sous la pression interne et se rabat au pôle supérieur de la capsule sous forme de deux petits opercules (?); le tube basilaire se dévagine, entraînant le cône distal et le fila- ment terminal ; dans les nématocystes fixés, dont le contenu capsulaire muqueux est coagulé, on voit très bien un vide cen- tral correspondant à la place occupée par le tube basilaire. A mesure que ce dernier se dévagine, les barbules s'étalent. Pendant toute la période de dévagination du tube basilaire, l'extrémité libre de celui-ci porte à tout instant une pointe excessivement aiguë, un véritable trocart ; je pense que cette pointe est formée par les barbules internes accolées, à la façon des poils d'un pinceau qui « fait la pointe ». A mesure que le cône distal cliemiue dans l'intérieur du tube basilaire, celui-ci se détend derrière lui ; ce n'est que lorsque le cône apparaît au sommet du tube, que ce dernier acquiert sa longueur défi- nitive. Le filament terminal, qui se trouvait alors engagé dans le tube basilaire, se dévagine à son tour, mais sans que sa lon- gueur s'accroisse bien sensiblement. C'est pendant ce pTocessus de dévagination que le contenu muqueux de la capsule disparaît; il est probable qu'il passe dans le tube basilaire et le filament capillaire pour s'échapper par l'orifice terminal de ce dernier. L'explosion, que l'on peut provoquer avec certitude en ins- tillant de l'acide acétique sous une préparation de nématocystes frais, n'est pas rapide comme l'éclair; elle dure un temps appré- ciable, une seconde, peut-être un peu plus. La figure IV du texte, due à un hasard heureux, est extrême- ment intéressante par les renseignements qu'elle donne sur le fonctionnement du nématocyste ; des nématocystes de Berghia, groupés en paquets, ont explosé sous l'action du formol, et j'ai pu, parmi eux, trouver nombre d'images analogues à celle que j'ai représentée : a est une capsule de nématocyste complè- tement explosé, et vide par conséquent ; un nématocyste voisin a également explosé, et trouvant devant lui cette capsule, l'a perforée avec son trocart (en œ), et a continué à se dévaginer à 92 T.. CUKNOT Tintérieur, en vase clos. On peut en déduire : 1° que le trocart a une puissance perforante précise et considérable, pour faire un trou comme à Temporte-pièce dans une membrane aussi solide que celle d'une capsule ; 2» que le tube basilaire n'est pas très rigide, puisqu'il peut se courber à angle assez brusque ; 3° que les barbules latérales sont assez souples, car on les voit s'infléchir à l'entrée ; 4° que le filament terminal est également souple et incapable de perforer des tissus. Il est donc évident que lorsque des nématocystes explosent au contact d'un animal, proie ou ennemi, ce sont les trocarts qui perforent la peau de celui-ci, permettant ainsi à la dévagination de se continuer dans les tissus internes de l'étranger ; grâce à leur souplesse, le tube basilaire et le filament terminal peuvent se glisser entre les obstacles et se déployer dans toute leur lon- gueur. Les nématocystes jouent alors d'une façon parfaite leur rôle d'appareils inoculateurs du contenu capsulaire. Mais, pour que les nématocystes remplissent efficacement leur rôle, il faut que leur attaque soit dirigée à peu près perpen- diculairement au contact étranger, c'est-à-dire qu'il leur est nécessaire d'exploser sans quitter les cellules oii ils sont ren- fermés ; c'est ce qui se produit effectivement pour les aconties et les tentacules d'Actinies. La majorité des nématocystes explose en place, quitte à tomber plus tard. Au contraire, si les nématocystes sont rejetés librement au dehors, par paquets ou isolément, plus ou moins englués dans du mucus, il y a toutes sortes de chances pour que les dévaginations se produisent dans des directions quelconques, et soient parfaitement inefficaces, soit que les trocarts n'entrent pas en contact avec l'ennemi, soit qu'ils glissent à sa surface abordée obliquement. Or, c'est précisément le cas des Eolidiens ; quand, à la suite d'une irri- tation convenable, le sac cnidophore rejette nématocystes isolés ou nématophages entiers, la dévagination ne se produit qu'en dehors de l'Eolidien, dans tous les sens possibles, de sorte qu'un nombre considérable de nématocystes ne peuvent pas agir comme inoculateurs. Je ne dis pas qu'ils ne servent à rien, mais enfin L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES EOLIDIENS 93 il me paraît difficile de les présenter comme des armes offen- sives aussi efficaces que celles des Cœlentérés ; chez l'Eolidien, leur situation dans un sac interne est tout à fait défectueuse au point de vue de leur utilisation. Quant à la cause déterminant l'explosion des nématocystes, elle n'est pas connue avec certitude ; on sait qu'elle peut agir sur le nématocyste en place, enfermé dans une cellule, aussi bien que sur un nématocyste parfaitement libre. La théorie la plus en vogue, celle d'IwANZOFF, reprise par Grosvenor, y voit un phénomène d'osmose : la capsule renfermerait un corps très avide d'eau, mais qui ne peut en attirer normalement, parce que le nématocyste en place est entouré d'une solution hypertonique (cytoplasma) ; lorsque le nématocyste s'ouvre au sommet, ou est rejeté dans l'eau ambiante, il entre en contact avec une solution hypotonique ; l'eau pénètre à l'intérieur de la capsule, la pression interne devient considérable et l'explo- sion se produit. Si l'on admet que le contenu intestinal des Eolidiens est une solution hypertonique, au même titre que les liquides tissu- laires des Actinies, on comprend assez bien, dans cette théorie, que les nématocystes avalés par ceux-là ne se déchargent pas durant leur long trajet, puisqu'ils n'ont point de contact avec l'eau de mer hypotonique. Néanmoins la théorie osmotique sou- lève bien des difficultés, et je crois, avec von Lendenfeld (1904), qu'elle est au moins incomplète. Abric (1904) n'accepte pas non plus que la dévagination soit due à l'action de l'eau de mer sur la gelée interne de la capsule ; il pense, sans insister d'ail- leurs, que le cnidoblaste excité produit une sécrétion qui agit sur le contenu de la capsule et provoque l'explosion ; cela ne me paraît guère vraisemblable, puisqu'un nématocyste com- plètement isolé, chargé, peut très bien exploser sous l'influence d'un agent externe. La question est à reprendre ; des expériences précises, tenant compte des phénomènes d'ionisation, ne peuvent manquer de résoudre le problème. 94 L. CUENOT II. Ressemblance mimétique entre Eolidiens et Coelentérés Il y a parfois une ressemblance vraiment frappante entre des Eolidiens et les Cœlentérés dont ils se nourrissent habituel- lement : GiARD (1888) remarque qu'à Wimereux, VEoUs papil- losa L. ressemble à s'y méprendre à Sagartia troglodytes Johnst. à demi contractée, et se trouve fréquemment sous les roches où vit cette Actinie ; Gaestang (1890), tout eu émettant des doutes sur l'observation précédente, cite un cas analogue : à Plymouth, YAeoUdiella Alderi Cocks (1), qui se nourrit vrai- semblablement d'une certaine espèce de Sagartia très commune, la mime à ce point qu'on prend fréquemment pour le Nudi- branche des exemplaires de cette Actinie à demi enterrés dans le sable. A Arcachon, BergJiia cœrulescens rappelle singulièrement VAiptasia lacerata à tentacules carminés dont il se nourrit presque exclusivement, et qui habite les mêmes stations que l'Eolidien : les papilles de Berghia présentent vers l'extrémité une ceinture d'un rouge vif brillant, et quand l'animal est immo- bile dans une petite anfractuosité du substratum, il simule tout à fait une Aiptasia à demi épanouie ; un marin qui recueillait des Berghia avec moi, à Arcachon, s'y trompait constamment, et je dois dire que moi-même, bien qu'averti, j'avais parfois une certaine hésitation qui ne cessait qu'en provoquant par un contact la rétraction de l'Actinie. Je serais très disposé à ne voir dans ces trois exemples que des coïncidences sans signification, qui n'ont en tous cas aucun effet utile pour les Nudibranches non plus que pour les Actinies. Il n'y a rien de bien étonnant à ce qu'un Eolis couvert de papilles rappelle une Actinie hérissée de tentacules et de dimensions analogues ; la ressemblance de couleur pourrait bien être due quelquefois au passage du pig- ment de la proie dans le foie et les tissus du Nudibranche, c'est- à-dire être de l'homochromie nutriciale, comme dans le cas d'Ar- chidoris tuberculata Cuv., Rostanga coccinea Forbes, Cyeloporus (1) Synoaym^ _d' AeolidieUa glauca Aid. et Hanc. L'ORIGINE DES NEMAÏOCYSTES DES EOLIDIENS 93 papiUosus Lang, Lamellaria perspicua L., qui empruntent leur couleur aux Eponges ou aux Synascidies dont ils se nourrissent (voir CuÉNOT, 1903). III. Détermination des Actinies citées Les Actinies comptent parmi les animaux les plus difiâciles à déterminer, tant en raison de leur très grande variabilité que de Tabsence d'organes susceptibles de fournir des caractéris- tiques. Augsi, j'ai cru utile de donner quelques références au sujet des espèces citées au cours de ce travail, que j'ai recueillies à Arcaclion (Bassin et large) ; je les ai déterminées surtout avec les ouvrages classiques de Gosse et d'ANDRES, qui seraient excellents s'ils renfermaient plus de figures de détail; j'ai con- sulté également les travaux de P. Fischer (1875, 1889), qui a justement étudié les Actinies d'Arcachon, mais ils m'ont rendu bien peu de services, vu l'absence de figures et l'imprécision excessive des diagnoses. J'ai trouvé à Arcachon les espèces suivantes d'Actimnœ : AcTiNiDÉs : Actinia equina L. ; Anemonia sulcata Pennant. BuNODiDÉs : Bunodes BalU Cocks. Phellidés : Phellia elongata Délie Chiaje. Sagartiadés : Heliactis hellis Ellis ; Cylista viduata O. F. Mill- ier ; Adamsia Rondeleti Délie Chiaje ; Adamsia palliata Bo- hadsch ; Aiptasia erythrocJiila P. Fischer ; Aiptasia lacerata Dalyell ; Sagartia troglodytes Johnston ; tiagartia sphyrodeta Gosse. Parmi ces espèces, il en est quelques-unes, tout à fait con- formes aux descriptions de Gosse et d'ANDRES, qui sont très faciles à déterminer. Mais d'autres" sont vraiment difficiles à identifier, comme le témoigne leur synonymie embrouillée ; ce sera sur celles-là seulement que je donnerai quelques détails, permettant de les reconnaître. Phellia elongata Délie Chiaje. — Plusieurs exemplaires de petite taille fixés sur Avicula hirundo L. Cycles : 12, 12, 24... Le disque présente des lignes blanches opaques qui partent de 96 L. CUENOT la base des tentacules des deux premiers cycles ; les tentacules sont colorés en brun au sommet et présentent vers leur milieu une paire de taches brunes. C'est sûrement une Phellia, mais ce n'est pas sans quelque hésitation que je rapporte mes échan- tillons à l'espèce elongata, qui présente de si nombreuses variétés, de l'aveu même d'ANDRES, qu'il n'est pas possible de décrire une forme typique. Cylista viduata O. F. Millier. — Espèce très variable, trouvée assez souvent dans les parcs sur des coquilles, des collecteurs : de petits exemplaires sont parfois fixés sur des 3Iaia squinado vivants. La colonne opaque est parcourue par des bandes lon- gitudinales, plus foncées que le fond, surtout nettes vers hi base de la colonne et plus ou moins confuses vers le haut. Quand l'Actinie est contractée, ou aperçoit vers le haut de la colonne de 10 à 14 points noirs, disposés assez régulièrement, qui sont des cinclides. Tentacules nombreux, translucides, se contournant comme des serpents ; les premiers cycles comprennent 12, 12, 24... tentacules ; ceux-ci ont le plus souvent une coloration inté- rieure noirâtre, qui dessine habituellement deux lignes longi- tudinales. Disque concave avec rayons gonidiaux jaunes ou bordés de blanc. La coloration générale est rose, rougeâtre, brune, verdâtre ou vert olive. Mes échantillons correspondent bien aux figures et descriptions de Gosse et d'ANDRES ; P. Fis- cher a dû trouver cette espèce à Arcachon ; je suppose que c'est sa Sagartia troglodytes, forme a (1889). Aiptasia erytkrochila P. Fischer. — Très abondante sur les algues, pierres, piliers de débarcadères. Espèce peu variable, d'un rouge saumon uniforme, avec tentacules d'un ton beau- coup plus clair ; la colonne est susceptible d'un grand allonge- ment et peut atteindre plusieurs centimètres de long ; elle devient alors à demi translucide. Les rayons gonidiaux ont parfois une teinte d'un rouge plus foncé que le reste du disque, mais ce n'est pas constant ; les lèvres buccales sont le plus sou- vent d'un rouge assez vif. Les cinclides forment des tubercules légèrement saillants, bien visibles sur les animaux épanouis ; L'ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 97 ils sont alignés en séries longitudinales, mais sont épars sur toute la hauteur de la colonne ; les aconties sont blancs ; ils sortent surtout par les cinclides, plus rarement par l'extrémité des tentacules. Chez de jeunCvS individus, j'ai compté avec certitude pour les premiers cycles : 6 , 6 , 12 . . . tentacules ; mais chez les adultes, les cycles sont différents ; sur un grand exemplaire bien épanoui, j'ai compté 11, 11, 22 Les tentacules sont nombreux, et pas très rétractiles ; il faut irriter assez forte- ment l'animal pour que le corps se contracte à fond et que les tentacules disparaissent complètement. J'ai trouvé dans les tentacules seulement une forme spéciale de nématocystes (fig. 7), que je n'ai vue nulle part ailleurs, et qui est bien reconnaissable par les boucles décrites par le tube basilaire à l'intérieur de la capsule. C'est P'. Fischer (1875) qui a découvert cette espèce à Arca- chon, et qui l'a décrite, du reste très mal, sous le nom de Sagartia erythrocMla ; par l'ensemble de ses caractères, elle doit rentrer dans le genre Aiptasia, du reste très voisin ; il est très probable que cette forme est celle qu'ANDRES a rencontrée à Naples et décrite sous le nom à'Aiptasia saxicola (1884, p. 162) ; en tous cas, le nom de Fischer a la priorité. Aiptasia lacerata Dalyell, — Très abondante sous les pierres, les coquilles, les débris de vieilles caisses dans les parcs, etc., en compagnie à'Aiptasia erythrocMla. Espèce à coloration extrê- mement variable ; dans la forme que l'on peut regarder comme typique, la colonne est jaunâtre à l'état contracté, à peine colorée et transparente à l'état d'extension, permettant de voir facilement le tube œsophagien, les mésentéroïdes, les organes génitaux vivement colorés en rouge ; l'animal ne dépasse guère 15 à 20 millimètres de hauteur totale. Les tentacules sont sou- vent d'un rose vif, plus intense à l'extrémité distale ; il y a quatre cycles comprenant respectivement 6, 6, 12, 24 tentacules ; ceux-ci sont souvent entourés à leur base par un mince anneau brun. Les cinclides sont bordés de brun, légèrement saillants. 98 L. CUENOT et forment environ 12 séries verticales, qui comprennent ctia- cune de 1 à 4 cinclides. Ce qui caractérise bien cette espèce, c'est la présence autour de la bouche d'un pigment blanchâtre, opaque, dessinant une étoile à six rayons, parmi lesquels deux sont des rayons gonidiaux ; ces six rayons aboutissent à la base des tentacules du premier cycle. Quand on a bien reconnu le type, on en rapproche facilement les variétés, qui se distinguent par des changements dans le dessin péristomien, la couleur des tentacules, la teinte du corps qui va de l'incolore au vert sombre, etc. Cette forme est certainement identique à celle de Naples qu'ANDRES appelle Aiptasia lacerata Dalyell, et surtout aux variétés a planifrons et [3 crucifrons (1884, p. 159). P. Fischer a dû la trouver à Arcachon ; c'est probablement celle qu'il rap- porte à Sagartia pellucida Hollard ; Andres, ne reconnaissant pas, et pour cause, l'identité de cette 8. pellucida et de sou A. lacerata, avait donné un nom nouveau {Adamsia Fischeri, puis Sagartia Fischeri) à la forme décrite par Fischer ; c'est un nom qui doit disparaître. Sagartia troglodytes Johnston. — Nombreux exemplaires dans la coquille de Balanes mortes ; répond parfaitement à la descrip- tion typique de Gosse (1860, p. 88). Je ne sais pourquoi Andres, qui paraît ne l'avoir jamais vue à l'état vivant, a rangé cette espèce dans le genre Cy lista (sous le nom de C. undata Mûll.) ; elle est aussi diiïérente que possible de Cy lista viduata, par exemple ; je trouve qu'elle rappelle beaucoup plutôt un Heliactis Sagartia sphyrodeta Gosse. — Plusieurs exemplaires à Moul- leau, près d' Arcachon, fixés sur des Zostères morts. Variété entièrement blanc opaque ; sur un seul individu, j'ai vu nette- ment autour de la base des tentacules l'anneau pourpre dont parle Gosse ; sauf cette variation, cette forme répond parfaite- ment à la description de Gosse (variété a candida). L'ORIGINE DES NEMATOCYSTES DES EOIJDIENS 99 CONCLUSIONS Les néraatocystes des sacs cnidophores des Eolidiens ne leur appartiennent pas en propre ; ils ne sont pas fabriqués par les cellules qui les renferment. Ils proviennent des Cœlentérés, dont les Eolidiens font leur nourriture ; les nématocystes des pre- miers passent intacts dans le tube digestif de l'Eolidien, puis dans les diverticules hépatiques des papilles ; ils franchissent le canal de communication cilié, qui exerce probablement un choix au passage, et arrivent dans les sacs cnidophores. Là, ils entrent dans les cellules de revêtement (nématophages), de façon à être tous orientés dans le même sens, le bout par lequel se fait la décharge étant tourné vers la surface libre de la cellule. J'ai ajouté aux expériences et observations de Wright, Glaser et Grosvenor une nouvelle démonstration expérimentale : on supprime les sacs cnidophores à des Eolidiens, dont les uns sont nourris avec une espèce précise d'Actinie, tandis que les autres sont laissés à jeun ; dans les deux cas, les sacs se régé- nèrent rapidement par le même processus que dans l'ontogénie normale ; les Eolidiens bien nou^rris ont leurs nématophages bourrés des nématocystes de l'Actinie donnée comme aliment, tandis que les Eolidiens à jeun n'ont point de nématocystes. Les Eolidiens ne paraissent pas tirer grand parti de ces armes offensives d'emprunt, rendues peu efl&caces par leur situation dans un sac intérieur ; beaucoup de Poissons, il est vrai, consi- dèrent les Eolidiens comme non comestibles, mais il ne semble pas que ce soit surtout à cause de leurs nématocystes. Nancy, le 15 Décembre 1906. 100 L. CURNOT INDEX BIBLIOaRAPHiqUE 1904. Abric. Sur le fonctionnement des nématocystes des Cœlen- térés. (C. B. Soc. Biol. Paris, LVI, p. 1008). 1904 a). — Sur les nématoblastes et les nématocystes des Eolidicns {C. R. Soc. Biol. Paris, LVII, p. 7) 1904 b). — Les cellules agglutinantes des Eolidiens. {C. E. Ac. Se. Paris, CXXXIX, p. 611). 1884 Ancres. Le Attinie (Fauna und Flora des Golfes von Neapel, IX Monographie). 1896. Bedot. Note sur les cellules urticantes {Bévue Suisse Zool., III, p. 533). 1877. Bergh (R.). Beitrâge zur Kenntniss der Aeolidiaden. {Verhandl. der K. K. zool. bot. Gesells. Wien, XXVI, p. 758). 1903. CuÉNOT. Contributions à la faune du bassin d'Arcachon. 111. Doridiens. {Bull. Soc. scient. d'Arcachon, 1^ ann., p. 1). 1906. — Les Eolidiens empruntent leurs nématocystes aux Cœlen- térés dont ils se nourrissent. {C. B. Soc. Biol. Paris, LXI, p. 541). 1893. Davenport. Studies in Morphogenesis. 1. On the development of the cerata in Aeolis. {Bull. Mus. compar. Zool. at Harvard Collège, XXIV, p. 141). 1875. Fischer (P.). 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On the enidse or thread-cells of the Eolidae {Proc. Roy. Phys. Soc. of Edinburgh) 1863. — On the urticating filaments of the Eolidae {Microscopical Journal (2), 111). EXPLICATION DE LA PLANCHE III FlG. 1. Extrémité régénérée d'une papille de Spurilla neapolitana, 7 jours après ampu- tation de la partie terminale, la Spurille étant abondamment nourrie d'Actinies. Il s'est formé deux nouveaux sacs cnidophores (c), dont les cellules internes sont bourrées de nématocystes. La pression du couvre-objet a fait sortir de chacun des sacs un paquet de cellules nématophages et de nématocystes ; d, diverticule hépatique. Sur le frais ; x 45. FiG. 2. Coupe sagittale d'une papille de Spurilla neapolitana, 8 jours après amputation de l'extrémité ; la Spurille est abondamment munie d'Actinies (Aiptasia). Le sac cnidophore est en voie de régénération ; il est encore dépourvu d'orifice externe ; on voit des mitoses dans l'épithélium de la moitié inférieure : d, diverticule hépa- tique ; e, canal cilié de communication entre le diverticule et le sac cnidophore, entouré d'un sphincter ; m, revêtement mésenchyniateux, qui donnera l'enve- loppe musculaire du sac cnidophore ; n, ^ cellules nématophages, bourrées de nématocystes d' Aiptasia ; n\ coupe transverse d'une cellule nématophage, montrant la section des nématocystes qu'elle renferme. Fixation au sublimé ; X 285. lOâ L. CUENOT FiG. 3. Partie d'une coupe transversale de sac cnidophore récemment régénéré, Bergfiia eœrulescens. 18 jours après amputation de l'extrémité de la papille. Depuis l'opé- ration, la Berghia est à jeun ; les cellules du sac sont absolument dépourvues de nématocystes : m, fibres musculaires en couche circulaire ; m', fibres muscu- laires longitudinales ; n, cellules nématophages ; r, cellule intercalaire de rem- placement. Fixation au picro-formol alcoolique ; x 880. FiG. 4. Cellule nématophage isolée, provenant d'un sac cnidophore récemment régénéré. Berghia cœrulescens, 18 jours après amputation de l'extrémité des papilles. Depuis l'opération, la Berghia est k jeun ; la cellule renferme cependant un nén\a- tocyste adulte d'Aiptasia lacerata, qui provient sans doute du dernier repas antérieur à l'amputation : n, noyau. Sur le frais ; x 935. FiG. 5. Cellule nématophage isolée, provenant d'un sac cnidophore normal de Berghia cœrulescens ; elle renferme une douzaine de nématocystes, dont huit seulement sont visibles sur la figure ; ils sont de taille variée et d'orientation constante : n, noyau. Fixation au formol ; x 650. FiG. 6. Nématocyste provenant d'un sac cnidophore normal de Berghia cœrulescens ; forme dite barbelée, fixée par le formol dans un état de demi-dévagination : b', tube basilaire en voie de dévagination ; c, pointe aiguë, agissant comme perfo- ratrice ; d, cône distal en train de cheminer dans le tube basilaire ; e, filament terminal, encore renfermé dans la capsule, x 880. FiQ. 7. Nématocyste provenant d'un sac cnidophore normal de Spurilla neapolitana ; c'est une forme barbelée, à tube basilaire très long, formant des boucles dans la capsule. Elle provient de la couronne tentaculaire de VAiptasia eryihrochila. Sur le frais ; x 1080. FiG . 8 . iS'ématocyste de l'Actinie Cylista viduata ; forme dite spiralée, dessinée dans un état de demi-dévagination : b', tube basilaire complètement dévaginé portant une double spire saillante ; e, partie du filament terminal encore renfermée dans la capsule ; e', portion dévaginée du filament terminal. Sur le frais. ARCraVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IV^ Série, Tome VI, p. 103 à 135. 15 Mars 1907. ESSAI SUR LA MALACOGRAPHIE DE L'AFRIQUE ÉQUÂTOHIÂLE LOUIS GERMAIN Les régions visitées pendant ces dernières années par les expéditions françaises conduites par MM. Foureau-Lamy, A. Che- valier, Lenfant, etc., ont comblé les grosses lacunes qui subsis- taient encore dans la connaissance de la faune malacologique de l'Afrique équatoriale. Il devient dès lors possible d'indiquer les traits essentiels de cette faune et de montrer ses affinités avec celles des régions voisines. C'est ce que je vais essayer de faire dans les pages suivantes. En 1861, le baron allemand Cari Glauss rentrait en Europe après une longue exploration au pays des Masaï. Il avait pu faire l'ascension du célèbre pic de Kilima-N'djaro et rapportait une petite collection de Mollusques qui furent étudiés par le Dr E. von Martens (1869). Peu après, les rares matériaux re- cueillis par Speke étaient décrits par l'Anglais Dokrn (1864). Au cours de sa traversée de l'Afrique, de Tripoli au golfe de ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉiN. — 4« SÉHIE. — ï. VI. — (iv). 8 iÙA LOUIS GERMAIN Bénin (1847-1867), le D^ Gerhard EoWfs séjourna quelque temps à Kouka. Il y récolta les premiers Mollusques du lac Tchad parvenus en Europe. Le D^' E. von Martens (1877) nous les lit connaître dans une note trop brève. Nous devons au même auteur une étude sur les Mollusques rapportés du pays des Niam- Niam par le Dr Schweinfurth (1869-1874) (Martens, 1873), et ceux, plus nombreux en espèces, trouvés dans TOukambi et aux environs du mont Kénia par le D^" Hildebrandt (Martens, 1878). A la même époque, le D^ E. A. Smith (1877), du British Muséum, publiait un intéressant travail sur les Mollusques du centre afri- cain provenant des récoltes des voyageurs anglais et notamment de Stanley, sir Samuel Baker, lieutenant Verney Howett Came- ron, T>^ Kirk et F. A. Simons. Mais ces explorateurs ne s'étant guère attachés qu'à l'étude géographique des contrées traversées, les documents zoologiques concernant la faunti équatoriale de l'Afrique restaient peii nom- breux. Il en est tout autrement à partir de 1878, date de la création des stations scientifiques établies dans la région des grands lacs sous les auspices des Etats européens. Tandis que les Belges Oambier, Dutrieux et Wauthier (1) fondent une station à Karéma, (2) les Anglais Thomson, Hore, Hutley et Mullens, envoyés par la « London Missionary Society », se fixent à Oudjiji le 23 août 1878. Ils sont bientôt suivis par les Allemands : en 1880, une mission, sous les ordres de la société africaine d'Allemagne, et composée du capitaine von Schôler, de Bôhm, Kayser et Reichard, s'établit à l'extrémité sud du lac Tanganika au moment même où Flegel explorait le cours de la Bénoué et les régions inconnues de l'Adamaoua. La France ne reste pas étrangère à ce grand mouvement d'exploration. Un séminaire des Missions d'Afrique s'était fondé à Alger, en 1876, dans le but de préparer rationnellement des (1) Plus tard, une troisième exp^^dition belge, composée de Beudo, Roger, Blandain et Cadenhead se dirige également sur Karéma oïl elle arrive en avril 1880. (2) Les belges, sous la direction du D'' Van der Heuvel et du capitaine Popelin fondent une seconde station à Kouihara dans l'Ounyanyembé. LA MALACOGRAPHTÉ DE L'AFRTOUE EOUAK^RIALE 10^) missionnaires-explorateurs. Il en part bientôt deux missions : l'une, composée de cinq personnes, parvient à Kadjei, sur les rives du lac Nyassa, en janvier 1879 ; l'autre, qui gagne le lac Tanganika, est rejointe, en 1881, par une troisième expédition comprenant, cette fois, quinze personnes. La plupart des récoltes malacologiques de ces voyageurs furent étudiées par J. E. BouR- GUIGNAT (1883). Il en fut de même des matériaux rapportés par le capitaine Bloyet qui, parti de Zanzibar le 11 juin 1880, comme chef de la station française d'Afrique orientale, parvient à Koudoa dans l'Ousagara, et fonde définitivement la station à Kwa- Mgoungou. Enfin Victor Giraud rapporte, de sa longue explo- ration à la région des grands lacs, la majeure partie des docu- ments qui serviront à Botjrguignat pour écrire son Histoire malacologique du lac Tanganika. (Bourguignat, 1885, 1888, 1890.) Désormais l'élan est donné. Chaque exi)édition revient en Europe avec un matériel zoologique plus ou moins considérable, mais toujours intéressant. La région des grands lacs semble surtout le i3oint de mire des explorateurs. Les Anglais Thom- son (1883) ; O'Neiir (1885) ; Weiss. Jûhlke et le D^ Hannigton (1883) ; le célèbre Stanley (1887-1888) ; J. T. Last (1885-1886) ; Sharpe (1890) ; H.-H. Johnston (1890, puis 1896-1897) ; etc. ; les Allemands Boehm, Reichard et Kaiser (1883-1884) ; Wiss- mann (1885) ; Tf^ Junker (1875-1886) ; le D^ Oscar Lenz (1884- 1886) ; le comte Teleki et von Hôhnel (1887-1888) ; Baumann (1890) ; le D^ Stuhlmann (1890-1892), etc. ; les Français F. de Meuse, Ed. Foa (Germain, 1907), parcourut en tous sens les vastes territoires de l'Afrique orientale compris entre le Congo et l'Océan Indien. Tandis qu'en Angleterre le D^ E. A. Smith fait connaître, dans une série de publications (1), les découvertes de ses compatriotes, le D^" E. von Martens (1898) résume, dans (1) Les travaux de Smith se trouvent disséminés dans les Proceedings of the zoological society of London (1880. pp. 344-352, pi. XXXI ; 1881, pp'. 276-300, pi. XXXII-XXXIV ; 1888, pp. 52-56; 1890, pp. 478-485, pi. XLVIII ; 1890, pp. 146-168, pi. V-VI, etc..) et dans les Annals and magaz. of natural history (5^ série, VI, 1880, pp. 425-430 ; 6^' série, IV, 1889, pp. 173- 175 ; VI, 1890, pp. 93-96 ; VIII, 1891, pp. 317-324 ; X, 1892, pp. 121-128, pi. XII, etc.). 106 LOUIS GERMAIN Tin excellent omTage, la faune malacologique de cette partie de TAfrique. A mesure qu'elle semblait mieux connue, la faune des grands lacs intéressait de plus en plus les zoologistes. C'elle du Tanganika surtout, par son étrangeté, son faciès marin ])lus apparent que réel, fixait l'attention des naturalistes. Aussi le professeur Ray, Lancaster organise-t-il, avec le concours de la « Boyal Society )>, une première expédition au lac Tanganika (1895-1896), bientôt suivie d'une seconde (1899-1900) placée sous le commandement de J. E. S. Moore et composée de sir John Kirck, sir William Thomson -Dyer, D^" Slater et M. Boulenger. Les résultats en furent considérables : au point de vue malacologique, Moore put fixer les affinités d'un certain nombre de Mollusques {Ti- phohia, Limnotrochus, Bathanalia, SpeMa, etc.), dont il fit l'ana- tomie (1903). Il restait à compléter ces données par l'étude de la faune du lac Rodolphe et des nombreuses masses d'eau voisines. L'ex- pédition du comte Teleki et de von Hôhnel (1892) au Kilima N'djaro, au Kenia, aux lacs Baringo et Rodolphe ne nous fournit que de trop rares documents zoologiques. Il en est de même des voyages entrepris par le Français J. Borelli et par les Italiens Vannutelli et Citerni (1899) qui complètent seulement au point de vue géographique les découvertes allemandes. L'explo- ration, toute récente (1904) de M.Maurice de Rothschild est, pour nous, autrement importante. J'aurai à revenir plus loin sur les intéressantes publications malacologiques que MM. Neu- ville et R. Anthony y ont consacrées (1906). Pendant que se multipliaient les voyages dans l'Afrique orien- tale, les régions du Tchad et du Chari étaient parcourues par des explorateurs qui, là du moins, sont presque tous Français. Les premiers Mollusques de ces régions sont recueillis par la mission Foureau-Lamy (Foiireau, 1904, 1905) qui quitte Se- drata le 23 octobre 1898. Après avoir, au prix de mille fatigues, traversé le Sahara, elle débouche, le 10 janvier 1900, sur les bords de la rivière Komadougou-Yobé et campe, un peu au delà LA MAI.ACOGRAPHIE DE L'AFRIQUE EQUATORL\LE 107 d'Arégué, sur les rives mêmes du Tchad. J'ai étudié ailleurs les iutéressantes récoltes malacologiques de M, F. Foureau (Ger- main, 1905, 1905a) et celles, j^lus récentes, de M. Lenfant, dans le lac Tchad (Geeml^in, 1906). Mais les documents fauniques les plus importants que nous possédions jusqulci nous ont été fournis par la belle expédition conduite par MM. A. Chevalier, Decorse, Courtet et Martret, qui explorent, non seulement le lac Tchad, mais encore les bassins du Ohari et de l'Oubangui (Germain, 1904a, 1906). Je n'aurai garde d'oublier ici les officiers français, MM. Lacoin, Hardelet, Duperthuis et Moll qui, au cours de leurs travaux de reconnaissance, ont pris soin de recueillir des coquilles. (Germain, 1906.) Enfin, en 1902, le lieutenant allemand Glauning. récoltait à Kouka quelques Mollusques qui furent décrits par le regretté Dr E. von Martens (1903), alors directeur du Muséum de Berlin. II Dans les pages suivantes, je distinguerai, au point de vue faunique, trois régions peut-être un peu artificielles géograj)hi- quement. La première, que je désigne sous le nom de Bassin du Congo, correspond sensiblement à toute la partie de l'Etat indépendant située au sud du grand fleuve et de son affluent, l'Arouhimi. La deuxième comprend les pays explorés par M. A. Chevalier au cours de sa dernière mission, c'est-à-dire les régions entourant le lac Tchad et les territoires arrosés par le Chari, l'Oubangui, le Gribuigui et leurs tributaires. Enfin la troisième s'étend des grands lacs à la côte : elle rejoint, au nord, le pays des Gallas et celui des Somalis ; elle s'arrête, au sud, au cours du Zambèze. Elle comprend toute l'Afrique orientale allemande et anglaise et une partie de l'Afrique portugaise. Je n'ai rien de particulier à dire de la première région, si ce n'est qu'une notable partie de son étendue est couverte par la grande forêt équatoriale, généralement pauvre au point de vue faunique. La deuxième est maintenant connue, grâce aux explo- 108 LOUrS GERMATN rations françaises de F. Fourean-Lamy, A. Chevalier, Courtet, Decorse et Martret. A son extrême ouest se trouve le Tchad. Ce lac, situé à 260 mètres au-dessus du niveau de la mer, occupe le fond d'une vaste cuvette. Il affecte sensiblement la forme d'un triangle rectangle dont les côtés droits seraient formés par ses rives méridionale et occidentale. D'une surface d'environ 20.000 kilomètres carrés, sa longueur atteint près de 200 kilomètres et sa largeur maximum 180. La parti(^ la plus profonde dn Tchad est la poche du Bornou, le N'Ki Boni des indigènes (eaux blanches et libres). La partie orientale est, par contre, fort peu profonde, parsemée d'iles dont le nombre dépasse trois cents et qui s'éten- dent, le long des rives du Kanem, à une distance de la côte va- riant entre trois et cinq kilomètres. Beaucoup de ces îles sont boisées et servent d'asile à une faune as^ez riche (1). Les eaux du lac, généralement douces, prennent en mai et juin une saveur légèrement salée. Enfin le Tchad qui, au dire des voyageurs, est en voie rapide de dessèchement, n'a que des rives basses et marécageuses. Son principal tributaire est le Chari, grosse rivière fort large et d'environ deux mètres|de profondeur moyenne. Le Chari traverser u d'immenses savanes plates, couvertes de brousses par places et en bouquets épars ». (Foureau, 1905, I, p. 210.) La troisième région, beaucoup plus élevée, généralement mon- tagneuse, est surtout intéressante par la présence de nombreux lacs, souvent très étendus, qui occupent, du sud au nord et à des altitudes différentes, le fond d'une immense faille. Le pre- mier de ces lacs est le Nyassa, qui communique avec le Zambèze par la rivière Shiré. Long de plus de 600 kilomètres, large de 24 à 100 kilomètres, sa surface atteint 30.000 kilomètres carrés et sa profondeur, en certains points, dépasse 200 mètres. Il est situé à 480 mètres au-dessus du niveau de la mer et sa côte orientale est bordée par les monts Livingstone. Ses eaux sont très pures, d'une limpidité parfaite, puisqu'elles ne laissent aucune trace de sédiments dans les chaudières. A environ 350 kilo- (1) Les grands Limicolaires y sont, nolaninient, fort abondants. LA MALACOGRAPHIE DE I/AFRIOUE EQUATORIAL 109 mètres au nord-ouest s'étend le lac Tanganika situé, entre les 30 et 9° de latitude sud, à une altitude de 830 mètres au-dessus du niveau de la mer. D'une superficie de 39.000 kilomètres carrés, sa longueur maximum est de 600 kilomètres et sa largeur varie entre 50 et 90 kilomètres. La profondeur du Tanganika est considérable ; ses rives sont fort accidentées et, sur toute la moitié sud notamment, les montagnes tombent à pic dans Teau, ne laissant que, de loin en loin, quelques petits intervalles occupés par des plages. Son principal affluent est le Loukouga, qui le met en communication avec le Loualaba, c'est-à-dire avec le bassin du Congo. vSes eaux sont fort agitées et, dit le voyageur français Victor Giraud (1885, p. 27), comparables, à ce point de vue, à celles de l'Océan. Bien que potabh^s au dire des habi- tants, elles sont souvent « troublées et dénaturées par de forts dégagements gazeux chargés de matières minérales, dégagements provenant du fond de l'immense faille à laquelle est due cette mer intérieure ». (Bourguignat, 1888, ]). 79.) Encore plus au nord, et souvent réunis entre eux par des rivières plus ou moins importantes, se rencontrent les lacs Kivu, Albert-Edouard- Nyanza et Albert-Nyanza, à l'est desquels s'étend le vaste lac Oukerewé ou Victoria -Nyanza, qui n'a pas moins de 66.500 kilo- mètres carrés. Ses côtes possèdent, d'après Stanley, un dévelop- pement total de plus de 1.800 kilomètres. Placé sous l'équateur, à une altitude de 1.100 mètres, il communique, au nord, avec le lac Albert-Xyanza. directement rattaché au bassin du Nil. Enfin, beaucoup plus au nord, (vers le 5° de latitude nord) existe toute une série de lacs sans écoulements constituant autant de bassins fermés. Les uns, comme le Basso-Narok (lac Noir) ou Rodolphe, le Baringo et lé Naïwacha, renferment de l'eau douce ; les autres, tels que le Basso-Ebor (lac Blanc), le Nakoura-Sekelaï, le Maou et le Mangara, ont des eaux salées. Le territoire de ces lacs est bordé d'une chaîne de montagnes qui l'isole du bassin du Nil ; une autre chaîne, dominée par le Kenia et le Kilima-N'djaro sépare, de l'Océan Indien, le bassin des lacs fermés de l'Afrique orientale. 110 LOUIS GERMAIN III I Nous pouvons essayer maintenant de caractériser la faune malacologique des régions équatoriales de l'Afrique. Les maté- riaux jusqu'ici recueillis dans les territoires du ( 'hari-Tcliad sont beaucoup moins importants que ceux de l'Afrique orien- tale ou du bassin du Congo. Ils sont cependant suffisants pour établir, entre ces diverses contrées, d'intéressantes comparai- sons. Les espèces de la famille des Urocyclidœ se rencontrent dans toute l'Afrique équatoriale. Il en est de même des Helicarion et des Vitrines, mais leur rareté semble d'autant plus grande que l'on s'éloigne davantage des côtes. C'est ainsi que M. A Che- valier n'a rapporté, de sa dernière mission, qu'un seul échan- tillon de Vitrine d'ailleurs en trop mauvais état de conservation pour être déterminé spécifiquement. Les Thapsia habitent depuis les côtes du Sénégal et de la Guinée, jusqu'au Mozambique, au Choa et en Abyssinie. Sur- tout répandues dans les régions côtières, elles se trouvent aussi dans les pays de l'intérieur oii elles vivent au voisinage des rivières, sous les amas de feuilles mortes, au pied des arbres et, de préférence, dans les endroits montagneux (1). On en connaît actuellement un grand nombre d'espèces toutes très voisines les unes des autres (2), Le genre Sitala H. Adams n'a, jusqu'ici, aucun représentant dans les territoires qui nous occupent. Par contre, on a signalé, dans les régions boisées et humides du N 'gourou, (au nord de rOusaghara) (Bourguignat, 1889, p. 14), et dans la grande (1) C'est ainsi rjuc le D'' E.-A. Smith (1899, p. 583) a signalé un assez grand nombre d'espèces de Thapsia {Thapsia mixta Smith, Th. masukuensU Smith, Th. simulata Smith, Th. npikana Smith. Th. decepta Smith) vivant sur les plateaux de Nyika> de Zomba. de Chiradzulu et de Malosa, situés au Nord du lac Nyassa, et qui atteignent une altitude variant entre 5.000 et 7.000 pieds (1 520 et 2.l3u mètres). (2) M. le U' Decorse a recueilli, aux environs de Krebedjc, une très belle espèce de Thapsia, remarquable par sa spire planorbique et sa grande taille. Je la décrirai prochainement sous le nom de Thapsia Lamyi. LA MALACOGRAPllIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORL\LE IH forêt équatoriale (Dupuis et Putzeys, 1901, \)\. 111), quelques rares espèces appartenant au genre Moaria, créé par Ohaper (1885) pour des coquilles du Gabon. Les TrocJionanina, dont l'étude descriptive est entièrement à reprendre peuvent, au point de vue géographique, se répartir en deux séries. La première, de beaucoup plus nombreuse, com- prend les espèces à test mince et fragile qui, comme les Trocho- nanina mozambicensis Mousson, Troch. ïbuensis Martens, Troch. percarinata Martens, etc., vivent dans les régions côtières. La seconde est constituée par des espèces {TrocJionanina mesogae Martens, Troch. permanens Smith, etc.) au test épais, beaucoup plus solide, ne se rencontrant qu'à l'intérieur du continent. J'ai également signalé (Germain, 1907), dans le bassin du Chari, la présence du Trochonanina Adansoniœ Morelet, espèce qui n'était connue que du Gabon, où elle vit sur les troncs de Baobab (Morelet, 1858, p. 13). Une forme très voisine, le Trochonanina percostulata Dupuis et Putzeys, habite également la grande forêt équatoriale, dans le bassin du Congo (Dupuis et Putzeys, 1901, p. LIV). Les Ledoulxia Bourguignat sont des coquilles à test solide et opaque qui pénètrent beaucoup moins avant dans les terres que les Trochonanines. Il en est de même des Bloyetia Bourgui- gnat, grosses espèces globuleuses aux habitudes nocturnes (1) qui paraissent cantonnées dans les contrées arides du Somal, où elles représentent les Leticochroa des régions méditerranéennes. Ou n'en connaît pas de l'intérieur. Les Enneidœ se rencontrent partout : les genres Streptaxis Gray, 3Iarconia Bourguignat, Ptycotrema Môrch, Edentulina Pfeiffer, etc., et surtout Ennea Pfeiiïer, fournissent de riches suites d'espèces, aussi bien dans l'Afrique orientale que dans le bassin du Congo et la région des lacs. La pauvreté du ter- ritoire du Chari — où je n'ai signalé que le seul Ennea Gravieri (1) Par ses caractères anatomiciues, le genre Bloyetia se rapproche des Hyalinia d'Europe ; la mâchoire et le ruban lingual ont sensiblement les mêmes dispositions; l'appareil génital dilfère surtout par la présence d'un long flagellum filiforme. 112 LOUIS GERMAIN Germain — me semble plus apparente que réelle et due à la difficulté de se procurer ces animaux, tous de très petite taille, (jui doivent vivre en colonies plus ou moins populeuses le long des rives boisées de l'Oubangui et du Gribingui. Les genres Stenogyra Shuttleworth, Subuîina Beck, Opeas, etc., n'offrent rien de particulier quant à leurs distributions, les mêmes espèces habitant partout et certaines, comme le Subuîina octona Chem- nitz, ayant tendance à devenir complètement cosmopolites (1). Les Cyclostomidœ sont, en Afrique, des coquilles surtout lit- torales. Le bassin du Congo et le î^yassaland en nourrissent quelques rares représentants {Cyclophorus rugosus Putzeys, Cycloj)horus intermedius Martens. Pomatias nyassanufi Smith, etc.). On n'en connaît pas des régions du Tchad et du Ohari. Mais c'est avant tout la famille des Avhatimdœ qui imprime, aussi bien par la taille que par le nombre et, fort souvent, par l'abondance des espèces, le caractère particulier à la faune des contrées que nous étudions. Les Achatines décrites par les auteurs sont fort nombreuses et, ainsi que l'a déjà remarqué Smith (1899, p. 579), chaque district semble produire une race spéciale, modification plus ou moins importante de quelque type voisin bien connu. Communes au Gabon, au Sénégal, dans la région des grands lacs, le Nyassaland, etc., les Achatines sont encore répandues en certains points du bassin du Congo oii pullulent les petites espèces comme VAchatina sylvatica Dup. et Putzeys. Elles sont beaucoup plus rares dans les territoires du Tchad et du Chari, où elles sont partiellement remplacées par les Limicolaires. Les Serpœa Bourguignat ( =Ganomidos d'Ailly) sont des Acha- tines à test mince qui se cantonnent principalement autour des grands lacs et, notamment, du Tanganika. On en connaît aussi dans le Cameroon (d'Ailly) et la grande forêt équatoriale (I)upuis et Putzeys) où ils vivent, en compagnie des Peridie- (1) J'ai reçu dernièrement une grande espèce du genre Homorus recueillie, par M. le D'' De- corse, aux environs de Krébedjè (territoire du Chari). Je la décrirai prochainement, dans le Bulletin du Muséum, sous le nom d'Huniorun Courteti. LA MALACOGRAPRIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 113 ropsis, sur les végétaux croissant au bord des rivières. Les Burtoa Bourguignat ( =Livinhacia Grosse) pénètrent moins à l'intérieur du continent. Cependant, le Burtoa Dupuisi Putzeys liabite le bassin du Congo, et le capitaine Duperïhuis a recueilli dans le Kanem, près du lac Tchad, le Burtoa nilotica Pfeiffer d'Abyssinie. Enfin les Limicolaires sont partout très abondantes, sauf dans le bassin du Congo où elles sont, en grande partie, rem- placées par les Peridieropsis. Les espèces actuellement connues sont tellement nombreuses et si voisines les unes des autres qu'il est à peu près impossible de s'y reconnaître. Aussi est-il à sou- haiter que l'on revise sérieusement le groupe entier, en excluant les formes insuffisamment définies. Les espèces du Haut-Nil se retrouvent d'ailleurs aussi bien dans le Kanem, les îles du Tchad et le territoire du Chari que dans la région des grands lacs. Elles sont partout remarquables par leur très grand polymorphisme. En résumé, la faune terrestre des trois contrées que nous étudions est remarquablement homogène. Elle peut se carac- tériser rapidement par les particularités suivantes : a) Abondance des espèces appartenant à la fa,mille des En- neidce. h) Les Thapsia et les Troclonanina, signalées partout, ne sont nulle part très communes ; elles sont plus répandues dans les régions côtières du Mozambique que partout ailleurs. Quant aux Ledoulxia et surtout aux Bloyetia, ils semblent spéciaux aux contrées soraaliennes. c) Les Cyclostomidœ sont très rares dans les régions équa- toriales intérieures. d) On n'a, jusqu'ici, signalé aucun représentant de la famille des Bulimidœ dans les territoires du Chari-Tchad. Tl existe cependant des espèces du genre RacMs dans le Nyassaland et le pays des Masaï. e) Abondance des Achatinidœ. Les Achatines, très communes dans les régions des grands lacs et du Congo, sont rares dans les contrées du Chari-Tchad. Les Limicolaires, très abondantes 114 LOUIS GERMAIN autour des grands lacs et dans les territoires du Ohari-Tchad, sont en majeure partie remplacées, dans le bassin du Congo, par les Peridieropsis. f) Enfin les Mollusques nus de la famille des Limacidœ sont très rares (genre Phaneroporus Simroth). Par contre, les Urocyelidœ fournissent des séries assez nombreuses (genres Urocyclus Gray, Atoxon Simroth, Trichotoxon Simroth, BukoUa Simroth, Lep- tichinus Simroth), ainsi que les Veronicellidœ { =V aginnlidœ auct.). La faune fluviatile des régions équatoriales de l'Afrique est, surtout au point de vue de l'abondance des espèces, plus riche que la faune terrestre. Elle est aussi plus homogène : la plupart des genres se rencontrent dans les trois régions définies précé- demment. Les Pliyses, les Limnées, les Planorbes sont partout communs ou très communs. Dans le dernier de ces genres, on remarque une très curieuse analogie entre les Planorbes africains de la série du PI. sudanicus Mart. (1) et les Planorbes américains de la série du PI. guadalupensîs Sow. Il existe également une grande similitude de caractères entre le Planorbis choanompJialus Mart. du lac Oukerewé et le PI. andecolus d'Orb. de l'Amérique du Sud. Le nom seul de l'espèce africaine souligne, en outre, les rap])orts de forme qu'elle possède avec les Choanomphalus du lac Baïkal. Les Byihinia, les Gleopatra, les Ampuïlana et les Lanistes n'offrent rien de particulier, les mêmes espèces vivant partout en plus ou moins grande abondance. Il en est de même des (1) Les Planorbes du groupe sudanicus jusqu'ici connus sont les suivants : Planorbis suda- nicus Martens, PL Boissyi Potiez et Micliaud ; PI. tetragonnstoma Germain, PL tanganikanus Bourguignat, PL Bozasi de Rochebrune et Germain, PL Ruppelli Dunker et PL Herhini Bourguignat. Ils sont tous très voisins les uns des autres et il est probable qu'il faudra, lors- qu'on sera en possession de matériaux suffisants, réduire considérablement leur nombre. Il convient également de faire rentrer daas la même série les PL Larigeriei Bourguignat, PL adoiuensis Bourguignat et PL Bridouxi. ainsi que je l'ai montré dans une note antérieure (Germain (Loris). — Sur quelques Mollusques terrestres et fluviatiles rapportés pas M. Ch- Gravier du désert Somali ; in : Bulletin Muséum hist. nat. Paris ; 1904, n" 6, pp. 347 et suiv.). LA MALACOGRAPHIE DE L'AERIQUE EQUATORIALE H5 Vivipares qui, aussi bien dans le Tchad, le Chari, le Congo ou les grands lacs, dérivent toutes du type Vivipara unicolor Oliv. si comnuin dans le bassin du Nil, Les Mélaniens sont plus cantonn«% : dans le (^ongo et ses tri- butaires habitent d'assez nombreuses espèces qui lui sont jus- qu'ici spéciales. Les lacs Tanganika et Oukéréwé ont chacun une faune mélanienne particulière ; enfin, dans le Haut-Nil, les bassins du Chari et le lac Tchad, ne vit que le très polymorphe et si cosmopolite Melania tuberculata Mûll. Les Lamellibranches sont particulièrement répandus : les Spatha surtout, très nombreux en espèces, doivent vivre en colonies fort populeuses dans presque tous les cours d'eau. Ils présentent d'ailleurs une aire de dispersion considérable et c'est avec raison que les anciens auteurs indiquaient à la fois l'Egypte et le Sénégal comme patrie au Spatha rubens. Les 3Iutela et les MuteUna sont également communs, mais le nombre de leurs espèces est fort restreint. Par contre, les Pliodous du sous-genre Cameronia sont principalement répandus dans les lacs (1) et le bassin du Nil, tandis que les Pliodons vrais préfèrent le Congo et le Sénégal. Le curieux genre Chelidonopsis Ancey ( =CheU- âonura de Rochebrune) est, jusqu'ici, spécial au Congo ; il est probable qu'il se retrouvera ailleurs et, notamment, dans le Chari. Les Sphœrium, les Eupera et les Corbicula, peu variés en espèces, vivent partout en abondance. Enfin les ^theries, dont il n'existe qu'une seule espèce, sont très rares dans les lacs, mais fort communs en certains points du Sénégal et du Chari, où elles constituent des bancs épais, largement exploités par les indigènes pour la fabrication de la chaux. §2 ^ Un examen comparatif détaillé, que je résumerai dans le tableau suivant, permettra de saisir les analogies qui existent entre les faunes fluviatiles des bassins du Haut-Nil, du Chari et du Congo. (1) Surtout dans le lac Tanganika et le lac Tchad. 41' LOUIS GERMAIN BASSIN DP CHARI liASSIN DU CONGO Limnea undusKtimoe Mart. — hnmerosa Mart- Physa Forskahli Khr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. — adowensis Bourgt. — Bridouzi Bourgt. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra bulimoldes Oliv. — cyclostomoîdes K dater . — Mweruensis Sniitli. Bythinia Neumanni Martens. Ampullaria speciosa Phil. — Chevalieri Germ. — Wernei Phil. — ovata Oliv. — gradata Smith. — Rucheti Billotte. — chariensis Germ. Lanistes pronerus Mart. — ovum Peters. — ellipticus Mart. — gribinguiensis Germ. Melania tuberculata Miill. Unio œquatoria Morelet. — Chivoti Germain. — bangoranensis Germain. — Lacolni (Jermain. — - œgyptiaca de Férusa. /Etherîa elliptica de Lam. Spatha rubens Caill. — rub. var. rotundata Mart. — rnb.va.T.CailliaudiMa,Tt. — Chaiziana Rang. — cryptoradiata Putzeys. — Bourguignati Ancey. — divaricata Martens. Mittela angustata Sow. — Chevalieri Germ. MiUelina rostrata Rang. — eomplanata Jouss. — Joubini Germain. Eupera parasitica Parr. Limnea undussumœ Mart — humerosa Mart. — af ricana Rupi)- Physa Forskahli Ehr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra Mweruensis Smith. — Broecki Putzeys. Bythinia Neumanni Martens. Ampullaria speciosa Phil. — Wernei Phil. — leopoldvillensis Putzeys. — ovata Oliv. Lanistes procerus Mart. — ovum Peters. — ellipticus Mart. Melania tuberculata MûU. Unio œquatoria Morelet. — œgyptiaca de Féruss. /Etheria elliptica de Lam. Spatha rubens Caill. — rub. var. rotundata Mart. — cryptoradiata Putzeys. — - Bourguignati Ancey. — divaricata Mart. Modela angustata Sow. Mutelina rostrata Rang. Chelidonopsis arietina Roch Eupera parasitica Parr. BASSIN DU HAUT-NIL Limnea africana Ruppell . Physa Forskahli Ehr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra bulimoldes Oliv. — cyclostomoîdes K iister Ampullaria speciosa Ph. — Kordojana Parr. — lu£idu Parr. — ovata Oliv. Lanistes BoUenianus Chemnitz. Melania tuberculata MOU. Unio œgyptiaca de Férusa. .Etheria elliptica de Lam. Spatha rultens Caill. — rub. var. Cailliaxidi M. — Bourguignati Ancey. Mutela nilotica. — angustata Sow. Eupera parasitica Parr. La malacographié de L'AFRIQUE equatoriale \\1 , On voit, par le simple examen de ce tableau, que les analogies ne s'arrêtent pas aux genres, mais se poursuivent jusqu'aux espèces. Les Mollusques qui, jusqu'ici, paraissent spéciaux à l'une des trois régions doivent être, en général, considérés comme les espèces représentatives des formes correspondantes du l)assin du mi Enfin, un certain nombre d'espèces du bassin du Chari se retrouvent, soit au Gabon, soit surtout au Sénégal. Telles sont : Physa {Pyrgophysa) DunTceri Germain ( =rhysa scalaris Dunker). Vivipara unicolor Oliv. ; Melania tuherculata Mull. ; Miheria elliptica de Lamarck ; Spatha mhens Cailliaud, et ses nombreuses variétés, ^Sp. GMiziana Eang, ^2^. Tawai Eang, 8p. Pjeifferi Bernardi ; Mutelina rostrata Rang, MuteUna coynplanata Jous- seaume, etc. §3 La faune fluviatile des grands lacs (Nyassa. Tanganika, Vic- toria-Nyanza, Albert-Nyanza, Rodolphe, Tchad) présente la même homogénéité. Il faut pourtant faire une exception pour le Tanganika, dont une partie de la population malacologique est spéciale. I^es premiers auteurs qui se sont occupés de la ques- tion (1) ont en effet remarqué, à côté de Mollusques fluviatiles normaux par leurs caractères, toute une série d'espèces présen- tant un aspect marin parfois remarquablement accentué. Ces espèces, dites thalassoïdes par Bourguignat (1885a. p. 9), ont été réunies par Moore (1898a, p, 166), sous le nom d' « halo- limnic group ». On possède maintenant des données assez éten- dues sur leur anatomie et leurs affinités. Aussi leur classification peut-elle être résumée de la manière suivante : Le genre SpeMa Bourguignat, appartient à la famille des Naticidœ ; Le genre TanganiMa Crosse, à celle des Planaxidœ ; (1) WOODWARD (1859, p. 349) avait déjà remar.iué l'aspect marin des Paramelania nassa et Spekia zonata. H8 LOUIS GERMAIN Les genres Paramelania Smith, Lavigeria Bourguignat ( =Nas- sopsis Smith) et Bythoceras Moore, rentrent dans la famille des Pu/rpurinidœ ; Le genre Cliytra Moore est le seul représentant d'ean douce, actuellement connu, de la famille des Xenophoridœ ; Enfin les genres TipJiobia Smith ( =nylacantîia Ancey), Batha- nalia Moore et Lirmiotrochus Smith, constituant la nouvelle famille des TiphoUidœ de Moore (1898, p. 307). C'est cette classification (1) que j'ai suivie dans mon étude sur les Mollusques du lac Tanganika recueillis par le regretté voyageur français Ed. Foa (Germain, 1907). Le faciès marin des Mollusques, ou mieux des Prosobranches fluviatiles, du lac Tanganika, fit naître, surtout en Angleterre et en Allemagne, des hypothèses assez nombreuses. On pouvait tout d'abord considérer le groupe halolimnique comme prove- nant d'une modification, due au milieu de la faune lacustre ordi- naire. Il était également possible de voir, dans les Mollusques thalassoïdes, les représentants d'une ancienne faune lacustre en voie de disparition. Cette opinion, soutenue par Taush (1884) en Europe et par White (1882) en Amérique, repose principa- lement sur la ressemblance des Paramelania du Tanganika et des PyrguUfera des couches lacustres du supra crétacé. Elle ne saurait soutenir l'examen puisqu'il existe, sur les bords des lacs Nyassa et Tanganika, d'anciens dépôts lacustres fossilifères dans lesquels on trouve abondamment les espèces fluviatiles actuelles à l'exclusion de toute forme du groupe halolimnique (Moore, 1898a, p. 174). On a enfin supposé que le lac Tanganika, autrefois réuni à l'Océan Indien, s'en était séparé à une époque relativement récente. Il se peupla peu à peu d'animaux d'eau douce, à mesure que la salure de ses eaux diminuait, mais garda une partie de (1) Je n'ai pas tenu compte ici des genres Syrnolopsis Smith et Oiraudia Bourguignat pour lesquols BouROUiQNAT (1890, p. 139 et p. 147) a créé les familles des Syrnolopsidœ et des Oiraudidœ. On ne saurait rien préjuger de la position systématique de ces genres puisqu'on ne possède aucune notion sur leur anatomie. LA MALAGOGRAPlItÉ DE L'AFRIQUE K01IAT()RL\LE H9 son ancienne faune marine aujourd'hui représentée par le groupe lialolininique. Cette théorie fut surtout soutenue par Moore (1899). Cet auteur, se fondant à la fois sur les documents géo- logiques qu'il recueillit au cours de son expédition de 1899 et sur l'analogie des Prosobranches du Tanganika avec certains fossiles nuirins, fit remonter l'origine de la faune halolimnique à la période jurassique. Cette liypothèse prend une nouveHe force par suite de la coexistence, avec les Gastéropodes thalas- soïdes, d'une Méduse d'eau douce {Limnocnida tanganicœ Bôhm. et d'un Bryozoaire gymnolème auquel Moore (1903, p. 295) a donné le nom de Araehnoidia Rey Lcunhesteri pour rappeler ses affinités avec le genre marin Arachnidium. Il est, en effet, impos- sible de faire dériver de tels aninuiux d'une faune purement lacustre. Mais, contrairement à l'opinion de Moore, le Tanganika n'est pas le seul hic qui ait donné lieu à des découvertes de ce genre. Ch, Gravier (1903, p. 347) a fait connaître l'existence du Limnocnida tanganicœ dans le lac Victoria-Nyanza, où il a été recueilli, sur la côte orientale, par le voyageur français AUuaud. J. Kennel (1890, p. 282) a décrit une autre Méduse d'eau douce, VHahnonises lacustris, qui habite les rivières de la Trinité. Le lac Baïkal est habité par quelques animaux marins. On observe enfin, chez certains PolychèteS, une adaptation complète à la vie fluviatile. C'est ainsi que A. Giard (1893, p. 473) a décrit un Sabellide {Gaohangia Billeti) vivant sur la coquille d'une Mélanie commune dans les rivières du Tonkin. Tels sont encore les Polychètes d'eau douce découverts à la Guyane française par Geay et si bien étudiés par Ch. Gravier (1901, 1905). Si la Méduse des grands lacs et le Bryozoaire du Tanganika sont incontestablement des animaux d'origine marine, les Mol- lusques semblent, à ce point de vue, bien différents. Moore (1898, p. 306-307) rapproche, de la manière suivante, les Pro- sobranches du Tanganika d'un certîiin nombre de fossiles du Jurassique marin : AaCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4* SÉRIE. — T. VI. (IV). 9 i20 LOUIS GERMAIN LAO TANGANIKA JURASSIQUE MAKIN Paratnelania Damoni Purpurina bellona Nassopsis nassa (1) Purpurina inftata Bathanalia Howesi Amberleya sp Limnotrochus Thom soni Littorina sulcata Chytra Kirki Onustus 8p Spekia zonatw Neridomus sp Melania admirabihs Cerithium subscalariform e Tiphobia sp' Purpuroidea sp Eemarquons tout d'abord, avec Smith (1904, p. 79), que ces analogies sont beaucoup plus apparentes que réelles. Ces coquilles ont bien, si l'on veut, un « air de famille », mais elles diffèrent toutes par des caractères faciles à apprécier. C'est ainsi, par exemple, que le Bathanalia Howesi est ombiliqué, tandis que les Attiherleya sont imperforés ; que les Chytra et les Onustus diffèrent non seulement par leur sculpture, mais encore par les caractères de leur opercule, etc. Il est donc fort exagéré de dire, avec Moore (1903, p. 349), que les Prosobranches thalassoïdes du Tanganika sont « pratically indistinguishable » des fossiles jurassiques correspondants. On connaît d'autre part, en dehors du Tanganika, de très nombreux Mollusques à faciès marin. Tous les Mélaniens sont très voisins des Cérithidées non seulement par leur coquille, mais encore, ainsi que l'a montré Bouvier (1887, p. 362, p. 386, p. 487, etc.) jiar leur organisation. Le Tiphohia Horei Smith du lac Tanganika n'a ])as un aspect marin plus accentué que le Pleurocera {lo) spinosa Lea de l'Amérique du Nord. Les Lacu- nopsis du Cambodge ont un faciès qui se rapproche beaucoup de celui des SpeMa. La famille des Littorinidées elle-même ren- ferme actuellement deux représentants d'eau douce : les Cremno- conchus Blanford ( =Cremnobates Blanford) qui vivent sur les rochers mouillés par les eaux douces de la chaîne des Gathes (Inde) et les Pseudogibbula décrits par Dautzenberg (1890, (1) (Jette eoiiuille n'eM. pas le Pariimelania nassa île WooDW.uiD (1859, p. 349, pi. XLVII flg. 4) {Melania nassa) mais bien le f.ariaena coronata de Bourguignat (1890, p. 180, pi. XIIl[ ttg. 13.14). LA MALACOGRAPHIP: de L'AFRIOUE EOUATORIALE 121 p. 570, pi. I. fig. 2-6). Ces derniers Mollusques qui, par leur forme générale, ressemblent d'une manière surprenante au Gibhula tumida Montagu des mers d'Euro])e, vivent en grand nombre sur les rochers de gneiss ampliibolique qui encombrent le cours du Congo aux environs de Vivi. Comme Moore le fait lui-même remarquer, si une espèce unique de Mollusque du Tanganika présentait des caractères thalassoïques, le fait n'aurait que la valeur d'une coïncidence curieuse. Ce qui est réellement intéressant, c'est la réunion, en un seul point, d'un aussi grand nombre de Gastéropodes à faciès marin. Cependant, ce cas lui-même n'est pas aussi isolé qu'on a bien voulu le croire. Certaines contrées de l'Amérique du Nord, où les Pleurocera sont si nombreux qu'ils recouvrent presque complètement le lit des rivières, présentent également ce caractère. Le lac Nyassa nourrit toute une faune mélanienne dont l'aspect tlialassoïque a été mis en relief par Bourgitignat (1889a). Une grande partie du sud de l'Asie orientale (Inde, mais surtout Annam et Cocliinchine), possède, avec ses Lacu- nopsis, ses Jullienia, ses Pachydrohia et ses Paludines ornées toute une faune malacologique dont le faciès marin est indé- niable. Mais tous ces faits s'expliquent d'eux-mêmes lorsqu'on examine avec attention les milieux oii vivent ces Mollusques spéciaux. Il ne saurait en être autrement en Afrique. Le Tan- ganika est un des plus grands lacs de la terre, en tout compa- rable à la mer : ses rivages présentent de hautes falaises alter- nant avec des plages plus ou moins étendues ; ses eaux, fort agitées, rendent la navigation parfois dangereuse surtout à répoque où (( les brises du sud, qui soufflent pendant six mois de Tannée, prennent le lac d'enfilade et y soulèvent des lames que je comparerai volontiers à celles de l'Océan ». (Giraud, 1885, p. 27.) Il est, dès lors, tout naturel que les Mollusques se soient adaptés et que, par un phénomèiu^ de convergence remar- quable, ils aient pris les cara(;tères des Mollusques marins qui vivent dans un milieu analogue. J'ajouterai, pour rendre l'ana- logie plus frappante, que tous les Gastéropodes du groupe halo- 122 LOUIS GERMAIN limnique vivent à une profondeur considérable, certains même, comme les Tiphohia et les Bathanalia ne se rencontrent qu'entre 250 et 400 mètres (1), et qu'ils sont surtout localisés, d'après le témoignage des voyageurs (Pelseneer, 1886, ]). 115) dans les endroits où les eaux sont le plus agitées. En ce qui concerne les Mollusques, je crois donc (|u'il faut abandonner la tliéorie de Moore. Bien entendu, comme tous les animaux, les Prosobranches thalassoïdes du Tangaiiikti déri- vent de faunes primitives marines, mais seulement au même titre que les autres Gastéropodes fluviatiles, c'est-à-dire que leurs ancêtres se sont détachés d'une souclie marine bien avant la formation des espèces vivant maintenant dans le lac. Quant à leur aspect marin actuel, il provient uniquement d'une adap- tation que les conditions de milieu expliquent suffisamment. Les Mollusques des grands lacs africains ne diffèrent pas sen- siblement de ceux qui habitent soit le Congo, le Chari et le Haut- Nil, soit les tributaires de ces fleuves. On ne peut que signaler quelques particularités intéressantes. Certains groupes d'Unionidœ, surtout répandus dans les lacs Victoria-Nyanza et Tanganika, présentent un faciès particu- lier dii à la sculpture très développée de leur test. C'est pour l'un de ces groupes que Bottrguignat (1885, p. 1) a créé le genre Grandidieria que l'on ne saurait considérer comme distinct du genre Unio. Plus abondants dans le Tanganika que partout ailleurs, ces Grandidieries se retrouvent aussi bien dans le Tchad (2) que dans le Rodolphe (3). (1) .Fo lionne ces indications' d'après Mooiif; (1898 a, p. 170). Il e.st également intéressant de reniarciuer ((ue, parmi les .Mollus(|Ufs non tlialassoïdes, ce sont les MHaniens qui vivent aux plus grandes profondeurs. < )u les rencontre jumiu'à 100 mètres, toujours d'après Moore (1898 a, p. 170, arapliifiue). (2) M.\KTKNS (1908, p. 5) a décrit VUnio (Grandidieria) tsadianuf^ qui est la seule espèce dg ce i;roupe actuellement connue dans le lac Tchad. (3) Neuville (H.) et Anthony (R.) (1906, p. 408), ont signalé deu.x esjièces de ce groupe dans le lac Rodolphe, les : Vnio (Qrandidieria) Ruthschildi Xeuv. et Antli. et U. (Grand.) Chef- neuxi Neuv. et Anth, LA MALACOGRAPHTE DE L'AERIQUE EQT-ATORIAI.R 123 Le Victoria-Nyanza est remarquable, eu dehors de sa faune mélanieune, par la petite taille des Mollusques qui y vivent. Presque toutes les espèces y constituent des variétés minor et les Acéphales eux-mêmes n'y atteignent que de faibles dimen- sions. Ce fait tient uniquement à la grande crudité des eaux du lac, presque dépourvues de calcaire. Le lac Tchad est habité par des colonies extrêmement popu- leuses de Physes, de Planorbes de Plauorbules et de Vivipares. Les Acéphales y atteignent parfois de très grandes dimensions et si les Unionidœ sont peu nombreux, si les Spatha semblent absents, on y trouve, comme dans le lac Tanganika, des Pliodons appartenant au sous-geurc Gameronia. {Pliodon {Cameronia) Hardeleti Germain ; PL {Cam.) tchadiensis Germain). Bien qu'on ne connaisse encore que très peu d'exemplaires de ces derniers Lamellibranches, ils doivent être communs dans le Tchad, puisque les indigènes les ont baptisés du nom de Gofoui (Destenave, 1903, p. 726). Les tableaux ci-après résument, en les précisant, les analo- gies et les diiîérences qui existent entre les faunes des six prin- cipaux lacs. En outre, par comparaison avec ceux donnés pré- cédemment, ils montrent que toute l'Afrique équatoriale appar- tient, en ce qui concerne la population fluviatile, à la même province malacologique. 124 LOUIS GERMAIN LAC NYASSA (1) LAC TANQANIKA (2) LAC ALBERT-NYANZA (3) Limnea natalcnais Krauss. Limnea natalensù Krauss. — uf ricana Kuppell. — Alexandrina Bourgt. — Debaizei Bourgt. — Jouberti Bourgt. — Laurenti Boiu-gt. Planorbis sp- indel. Planorbis sudanicus Alarteus. Plnnorbix adowensis Bourgt. — admrensis Bourgt. — apertus Martens. — Bridouxi Bourgt. — Foai Germain. — choanomphalus Mart. Planurbida tanganikana Bourgt. Seqmentina Chevalieri (termain. Phym nyassavn Sniitli. Physa Coulboisi Bourgt. — gucciiwkles Smith. — Randabeli Bourgt. Phygopsis afrkana Krauss. Physopsis tanganikana Mart. Ancylus sp. ind. Vivipara unicolor Olivier. Vivipara unicolor Olivier. Vivipara rnbicundu Martens. — capillata Frauenfeld. — costii/ata Mart. — Robertsoni Frauenfeld. — Fuai Germain. — Bridovxi Bourgt. — Brincatiana Bourgt. Bythinia Stanlfyi Smith. Bythinia multisulcata Bourgt. Buthinia A/berfi Smith. — Nyasmna Bourgt. — Walleri Smith. — humerosa Mart. C'ieopatra Guillemeti Bourgt. Cleopatra Pirothi .Jickeli. — trisulcata Germain. Anipullmrin fjradata Smith. AnipuUuria qradatn Smith. — ovata Ohv. — Bridouxi Bourgt. AmpuUaria Stuhlmanni Mart. Latmteii purpuieus Jouas. Lanisti's sinixtrorsux Lea. — affînis Smith. — cllipticm Pfeitf. — solidus Smitii. — Jouberti Bourgt. — nyassanus Dolirn. — ovum Peters. (1) Smith (E.-A.) (1877) : — Bouuorir.xAT (J.-B.) (1889 a). (2) Smith (E.-A.) (1880. 1881 et 1904) ; — Bovkuukjn -t i.J.-!i.) il885 a. 1885 /'. 1888 et 1890 ; — MooRE (.J.-K.-S.) (1903) ; — Germain (Louis) |1907";. On trouvera, dans oe dernier mémoire. une bibliographie eomplète du sujet. (3) Smith (E. A.) (1888). LA MALACOGRAPHÏE DE LAFRIOTE EOTIATORIALE 125 LAC VrCTORIA-NYANZA (1) Limnea nyanzœ Marteus. Uebaizei Bourst. Planorhis sudanicus Martens. — choanomphalus Mart. — oictoriœ Smith. Physa triijona Mart. — strigosa Mart. — transversatis Mart. — Forsk-afili Ehrenb. Physopgis af ricana Krauss. — ovoidea Bours- Ancyhix stuhlmnnni Martens. Vivipara unicolor Olivier. — abyssinien Martens. — nibicunda Martens. — meta Martens. — repoîdes Smith. — constricta Martens. — phthinotroins Martens. — trorhhnris Martens. — fiagodella, Martenu. Bythinia Immerosa Martens. CletiiHitra (iiiilleinrli liourgt. AinpiiUaria f/radnta Smith. — ovata Olivier. — nyanzœ Smith. — Gordoni Smith. — Emini Martens. Lanistes Schweirifurthi Ancey. LAC RODOLPHE (2) Planorhis abyssiniens Jickeli. Physa tcliadiensis Germain. LAC TCHAD (3) Bythinia Setimanni Martens. CleoiHitm hnliiwûili's Olivier. AmpuUaria Bridouxi Bourgt. Limnea africana Ruppell. — exserta Martens. — tchadiensis Germain. — Chudeaui Germain. Plannrbis sudanicus Martens. — tetragonostonia Germ. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. — Chudeaui Germain. Planorhula tchadiensis Gerra. Segmentinc Chevalieri Germain. Physa trigona Mart. — truncata de Féruss. — strigosa Mart. — tchadiensis Germain. — Rohlfsi Clessin. — Randabeli Bourgt. — Physa Joubini Germain» — Dautzenbergi Germain. Physopsis Martcnsi Germain. Vivipara uniro/or Olivier. et var. Lenfanti G — gracilior Martens. Bythinia Seumanni Martens. — np<Âhaumœformis G. Cleopatra cyclastomoides Kûstcr. et var. tchadiensis (iermain. AMpullaria gradata Smith. — liucheti Billotte. — Chariensis Germ. — speciosa Philippi. Lanistes Vignoni Bourgt. (1) DoHUN (H.) (1864); — MARTENS (i:. von) 11879, 1892 et 18981;— BouuGViGN.vr (.1.-1!.) !l883, - Smith (E -A.) |1892] ; — Germain (Louis) [1906]. (2) Anthony et Neuville (1906) ; — Neuville et Anthony (1906). (3) GERMAIN (LOUIS) [1905, 1905 a, 1905 b. 1906 et 1907] ; — Martens (E. von) (1903) 126 LOriS GERMAIN LAC NYASSA (1) LAC TANGANIKA (2) L.VC ALUEltT-XYANZA (3) Mtlania Simonsi Sjnith. Mflania tangamcana Smith. Me'ania liricineta Smith. — nodicincta Dolirii. — admirabilis Sniith. — perqracilis Mart. — pvlymorpha >Sniitli. — turritispira Smith (4), etc. 1 — tuberctilata Mull. — tiéerculata Miill. ^Etheria elliptica de Lamari'l«. — tiibermlata MiMler. | Unio nyassanus Lea. Vnio calathus Bourgt. Unio actiminatu.1 H. Adams — Liederi Martciis — Charhonnieri Bomgt. — Bakeri H. Adanis — Lechaptoisi Anoey. — Dromauxi Bourgt. — Kirki Lea. — Bohmi Martens, etc. . . — aferulus Lea. — hypsiprymmts Martens. — Borelli Ancey. Unio (Grandid.) liurtoni Wood. — — ThojHSoni Smith. — — tanganicensis Sniitli. — — rosira lis Martens. MvUltt alnta Bou)gt. Mutela Jouberti Bourgt. — VysseH Bourgt. — soleniformis Bourgt. Pseudopatha tanganikana Smitli. — Livingstonin Smith. Brazzœa Aticeyi Bourgt. Moncetia Anceyi Bourgt MuteUt nilotirn 'le Féruss. Spatha nyaasaensis Lea. — Kirki Ancey. Pliodon {Cameronia) Spekei Woodward (5). Pliodon ( Cameronia ) (Hraudi Bourgt. PHodon {Cameronia) Vynckei Bourgt. Spkmrivm gp. Corhirula rndiatn l'arr. Corhinihi rndiatu l'arr. Corbicnla radiata Parr. — asfartina Martens. — Foai Mabillc. (1, 2, 3). Pour les notes, voir pageB précédentes. (4) Je passe ici sous silence la longue suite des Mélanidécs du iar Nyassa, qui, d'ailleurs sont des espèces spéciales à ce lac. (5) Je n'admets, comme j'espère le montrer bientôt, qu'une seule espèce de Brazznea et uns seule espèce de Moncetia. Quant aux Cameronia. leur nombre, comme celui des Grandidieria. doit être considérablement réduit, ainsi que je le montre dans mon mémoire, déjà cité, sur les Mollusques recueilUs par M. Foa. LA MAI.ACOGRXPFIIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORLVLE 127 LAC VIOTOUIA-NYANZA (1) LAO RODOLPHE (2) LAC TCHAD (3) Melanin tuhercninta Mnllor. Melaiiia t.i bernilat.a MiiUor. Melanin l.uherrulata Millier. Mtheria elliptica Laniarck. jEtheria elliptira Lainarrk. Unio acuminatus Adaïus. Viiio LacoUii (ierniain. — Hauttecœuri Bourgt. — muldcelnrmis (ierniain. — Lourdeli Bourgt. — mnlticolor Martens. — Ruellani Bourgt. — Monceti Bourgt. Unio (Gmndidieria) Roth-schildi Viiio {(irandidieria) tchadienm Neuv et Anthony. Martens. Unio {Gmndidieria) Chefneuxi Xeuv et Anthony. Mxtela sulHliapJiana Bourtit. MiUeln angmtata Sowerby. — Bourgiiignati Ancey. et var. ponderosa (Germain. Mutelinu rostrata Itang. Spniha. trnpfzia Martens. Spathu JSotiri.iidgnati Ancey. — Boiirguignati Ancfy. Pliodon iCameronia) tchadiemis Germain. Pliodon (Camcronia) Hardeleti Germain, et var. Molli Germ. Sphœrmm ^tuhlmanni Martens. — nywnzma Smith. Eiipera paragitica Parreyss. Eupera parasiiica Parreyss. Cfirbirula radiatu Parreyss. CorbinUa flinniiJfilî^ Mûller. Corhicula Lacoini Germain. pufilla Phil. — tchadiensis Martens. (1, 2. 3). Pour les notes, voir pages précédentes 128 LOUIS GERMAIN ^ 5 Il en est (le iiiomc en ce qui ('onceriir la l'aune tencstre. Mais ici, nous ne pouvons établir de comparaisons précises que pour les Acliatinida\ Les représentants de cette famille sont, en effet, les seuls qui aient été recueillis en nombre à la fois dans h; bassin du Cliari (MM. Chevalier, Decorse, Courtet et Martret) et dans la région du Tchad (MM. Dujjertliuis, Lacoin) (1). BASSIN DU ClIAKI IlÉCUON DU TCHAD RÉGION DES GRANDS LACS ET AFRIQUE ORIENTALE Limicolaria rectistrigatn Sinitli. Limicolaria rectistrigatu Smith. Limicolaria rectistrigata Smith. — connectens Martens. — connectais Martens . — Oharbonnieri Bgt. — Charbonnieri Bgt. — turris Vt. — turris Pf. — turris var. Duperthuisi (Jcnn. — turris Pf. — furrifonnift Miirt. — turriformis M art. — turriformis var. obesa (îoriiiaiii. — turriformis Mart. Achatina maryinula Sw. AchtiHua Weynsi Daiit/,. var. Duperthuisi (icnnaiii. Achatina nmrijinata 8w. — Schweinfurlhi Mnrtrns — Schweinfurthi Martens var. Foiireaui Geriiiaiii. — Scliircinfiirthi Martens Jiiirtoa nilotica Pt'eitt. Burton nilotica Pfeiff. (l) .l'ai iiitroiluit dans les iirôcédeuts tableaux, i(* espéees réeemnKMit rapportées par M. R. Chudeau. de son voyage au lae Tehad. Cet exi)loratpur est, .ju8(|u'iri. le seul qui ait recueilli des Suecinées dans ces régions. Comme toutes ces espèces sont encore inédites, j'en donne ici une très courte description : Succinea tchadiensis Germain, nov. sp. — CoijuiHe ovalaire allongée; spire couiposéo de 3 tours, les deux premiers très petits, le troisième formant presiiue toute la coquille; sutures bien maniuées ; ouverture très grande, égalant les 5, C de la hauteur totiile. Test fragile, sub- pellucide. Haut. : 11 mill. ; diam. : 4 3 1 mill. ; haut. ouv. : 8 mill. ; diam. : 4 mill. Bords du lac Tchad, à N'Guigmi. Succinea C'hudeaui (iermain, nov. sp. — Spire tordue, composée de 3 'i tours très convexes séparés par des sutures profondes ; dernier tour un peu globuleux ; ouverture ovale atteignant les 2, 3 de la hauteur totale. Test mince, fragile, finement strié. Haut. : 8 li mill. ; larg. : 4 'z mill-; haut. ouv. ; 5 % mill.; larg. ; 3 \:, mill. ; Bords du lac Tchad, à N'Guigmi. Limnœa Chudeaui (Jermain, 7iov. sp. — Coquille allongée ; spire composée de 4 tours à crois- sance très rapide séparés par des sutures bien marciuées ; dernier tour énorme, ovalaire allongé, très peu ventru ; ouverture égale aux 3/4 de la hauteur, avec un bord externe suberctiligne. Test assez épais, irrégulièrement strié. Haut. : 12 mill. ; larg. : 6 '/2 mill. ; haut. ouv. : 8 Yz i»ill. ; diam. : 4 mill. Bords du lac Tchad, à Kouloua. Phi/sa (Isodora) Joubini Germain, nov. sp. — Coquille senestre, très ventrue ; sommet com- primé ; spire composée de 4-4 U tours, les premiers très petits et assez étages ; sutures pro- fondes ; dernier tour très grand, très développé en largeiu: ; ouverture subarrondie. Test un peu solide, irrégulièrement strié. Haut. : 14 mill. ; larg. : 13 mill. : haut. ouv. : 9 mill. ; larg. : 7 mill. Bords du lac Tchad, à Kouloua. Planorbis Chudeaui Germain, uov. sp. — Coquille très comprimée, presque plaue eu dessus, LA MALACOGRAPHIE DE L'AFRIQUE É0UATORL\LE 129 L(»s (lovclop])«'nieuts ]H'éeéd('iits mv pcriiK'itroiit de coiiclun' hrièvcnu-nt eu disant que toute la partie de l'Afrique située entre le Sahara d'une part et le bassin du Zanibèze d'autre part, appartient à la même province malacologique. Au point de vue de la faune terrestre, on peut bien noter quelques genres spéciaux à des régions déterminées ; mais le fait n'a rien d'extraordinaire, les Mollusques terrestres étant, beaucoup plus que ceux qui habitent la mer ou les eaux douces, soumis à des influences variant avec la nature du sol, la végétation, le climat, etc. Malgré ces différences, inhérentes à une aussi vaste contrée que celle envisagée dans, cette étude, on ne saurait nier que les grandes lignes de la faune terrestre ne soient partout identiques. Quant à la faune fluviatile, elle présente une homogénéité ])lus grande encore : partout, aussi bien dans le Tchad, les grands lacs, le Congo ou le Chari vivent les mêmes espèces, en plus ou Huuns grande abondance suivant les localités. Le Nil lui-même n'a pas de faune spéciale : il est habité par les Mollusques du centre africain qui remontent jusqu'à son embouchure. L'Egypte présente ainsi ce remarquable caractère, de posséder \uw faun<'. malacologique fluviatile purement africaine et une faune terrestre appartenant au systènu' euro])éen (1). Ce fait, tout il'abord mis en lumière par Boiirguignat (1864, IT, p. 304 ; 1866), a été étudié par Jickeli (1875. p. 334-353) dans un intéressant mémoire, aujourd'liui trop oublié. subcoucave eu dessous ; spire coiuposée de 4 tours à croissance lente et régulière ; sutures assez profondes ; ouverture oltlique, ovalaire arrondie, garnie d'un fort bourrelet blanc ; test peu épais, finement strié. Diam. max. : 4 K mill ; épaiss. : 1 mill. Bords du lac Tchad, à N'Ouignii. (1) Je n'insiste pas ici siu- la faune malacologi(|i«- du Nord de l'Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Egypte). On sait parfaitement aujourd'hui que ces contrées ne sont peuplées <|ue d'espèces européennes. C'est en Abyssiiiio que se fait la transition, par le mélange d'espèces européennes et d'espèces africaines. On peut donc, au point de vue malacologique, diviser l'Afrique en trois provinces distinctes : a) La faune du Nord | Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Egypte (Molluscjucs terrestres seulement) | qui se rattaclie au système européen ; p) La faune équatoriale étudiée dans ce mémoire ;' y) Enfin la faune de l'Afrique australe s'étendant depuis le Zambèze, et suttisamment dis- tincte des précédentes. 130 LOTUS GERMAIN Cette homogénéité de la faune tluviatile n'est pas spéciale aux Mollusques. Les Poissons présentent, à ce point de vue, le même intérêt. Les travaux de M. Pellegrtn (1904, p. 221 ; 1907), sur les Poissons du Tchad et du Chari, ceux de M, Bou- LENGER (1898, 1898a, 1899) sur les Poissons des grands lacs, ont montré l'analogie des faunes ichthyologiques des dilïérents bassins fluviaux de l'Afrique équatoriale, où abondent surtout les représentants de la famille des Cichlidœ. De telles conclusions montrent le danger de créer des espèces purement géographiques qui, le plus souvent, finissent par tomber en synonymie, encombrant ainsi inutilement la litté- rature. Le nombre des espèces à grande distribution géogra- phique est, en effet, de plus en plus grand à mesure que se mul- tiplient les expéditions zoologiques. M. Ed. Lamy (1904, p. 269), a montré qu'il en est ainsi pour beaucoup d'espèces du genre Arca. M. Ch. Gravier (1906, p. 295) a, d'autre part, signalé l'énorme extension géographique d'animaux généralement aussi sédentaires que les Annélides Polychètes dont certaines espèces, comme VOwenia fusiformis Délie C-hiaje, se retrouvent à la. fois dans le nord de l'Europe, sur les côtes de France et sur celles de Madagascar, du Chili, des Philippines et du Japon. En pré- sence de tels faits, il convient d'étudier avec circonspection la distribution des espèces connues avant de se hasarder à eu décrire de nouvelles. INDEX BIBLIO(}RAPHIQUE 1906. Anthony (R.) et Neuville (H.). Aperçu sur la faune mal.ico- logique des lacs Rodolphe, Stoplianie et Marguerite. (Gomplcs Rendus Paris, 2 juiUet.) 1898. BouLENGEK (G. A.). Report on the collection of fishes nuide by Mr. J. E. S. Moore in lake Tanganyika during his expé- dition of 1895 and 1896. {Transact. zoolog. Society, XV.) 1898fl. BouLENGER (Gr. A.). A revision of the African and Syrian Fishes of the Family Cichlidœ (Proceed. zoolog. soc. 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P^bk. »-■*- 19B- <^EEEXAi3K '^I^^CEIU 3iûi6r ^idnBBB ^JiK T<&ai <ft Ig liMiHH ém. dan. jPJit JFi IHEI. «baacKAO^ iîSjSS^!^ $<iar ïgss X^flnHgBBt flecHHBK 'par les : I-'t~^A. JfBiifw li«L iMirtiiii'- AviiL fp. âM»-âS3 «t ffL 3^- rASâçK fuLmiÉiiinriki dJSWIdL Mmiutm OêL «ter. iWi^. PPl J3-C1. ffL lilii-174^ fipL 2»S-3»r^ l(i %*RS «ijBS le Icexkc. IMS- •^iSKso^ OLiOarB).. EsnifE- sa' 1b Hfriha^acs 4e rjUn^ae «k- aole frMiiii[Miii ;: «■ - •Zwe.tjUIMM tiA-l. L^'Jkinqve «eatra&e %TIwinr. r.S«<» fite«me. 2 fL cK «j^hb» Ams le teste.} IStfSm. vsKXtfs CLiMnH-.. Ei^&ie ar 1» lUkafic» irifiMi fax M. IL F«a «IH fe Iw Twfe.wil i et «s carâMi. Faû. LA ÎL\LADl«aL\PmE DE LAUUOTE BjCATOiRLaE 1» ms. GiASXx iA-\. $mr n ihrpe — hihiijum «r aJkcBsaut tàt M, ffwiniilBr ém Sabdfidee. {Cumfâvv rtmOm mr. Mtimfit^ ^ «ésie^ T. fu «TX») {Bma^Om ëft la «nr. Jr jpiayfiiii 4r Pavm. bP" 7-.fL|) Im GwjraMP fnmçwv « ^n- lee limwJliiBiiT. fwifancftétee <î«n dMML iBmthi, «Mââr MiC Mtar. JImChk. XTT. fyu ^SSt^r:?^ et pfL SSil-^tSs^ de l^WK «aK.l». «ei:ie.!) 19M. GsAnsK i(Oa. i S«r lai Héiaee 4m TlEÉ«Ksar-ST»Baai « la. finiiwr âtKgnadek«»a£rîra^Sw((liB«lïfllMi JVsiéHM AiiiLMrif■pr.fWK,-- l£k£i» -£jltx£K (C^. i. SiiT ]kf«^ X<»vàâkBi5 «à'^atia ^mmep «c «os- mue' ib«s- ISfi^ ^sj^TSXM i(Cm. \. ^^XQ- TOvrmJÊ jmtà^mnmin^ ]>eakt C&ùî»' «« sa «fis»- tntMKtMai jnewteraffcifB. (JtaDML Mmnémm imaL aMtaar. fWàK. inS. H«BX£L i(L. RnxEK twkV Zioft fisA«^ik~Sw qb»! Swf&aBàf^S<«L haskcB &une Ainka s;. {Jfmlm^, érr étmgfnAim wwJUIaaiwiiiy» Mhrr. j|««. JlwrfWBt. IX. fifL â§(î^i;iL| 19M. LjiMT (£iik.)|. Làst» «kSi JLKèMS; iwaMsKiis jor M. Clu «bl^:i;Mr à ISCr Maktex? (IL TwaV M«ilfai^»B w - C^ - Kciam as Ost~ AMka ; T«»L 111, Nk 53^*6. ïfc 1^> , .i, 1-UI. 1ST4. Makiexs, <E- TWfcV Iwna—w^'TtwiWinijr «iw t«d I>r- <E5, ^«fili^raàK. 1ST7 >Ui!iiac? j(E,T»«V X«i*sâasîiia>P^5iTïrie*sM^KQTK^ A:iluy«â j«ràxM? iMatiM sût wiY9i%«âtnM^ <ànr AîaMèNunièn iViaiMk;a *au?MSkrw« K— - -iafcfÈh» laiwi ««nI sUbs»- 187SL IMaktrxs (K, v*«V Rwy^n* v\-œvi:.xiK-vïi *»* ^*aft \i»-<ii<iin*» iU LOUfS GERMAIN 1892. Martens (E. von). Einige neue Arten von land und aiisswasser Mollusken ans Uganda und dem Victoria-Nyanza. (Sitz. ber. der. gesellseh. naturf. Berlin, pp. 15-19.) 1898. Martens (E. von). Beschalte Weichthiere Ost-Afrikas. Forme la première partie du tome IV des Deutsch Ost Afrika publiés sous la direction du Prof. Dr. Môbius, V-380 pp., pi. I-VII. 1903. Maktkn.s (E. von). Siisswasser conchylien von sudûfer des Tsad-sees. (Sits. berieht. der gesellseh. naturf. Berlin, pp. 5-10.) 1858. MoRELET (A.). Séries C'oncliyliologiques. Livraison I, Côte occidentale d'Afrique. Paris, in-8", 34 pp., pi. I-lII. 1898. MooRE (J. E. S.). 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Après un demi-siècle de débats, d'abord tumultueux, puis insensiblement apaisés, la théorie de l'évolution a fini par être acceptée de tous, au moins en ce qu'elle a de plus général et ne rencontre plus à l'heure actuelle aucun contradicteur. Les documents paléontologiques, chaque jour plus abondants, nous enseignent avec évidence que les flores et les faunes ont été différentes aux diverses époques de la terre ; elles ont été chan- ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.N. — 4' SEME. -- T. VI. — v). It 138 F. HOUSSAY gées au cours du temps ; ce qui est aujourd'hui n'a pas toujours existé et des formes animales ou végétales qui recouvraient autrefois ou peuplaient les continents et les mers ont complète- ment disparu. Il n'est pas vrai que le monde des vivants en une fois donné, ou brusquement créé, s'est perpétué immuable depuis son origine. On se trouve en présence d'un fait que personne ne songe plus à contester ; il faut maintenant que toutes les théories ou tous les dogmes en tiennent compte et s'y adaptent. Les études embryologiques apprennent d'autre part que tout être vivant, si compliquée que puisse être sa forme, débute par un œuf, simple cellule, petite masse de protoplasme, dont la structure, la composition chimique et les réactions ne diôèreut pas sensiblement de ce qu'on peut obtenir avec d'autres colloïdes organiques ou métalliques. L'œuf, comme résultat de ses actions diastasiques et de ses acquisitions par osmose, grandit, se divise, produit un massif de cellules, d'abord toutes semblables entre elles, qui peu à peu se différencient suivant les positions qu'elles occupent, se groupent, constituent des organes de plus en plus nombreux et complexes à mesure que le temps s'écoule. Le développement embryogénique d'un être donné, son ontogénie, est une succession de formes incessamment diversifiées, dans la continuité desquelles on peut cependant reconnaître des étapes et dénomm<'r des stades. Une ontogénie est le plus banal en même temps que le plus magnifique exemple d'une série de variations. L'embryologie, par suite, est l'étude des variations de la forme et non pas d'une petite variation, changeant de si faible façon la grandeur d'une qualité qu'il faut de minutieuses me- sures pour la reconnaître, ni d'une variation relative à quelques organes accessoires, ni d'une variation singulière existant sui' un animal choisi dans quelque localité spéciale, mais bien de variations sans nombre, amenant la forme de rien, ou presque rien, à tout ce qu'elle peut être, portant sur tous les organes, chez tous les animaux et dans tous les lieux. Les phénomènes ontogéniques sont donc par leur ensemble les plus capables de nous suggérer une image intelligible de ce VARIATIONS EXPERIMENTALES ^39 qui a pu se passer depuis l'origine du monde pour les change- ments successifs des flores et des faunes. Il y a même entre les deux sortes de données des concordances objectives ; les stades ontogéniques répètent souvent dans le même ordre les étapes paléontologiques. Ceci nous amène à penser que Timage évolu- tive est plus qu'une simple suggestion et qu'elle est le reflet d'une réalité que nous ne saisissons pas encore avec précision dans toute son étendue. Si l'on trouvait en tous cas concordance, le problème serait résolu et il y aui'ait preuve définitive ; mais cela n'est pas intégralement, peut-être par suite de lacunes dans les séries que la fossilisation n'a pas conservées toutes, peut-être aussi pour d'autres raisons moins simples. En chercliant au surplus à transposer les données de l'évolu- tion ontogénique pour reconstruire avec elles l'histoire passée des espèces et des classes, on n'est obligé à l'exclusion d'aucun point de vue. Si la continuité est un phénomène ordinaire en embryologie, la discontinuité n'y est cependant point rare, telle celle qui coupe en stades distincts le développement larvaire d'un crustacé, ou mieux encore celle qui tranche la vie d'un insecte métabole en trois tronçons séparés : larve, nymphe, imago. J'ai d'ailleurs montré (1) que les métamorphoses ou métabolies sont beaucoup plus fréquentes et plus répandues qu'on ne le dit usuellement et qu'il y a en somme d'innombrables transitions de toutes grandem-s entre la discontinuité qu'elles créent et la continuité. Au surplus, si les embryons évoluent de telle sorte que chacun répète, de génération en génération, une succession fixée de phénomènes, ce n'est pas à dire que l'être vivant possède en lui-même un déterminisme rigoureux, ramenant sur un rythme nécessaire des apparences matérielles identiques, car de légers changements du milieu amènent des modifications dans les formes. D'importantes études ont été entreprises sur ces sujets ; il y a place pour bien d'autres encore. Et, par les faciles traus- (1) HorSïAY. — La forme et la vie (Paris, Schleicher, 1900) 140 V. IIOUSSAY formations des embryons, on peut arriver à concevoir sans peine que les espèces se soient changées avec les milieux. Mais, concevoir en gros comme possible une certaine marche des phénomènes n'est plus ce qui suffit à la science contempo- raine ; elle veut préciser davantage afin de mieux apprécier la valeur de ses principes et de ses conclusions. La biologie cherche à pénétrer dans la voie qu'ouvrent les méthodes mathématiques ; elle voudrait poser les équations différentielles du problème de l'évolution et le résoudre en son entier par leur intégration si elle est possible, ou se rendre compte, eu tous cas, de ce qui entrave la solution. Or, x^oser les équations différentielles du problème c'est recher- cher pendant un temps très court les lois de la variation, c'est- à-dire essayer d'établir des relations capables de s'exprimer par une formule ou par une courbe entre le temps, la grandeur mesurable des éléments en lesquels se décompose la forme ani- male et la grandeur de certaines actions ambiantes, ou de toutes les actions ambiantes, dont on sait par expérience qu'elles sont ►susceptibles de modifier les êtres vivants. La question, on le voit, est des plus difficiles et n'est pas même voisine de la maturité ; elle est à la phase préparatoire, dans la- quelle il s'agit encore de distinguer, d'établir et de mesurer des phénomènes, loin qu'il soit déjà temps de les grouper et d'en extraire des relations générales et complètes. Cependant il est utile de savoir à quoi peuvent servir les faits que l'on étudie ; c'est le meilleur guide pour leur recherche et pour leur décou- verte. ]S^ous venons d'indiquer que le problème comporte à tout le moins la combinaison de trois sortes de données : 1° le temps, 2° la variation du vivant, 3° les facteurs du milieu ambiant. C'est déjà une simplification considérable et une intervention énorme de notre part que de décomposer ainsi le Cosmos par notre analyse et d'y distinguer l'être vivant de toute son am- biance à laquelle il est en fait lié d'une façon nécessaire et per- VARIATIONS EXPERIMENTALES 141 manente (1). Mais, il faudrait se tenir à ce minimum de com- plexité et ne consentir aucune simplification supplémentaire si ce n'est d'une façon provisoire, pour la commodité du travail, en sachant bien qu'on ne traite plus le problème entier, et que seulement on le prépare, qu'on tourne alentour, qu'on se tient en un mot dans les préliminaires. Ce n'est pas à dire que toutes les études faites de la sorte soient méprisables ou inutiles. Loin de nous cette pensée ridicule, mais il ne faut pas s'illusionner sur leur valeur réelle. Cette der- nière est suffisante dans son vrai, sans que l'on cherche fausse- ment à lui en substituer une autre. De là résulte que pour l'étude de la variation, aussi bien que pour tout autre, on doit éviter de ne voir qu'une catégorie, de se placer à un point de vue exclusif et d'être jjartisan soit de la discontinuité, soit de la continuité, soit d'un déterminisme extrinsèque, soit d'une cause intrinsèque ; il faut se garder de limiter ses recherches aux variations durables en méconnaissant les fugitives. Tous ces phénomènes existent et doivent par suite être pris en considération. Plus encore, ils ne sont pas séparés et distincts ; ce sont des termes parfaitement sériables d'un unique ensemble. La vision nette de la complexité du problème permet de se rendre un compte précis de ce qui uuinque à chaque discipline, ou à chaque manière d'étudier, pour le traiter entièrement ; elle permet par suite de distinguer la valeur juste de chaque caté- gorie de données et la façon dont il est possible de les combiner ensemble et de les compléter les unes par les autres, loin de chercher à les exclure les unes par les autres. L'embryologie par exemple, puisque nous en avons d'abord parlé, à la considérer dans son ensemble et dans ce qu'elle a de classique, étudie en fonction du temps la plupart des variations et les plus importantes dont est susceptible la forme animale. Mais elle tient à peine compte, ou même pas du tout, de l'action (1) HousSAY.— Une étude des sciences naturelles {Revue scientifique, 1904). — L'abstrac- tion dans les sciences naturelles {Revue des Idées, décembre 1905). 142 F. HOUSSAY des facteurs extérieurs à Tanimal. Ses résultats néanmoins, bien qu'incomplets, combinés avec ceux que la zoologie retire de la considération des formes adultes actuelles, ont pu servir à tracer ces courbes rameuses de continuité entre les formes, appelées autrefois arbres généalogiques, et dont on a cru avec excès qu'elles apportaient la solution complète du problème de l'évolution. Il ne faudrait pas maintenant, par une réaction exagérée, les con- sidérer comme nulles et non avenues. Elles relient solidement et simplement des faits très nombreux ; elles sont de bons sym- boles et à ce titre doivent être retenues et utilisées. Les variations ontogéniques ou les changements de forme embryonnaires, pour abondants et importants qu'ils soient, n'ont au reste de valeur que comme image ou comme représen- tation de ce qu'a pu être l'évolution. Car, si on les considère au point de vue du résultat qu'ils amènent en réalité, on ne voit pas immédiatement que, même amplifié, ce résultat puisse être une évolution des espèces. Dans la longueur d'une vie humaine, en eiïet, ou dans toute la durée de l'expérience humaine, il semble, et à défaut de mesures minutieuses, que ces variations ontogéniques ont pour terme final une permanence. Les abou- tissants des ontogénies successives, les adultes d'une même espèce, se ressemblent constamment entre eux. Cette permanence apparente est en contradiction avec l'idée d'évolution. D'où la nécessité, pour résoudre le conflit, d'étudier les variations qui peuvent se manifester entre les formes adultes et, pour limiter d'abord le problème, entre les formes adultes d'un de ces groupes (j[ue l'on appelle espèce. * * Dès que la notion d'espèce a été introduite dans la science avec quelque netteté, la notion de variations ou de différences légères entre les individus ne s'est pas moins rapidement imposée. BuFFON, Lamarck, puis CuviER (1) et enfin Darwin, plus copieu- (1) CuviER. — Révolutions du globe (Firmin-Didot, Paris, 1877, P- 77). VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 143 sèment mais non d'une façon différente, ont mis en évidence de pareils écarts entre les formes dans une espèce, pour en retirer il est vrai des conclusions opposées. Les observations de cette sorte, tant qu'elles sont effectuées d'une façon discontinue et, pour ainsi dire, au hasard des rencontres, laissent trop de place à l'interprétation arbitraire. Il y avait lieu d'instituer méthodi- quement des mesures nombreuses et précises. QuÉTELET, dans plusieurs travaux (1) très remarquables et très suggestifs, a donné complètement la méthode que l'on com- mence à appliquer pour l'étude de la variation dans les sciences biologiques. Si un observateur cherche à obtenir à plusieurs reprises et avec précision une même mesure, par exemple la taille d'un homme ou la longueur de n'importe quel objet, il ne trouve ja- mais deux fois le même résultat. En multipliant suffisamment les épreuves on obtient une série de nombres tantôt trop grands tantôt trop petits qui se répartissent autour d'un nombre moyen. Si l'on cherche à grouper en lots les diverses mesures obtenues, on reconnaît qu'un lot très nombreux est formé par celles qui diffèrent le moins de la moyenne. Les autres lots sont d'autant plus petits, c'est-à-dire contiennent d'autant moins de mesures, qu'ils sont plus écartés de la moyenne. Comptant en abscisses positivement et négativement les écarts d'avec la moyenne et en ordonnées le nombre d'opérations ayant correspondu à chaque écart, on obtient une courbe symétrique dite courbe d'erreur, ou courbe en cloche, ou courbe de Quételet. Il est fort remarquable que si, au Ueu de mesurer n fois le même objet, on mesure une seule fois la même qualité sur n objets pratiqueynent considérés comme semblables, c'est-à-dire désignés par un seul nom, on trouve encore une courbe en cloche. Quételet avait formellement établi ce résultat par de nom- breuses mensurations relatives à l'homme. Galton (2), dans un (1) Quételet. — Physique sociale (Paris, 1835). — Lettres sur la théorie des probabilités appliquée aux Sciences morales et politiques (Bruxelles, 1846). — Sur le calcul des probabilités appliqué à la science de l'homme {Bull. Acad. Royale de Belgique, 1873). (2) Galton. — Natural inheritance JLondon 1889). 144 F. HOUSSAY ouvrage rempli d'autre part de considérations intéressantes, a confirmé par des mensurations nouvelles les conclusions de QuÉ- TELET et a eu la bonne fortune d'y intéresser les biologistes, en raison peut-être du titre qu'il avait su choisir pour son livre. Divers résultats aujourd'hui publiés montrent qu'il en est de même si l'on mesure une qualité quelconque sur de nombreux individus d'une espèce animale ou végétale, qu'il s'agisse de la longueur du corps, de celle d'une antenne, d'un fruit ou de tout autre organe, ou encore du nombre des parties qui se répètent telles que les taches pigmentées, tubercules, etc., dont la quan- tité semble caractériser une espèce ou une race. Bateson, Davenport, Pearson, Weldon, Kellogg se si- gnalent parmi d'autres auteurs par les contributions qu'ils ont apportées à ce sujet. La construction des courbes de fréquence est d'usage courant au laboratoire de Svalof (Suède) pour la sélection des graines de céréales. En se répétant toujours symétriques et semblables à elles- mêmes, quel enseignement théorique, en outre de leur importance pratique, peuvent nous apporter les courbes 1 Laissant de côté d'autres considérations dont nous parlerons tout à l'heure, elles nous apprennent d'abord que notre notion de type ne correspond pas à quelque chose d'absolu et d'immuable ; c'est seulement le maximum d'une série, et son seul fondement est la fréquence. Cette conclusion est intéressante certainement, mais elle peut être aussi bien utilisée par les partisans de la fixité des espèces que par les évolutionnistes. Et même, en y réfléchissant, de Blainville n'était-il pas arrivé à un résultat apparenté au précédent, à la fois moins précis et plus général, lorsqu'il distribuait, dans chaque ordre de mammifères, les diverses tribus de part et d'autre d'une fa- mille centrale qui présentait au maximum les caractères les plus typiques de l'ordre, lesquels caractères allaient en décroissant successivement dans les tribus à mesure qu'elles s'écartaient du type ? Et, groupant de la même façon les ordres dans les classes, et les classes dans les embranchements, ne retrouverions- VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 145 nous pas de la sorte un schème nouveau pour l'unité de plan de composition °? En outre du cas ordinaire où la courbe symétrique offre un seul maximum, il arrive parfois qu'en mesurant une certaine qualité dans un groupe appartenant à une espèce donnée, on trouve deux ou plusieurs maxima au lieu d'un, La seule conclusion rigoureuse est qu'il y a deux ou trois types dans un ensemble oii l'on avait d'abord cru en voir un. Ayant d'autre part l'idée d'évolution, on est aussi tenté de considérer ce résultat comme l'expression arithmétique du fait que l'espèce est en train de varier, de se dédoubler ou de se fragmenter davantage. Cela peut être vrai souvent, mais ne l'est pas nécessairement, ni toujours. Il est bien sûr par exemple que la courbe à deux maxima, obtenue par Galton avec la couleur des yeux humains, ne veut pas dire qu'à notre époque l'espèce humaine en Angle- terre est aujourd'hui en train de se séparer en deux races dis- tinctes à ce point de vue. La multiplicité des maxima ne signifie une séparation de l'espèce en deux ou plusieurs autres que si, en plusieurs générations successives, on a vu peu à peu pointer deux maxima, d'abord rapprochés puis espacés de plus en plus, ainsi que par exemple l'a établi Hugo de Vries dans ses belles recherches sur la mutation, notamment dans le dénombrement, effectué plu- sieurs années de suite, des languettes visibles autour du capitule de Chrysanthemum segetum (1). Pour aborder le problème de l'évolution, il faut toujours, en effet, qu'il soit question du temps. Je l'ai fait déjà remarquer il y a plusieurs années (2) en montrant que la courbe en cloche ne donnait une relation qu'entre la fréquence (tp) d'une qualité et la grandeur (a) de celle-ci : (1) Hugo de Vries. — Die Mutationstheorie (Leipzig, 1901-1903). (2) HousSAY. — La forme et la vie, p. 256. 146 F. HOUSSAY Dans l'ospècp, la fonction / est une exponentielle de la forme /.' - «' 9 = Ae ainsi que l'a établi Quételet (1). C'est une relation statique. Le procédé de mensuration ne donnerait de renseignements sur l'évolution qu'en introduisant le temps (ô), ce qui reviendrait à construire une surface : FIG. 1. Surface exprimant la fréquence d'une qualité en fonction du temps. Un de mes élèves, X. Roques, me fit remarquer récemment que, malgré la difficulté qu'il y aurait à écrire l'équation d'une pareille surface, on peut tout de même se faire une idée de la forme qu'elle présenterait. Prenons trois axes de coordonnées rectangulaires : Oa, O'^;. ()G (fig. 1), l'un pour la grandeur de la qualité mesurable que l'on (1) Quételet. — Lettres sur la théorie des probabilités, etc., p. 386. VARIATIONS EXPERIMENTALES 147 considère, l'autre pour la fréquence, le troisième pour le temps que nous ferons croître par générations successives et non d'une façon continue, ce qui compliquerait le problème de toute la variation ontogénique. A l'origine des temps, les mensurations nous donneront dans le plan aOçp une première courbe de fréquence. De génération en génération nous aurons des courbes analogues dans une série de plans : e= 1 etc.. Nous pourrons à de certains monunits voir les courber, pré- senter deux maxima et se dédoubler ultérieurement. L'ensemble finalement donnera un aspect analogue à celui d'une chaîne de montagnes. Si l'on regarde cette surface de loin avec tout son relief ou si l'on se borne à relever la i^rojection de sa ligne de faîte, on retombera en tous cas sur une des courbes rameuses que les biologistes, il y a vingt-cinq ans, les H^ckel, les Ray-Lan- KESTER, les GiARD, etc... avaient tracées d'intuition. La ligne de faîte n'est pas rigoureusement une courbe de descendance, c'est-à-dire ne joint pas entre eux des individus effectivement descendus par génération les uns des autres ; une vraie courbe de descendance (en pointillé sur la figure) oscillerait autour de la précédente, sans toutefois passer d'une crête sur l'autre, du moins aussitôt que celles-ci se trouvent suffisamment distantes. Donc, en se bornant à mesurer, et à enregistrer la grandeur des variations visibles de génération en génération, on pourrait arriver à une intéressante sériation des effets, à une étude ciné- matique du sujet. Mais, en outre de cela, il est un résultat de première importance que Quételet a signalé dans ses écrits et pour lequel il n'a été dépassé ni même suivi par personne. Je veux parler des indications que les courbes de fréquence 148 F. HOUSSAY donnent relativement à la causalité et de la façon dont elles posent les problèmes dynamiques. La circonstance, en effet, qu'une qualité donnée se répartit dans un type suivant une courbe qui règle aussi les probabilités, les chances ou le hasard, ne signifie pas que les variations de la qualité se présentent sans cause, mais au contraire qu'elles sont déterminées par trop de causes. A un examen superficiel, les deux alternatives paraissent revenir au même relativement à la connaissance que nous en pouvons avoir; il n'en est cepen- dant point ainsi au fond. Si la variation n'a aucune cause, il n'est pas même à dire que le problème est insoluble ; il n'y a pas de problème du tout et il est superflu de s'en préoccuper. Si au contraire la variation admet un déterminisme trop com- pliqué, il y a problème, très difficile certainement, insoluble peut-être ; mais on ne peut renoncer à son étude qu'après de multiples essais totalement infructueux, et encore doit-on y revenir à chaque fois qu'une découverte nouvelle laisse espérer que son application donnerait un résultat, si faible fût-il. Or, les rares essais entrepris sont bien loin d'être découra- geants. Comment d'abord les courbes de fréquence peuvent elles con- duire à la causalité ? 1° Quand elles sont symétriques et à un seul maximum, elles signalent un type et ne révèlent rien par elles-mêmes. 2° Quand les courbes restent avec un seul maximum mais que celui-ci est déplacé à droite ou à gauche de l'ordonnée mé- diane entre les deux limites, ce fait arithmétique accuse l'exis- tence d'une cause prépondérante (1). Elle se tire en quelque sorte de l'ensemble confus et indiscernable qui serait le hasard. En ce cas donc existe une cause spéciale et définie, cela est sûr, mais, sur la nature de cette cause, la courbe ne peut rien ensei- gner. C'est beaucoup cependant d'apprendre ainsi qu'il y a quelque chose à chercher. 3° Si la courbe de fréquence porte deux ou plusieurs maxima, (1) QuÉtBLET. — Lettres sur le calcul des probabilités, etc., p. 177. VARIATIONS EXPERIMENTALES 149 ce dont Bravais (1) le premier a signalé la possibilité, alors deux on plusieurs causes témoignent leur prépondérance ; et la différence de leurs effets est une donnée qui peut mettre sur la voie pour les trouver. Seulement, à l'heure actuelle, pour interpréter la nature de la cause d'après les changements qu'elle amène, nous manquons presque totalement d'indications expérimentales sur le déter- minisme des variations. Il faut que quelques-uns s'attachent d'abord à en recueillir. Au reste, la façon même dont se construisent les premières courbes de fréquence tend à masquer les déterminismes et la causalité. Etant donné qu'il y a d'abord tant à compter et tant de faits à relever, on s'adresse, comme il est naturel, à ceux que l'animal révèle tout de suite et sans dissection longue. On examine les pinces chez le forficule, les tubercules sur les ailes d'un coléoptère, les nervures chitineuses d'une aile d'abeille, les taches pigmentaires d'une aile de papillon, etc.. Or, les modi- fications du tégument, pigmentaires ou autres, sont peut-être celles dont les liaisons avec la nutrition de l'être nous échappent le plus aujourd'hui. Et nous sommes certains cependant que ces liaisons existent. Sans parler des indications que la médecine pourrait fournir à ce propos pour l'espèce humaine, les belles expériences de E. Fischer (2) sur les Vanesses prouvent que, par des changements de température au cours du développement, surviennent des changements de variété traduits précisément par des trans- formations du pigment. Les classiques recherches de ScHiviANKEWiTCH sur Ics Artemia montrent que le degré de salure des eaux transforme le telson et les poils qui s'y insèrent de façon à ce que l'on passe d'une espèce à une autre. Tel est le type de recherches qu'il faudrait multiplier à l'heure (1) QUÉTELET. — Loc. cit., p. 412 (2) E. Fischer. — Transmutation der Schmetterlinge in Folge von TemperaturaïuUrung (BerUn, 1895)- i5Ô h\ IlOUSSAY actuelle pour compléter et interpréter les données de la biouié- trique naissante. Avant de clore cet aperçu général ajoutons que, parmi les biologistes, on pourrait signaler deux orientations principales tendant à concevoir la variation comme résultat soit d'un déterminisme intrinsèque soit d'un déterminisme extrinsèque. Dans tous les cas, même si l'on emploie le nom de variation spontanée comme pour écarter toute causalité, il parait difficile de ne pas admettre à la réflexion un déterminisme toujours antécédent à la variation et un déterminisme physico -chimique. Seulement, pour les uns, la variation proviendra surtout des combinaisons physico -chimiques qui surviennent dans l'être lui- même, soit tout à tait nouvellement, soit par légères modifica- tions dans l'amplitude de ce qui existait déjà, et cela, sans que rien n'ait été modifié dans les agents extérieurs. D'autres, attentifs à ce qu'un animal ne doit jamais être en réalité considéré en soi et dépouillé de ses rapports permanents avec le dehors, regardent comme difficile que les réactions phy- sico-chimiques internes puissent être modifiées si ce n'est comme contre -coup d'un changement dans l'ambiance, même léger, même fugitif, antérieur au phénomène de variation. Il y a dans le monde extérieur aux vivants tant de facteurs capables d'amener des variations dans le protoplasme que l'on est noyé dans leur multiplicité, sans attention pour leur faible grandeur et que l'on trouve plus simple de considérer la variation comme une propriété des êtres vivants, susceptible de se mani- fester par hasard, c'est-à-dire à la suite d'un déterminisme si compliqué qu'on renonce à le connaître. Une telle renonciation est provisoirement acceptable, si l'on se borne à étudier la suite du problème et à rechercher ce qui résulte d'une variation donnée, étude tout à fait légitime d'ailleurs et fructueuse. Mais la renonciation ne peut être définitive si l'on veut connaître le commencement de la question. J'entends bien que les données actuelles de la science rendent presqu'inaccessible la question de déterminisme et je VARIATIONS EXPERIMENTALES 4^1 dis seulement qu'il faut penser à rassembler des données en vue de l'aborder plus tard. Les biologistes se laisseraient aisément convaincre de chercher les diverses causes des différentes variations s'ils espéraient obtenir des modifications qui fussent durables et s'ils n'avaient observé que trop souvent « sublatâ causa, tollitur effectus ». D'abord, on a découvert des modifications durables. De Vries en a signalé sur les Œnothera sous le nom de mutations, et sans doute leur déterminisme est inconnu. Mais Blaringhem a repro- duit sur le maïs à l'aide de traumatismes des modifications ana- logues par leur soudaineté et leur perpétuité. Il y a dans ce cas un déterminisme extérieur parfaitement net et, si le mécanisme interne de son action échappe encore, il demeure vrai que le problème est touché dans toute son étendue : cause extérieure appréciable, variation consécutive, transmission de celle-ci, évo- lution possible. D'autre part, si une action extérieure est durable et si les êtres vivants qui y sont soumis varient sous son influence, ils ne feront pas retour à la forme antérieure à moins d'échapper à la cause modificatrice, ce qui sera impossible en des cas nom- breux. Et de plus, entre les variations durables et les fugitives il y a probablement tous les intermédiaires possibles ou, pour mieux dire, ce sont des aspects différents d'un même phénomène essen- tiel. Si l'on est convaincu que la variation résulte de modifications dans les actions physico- chimiques internes — originellement internes ou devenues telles après un point de départ extérieur, il n'importe — il faut y voir l'aboutissant des grands facteurs vitaux : hydratations, déshydratations, oxydations, réductions, surnutrition ou inanition au sens le plus large, c'est-à-dire en solides, en liquides ou en gaz, actions diastasiques, actions de toxines. Pour les intoxications en particulier, nous savons que certaines d'entre elles, capables même d'amener des désordres importants 152 F. HOUSSAY et graves, s'éliminent si l'on n'entretient pas la toxine. D'autres qui amènent des modifications parfois moins apparentes ne s'éliminent pas ou s'éliminent lentement. Il paraît y avoir une dilïérence analogue entre la variation durable et la variation fugitive. L'étude de l'une quelconque de celles-ci peut éclairer le problème théorique. Nous avons tenu à montrer comment, loin de s'exclure, les diverses questions s'enchaînent, afin d'indiquer les préoccupa- tions auxquelles répondent les recherches dont l'exposé va suivre. Et nous avons assez présenté toute l'ampleur du problème pour n'avoir pas besoin de dire que notre prétention n'est pas de le résoudre tout. Nous apportons une contribution, dont il ne nous appartient pas au reste d'évaluer l'utilité ou l'impor- tance. CHAPITRE I UNE EXPÉRIENCE SUR LE DÉTERMINISME DE LA VARIATION PAR LE RÉGIME ALIMENTAIRE SIX GÉNÉRATIONS DE POULES CARNIVORES RÉSULTATS GÉNÉRAUX Sommaire. — Choix de l'animal en expérience. — Etudes antérieures sur le gésier. — Exten- sion des recherches à tous les organes et à plusieurs générations. — Précautions initiales relatives aux variations de race. — Généalogie des sujets étudiés. — Accroissement pro- gressif de la taille et du poids. — Impossibilité de comparer les organes en grandeur absolue. — Rapports au poids total et au poids actif. — Poids total étalon. — Organes et fonctions qui ont varié. Les considérations exposées plus haut me décidèrent à entre- prendre des recherches sur le rôle que pouvait jouer, dans le déter- minisme de la forme, quelque facteur biologique suffisamment important et suffisamment défini. Je résolus d'essayer ce que produirait un changement complet de régime alimentaire. Le choix de l'animal à mettre en expérience était une ques- tion de premier ordre. Il fallait que le régime normal fût très bien fixé et connu et cependant pas tellement rigoureux qu'un changement pût amener la mort. Je pensais et je pense encore que des transformations importantes auraient été obtenues sur VARIATIONS EXPERIMENTALES 483 divers invertébrés : planaires, insectes ou d'autres, mais pour une première recherche la question se serait compliquée d'une difficulté sérieuse à reconnaître l'état de leur santé au cours de l'expérience, ce qui devait laisser échapper bien des observa- tions. J'arrêtai donc mon choix sur un vertébré, dont la biologie nous est mieux connue et dont les réactions nous sont plus familières. Hésitant entre les mammifères et les oiseaux, j'opérai d'abord sur les deux ; mais, mes expériences sur les mammifères, plusieurs fois renouvelées, se terminèrent rapidement par des insuccès, instructifs d'ailleurs et dont je parlerai plus loin. Parmi les oiseaux j'avais choisi des poules en raison du fait que, typiquement granivores, ces oiseaux ont une certaine avidité pour la viande et mangent spontanément tous les insectes ou tous les débris dont ils peuvent s'emparer ; j'espérais, en con- séquence, les adapter facilement au régime carné exclusif. La moi-phologie organique des oiseaux est très uniforme et les différences que l'on reconnaît entre eux sont en rapport avec l'éthologie actuelle de ces animaux. Les ordres d'oiseaux, arrêtés par des caractères anatomiques, sont à peu près des groupes fondés en même temps sur des genres de vie spéciaux. L'ana- tomie comparée avait de la sorte appelé de tout temps l'atten- tion sur la grande différence qui existe entre le gésier des Eapaces, nourris de chair, et celui des autres oiseaux, notamment de ceux qui absorbent exclusivement des graines. On a ainsi été déjà conduit à chercher si, dans un temps rapide, le changement de régime pourrait modifier cet organe qui semble en rapport manifeste avec la sorte d'alimentation. Les indications fournies par les divers auteurs sont, il est vrai, contradictoires. Les uns ont essayé d'accroître le gésier d'un oiseau Carnivore en le soumettant au régime granivore. C'est ce qu'ont réalisé HUNTER, qui a rendu par cette alimentation le gésier d'un goéland {Larus tridactylus) comparable à celui d'un pigeon, et MÉNÉTRIÉ, qui a atteint le même résultat sur l'effraie {Strix grallaria). D'après Edmond stone, la structure de l'estomac, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4' SÉRIE. — T. VI. — (v). 13 154 F. HOIJSSAY chez Larus tridac'ylus, change même spontanément dans la nature, suivant son ahmentation saisonnière. Aux îles Shetland, le gésier de ces oiseaux s'accroît et diminue périodiquement chaque année suivant qu'ils se nourrissent des graines de céréales pendant la belle saison ou de poissons pendant l'hiver. Les auteurs précédents sont cités par (\ iSEMPER (1), qui admet leurs conclusions sans avoir refait d'expériences. G. Brandes (2) fait la critique de ces travaux en remontant aux sources et montre qu'ils ont effectivement très peu de précision. HoLMGREN dit aussi avoir changé l'estomac d'un pigeon de façon à le rendre comparable à celui d'un oiseau Carnivore. Plus récemment, G. Brandes a repris cette question. Après avoir nourri un pigeon pendant sept mois avec de la viande, il compara l'épaisseur des parois musculaires de son gésier avec l'épaisseur des parois chez un oiseau de proie et reconnut que la différence entre les deux demeurait considérable. L'observa- tion est certainement exacte, mais l'auteur a eu le tort de con- clure qu'il n'y avait aucune variation, car la réduction en volume ne commence pas nécessairement par une réduction en section. C'est le poids qui peut seul renseigner sur la variation d'en- semble. Y. Delage (3) rapporte qu'il a alimenté une poule pendant trois ans avec de la viande et estime que la vérité est entre les deux affirmations antérieures. Le gésier de son animal était bien d'après lui un gésier de granivore, mais son revêtement interne et sa musculature étaient beaucoup diminués. Cette poule eut des abcès aux pattes et le pus, riche en acide urique, montra la nature goutteuse de l'affection. Traité à la pipérazine, l'animal mourut sur-le-champ. Toutes ces contradictions demandaient de nouvelles recher- ches. En même temps que moi et d'une façon indépendante, (1) C. SEMPER. — Die ExMtenzhedingungen der Tiere (1880). (2) G. Bkandes. — Ueber den veriiieiiitlioliPii Eiiifluss veranderter E'-nahrung auf die Structur des Vogelniagens (Biot. Centralblatt. 1896. T. XVI. 825-83.i. Aus.si d:,iis Leopuhlina 1896). (3) Y. Delaqe. — Année biologique pour 1896. VARIATIONS EXPERIMENTALES i5.^ Weiss (1) opéra sur des canards. Deux de ces animaux furent nourris pendant quatre mois et demi avec des graines de blé et de maïs ; deux autres, pendant le même temps, reçurent de la viande de cheval. La taille des carnivores était supérieure d'un tiers environ à celle des granivores et il faut bien dire que dans la circons- tance, le régime de ces derniers était inusité et presque anormal pour l'espèce. En outre, les canards carnivores avaient un plu- mage moins beau et moins fourni ; vu la faible durée de l'expé- rience, je suis porté à croire que c'est un effet de la toxicité spéciale de la viande de cheval, dont Weiss lui-même critique d'ailleurs l'emploi ainsi que Pfluger l'avait déjà fait. Weiss n'a pas trouvé de différences appréciables sur les gésiers, ou plutôt il note des écarts irréguliers, sans, du reste, indiquer le sexe des animaux oii serait peut-être l'explication de l'irrégularité. En revanche, il signale d'importantes transfor- mations anatomiques et histologiques dans le ventricule succen- turié et c est un résultat positif intéressant. Mes expériences ont commencé au mois de novembre 1900, Je me suis proposé, relativement au gésier, organe en discus- sion, de procéder par des mesures précises afin d'évaluer la variation. Si elle est de faible grandeur, celle-ci doit en effet néces- sairement échapper quand on se borne à comparer l'organe varié à un type dont nous n'avons, au surplus, aucune connaissance mesarée. Même de grande amplitude, la variation ne peut être appréciée exactement parce que nous n'avons du type de gésier granivore qu'une notion très générale. En outre, j'ai pensé que le gésier était bien loin d'être seul en cause et qu'un pareil changement de vie devait avoir un retentissement considérable sur tout l'organisme, qu'il s'agissait par suite d'examiner, avec une attention précise, toutes les modifications possibles sur tous les organes et, autant qu'il se pouvait, sur toutes les fonctions. Les résultats n'ont pas trompé cette attente. (1) Weiss (C. R. Société Bioloyie, 1901). i66 F. HOUSSAY Il m'a semblé aussi que l'étude n'aurait de portée qu'en étant suivie dans un grand nombre de générations. J'ai pu continuer cette recherche pendant six années et j'eusse été plus loin encore, si une des modifications obtenues sur l'espèce n'eût été la sté- rilité qui a mis fin à l'expérience en me privant de sujets. Le résultat d'ailleurs était important en lui-même et la variation, au surplus, avait été assez longtemps relevée pour qu'il soit aisé maintenant de prévoir ce qu'elle eût donné en se prolon- geant. J'ai fait connaître au fur et à mesure quelques-uns des résultats les plus saillants, ceux surtout qui pouvaient être isolés, mais il en reste beaucoup qui sont inédits. D'ailleurs, l'intérêt prin- cipal de ces recherches de longue durée est dans la comparaison finale entre toutes les données et dans leur combinaison en vue d'une conclusion d'ensemble. Les principales étapes de mon travail sont marquées par diverses notes publiées aux comptes rendus des séances de l'Académie des sciences (1). Ayant fait remarquer la difiîculté de comparer les organes des animaux que l'on étudie expérimentalement avec ceux d'un type abstrait, je résolus de fixer une origine à mes expériences et de prendre d'abord des mesures initiales sur des poules vrai- ment granivores. Ces oiseaux, tels qu'on les trouve dans la demi- liberté des fermes, sont surtout granivores, cela est certain, mais (1) HousSAY. — Morphologie expérimentale. Variations organiques en fonction de l'ali- mentation chez la Poule (C. R. Ac. Se, 9 décembre 1901). — Morphologie expérimentale. Sur l'excrétion et sur la variation du rein chez les Poules nourries avec de la viande {Ibid., 24 décembre 1901). — Comparaison de la ponte chez des Poules carnivores et chez des Poules granivores (Ibid., 17 février 1902). — Croissance et auto-intoxication (Ibid-, 26 mai 1902). — Morphologie expérimentale. Sur la mue, l'excrétion et la variation du rein chez des Poules carnivores de seconde génération (Ibid.. 8 dé- cembre 1902). — Variations organiques chez des Poules carnivores de seconde génération (Ibid., 29 décembre 1902). — Le dimorphisme sexuel organique chez les Gallinacés et sa variation avec le régime alimentaire (Ibid.. 12 janvier 1903). — Sur un Poulet ayant vécu 7 jours après l'éclosion avec un second jaune inclus dans l'abdomen (Ibid., 29 juin 1903). — Sur la ponte, la fécondité et la sexualité chez des Poules carnivores (Ibid., décembre 1903). VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 157 ils compliquent leur régime par une quantité d'aliments qui les rendent presque omnivores. Je pris donc un coq et deux poules et les nourris pendant une année entière avec des graines, prin- cipalement de blé noir, pour avoir un terme de comparaison précis. Dans le même temps je soumettais au régime exclusif de la viande crue trois autres animaux, également un coq et deux poules. Les six oiseaux en observation, achetés le même jour aux halles, faisaient partie d'un même arrivage et avaient été élevés ensemble dans la Vienne. Ils n'avaient pas atteint tout leur développement, étant âgés d'environ quatre à cinq mois, sans que je puisse davantage préciser ce point. Ils n'étaient pas de race pure et je m'attachai à les répartir également dans chaque lot suivant les similitudes extérieures que je pouvais distinguer. Ainsi, deux des poules avaient cinq doigts aux pattes, et l'une possédait même une petite huppe de plumes, caractères qui me semblaient provenir d'un ancêtre de race Houdan ; j'en mis une de chaque côté. Deux autres poules plus volumineuses avec, aux pattes, quatre doigts seulement, furent également classées de part et d'autre. La suite de l'expérience me montra que ces précautions étaient indispensables et, sans elles, aucune conclusion n'était possible. Désignant par l'indice , les animaux granivores, j'avais un coq I„, une poule à cinq doigts IIo, une poule à quatre doigts III.,. D'autre part, les animaux carnivores de la première génération étant désignés par l'indice ,, j'avais un coq comparable au pré- cédent I„ une poule à cinq doigts II,, et une poule à quatre doigts III,. Après une année de régime carné exclusif, la poule III,, com- parée à la poule II„ m'aurait montré un gésier plus gros que la poule granivore, résultat évidemment paradoxal, tandis que, comparée à la poule III^, sa semblable, elle montrait une réduc- tion notable. Il fallait donc des mesures à la fois précises et critiquées ; 158 F. HOUSSAY toute comparaison vague avee un type général et abstrait étant aléatoire. Ces précautions seraient moins utiles si Ton opérait sur de très grands nombres, les erreurs en plus ou en moins devant se fondre dans les moyennes. J'espérais que mes trois animaux carnivores successivement .multipliés me fourniraient d'abon- dants sujets d'observations ; je fus déçu dans ce calcul pour la Gi'Aiilvores K )[ III^ 0 o ° 1 Uivnivorcj K II m, À C^mx'.'OreS I''' 11 ]|( IV V VK Y!l VIH ^ Cat-i vivo 1-e.:) / i / \ 1°' If III Y VJ Vil \X VJK, If Uliaivore^' Yi I n m IV Y vii^ 5'"'"CAniu'orti I IL m IV 1 5 ^5 ? +î^ 1 b Carnivore +■ fc Fie. 2. Tableau de (lesceiulaiiee îles aiiiiiia\ix étudiés. raison de la fécondité décroissante que j'ai déjà dite. Cepeiuiant j'eus un nombre de sujets suifisant pour être assuré, étant don- nées les distinctions faites à l'origine, de n'avoir pas commis de lourdes erreurs, et je ne crois pas qu'aucune de mes conclusions puisse être infirmée par des études faites sur de plus nombreux animaux. Le tableau ci-dessns (fig. 2) résume la similitude d'abord, puis la descendance réelle des animaux que j'ai étudiés. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 459 Coiiinu' je supposais que, par lui-même, le réginu' Carnivore devait introduire dans l'organisme des déchets plus abondants et moins éliminables, être en un mot xjIus toxique pour ces animaux que leur régime normal, je m'attachai à ne rien faire qui pût accroître cette toxicité. Je donnai aux animaux de la viande fraîche, prise chaque jour dans les rognures de boucherie, débarrassées ensuite soigneusement de toutes les parties tendi- neuses ou aponévrotiques de digestion difficile. C'était en somme une alimentation carnée de premier choix, certainement moins toxique que les résidus d'abattoirs ou d'équarrissage avec les- quels sont nourries bien des poules que l'on vend au maiX'hé. Les animaux étaient, au reste, placés dans une vaste volière, close d'un grillage et par suite largement aérée, oii ils pouvaient circuler, gratter le sol, voleter et percher ; le défaut d'exercice est donc hors de cause dans les résultats que nous exposerons. Le sol était nettoyé aussi minutieusement que possible et les con- ditions hygiéniques étaient des plus favorables. D'ailleurs les animaux qui parvenaient à l'état adulte n'avaient aucunement l'air chétif ou réduit et le poids allait toujours eu augmentant ainsi que l'on peut s'en convaincre par les moyennes suivantes relatives aux générations successives. 1938 gr. — 2118 gr. — 2307 gr. — 2360 gr. — 3057 gr. — 3037 gr. Il s'agit de poules n'ayant qu'un an de vie et les derniers nombres atteints sont extrêmenuMit forts. Il est bien évident d'autre part qu'avec de pareilles variations de poids, s'élevant à plus de 30 %, toute comparaison en valetir absolue des dimensions ou des poids d'organes serait tout à fait illusoire. Il a fallu considérer en tous cas le rapport de chaque organe au poids de l'animal dans^ lequel il se trouvait pris et n'établir de comparaisons qu'entre ces rapports seulement. La durée de chaque génération était réglée de la façon sui- vante. Le début, naturellement fixé à la naissance, sauf pour les premiers animaux mis en expérieuQc, l'époque de la fin était choisie après une première manifestation complète de la vie adulte, c'est-à-dire après l'achèvement de la mue qui suit la 460 F. HOUSSAY première ponte, événement traduit par une reprise accentuée de poids suivant une grande baisse. Comme les couvées suc- cessives n'éclosaient pas exactement à la même date, je repérai toutes les observations ou pesées faites sur le vivant d'après le nombre des jours de vie écoulés. Ainsi que je viens de le dire, le poids des poules subit, au moment de la mue, d'énormes variations; j'aurais pu, en éta- blissant les rapports des organes au poids total, trouver des nombres très peu comparables si je n'avais sacrifié les animaux exactement au même état physiologique. Cela était difficile à obtenir à coup sûr ; aussi , pour éviter cette cause d'erreur , ai-je toujours pris pour tous les animaux comme poids total étalon le poids qui précédait immédiatement la baisse de la mue. J'ai considéré également une autre catégorie de rapports, les rapports des organes au poids actif et cela peut être de quelque intérêt, spécialement pour les organes d'excrétion. Le poids actif était moins sujet à caution et s'obtenait facilement en prenant le poids total du jour de la mort et en le diminuant de la somme des poids de la graisse, des plumes, du squelette, préparé après chaque dissection. Ces séries de nombres comparés entre eux, soit par les moyennes prises dans chaque génération, soit en suivant des couples effec- tivement descendus les uns des autres, m'ont donné les résul- tats que je vais exposer dans les chapitres suivants. Les variations relevées ont trait à la modalité de la crois- sance, à l'excrétion urinaire et à l'organe rénal, au tube digestif considéré spécialement pour la variation de sa longueur totale, pour celle du gésier, du jabot, des caecums, au squelette, à la ponte, à la fécondité, à la sexualité, au dimorphisme sexuel. Enfin j'apporterai quelques contributions à la question si importante de la transmission des caractères acquis J'ai dû, sur ce dernier sujet, limiter mes projets par l'impossibilité où j'étais de sacrifier beaucoup de jeunes à différents âges, mais, vu la pénurie des documents que nous possédons sur la question, les moindres indications sont fort utiles. CHAPITRE II CROISSANCE ET AUTO-INTOXICATION Sommaire. — Courbes de croissance pendant les générations successives. — Données et échelles- — Essai théorique de J.-J. Deschamps sur les organismes unicellulaires. — Les courbes de croissance à point d'inflexion chez les Métazoaires. — Conclusions sur l' auto-intoxica- tion permanente. — Généralité du résultat. — Déplacement du point d'inflexion vers l'origine dans les générations successives de poules carnivores. — La place du point d'in- flexion critérium du degré d'intoxication. Avant de contrôler la variation dans le détail de chaque organe, il est intéressant de jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des mani- festations vitales pendant les générations successives et la con- sidération du poids est un premier renseignement mesurable, qui traduit avec une grande fidélité l'état physiologique ou patho- logique. Si le régime Carnivore agit avec une toxicité plus grande on doit trouver la trace de ce phénomène dans la marche de la croissance. A ne considérer que les poids maxima auxquels atteignent les animaux qui parviennent à l'âge adulte et qui, par suite, résistent le mieux, aucun résultat fâcheux ne se manifeste. Il semble même, comme je le disais au chapitre précédent, qu'il y ait bénéfice constant dans l'acquisition. C'est ce qui parait découler du tableau suivant. GÉNÉRATIONS O I II III IV ^' Poids maxim. moyen.. .938 g. 2.118 g. 2.307 g. 2.360 g. 3.057g. 5 3.037g. 5 — maxim. des mâles.. 2.544 2.458 2.852 2.900 3.650 3.650 — maxim. des femelles 1.635 1.933 1.944 2.001 2.465 2.425 Une conclusion pareille à la précédente serait évidemment trompeuse puisqu'elle ne tiendrait a-ucun compte ni des maladies survenues en cours de vie, ni des morts précoces, ni des arrêts de développement et qu'elle ne laisserait en rien prévoir l'extinc- tion finale par stérilité. Il faut donc, si l'on veut retirer des phénomènes de croissance quelques documents significatifs, en étudier la marche avec une tout autre précision. Ayant suivi le développement de plusieurs couvées de poulets, 162 F. HOUSSW j'ai recueilli leurs poids, tous les deux jours dans leurs premières semaines de vie, puis deux fois par semaine pendant une seconde période, et enfin seulement une fois par semaine. Les nombreuses données numériques fournies par ces pesées sont réunies dans V Appendice qui termine ce mémoire. Avec les nombres obtenus, il m'a été facile de construire des courbes. Pour la précision, je les ai d'abord faites à très grande échelle, comptant sur les abscisses 3 '"„, pour un jour de vie et pour les ordonnées 5 % pour 10 grammes de poids. Les figures données dans les pages suivantes sont des réductions photo- graphiques, toutes à la même échelle des courbes originales. FiG. 3. t'ourbe théorique de croissance (J.-J. Deschamps) On comprendra mieux leur étude détaillée si d'abord jo r;i])- pelle que, dans un très intéressant essai, J.-J. Deschamps (1) a tentt' de prévoir par le calcul l'évolution d'une espèce cellu- laire unique dans un milieu restreint où s'accumulent les pro- duits de désassimilation. Les équations qu'il pose le conduisent, entre autres résultats, à représenter la nutrition limitée par l'inanition ou par l'auto-intoxication ou par les deux phéno- mènes à la fois à l'aide de la courbe ci-dessus. La courbe est comprise entre deux asymptotes horizontales et possède un point d'inflexion à mi-hauteur entre les deux ; la (1) \r .I.-J. Deschamps. — Etude analytique du phénomène de l'auto-intoxication {Bulletin d€ la Société des gens de Science, 15 janvier 1902)- VARIATIONS F.XPERIMEXTALES 463 concavité est supérieure au début, inférieure à la fin. DanvS les données de fait, on trouve déjà de semblables tracés pour l'ac- croissement de la levure de bière anaérobie ou normale. (Du- CLAUX, d'Arsonval et Gariel.) La forme de ces courbes assimile la vie d'un ])rotozoaire ou d'un protophyte à l'un quelconque des phénomènes qui se limitent eux-niêmes par l'état qu'ils créent, par exemple à celui de la dissolution. Je me suis demandé dans quelle mesure ce graphique est applicable à la vie d'un métazoaire. A priori, le problème est embarrassant ; car, en même temps que se réalise la croissance par la multiplication cellulaire, une dilierenciatiou s'eiïectue aussi et l'on se rend difiacilement compte de la façon dont ce dernier phénomène peut influer sur le poids, qui serait une bonne traduction du premier. Un œuf de poule n'augmente pas de poids pendant rincubation et subit au contraire une légère dimi- nution progressive, comme le montrent les données inscrites à l'appendice, ce qui est en partie dû à la perte par évaporation. Il semble donc que, toute seule, la ditïéren dation ne se traduise pas à part par un poids. Je crois cette conclusion exacte pour la différenciation continue et progressive ; mais elle est en défaut dans le cas d'une différenciation brusque, d'une crise sexuelle par exemple. Les courbes successives que j'ai obtenues sont disposées dans les pages suivantes (fig. 4,5, 6, 7, 8, 9 et 10). La première et la troisième, relatives à la génération granivore originelle et à la pre- mière Carnivore, ne sont pas complètes puisque j'ai mis en expérience des poulets achetés au marché et dont j'ignorais l'âge exact. Dans ces deux courbes l'axe ox est placé avec certi- tude, mais l'axe oy pourrait être transporté à droite ou à gauche de la position que je lui ai assignée. Aussi pour augmenter les données que je possédais, en même temps que pour les contrôler. y ai-je adjoint celles que Oh. Féré a publiées. L'auteur en question a pris des pesées tous les jours, ce qui introduit de nombreux accidents de détail, traduits sur les courbes à gi-ande 164 F. HOUSSAY échelle par un tremblottement dans le trait, lequel au reste disparaît presque sur les courbes réduites. Inutile de dire que j'ai construit ces courbes à la même échelle que les miennes et qu'elles ont subi la même réduction (1). / ; / A, a; FlG. 4. Courbes de croissance des poules granivores. Relativement ^ tous ces tracés, j'avais des documents suffi- sants pour les pousser plus loin vers la droite ; mais l'inconvé- nient de trop réduire les figures, afin de les faire tenir dans une page, m'a conduit à supprimer les parties oti le poids ne fait (1) Ch. FéRé. — Note sur la croissance des Poulets (Journal de l' Anatomie et de la Phytio- logie, 1901). Variations expérimentales 168 plus qu'osciller suivant les circonstances, pontes, mues, etc., et gagne insensiblement une limite horizontale qu'il ne dépasse pas. Par leur allure générale les divers graphiques sont rigoureu- 0 101^ 114.5 A Al FiG. 5. Courbes de croissance de poules ordinaires d'après les nombres de G. Féré. sèment comparables. Débarrassées des accidents régionaux, qui ont aussi une signification et dont nous parlerons en temps utile, les courbes sont conformes à celles que Deschamps a calculées pour la croissance d'un être unicellulaire en inanition ou in- toxiqué. Le métazoaire, de son côté, étant un être de taille limitée. 466 l<\ ffOI SSAY peut être conçu, différenciation à part, comme un protozoaire qui se développe dans un espace restreint et la multiplication cellulaire, l'accroissement de substance, s'effectue dans un cas et dans l'autre suivant la même loi. Or les courbes de Deschamps A. a: FiQ. 6. Courbes de croissance de la première génération Carnivore. pouvaient traduire soit l'inanition, soit l'intoxication, soit les deux. Laquelle de cc!s deux circonstances joue le rôle capital et se traduit dans la forme des courbes que nous avon^ tracées '? Pour les animaux que nous avons étudiés en particulier, abondamment nourris, il ne saurait être question d'inanition et. VARIATIONS EXPERIMENTALES 467 pour les animaux eu général, l'inanition est un phénomène aceiclentel, on peut presque dire rare. Tl en est tout autrement iM'î 0 00 110 A Al FiG. 7. Courbes de croissance de la seconde génération Carnivore, de l'auto -intoxication. Non seulement, comme le dit Bou- chard, qui a tiré de cette notion un si grand parti, l'auto - intoxication est toujours imminente, mais elle est permanente ; i6S F. HOUSSAV elle est non seulement humaine, mais universelle. C'est une d AIOT A' A. A" a; PiG. 8. Courbes de croissance de la troisième génération Carnivore. condition de la vie chez les métazoaires ; c'est elle qui, avec la VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 1(39 pesanteur et plus que celle-ci sans doute, limite leur croissance. 0 69 100 A Al FiG. 9. Courbes de croissance de la quatrième génération Carnivore. AKCH, IJE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4" SERIE. — T. VI. - (V|. l3 170 F. HOUSSAY Elle doit être comptée comme une cause primordiale, toujoiTrs 61. ^5 A FiG. 10. Courbes de croissance de la cinquième génération Carnivore. VARIATIONS EXPERIMENTALES 171 présente, non seulement dans les états pathologiques, mais dans tous les phénomènes physiologiques et morphologiques. Je voudrais insister pour éviter une équivoque. Il ne s'agit pas seulement ici d'une eonelusion valable pour Tau to -intoxica- tion particulièrement accentuée des animaux déterminés que j'ai soumis à un régime spécial. Je dis que la forme des courbes de croissance ainsi définie « concavité d'abord supérieure, point d'inflexion, concavité inférieure, tendance terminale à l'hori- zontale » est applicable à tous les animaux et qu'elle a pour dé- terminisme l'auto -intoxication universelle. FlG. 11. Positions possibles de l'origine sur la courbe générale de croissance. La seule chose qui puisse varier sur la courbe est le point d'origine et ceci, sans doute, est capable de donner des résultats qui paraissent tellement diiïérents que l'on ne songerait aucune- ment à les relier a posteriori si l'on n'avait d'abord la vision d'en- semble a priori. Suivant en effet que l'origine est en 0, 0' ou 0" (flg. 11) les mesures directes donneraient les ^trois courbes représentées à la page suivante. Spécialement la dernière (flg. 14), avec une seule courbure et qui s'applique à la croissance de l'homme, pourrait paraître sans rapport avec les deux précédentes. La seule différence qu'il y ait entre elles est cependant que le point d'inflexion est de plus en plus rapproché de l'origine et i)asse même au delà. Or, les courbes 172 F. HOUSSAV que j'ai construites dans diverses générations successives mon- trent avec précision qu'une pareille indication graphique signifie seulement un accroissement particulier de l'auto-intoxication universelle. Etablissons successivement les diverses propositions que nous venons d'énoncer. Les courbes, dans leur allure générale, ne s'appliquent pas seulement aux poules carnivores, puisque celles que j'ai cons- truites avec les nombres de Féré relatives à des poules com- munes ne présentent avec les miennes aucune différence. FIG. 12. FIG. 13. FIG. 14. Formes particulières des courbes île croissance dues aux positions diverses du point d'inflexion par rapport à l'origine. Les courbes ne s'appliquent pas seulement aux poules, ni même aux oiseaux. Par exemple des mesures faites en mer avec méthode et ingéniosité ont permis de tracer pour la croissance de la plie {Pleuronectes platessa), qui est un poisson pleuronecte, des courbes exactement semblables (1). Chez certains mammifères peu ditîérenciés, il en va de même tout à fait. Mlle Stéfanowska (2) a obtenu pour la souris des courbes semblables aux miennes, mais à point d'inflexion rela- (1) A. Cligny. — Croissance de la Plie (Annales de la Station aquicole de Bnulogne-sur- Mer. Nouv. série, T. I, 1905, p. 115). (2) Stéfaxowska. — Xote sur la croissance de la Souris blanche (C. R. Ac. Se., 1003). VAI{I.\TI()NS EXHERIMRNTxVLES 17:i tivement précoce. La croissance de l'homme se fait suivant une courbe à concavité toujours inférieure. Le point d'inflexion est en deçà de Torigine et paraît, d'après les données que l'on pos- sède sur les poids du fœtus, se placer au septième mois de la vie utérine (1). Et non seulement la loi se vérifie pour les formes entières mais aussi pour la croissance des organes étudiés séparément, ainsi que le montrent les graphiques construits par Muhlmann (2) avec des moyennes et s'étendant, pour l'espèce humaine, depuis la naissance jusqu'à 90 ans. Sur les animaux inférieurs, je ne connais pas de documents ; mais je suis convaincu que la croissance doit s'accomplir d'une façon identique. Si toutefois des exceptions graves, autres que des flexions de diflérenciation, analogues à celles dont je vais parler tout à l'heure, venaient à se présenter, elles pose- raient certainement de curieux problèmes en physiologie com- parée. S'il est bien vrai, comme nous en avons émis l'idée, que la forme des courbes de croissance n'est que la traduction de l'intoxication normale des organismes métazoaires, tout accrois- sement de l'intoxication doit avoir un retentissement sur les coordonnées du point d'inflexion, qui est la plus manifeste ca- ractéristique de ces courbes. C'est exactement en effet ce qui se produit ainsi qu'en témoigne le tableau suivant. POINT d'inflexion l'OINT d'iNKLEXION DES MALES DES FEMELLES Génération granivore US^ jour 104^ jour pe Carnivore '> " 2e Carnivore no^ }oxu 90 joiu- 3<' Carnivore lOS*' — 79 — 4^ Carnivore lOO" — 69 — 5e Carnivore 95« — 64^ — (1) Voir les graphiques de C. Henry et L. Bastien {Assoc. franc, pour l'avancement de» Sciences. Congrès de Grenoble 1904, p. 798). (-2) MUHLMANN. — Das Wachstum und das Alter {Biolog. Centralhlatt, 1901, p. 814). 174 F. HOUSSAY Je n'ai pu utiliser pour cet objet mes deux premières courbes (fig. 4 et 6) dont la courbure initiale est tracée après coup, sans prétendre à aucune précision et seulement pour inspirer le sen- timent de la forme générale. J'ai donc pris pour la génération granivore le point d'inflexion sur la courbe construite avec les pesées de Féré ; tous les autres nombres viennent des courbes faites sur mes données. Ces résultats sont hautement démonstratifs et ne laissent pas la moindre place au doute. Cependant, avant de retirer une conclusion de cette importance il faut être bien certain qu'il ne saurait y avoir aucune hésita- tion sur la place du point d'inflexion. Il est d'abord tout à fait remarquable que ce point trouve place rigoureusement au même jour pour tous les mâles d'une même génération et, pour les femelles, à un autre jour qui est aussi le même pour elles toutes. Pour les mâles, on peut voir (fig, 7) les courbes qui fig\irent la croissance de trois de ces animaux présenter toutes un petit plateau au 110^ jour. Sans doute, chacune montre çà ou là un autre plateau ou même une petite dépression ; mais c'est le seul endroit où le fait se manifeste à la fois, c'est-à-dire sur une même ordonnée pour les trois courbes. Et comme d'autre part ces plateaux sont dans la région que le sentiment de la continuité désigne pour contenir le point d'inflexion, les deux circonstances déterminent celui-ci d'une façon parfaite. Il en est de même (fig. 8) oii les courbes de deux coqs pré- sentent toutes deux un accident net dans la région du point d'inflexion. Les indications précises ne sont pas toujours aussi complètes et, par exemple (fig. 9) deux coqs seulement sur trois montrent avec évidence le point d'inflexion, sans du reste que la troisième courbe y contredise. Il en est encore ainsi (fig. 10) ou un coq sur deux accuse nettement un point d'inflexion, qui satisfait aussi à la deuxième courbe. Pour les femelles, il est un peu plus diflicile de dégager la VARIATIONS EXPERIMENTALES 175 continuité d'ensemble des petites flexions accidentelles. Il con- vient de mettre d'abord hors de cause un grand relèvement marqué AB, A,, B,, sur les courbes de femelles. On le voit sur toutes sans exception, mais il n'est pas rigoureusement fixé à une date unique pour toutes les femelles d'une même génération ; il y a de légères variations individuelles. Quoi qu'il en soit, ce relèvement général qui détermine deux points d'in- flexion accessoires traduit la préparation de la ponte. Avant qu'il ne se produise, la courbe a déjà une concavité inférieure. Le point d'inflexion principal de la croissance est donc déjà franchi ; il faut le chercher plus à gauche et faire abstraction en ce moment de la déformation due à la différenciation brusque et considérable d'une ponte exagérée progressivement depuis des siècles par la domestication. Nous reviendrons ultérieure- ment sur cette question de la ponte et n'en parlons ici que dans la mesure convenable pour en dégager les phénomènes normaux de la croissance. Ces précautions prises, on arrive à trouver le point d'inflexion des femelles avec autant de sûreté que celui des mâles et on rencontre facilement parmi les accidents qui appellent l'atten- tion celui qui convient à toutes les courbes à la fois. Résumons brièvement nos conclusions les plus générales : Les courbes de croissance typiques contiennent un point d'in- flexion remarquable et leur forme est due à l'auto-intoxication absolument générale chez les organismes métazoaires. Une auto -intoxication plus accentuée a pour effet, ainsi que le montrent avec précision les mesures, de rapprocher le point d'inflexion de l'origine. On peut raisonnablement conclure qu'un point d'inflexion tout près de l'origine, ou à l'origine même et, a fortiori, en deçà de l'origine, indique une auto-intoxication plus accentuée encore. Celle-ci se traduit sur la croissance, dans le cas ultime, par une courbe à concavité toujours inférieure. Un chapitre ultérieur nous apportera des concordances avec cette pré- vision. CHAPITRE III VARIATIONS DE L'EXCRÉTION URINAIRE ET DU REIN VARIATIONS DU FOIE ET PRODUCTION DE MÉLANINE Sommaire. — L'excrétion urinaire chez les oiseaux. — L'azote des excréta solubles pris comme signe de la fonction. — Croissance progressive puis décroissance de ces produits. — Courbes de variation des excréta azotés solubles aux diverses générations. — Carac- tères généraux de ces courbes ; modification de ceux-ci. — Variation de l'organe rénal. — Croissance et régression. — La loi de croissance poursuivie conduit au type Carnivore. — Variation du foie identique à celle du rein. — Les réserves graisseuses. — Production de mélanine dans le péritoine et variation de ce pigment. — Continuité ou discontinuité de l'évolution. — Intoxication expérimentale, résistance des espèces dans la nature. Nous avons admis, conformément au reste à l'opinion cou- rante, qu'un régime Carnivore substitué à un régime granivore accroit l'auto-intoxication. Nous allons maintenant en donner des preuves directes. Dans une expérience portant sur un changement de régime, l'étude de l'excrétion doit certainement être au premier plan. Bien que mon but fiit surtout de recherclier les variations mor- phologiques capables de faire comprendre les changements de forme dont l'ensemble a constitué l'évolution, je n'ai pas pu me désintéresser de la modification des fonctions. L'étude de l'excrétion urinaire chez les oiseaux est particu- lièrement difficile et ne peut être faite avec une entière précision que par un physiologiste professionnel doublé d'un chimiste. Aussi n'ai-je pas songé à traiter intégralement le sujet. J'ai voulu seulement suivre un phénomène facile à mesurer et qui fût comme un signe de la fonction, assez semblable à lui-même d'ailleurs pour traduire suffisamment, quoique partiellement, l'état de l'organisme au point de vue excréteur. L'urine des oiseaux, émise avec les excréments, est, comme on le sait, très riche en acide urique et en urates ; elle contient en revanche très peu d'urée et de sels ammoniacaux. S'il est facile de déceler l'acide urique et les urates, il est long et difficile de les doser avec certitude et je ne pouvais guère songer à l'analyse de ces produits surtout pour la répéter 160 fois, ce qui est le nombre des mesures que j'ai effectuées sur l'excrétion. VARIATIONS EXPERIMENTALES 177 Pour suivre la variation il s'agissait moins, en eilet, d'avoir des analyses complètes que des analyses nombreuses, à la con- dition bien entendu que la partie choisie pour l'analyse demeurât comparable à elle-même. J'ai opéré de la façon suivante. Les poules étant le soir remon- tées sur leur perchoir, je faisais disposer au-dessous de larges plaques de verre bien horizontales. Les excréments de la nuit s'y accumulaient ; très secs pour les x^oules granivores et ne laissant couler aucune goutte du liquide qui les imbibait, ils étaient beaucoup moins consistants chez les oiseaux carnivores et s'entouraient d'une zone liquide, d'un jaune doré, qui souvent même coulait en rigoles. Les substances reprises sur chaque plaque par 200 ce. d'eau distillée étaient remuées puis filtrées. On recueillait un liquide jaune ressemblant pour la pigmentation à l'urine des mammifères et d'ailleurs plus foncé chez les carni- vores que chez les granivores. J'obtenais ainsi les produits solubles et filtrables et, parmi eux, l'urée qui pouvait exister et les sels ammoniacaux, très peu d'acide urique, en raison de la faible solubilité de celui-ci. Je faisais ensuite agir sur la solution l'hypobromite de soude qui décomposait l'urée certainement et les sels ammoniacaux dissous en même temps. Le dosage de l'azote donnait une mesure des produits excrétés solubles ; c'est la variation de cette mesure que j'ai suivie. La faible quantité d'acide urique dissous, si toutefois elle intervient pour donner un peu d'azote, est une constante dont il n'y a pas à se préoccuper dans une étude de variation ; il s'agit toujours en effet de la même xjetite quantité capable de saturer à froid 200 ce. d'eau. Les albuminoïdes prove- nant des résidus du tube digestif ne cédaient pas leur azote par l'hypobromite et ne troublaient pas les mesures malgré leur .présence probable. Les analyses étaient faites d'abord de temps en temps, sans régularité ; puis, quand je m'aperçus des larges variations dont était susceptible l'émission de ces produits azotés solubles chez un même groupe d'animaux, suivant l'époque de la vie, je les 178 F. HOUSSAY effectuai régulièrement tous les 15 jours. Les nombres mesurés se trouvent réunis en tableaux à l'appendice ; j'en extrais pour le moment les résultats généraux suivants. AZOTE DES EXCRETA ÉQUIVALENCE ^^JJJMATTV SOLUBLES EN GRAMMES d'uRÉE en centimètres cubes par jour par jour et par kilogramme et par kilogramme Génération Granivore. 22 ce. 76 OgT 061 pe » Carnivore. 57 ce. 97 - ^ Ogr 161 6 Ogr. 168 2e » » 57 ce. 72 62 ce. 63 Ogr. 155 3e » » 55 ce . 72 62 ce . 95 0 gr. 149 0 gr. 169 4e » » 78 ce. 38 OgT. 210 5e » » 57 ce. 03 Ogr. 153 Les nombres inscrits dans ce tableau représentent les moyennes obtenues à la fin de chaque génération, à l'aide de toutes les données mesurées pendant l'année. On peut de là retirer plu- sieurs enseignements. Considérons seulement d'abord la colonne exprimant l'azote en centimètres cubes. Le premier fait à retenir est que le brusque changement de régime a augmenté considérablement et presque triplé d'un seul coup l'excrétion des produits azotés solubles. C'est le même résultat qui se produirait chez les mammifères relativement à l'urée. Nous verrons aussi pour beaucoup d'or- ganes la variation morphologique se présenter presqu'avec toute son ampleur au moment précis oii l'on introduit la cause modificatrice. Dans la seconde et la troisième générations carnivores il y a deux groupes d'animaux, descendant respectivement des deux femelles de la génération précédente et ayant d'ailleurs un père commun. Dans le groupe a, situé à gauche, l'excrétion des pro- duits azotés solubles non seulement ne continue pas à croître VARIATIONS EXPERIMENTALES 179 mais même régresse légèrement. Aussi cette lignée s'éteint rapi- dement, non par mort des individus, mais par stérilité des œufs. La lignée [3, dont les mesures sont inscrites à droite des pré- cédentes, continue à progresser pendant les 2^, 3^ et 4^ générations. Arrivée à ce terme, elle régresse aussi à la 5^ génération et, dès lors, les œufs ne se développent plus. Ce résultat très remarquable nous montre donc que si les oiseaux adaptés au régime Carnivore diffèrent des granivores par des traits qui ont frappé tout d'abord et relatifs au bec, aux serres, au gésier, etc., la véritable caractéristique de leur évolu- tion n'a pourtant été rien de cela qui devait se faire très facile- ment ; mais elle a consisté surtout en une résistance rénale particulièrement développée, progressivement acquise sans doute par un passage gradué d'un régime à l'autre et non par une saute brusque comme celle que j'ai réalisée. Nous vérifierons au reste cette conclusion en étudiant un peu plus loin les varia- tions du rein lui-même. Dans la seconde colonne du tableau précédent, j'ai inscrit l'équivalence de l'azote mesurée en grammes d'urée. Sans pré- tendre que tous les produits azotés solubles soient exclusivement de l'urée, ce calcul nous permet une comparaison approximative avec les mammifères dont l'excrétion soluble est en majeure partie de l'urée. L'azote fourni par les poules ordinaires équi- vaudrait en moyenne à 0 gr. 06 d'urée par jour et par kilogramme d'animal, c'est-à-dire à une quantité dix fois moindre que celle attribuée à l'homme dans les mêmes conditions. Nos mesures sont donc bien comparables à celles qui ont été déjà données pour les oiseaux et qui accusent une très faible quantité d'urée. Le régime carné qui augmente notablement la production des excréta azotés solubles n'amène jamais ceux-ci, même à leur maximum, à être équivalents à la quantité contenue dans l'urée des mammifères. Le maximum en effet, à la 4^ génération, correspondrait à 0 gr. 2 d'urée par jour et par kilogramme et serait encore trois fois moindre que la production de l'homme normal. 480 F. HOUSSAY Les mesures que nous avons effectuées varient, comme nous 900 3oo ItOO 500 100 300 3 00 ioo • 500 100 300 300 400 500 FiG. 15. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de l'année pour la génération granivore et les deux premières carnivores. VARIATIONS EXPERIMENTALES 181 le verrons, dans le même sens que toutes les variations suivies A 4 M J ^ A ù B \ %i p% -, ^ m 1 1 200 300 1(00 ÎO'O C 100 200 300 /tOO 500 FIG. 16. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de l'année pour les troisième, Quatrième et cinquième générations carnivores (série p). 18-2 F. IKITJSSAY d'autre part et nous donnent une série intéressante dans son ensemble. L'étude du phénomène dans son détail nous montre mieux encore qu'il traduit un aspect de la vitalité générale, aspect remarquablciiicnt uniforme dans ses grandes lignes et dont les modifications secondaires correspondent justement aux variations (juc les organismes subissent au cours de cette longue expérience. J'ai construit en effet, à cluKiiU' génération, une courbe pour figurer l:i (luantité d'azote contenne dans les produits excrétés solubles. Le temps compté sur les lignes horizontales est repré- senté par 1 % pour 2 jours de vie ; les quantités d'azote sont I)ortées en ordonnées de longueur proportionnelle aux nombres d(^ centimètres cubes. Pour préciser, j'ai compté 1 % pour chaque quantité d'a,zote correspondante à un centigramme d'urée par kilogramme d'animal au jour de la mesure. On comprend sans peine que cette figuration en urée ne pré- juge en rien que l'excrétion soit vraiment toute de l'urée et, si cela n'était pas, la courbe n'en serait en rien modifiée. Ce n'est qu'une question d'échelle et, comme celle-ci est arbitraire, il n'y a pas de question du tout. Les courbes qui sont représentées fig. 15, 16, 17 ont toutes subi la même réduction photogra- phique. Les points directement relevés sur un papier quadrillé ont été joints deux à deux par les traits continus qu'on voit sur les dessins. On a obtenu ainsi un graphique extrêmement oscillant qui prouve que l'excrétion des produits solubles est susceptible d'assez grandes variations journalières. Cependant ces tracés, malgré leurs irrégularités de détail, ofïrent des oscillations de plus grande amplitude qui sont comparables entre elles. Pour s'en rendre compte, il faut simplifier les graphiques, non d'une façon arbitraire, bien entendu, mais de la manière sui- vante. Joignons dans chaque courbe tous les maxima par un trait que le sentiment de la continuité impose et faisons de même pour tous les minima. Nous obtenons sur chaque figure deux nouvelles courbes dessinées en traits interrompus. L'aire com- VARÏATIONS FA'PRH ÏMENTALES 183 prise entre ces deux courbes et couverte d'une demi-teinte représente très exactement rexcrétion des produits azotés so- lubles. Les points déterminés par des mesures aussi fréquentes que possible, journalières par exemple, tomberaient dans son intérieur. C'est l'aire mininui qui peut les contenir tous. 1 ^ ^ ' \ 300 400 500 0 lOO 200 FiG. 17. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de r année pour la seconde et la troisième générations carnivores (série a). Relativement aux deux premières générations, les mesures ont été commencées plus tardivement que pour les autres ; Taire a été néanmoins poursuivie à gauche telle que l'indiquait la continuité et aussi cette circonstance, connue et d'ailleurs vérifiée par mes recherches, que l'azote excrété dans la période de jeu- nesse est proportionnellement plus abondant que dans l'âge adulte. De plus, la première génération carnivore ayant été 184 F. HOUSSAY granivore dans son jeune âge, il convenait de poursuivre la courbe en lui faisant gagner le niveau indiqué par la génération précé- dente à l'âge correspondant. Cela étant, comparons les aires entre elles ; ce sera beaucoup plus facile à réaliser que sur les courbes initiales à multiples oscillations. On est d'abord frappé de ceci que l'aire relative à l'excrétion des produits azotés solubles chez la génération granivore s'op- pose à l'ensemble de toutes les aires semblables des générations carnivores ; elle est en eiïet peu élevée, peu accidentée et presque horizontale chez les granivores, à tout le moins relativement aux autres. Cependant, pour les présenter à un moindre degré, cette aire montre les mêmes accidents généraux que toutes les autres, à savoir : deux grandes vallées marquées A et B sur les figures, séparées l'une de l'autre par un maximum important M. La première génération Carnivore oiîre ces accidents généraux à un degré extraordinairement accentué et plus fortement que toutes les générations suivantes. C'est encore une marque du bouleversement fonctionnel qui se traduit aussi par d'impor- tants changements organiques. Le point M correspond à l'établissement régulier de la ponte chez les femelles et se place à peu près au 1/4 de la durée de cette fonction. A titre de repères, nous avons figuré à chaque génération le premier et le dernier œuf par un point assez gros, placé à 'a date qui lui correspond exactement s'il n'y a qu'une femelle, d'après la moyenne, s'il y en a deux qui ont commencé leur ponte à des jours différents. Le maximum que nous consi- dérons existe donc à l'époque de la pleine maturité adulte. Vo P. I\. P. P^ P5 Jour de vie correspon- dant au maximum M 325e 250e ([3)268e (a) 292e (p)270e (a) 312e 278e 2986 VARIATIONS EXPEKIMRNTALES 185 La date à laquelle tombe le maximum est intéressante à con- sidérer. Soient Po, Fi, P3, etc. les générations successives, on établit relativement à cette donnée le tableau qui précède. Dans la génération granivore, le maximum considéré est très tardif relativement aux carnivores ; mais, comme les oscillations sont en ce cas de faible amplitude, il n'y a pas de comparaison bien nette à établir entre les deux séries. Comparons seulement les carnivores entre eux. Il est en ce cas évident que la date pour le maximum relatif à Fazote des produits excrétés solubles recule à une époque de plus en plus tardive de la vie. Nous pou- vons d'autant mieux penser que ce recul est un témoignage d'intoxication croissante que, dans les générations Ps et Pa, les groupes a, plus intoxiqués et devenus stériles deux générations plus tôt que les autres sont, au point de vue qui nous occupe, en retard très marqué sur les générations [3 contemporaines. Il semble toutefois y avoir une contradiction entre l'époque tardive du maximum dans la génération normale et la fâcheuse indication de son retard croissant chez les générations intoxi- quées. On peut néanmoins se rendre compte que, dans la géné- ration granivore, l'organisme, à peu près régulièrement débar- rassé des déchets qu'il fabrique, ne ressent que faiblement et tardivement l'excitation toxique qui pousse au maximum d'éli- mination. Chez les carnivores au contraire, la poussée élimina- toire doit se faire plus vive et plus prompte et, si elle tarde, c'est fatigue et paresse du rein et non pas retour à un équilibre pri- mitif vers lequel l'organisme ne doit plus tendre puisque tout est changé. L'intérêt de cette remarque ne pourra entièrement ressortir qu'avec l'étude d'autres fonctions, • en particulier de la ponte ; pour le moment contentons-nous de noter le phénomène avec sa précision. Nous venons de parler des deux vallées A et B et du point M qui les sépare ; il est temps de dire qu'elles ne se présentent pas avec la même évidente net 'été chez toutes les générations. En particulier la vallée B arrive à être retaillée en deux vallées ARCH. t)E ZOOL. EXF. ET GÉN. 4' SÉ.UÉ. T. VI. '— (v). l4 186 F. HOUSSAY secondaires h et h' et A en deux autres a et a'. Cette dernière indication n'est réalisée qu'à la fin de l'évolution quand la variation ne peut plus se poursuivre ; mais h se montre progres- sivement, d'abord très faible et bien moins accusée que la dépression b' puis finissant par être à égalité avec celle-ci. Au dernier moment, Ps, la surface symbole de l'excrétion des produits azotés solubles a pris une allure plus uniformément horizontale ; elle est aussi uniformément plus épaisse, ce qui indique dans l'excrétion des oscillations plus fréquentes et plus amples, ainsi qu'on le voit en suivant la courbe des traits pleins. Si Ton regarde maintenant, au point de vue de cette dernière manifestation graphiqiie, la série des surfaces représentées fig. 15 et 16, on s'aperçoit que les phénomènes traduits par cette suite d'images ne se sont pas poursuivis avec une parfaite conti- nuité. A la génération Ps la surface semblait déjà se régulariser; puis à la suivante, F^, le maximum M a repris un grand pointe- ment. La troisième génération offre donc une singularité ; il se passe pendant sa durée quelque chose de spécial. En examinant maintenant la variation de l'organe rénal lui- même, on voit en effet qu'il a d'abord crû régulièrement jusqu'à cette troisième génération et qu'à partir de là il a régressé. Dans les données réunies à l'appendice on trouvera pour le rein, comme pour tous les organes, le poids absolu qu'il a présenté chez tous les animaux, puis le rapport de ce poids à 100 grammes de poids actif et le même rapport à 100 grammes de poids total. Si l'on construisait les courbes relatives à ces diverses données, elles seraient très comparables les unes avec les autres. Il n'est pas utile de multiplier indéfiniment ces représentations ; nous pren- drons donc seulement le rapport du poids du rein à 100 grammes de poids actif. Afin d'apporter la plus grande précision possible dans l'unique graphique que nous allons donner, il faut observer que le rein est, parmi les organes, un dv ceux sur lesquels h' dimorphisme sexuel porte le plus fortement : \e rein est nota- blement plus important chez les femelles que chez les mâles. On ne peut alors comparer rigoureusement entre eux que des nom- VARIATIONS EXPERIMENTALES 1«7 bres relatifs à des lots d'animaux contenant la même quantité de mâles et de femelles. Or, les générations P; et Pr, n'ont eu qu'une seule femelle, il importe donc d'envisager dans toutes 4 Xi 3,60 Xko 3.50 3 2.U 2,60 Uo t% 2 1^0 i.ùO i.ko ■i.H i 0.U o.6o oM 0.2o 0 ! 1 -X ; • F ; --/ «• ^ ' / V ; ___; i /: \ ; ; 1 / \^ i \_ ^^ >s. : L .^^^^^^yr,-- ; ^Sf; L -y< ! -f T --- ; ! R' : ..*-i.:T...i L - 1 _ p _ 't^' i p ,_ T-- 1 "i FiG. 18. Courbes de la variation en poids du foie et du rein dans les 5 générations successives. — Rapports à 100 gr. de poids actif dans des couples efifectivement descendus les uns des autres. les générations un seul couple et tout naturellement nous choi- sirons les couples effectivement descendus les uns des autres. Pour construire la courbe, je compte en abscisses le temps, à 188 F. HOUSSAV raison de 2 %, 5 pour la durée d'une génération et en ordonnées le poids relatif du rein à raison de 5 'y pour 0 gr. 1 de rein par 100 grammes de poids actif. On a pour les diverses générations les nombres suivants : P., Pi Po P3 P4 P. 0,54 0,74 0,'.)0 1.13 0.92 0,75 Cette série de nombres aussi bien que la courbe réelle, tracée en traits pleins, RR (flg. 18) montrent ce que nous annoncions à l'instant : la croissance jusqu'à la troisième génération suivie de régression. Par hypothèse, cherchons à nous représenter ce qui se serait passé dans le cas d'une évolution régulièrement poursuivie. Nous savons bien que le poids relatif du rein n'aurait pas continué à croître indéfiniment et que le tracé évolutif, commençant avec une légère courbure à concavité supérieure, n'aurait pas tardé à prendre une courbure à concavité inférieure pour atteindre l'horizontale, quand l'adai^tation complète eiit été pleinement réalisée. Entre les deux courbures, un point d'inflexion se fiit trouvé. Admettons que le point d'inflexion eût été précisément à cette troisième génération, dont la situation critique indique suffisamment une singularité et continuons en traits interrompus (RR'; flg. 18) la courbe comme elle aurait dû être. Elle nous conduit vers la 6^ génération, non réalisée, au niveau de 1 gr. 45 de rein pour 100 grammes de poids actif, ce qui est exactement le nombre que j'ai directement trouvé en disséquant un oiseau naturellement Carnivore, une Hulotte femelle {Syrninm aluco). Donc, au cours d'une évolution régulière qui, de génération en génération, détermine la croissance d'un organe, celui-ci aug- mente suivant la même loi, suivant la même courbe, que celle par laquelle est réglée la croissance individuelle d'un complexe organique, c'est-à-dire d'un animal entier. La croissance phfylo- génique suit la même loi que la croissance ontogénique. De plus, si la croissance ne se poursuit pas, s'il doit y avoir régression et mort de l'espèce, le phénomène est provoqué par une baisse brusque de la courbe, 'postérieure au point d'inflexion VARIATIONS EXPERIMENTALES 189 et fort analogue à celles qu'ont produites sur nos courbes de croissance les animaux qui sont morts avant l'état adulte. Il est extrêmement remarquable de voir la croissance du foie suivre une courbe tout à fait identique à la précédente. Je l'ai construite à la même échelle que celle-ci et sur les mêmes couples effectivement descendus les uns des autres. Le trait plein (FF, fig. 18) représente la variation réelle donnée aussi par les nombres suivants : Po P, P2 P3 Pi Ps 2 2,23 2,47 3.25 2,56 2,29 Si l'on considère en gros le résultat, composé de croissances et de décroissances, il ne semble pas que le cliangement de régime ait amené sur le foie une variation de sens bien nette. C'est ainsi que ces données ne m'avaient pas d'abord paru confirmer celles de Maurel (1) établissant que chez les carnivores le poids relatif du foie est toujours supérieur à ce qu'il est chez les herbivores. Cette conclusion est pourtant tout à fait exacte. En raisonnant pour le foie comme nous l'avons fait pour le rein et en poursuivant par des traits interrompus (FF', fig. 18) la courbe évolutive conformément à son début, elle nous conduit à la 6^ génération à la cote 3 gr, 47 de foie pour 100 grammes de poids actif. J'ai directement trouvé sur la Hulotte 3 gr. 43 : la concordance est absolue. La couleur et la consistance de la graisse chez les animaux en expérience me paraît aussi en rapport avec les modifications hépatiques plus qu'avec la. nature des graisses directement ab- sorbées dans les aliments. Tout le monde connaît la couleur jaune de la graisse des poules et sa faible consistance ; elle est composée de corps dont le point.de fusion est peu élevé. La graisse des poules carnivores est au contraire dure, blanche, son point de fusion est bien plus élevé ; elle ressemble beaucoup au suif des mammifères et cela est d'ailleurs ainsi chez la Hulotte que j'ai disséquée. Je ne sais si c'est vrai de tous les oiseaux de proie. (1) Maubel (C. R. Ac. Se, décembre 1902). 190 F. HOUSSAY Sur 27 poules carnivores dont j'ai fait l'anatomie, deux seule- ment avaient repris la graisse jaune, à la 3^ génération (Illt et VlIIi), la première très franchement, elle n'a pas eu de postérité, la seconde d'une façon moins accentuée, elle a donné quelques œufs féconds. Ce sont justement ces deux exceptions qui me font rapporter la modification de la graisse à une réaction géné- rale de l'organisme susceptible de quelques changements, plutôt qu'à un simple emmagasinement d'une graisse donnée, la même pour tous, qui serait constante. Une autre transformation paraît plus nettement encore en rapport avec la suractivité du foie suivie de surmeyiage, c'est l'apparition, dans le péritoine de mes animaux, d'un pigment noir analogue à celui que l'on trouve dans le péritoine des Am- phibiens et des Reptiles, puis la disparition de ce pigment dans les dernières générations. Je considère ce pigment comme de la mélanine. Il est à noter qu'on ne le rencontre jamais chez aucun mâle et le fonctionnement du foie ainsi que la taille de cet organe y sont incomparablement plus faibles que chez les femelles {voir chapitre VIII). Comment évaluer cette quantité de mélanine pour en avoir une mesure au moins approximative. Sur mes feuilles de dissec- tion je trouve des notations telles que les suivantes : Pas de mélanine 0 Traces de mélanine l Un peu de mélanine 3 Mélanine 4 Plus chargé de mélanine 5 Nous pouvons remplacer ces indications un peu longues par les chiffres qui leur font face et qui correspondent à peu près à l'importance du produit observé, qui lui donnent une note. Les observations se groupent alors dans le tableau suivant où les caractères gras représentent des mâles. Nos connaissances sur la production et la signification du pigment sont trop peu avancées pour qu'on puisse dès mainte- nant apprécier tout le sens de ces modifications. Il importe en VARIATIONS EXPERIMENTALES 191 tous cas de les noter pour le jour où elles pourront être plus complètement utilisées. Nous en redirons quelques mots au chapitre IV, a.u cours duquel ils seront mieux compris. Avant de clore ce chapitre, retenons les deux grandes indica- tions suivantes. Les modifications obtenues sur le rein et le foie et relatives à l'importance de ces organes dans l'organisme entier tendent vers l'état qui est celui des oiseaux carnivores. Si l'évo- GÉNÉRATIONS Pa p. P2 P. Pi Po Indications < individuelles 1 lo O Ile ; 0 IIIo 0 I. o II> ; 1 m, 1 l2 II2 III2 IV3 V2 VI2 Vlh VII I2 0 4 0 4 0 0 4 5 I3 0 \h \ 3 III3 0 IV3 0 V3 1 0 VII3 0 VIII3 1 I4 II4 IV4 V4 VII4 0 0 0 0 0 u II5 III5 IV5 4 0 0 0 Moyennes générales. 0 0,66 2,12 0,57 0 1 Moyennes des femelles 0 1 4, 25 2 c 1 A l lution s'était continuée conformément à son début, il eût suffi de six générations pour réaliser la transformation. C'est très peu et, par rapport au temps total, c'est même une durée si courte qu'eyi se plaçant à ce point de vue l'évolution semble procéder par saccades, être discontinue. Mais, si l'on envisage comme mesure du temps la durée d'une génération, on compte jusqu'à six moments distincts et à cet autre point de vue, le phénomène apparaît avec une continuité qui se figure par une courbe. 192 F. HOUSSAY Nous pouvons dès maintenant dire que notre expérience a été arrêtée par l'intoxication contre laquelle l'organisme ne s'est pas défendu jusqu'au bout. Comment se fait-il qu'une telle impossibilité ne se soit pas présentée dans la nature? On en aper- çoit plusieurs raisons. D'abord tout porte à croire que les trans- formations de cette sorte sont plus progressives que celle par nous tentée et ce qui subsiste du régime végétal non seule- ment n'augmente pas l'intoxication, mais aide à l'élimination. C'est ainsi par exemple que l'on voit encore les chats mâcher des tiges de valériane. D'autre part les femelles résistent mieux que les mâles. Mais nous avons toujours eu des couples de même génération. Dans la nature, les mâles de deuxième année sont en pleine vigueur et ce sont eux surtout les reproducteurs ; ils apportent ainsi un retard d'une année dans la plus forte intoxication et il n'en faut peut-être pas plus pour franchir le point critique, le point d'in- flexion des courbes et gagner ainsi l'adaptation organique. CHAPITEE IV LA RATION DE VIANDE ET LA RATION DE GRAINES Sommaire. — L'énergétique et la ration alimentaire. ■ — Le pouvoir therniogène n'est pas le seul critère de la valeur d'une ration. — Ration de croissance et ration d'entretien. — Réglage spontané de leur ration par les oiseaux. — Rapport du poids à la ration jour- nalière. — Variations de ce rapport avec l'âge et avec le régime. — Courbe de la variation. — Influence de la pression barométrique sur l'appétit chez les poules. — Supériorité de la viande pour la croissance, du grain poiu- l'entretien. — Valeur plastique, valeiu" ther- niogène et toxicité d'une ration donnée. Les études d'énergétique animale ont rendu, depuis ces der- nières années, très importante la connaissance précise de la ration alimentaire pour un animal donné. Afin de dégrossir en premier lieu le sujet, les physiologistes se sont occupés presque exclusivement de la ration d'entretien, c'est-à-dire de celle qui est nécessaire à un animal adulte, accomplissant un travail très modéré, pour maintenir son poids constant pendant une assez VARiATIONS EXPERIMENTALES 193 longue période. Certains cependant, comme Ohauveau, ont cherché (quelles substances alimentaires fournissent le meilleur rendement en travail produit. Les diverses sortes d'aliments, ou les diverses proportions dans lesquelles on les peut mélanger, ont été examinées à ce point de vue et l'on a déterminé en calories leur valeur thermo- gène, identifiée à leur valeur alimentaire, puisque les besoins de l'animal adulte sont surtout conditionnés par des dépenses tle chaleur ou des dépenses en travail que l'on y fait équivaloir. On voit bien d'ailleurs que ces procédés de mesure, aussi inté- ressants que précis, ne sont raisonnablement applicables qu'à l'intérieur de catégories déjà faites, et qu'ils permettent des comparaisons seulement entre substances déjà définies comme aliments par les effets que leur ingestion prolongée détermine dans l'organisme. La valeur thermogène de la houille, du pétrole ou de l'acide cyanhydrique ne donne aucune idée de leur valeur alimentaire. Pour les substances à propos desquelles le doute persiste, par exemple pour l'alcool, ce n'est pas le calorimètre qui doit répondre, puisqu'il n'a la parole qu'en second lieu, mais d'abord l'observation longuement poursuivie des effets que dé- termine sur l'organisme l'abstinence du produit ou l'ingestion journalière de telle, telle ou telle quantité. Il y a donc à propos de la valeur alimentaire d'une substance donnée bien autre chose à considérer que la capacité à fournir des calories en se détruisant. Cela est notamment certain à propos de la ration de croissance, dont on ne voit guère a priori comment identifier, d'une façon simple, la valeur avec le pouvoir thermogène. Pour cette question très importante, très compli- quée et très loin de la solution, toutes les données sont bonnes à recueillir. C'est pourquoi je crois utile de publier celles que je possède à ce sujet. D'après Maurel, tous les animaux se suralimentent quand ils ont la nourriture à discrétion et il est indispensable, pour obtenu" une fixité approximative de leur poids, de régler leur 194 F. HOIJSSAY régime et leur ration. Larguier des Bancels (1), qui rapporte l'o]tiuioii précédente, a observé que les pigeons se comportent autrement et que, alimeutés librenu'ut, ils règlent eux-mêmes leur consommation avec une précision très grande, qui suffit pour conserver au corps son poids initial x)endant plusieurs mois. Les petites variations que l'oiseau fait lui-même subir à sa ration, sont, d'après cet auteur, en rapport exact avec les variations de la température extérieure. Je ne puis apporter une précision de cet ordre, mais en revanche mes données s'étendent sur une ])ériode beaucoup plus longue et comprennent la croissance et l'entretien de trois générations successives : une nourrie au grain et les deux suivantes à la viande. Il est certain que les oiscHiUx nourris surabondamment règlent eux-mêmes leur consommation. Larguier des Bancels a eu raison d'exprimer et de mesurer le fait, mais déjà la connais- sance banale en avait fait un principe d'action. Tous les oiseaux conservés en cage •: tourterelles, canaris, chardonnerets, etc., ont toujours des graines à discrétion et, pendant des années, leur taille et leur agilité ne changent pas. C'est sur cette obser- vation que j'avais tablé pour déterminer la ration nécessaire à mes poules. Je la leur faisais verser deux fois par jour soit en graines, soit en viande et de tel poids que tout fût consommé avec un petit reste aussi faible que posvsible. Aussitôt qu'il ne restait ni un grain, ni un morceau de viande, on augmentait légèrement pour les jours suivants, on diminuait au contraire si le reste devenait appréciable. Pour une seule génération, j'ai pris les pesées de rations depuis la naissance, mais les premières données ne peuvent être utilisées, parce qu'avec les poussins se trouvait la poule cou- veuse et nourricière et qu'il est impossible de démêler ce qui revient à l'une et aux autres. Dans la construction des courbes qui vont suivre (fig. 19), (1) Larguier des Bancels. — De l'influence de la température extérieure sur l'alimentation (Thèae de l'Université de Paris ; Masson 1903). VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 195 j'ai cousidéré le rapport du poids total (P) de tous les animaux d'un même lot au poids (p) de la ration (qu'ils mangeaient en commun. (le 165 175 192 205 206 208 211 212 213 218 219 222 223 229 231 232 235 245 247 265 283 304 325 346 367, 388 409 430 451 461 464 478 Po Ralinii Poids des /' Animaux P 400 4.340 400 4.530 350 4.490 350 4.707 300 4.688 260 4.692 280 4 709 280 4.710 300 4.713 300 4.815 360 4.954 200 5.078 240 5.087 340 5.120 340 5.188 280 5.180 340 5.172 300 5.201 300 5.182 300 5.087 300 5.091 300 » 300 4.858 300 5.068 300 5.107 300 5.334 300 5.474 260 5.585 340 5.617 Rapport P 10, 85 11, 32 10. 82 13, 45 15, 60 18, 04 16, 82 16, 82 15, 71 16, 05 13, 76 25, 39 21, 19 15, 05 15, 25 18, 50 15, 21 17, 33 17, 27 16, 96 16, 97 16, 19 16, 89 17, 02 17, 71 18, 25 21, 48 16, 52 Iblioti P 300 400 350 350 300 260 300 340 300 340 200 240 340 360 280 360 360 360 360 360 360 360 360 360 360 360 300 320 360 Poifls des .\iiimaiix P 3.750 4.160 4.887 5.377 5.398 5.432 5.533 5.540 5.380 5.471 5.669 5.600 5.590 6.579 5.790 5.800 5.901 5.954 5.639 5.831 5.913 5.803 5.732 6.005 5.815 6.188 6.105 5.952 5.799 Rapport P P 12, 5 10, 4 13, 96 15.36 17, 99 20, 89 18,61 16.29 17, 93 16, 09 28, 34 23, 33 16, 44 15, 49 20, 67 16, 11 16, 39 16, 54 15, 67 16, 19 16, 42 16, 11 15, 92 16, 68 16, 15 17, 19 20, 35 18, 60 16, 10 Jours de 36 40 45 49 52 56 61 66 71 76 82 91 101 103 109 113 122 127 143 152 162 167 184 191 212 233 247 252 273 294 316 336 357 378 399 420 Katloii P 460 510 530 600 650 670 700 740 740 740 800 840 880 960 880 650 640 640 600 660 680 720 720 720 720 720 720 800 800 800 800 800 800 800 800 800 Poids des Animaux P 2.904 (1) 3.068 3.754 4.206 4 . 469 4.918 5.478 6.271 6.761 7.390 8.207 9.397 10.341 10.577 11.232 8.710 (2) 9.111 9.393 10.107 10.415 10.791 11.141 11.902 12.326 12.911 13.214 13.319 13.329 13.253 13.391 13.288 13.354 13.558 13.279 13.032 13.134 Rapport P P 6, 31 6, 01 7, 08 7, 01 6, 87 7, 34 7, 82 8, 47 9, 13 9, 98 10,25 11, 18 11, 75 11, 02 12, 76 13, 40 14, 23 14, 67 16, 84 15, 77 15, 86 15, 47 16,53 17, 11 17,93 18, 35 18, 50 16, 66 16, 56 16, 74 16. 61 16, 69 16, 95 16, 59 16,29 16,42 (1) 8 animaux. (2) 6 animaux. de la ration ; flus il est grand, meilleure est la ration, soit que la ration faiblisse pour maintenir Ce rapport exprime la valeur V 196 F. MOUSSA Y un inôuu^ poids, soit que le poids croisse avec une même ration. V On considère d'autre part assez volontiers le rapport mverse -, à savoir la quantité d'aliments (lu'il faut à un kilogramme d'animal pour se maintenir et plus cette quantité est petite, meil- leure est la ration. Il est évident que la variation de ces deux rap- ports avec l'âge ne donne pas du tout la niôme forme des courbes. J'ai construit les miennes en considérant -, mais ceux qui prefe- p reraieut le rapport inverse pourraient construire les courbes de sa variation avec les données numériques recuellies à ce sujet et reproduites dans le tableau composé à la page précé- dente. J'ai établi pour chacune des générations considérées une P . , , . courbe de la variation du rapport aux divers âges de la vie. P Pour construire cette courbe, je compte en abscisses le temps à raison de 1 % pour 2 jours de vie et en ordonnées les valeurs P correspondantes de - en prenant 1 "' pour chaque unité du p rapport : par exemple le rapport 17,93 = 18 '^^ le rapport 16,09 = 16 Z' etc. Les trois courbes obtenues sont reproduites par réduction photographique (flg. 19). Il importe d'abord de dégager leur étude générale de trois pointements singuliers a, a', a", qui se trouvent aux générations Po et P,. Or, la génération P,,, pour parler d'elle en premier lieu, est composée de poules granivores, c'est-à-dire normales ; les dates de ces pointements sont les suivantes : a — 208 jour de vie 18 février 1901. a' — 229e — 10 mars 1901. a" — 245<^ — 26 mars 1901. Sur mes cahiers d'expérience, j'avais inscrit « tombée de neige » le 11 mars 1901 qui correspond au plus grand pointement ; ceci VARIA TI(>NS EXPERIMENTALES 19^ naturellement ne va pas sans une grande baisse barométrique. Pour les deux autres pointements, je n'avais rien noté. J'ai demandé rétrospeotivonipiit (avril 1906) à mon ami J. Mascart. FiG. 19. Courbes des rapports du poids à la ration dans trois générations dont une granivore et deux carnivores astronome à l'Observatoire de Paris, de me renseigner sur l'état météorologique des journées indiquées et voici ce qu'il me com- ^nuniqué : 198 F. HOUSSAY DATES BAROMÈTRE ETAT MÉTÉOROLOGKJUE POINTERENT Parc St-Maur 1901. Février 17. . . 759,6 Couvert neige et grésil. — 18... 765,3 Un peu de neig^e à 8 h. et 9 h. a — 19... 765,3 Très nuageux, petite neige à 22 h. — 27-.. 747,7 Couvert, quelquefois des ' gouttes entre a et a* Mars 10 . . 759,5 Couvert. a — 11... 752,2 Id. Pluie, neige et grésil. — 26. . . 756,1 Xei^e jusqu'à -1 h. du matin puis à 15 h. et à 16 h. 45. a" — 27... 751.9 Couvert de 6 h. à 19 h., pluie et neige. — 28... 752.4 Grains de neige. Grésil à 17 h. Donc, si d'après Larguier des Ba>'Cels la température règle d'une façon précise les petites variations de la ration, la pression barométrique en détermine de très grandes, au moins chez les poules. S'il s'agissait d'un réglage du poids en prévision de la légèreté requise par le vol, il serait tout naturel que la pression barométrique intervint en premier lieu. Le fait est-il général chez tous les oiseaux ? Je n'ai pas de données à ce sujet mais je ne crois pas à sa généralité, du moins avec autant d'amplitude. Je le crois exact seulement pour les oiseaux déjà lourds à vol difficile, les autres, en cas de dépression, se contentent de voler moins haut comme les hirondelles. Au surplus, il doit bien y avoir quelque particularité dans la pratique de l'abstinence par les poulets en présence d'une dé- pression barométrique, puisqu'elle est indiquée déjà par Théo- PHRASTE comme un des signes du mauvais temps et que cette observation, avec quelques autres du même ordre, était le fon- dement objectif de l'art des auspices. La génération P,, élevée d'une façon normale jusqu'au 150^ jour de sa vie. n'a été mise à la viande qu'ensuite ; elle conserve encore, au point de vue de la réaction à la pression, l'instinct VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 199 ordinaire des poulets et aeeuse les mêmes pointements aux mêmes joiu'S, Il n'en est pins ainsi à la génération P, nourrie à la viande depuis son éclosion. Certainement, dans le cours de sa vie de grandes baisses barométriques sont survenues aussi, mais elles n'ont pas été accusées, d'une façon sensible tout au moins. Un instinct très curieux s'est trouvé perdu. Abstraction faite maintenant de ces pointements singuliers, nos trois courbes se divisent en deux grandes sections : l'une, de la naissance au 250^ jour environ, pendant laquelle les ordonnées croissent, l'autre, à partir du 250^ joar, pendant laquelle les ordon- nées sont sensiblement constantes, sauf pour un dernier poin- tement h postérieur à la mue et moins brusque que les précédents. Ces courbes répètent, en gros, l'allure des courbes de croissance ; c'est vers le 250^ jour en effet que, dans les trois générations consi- dérées, les poules ont achevé la différenciation de leurs œufs et que toutes les courbes de croissance sont à peu près horizontales. Pour revenir à nos courbes de ration, l'époque du 250^ jour sépare donc deux zones : à gauche la zone des rations de crois- sance, à droite la zone des rations d'entretien. Nous pouvons immédiatement faire plusieurs constatations. D'abord, la courbe de ration granivore est au-dessous des deux autres dans la région de croissance, au-dessus dans la région adulte, ce qui paraît indiquer que la viande est une ration supérieure pour les animaux qui croissent ; les graines sont au contraire supérieures pour les animaux adultes. Remar- quons bien qu'il ne s'agit pas seulement, pour la ration albu- minoïde, d'une plus grande puissance plastique, c'est-à-dire créatrice de tissus et de cellules, eh quoi consisterait tout natu- rellement la différence ; car nos animaux adultes, par le fait de la ponte, fabriquent journellement plus d' alhuminoïdes que pen- dant leur croissance et tout de même, dans cette période, les graines constituent un aliment supérieur pour l'individu, c'est- à-dire pour la quantité de matière usuellement distinguée à à part et dénommée « une poule ». 200 F. HOtlSSAY On pourrait se demander s'il n'y avait pas lieu de considérer, dans la période adulte, les individus plus la ponte qu'ils ont produite ; celle-ci, étant supérieure dans les premières généra- tions carnivores, contribuerait à relever la valeur de la ration carnée. Mais si l'on ajoute au poids de l'animal celui des germes qu'il a produits depuis la dernière pesée, il faut y joindre égale- ment la somme des excréta solides, liquides et gazeux qu'il a émis, aussi bien que la chaleur ou le travail qu'il a fournis et en retrancher la somme des rations qu'il a mangées, bues ou res- pii ées. Ce serait une tout autre expérience sur le bilan organique, analogue à celle de Benedict et Attwater, dans laquelle l'indi- vidualité animale s'efface et que je n'ai nullement songé à faire malgré son intérêt évident, philosophiquement supérieur mais pratiquement moindre. Je compare seulement un individu d'une espèce définie, tel que le donne à un certain moment toute sa vie antérieure avec une certaine ration, à un autre individu de la même espèce, au même moment mais avec une autre ration. L'avantage est dans ces conditions, qui sont celles oii l'on se placerait pour apprécier la bonne santé d'un homme, à la viande pour la croissance, aux graines pour l'entretien. Nous devons remarquer aussi, en comparant entre elles les deux courbes d'animaux carnivores, que celle de la génération Pg est notablement au-dessus de celle de P, dans la région de crois- sance et un peu au-dessus dans la période adulte. C'est la marque d'une adaptation, d'une meilleure assimilation de l'aliment, ainsi que d'une meilleure élimination des déchets qu'il donne. C'est un fait net d'hérédité des caractères acquis ; nous y re- viendrons. En dernier lieu il est visible que la ration quelle qu'elle soit est plus mauvaise dans le jeune âge que dans l'âge adulte, c'est- à-dire qu'il faut proportionnellement plus d'un même aliment à un jeune qu'à un adulte. Le fait est connu. Est-ce seulement que le jeune animal, à surface proportionnellement plus grande, perd plus de chaleur f Cela entre en ligne de compte à coup sûr. VARIATIONS EXPERIMENTALES 204 mais pour une part seulement ; car, parmi toutes les rations, la meilleure à cet âge est la plus albuminoïde, c'est-à-dire la moins thermogène. Au surplus, pour apprécier la valeur alimentaire d'une subs- tance donnée, il faut bien s'entendre sur la réaction que l'on demande à l'organisme de manifester, comme marque du succès de son alimentation. Veut-on qu'il soit plus grand, plus robuste, c'est-à-dire capable de fournir une plus grande quantité de travail, ou désire-t-on au contraire sacrifier quelque chose des qualités précédentes pour que l'organisme dure plus longtemps ? Il faut alors faire intervenir en ligne de compte l'usure organique par les divers régimes, qui est en raison de leur toxicité et de la quantité des déchets accumulés. Or, cette toxicité plus grande du régime carné est surabon- damment prouvée par notre longue expérience. C'est le défaut qui contrebalance les incontestables qualités de cet aliment. Dans le jeune âge, la quantité de rein, la grandeur de l'élimi- nation sont proportionnellement plus fortes, les qualités de la ration se montrent alors sans être atténuées par leur inconvé- nient. Plus tard, avec une élimination moindre, l'inconvénient contrebalance l'avantage et même le surpasse. Il y a donc lieu, en pratique, de peser et d'évaluer des séries d'indications contradictoires et la règle qui me paraît ressortir aussi bien de ces expériences que des observations, valables pour l'homme, faites sur moi et autour de moi, est l'usage de la viande pendant la croissance et l'abstinence de cet aliment passé l'âge adulte. AHCll. DE ZOOL. EXP. ET GEN. If' SÉBIE. — T. VI. - (v] CHAPITEE V VARIATIONS DU TUBE DIGESTIF L INTESTIN ET LES C2ECUMS — LE JABOT ET LE GÉSIER Sommaire. — Précautions à prendre pour les mesures. — Echelle des courbes de variation. — Décroissance des organes digestifs suivant des arcs d'hyperbole équilatère. — Les écarts dans les dernières générations dus à l'insuffisance du poids total. — Nouvelle marque d'intoxication. — Réduction de l'intestin et du cœcum. — Jauge du jabot ; réduction du volume et de l'extensibilité. — Réduction dans l'action du gésier ; les cailloux ordi- nairement ingérés deviennent progressivement plus petits ; ce sont des grains de sable aux dernières générations. — Représentation par le dessin de l'estomac, en valeur relative, sur 12 animaux composant des couples descendus les uns des autres. — Dimorphisnie sexuel. — Autres séries de dessins sur des poules devenues plus précocement stériles et BUT des coqs tuberculeux. — Dans les cas anormaux, la réduction relative est moins accentuée ou transformée en accroissement. — La réduction accentuée est la règle. Les seules modifications, dues au changement de régime ali- mentaire chez les oiseaux, étudiées jusqu'ici ont été, comme nous l'avons dit, celles qui sont relatives au gésier. Nous avons des données qui s'étendent en outre à d'autres parties dvi tube digestif : intestin, caecum et jabot. Des mesures effectuées sur le tube digestif risquent de laisser place à un certain aléa en raison de l'élasticité des organes si l'on n'opère pas toujours exactement de la même façon et si, notamment, l'on tire plus ou moins sur le tube digestif en mesu- rant sa longueur avec une règle graduée. J'ai toujours eu soin d'appliquer l'organe sur la règle sans exercer aucune traction. J'opérais de même sur les caecums. On sait que, chez les oiseaux, ces organes sont au nombre de deux, symétriquement disposés ; chez la poule, en particulier, ils sont rarement de la même lon- gueur : une différence qui peut aller jusqu'à 15 "„ existe tou- jours entre eux ; je prenais la moyenne entre les deux pour longueur du cœcum. Le volume du jabot doit aussi être évalué avec quelques précautions que j'indiquerai plus loin. Pour la variation de ces organes comme pour les autres, j'ai considéré le rapport de leur longueur, de leur volume ou de leur poids au poids total et au poids actif des animaux étudiés. J'ai VARIATIONS EXPEIUMENTALES 203 construit les courbes de variation en ces différentes circons- tances et eu considérant soit les moyennes de tous les animaux d'une génération, soit, pour éviter les effets variables du dimor- pliisme sexuel, en comparant les rapports dans des couples effec- tivement descendus les uns des autres. Ces manières diverses d'envisager le phénomène me donnent les mêmes indications et les mêmes courbes, avec seulement un peu plus ou un peu moins d'accentuation ; les différences secondaires sont même très r? P. Fio.20. Courbes montrant la réduction de l'intestin ( __) et du caecum ( ) dans des couples effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives. — Rapports de la longueur des organes à 100 gr. de poids total. faibles. Afin d'avoir des graphiques qui se puissent comparer avec ceux que j'ai déjà fournis pour le rein et le foie, je les construis également avec les données relatives aux couples des- cendant les uns des autres. Dans tontes les courbes dont il va être question, j'ai pris ])our abscisses le temps, en portant sur l'axe horizontal 25 ^ pour la durée d'une génération et ijpur ordonnées les valeurs du rapport de chaque organe au poids total des animaux et cela suivant les échelles suivantes : 204 F. MOUSSAY CcBcums .... ordonnées 1 % par millimètre de caecum pour 100 gr. de poids total. Intestin .... — 1 % P^'i" centimètre d'intestin pour 100 gr. de poids total. Jahot — 1 % par centimètre cube de jabot pour 100 gr. de poids total. Oésier — 1 % P^^r décigrammé de gésier pour 100 gT, de poids total. On voit d'après cela que réehelle qui représente la variation du gésier et du csecum est 10 fois plus forte que celle employée pour l'intestin et le jabot ; ceci n'a d'autre importance que de trouver pratiquement une visibilité suffisante pour toutes les variations. Les courbes ont ensuite subi la même réduction photographique. Avant de parler de chaque organe en son particulier, il con- vient de relever les indications qui s'appliquent à tous. D'abord, tous ces organes décroissent manifestement. Mais cette décrois- sance, au début très sensible, s'atténue et, après la 3^ génération, se transforme en une petite remontée. Que signifie cette allure de courbe ? Tenons compte de ce fait, imposé par le simple bon sens, que la diminution, même régulièrement poursuivie, n'aurait pas continué indéfiniment et qu'il fût survenu une époque où les courbes auraient tendu vers l'horizontale. Guidés par cette indi- cation certaine et suivant d'autre part la continuité des phéno- mènes à leur début, nous sommes conduits à rectifier le tracé de nos courbes d'une façon presque nécessaire. Nous l'avons fait en traits interrompus pour obtenir l'image de ce qu'aurait dû être la variation régressive. Ces courbes nouvelles, toutes semblables entre elles, sont des hyperboles équilatères avec une asymptote horizontale et une verticale. Elles répondent à l'équation générale : i.v-^a){y - b)=K et ne sont utilisables pour le problème soumis à notre étude que dans la région des x positifs. Il est tout à fait intéressant de trouver deux catégories de VARIATIONS EXPERIMENTALES 205 R R FiG. 21. Courbes montrant la réduction du jabot. J, et du gésier. G, dans des couples effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives. Rapports du volume (jabot) ou du poids des organes à 100 gr. de poids total. Pour le jabot, les jauges à l'eau {_) et celles au mercure ( ) sout représentées. 206 F. HOUSSAY courbes si dissemblables, l'une, dont nous avons déjà parlé, comprise entre deux asymptotes horizontales avec un point d'inflexion entre les deux : c'est à la fois la courbe de croissance et d'hypertrophie, l'autre, que nous rencontrons maintenant, l'hyperbole équilatère est la courbe de décroissance et d'atrophie. Les deux catégories de phénomènes sont biologiquement très distinctes ; il est naturel que deux courbes fort diiïérentes les symbolisent. Ce résultat est susceptible d'une large généralisa- tion mais nous ne pouvons pas en entreprendre l'exposé de peur d'être entraînés trop loin. Je voudrais pourtant faire remarquer que le passage de l'évolution continue à l'évolution discontinue, ou de la trans- formation progressive à la mutation, devient, s'il s'agit d'une décroissance d'organe, une conception exactement représentée par la transformation d'une hyperbole équilatère en deux droites rectangulaires. Cette conception, si familière aux géo- mètres, nous rend aisé de comprendre que, dans une transfor- mation par croissance organique, notre courbe à deux conca- vités sera, en cas de mutation, remplacée par deux sections de droites parallèles réunies par un trait vertical, deviendra une marche d'escalier, suivant une image employée par Giard. Nous avons vu au chapitre II qu'à partir de la 3^ génération le rein et le foie ont commencé à fléchir ; pour les organes qui nous occupent maintenant, tous abandonnent une génération plus tôt leur courbe type. A partir de la 2^ génération, en effet, nos données expérimentales sont toujours au-dessus de ce qu'elles devraient être d'après leur début. Il y a là deux points à éclaircir. 1° Pourquoi l'atrophie est-elle plus faible que ce qu'on atten- dait •? 2» Pourquoi l'atrophie digestive s'arrête-t-elle une géné- ration plus tôt que l'hypertrophie hépatique et rénale ? Et d'abord peut-on dire que l'atrophie digestive s'arrête ? Eemarquons que nos courbes ne nous renseignent que sur une atrophie relative, leurs points étant fixés par des valeurs du rapport d'un organe au poids total de l'animal. Cependant, comme les valeurs absolues nous renseigneraient bien moins \ AI{IATH)NS EXPERIMENTALES 207 encore, il faut analyser tant qu'il se peut les valeurs relatives pour bien saisir le sens de leur variation. Soit w la longueur, le volume ou le poids d'un certain organe et P. le poids total d'animal correspondant, nous observons que le rapport - n a pas décru autant que nous l'attendions. Mais cela a pu survenir pour deux raisons, ou bien w n'a pas décru (ou n'a pas arrêté sa croissance) comme il fallait, ou bien P n'a pas crû autant qu'il l'aurait dû pour se tenir dans l'équilibre régulier avec w. C'est, je crois, cette dernière alternative qui est la véritable. Bien que le poids des animaux ait toujours été en croissant, il ne l'a pas encore été suffisamment. Or, l'intoxication, dont nous avons relevé la manifeste existence, a pour effet certain, rapide et constant l'abaissement du poids, comme perte de l'acquit ou comme manque à gagner ce qui devrait l'être. Si nous sommes dans le vrai, si c'est bien un manque d'accrois- sement du poids total qui relève les points de nos courbes, le phénomène fonctionne nettement aussitôt après la seconde génération, comme le montrent simultanément tous les organes digestifs en régression. Donc, la 3^ génération subissait, en ne croissant pas assez, une nouvelle et très sensible marque d'in- toxication. Bien que le rein et le foie y aient encore crû, ils n'ont pas suffi à Texcrétion ; de là leur surmenage et leur régres- sion à la génération suivante. Ces concordances parfaites nous montrent que la correction de nos courbes en hyperboles équilatères est absolument légi- time et, malgré son insuccès final, notre expérience nous donne, pour la marche de la variation, une indication aussi sûre qu'une adaptation réalisée. Il est également important de remarquer que les hyperboles équilatères eussent atteint sensiblement l'horizontale à partir de la 6^ génération, ce que nous a déjà indiqué exactement la variation hépatique et rénale. De plus, il faut noter que le surmenage des organes excréteurs 208 F. HOUSSAY à la 2^ génération, précédant leur insuffisance anatomiqiie qui se traduit seulement à la 3^, nous avait été déjà signalée par l'abondance de la mélanine à cette même 2^ génération où elle présente son maximum (1). Eelevons encore quelques observations pour chaque organe en particulier. Sur l'intestin j'ajouterai peu de choses ; sa réduc- tion en longueur par le régime carné est conforme à toutes les observations déjà faites en anatomie comparée. Le fait nouveau, d'ailleurs important, est la réalisation expérimentale rapide de ce raccourcissement. Il convient de remarquer en outre que l'aspect de la paroi intestinale est changé ; elle devient plus épaisse et perd toute transparence. Ceci correspond sans aucun doute à de graves modifications histologiques ; mais mou atten- tion a été trop tardivement appelée sur ce sujet pour que j'y aie pu exécuter des recherches méthodiques. Au surplus, j'ai peu poussé mon travail du côté histologique qui, à lui seul, eût fourni la matière à des investigations aussi étendues que celles dont j'ai pu retirer des conclusions. Je donnerai çà et là quel- ques indications relevées à ce sujet afin surtout d'encourager ceux qui voudraient en compléter l'étude. La réduction du caecum nettement réalisée par le régime Car- nivore est un résultat que l'on pouvait aussi escompter. J'ai même donné une trop faible idée de la régression de cet or- gane en évaluant celle-ci par la réduction de la longueur. Eu jaugeant le volume, on aurait certainement constaté une bien plus forte diminution ; car les csecums deviennent non seule- ment moins longs mais beaucoup plus étroits, leur calibre se réduit. Il ne faudrait pas conclure hâtivement de cette observation que, chez l'homme, la réduction du csecum et la formation de l'appendice vermicnlaire sont une conséquence certaine du pas- sage d'un régime originel exclusivement frugivore à un régime fortement carné, car certains singes possèdent aussi cet appen- dice vermicnlaire. En général les carnivores ont le csecum bien (1) Voir p. 191. VARIATIONS EXPERIMENTALES 209 moins développé que les herbivores ; l'action de ki viande n'est pas douteuse, mais le même résultat pourrait être atteint autre- ment puisqu'on ne trouve pas de caecum chez des phytophages comme l'Unau et l'Ai [Bradypus) ou chez certains rongeurs comme le Loir {Myoxus). De tous les organes, le jabot est celui qui a montré la réduction la plus prompte et la plus considérable. Afin d'apprécier son volume, je l'ai jaugé en le remplissant d'eau toujours dans les mêmes conditions. Après avoir détaché le jabot, l'avoir vidé quand il y avait lieu et nettoyé par un courant d'eau, je posais une ligature sur son extrémité inférieure ; j'introduisais ensuite dans l'œsophage un petit entonnoir de verre, toujours le même, de façon que son extrémité vînt affleurer à' l'entrée du jabot. Puis, tout étant suspendu, je versais de l'eau jusqu'à ce que l'entonnoir restât plein. Le remplissage avait ainsi toujours lieu sous la même pression d'une colonne d'eau d'environ 5 % de hauteur. Ceci fait, je comprimais entre deux doigts l'entrée du jabot et je rejetais l'eau restant dans l'œsophage et l'entonnoir ; juiis je mesurais dans une éprouvette gTaduée l'eau contenue dans le jabot. Ces mesures étaient toujours parfaitement comparables entre elles et c'est avec leurs variations que j'ai construit mes courbes. J'ai voulu aussi pratiquer la jauge au mercure pour avoir quelque idée sur l'extensibilité de l'organe et sur la façon dont elle pouvait varier. Les mesures sont beaucoup moins précises que les précédentes; celles-ci peuvent être répétées par n'importe qui à la condition de prendre la même pression d'eau ; les jauges au mercure doivent être pratiquées par une même per- sonne pour demeurer comparables.^ Il ne pouvait plus être question de suspendre l'organe qui se fût indéfiniment distendu et eût enfin crevé sous la pression du mercure ; je le posais, muni de sa ligature inférieure, sur une cuvette de porcelaine à fond plat, puis je vidais aussi rapide- ment que possible le mercure. Le jabot s'étalait et en même temps se gonflait. On aurait pu verser du mercure jusqu'à 210 K. HOUSSAY rupture, mais j'avais soin de marquer d'avance, à l'aide d'une épingle par exemple, l'orifice supérieur du jabot, parce que la turgescence poursuivie de l'organe aurait fini par incorporer tout l'oesopliage dans le jabot et, aussitôt que le mercure attei- gnait ce niveau, je cessais de verser. C'est justement le moment auquel il convient de s'arrêter qui demeure indécis et il reste \ine part d'ai)pré('iation person- nelle inévitable. Sans exagérer donc l'importance de ces dernières mesures ni leur précision, je puis dire qu'en opérant, tant que je l'ai pu, dans les mêmes conditions, j'ai obtenu les indications suivantes. La jauge au mercure du jabot soutenu est toujours plus grande que la jauge à l'eau du jabot suspendît ; dans les mêmes condi- tions pour l'organe le résultat était évident d'avance, dans des conditions différentes il ne l'était pas. L'écart entre les deux mesures, très grand dans les premières générations, s'atténue ensuite pour devenir insignifiant. Ceci veut dire que non seule- ment le jabot se réduit mais que son extensibilité diminue et nous apprend que l'organe ne reste pas semblable à lui-même en plus petit. Sa structure change. Les glandes de l'oesophage et du jabot sont considérées comme ne fournissant qu'un mucus lubréfiant. Toutefois mon élève Camoin a pu démontrer que, chez les poules, ces glandes pro- dui ent une diastase transformant l'amidon en glucose ; il a nettement établi ce résultat tant par des nuicérations de jabots que par une fistule habilement pratiquée. Sur une poule soumise au régime de la viande depuis 18 mois, Camoin a reconnu, à l'aide d'une fistule, que la sécrétion du jabot n'intervertit plus l'amidon qu'avec une intensité trois fois moindre que chez les poules granivores. La poide en (juestion a succombé trop t^t pour permettre de voir si, par contre, la production glandulaue n'attaquerait pas les albuminoïdes ; elle s'est montrée sans action sur le blanc d'oeuf dur. Ce résultat négatif n'est pas péremp- toire, vu la résistance particulière de cette albumine coagulée et vu les commencements manifestes de digestion sur la viande VARIATIONS EXPERIMTNTALES 211 crue dont je trouvais des fragments dans le jabot des nombreux sujets que j'ai sacrifiés. Quant au gésier, le poids, que j'ai pris comme signe de la variation, s'est considérablement réduit. On s'en rendait compte du reste rien qu'à regarder l'organe ; il paraissait vraiment moins important dans l'ensemble des viscères que chez les poules normales. Si l'on y pratiquait une coupe par son plus grand plan diamétral, on voyait tout de suite que la cavité était beau- coup moindre. Le revêtement corné, d'abord très épais et très dur, devenait de moins en moins résistant et, dans les dernières générations, il formait une simple peau qui adhérait à peine aux tissus sous-jacents et ne présentait que très peu de dureté. Cependant, sur sa tranche, la paroi musculaire a montré jusqu'au bout la même épaisseur absolue ; c'est-à-dire que tout de même elle a beaucoup diminué d'imijortance dans l'ensemble de l'or- ganisme, puisque celui-ci est devenu beaucoup j^lus gros. Les muscles d'ailleurs s'étaient plus encore réduits eu longueur. On sait que les oiseaux granivores ont l'habitude d'ingérer d'assez volumineux cailloux qui font, sous l'action des muscles du gésier, l'ofBce de mtmles pour triturer les graines. Mes ani- maux, placés sur un sol fait de sable et de graviers, ne manquaient pas à cette pratique. A la première génération granivore, les cailloux recueillis à l'autopsie étaient à peu près en moyenne de la grosseur d'un pois ou d'un haricot, quelques-uns même plus gi'os. Insensiblement, les cailloux ingérés diminuèrent, devinrent plus petits et, à l'avant-dernière et à la dernière géné- ration, on ne trouvait plus que des grains de sable, gros comme la tête d'une épingle ordinaire. Le gésier servait donc encore d'estomac triturant pour achever la séparation des fibres de la viande ; mais ce rôle était moins diflicile que dans le cas des graines, exigeait moins d'eiïorts et se restreignait de lui-même. J'aurais pu, en plaçant mes ani- maux par exemple sur un sol de bitume ou d'asphalte, empêcher totalement l'ingestion de tout corps solide et obtenir très proba- blement une plus forte réduction du gésier ; mais je n'ai pas 212 F. HOUSSAY voulu les obliger à agir autrement qu'ils ne l'eussent fait d'eux- mêmes dans la nature. Au surplus, la vie sur un sol artificiel variatîons expérimentales 213 eût amené des modifications particulières sur les ongles que je tenais à observer dans les conditions normales. ■a 2 •3 1 ■2 S Ayant pris aussi des séries de pesées sur l'estomac entier, c'est-à-dire gésier et ventricule succenturié ensemble, j'ai obtenu 214 F. HOUSSAY une seconde courbe exactement parallèle à celle du gésier seul, c'est-à-dire toujours équidistante de celle-ci. Cela prouve que le ventricule succenturié apporte à toute génération un poids relatif constant, qu'il ne varie pas en poids par rapport au reste de l'organisme. L'étude de la variation des organes par les courbes, que j'ai tracées et reproduites, est la plus claire et la plus démonstrative pour certains esprits, pour ceux notamment qui ont été formés par la culture mathématique. D'autres esprits, non pas inférieurs mais différents, se représentent avec peine les rapports exacts entre cette symbolique et la réalité dont elle sort. Ils auraient plus de satisfaction à voir la série même des pièces anatomiques ou tout au moins à en examiner des dessins fidèles. La repré- sentation par dessins il est vrai, n'étant que la projection sur un plan, n'intéresse que deux dimensions des organes et, pour ceux en particulier dont j'ai, d'autre part, évalué la variation par le volume ou le poids, c'est-à-dire par trois dimensions, il peut ne pas y avoir rigoureuse concordance entre les deux sortes de représentations. En outre le dessin fait sur chaque animal est individuel et se dégage moins des accidents personnels que les coiirbes faites avec des moyennes, tout au moins avec celles d'un couple. Néanmoins, il y a accord dans l'ensemble et comme, au sur- plus, l'examen de la forme est du plus haut intérêt, j'ai repré- senté la variation réalisée par une série de dessins (fig. 22, 23, 24 et 25). En disséquant chacun des animaux en expérience j'avais pris relativement au tube digestif, depuis l'entrée du jabot jusqu'au gésier compris, un croquis grandeur nature et tout à fait exact quant aux dimensions. L'examen ultérieur et la comparaison de tous ces dessins montre, avec une parfaite netteté, la réduc- tion du jabot et du gésier dont nous avons parlé ; mais, vu la différence de taille et de poids des divers animaux, elle ne permet pas d'avoir une mesure juste du phénomène. Le régime Carnivore a dans l'ensemble augmenté le poids. VARIATIONS EXPERIMENTALES 215 comme je Tai déjà dit, et fait croître les animaux. Si ce résultat avait été le seul, s'il y avait eu simple accroissement homothé- tique de tous les organes, saris changement de la forme animale, les réductions de tous les dessins, elïectuées proportionnellement aux poids des animaux correspondants, devraient toutes coïn- cider, être un seul dessin. Une preuve objective peut en être donnée par la comparaison des deux poules II„ et III,, de la génération granivore initiale. Elles différaient, comme nous l'avons déjà remarqué,'non seule- ment par la taille mais par la race ; elles étaient toutefois de la même espèce et représentaient le même complexe organique défini. A la fin de l'expérience III., pesait 1917 grammes et 11^ 1354 grammes soit 29 % de moins. En augmentant de 29 % le dessin exécuté sur II„ on obtient identiquement le même gésier que celui de III,, grandeur nature (flg. 22 et 24). Si les dessins, agrandis ou réduits de façon à correspondre à un animal toujours de même poids, ne sont pas identiques, leur différence traduira exactement le déséquilibre organique, c'est-à-dire le changement de forme. Des changements de forme définis de la sorte peuvent être et ont été constatés entre les jeunes et les adultes de la même esiîèce, ou entre les mâles et les femelles, ou entre animaux de même type mais de taille très différente à l'état adulte, comme le sont par exemple un moineau et un vautour ou mieux encore un chat et un tigre. Dans le cas que nous envisageons, il s'agit d'adultes de la même espèce, du même sexe et du même âge, lîi différence de forme, si elle existe, résulte donc exclusivement de la différence du régime alimentaire, la seule variable intro- duite. Examinons d'abord une série de dessins provenaût des femelles comprises dans des couples descendant les uns des autres. Le tableau suivant donne l'échelle des réductions (signe — ) ou des accroissements (signe +) qu'ont subis les dessins en prenant pour unité le poids d'une des poules. 2d6 F. HOUSSAY POULES POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATION AU DESSIN IIIo 1917 1 0 III, 1959 1,02 - 2 % VU. 1905 0,99 ! 1 % V11I3 2243 1,17 — 17 % V4 2465 • 1,28 — 28 % I5 2425 1,26 — 26 % Les modifications ci-dessus ont été effectuées avec le compas de réduction, dont les de^ix branches étaient réglées à chaque opération sur une échelle divisée en millimètres. Les divers dessins fixés côte à côte ont ensuite été tous uniformément réduits par la photographie. La série de la figure 22 met sous les yeux d'une manière frap- pante la réduction organique poursuivie pendant six générations. Ce procédé d'évaluation me semble rigoureusement exact, mais, pour ceux qui en douteraient, ajoutons qu'il nous donne seule- ment une mesure plus juste du phénomène et que ce dernier appa- raîtrait sans cela. Par exemple les organes de la dernière poule ont été réduits de 26 %, soit environ 1/4; si même ou leur rendait ce quart, encore seraient-ils bien au-dessous des organes de la première poule qui en sont presque le double. Autrement dit, il y a non seulement réduction relative, mais aussi réduction absolue. Nous avons fait la même opération pour les mâles de ces couples suivant le tableau ci-dessous qui rapporte leurs poids à celui de la poule Illy précédemment choisie pour unité. MODIFICATION COQS POIDS TOTAL VALEUR AU DESSIN lo 2544 1,32 — 32 % I. 2458 1,28 — 28 % VI, 2905 1,51 - 51 % IV, 3100 1,61 — 61 % VIL 3650 1,90 — 90 % III5 3650 1,90 — 90 % Variations expérimentales 217 La série des figures établit toujours la même suite de réduc- 3 .2 .g ^ ■a a 5 o a -a tions, très sensibles dans les premières générations, moins dans ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.N. l\' SÉRIE. — T. VI. — (v). i6 218 F. HOUSSAY les suivantes ; c'est une représentation concordante avec ce que nous avons déjà obtenu par le tracé des courbes. La comparaison des figures 22 et 23 montre d'une façon sai- sissante la faiblesse relative des organes alimentaires chez les mâles. Ces animaux considérés, ainsi que nous l'avons fait, comme ne pesant pas plus qu'une femelle ont un tube digestif beaucoup plus faible que celle-ci. C'est l'expression d'un cas du dimor- phisme sexuel, phénomène dont je me projiose de suivre la variation avec le régime dans un autre chapitre Fjq. 25. Dessins exécutés d'après nature, puis réduits pour correspondre à des animaux de même poids, chez quatre coqs plus ou moins malades. Les couples qui se sont reproduits cinq générations de suite et dont, au résumé, la stérilité est le plus tardivement survenue sont formés des animaux qui ont le mieux résisté à l'intoxica- tion du nouveau régime, qui se sont le mieux prêtés à l'élimina- tion nécessaire, qui se sont, en un mot, le mieux adaptés. Leur variation est donc la plus rapprochée de la règle et, si elle s'écarte un peu de celle-ci, puisque la règle exacte serait l'hyperbole équilatère qu'ils ne suivent pas tout à fait, ce sont eux qui s'en VARIATIONS EXPÉRIMENTALES âlÔ écartent encore le moins. C'est une nouvelle raison de croire bien établie notre loi de régression que de voir les animaux les plus normaux s'en rapprocher le plus. Considérons en effet une série de six autres poules apparte- nant aux premières générations (flg. 24). Voici l'échelle de réduction des dessins : MODIFICATIONS POULES POIDS TOTAL VALEUR AUX DESSINS IIo 1354 0,71 + 29 % IIi 1907 0,99 + 1 % IL 1912 1 0 IV, 2014 1,05 - 5 0/^ III3 1900 0,99 + 1 % II3 1860 0,97 + 3 % Les dessins montrent encore une réduction, mais moins fran- chement poursuivie que dans le cas précédent. Ces poules, qui s'écartent de la normale par une stérilité plus précoce, s'en écartent aussi par une moindre réduction relative du gésier et du Jabot. Ceci tient à ce que, étant plus intoxiquées que les autres, leur poids a faibli davantage et se trouve moins près de ce qu'il devrait être ; par suite les rapports des organes aux ])oids deviennent trop forts dans les dernières générations. Puisqu'il s'agit d'arguments détaillés pour renforcer la con- clusion par laquelle nous avons légitimé l'hyperbole équilatère comme expression de la loi de réduction organique dans l'adap- tation, je vais encore mettre sous les yeux les organes digestifs de quatre coqs empruntés à trois générations successives. Les dessins (fig. 25) sont à l'échelle de réduction suivante : COQS POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATIONS AUX DESSINS h II4 2800 2700 2735 2127 1,46 1,41 1,42 1,11 — 46 % - 41 % — 42 % - 11 % â2Ô F. HOUSSAY Ces coqs sont parvenus à l'état adulte, ont parcouru leur année de vie presque entière, manifestement toutefois leurs poids sont trop faibles. C'est l'explication de la série paradoxale de leurs dessins qui montre un accroissement du tube digestif sous l'influence du régime carné. Tel est en eiïet le fait brut, il demande une interprétation et une critique. En examinant les notes individuelles de ces animaux on trouve : I, : normal. I3 : mort spontanément le 17 octobre 1903, après un jour de malaise, péritonite tuberculeuse, tubercules dans le foie, tumeur d'un testicule, etc.. II4 : sacrifié le 11 mars 1904 — tuberculose intestinale avec envahissement du mésentère, trois petits tubercules dans le poumon — castration parasitaire (deux testicules = 1 gr. 9) — obstruction intestinale et dilatation consécutive du jabot, etc.. I^ : sacrifié le 31 mai 1904. — Obstruction intestinale, trou- bles nerveux, péritoine épais, résistant, fibreux, pleine activité génitale (testicules 40 gr. 75) — début de tuberculose qui a peut-être déjà envahi les centres nerveux. La faiblesse des poids n'est pas douteuse non plus que sa cause ; de là vient une moindre réduction relative des organes digestifs. Il est en eiïet visible que, dans — c est P qui est trop faible et qui donne au rapport une valeur trop grande. C'est la cause même que j'ai invoquée dès le début et que je répète. Si la réduction ne suit pas pour finir la marche indiquée par son commencement, c'est que le poids ne croît plus assez, tantôt brutalement comme dans les cas de maladies avérées, tantôt insidieusement par l'auto-intoxication du régime qui montre par ailleurs tant d'autres manifestations Les indications convenablement critiquées de ces vingt-deux animaux nous conduisent donc toutes au même terme ; elles sont aussi instructives et même plus que celles d'une adaptation qui se fût poursuivie sans arrêt. Les autres animaux observés VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 221 sont morts ou trop jeunes, ou trop manifestement malades pour qu'il soit utile de mettre leurs organes en parallèle avee les autres. CHAPITRE VI VARIATIONS DU CŒUR, DU SANG ET DES GLOBULES SANGUINS Sommaire. — Les variations du cœur et de la quantité de sang sont peu appréciables. — Courbes de ces variations. — Numération de globules dans une génération granivore et une Carnivore. — Variations de ces nombres au cours de la vie. — Construction de courbes comparatives pour les mâles. — Les mêmes courbes pour les femelles groupées en deux races. — Courbes rythmiques à deux dépressions. — Etude du rapport de ce phé- nomène avec l'activité génitale. — Le régime carné combat efficacement l'anémie résul- tant de la dépense génitale mâle. — Comparaison du rythme de l'anémie et du rythme de la ponte. — L'anémie correspond à la préparation des œufs et non à leur émission. — Le régime carné tend à. rendre les deux phénomènes contemporains, c'est-à-dire à accélérer la ponte. Le cœur étant un des organes sur lesquels le dimorphisme sexuel s'accuse avec le plus d'importance et la quantité de sang étant dans le même cas, il est absolument nécessaire de n'instituer à leur égard de comparaisons que dans des couples successifs, pour chacun desquels on prend la moyenne des valeurs chez le mâle et chez la femelle. La quantité de sang a été évaluée de la façon suivante : les animaux ont toujours été sacrifiés par saignée pratiquée eu sectionnant, suivant l'usage banal, les veines du palais et de l'arrière-bouche ; le sang était recueilli dans une capsule de por- celaine de poids connu et pesé aussitôt. Le cœur était pesé seul, c'est-à-dire débarrassé des gros troncs artériels et veineux, coupés dès leur naissance, ainsi que de la graisse qui s'accumule facilement dans le sillon entre les oreil- lettes et les ventricules. Les résultats de ces diverses mesures rapportées à cent grammes de poids total avant la mue sont rassemblés ci-dessous : 222 F. HOUSSAY GÉNÉBATIONS SANG CŒUR Po 3,59 0,43 P, 3,90 0,46 P, 3,63 0,42 P, 3,87 0,37 Pj 4,31 0,43 P, 4,31 0,40 La courbe exprimant cette variation est construite de la façon suivante. Le temps est porté en abscisses en comptant 25 '"^ pour la durée d'une génération et, sur les ordonnées, on compte 1 '"/ -pshv décigramme de sang pour cent grammes de poids total et 1 % par centigramme de cœur dans les mêmes conditions. La variation de ce dernier organe est donc figurée par une échelle verticale dix fois plus grande que celle du sang, dans le seul but pratique de rendre les deux variations également visibles. \ (K> - «• - S -1*0 :: 1 — -1 — ■ — . -'<sr^=^' iC 30 - îo - 10 - 0 p r 0 R P. P3 P. p. FlG. 26. Courbes de la variation du sang et. du cœur dans les f^énérations successives. Rapports du poids à 100 gr. du poids total. L'examen des courbes montre qu'il n'y a aucun changement dont on puisse faire état avec certitude. Si même on observe que les derniers rapports devraient être un peu baissés, comme je l'ai longuement expliqué précédemment, on trouve que la quantité de sang est demeurée tout à fait constante, tandis que le poids du cœur a subi une petite baisse ; celle-ci est bien nette mais trop faible pour que l'on puisse y attacher une grande importance. VARIATIONS EXPERIMENTALES 223 Après avoir enregistré cette constance qui n'est pas sans intérêt, il faut, à l'égard du sang, relever d'autres observations qui sont fort curieuses. Pendant les deux premières générations, j'ai effectué, environ chaque quinzaine, un comptage de globules sur une goutte de sang, prise par piqûre à la crête des animaux. Voici d'abord les données numériques relevées avec le compte-globules Malassez ; elles s'entendent par centimètre cube de sang à la condition d'ajouter quatre zéros à la droite de chacun des nombres ins- crits dans les colonnes de notre tableau. DATES 31 déc. 1900 7 janvier 1901 14 — 21 — 28 — 4 février 11 — 18 — 25 — 4 Mars 18 — 1" avril 15 — 29 — 15 mai 3 juin 8 juillet 2 septembre 26 — 2 novembre Totaux . Moyennes . . Jours de vie 160 167 174 181 188 195 202 209 216 223 237 251 265 279 295 314 349 405 429 465 coq 304 226 342 441 370 327 389 399 334 280 352 264 289 349 304 299 160 247 342 250 183 151 3.466.666 2.586.666 111,1 349 242 163 287 306 265 217 218 couve 218 382 251 II coq 205 265 245 289 325 333 287 350 402 365 433 323 421 4.243 296 352 314 283 265 240 210 168 287 178 249 230 304 301 204 252 204 170 216 294 276 213 328 178 319 2.506.923 Tout d'abord, si l'on se borne à considérer les totaux et les moyennes, ces dernières obtenues en divisant chaque total par le nombre des opérations qui l'ont fourni, on remarque que les animaux nourris au grain ont tous régTiIièrement un sang plus riche en globules que les animaux nourris à la viande, à la con- dition seule de comparer entre eux les mâles et entre elles les 224 F. HOUSSAY femelles. Ce résultat est de quelque intérêt, mais il est difficile de s'en contenter. Le nombre des globules sanguins est, en effet, bien loin d'être une donnée constante pour chaque animal dans le cours d'une vie ; il peut même varier plus que du simple au double, si l'on considère les nombres extrêmes. Chaque animal subit une alter- nance d'anémies et d'hyperhémies relatives. Les oscillations que nous apercevons sont-elles dues au hasard, c'est-à-dire à des causes complexes qui doivent nous demeurer inconnues, ou bien suivent-elles un rythme commun avec quelqu'une des grandes manifestations physiologiques de l'état adulte ? — avec la ponte, notamment, qui, elle aussi, subit des fluctuations. Pour le savoir, j'ai construit les courbes des variations dans le nombre des globules sanguins. ^^° 3S0 4ç, Fia. 27. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d'une année de vie chez deux coqs, l'un granivore, l'autre Carnivore. Je prends pour abscisses les temps à raison de 1 X pour deux jours de vie et pour ordonnées le nombre des globules VARIATIONS EXPERIMENTALES 225 (sans les quatre zéros) à raison dt^ 1 "„; pour quatre unités, par exemple une ordonnée de 60 % correspond au nombre 240 pour les globules ou à 2.400.000 globules par centimètre cube de sang. ISo ^^0 ^^° FiG. 28. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d'une année de vie. chez deux poules, groupées d'après les qualités de race ; ce groupe contenant un animal granivore II lo et un Carnivore IIli. En construisant ces courbes on fait de suite plusieurs remar- ques : lo — D'abord il y a des oscillations de détail et des oscilla- tions d'ensemble. Pour conserver les unes et les autres, toutes les courbes comprennent des traits pleins joignant directement les divers points obtenus, puis des traits interrompus qui réu- nissent, en suivant la continuité, les minima et les maxima des tracés précédents. Chaque courbe fournit deux de ces lignes en traits interrompus ; elles enferment une surface plane qui a été couverte de hachures horizontales s'il s'agit d'un animal Carnivore, verticales s'il s'agit d'un granivore. Les ondulations 226 F. HOUSSAY de la surface représenteut les oscillations générales de l'anémie et de l'hyperhémie. 20 — On s'aperçoit encore que les courbes relatives aux mâles et celles relatives aux femelles ont des allures très diffé- reutey. La figure 27 représente les courbes des deux mâles mises à part. 3 — Parmi les quatre femelles les courbes se groupent deux à deux, non d'après un même régime mais d'après les caractères de race que nous avons signalés dès le début (1). D'oii une figure (fig. 29) pour la variation des globules sanguins chez IIq et II, et une autre pour 111^ et III, (fig. 28). f7o| . î« - hh 4(* - Me !iLC - fSg , .^<jb 5;; 1' K. - nx , 1 1.0. - — ^ . 1 iï» - J« ^ 30%, \ ?6< - 1 1 ' %U /-fl^JjTi. ■: aÛ ii« - - E7 mn-lf| - ''=^=;4 V 1 ')• r— V # ^^ Ko . ' W ^ '4. ■ Il» ■ %<, r.o tu - Ml 4/(. , (.'fi Fig. 29. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d'une année d-^ vie, chez deux poules groupées d'après les qualités de race ; ce groupe contient un animal granivore II o et un Carnivore lli. 40 — Enfin, ces courbes, malgré leurs dissemblances de détail, offrent toutes le caractère commun d'être des courbes à deux vallées, c'est-à-dire qu'elles présentent deux minima m, et w., séparés par un maximum M,. Avant de se creuser en la première vallée m,, elles ont toutes un premier maximum M,,. (1) Voir p. 167. VARIATIONS EXPERIMENTALES 227 Ce n'est pas la première fois que nous voyons ainsi la vie annuelle d'une poule manifester un rythme oscillatoire à deux ondes ; nous l'avons déjà remarqué à propos de l'excrétion des produits azotés solubles ; nous le verrons plus tard pour la ponte. Essayons d'analyser d'un peu près la manifestation qui s'offre actuellement à nous, celle relative à la richesse du sang en hématies et, pour cela, examinons d'abord les courbes des mâles. Elles sont aussi à deux vallées avec deux maxima M^ et M, et deux minima w, et m^. Le premier maximum marque l'ar- rivée en santé à l'état adulte, avant toute activité génitale et il est important de constater que, chez le coq nourri au grain, ce maximum est à la fois plus précoce et plus élevé que pour le coq nourri à la viande. Cependant suivons individuellement chacun des deux ani- maux et commençons par le granivore !„. Les diverses fonctions ayant les unes sur les autres un profond retentissement, nous sommes obligés d'anticiper ici sur la question de la ponte, que nous traiterons plus au long, chapitre VII, p. 233, en donnant les courbes relatives à cette fonction. Le premier maximum Mo a lieu au 209® jour. Or les deux poules qui sont avec le coq I^ ont commencé à pondre : IIo, le 184^ jour et III^ le 247^ jour. La date du maximum en question correspond donc au début de l'activité génitale, époque à par- tir de laquelle l'exercice de la fonction va faire baisser cons- tamment le nombre des globules chez le mâle. Ce nombre atteint un premier minimum m, au 252^ jour, moment auquel le coq féconde pleinement ses deux poules, dont le premier maximum de ponte est le 290® jour. Après cela, l'anémie cesse peu à peu et l'amélioration maxima M, a lieu au 318® jour qui correspond à un répit génital, dû à la mise en incubation d'une des poules (IIIo) et à la baisse homo- logue dans la ponte de l'autre (Ho). Enfin, nouvelle baisse et nouveau minimum au 426® jour cor- respondant au deuxième maximum dans la ponte des deux femelles atteint le 420® jour. 228 F. HOUSSAY Il n'est donc pas douteux que, chez le coq, l'oscillation de l'anémie et de l'hyperliéinie ne suive la suractivité ou le repos génital. Voyons maintenant le deuxième mâle, I,. Sa courbe est aussi à deux vallées ou à deux flexions, mais son allure générale est en remontant tandis que la précédente allait en baissant. Donc, si ce coq Carnivore ressent encore l'anémie de la suractivité génitale, c'est à un moindre degré : le régime carné est plus favorable que le régime des grains pour combattre cette dépres- sion précise. Le régime de la viande paraît supérieur pour réagir contre la fatigue organique, spécialement l'anémie, provenant de la suractivité génitale chez le mâle. Est-il encore vrai que les maxima et les minima même légers de cette courbe ascendante traduisent les variations de la fonc- tion génitale ? Le maximum M^ est au 239^, jour suivant de près l'établis- sement de la ponte chez les femelles (202^ et 218® jours). Un premier minimum m^ assez faible apparaît au 262^ jour quand les deux poules à la fois pondent régulièrement, le maximum de leur ponte étant au 300^ jour. La courbe de globules du coq traverse un nouveau maximum M, le 369^ jour, accusant un répit de la fonction qui coïncide exactement avec le minimum de ponte chez les femelles inscrit le 370^ jour. Enfin un deuxième minimum w,, assez peu marqué d'ailleurs, survient au 440^ jour et tombe dans la seconde reprise de ponte, du 370^ au 470^ jour, avec maximum au 390^ jour. Si nous examinons maintenant les courbes des femelles, groupées deux par deux suivant les affinités de race (fig. 28 et 29), nous y constatons d'abord, en tous cas, les deux vallées comme nous l'avons déjà dit. Nous pouvons voir en plus dans chaque groupe que le régime carné repousse dans le temps les points w, et M, et avance m, ; autrement dit, il concentre les phénomènes dans une plus brève durée. Mais quel rapport tout cela peut-il avoir avec la ponte i J'ai eu les plus grandes difficultés pour trouver une relation quel- VARÎATÎONS EXPÉRIMENTALES 22^ conque et je finissais par croire qu'il n'y en avait aucune, quand j'ai enfin reconnu dans les phénomènes une certaine sériation qu'il est intéressant de signaler. Les courbes de ponte que je donne au chapitre VII sont faites avec les moyennes de toutes les poules vivant avec un même coq ; j'ai dii construire des courbes individuelles pour les quatre femelles étudiées ici, puisque j'avais des courbes individuelles pour la variation des globules. Ces courbes individuelles de ponte ressemblent fort aux courbes moyennes, aussi n'est-il pas utile de les reproduire ; prenons simplement note de leurs points remarquables. FEMELLES IIIo IIIl II„ II, DEBUT DE LA PONTE 250e jour 210e — 190e — 220e — MAXIMUM 290" jour sio*- — 290e — 305e — MINIMUM (Incubât.) 370e jovu- 360e — 380e — 360e _ MAXIMUM 420e jour 390e — 420e — 390e — FIN DE LA PONTE 480e jour 470e — 480e — 470e — Pour comparer entre elles les courbes de pontes et les courbes de globules, il faut simplifier les données trop abondantes du problème et retenir seulement qu'il s'agit de deux phénomènes oscillatoires dont nous voulons confronter les rythmes. A cet effet il convient de conserver rigoureusement les rythmes, c'est- à-dire de pointer exactement en abscisses les temps auxquels surviennent les divers maxima et minima dans les deux cas. Mais il n'est aucunement utile de conserver les amplitudes des oscillations, puisqu'il s'agit de deux phénomènes différents, la ponte et le nombre de globules, qui ne sont pas comparables en gi'andeur. Nous simplifierons singulièrement les tracés et les rendrons plus lisibles en adoptant une amplitude constante, c'est-à-dire en mettant, pour chaque poule, tous les minima de ponte ou de globules sur une même ligne horizontale et tous les maxima de ponte et de globules sur une autre ligne. Cela fait, nous joindrons entre eux les maxima et les minima de ponte et entre eux les maxima et les minima de globules. Nous aurons 230 F. HOUSSAY !5o 3To iSo II, 5So FiQ. 30. Comparaison chez quatre poules, deux granivores et deux carnivores, des rythmes de la ponte — et de l'anémie VARIATIONS EXPERIMENTALES ^31 alors deux coiirbes dont les rythmes oscillatoires seront faciles à confronter. La figure 30 représente ces diverses opérations graphiques faites successivement sur les quatre femelles ; les courbes en traits pleins figurent les oscillations de la ponte, les courbes en traits interrompus, celles de la richesse du sang en hématies. Il faut, en premier lieu, remarquer sur la série qui va de haut en bas dans notre dessin, que les deux courbes sont d'abord successives, c'est-à-dire représentent des oscillations semblables qui se suivent dans le temps ; puis que, par recul de la courbe des globules dans le temps, équivalant à un déplacement vers la droite, en même temps que par avancement de la ponte et par déplacement de sa courbe vers la gauche, les deux tracés finissent par empiéter l'un sur l'autre, de telle sorte qu'enfin les minima d'une courbe correspondent aux maxima de l'autre. Si Ton considère comme expression de la ponte l'émission des œufs, phénomène que nous avons suivi et mesuré, les rap- ports de l'anémie et de la ponte semblent d'après ces courbes incertains et contradictoires. La contradiction disparaîtrait si l'on cherchait une concordance entre la richesse en globules et la préparation des œufs, large diiïérenciation qui représente pour l'organisme le vrai travail, l'expulsion de l'œuf n'étant plus que la terminaison plus ou moins prompte d'un événement alors accompli dans son principal. Un fait de connaissance banale nous dirige vers cette inter- prétation. Les aviculteurs et les fermières savent qu'une poule annonce sa ponte, plus ou moins prochaine, par la rougeur des ouïes et de la crête ; c'est l'hyperglobulie qui se traduit par notre maximum M„. Dans la race à laquelle appartient III,, cette rougeur prémonitrice précède de beaucoup l'émission du premier œuf, elle le précède de 85 jours, c'est-à-dire de près de trois mois. Dans la race de II, (issue de Houdan) la rougeur et le début de la ponte sont des phénomènes presque contemporains ; cette race est considérée comme bonne pondeuse. Observons même que pour III^, une deuxième rougeur, presque contem- â3^ F. HOUSSAY poraine du premier œuf, a le temps de se manifester ; c'est elle qui passe banalement pour prémonitrice du premier œuf, elle correspond en réalité à la préparation de la seconde ponte pendant que s'effectue la première. Si maintenant nous envisageons l'hypothèse que l'hyper- globulie, phénomène important, correspond en tous cas au début du travail de la différenciation des œufs et l'anémie consécutive à la réalisation de ce travail organique, nous serons conduits à penser que dans le type Ho il y a émission sans retard, au fur et à mesure de la différenciation, c'est en cela que con- siste le fait d'être bonne pondeuse, tandis que dans le type IHo il y a une sorte de mise en charge dans l'ovaire, une différen- ciation étendue avant le départ du premier œuf. Chaque section de ponte ascendante reflète une différencia- tion, antérieure ou contemporaine, avec section descendante dans la courbe des globules. Le régime de la viande a pour effet, dans chaque race, de rapprocher dans le temps les deux sections correspondantes, de rendre contemporain ce qui était suc- cessif, de réduire la mise en charge, d'activer en un mot la fabrication des albuminoïdes et de supprimer pour ces sub- stances une longue élaboration avec production de réserves durables. Il est, semble-t-il, fort intéressant de suivre ainsi le retentis- sement profond du changement de régime sur toutes les fonc- tions ; on en retire cette conséquence de la dépendance étroite, intime, de l'organisme et du monde ambiant. Et la modifica- tion dans le travail ovarien ne peut être évidemment sans atteindre aussi le résultat même de ce travail, c'est-à-dire la substance de l'œuf. CHAPITRE VII VARIATIONS DE LA PONTE Sommaire. — Importance de la ponte comme fait biologique. — Variations clans le nombre et dans le poids des œufs. — Grand accroissement suivi de baisse. — Œufs à deux jaunes, œufs sans coquille. — Accroissement de leur fréquence. — Poules mangeuses d'œufs. — Développement progressif de l'instinct germicide. — Vitesse de ponte à chaque généra- tion. — Distinction de deux pontes successives chez les poules. — Le régime carné accroît la seconde ponte. — Variations dans l'importance des mues. — Parallélisme avec la variation hépatique et rénale. La ponte, fort abondante chez les Gallinacés sauvages, est devenue, chez la poule domestique, tellement considérable qu'elle représente une fabrication d'albuminoïdes de trois à six fois plus importante que celle à laquelle l'animal doit pour- voir pour la construction de son propre corps. C'est donc une fonction capitale dont l'étude détaillée s'im- pose. J'ai pris soin de faire recueillir tous les œufs pondus et de les faire peser le jour même de la ponte ; l'œuf, en effet, subit ensuite et sans doute par évaporation une perte de poids qui peut aller jusqu'à plusieurs grammes. Les oeufs pondus ont été ainsi presque tous directement pesés. Pour quelques-uns, cependant, cela n'a pas été possible, soit parce qu'ils étaient pondus sans coquille, soit parce que, malgré les précautions prises, ils étaient mangés par les poules. On verra à l'appendice le décompte exact de ces cas ; j'ai attribué à chacun des œufs écrasés ou mangés et reconnu à ses débris, le poids moyen de l'œuf à la génération courante, cal- culé à la fin de la saison. L'erreur, s'il peut en résulter de ce fait, est parfaitement insignifiante. Je réunis en tableaux les nombres et les poids d'œufs pro- duits en distinguant les descendantes des deux premières poules mises en expérience. ABCH. DE ZOOb. EXP. ET GÈS. — 4° SÉHIE T. VI. (v). I7 234 F. HOUSSAY NOMBRE NOMBRE POIDS POIDS POIDS POULES DES ŒUFS I)ar MOYEN des DE LA PONTE MOYEN DE MOYEN POULE ŒUFS PAR POULE LA PONTE DE l'œuf IIo 127 127 6k. 671 6 k. 671 52 gr. 5 II, 176 176 10 195 10 195 57 9 II. 163 10 529 IV., 164 163.5 9 965 10 247 62 5 II.. (1) 139 7 616 III3 151 146 9 614 8 615 59 4 Le second tableau est relatif à la descendance de III,,, moins bonne pondeuse, mais dont la race s'est perpétuée plus long- temps. POULES NOMBRE DES ŒUFS POIDS DES ŒUFS POIDS MOYEN DE l'œuf IIIo (2) 67 4 k . 049 60 gr. 4 III, 121 7 154 59 1 VII, 174 10 270 59 » VIII, 145 8 048 55 5 V4 122 8 432 69 1 I5 96 6 101 63 5 L'examen de ces tableaux fait voir que dans tous les cas le changement de régime a beaucoup augmenté la production des œufs tant pour le nombre de ceux-ci que pour le poids pro- duit. Il s'agit, je le répète, de poules dans leur première année et les nombres d'œufs pondus sont, dans ces conditions, très élevés. A la vérité, cet accroissement ne continue pas longtemps avec la même vitesse. Pour la série II„ une décroissance se mani- feste dès la seconde génération Carnivore et pour la série IIIo dès la troisième. Le résultat total reste toujours supérieur à celui que produisent les poules granivores, mais la prolongation du régime n'amène pas une amélioration indéfiniment pour- suivie, au contraire, il y a un maximum vite atteint. (1) La poule 11^ a couvé. (2) La poule IIIo a couvé. Variations expérimentales 235 Les deux courbes ci-jointes rendent sensible la marche du phénomène. Po P. Pi Pi P^ Ps FiG. 31. Variations en nombre et en poids des œufs produits dans les générations successives. On conçoit que cette indication présente un intérêt pratique considérable et, dès leur publication, mes premiers résultats furent mentionnés et commentés par tous les journaux agri- coles. J'avais fait notamment remarquer que le goût des œufs ne semblait pas modifié d'une façon sensible non plus que celui de la chair des animaux en expérience. Il en serait tout autre- ment, paraît-il, relativement à la chair et aux œufs de poules nourries avec les débris d'équarrissage. Cela, je le crois sans peine, eu égard à la toxicité spéciale et bien connue de la viande de cheval, et surtout de vieux cheval, et encore après que les débris ont fermenté un temps plus ou moins long avant d'être absorbés par les poules. Je me suis placé dans le cas tout diffé- rent où mes animaux ont reçu chaque jour des débris de viande de boucherie fraîche et je parle de ce cas seulement. Maintenant, même dans ce cas, s'il est parfaitement juste que les œufs ne m'avaient révélé aucun goût particulier dans les premières générations et jusqu'à la troisième, cela n'était plus exact pour les dernières et l'on percevait un léger goût difficile à définir mais que l'on pourrait traduire x>ar l'expression (( un goût fort ». 236 F. HOUSSAY Le « goût fort » est l'épitliète que l'on appliquerait aussi au fromage, au beurre rance, au gibier, etc., d'une façon générale à tout objet fermenté et riche en toxines. Les œufs auraient donc fini par participer à l'intoxication organique. D'autres preuves en seront données au chapitre suivant. En résumé, la pratique usitée par les aviculteurs de donner aux poules de la poudre de viande pour les faire pondre est parfaitement justifiée ; on pourrait même aller, toute question d'économie à part, jusqu'à les nourrir exclusivement ainsi. Mais il n'y a pas intérêt à continuer le « forçage » plusieurs généra- tions de suite et il vaut mieux prendre comme pondeuses pour les « forcer » des poules dont les mères n'ont pas été « forcées » elles-mêmes. Le poids moyen de l'œuf subit des variations qui sont ins- crites à la dernière colonne des tableaux. Dans tous les cas, il atteint un maximum à l'avant dernière génération, ce qui revient à dire que, lorsque l'œuf a dépassé son maximum, la stérilité survient, puisque, dans ces cas, les œufs ne se développent plus quoique fécondés. Dans les deux cas considérés, le maximum n'a pas été atteint semblablement ; dans le premier cas (série II„) le maximum a été atteint par ascension régulière ; dans le deuxième (série Illg) il s'est produit d'abord une baisse lente suivie d'une brusque ascension. Il arrive parfois, assez rarement il est vrai, que les poules domestiques pondent de gros œufs dont le poids varie entre 75, 90 et même 100 grammes ; on ne sait rien des conditions qui déterminent ces pontes anormales. Exceptionnellement, du moins je Tai constaté une fois, la grosseur de ces œufs n'est due qu'à une surcharge en albumine, mais le plus souvent il y a deux jaunes inclus dans la coquille, parfois même c'est un œuf tout entier avec son jaune, son albumine et sa coquille qui est inclus dans un second. Le fait a été signalé notamment par Barnes, Philippi, Fritsch, Schumacher, Herrick et FÉRÉ. Bécemment la question des œufs à deux jaunes a été traitée VARIATIONS EXPERIMENTALES 237 par G. H. Parker (1), (j[iii (loiine une bibliographie assez étendue du sujet ; je me borne à y renvoyer le lecteur. Je veux seule- ment montrer la façon dont varie la production de ces œufs monstrueux avec la prolongation du régime carné. GÉNÉRATIONS ŒUFS A 2 JAUNES NOMBRE TOTAL DES ŒUFS POURCENTAGE Po 0 194 0 P. 7 297 2,35 P, 0 551 0 P3 9 435 2,06 P4 42 122 34,42 Pn 14 96 14,58 Un autre phénomène relatif à la ponte est la production d'œufs sans coquille. Au cours de notre expérience le phéno- mène a crû constamment, toutes choses égales d'ailleurs et les poules ayant à leur disposition des débris de coquilles, qu'elles avalent volontiers, dans tous les cas et surtout quand la ponte sans coquille faisait son apparition. Voici les nombres obtenus sur ce sujet. ŒUFS NOMBRE TOTAL GÉNÉRATIONS POURCENTAGE SANS COQUILLES DES ŒUFS Po 0 194 0 Pi 2 297 0,67 Pc 0 551 0 P3 3 435 0,68 P4 9 122 7,37 Po 18 96 18,75 J'ai construit deux courbes do la façon suivante : les temps sont portés en abscisses à raison de 25 "^ pour la durée d'une génération, et les pourcentages en ordonnées à raison de 3 % pour 1 %. On voit d'après les courbes que, pour ces phénomènes comme pour beaucoup d'autres, la première génération soumise (1) G. -H. Parker 1906). Double Heus' Eggs {American Natiiraiist, V.>1. XL, n° 469 ; janvier 238 F. HOUSSAY au régime carné accuse une vive réaction qui ne se poursuit pas tout de suite et reprend seulement son cours à la 3^ géné- ration. L'émission exagérée des œufs à deux jaunes et des œufs sans coquille traduit, de son côté, la précipitation de la ponte, la moindre durée des réserves albuminoïdes et la moindre mise en charge dans Tovaire dont j'ai montré l'existence au chapitre précédent. P. P, P. Pb p. FiG. 32. Variation dans le nombre des œufs à 2 jaunes ( ) et des œufs sans coquille (- produits aux générations successives. Dans les exploitations d'aviculture ou dans les fermes, il arrive parfois que des poules se mettent à manger leurs œufs ou ceux des autres et causent ainsi des dégâts considérables. J'ai assisté au développement progressif de cet instinct, que l'on pourrait appeler germicide. Ni les poules granivores, ni les carnivores de première génération ne l'ont jamais montré, il est donc né sans qu'aucune hérédité antérieure puisse être mise en cause. A la seconde génération, la poule VII. commence par casser les œufs de sa compagne VIII, et pas d'abord les siens propres ou du moins pas immédiatement et seulement si on les laisse à VARIATIONS EXPERIMENTALES 239 sa disposition plusieurs heures. Elle attaque au contraire tout de suite ceux de l'autre poule et dès le début de la ponte (février- mars) ; même elle ne tarde pas à montrer plus d'impatience et à piquer à coup de bec le cloaque de sa compagne, dès que celle-ci se baisse pour pondre ; elle la poursuit de ses coups et détermine à la longue au cloaque de VIII, une inflammation qui se propage, arrête la ponte dès le mois de mai, par rétention des œufs et cause la mort, en septembre, d'une tumeur de Toviducte que révèle l'autopsie. Entre temps, la poule VII. se prit à manger ses propres œufs. Puis les deux poules II. et IV., placées dans l'enclos voisin et séparées des précédentes par un grillage, influencées par le fâcheux exemple qu'elles recevaient, se mirent aussi vers le 15 mai au saccage des œufs, bien qu'elles n'y eussent aucune- ment touché jusque là. Aussitôt qu'un œuf était pondu, le coq encourageait les deux poules par ses appels et les invitait à un petit repas de famille. Afin d'éviter ces ravages qui devenaient inquiétants pour la suite de l'expérience, on prenait soin, connaissant approxima- tivement les heures de ponte de chaque poule, de les enfermer à l'avance et une à une dans un petit réduit obscur où elles ne touchaient plus aux œufs pondus. Aux deux générations suivantes, la troisième et la quatrième, on continua cette pratique d'isolement toujours indispensable ; car si l'on arrivait quelque peu en retard, ou si la poule devan- çait l'heure prévue pour sa ponte, on trouvait invariablement l'œuf mangé. La dernière poule, I„ nous montra l'instinct à un degré plus impérieux encore puisqu'elle se mit à manger ses propres œufs seule et dans l'obscurité. Il fallut alors non seule- ment l'isoler dans le réduit obscur, mais encore la museler, ce à quoi on parvint avec un petit bout de tuyau à gaz en caout- chouc, dans lequel on introduisait le bec de la poule et qu'on laissait débordant le bout de celui-ci. La ponte des poules n'est pas un phénomène qui se déroule d'une façon uniforme depuis son début jusqu'à sa terminaison. 240 F. HOUSSAY Tantôt, comme cela est bien connu, il s'accélère et tantôt il se ralentit pour s'arrêter et reprendre. Désirant avoir une mesure de ces variations, j'ai essayé d'évaluer ce qu'on pourrait appeler la vitesse de la ponte. (00 FlG. 3oo ^P 1^-00 33. Vitesse de la ponte à la génération granivore. La ponte étant mesurée par le poids des œufs, la vitesse de la ponte est le poids d'œufs produit dans l'unité de temps. J'ai pris pour unité de temps dix jours. Autrement dit, j'ai divisé le temps total de ponte en tranches de dix jours et j'ai calculé le poids d'œufs produits dans chaque dizaine. Cela était facile, lîuisque j'avais les poids de tous les œufs avec leurs dates. Lorsqu'il y avait plusieurs poules de la même catégorie, je divi- VARIATIONS EXPERIMENTALES 241 sais le poids total de leurs œufs en 10 jours par le nombre de poules, ce qui donnait un résultat moyen. Avec ces nombres, j'ai construit les courbes ci-jointes. Les FiG. 34. Vitesse de la ponte à la première génération Carnivore. abscisses représentent le temps à raison de 5 % pour 10 jours et les ordonnées les poids d'œufs produits en 10 jours à raison de 5 % pour 10 gTammes d'œufs. Les courbes ainsi obtenues ont toutes subi la même réduction photographique. 242 F. HOUSSAY Le tracé originel en traits pleins montre des oscillations de détail et des oscillations d'ensemble ; pour conserver celles-ci rot 700 3oo 372. 400 FiG. 35. Vitesse de la ponte à la seconde génération Carnivore (série p). seulement, j'ai opéré comme en plusieurs autres circonstances, joignant les maxima entre eux et les minima entre eux par des lignes en traits interrompus, qui limitent une surface couverte d'une demi-teinte. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 243 Les divers graphiques présentent, dans leur allure générale, une remarquable uniformité. Ils sont tous à deux sommets sépa- ^00 iOO 300 570 hOO FiG. 36. Vitesse de la ponte à la troisième génération Carnivore (série R). rés l'un de l'autre par un minimum, partout marqué M. Le minimum en question correspond au temps de l'incubation pour les poules qui couvent et se retrouve aussi, au moins comme 244 F. HOUSSAY baisse de ponte, chez les poules qui ne couvent pas. C'est donc FiG. 37. Vitesse de la ponte à la quatrième génération Carnivore. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 245 un point qui fixe un relai fort important dans la vie des femeUes. 60 o Pi", 5'io 5oo_ 41 0 Uoo }("- 3^o 3^0 P-S. 3m Q i2o llfa no 100 za ioo 200 500 J30 400 Fia. 38. Vitesse de la ponte à la cinquième génération carnlvore. UQ F. HOUSSAY Chez les oiseaux sauvages, le temps de l'incubation marque ordinairement la fin de la ponte. Dans des années exception- nelles, au moins dans nos pays, certains oiseaux font une seconde ponte et une seconde couvée. C'est cette disposition exception- nelle qui a été développée par la domestication, avec le moindre exercice et la meilleure alimentation qu'elle comporte. La ponte des poules domestiques est, en effet, composée de deux pontes séparées par une incubation, ou tout au moins par une baisse qui la rappelle et la seconde, d'abord rare, a été développée jusqu'à devenir normale. Il est fort curieux de constater, en accord tout à fait avec cette évolution supposée, que notre surnutrition expérimentale a encore développé la seconde ponte plus qu'elle ne l'était déjà et l'a même rendue, à la 5^ génération, plus importante que la première, comme durée et comme poids. Au point de vue de la durée, on peut se rendre compte, rien qu'en considérant les croquis successifs, que le minimum M se déplace de plus en plus vers la gauche, aussi bien sur les courbes de la race p que sur celles de la race a, mises à part et cependant reproduites pour montrer une incubation de plus en concor- dance avec le minimum considéré. Si l'on veut une précision supplémentaire, il faut noter exacte- ment les poids d'œufs produits pendant les deux périodes en question à chaque génération et le tableau suivant donne ces ndications rapportées en tout cas à une poule. . SÉRIE a SÉRIE [3 o ce •5 Poids 1- 1 de la loiite Poids de la ■l<^ ponte [la()port de la 'i« |)Oiile au poids total Poids de la onte Poids de la :;i' ]>onte Rapport de la ie ponte au poids total Po 6 k. 122 0 k. 488 0,073 2 k 723 1 k. 326 0,327 p. 6 848 3 347 0,328 5 510 1 644 0,229 P.1 6 649 3 598 0, 351 6 181 4 090 0. 398 V, 5 204 3 911 0. 482 4 759 3 288 0,408 P4 » » 4 249 4 183 0,496 P5 " » 1 823 4 378 0.717 VAIUATIONS ÉXPERtM ENTA LES â47 '2CV La dernière colonne de chaque série nous apprend avec évi- dence que, dans tous les cas. l'importance relative de la seconde foo_ 46o 4 4o Wi-o 4oo 3»o Î60 •(4o ilo ÎOo 2.Ï.C ^60 Z'K. 2.ZO 2.0^ I »o y 60 ^4° _ IZo . lOû t.0 Uo 100 aoo 300 3Ï0 400 \ \ * \ \ \ M \ \ 1 \ \ \ i \ \ / ' M M , 1 ^¥ 1 @ 1 ' 1 1 ' 1 1 1 ' 1 1 1 , 1 1 1 1 1 1 1 FiG. 39. Vitesse de la ponte à la seconde génération Carnivore (série a). SCO ponte, c'est-à-dire son rapport au poids total des œufs, croît constamment. Il semble cependant, sur les dix résultats signalés, qu'une exception se montre dans la génération Pi (série p) où f>48 P. HOUSSAY le rapport en question e.st de 0,229 seulement, indiquant un recul sur le précédent, 0,327, au lieu d'une avance. ^00 3oo 5ijo liOO FiG. 40. Vitesse de la ponte à la troisième génération Carnivore (série a). 5oo L'examen de cette apparente exception nous révèle un fait nouveau de quelque intérêt. Les deux poules granivores mises en expérience à l'origine, différentes par leurs caractères exté- VARIATIONS EXPERIMEiNTALËS 249 rieurs, comme nous Favons dit, différaient aussi pour la ponte. La race a (issue de Houdan) bonne pondeuse et mauvaise cou- veuse a normalement une seconde ponte très faible et une pre- mière très forte. La première s'accroît à peine par le nouveau régime, comme si l'élevage antérieur, sélection ou nourriture, avait déjà saturé la race à ce point de vue. C'est la seconde ponte seuh^ qui tout de suite se met à croître beaucoup. La race [3, au contraire, restée assez plastique comme son évolution l'a prouvé, pouvait supporter un accroissement de sa première ponte. C'est d'abord ce qui s'est produit, la seconde ])oiite croissaiil peu ; d'où la faiblesse signalée du rapport 0,229. Puis, la première ponte ayant atteint à peu près le maximum qu'elle pouvait, la deuxième s'est mise à croître régulièrement jusqu'à la fin. Le phénomène de la 7nue chez les poules, bien connu des éleveurs, a subi une évolution assez remarquable dans notre expérience. Cet état, consécutif à l'arrêt de la ponte, consiste, comme on le sait, en une perte de plumes avec amaigrissement suivie d'une restauration du plumage et d'un engraissement. Comparativement aux femelles, les mâles éprouvent à un faible degré la mue qui se limite chez eux à la perte des plumes de la queue, sans grande baisse de poids. J'avais remarqué dans les premières générations étudiées un accroissement notable de cette réaction organique chez les femelles ; mais dans les dernières générations je ne voyais plus rien d'aussi marqué. Pour ne pas se borner à une impression qui peut tromper d'une année à l'autre, il faut trouver une quantité mesurable qui traduise l'événement. La baisse de poids pendant la mue offre une semblable mesure, restant com- parable à elle-même à chaque génération. Le tableau suivant est composé avec les nombres relevés sur mes cahiers de pesées, en prenant les moyennes pour les poules de chaque génération. Les deux séries a et p sont séparées comme à l'ordinaire pour être suivies à part. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET ClÉN. — /(' SERIE. T. VI. — (v). lO âsô F. HOUSSAY SÉRIE a SÉRIE p ,o PEUTE RAPl'OHT PERTE RAPPORT c A Al l'OIlJS TOTAL A AU POIDS TOTAL o LA MUE DES FEMELLES LA MIE DES FEMELLES Pu 159 ^V. 11,7 i 224 4^r. 11, (JS Pi 389 .^T. 20,39 228 gr. 11, (>4 p.. 439 ^r. 22,02 295 gr. 15,48 Ps 424 gr. 22,02 431 g-r. 19,21 P4 » )) 471 ^l•. 18,54 P5 » » 140 ^r. 4,UÎ Dans l'une et dans l'autre série on voit une croissance qui s'arrête, pour être même suivie d'une régression si le phénomène dure assez longtemps (série [3). Si l'on considère en particulier la série [i, plus complète, pour la comparer à l'évolution du foie et du rein (1) on constate que les deux catégories varient ensemble, avec un maximum à la 3^ génération Carnivore suivi d'une baisse qui s'accélère. La mue étant en relation indéniable avec la résorption des œufs non pondus, ce rapport est du plus haut intérêt et, sans qu'il soit possible de préciser davantage pour le moment, on y saisit un nouveau moyen d'aborder les phénomènes phagocy- taires de grande extension, qui graduellement nous conduisent jusqu'aux renouvellements organiques par métamorphoses, sur lesquels les études histologiques semblent avoir dit leur dernier mot, provisoirement au moins. 'D Voir p. 187. CHAPITEE VIll FÉCONDITÉ ET SEXUALITÉ OMMAIRE. — Existence et vitalité des spermatozoïdes. — Insuccès croissants des incubations dans les générations successives. — L'intoxication passe du soma au germen- — Accrois- sement progressif des morts précoces. — Leur fréquence exagérée chez les mâles. — Nais- sances masculines excessives. — Réduction de la combativité chez les mâles. — Polyandrie résultant du régime alimentaire. — Dimorphisme sexuel organique. — Sa mesure et sa décroissance. Le nombre des œufs produits n'est aucunement une mesure de la fécondité d'une race ; c'est la possibilité du développement qui importe. Aussi pour intéressante que soit la question de la ponte elle l'est moins, au point de vue biologique, que celle du résultat des incubations. Un premier sujet à mettre tout de suite hors de conteste, c'est la fécondation des femelles par les mâles. Jusqu'à la fin de l'expérience, les mâles ont fourni des coïts fréquents et l'état de leurs testicules et de leur sperme, riche en spermatozoïdes vivants, ne laisse aucun doute que la fécondation, c'est-à-dire la fusion des germes, n'ait été opérée en tous cas. Les échecs croissants dans les développements essayés deman- dent une autre explication qui réside certainement dans l'intoxi- cation prolongée, laquelle passe sans aucun doute du soma au germen, par simple osmose de produits solubles et sans qu'il y ait à chercher la moindre interprétation mystérieuse. Exposons d'abord les faits. Lorsque j'ai publié mes premiers résultats sur ce sujet (1) j'ai présenté un résumé global ; il est plus intéressant de distinguer entre:, les deux races de poules observées puisqu'aussi bien les phénomènes, quoique semblables, offrent une différence dans leur rapidité. Les données sont rassemblées dans le tableau suivant. Toutes les incubations dont il y est fait mention ont été effectuées à l'aide d'une poule couveuse, ta.ntôt l'une de celles qui suivaient (1) C, R. Ac. Se, décembre 1908 252 F. HOUSSAY le régime expérimental et qui manifestait l'instinct d'incuba- tion, plus souvent une poule quelconque achetée à cet eiïet et qu'on mettait au régime carné, pour lui permettre de conduire à la nourriture les jeunes dès qu'ils seraient éclos La race II,„ II,, aussi désignée comme série a s'est éteinte très brusquement. J'ai déjà fait remarquer (1) l'insuffisance dans l'excrétion des produits azotés solubles qui frappe cette race dès la seconde génération Carnivore et s'accroît à la troi- sième, indiquant une insuffisance rénale et faisant préjuger d'une plus forte intoxication par le régime. z SÉRIE ? SÉRIE X DATES (lu (léinil (le rincuhalioM S J <3 o. Q. ©■^ > •o 5 5 c o 5 £ 'ÛÏ' o*— •o . u ■QJ ~ ~ S II o - Q. Pl' 21 juin 1901 6 3 » 3 » 6 0 0 6 100 P:t 2 juin 1902. 6 0 1 0 6 100 6 1 1 0 5 83, 4 Pi 4 mai 1903 8 5 3 0(-') 6 5 1 0( = ) 23 — 7 4 0 3 6 6 0 0 2 juin C 4 0 2 6 5 0 1 17 - 6 5 0 1 6 6 1 0 1" juillet 6 5 1 0 18. 2 10 10 0 0 0.03 33 23 4 6 34 31 2 1 P3 13 mai 1904 7 juin 24 — 12 juillet 13 6 9 8 4 5 6 1 0 0 3 4 3 1 0 2 août 8 6 2 0 18,6 43 29 6 8 Pe 22 mars 1905 24 avril 16 mai 3 juin 27 — 25 juillet 11 11 8 7 10 12 7 8 6 4 7 12 1 3 2 3 0 0 0 1 0 0 15 août 4 4 0 0 6,35 j 63 48 11 4 (1) Voir p. 178 (2) Abandonnés par la poule. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 253 La race III,,, III i (série p) mieux pourvue du côté excréteur, poursuit aussi plus loin sa descendance. La proportion des œufs qui se développent, pour 100 œufs mis eu incubation, décroît néanmoins de la façon suivante : 100 18.2 18,0 , 0,3.5 La régularité du phénomène semble subir une atteinte entre la 3e et la 4^ génération. Mais il faut observer que la première incubation réalisée pour obtenir Pj a subi un accident unique dans l'expérience. La poule couveuse a quitté les œufs pour ne plus les reprendre. Dans ces conditions, on peut et on doit ap- porter une rectification. Les trois développements commencés, appartenant à la première incubation de l'année, auraient cer- tainement, vu les résultats des incubations suivantes de la même génération et de la même série, été conduits à terme sans l'accident précité. Si l'on compte à cette génération trois éclosions de plus, le pourcentage correspondant devient 27,2 et la série régi'essive se change en la suivante : 100 27,2 18,0 ' 0,35 II est tout à fait important de remarquer que, dam une même année, la proportion des succès au nombre total des œufs va en faiblissant de semaine en semaine jusqu'à devenir tout à fait nulle quoi qu'on fasse. Or, à mesure que .s'avance sa vie, l'or- ganisme de la femelle pondeuse est davantage intoxiqué ; les œufs qu'il produit le sont aussi et sont de moins en moins sus- ceptibles de suivi-e une évolution rt^gulière. Phisalix (1) de son côté a obtenu des résultats qui lui ont paru concorder avec les miens. Les œufs du Crapaud et de la Vipère, aussi bien que ceux des Abeilles, contiennent les mêmes substances toxiques que le venin lui-même. D'autre part Char- RiN et Gley (2) avaient antérieurement établi l'hérédité des intoxications morbides. Mes recherches ne laissent pas de doute sur le fait que les intoxications d'origine alimentaire ne puissent (1) C. R. Ac. Se, décembre 1903 et juin 1905. (2) C. R. Ac. Se, 1895. — Archives de Physiologie 1893-1894. 254 F. HOUSSAY aussi entraver l'évolution des œufs et, par suite, passer dans la substance de ceux-ci. HoLMGRÉN (1) dans son expérience sur des pigeons nourris pendant plusieurs années à la viande avait relevé une observa- tion susceptible d'être interijrétée de la même manière ; au reste, il n'en avait tiré aucun parti. Ses pigeons pondirent, couvèrent, mais les petits ne sortirent pas des œufs au bout de 21 jours. GÉNÉRATIONS Nombre d'Eclosions Nombi'e d'Adultes Pourcentage des Adultes Date des morts précoces Sexe des Morts 3« jour. ni:', le. Pa 9 6 66,6 142« — 147« — m.lle. mâle. Eiiosiou. inconnu. Eclosion. inconnu . Pa 11 ô 45:4 Eclosion . 70" jour. 115" — inconnu (2). mâle. femelle. 122" — mâle. 13« jour. mâle Pi 6 2 33,3 149« — 270" — 345e. — mâle mâle, mâle. Eclosion. femelle (3). Eclosion. mâle. Ps 8 2 25 Eclosion. 2" jour. 138" — 157" — mâle, mâle, mâle, mâle. Eclosion. mâle. Ph 4 0 0 Eclosion. mâle. Eclosion . mâle. 17" jour. mâle. Totaux. 38 15 » » 23 (1) F. HOLMGRÉN. — Om Kôttâtande dufvor (Aftnjck ur Upsala Lakdre-j ôrenings Fôrhand- lingar, Upsala, 1872). (2) Ces 3 poulets sont morts accidentellement d'hémorrliagie causée par l'ouverture de la coquille destinée à faciliter leur éclosicn, ouverture qui fut prématurée. (3) Cette femelle est morte accidentellement écrasée par la poule couveuse. VARIATIONS EXPERIMENTALES 255 Non seulement dans notre expérience prolongée les œufs se développent de moins en moins, mais en outre les poulets éclos ont moins de vitalité. Le nombre des animaux qui n'atteignent pas l'état adulte va en croissant et la date des morts prématu- rées est de plus en plus précoce. Le tableau précédent montre la progression du phénomène. De ce tableau résulte que non seulement le nombre des éclo- sions va en diminuant mais encore, sur les éclosions réalisées, le nombre d'adultes décroît constamment suivant la série. 66,6 45,4 33,3 25 0 On a reconnu le sexe de 20 individus sur les 23 qui sont morts prématurément. Sur ces 20 cas, 18 sont des mâles et deux seulement des femelles. Encore, sur les deux femelles, une de celles-ci est morte à l'éclosion d'un accident, écrasée par la . , 2 1 poule couveuse. Conservons néanmoins ce rapport de .-- ou - lo «7 pour nous tenir plutôt au-dessous qu'au-dessus de la vérité. Le rapport en question exprime qu'il meurt prématurément 9 mâles pour une seule femelle. Si les morts prématurées étaient uniquement dues au hasard la mort de deux coqs seulement devrait survenir contre celle d'une femelle ; car de mes 38 animaux éclos j'ai connu au total le sexe de 35, sur lesquels 24 étaient mâles et 11 femelles. Donc, l'ensemble des conditions qui règlent la sexualité mâle comporte une majoration au moins du quadruple sur les déter- minations moyennes de mort prématurée. Chez nos oiseaux carnivores, les mâles sont quatre fois plus fragiles que les femelles. Et, comme en ce cas fragilité ou moindre résistance veut dire intoxication plus grande, les mâles sont des êtres plus intoxiqués que les femelles. C'est d'ailleurs une notion qui tend à se ré- pandre et que nos expériences ont mise en lumière Il est au surplus important de noter que si l'intoxication rend les mâles plus fragiles elle détermine en même temps leur production car, à mesure que l'expérience marche, les nais- -256 F. HOUSSAY sances de mâles angmeutent manifestement. Cela ressort du tableau suivant. GÉNÉRATIONS ÉCLOSIONS MALES FEMELLES INCONNUS p. S) 5 4 U P^ 11 4 4 3 P4 6 5 1 0 P., 8 G 2 0 Ps 4 4 0 0 Nous n'avons pas l'intention de traiter en entier le gros pro- blème de la détermination du sexe que nous rencontrons sur notre chemin, ni de rapporter tout ce qui a été écrit à ce sujet. Les derniers expérimentateurs, E. Yung, Kellog et Bell, étudiant l'action de la quantité d'aliments, Maupas, celle de la température, E. Hertwig, l'effet de la faible ou de la forte maturation des œufs, ont certainement entamé la question, mais il reste à faire de nombreux travaux avant qu'elle soit entièrement résolue. Je me permets d'y apporter une suggestion directement retirée de l'expérience et relative à l'action des toxines, poisons, substances solubles diverses, qu'il est relati- vement facile d'expérimenter et dont l'étude déblaiera le sujet et rendra la solution plus prochaine. En méditant en eft'et sur les données que j'apporte, on arrive à se demander si l'intoxication ne joue pas un très grand rôle dans ces phénomènes et si, par exemple, chez les animaux fixés et parasites, la surnutrition, la faible dépense et l'intoxication résultante des adultes et des germes ne sont pas parmi les rai- sons qui déterminent la pluralité des mâles et l'arrêt ordinaire de leur développement, leur pygméisme. Ces êtres présentent, avec la polyandrie, un renversement du dimorphisme sexuel normal, c'est-à-dire le plus fréquent. Leur cas dépasse Vherma- phroditisme, de l'autre côté duquel on trouverait successivement la monogamie, avec égalité numérique des mâles et des femelles et dimorphisme réduit, puis la polygamie, avec pluralité des femelles et dimorphisme sexuel inverse du premier. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 237 Or, normalement, les Gallinacés pratiquent la polygamie et sont doués du dimorpliisme sexuel correspondant, qui consiste en la supériorité de force musculaire et de taille chez le mâle, en un plumage plus abondant et plus éclatant, une crête plus développée, la possession d'un ergot, etc. Il existe en outre une différence très considérable dans le rapport des organes internes au poids total chez les mâles et chez les femelles, établissant un dimorphisme sexuel organique ; nous traiterons un peu plus loin de ce sujet particulier. Je ne sais si, dans la nature, les mâles gallinacés naissent moins nombreux que les femelles, mais je le crois volontiers, eu tous cas leur nombre est rapidement réduit par les luttes sexuelles. La combativité des mâles est en eiïet l'un des instincts essentiels des animaux à dimorphisme sexuel polygame et, au moins au premier examen, cet instinct paraît vif surtout chez les végétariens : granivores, herbivores, frugivores. Les carni- vores semblent combattre plutôt pour une place ou pour une proie que pour une femelle. Rien n'est paisible comme une assemblée de chiens à la porte d'une chienne en chaleur. Le premier pas dans la marche de la polygamie à la polyan- drie serait donc la réduction de la combativité chez les mâles. Si notre idée est exacte, le régime seul, c'est-à-dire une action du monde ambiant et l'état physique qu'elle détermine doivent y conduire l'animal, malgré la réduction dans le nombre des femelles qui devrait rendre la concurrence plus âpre, si celle-ci était vraiment un facteur initial et non un résultat, si elle était une cause de sélection et non un effet d'évolution antérieurement et autrement déterminé. Or, dans mon expérience, j'ai ^précisément assisté à une in- croyable réduction de la combativité chez les mâles. Au début, les deux mâles mis en expérience avaient l'instinct en question aussi développé que leurs congénères. Je m'en suis assuré par l'expérience suivante faite le 11 avril 1901. I. Le coq Carnivore (I,) est mis dans la cage où le granivore (I,) se trouve avec ses poules. Ce dernier saute instantanément 258 F. HOUSSAY sur l'intrus et lui arrache une poignée de plumes. Le Carnivore se laisse battre, on les sépare. II. L'événement avait été si prompt qu'il ne fallait pas trop rapidement conclure à la lâcheté Carnivore. On remit le coq Carnivore dans la cage du granivore, après avoir, au préalable, lié les pattes de celui-ci. Le Carnivore montra l'instinct de pro- vocation en se dirigeant vers l'auge aux grains et en invitant les femelles à manger ; c'est le prélude de la lutte des mâles. Les poules, dont le repas était fini depuis longtemps et qui ne mangeaient plus, acceptent cependant par politesse et tous les trois mangent avidement. Le coq granivore ne pouvant bouger, on arrête l'épreuve. III. On introduit le coq granivore dans la cage du Carnivore, les deux animaux étant libres, expérience inverse de la première. Le Carnivore ne saute pas immédiatement sur son antagoniste comme celui-ci l'avait fait en circonstance analogue. Le grani- vore avise un morceau de viande et invite les poules à manger ; celles-ci s'approchent. Mais, à cette provocation précise, le coq Carnivore se décide à marcher au combat, saute du perchoir et bondit en face de son agresseur. Une lutte acharnée s'engage, on ne la laisse pas durer mais déjà les crêtes et les joues sont déchirées et le sang ruisselle. — Séparation des combattants, points de suture. Le Carnivore, quoiqu'un peu moins batailleur que l'autre, est donc encore capable de répondre à une provocation nettement exprimée et de soutenir un combat sans faiblir. On pourrait se contenter de dire que son empressement un peu moindre est une simple caractéristique personnelle, une variation individuelle et cette nomenclature, car ce n'est pas autre chose, éviterait de réfléchir à la causalité. Mais la suite de l'expérience montre bien que l'aliment est, pour ces phénomènes, un déterminisme causal et qu'il ne suffit pas, pour les interpréter, d'invoquer des i)ro- priétés intrinsèques ou des qualités de l'animal. Les poulets de 2^ et de 3^ générations conservaient encore l'instinct batailleur et, dès la 3*^ semaine, ils commençaient à VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 259 s'entr'attaquer. Les combats étaient encore assez sérieux puisque l'un des coqs (V.) reçut sur la tête de tels coups de bec qu'il eut les pattes postérieures complètement paralysées pendant 15 jours. Aucune expérience méthodique ne permit de dire si l'instinct, toujours manifeste, était ou non en décroissance. A la 4e génération, sur six éclosions, il y eut cinq coqs et une poule. Un coq mourut très jeune et quatre mâles demeurèrent auprès de l'unique femelle jusqu'au mois de novembre. Ces animaux, âgés de 5 mois, vivaient en paix complète ; des coqs ordinaires se seraient depuis longtemps entre-tués. Un des coqs mourut, trois restèrent et, vers la fin de décembre, ils couraient après la poule, la saisissaient par la crête, prélude des approches sexuelles pour lesquelles ils n'étaient pas encore mûrs. Ils se livraient à ces jeux chacun à leur tour et sans aucun combat. L'époque du coït arrivée, ils se partagèrent la femelle unique, sans que l'excitation génitale augmentât leur combativité. En mars, un second coq fut supprimé. Les deux restant continuèrent à vivre en paix, jusqu'au moment où l'un d'eux prenant l'aspect maladif fut écarté de la reproduction en vue de meilleurs pro- duits. A la génération suivante, restaient en présence après les morts très précoces, 3 coqs et une poule. Ces quatre animaux n'étaient pas de la même couvée. La poule et les coqs II.^ et III5 étaient nés le même jour (3 juin), IV5 était né le 15 juillet. Tout d'abord II3 et III;; vécurent sans trouble avec la femelle jusqu'en octobre, bien que Ilg fût tout à fait faible, ce qui est une raison ordinaire pour être plus battu. On n'osait pas mettre avec eux le coq IV5 beaucoup plus petit. En août cependant, comme il prenait de la taille, on se risqua à l'introduire dans la cage des autres, qui le houspillèrent de concert avec la poule. La participation de celle-ci me fit croire qu'ils le battaient moins comme mâle que comme étranger ve- nant prendre sa part des repas. En octobre, je fis renouveler l'expérience, elle eut le même résultat. Alors je tentai de faire entrer les deux grands coqs et 260 F. HOUSSAY la poule dans la cage du petit, renversant les rapports de pro- priété. Le petit coq IV, très craintif fuyait partout et se cachait ; mais les autres ne le poursuivaient pas. Ils s'habituèrent rapi- dement ensemble et firent un bon consortium polyandrique jusqu'à fin novembre où deux coqs furent sacrifiés pour maladie. Le dimorphisme sexuel, atteint si fortement dans les instincts, ne paraissait pas l'être sensiblement dans les caractères sexuels secondaires : crête, ergots, plumage. Cependant la dernière poule 1. prit dans le cours de son année de vie un ergot très accentué. Le fait n'est pas absolument rare chez de vieilles poules, mais en ce cas il s'agit d'une poule très jeune, dans sa première année. Le dimorphisme sexuel organique, au contraire, a beaucoup varié. Afin d'évaluer par des nombres le dimorphisme pour un organe donné, je calcule d'abord le rapport du poids de cet organe à 100 grammes de poids actif chez les femelles et j'elïectue la même opération chez les mâles, à chaque génération, en pre- nant la moyenne des femelles et la moyenne des mâles quand il y a plusieurs animaux du même sexe. Cela fait, je divise le nombre relatif à l'organe chez les femelles par le nombre relatif au même organe chez les mâles ; j'obtiens ainsi un nouveau rapport qui traduit le dimorphisme sexuel. Le rapport est supé- rieur à l'unité pour les organes qui sont plus importants chez les femelles, inférieur à l'unité pour les organes qui sont plus importants dans le sexe mâle. D'une façon générale les organes se rangent de la façon sui- vante : . Organes supérieurs chez les femelles Organes supérieurs chez les mâles Intestin. Cœur. Gésier. Poumon. Caecum. Muscles. Pancréas. Foie- Rate. Mais la valeur du rapport de dimorphisme sexuel organique subit des variations assez grandes suivant les générations. J'ai VARIATIONS EXPEUIMENTALRS 261 fait les calculs en distinguant entre les deux séries a et [3 et voici les résultats obtenus. RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIOUE (Série ^) (GENERATIONS Intestin . Gésier . . Caecum . Pancréas Foie . . . . Eein . . . . Rate Cœur . . . Poumon Po P. 1, 14 1, 40 1, 12 2, 74 1,05 1,46 0,95 2,45 1, 40 1, 60 0,80 1, 59 0, 80 1,33 0,60 1,01 0,79 0,98 1, 35 1, 65 1, 61 1,43 1,25 1, 90 1,27 0,92 0, 76 1.26 1,05 1,09 0,91 1, 14 1. 13 1,41 0,88 0,96 1, 44 1,56 1,53 1, 15 1, 31 1, 53 1,26 0, 93 I 0, 87 0, 66 I 0, 63 Ps 1, 52 1,01 1, 30 1,53 1,42 1, 30 1, 60 •r-- :. -\, "~ V Os \ •# Po FiG. 41. Courbes de la variation du dimorpliisme sexuel organique aux diverses génération? (série R) Ra, rate ; P, pancréas;; /, intestin ; F. foie ; R, rein; C, cœcum ; 0, gésier; C'œ,.cœur, Po, poumons. 4^^' "X •'--'iF ^^ :-<-' ^^R.c * tr y^ ,' G u _ _ "- \ ----Je* 1 Po ! a :Pr 26â F. HOltSSAY Un second tableau groupe les mêmes données relatives à la série a, mais s'étend seulement sur quatre générations par suite de l'extinction plus précoce de la race. RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIQUE {Série a) GÉNÉRATIONS Po Pi P. P3 Intestin 1,76 1,26 1,56 1, 35 2, 12 1,33 0,90 0,82 )) 1,32 1,45 1,79 1,91 1,80 2,01 1,08 1,01 )) 1, 64 1,55 1,46 1, 18 1,71 2,25 1,41 0,79 1,02 1, 68 Gésier 1,86 Csecum 1,58 Pancréas 0,91 Foie 0, 86 Kein Rate 0,80 2 Cœur 0, 73 Poumon 0, 48 p. : Ps Fia. 42. Courbes de la variation du dimorpliisme sexuel organique aux diverses générations (série a). Mêmes lettres que flg. 41. Avec ces nombres j'ai tracé deux séries de courbes en prenant pour abscisses les temps à raison de 25 % pour la durée d'une VARIATIONS EXPERIMENTALES 263 génération et pour ordonnées les valeurs du rapport de dimor- phisnie à raison de 1 % pour un changement de 0,01 dans la valeur du rapport. Aussi les valeurs 1,50 et 1,60 sont séparées par 10 ";^ en hauteur ; 1,48 et 1,50, par 2 %, etc. L'axe horizontal, tracé à la valeur du rapport égal à l'unité, représente un dimorphisme nul ; les organes comparés étant égaux puisque leur rapport est 1. Les courbes, ayant subi la même réduction photographique, montrent de curieuses variations, différentes dans la race qui s'éteint vite et dans celle qui persiste davantage. Pour bien comprendre dans son détail la signification des deux courbes, il faudrait une étude particulière et approfondie de ce sujet spécial et sans doute mériterait-elle d'être faite. Nous allons pour le moment nous contenter de quelques indications générales. Au début, la race a, meilleure pondeuse, a un dimorphisme sexuel organique plus accentué que la race p. Dans cette race a, le rein seul et le pancréas manifestent un accroissement du di- morphisme dès que le régime change ; mais l'accroissement ne persiste pas et est suivi d'une régression rapide qui amène, à la 3e génération, l'inversion du rapport, à laquelle arrive aussi un autre organe essentiel : le foie. Le dimoi-phisme de la rate aug- mente de plus en plus, ce qui est sans doute un symptôme d'in- toxication chez les femelles, à foie et à rein insuffisants pour leur sexe. Pour la race p, le changement de régime accroît brusquement le dimorphisme de tous les organes à supériorité femelle ; mais bientôt le dimorphisme baisse pour atteindre un fort minimum à la 3e génération, où toutes les courbes se resserrent autour de l'axe 1. Dans l'évolution de nos animaux, là est le point critique que nous avons signalé partout. Une seule femelle laisse des descen- dants et le petit relèvement des dimorphismes à la génération P^ est un jeu de sélection. Son effet, d'ailleurs, ne dure pas et dès la génération suivante toutes les courbes se réinclinent plus ou moins vers l'axe d'unité à dimorphisme nul. 264 K. IlOnsSAY Il est encore à observer que, dans cette race, la courbe qui figure le diniorpliisme de la rate a des pointeinents inverses de ceux des autres organes, notamment de ceux des reins et du foie ; les courbes oscillent en sens contraire, montrant en quelque sorte la suppléance tentée par la rate pour réagir à l'intoxication quand le foie et le rein faiblissent chez les femelles ou Tengor- gement (qu'elle subit de ce chef. Au résumé, la réduction du dimorphisme st^vuel (pie faisait soupçonner la perte de l'instinct de combativité chez les mâles est une réalité profonde et organique et la réduction est consé- cutive à un changement de régime alimentaire. CHAPITEE IX VARIATIONS DU BEC ET DES ONGLES Sommaire. — Adaptations du bec et des ongles chez les Rapaces. — Interprétations de ces phénomènes. — Accroissement des ongles et balafres (jue subissent les poules dans le coït. — Données sur l'accroissement manifeste du bec et des ongles. — Adaptations de non-granivores plutôt que de carnivores. L'ensemble des recherches précédemment exposées permet de conclure que l'évolution d'un oiseau granivore en oiseau Carni- vore consiste surtout dans une adaptation digestive, hépatique et rénale. Cependant ce ne sont pas les adaptations qui ont été remar- quées de prime abord et l'on a vu plutôt le caractère distinctif des oiseaux carnivores dans la forme spéciale de leur bec recourbé, à mâchoire supérieure débordant de beaucoup l'inférieure et dans leurs ongles très développés, incurvés, tranchants, auxquels on applique le nom spécial de serres. Ces dispositions anatomiques sont diversement comprises par les zoologistes. Pour les uns, bien que cette opinion perde chaque jour du terrain, le bec tranchant et les serres rapaces sont les caractères primordiaux et nécessaires, les propriétés d'avance dévolues aux oiseaux qui doivent se nourrir de chair, a-fin qu'ils VARIATIONS EXPERIMENTALES 265 puissent saisir et retenir leurs proies aussi bieu que les dépecer après capture. Pour les autres, ces qualités de forme, étant avantageuses dans la capture et le dépeçage des proies, ont dii se développer et se fixer par la sélection, pour peu que certains individus aient bien voulu, par hasard, en montrer le début. Pour d'autres enfin, l'usage de saisir et de déchirer une proie, réalisé d'abord péniblement avec un bec et des ongles quel- conques, a peu à peu acéré les organes préhenseurs par le résultat seul des tractions et des compressions qu'ils supportaient — d'une façon que d'ailleurs il faudrait bien préciser un peu plus. Je dois avouer que j'ai d'abord été victime de cette dernière manière de voir. Malgré qu'HoLMGRÉN eût déjà dit que, chez ses pigeons nourris plusieurs années à la viande, le bec se trans- formait par débordement de la mâchoire supérieure sur l'infé- rieure, je n'attendais rien de pareil. Car je donnais à mes poules des morceaux de viande tout coupés ; elles se contentaient de les déglutir sans les déchirer, et je ne voyais pas comment une semblable manière de faire pouvait modifier les ongles et le bec. vJ'étais abusé par l'aphorisme « La fonction crée l'organe ». S'il est bien vrai que toujours c'est une fonction, ou une manière de se comporter, qui a fait un organe, ce n'est pas toujours la fonction qu'il exerce aujourd'hui sous nos yeux. Et, si l'on examine seulement un rapport actuel d'organe et de fonction, il se peut très bien que la forme de l'organe, antérieurement et pour d'autres raisons acquises, ait fait surgir la fonction d'au- jourd'hui. Lucrèce (1) déjà avait exprimé cette maxime d'anatomie comparée, Dohrn a tiré grand parti de la notion fort analogue des « changements de fonction » et nous allons en faire l'appli- cation au bec et aux serres des oiseaux de proie. Mal engagé, comme je l'ai dit, par une fausse interprétation. (1) De Natura rerum, IV, 832. Nil ideo quoniam natum est incorpore, ut uti Possemus ; sed, quod natum est, id procréât usum. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4* SEHIE. T. VI. — (v). IÇ) â66 F. HOUSSAY je u'ai pas dès le début recueilli autant de matériaux que je l'aurais pu. Ceux que je possède constituent cependant une série très démonstrative. Je ne tardai pas à m'apercevoir, dès la seconde génération Carnivore, que les ongles de mes animaux devenaient plus tran- chants parce que, pendant les coïts, les poules avaient le dos déchiré par de longues et profondes balafres. Ces blessures de- vinrent si importantes qu'il fut impossible de laisser les femelles sans protection à la disposition des mâles. On fut obligé de leur placer sur le dos un tampon de coton bien assujetti par une large bande de toile, cousue autour du corps. Elles s'en accom- modaient fort bien, ainsi que les coqs. Si même, chez les Rapaces, les femelles sont saisies de la même manière que chez les Galli- nacés, les coïts, moins renouvelés et pendant moins longtemps que sur les poules domestiques, où ils durent 8 mois par an, n'offrent pas les mêmes inconvénients. Cela me porta à examiner aussi les becs. D'une année à l'autre, je ne distinguais pas de changement appréciable. Mais le rap- prochement des mesures scrupuleusement prises laisse voir une véritable transformation. Le tableau suivant donne quelques mesures relatives à ces organes. GENERATIONS Poule ordinaire. ^- ( VI2 . . . . DEBOUUEMENT de la mâchoire supérieure à soti extrémité LONGUEUR DES ONGLES Pouce Doit"! médian 3%5 6^' (23) 11 12% 15% P3 I3 » 8 % 21% (I4 P4 II4 (vu..... 4% 5% 5% 13% )) 18% 21% » 20 % P5 III5 .... 1% 19% 20% VARIATIONS EXPERIMENTALES 26*/ Examiuons en premier lieu la question du bec. La façon pro- gressive dont la mâchoire supérieure déborde l'inférieure est très bien suivie jusqu'à la dernière génération, à laquelle le phénomène paraît s'arrêter et même régresser. En vérité, il n'en est rien. Disons d'abord que, par la cessation du régime granivore, le bec ne frappe plus à coups répétés le sol ou tout objet dur, pour y piquer les graines et qu'ainsi il ne s'use plus et s'allonge. Le bord chitineux s'agrandit, s'infléchit et commence à prendre l'aspect tranchant et recourbé que l'on observe sur les oiseaux de proie, chez lesquels justement rien dans ce qu'ils font n'arrête la croissance des bords cornés du bec. Que ce développement puisse ensuite être utile pour mieux saisir et déchirer la proie, c'est possible, en tous cas ce n'est pas sûr et de plus c'est sans conséquence, puisque c'est le dernier terme de l'évolution, déter- miné par tout ce qui précède et ne déterminant plus rien à la suite. Ce n'est pas même au sens rigoureux du mot une adaptation de Carnivore, c'est une adaptation de non granivore et on la trouve nettement chez les Perroquets, plutôt mangeurs de fruits ou de grosses graines qu'alors ils épluchent avec des précautions spé- ciales. Le dernier animal, III-, semble montrer un arrêt dans cette évolution. La vérité est que, chez lui, la mâchoire inférieure a également subi un accroissement marginal de son bord corné, accroissement qui par son extrémité antérieure la met moins en retrait sur la mâchoire supérieure. De plus et surtout elle est élargie par côté et, de ce fait, entre moins facilement et moins profondément sous la supérieure. Le résultat de l'accroissement latéral en question, serait, s'il continuait à durer, un élargisse- ment subséquent de la mâchoire supérieure, dans sa partie osseuse. La mâchoire inférieure, en effet, élargie mais passant toujours dans la supérieure quoique moins bien, distend celle-ci par le seul jeu des muscles, pratique ce que les dentistes appellent un écartement. De telle sorte qu'on observerait en fin de compte non seulement l'aquilinité du bec, déjà manifeste 26g F. HOUSSAY sur les dessins ci-joints (fig. 43), mais encore l'élargissement de celui-ci, ce qui est aussi un caractère des oiseaux de proie. t'iG. 43. Variation du bec chez des coqs carnivores de diverses gônérationâ. VARIATIONS EXPERIMENTALES 269 Voici quelques mesures comparant les dimensions de la mâ- choire inférieure du dernier coq décrit à celles de trois autres. Longueur de la mâchoire inférieure depuis Illr, 28""^ l'insertion des bajoues jusqu'au point antérieur où elle disparaît sous la supé- rieure (li, IL, VIL) 23'"^ Différence 5% Longueur de la mâchoire inférieure depuis III;, 38% la commissure jusqu'au même point en l^ — 35 j avant IL — «^2 > 33 % VU*— 32 ) Différence 5 % Si nous ajoutions ces 5 "l^, trouvés de deux façons, à 1 % de débordement inscrit au tableau, nous trouverions 6 %, ce qui accuserait une nouvelle progression et non pas un retrait. L'appa- rence de celui-ci est dû à la croissance de la mâchoire inférieure. Observons bien que cette mandibule ne s'est pas effective- ment allongée de 5 %, ce qui serait beaucoup trop. Mais, par un moindre enfoncement sous la mâchoire supérieure, son point antérieur de disparition est reporté de 5 "„, en avant. La croissance des ongles a été plus manifeste encore que celle du bec, ou du moins traduite par des nombres plus forts, et encore notre tableau offre une série inférieure à la vérité. Nos mesures en effet sont toujours prises au compas et en droite ligne depuis la pointe de l'ongle jusqu'au milieu de sa base du côté dorsal ; mais en outre de l'allongement s'accuse une cour- bure de plus en plus marquée, dont notre mesure ne tient pas compte. La croissance des ongles est tout aussi explicable que celle du bec. Le premier coq observé, I,, avait 2 pouces (fig. 44) : l'un qui reposait sur le sol avec un ongle de 6 "'^, l'autre qui ne touchait jamais le sol avec un ongle recourbé de 23 "„, longueur qu'aucun autre ongle n'a atteinte. Donc, en ne frottant pas à terre, les ongles s'allongent et se recourbent. Nos animaux, qui ne sont plus granivores, perdent progressivement l'instinct de 270 F. HOUSSAY gratter incessamment, leurs ongles se développent, se recourbent, lils FiQ. 44. Variations des ongles chez des coqs carnivores de diverses généra ions. VARIATIONS EXPERIMENTALES 271 deviennent capables de faire les redoutables balafres dont nous avons parlé. Une série de dessins rigoureusement relevés sur nature et tous réduits de la même façon rend sensible cet accrois- sement progressif des ongles. CHAPITRE X HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES ACQUIS SOMMAIRE. — Rareté des documents sur le sujet. — Caractères apparus et caractères acquis. — La progression dans la variation par le régime prouve l'hérédité. — Mesures directes sur de très jeunes animaux appartenant à diverses générations. — Avant toute action du régime, la variation est la même que chez les adultes. — Hérédité des caractères acquis. — Extinction d'une polydactylie originelle. — Apparition d'une autre polydactylie. — Mutation. — Rapports possibles des malformations polydactyles et de l'intoxication. Il est peu de questions ayant soulevé des discussions plus abondantes que celle de l'hérédité des caractères acquis. Il en est peu également qui aient" été discutées d'une façon aussi exclusivement théorique et aussi dépourvue de documentation. Quelques rares faits, toujours les mêmes, sont mis en avant ; tels, le cas des cobayes épileptiques de Brown-Séquard par les partisans de la transmission des caractères, ou celui des chats sans queue de l'île de Man par ceux qui contestent cette sorte d'hérédité. Les belles recherches d'HuGO de Vries sur la mutation auraient, à ce qu'il me semble, dû trancher la question. Une mutation, caractère nouveau, est essentiellement transmissible par hérédité. Je sais bien que, pour beaucoup de biologistes, caractère nouveau ou nouvellement ajrparu n'est pas caractère acquis — acquis, c'est-à-dire résultant d'une modification connue qui change la vie de l'être soit dans son chimisme interne, soit dans les échanges entre sa substance et le milieu extérieur, soit dans les deux catégories à la fois. Pour ma part, je ne puis concevoir qu'un caractère nouveau se montre s'il n'a été acquis, c'est-à-dire déterminé par quelque modification antécédente dans l'être qui le porte, ou dans ses 272 F. HOUSSAY procréateurs, modification qui a son origine dans quelque chan- gement de l'ambiance, ou dans quelque changement des rap- ports entre l'être et l'ambiance. Et le fait que ce changement ne nous est pas toujours précisément connu ne me semble pas uue raison pour le nier, mais bien pour le chercher. Que si cette façon de raisonner peut être prise pour le produit subjectif d'une mentalité spéciale, il ne faut pas oublier tout de même que le raisonnement inverse s'appuie sur un résultat négatif d'observation, sur une ignorance momentanée, tandis que le précédent repose sur des faits positifs. Les mutations héréditaires produites par Blaringhem (1) sur des pieds de maïs sectionnés se présentent avec une parfaite netteté comme des caractères acquis à la suite d'un traumatisme, qui a certai- nement changé quelque chose dans la'^plante et dans ses rap- ports avec le milieu. Parmi les données de mon expérience à déterminisme défini, on peut et on doit chercher à démêler les arguments qu'elle apporte pour ou contre l'hérédité des modifications survenues. Afin de préciser, attachons-nous à la variation d'un seul organe : le gésier par exemple. Dans la série complète des couples qui se sont reproduits jusqu'au bout avec la moindre intoxication et la meilleure santé, on voit cet organe aller en diminuant de plus en plus (2). Donc le caractère, résultat du régime changé, n'est pas valable seulement pour la génération qui subit le change- ment et n'est pas tel que tout soit à recommencer à chaque génération, sans quoi la variation demeurerait constante et n'irait pas en croissant. Il y a quelque chose qui est transmis d'une génération à la suivante, en raison de quoi celle-ci pousse la variation plus loin. Prenons un organe d'un autre type : le foie par exemple. Il a été en croissant constamment pendant les quatre générations : 0, 1, 2, 3. Si j'avais arrêté là mon expérience et personne ne pouvait me le reprocher, puisqu'aussi bien elle eût encore été (1) Blaringhem, Bull. Scient, de la France et de la Belgique, 1907. (2) Voir p. 212. VARIATIONS EXPERIMENTALES 273 une des plus longues réalisées chez les animaux, j'étais en droit de conclure, comme pour le gésier, à la transmission des carac- tères acquis. En persévérant, j'ai constaté la régression du foie. Est-ce à dire que le caractère acquis ne se transmet plus "? que le foie revient à sou état primitif f En aucune façon. Les foies réduits de la fln de l'expérience ne sont pas les petits foies du début. Ces derniers avaient un faible volume par la raison d'un régime peu toxique et d'une assimilation aisée ; les autres sont petits par cachexie, résultat du surmenage et de l'empoison- nement. Le caractère acquis est au total une hausse suivie d'une baisse. La hausse continuée nous menait à l'adaptation Carnivore, comme je l'ai montré; arrêtée, elle aboutissait à la mort de l'espèce. Au surplus s'il est vrai que la transformation réalisée des races est une face du problème de l'évolution, leur extinction n'en est elle pas une autre, plus large peut-être. La paléontologie est-elle faite d'autre chose que de l'extinction des races, des espèces et des classes "? et cette extinction n'est-elle pas un manque d'adaptation à des conditions changées ? Le caractère acquis dans vson entier est, ai-je dit, pour cer- tains organes la baisse continue, pour certains autres la hausse suivie de baisse. Or, c'est cette transmission même, telle quelle, que l'on retrouve si l'on compare entre eux de très jeunes ani- maux appartenant aux diverses générations. L'étude de l'hérédité des caractères sur les jeunes animaux demande qvielques précautions. On sait en effet que INLviirel a appelé l'attention sur ce fait que le rapport des organes nu- tritifs au poids total est beaucoup plus élevé chez les animaux de petite taille que chez les animaux de grande taille et, dans une même espèce, chez les jeunes que chez les adultes. Dans ce dernier cas, la variation est bien loin d'être négligeable ; il faut donc s'astreindre, si l'on veut comparer un jeune d'une certaine génération avec un jeune d'une autre génération, à ce 274 F. HOTÎSSAY que les animaux soient aussi voisins comme âge que cela est possible. En présence des difficultés croissantes pour mener à bien les incubations, je me suis gardé de sacrifier volontairement des jeunes et n'ai pas pu, en conséquence, être maître de les avoir ri- goureusement au même âge ; par rigoureusement j'entends ayant juste le même nombre de jours. Dans les morts qui se sont produites, je ne puis donc utiliser que les lots formés d'animaux qui se trouvent à peu près comparables ; cela réduit la quantité de mes données mais rend démonstratives celles qui restent et cela vaut mieux. Le tableau suivant donne les rapports des principaux organes à 100 grammes du poids total. Les poulets étudiés ont respec- tivement 12, 7, 11 et 17 jours et sont donc d'âges assez voisins pour qu'on ne soit pas abusé par la variation ontogénique. De plus, ces poulets sont morts après de brefs malaises de 24 ou 48 heures qui ne les ont pas amaigris, ce qui eût changé tous les rapports par faiblesse du poids total. Ils appartiennent comme on le voit à trois générations distinctes : un poulet granivore, deux de la 4^ génération Carnivore et un de la G^. ORGANES GUANIVOUE CARNIVORES de 4c génération CARNIVORE de 6o g-énération li jours nu 7 jours vil 1 1 JKurs Ir, 17 jours Poide total 85 gr. 30 18 7 1 5 0 1 114 97 0 57 6 92 5 69 9 58 1 31 1 70 50 gT . 11 2 1 30 6 4 0 08 118 0 40 5 78 4 10 10 40 2 72 0 49 74gr.3 8 61 1 34 5 18 0 09 86 81 0 47 .5 11 3 63 7 26 1 95 1 61 100 gr. Jabot jaugé à l'eau. . . Poids du cœur — du foie — de la rate Longueur de l'intestin . Poids du pancréas Poids de l'estomac total — du gésier Longueur d'un caecum. Poids des 2 reins — des 2 poumons. 3 8 0 41 2 98 0 53 99 0 46 3 76 2 97 6 50 1 21 0 38 Si l'on compare entre eux, sur ces jeunes sujets, les organes VAH[ATIONS EXPERIMENTALES 275 qui nous ont donné de larges et incontestables modifications dans la série des adultes : le jabot, l'estomac, le gésier, les caecums, on voit qu'ils décroissent de même constamment dans la série des jeunes. Le foie et les reins, après avoir augmenté, décroissent ; le caractère complet avec toute sa variation se trouve reproduit. L'importance de la rate est à noter chez le dernier poulet comme un signe de l'intoxication héritée, ses uretères au surplus étaient gorgées de cristaux qui semblaient être de l'urate de soude et fournissaient énergiquement la réaction de la muréxide. Puisque ces jeunes sujets présentent toutes les modifications que nous avons suivies chez les adultes comme effet du change- ment de régime et puisque ce régime n'a pas eu le temps d'agir personnellement sur eux pendant leur courte vie, il faut bien conclure que les modifications leur ont été transmises par héré- dité. Une autre série intéressante est formée par deux animaux qui ne peuvent être comparés avec les précédents parce qu'ils sont plus jeunes (3 jours et 2 jours). De plus, n'ayant pas été dissé- qués immédiatement, ils ont été conservés dans du formol à 4% puis plongés l'un et l'autre 20 heures dans de l'eau renouvelée afin de rendre à leurs organes une certaine souplesse. Ce dernier résultat médiocrement atteint n'a pas permis d'évaluer la jauge du jabot ; on a comparé par leurs poids ces organes, séparés du tube digestif par deux coups de ciseaux nets au-dessus et au- dessous de la dilatation œsophagienne qu'ils forment. De plus, la longueur du tube digestif a été contrôlée par son poids. En tous cas les deux poulets, ayant été traités l'un et l'autre exacte- ment de la même façon, sont parfaitement comparables entre eux. L'un appartient à la 2^ génération Carnivore, l'autre à la Q^. Ce sont deux jeunes mâles. On voit encore, par les rapports de leurs organes au poids total, que le premier de ces poulets appartient aux générations à rein et à foie croissants, tandis que le second appartient aux générations oii ces organes régressent. 276 F. HOTÎSSAY or(;anks rapcouts a 100 an. de poids total P. P« Poids total sans vitellus 33()r.lO 31(]r.78 Cœur 1 05 0 85 Foio 5 10 3 74 Longueur du tube digestif 83 08 69 5 Poids du tube digestif 16 31 10 54 — du jabot 1 06 0 22 — du gésier 5 86 2 92 — des poumons 0 ^6 0 81 — des reins 1 14 0 85 Le tube digestif, le jabot et le gésier marquent la rédnction que nous avons rencontrée chez les adultes et avec la même intensité. J'aurais encore pu faire un lot de 4 coqs : deux appartenant à la 2e génération Carnivore, un à la 4^ et un à la 5^ ; ils étaient respectivement âgés de 142, 147, 149 et 138 jours et par suite bien comparables à ce point de vue. Mais les deux premiers avaient été sacrifiés dès le début de leur maladie ; les deux der- niers, au contraire, avaient été conservés jusqu'à leur mort spontanée, ils étaient pour leur âge très chétifs et de faible poids. La considération des rapports de leurs organes au poids total est sans intérêt. En supposant qu'ils aient pu atteindre avec les mêmes organes internes le même poids que leurs frères bien portants de la même génération et du même âge, et en calculant dans ce cas les rapports organiques on obtient une série tout aussi démonstrative que la précédente. Cependant je ne veux point en faire état, n'étant pas sûr d'avoir le droit d'augmenter le poids total sans augmenter aussi les organes, c'est-à-dire ne croyant pas pouvoir faire l'hypothèse que la réduction a porté exclusivement sur la graisse, sur le squelette et sur les masses musculaires. Il est bien vrai qu'elle s'est ainsi réalisée d'abord et surtout, mais il resterait de l'aléa. Dans cette question controversée, il ne faut apporter que des données incontestables. VARIATIONS EXPF:RiMÉNTALES 211 Je veux appeler maintenant l'attention sur une curieuse va- riation qui s'est produite sans que l'on puisse, en l'état actuel de nos connaissances , la rattacher logiquement au changement de régime. Beaucoup de biologistes l'appelleraient, en cette cii'- constance, variation spontanée et, comme elle se répète trois générations de suite, elle répond même à la définition de la mutation. En fait, elle apparaît au cours d'une expérience sur le changement de régime ou, si l'on veut généraliser, au cours d'une intoxication poursuivie dans une race. Voici ce dont il s'agit. Deux races ont été mises en expérience, représentées par deux femelles et un seul mâle, soit un couple pour chaque race, le coq unique figurant deux fois comme il le fait réellement dans la reproduction. Dans l'une des lignées ([3) le coq aussi bien que la poule ont quatre doigts à chaque patte, ce qui est la norme ; dans l'autre (a), le coq ayant quatre doigts, la poule en a cinq auœ deux 'pattes. Or, à la seconde génération Carnivore, ce dernier couple donne 2 poulets avec 5 doigts aux deux pattes et 4 avec 4 doigts : le caractère régresse donc devenant 1/3 au lieu de 1/2. A la géné- ration d'après (P3) il est tout à fait perdu. Dans la série P, les sujets restent avec 4 doigts aux deux pattes 3 générations de suite (P^, P., P-J puis à la suivante (PJ on voit les 5 doigts apparaître et, notons bien le fait, dans une série où l'hérédité n'y est pour rien du tout, puisque le caractère ne s'est jamais montré sur les ascendants. Il apparaît tout de suite avec une grande fréquence. Le caractère nouveau n'est pas au reste exactement le même que celui qui a été perdu depuis deux générations déjà par la série voisine (a). Ce dernier conâistait exclusivement en 5 doigts aux deux pattes, celui que nous voyons apparaître consiste parfois aussi en 5 doigts aux deux pattes, mais plus souvent en 5 doigts à une seule patte, et tous les doigts supplémentaires ne sont pas égaux entre eux ; il y a des degrés dans leur importance. Le seul titre commun aux deux cas est donc la polydactylie sans qu'elle soit rigoureusement de même sorte. â78 F. HOtiSSAY Une génération de plus le caractère se maintient et la fré- quence des 5 doigts aux deux pattes aug- mente, bien que la polydactylie à une seule patte se retrouve encore. Enfin le seul poulet éclos de la 6^ génération avait 5 doigts à une patte. J'insiste sur ce que cette malformation n'est pas identique à celle du début dans l'autre série. 11 y a même certains animaux comme V^ pour lesquels on eût aussi bien pu parler de 6 doigts que de 5 (flg. 45). Le tableau suivant montre les variations de la polydactylie dans les générations FIO. 45. Patte d'un poulet polydactyle (Vi). successives. O SÉRIE a SÉRIE p 71 o i£ S tn ^ >< H s: ■w ■w o 5 X o s ~ w t s A a a < g '5 > X G '5 'S T3 (U "3 '5 .= s " * rt « J § i g- p O 3 ^ § S < o -a X -S 1 > CO eu a V. d ce S '5 -a CO a. 5 1 2 1 — p « iJi a â ^ .5 3 = ce ■< ■s 5 3 o ?^ « -« -^ ■'- g. P« 2 1 0 100 2 0 0 0 P> 2 1 0 100 2 0 0 0 P-. 6 2 0 66, 6 3 0 0 0 Pa 6 0 0 0 2 0 0 0 Pi 1 0 0 0 6 1 3 85 Ps 12(1) 3 2 66, 6 Pc .5(2) 0 2 40 A vrai dire, le caractère nouveau de la série p ne peut d'une façon satisfaisante être étudié comme mutation quant à sa fréquence. Il y a trop peu d'animaux en expérience et les grands 1) Ce nonilire 12comprend les 8 éclosions réalisées plus 4 développements assez avancés iur lesquels le caractère en question a été examiné. 2) Mfime remarque. VARIAïiONS EXPÉRIMENTALES 279 nombres deviennent indispensables lorsque le déterminisme est incertain. Jo tenais seulement à signaler l'existence d'un phéno- mène de ce genre et son apparition si curieuse. Bien que j'ignore les relations qui peuvent exister entre l'appa- rition de la polydactylie et la nutrition en général et plus spé- cialement l'intoxication et l'insuffisance de l'excrétion, je suis tenté de croire à l'existence d'un rapport entre les deux phéno- mènes. Rappelons à ce sujet qu'à la génération P^, à laquelle le caractère survient, la baisse du foie et du rein se manifeste éga- lement. C'est en tous cas une question qui vaut la peine d'être examinée de près. On ne peut se laisser arrêter par l'objection que la polydactylie se montre spontanément dans la nature, d'abord parce que per- sonne ne sait si c'est vraiment spontanément. Le seul fait cer- tain est qu'on n'a pas encore saisi de rapprochement entre ce phénomène et d'autres ; cela ne veut pas dire qu'il n'y en a point et qu'il n'y en aura jamais à faire. En outre, si l'on parle spécialement de la race des poules Soudan qui ont régulièrement 5 doigts aux deux pattes, on sait que ces animaux réputés pour l'abondance de leur ponte, sont, d'autre part, tenus en suspicion comme n'étant pas assez rustiques et comme difficiles à élever. Tout cela ne serait-il pas la marque d'une faiblesse excrétrice, voisine de l'insuffisance, qui du moins s'est révélée dans nos recherches par l'incapacité tout de suite atteinte de faire croître cette fonction et les organes qui l'assurent. CHAPITEE XI ANOMALIES — PATHOLOGIE Sommaire. — Etude limitée aux états résultant du régime. — Retard dans l'enclosion et la résorption de la vésicule vitelline. — Cause des échecs à l'éclosion et des morts très pré- coces. — Un poulet avec un second jaune enclos dans l'abdomen. — Arthrites doulou- reuses et déformantes de l'articulation tibio-tarsienne. — Leur guérison rapide par le régime végétarien. — Réactions peaussières sur les pattes. — Poussées supplémentaires de plumes. — Interprétation de la plume et du poil comme phénomène excréteur. ^ Utérus et oviducte. Je n'ai pas l'intentiou de faire en ce chapitre un relevé de toutes les manifestations pathologiques que j'ai observées, telles que diarrhées épidémiques survenues sans que j'en ai pu perce- voir la cause et que j'ai néanmoins notées parce qu'elles se tra- duisaient dans les courbes de croissance par une petite baisse ou un petit plateau. Les renseignements de cet ordre m'ont ensuite été fort utiles pour éliminer avec certitude les accidents qni auraient pu rendre douteuse la place du point d'inflexion principal dont j'ai signalé l'importance au chapitre II. Egalement je parlerai à peine d'une affection de la langue assez généralisée chez les poules de 3^ génération. Elle consistait en un boursouflement et un décollement de tout l'épiderme de la langue, qui pouvait s'enlever d'un seul coup comme dans la maladie de la pépie. Mais il y avait cette différence importante que, dans la pépie, on enlève un étui d'aspect corné, tandis qu'en ce cas il s'agissait d'un manchon mou, flasque et de couleur jaune. Il était au surplus bourré de bactéries banales, principa- lement de sarcines. Je laisse également de côté des manifesta- tions de tuberculose intestinale malgré l'importance et la fré- quence qu'elles prirent spécialement à la 4^ génération. Elles me parurent dues aux poussières du sol, sur lequel les aliments traînaient parfois et disparurent effectivement après que j'eus fait renouveler le sable et le gravier. Je parlerai surtout des états pathologiques en rapport certain Variations expérimentales â8i avec le régime, simples exagérations des phénomènes généraux rencontrés chez tous les animaux qui le subissent, même chez ceux que l'on n'est pas tenté de déclarer malades. En premier lieu, la résorption de la vésicule vitelline est fort entravée. On sait qu'environ 20 heures avant l'éclosion ce qui reste de la vésicule vitelline est enclos dans la cavité abdominale du poulet et se résorbe en quelques jours. Bien que Dubuisson (1) fasse remarquer qu'il y a d'assez grandes différences quant au degré de résorption entre deux poulets du même âge, les écarts que je veux signaler sont tellement amples qu'ils traduisent certainement un grand retard dans l'élimination du vitellus. Voici, en regard des nombres que donne H. Virchow (2) pour les poulets ordinaires jusqu'au 7^ jour, ceux que j'ai pu observer sur les poulets carnivores et sur un poulet ordinaire du 12«^ jour. GRANIVORES CARNIVORES AGE des Poulets Poids du Poussin Poids de la vésicule vitelline Poids du Poussin Poids de la vésicule vitelline 12 heures 37 or. 2 5 OT. 34 36 — 35 33 3 24 3 jours 33 75 2 50 3-4 — 36 93 0 60 38gr.85(^2egéii,) 5gT. 75 6-7 — 39 54 0 43 5-6 — 43 66 0 05 7 — 11 — 12 — 85 30 0 50 (4«gén.) 74 (4«géll.) 15 1 75 17 — 100 (Segen,) 0 05 Pour son reste de vésicule vitelline, mon poulet de 17 jours est comparable à un poulet normal de 5 à 6 jours, c'est-à-dire trois fois moins âgé ; mon poussin de 11 jours est comme celui de 3 à 4 jours environ, ce qui donne à peu près le même rajjport du triple au simple. Le poulet de 7 jours que j'ai noté avec sa vésicule vitelline de 15 grammes est tout à fait à part et mérite une mention spéciale. (1) Dubuisson. — Contribution à l'étude du vitellus, 1906. (2) Hans Virchow. — Der Dottersaek des Hûnchens, 1892. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4° SERIE. T. VI. — â8â ^- HOTTSSAY Je n'en ai pas tenu compte dans les éclosions pour rechercher hi quotité des mâles en raison de son cas un peu particulier. Ce poussin provient en effet d'un œuf qui pesait 80 grammes et qui presque certainement contenait deux jaunes. En pareil cas, MiTROPHANOW a signalé en 1898 l'existence de deux cica- tricules et, la même année, Féré a décrit après 72 heures d'incu- bation soit deux débuts d'évolution, soit un seul, soit aucun. Je laissai l'œuf aller jusqu'à réclosion. Il en sortit un seul poulet bien conformé ; toutefois celui-ci avait subi un retard de 12 heures et tenait difficilement sur pieds. Le lendemain il allait bien et, pendant 7 jours 1/2 , vécut avec ses frères, puis fut trouvé mort. Notons que c'était un jeune mâle. Son ombilic était encore apparent par une croûte cicatricielle et, au-dessous, tangent intérieurement se trouvait un ombilic vitellin, obturé seulement parce qu'il reposait sur la cicatrice ectodermique. Une masse vitelline pesant 15 grammes, c'est-à- dire presque autant qu'un jaune entier (19 grammes), était enfermée dans une poche endodermique, rattachée au tube digestif par le diverticule de Meckel qui devient chez l'adulte le 3e caecum. Le diverticule communiquait encore, mais faible- ment, avec cette poche du jaune par une petite lumière oii ne passait pas une tête de une épingle mais que traversait un crin de brosse. Sur ce poulet la veine coccygéo-mésentérique, dont les rami- fications peaussières forment des plaques sous-cutanées conges- tives, envoie à la partie inférieure de la poche endodermique une branche qui se ramifie et se diffuse en plaques sanguines autour de l'ombilic vitellin. Ce territoire sanguin communique avec un second, duquel part un filet qui, réuni aux diverses veines mésentériques, se rend à la veine porte. Le jaune examiné ne porte aucune trace d'évolution embryon- naire ni d'altération putride ; son aspect est caséeux. La reconstitution probable de cette ontogénie est la suivante. Il y avait deux jaunes plus ou moins adhérents ensemble. L'un d'eux a seul évolué en embryon et le second a été englobé par VARIATIONS EXPERIMENTALES 28:5 le développement de l'endoderme, qui s'est poursuivi sur lui. Depuis le 19" jour de l'incubation, auquel s'est faite l'enclosion du sac vitellin dans la paroi du corps, jusqu'à la mort, le premier jaune a été presque tout résorbé et il n'est resté que le second à peu près entier. Indépendamment de ce cas singulier, la dif&culté de résorption pour la vésicule vitel- line a joué un très grand rôle dans les échecs à l'éclosion, que nous avons subis, ou dans les morts très pré- coces survenues aux premiers jours de vie. tl L'incubation chez la poule dure, on le sait, 21 jours presque exac- tement , plutôt avec une légère avance ; quand les 21 jours sont révolus presque tous les poussins d'une cou- vée sont éclos et les premiers sortis ont Sou 4 heures d'avance sur ce terme. Il en était ainsi aux premières in- cubations que j'ai réalisées pour obtenir ma seconde et ma troisième génération Carnivore. A la naissance de la 4®, on observait à l'éclosion un retard sen- sible. Une couvée mise le matin du 23 mai 1903 a éclos seule- ment le 14 juin au matin soit après 22 jours pleins. Aux géné- rations suivantes, presque toutes les éclosions ont demandé 22 jours et quand vers la fin du 2F jour sortait un poulet plus précoce, la povile suivant son instinct cherchait à aider les autres FiG. 46. Anatoiuie d'un poulet de 7 jours avec un second jaune inclus dans rabdomen. F P, veine porte ; cce. capcum ; vmri, veine coccygéo- mésentérique ; ov, ombilic vitellin; tl. territoire lacunaire; R, rein. â8i ^. HOUSSAY éclosions possibles. La plupart ne se faisaient pas et l'on trovivait des poulets qui semblaient être du 19^ ou du 20^ jour, c'est-à- dire dont la vésicule vitelline n'était pas enclose dans l'abdomen. Ils n'ont pas été comptés* comme éclosions mais seulement comme « développements » dans le tableau de la page 252. On est amené à penser que le manque de résorption est dû aux toxines alimentaires passées dans l'œuf ; elles engourdissent, en quelque manière, les phagocytes qui absorbent le vitellus, ou arrêtent la sécrétion des diastases qui, à un certain moment, jouent, d'après Dubuisson, un rôle important. Diverses sortes de manifestations arthritiques se sont mon- trées au cours de cette expérience et, incontestablement, de tous les phénomènes pathologiques, elles étaient les plus atten- dues. La forme la plus caractérisée et la plus visible a été l'arthrite douloureuse avec gonflement et déformation des jarrets, c'est- à-dire des articulations tibio -tarsiennes ; elle s'est montrée pro- gressivement. Chez les poules granivores initiales et chez les premières car- nivores on n'avait rien remarqué de semblable, malgré l'attention apportée à observer les animaux en expérience. A la seconde génération Carnivore, la poule IV. accusa, le 225^ jour de sa vie, à l'articulation en question, une douleur qui la faisait boiter et se tenir accroupie sur les jarrets ; puis le mal disparut spontanément. Il est intéressant de noter que cette affection toxique fut guérie par suite de sa coïncidence avec le début de la ponte, amenant une forte évacuation d'albumine. Ce dérivatif empêcha l'accumulation des déchets dus à l'excès des albuminoïdes. On peut voir en effet à l'appendice que cette poule, ayant émis au 210^ jour un œuf isolé, se prit à pondre régulièrement au 237^. Plusieurs poulets de la génération suivante, la troisième Car- nivore, montrèrent la maladie d'une façon beaucoup plus pré- coce, plus énergique et même ils moururent rapidement du malaise général dont elle était le signe. Le coq VI, prit une arthrite des deux jarrets le 23^ jour de sa vie ; il mourut au 70® ; VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 285 la poule VII;, fut atteinte de la même façon le 49^ jour et mourut le 115e ; le coq V, eut une arthrite d'une seule patte au 59^ jour et mourut le 122e. Les arthrites de ces trois animaux semblaient très doulou- reuses ; ils ne pouvaient se tenir debout et reposaient toujours sur le ventre ou sur le côté. Bientôt l'articulation tibio -tarsienne enfla et le pied en entier fut déjeté extérieurement. L'examen des poids donnés à l'appendice montre que la croissance fut régulière jusqu'au moment oii le symptôme se montra ; la baisse du poids ou plutôt la moindre hausse le précède d'un temps qui varie entre 2 et 15 jours. Les poulets de la 4^ génération présentèrent les mêmes symp- tômes ; mais, inquiété par les difficultés de l'élevage et désormais flxé sur les suites possibles de Taffection si on la laissait évoluer, je résolus de la soigner. En septembre 1903, vers leur 90^ jour, les coqs I; et II. commencèrent à fléchir sur les jarrets et à se tenir difficilement debout. Je les fis isoler et nourrir pendant huit jours avec de la bouillie de farine mélangée de son et de feuilles hachées de laitue crue. Ils guérirent complètement ; c'était une nouvelle façon de prouver que la cause du mal était bien le régime. A la 5® génération, le coq 11^ commença à prendre, au 54^ jour de sa vie, une allure maladive qui me porta à le mettre au régime végétal, pain et salade ; mais il ne l'accepta pas et ses compa- gnons non plus. L'évolution des instincts et des appétits commen- çait à se faire ; pas encore cependant d'une façon irréductible. Car les trois animaux L, II, et III, laissés en présence de pain trempé pour toute nourriture se décidèrent à le manger. A ce régime le coq II, se remit complètement mais au bout de 8 jours, lui et les autres refusèrent à nouveau l'aliment. Comme le but poursuivi était atteint, je n'insistai pas. Le fait a un double intérêt : la guérison par le régime végé- tarien et la répugnance qu'éprouvent pour lui des animaux chez lesquels il était normal quelques générations plus tôt et dont les parents l'acceptaient encore à l'occasion. Les apôtres 286 F. HOUSSAY du végétarianisme rencontrent dans leur propagande des cir- constances de ce genre. En outre des arthrites douloureuses et déformantes dont nous venons de parler, beaucoup des animaux étudiés, surtout dans les dernières générations, montrèrent sur les pattes une réaction cutanée assez curieuse. La peau se boursouflait, soulevant les écailles, prenait un aspect dartreux et produisait une desqua- mation furfurale assez abondante. Cette affection, une fois déclarée, ne régressait jamais ; je dois dire que jamais non plus je n'ai, à cause d'elle, interrompu le régime. Les premières générations de mes animaux, mis jeunes en expérience, ne la montrèrent pas. J'en ai au contraire observé le développement rapide chez un grand nombre, au moiiLs les 2/3, des poules déjà âgées que j'achetais pour faire des incubations et que je mettais au régime de la viande, afin qu'elles pussent tout de suite conduire à cet aliment les jeunes poussins qu'elles auraient à élever. J'ai parfois remarqué, sur les poules élevées dans les fermes des environs de Paris, une affection semblable, moins étendue toutefois et ordinairement limitée à la base de la patte. Il faut ajouter qu'en raison de la vente facile de leurs œufs les animaux en question sont copieusement nourris et même suruourris avec diverses préparations à base de poudre de viande. Dans la mesure où il est permis d'identifier les processus pathologiques chez des êtres aussi éloignés que les oiseaux et l'homme, je comparerais assez volontiers la manifestation que je viens de décrire à une poussée herpétique ou eczémateuse. Mon attention a de plus été appelée sur le développement assez important de plumes sur les pattes, entre les écailles. Je sais qu'il existe des races de poules chez lesquelles les pattes sont normalement couvertes de plumes ; mais je ne puis dire si ce caractère, aujourd'hui fixé dans la race, a eu pour appa- raître un déterminisme comparable à celui que j'ai observé. Quoi qu'il en soit, les plumes qui ont poussé sur les pattes de mes poules n'étaient visiblement annoncées par aucune hérédité. p VARIATIONS KXPEIUMENTALES 2H7 Tous k's sujets mis en expérience à l'origine avaient les pattes parfaitement lisses. Ce fut à la 2*^ et i)lus encore à la 3^ géné- ration dans la série a, à la 4^ et à la 5^ dans la série [3, que le caractère prit une sérieuse importance. Cette observation paraît nous montrer la plume comme une réaction excrétrice supplémentaire, ayant une poussée nouvelle quand les organes normaux d'excrétion (foie et rein) restent en dessous de la tâche qu'ils doivent accomplir. On la voit tout de suite en concordance avec de nombreux autres faits et l'accord suggère une hypothèse que je ne puis m'empêcher d'exprimer, car elle répond à la bonne caractéristique de l'hypothèse : à savoir qu'elle est susceptible d'appeler la recherche et l'expé- rience. Si la formation de la plume (et du poil évidemment) se montre comme une réaction excrétrice parce qu'elle est capable de s'exagérer quand les besoins excréteurs augmentent, il faut aussi la considérer comme normalement excrétrice et non plus seule- ment comme une protection ou une parure pour l'animal. Dans ce cas alors, nous comprendrions de quelle façon les organismes mâles que nous avons montrés plus intoxiqués que les femelles sont en même temps les plus garnis de plumes et de poils, sans qu'il y ait pour nous lieu d'invoquer le désir ou le besoin de plaire aux femelles et pas davantage la sélection des plus beaux. Ces phénomènes ne seraient plus à considérer comme des causes mais seulement comme des effets ultérieurs et accessoires. Nous comprendrions encore comment, l'intoxication orga- nique croissant avec l'âge, les poussées de plumes et de poils la suivent, comment, dans l'espèce humaine par exemple, après les cheveux se montrent les poils pubiens et axilaires, comment, plus tard, la barbe, plus tard encore les poils de la poitrine chez les mâles qui ne les ont pas acquis vers la puberté, comment enfin surgit la dernière poussée qui consiste dans l'allongement et l'épaississement des sourcils. Ces trois dernières réactions excrétrices n'atteignent pas les femelles, mieux pourvues en foie et en rein, ou en tous cas les atteignent peu et ordinairement 288 F. HOUSSAY tard. La perte des cheveux ou leur blanchissement que l'âge amène aussi sont des phénomènes d'autre sorte et ne portent pas plus atteinte aux conclusions précédentes que les maladies du rein n'empêchent de considérer cet organe comme norma- lement excréteur. D'autre part, l'abaissement de la température ralentit certai- nement les échanges nutritifs et croître les poussées mateuses chez ceux Si la production est une ma sorte, il l'on voit, en hiver, herpétiques ou eczé- qui en sont atteints, du poil et de la plume nifestation de même est naturel qu'elle s'exagère au froid, qu'il y ait des four- rures d'hiver, qu'il y ait des fourrures po- laires. Et nous attein- drions de la sorte à de véritables explications où n'interviendraient plus ja- mais l'intérêt ou l'avantage, le désir ou la volonté de l'animal. J'ai eu déjà occasion de signaler comment le régime carné avait développé l'instinct germicide et comment une des inouïes, VIII,, ayant le cloaque piqué par le bec de sa compagne, qui cherchait à atteindre son œuf aussitôt que possible, en vint à contracter une tumeur par suite de la rétention des œufs avant qu'ils ne fussent recouverts de leur coquille. Plusieurs œufs, 5 ou 6 autant que j'ai pu l'apprécier par leurs restes plus ou moins informes, demeurèrent ainsi sans être évacués et dégénérèrent dans l'oviducte. Ce dernier en FiG. 47. Oviducte dilaté en faux utérus par rétention de la ponte. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 289 fut dilaté de la façon que je reproduis dans le dessin ci-joint (flg. 47). Je n'insisterais pas autrement sur cette circonstance patho- logique, si elle ne nous permettait de concevoir la facilité avec laquelle peut se développer une véritable dilatation utérine sur un oviducte qui normalement n'en comporte pas. Et ceci n'est pas sans intérêt pour nous faire comprendre que, même d'une façon rapide, le Reptile ovipare put devenir le Mammifère vivipare. CHAPITRE XII QUELQUES COMPARAISONS AVEC LES MAMMIFÈRES Sommaire. — Expériences de divers auteurs sur les niammifères. — Haute toxicité probable du régime insectivore. — L'excrétion supplémentaire par les carapaces et par les co(|Uilles — Echecs de mes tentatives pour adapter des souris au régime carné. — Les mammifères semblent plus saturés d'intoxications et moins capables d'en supporter de nouvelles que les oiseaux. — Rapprochements avec les courbes de croissance. — Causes originelles d'intoxication chez les mammifères. — Vie utérine, vie lactée. — L'excrétion en urée et l'excrétion en acide urique. — Conclusions. Il n'a point été fait sur les mammifères d'expérience qui puisse être entièrement comparée aux miennes, c'est-à-dire qui porte sur les modifications dues à un changement de régime poursuivi pendant plusieurs générations. Quelques recherches plus courtes donnent cependant des résultats qui, fort importants pour la physiologie et la patho- logie, peuvent être utilement confrontés avec les miens. Maub-el a alimenté pendant plusieurs mois des lapins avec du fromage et a constaté un développement inusité de leur foie. C'est au reste cet auteur qui a le premier montré que, d'une façon générale, les carnivores ont une quantité relative de foie plus élevée que les herbivores. J. NoÉ (1) a nourri assez longtemps des hérissons exclusive- ment avec de la viande crue de cheval. Son expérience me semble inverse des autres, c'est-à-dire qu'au lieu d'être une (1) C. s. Soc. Biolog. du 23 nov. 1901 au 26 juillet 1802. 290 F. HOUSSAY étude d'intoxication accrue elle est une étude de désintoxication et n'est pas, d'ailleurs, moins intéressante pour cela. Le hérisson, en elïet, est normalement insectivore et, bien que la viande de cheval soit plus toxique que celle des animaux ordinaires de boucherie, elle l'est moins, je crois, que la chair des insectes. Il n'y a pas à cet égard de données formelles ; mais, en raison de ce que j'ai dit au chapitre précédent de la plume et du poil, je suis très porté à considérer les insectes, gros excréteurs de chitine, comme fortement intoxiqués, aussi bien d'ailleurs que les crustacés, excréteurs de lourdes carapaces, ou les mollusques, excréteurs de pesantes coquilles. Je fais remarquer en passant que j'assimile à des excrétions supplémentaires les organes ordinairement appelés protecteurs de l'animal ; c'est moins finaliste certainement, plus scientifique et plus fécond pour les recherches qui peuvent être entreprises avec ce point de départ entièrement changé. Comme conséquence de cette manière de voir, le hérisson en passant de la chair d'insectes à la viande de cheval se désin- toxique. Un fait qui concorderait exactement avec ce point de vue c'est que sa production d'urée diminue d'une façon régu- lière ; elle passe d'après les données de J. NoÉ de 6 gr.925 par kilogramme au mois de mai 1901 à 2 gr. 808 au mois de mai 1902. L'auteur en question conclut que le régime carné exclusif dimi- nue énormément l'urée. Le résultat ainsi exprimé est extrême- ment paradoxal, unique en son genre, et même il risque d'induire en erreur. Comme, d'autre part, absolument rien n'autorise à réputer inexactes des mesures qui semblent au contraire soi- gneuses, l'interprétation véritable m'en paraît celle que je pro- pose, à savoir : que le passage de l'aliment chair d'insecte à l'aliment chair de mammifère est une désintoxication. C'est pour cela sans doute que l'expérience de îsToÉ a duré sans peine plus longtemps que les autres expériences sur les mammi- fères, chiens ou souris, qui étaient de véritables surintoxications alimentaires. J. NoÉ compare eu outre le rapport de certains organes au VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 291 poids total chez les hérissons normaux et chez deux animaux de cette espèce qui sont morts, l'un après 8 mois l'autre après 11 mois du régime à la viande de cheval. Les reins ont très peu varié tandis que le foie a augmenté d'une façon notable. Mais l'augmentation de ce seul organe, sans concordance avec les autres données relatives à l'excrétion, ne permet pas de conclure à une intoxication. Il se peut fort bien que l'organe soit surmené non de son côté excréteur mais de son côté assimilateur, qu'il éprouve seulement plus de peine à transformer en glycogène des albuminoïdes inaccoutumés. L'augmentation de poids, en un mot, peut venir du foie glycogénique plutôt que du foie hépa- tique : l'observation micrographique seule serait propre à lever ce doute. Et c'est une occasion nouvelle de dire combien des recherches de cette sorte seraient utiles pour compléter les men- surations, spécialement chez les mammifères. De son côté, E. Dufourt (1) a expérimenté en mettant des chiens au régime carné exclusif, toujours à la viande de cheval. Il a reconnu, comme il était naturel, un important accroisse- ment de l'urée. De son expérience je retiendrai surtout qu'elle n'a pas pu continuer longtemps. Les animaux fortement in- toxiqués perdaient leurs poils, se recouvraient d'eczéma, mai- grissaient et mouraient en quelques semaines.. Weiss (2) dont j'ai signalé déjà les expériences sur les canards avait essayé de les réaliser aussi avec des souris. A plusieurs reprises il a échoué ; les souris qu'il élevait au grain vivaient très bien ; celles qu'il nourrissait à la viande de cheval mou- raient au bout de 2 ou 3 mois. En 1901 et 1902 j'ai moi-même échoué dans plusieurs tenta- tives analogues ; cependant je fîiisais vivre mes souris carni- vores 5 à 6 mois et ce meilleur résultat tient, je le suppose, uni- quement à ce que je leur donnais de la viande fraîche d'animaux de boucherie et non de la viande de cheval. Il n'est pas utile de s'étendre longuement sur les données (1) D' E. DUFOTIRT. — Journal de Physiologie et de Pathologie générales, mai 1902. (2) G. WEISS. — C. R. Soc. Biologie, 26 octobre 1901. 292 F. HOUSSAY recueillies au cours de ces expériences manquées ; notons seule- ment que, comme E. Dufourt et conformément aux résultats classiques, j'ai toujours obtenu beaucoup plus d'urée du côté Carnivore que du côté gTanivore. Je veux toutefois signaler que, chez plusieurs des animaux qui sont morts de ce régime, le foie avait subi une véritable dégénérescence graisseuse, dont le processus serait relativement facile à suivre et sûrement inté- ressant pour la pathologie de l'organe. De ces divers essais il faut conclure à la difficulté grande, pour ne pas dire à l'impossibilité, de faire brusquement passer un mammifère végétarien ou peu Carnivore à un régime tout à fait Carnivore. Le fait est au contraire possible chez les oiseaux et le changement ne manifeste d'inconvénients qu'après plu- sieurs générations. Une conclusion qui se présente tout de suite à l'esprit est la suivante : les mammifères ne supportent pas de surintoxication parce qu'ils sont déjà arrivés, même jeunes, à une intoxication qui ne peut guère être dépassée sans péril. Ce résultat est tout à fait d'accord avec celui que j'ai déjà mis en évidence au cha- pitre II à propos des courbes de croissance. Si l'on se demande maintenant quelles raisons rendent ainsi le mammifère particulièrement saturé de toxines, on peut les apercevoir dans ce fait que, véritablement, c'est de tous les Ver- tébrés celui qui a le moins de jeunesse. Il n'entreprend pas dès l'état d'œuf une vie nouvelle et des échanges nouveaux avec le monde ambiant. Dans l'utérus maternel, sa vie se réalise par l'intermédiaire d'un organisme ayant déjà longuement vécu, déjà âgé et déjà chargé des intoxications vitales. Après, c'est l'alimentation lactée qui lui passe encore des produits élaborés par un organisme dont la vie s'avance. Le mammifère est d'abord, comme le fait remarquer Giard, un parasite interne puis un parasite externe avant de mener une vie libre. Pour terminer ce parallèle des mammifères et des oiseaux, il n'est pas sans intérêt de rappeler une remarque de Metch- NiKOFF sur la longévité relative de ces derniers et sur leur Variations expérimentales '}\)•^ verte vieillesse comparée à la décrépitude rapide des mammi- fères. Il faut en outre observer que les mammifères, saturés d'in- toxication, excrètent principalement en urée et les oiseaux en acide urique. Nos expériences paraissent apporter une certaine contradiction à ces résultats classiques en montrant les oiseaux tout de même plus plastiques du côté excréteur. Un mammifère, en effet, dont la production d'acide urique augmente est consi- déré comme ayant une excrétion moins parfaite et même insuffi- sante, et la conclusion sans doute est valable pour la compa- raison entre divers états d'un même mammifère ou entre divers mammifères. Mais elle ne paraît pas se prêter à une générali- sation nécessaire. En d'autres termes, il ne semble pas absolu- ment vrai que la dépuration en urée soit supérieure à la dépu- ration en acide urique quel que soit l'organisme. Il y a là en tous cas une question d'une certaine importance. En présence des difficultés d'adaptation au régime carné, on peut se demander comment il y a des carnivores dans la nature. Remarquons que l'expérience par nous réalisée a été particu lièrement brutale et a mis du jour au lendemain une race gTa- nivore en face d'un régime carné exclusif. Scientifiquement il le fallait pour l'étude rigoureuse d'un déterminisme ; mais natu- rellement les choses ne se sont jamais passées ainsi. Les guérisons d'arthrites que j'ai obtenues, rien que par un retour de 8 jours au régime végétarien, montrent suffisamment que, tout au moins chez les oiseaux, un régime mixte progres- sivement poussé vers la consommation en viande aurait eu chance d'aboutir et dans un temps relativement faible. En terminant, qu'il me soit periïiis de faire remarquer que si j'ai apporté quelques données précises et résolu quelques pro- blèmes, j'en ai soulevé plus encore et de cette manière indiqué, je pense, combien de semblables recherches étendues et pour, suivies pourraient être fructueuses. A une époque encore peu éloignée de nous. Cl. Bernard et DE Lacaze-Duthiers discutaient sur les limites de la physio- ^9i F. IIOUSSAY logie et de la zoologie, posaient la question de savoir à laquelle des deux disciplines appartient la prépondérance et la résolvaient chacun à sa manière. Je crois, pour ma part, que le temps de ces querelles est passé, que la collaboration seule est efficace, et que l'on doit chercher à résoudre les problèmes que la zoologie pose, et qu'il faut d'abord connaître, avec les méthodes que la physiologie donne, ou, pour employer des termes que je trouve commodes et plus généraux : la statique et la cinématique ne se peuvent achever que dans la dynamique. POST-SCRIPTUM En achevant de corriger mes épreuves je prends connaissance d'un mémoire de Schepelmann intitulé Ueher die gestaUende Wirhung verscMedener Emahrung auf die Organe der Gans. (Archiv. fur Entwicklungsmechanik ; l^e partie, t. XXI, 1900 ; 2e partie, t. XXIII, 1907.) Ce travail contient d'intéressants renseignements. Relativement aux organes que nous avons étudiés l'un et l'autre, Schepelmann se trouve d'accord avec moi pour la variation du rein et de la rate. Il constate une opposition relativement au foie entre les données de Maurbl, les siennes propres et une indication que j'avais publiée dans une de mes notes préliminaires par laquelle je ne reconnaissais à cet égard aucune différence sensible entre les poules granivores et les carnivores. Le présent mémoire complétant et rectifiant mes données primitives rétablit l'ac- cord. Schepelmann signale un contraste entre l'exagération de la ponte que j'ai indiquée à mes premières générations carnivores et le fait qu'il a trouvé les testicules des oies carnivores peu développés et stériles. Le contraste ne subsiste pas avec les VARIATIONS EXPERIMENTALES 295 faits de stérilité progressive que j'ai publiés dès 1903 et qui sont plus accusés encore dans le présent mémoire. Une contradiction formelle demeure entre ses résultats rela- tifs au tube digestif : longueur intestinale, longueur du caecum, poids du gésier, qu'il trouve accrus par le régime carné et les miens qui indiquent une réduction. Les écarts que nous men- tionnons l'un et l'autre sont tout à fait hors de comparaison avec les petites erreurs possibles sur la mesure. Il faut conclure à l'opposition objective à ce point de vue entre l'oie et la poule. A ce propos je dois dire que la hulotte dont j'ai pris les men- surations anatomiques et dont le foie, le rein, le gésier, s'accor- daient avec mes expériences, m'a au contraire présenté une longueur intestinale tout à fait en discordance. Son rapport anatomique est 331 '"^ d'intestin pour 100 gr. de poids total, c'est-à-dire trois fois plus que chez une poule ordinaire. Mon Rapace sans doute était un jeune animal de 160 gr. seulement et de ce fait avait droit à une majoration d'intestin ; mais pas aussi forte, je pense. Je me proposais d'étudier à nou- veau la question soulevée par ce fait, si peu conforme aux données classiques de l'anatomie comparée. En le rapprochant du résultat expérimental de Schepelmann, on doit conclure que le pro- blème de l'adaptation des organes à l'aliment est un peu moins simple qu'il n'a d'abord paru et qu'il faut encore un certain nombre de données étendues et approfondies pour en tenir la solution totale. ç>i)f\ F. HOlISSAY APPENDICE DONNÉES NUMÉRIQUES Nous disposons ici toutes les mesures qui ont servi à cons- truire les courbes utilisées dans les divers chapitres et qui parfois s'étendent même au-delà. Ces données peuvent être intéressantes tant pour contrôler nos calculs et nos conclusions que pour servir de comparaison à quelque autre recherche sur différents sujets. VARIATIONS EXPERIMENTALES 297 Appendice au Chapitre II POIDS DE LA GENERATION GRANIVORE ET DE LA PREMIERE GÉNÉRATION CARNIVORE ï GHANIVOUES CAKNIVORES DATjio =3 lo "o III, I. II. III gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1900. 21 décemh | 150 1.516 1 . 053 928 888 934 928 28 — 157 1.780 1.178 1.070 1.038 1.030 1.258 1901 . 4 ] anvier. . 164 1.758 1 . 244 1 . 248 1.260 1.281 1.180 11 — 171 1.804 1.274 1.320 1.322 1.400 1.341 18 — 178 1.888 1.368 1.410 1.407 1.486 1.396 25 — 185 1.814 1.389 1.388 1.470 1.534 1.525 1er février. 192 1.844 1.291 1.355 1.646 1.596 1.645 8 — 199 1.957 1.405 1.385 1.722 1.700 1.836 15 — 206 1.933 1.381 1.374 1.832 1.779 1.787 22 — 213 1.966 1.373 1.374 1.834 1.896 1.827 1«' mars.. . 220 1.930 1.376 1 . 549 1.809 1.930 1.632 8 — 227 2.025 1.390 1.655 1.865 2.062 1.779 15 — 234 1.986 1.393 1.797 1.883 1.965 1.731 22 — 241 2.022 1.394 1.838 1.912 1.948 1.729 29 — 248 1.965 1.398 1.805 1.953 2.050 1 812 5 avril .... 255 1.991 1.427 1.796 1.962 2.022 1.891 12 — 262 2.000 1.480 1.818 1.972 2.021 1.870 19 — 269 2.051 1.454 1.667 2.008 2.020 1.898 26 — 276 2.054 1.442 1.745 2.016 2.126 1.839 3 mai 283 2.084 1.421 1.677 2.000 2.054 1.900 10 — 290 2.067 1.421 1..589 1.995 1.961 1.877 17 — 297 2.067 1.485 1.513 2.000 1.988 1.818 24 — 304 2.125 1.455 1.507 2.009 1.882 1.748 31 — 311 2.090 1.514 1.757 2.020 2.032 1.780 7 juin .... 318 2.070 1.397 M. 696 2.062 2.050 1.797 U — 325 2.067 1.337 1.687 2.076 2.021 1.734 21 — 332 2.122 1 . 293 1.724 2.064 1.996 1.776 28 — 339 2.174 1.333 couve 2.075 2.045 1.862 5 juillet. . . 346 2.119 1 . 340 » 2.074 1.990 1.849 12 — 353 2.105 1.237 1,398 2.037 1 . 922 1.748 19 — 360 2.132 1.164 1.491 2.031 1.991 1.788 25 — 367 2.125 1 . 093 1.640 2.088 2.045 1.670 ( ) Pour ces générations le nombre des jours de vie n'est donné qu'approximativenient il est donné exactement pour les suivantes que nous avons fait éclore. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4° SÉRIE. — T. -(V). 298 F. HOTïSSAY •s GRANIVORES CARNIVORES r_ -- lo "o III, It ". IIIl gr. gr. gr. gr. gr. gr- 2 août 374 2.138 1.216 1 . 692 2.088 1.884 1.661 9 — 381 2.162 1.124 1 664 2.145 1.925 1.630 16 — 388 2.157 1.160 1.751 2.125 1.900 1.707 23 — 395 2.116 1.215 1.835 2.152 1.890 1.712 30 — 402 2.307 1 . 382 1.917 2.277 1.950 1.937. 6 septemb. 409 2.200 1.162 1.745 2.215 1.930 1.860 13 — 416 2.275 1.202 1.699 2.252 1.942 1.825 20 — 423 2.215 1 . 284 1.746 2. 228 1.862 1.752 27 — 430 2.250 1.354 1.730 2.257 1.812 1.746 4 octobre . . 437 2.310 1.240 1.693 2.330 1.867 1.857 11 — 444 2.311 1.195 1.879 2.350 1.895 1.795 18 — 451 2.365 1.207 1 . 902 2.379 1.850 1.959 25 — 458 2.402 1.202 1.964 2.420 1.907 1.927 1»^ novemb. 464 2.400 1.227 1.990 2.442 1.685 1.825 8 — 471 2.402 1.282 2.076 2.457 1.595 1.773 15 — 478 2.433 1.300 2.146 2.482 1 . 586 1.731 22 — 485 2.544 2.340 2.458 1.522 1.775 POIDS DE LA SECONDE GENERATION CARNIVORE DATES 1 Is Ils gr. m. IVa Vs VI. Vils VIIIj gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1901. 15 juillet. 4 55 49, 6 53 52,5 53 51 45 45 17 — 6 69,5 61 67 66 66 66,5 55 54 19 — 8 83 72 77 76 76, 5 81 63 68 21 — 10 100, 5 85 95,5 84, 5 90 98 77 79.5 23 — 12 113, 5 94 107 97 96 109,5 83 88,5 25 — 14 137 110 130 116 118 131 102, 5 105 27 — 16 162,5 132 155 136 140 159 122 125 29 — 18 186, 5 150, 5 180 157 155, 5 182 145 142,5 31 — 20 211 171 199 181,5 182, 5 201,5 156 162 2 août . 22 240 198 232 198,5 209 233-5 177,5 184 4 — 24 255 210 250 215 231 264.5 189 195 6 — 26 278 226,5 269 228,5 243 282 194,5 202 8 — 28 330 256 300 270 285 310,5 231,5 235,5 10 — 30 366,5 280,5 340 298 317 335 244,5 259 12 — 32 375 296 341,5 302 320,5 332,, 5 245 250 14 — 34 405 315 381 340,5 364 340 261 270 16 — 36 440 345 425 359 380 .380 285 290 18 — 38 455 350 432 372 395 389, 5 275 277 20 août.. 40 498 380 454, 5 402 365, 5 354,5 300 314 22 — 42 544 418,5 493 435 361 364 315 348 24 — 44 595 447 550 487 364 428 322,5 414 26 — 46 615 483 561 500,5 354 458 345 438 28 — 48 650 490 581 527 357 484 350 445 30 — 50 700 546 609 560 380 526 387.5 498 VARIATIONS EXPERIMENTALES 299 DATES 1"' sept . 3 — 5 — 7 — 9 — 11 — 13 — 15 — 17 — 20 — 24 — 27 — 1" oet . . 4 — 8 — 11 — 15 — 18 — 22 25 — 29 — 1«' nov. 5 — 8 — 12 — 15 — 22 29 — fl déc . . . 13 — 20 — 27 3 janv . . 10 — 17 — 24 — 31 — 7 février 14 — 21 — 28 — 7 mars.. 14 — 21 — 28 — 4 avril . 10 — 17 — 24 — 1"' mai . 7 — 103 106 110 113 117 120 124 127 134 141 148 155 162 169 176 183 190 197 204 211 218 225 232 239 246 253 260 267 273 280 287 294 300 gr. 754 804 864 907 917 970 1.032 1.077 1.120 1.170 1.240 1.298 1.368 1.389 1.477 1.510 1.577 1.624 II. IVj ,698 ,730 .802 .880 1 1 1 1 1.896 1.946 2.025 2.060 2.185 2.244 2.342 2.374 2.420 2.535 2.566 2.637 2.662 2.647 2.640 2.622 2.649 2.673 2.709 2.700 2.704 2.715 2.680 2.605 2.648 2.642 2.670 2.625 gr. 560 590 630 647 652 687 734 768 800 831 880 909 965 997 1.031 1.068 1.102 1.130 1.164 1.198 1.189 1.201 1.220 1 . 237 1.277 1.285 1.322 1 . 365 1 . 382 1.407 1.413 1 . 428 1.446 1.497 1.558 1.577 1.589 1.639 1.747 1.910 1.929 1.870 1.893 1.836 1.820 1.800 1.895 1.912 1.861 1.935 1.982 gr. 641 727 740 770 832 832 814 871 924 996 1.069 1 . 103 1.137 1.205 1.280 1.332 1.389 1.427 1.520 1.550 1.557 1.558 1.600 1.619 1.735 1.745 gr. 585 605 645 677 674 644 702 762 769 785 795 814 861 912 963 1.004 1.065 1.065 1.097 1.167 1.217 1.245 1.285 1.301 1.329 1.351 1.383 1 . 422 1.467 1.490 1.548 1.610 1.687 1.751 1.849 1.956 2.095 2.040 2.032 1.979 1.1^54 1.940 1.898 1 . 982 2.020 2.051 2.007 2.074 2 . 095 2.092 2.080 gr. 390 405 431 469 470 502 570 600 627 700 725 797 842 910 943 998 1.064 1.074 1.150 1.179 1.212 1.257 1.282 1.305 1,390 1.430 1.510 1.530 gr. 547 556 614 665 701 712 790 842 824 895 958 1.050 1.177 1.230 1.309 1.367 1.442 1.519 1.585 1.646 1.725 1.755 1.777 1.783 1.776 1.795 1.905 2.035 2.261 2.185 2.310 2.459 2 . 526 2.565 2.657 2.625 2.655 2.690 2.728 2.705 2.587 2.764 2.772 2.728 2.725 2.715 2.723 2.713 2.700 2.675 2.630 Vils gr. 398 419 447 470 482 509 522 598 604 664 722 789 860 944 007 050 117 127 195 .243 .271 .282 .332 .337 .387 .395 .442 .492 ^ .487 1.481 1.515 1 . 592 1.637 1 . 727 1.759 1.857 1.887 1.970 1.995 2.008 2.090 1.990 2.048 2.002 2.015 2 . 026 1.980 2.019 1.952 2.022 1.940 VlIIj gr. 532 554 595 645 637 684 727 792 801 845 909 974 1.065 1.104 1.135 1.195 1.210 1.234 1.299 1.330 1.350 1.372 1.415 1 . 395 1.459 1.472 1.517 1.540 1.477 1 , 562 1.585 1.630 1.650 1.725 1.841 1.946 2.019 1.950 2.000 2.005 2.045 2 . 045 2.004 2.066 2.050 2.014 2.000 2 . 065 2 . 090 2 . 042 1.955 300 F. iinrs.^AY DATES 307 h II, m. IVj v. Vis viu VIlIj 14 mai . . gr. 2.625 gr. 1.918 gr. 2.085 gr. 2.705 gr. 1.929 gr. 1.821 22 — 315 2.665 1.948 2.077 2.658 1.905 2.035 29 — 322 2.660 1.940 2.045 2.705 1.877 2.150 5 juin . . 329 2.630 1.915 1.952 2.675 1.877 2.165 12 — 336 2.622 1.910 2.004 2.688 1.943 2.185 19 — 343 2.624 1.894 1.955 2.663 1.953 2.182 26 — 350 2.619 1.945 2.020 2.722 1.912 2.218 3 juillet. 357 2.644 1.919 2.012 2.772 1.996 2.215 10 — 364 2.621 1.922 1.948 2.755 1.925 2.137 17 — 371 2.637 1.996 2.000 2.768 1.948 2.168 24 — 378 2.660 1.885 2.057 2.737 1.918 2.022 31 — 385 2.664 1.960 2.085 2.750 1.880 2.012 V août . . 392 2.690 1.791 2.072 2.729 1.905 2.119 14 — 399 2.604 1.822 2.079 2.660 1.775 2.092 21 — 406 2.620 1.839 2.062 2.715 1.785 2.108 28 — 413 2.635 1.820 2.045 2.804 1.812 2.112 4 sept. . 420 2.650 1.812 2.080 2.635 1.745 2 212 11 — 427 2.692 1.912 1.943 2.700 1.837 2.079 18 — 434 2.675 1.874 1 . 993 2.670 1.868 1.895 25 — 441 2.685 1.883 1.944 2.759 1.835 2octob. 448 2.752 1.860 2.002 2.760 1.830 9 — 455 2.802 1.833 2.003 2.780 1.860 16 — 462 2.815 1.900 2.014 2.865 1.761 23 — 469 2.834 1.807 1.944 2.838 1.655 31 — 476 2 . 865 1.640 1.800 2.905 1.610 0 nov., . 483 2 . 798 1.568 1.585 1.615 POIDS DE LA TROISIEME GENERATION CARNIVORE bATES 1 h II3 III3 IV3 y. VI3 VII:, VIII;, 1902. 24 juin .. gr. 46 gr. 44 gr. 39 gr. 36, 5 gr. 38, 5 gr. 37 gr. 41 gr. 43 26 — 3 54, 5 47, 5 46 47, 5 40, 5 46, 5 48,5 49,5 28 — 5 67 57 51, 5 58 61 60 59, 5 60 30 — 7 82 68 63 70 74,5 74 68 73 2 juillet. 9 96 80 70 81 93 88 83 88 1 — 11 112 93 81 96 104 104 95 105 6 — 13 127 106 89 110 115 120 109 120 8 — 15 144 120 101 117 124 132 119 134 10 — 17 161 133 111 126 135 147 128 151 12 — 19 184 149 134 142 150 166 141 172 14 — 21 208 165 152 160 168 182 151 195 16 — 23 230 169 169 184 180 196 1 165 212 18 — 25 256 195 183 198 206 201 ' 187 238 20 — 27 279 210 206 215 242 178 203 264 22 29 327 247 229 250 277 178 231 305 24 — 31 346 261 246 256 288 198 ■ 238 325 26 — 33; 370 283 265 295 307 209 ; 267 3.58 VARTATIONS EXFÉRIME.XTALRS 301 1903 302 F. HOUSSAY DATES 9 avril. 16 — 23 — 30 — 7 mai.. . 34 — 21 — 28 — 4 juin . . 11 — 18 — 25 — 2 juillet. 9 _ 16 — 23 — 30 — 6 août. . 13 — 20 — 27 — 3 sept . . 10 — 17 — 24 — ' oct. . 8 — 15 — 22 — 29 — 5 nov. . 12 — 19 — 26 — 3 déc. . 290 297 304 311 318 325 332 339 346 353 360 367 374 381 388 395 402 409 416 423 430 437 444 451 458 465 472 479 486 493 500 507 514 521 528 gr. 2.788 2.760 2.737 2.690 2.730 2.725 2.727 2.746 2 . 769 2.765 2.760 2.738 2.745 2.752 2.749 2.776 2.755 2.757 2.762 2.778 2.740 2.762 2.760 2.700 2.675 2.690 2.545 2.432 gr. 2.007 2.006 2 . 000 1.963 2.045 2.065 2.046 2.000 1.917 couve 1.290 1 . 242 1.215 1.225 1.376 1.494 1.649 1.640 1.637 1.795 1.838 1.850 1.812 1.844 1.892 1.900 1.752 1.631 1.565 1.522 1.498 1.440 III3 gr. 1.959 1.956 1.945 1.889 1.912 1.910 1.882 1.860 1.835 1.790 1.883 1.845 1.860 1.932 1.945 1.872 1.890 1.846 1.747 1.819 1.800 1.782 1.755 1.796 1.860 1.818 1.724 1.670 1.528 1.524 1.506 1.582 1.492 gr. 3.066 3.040 3.030 3.083 3.078 3.096 3.033 3 . 022 3.016 3.009 3.050 3.096 3.118 3.132 2.995 3.102 3.147 3.111 3.100 3.078 3 . 062 3.074 3.038 2.960 2.885 2.845 2.800 2.655 2.586 Vb VI-, Vil, POIDS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE (3 Eclosions) DATES 1903. 18 juin 20 — 22 — 24 — 26 — 30 — 2 juillet Jour.; lie vie II IIi Jours de vie IV4 V4 Jour.s de vie 1 «■"•■ 52 49 R-'-- «••• 3 61 56 5 69 66 7 95 85 1 40,5 37 9 110 101 3 49 45 11 130 122 5 61 53 13 152 140 7 72 63 15 180 168 9 87 88 VARIATIONS EXPKlilMENTALES 303 DATES Joiir-s fie vie II Ils Jouis de vie IV; Vi Jours de vie VII4 1903. 1. juillet.... 17 213 Cl'. 196 1 11 ar. 104 109 1 39 6 — . . . 19 233 225 13 117 123 3 49 8 — .. . 21 249 257 15 129 137 5 60 10 — . . . 23 282 273 17 145 146 7 73 12 — ... 25 310 306 19 166 171 9 89 14 — ... 27 340 339 21 184 198 11 107 16 — . . . 29 360 370 23 210 224 13 143 18 — ... 31 398 423 25 224 255 15 159 20 — . . . 33 424 454 27 242 274 17 182 22 — . . . 35 478 503 29 273 308 19 220 24 — . . . 37 513 550 31 302 337 21 250 26 — . . . 39 585 590 33 325 374 23 289 28 — . . . 41 637 665 35 346 402 25 324 30 — . . . 43 650 694 37 373 423 27 346 1" août. . . . 45 705 730 39 393 467 29 389 3 — ... 47 750 769 41 420 494 31 417 5 — .. . 49 785 820 43 448 532 33 462 7 — ... 51 808 887 45 488 572 35 510 9 — . . 53 861 934 47 531 602 37 555 11 — ... 55 904 972 49 551 614 39 598 13 — . . . 57 970 1 . 040 51 585 675 41 659 15 — . . . 59 1.005 946 53 603 695 43 654 17 — . . . 61 1.035 1.003 55 661 710 45 688 19 — . . . 63 1.102 1.073 57 660 643 47 720 21 — ... 65 1.092 1.120 59 591 660 49 755 23 — . . 67 1.107 1.211 61 680 705 51 823 25 — . . . 69 1.135 1.260 63 716 739 53 890 27 — . . . 71 1.130 1.319 65 745 758 55 890 29 — . . . 73 1.150 1.331 67 750 780 57 941 31 — . . . 75 1.180 1.400 69 768 757 59 950 3 septembre 78 1.177 1 . 400 72 810 832 62 1.040 7 — ... 82 1.274 1.493 76 865 940 66 1.148 10 — ... 85 1.379 1.604 79 945 1.025 69 1.264 14 — ... 89 1.485 1.682 83 1.043 1.112 73 1.371 17 — ... 92 1.568 1.765 86 1.115 1.175 76 1.402 21 — . . . 96 1.665 1.852 90 1.157 1.205 80 1.500 24 — . . . 99 1.698 1.800 93 1.218 1.290 83 1.530 28 — . . . 103 1.702 1.894 97 1.233 1.327 87 1.583 1" octobre . 106 1.706 1 . 921 100 1.275 1.325 90 1.615 5 — ... 110 1.873 1.942 104 1.340 1.402 94 1.817 8 — . . . 113 1.917 2.132 107 1.358 1.470 97 1.885 12 — . . . 117 1.989 2.204 111 1.415 1.498 101 1.978 15 — ... 120 2.015 2.348 114 1.450 1.570 104 2.089 19 — ... 124 2.098 2.321 118 1.425 1.552 108 2.134 22 — . . . 127 2.213 2.377 121 1.505 1.598 111 2.244 29 — . . . 134 2.380 2.456 128 1.545 1.638 118 2.391 5 novembre. 141 2.479 2.538 135 1.570 1.700 125 2.559 12 — ... 148 2.535 2.536 142 1.675 1.772 132 2.744 19 — . . . 155 2.633 2.536 149 1.750 139 2.798 26 — . . . 162 2.722 2.677 156 1.819 146 2.971 3 décembre. 169 2.717 2.755 163 1.832 153 2.969 10 — . . . 176 2.760 2.820 170 1.881 160 3.113 304 F. HOUSSAY DATES Jours flr vie I4 II4 Jours de vie IVi V4 Jours de vie VIT, 17 dccciiibrc 183 2.795 g'-- 2.818 177 1,944 167 «r. 3.209 24 — . . . 190 2 . 782 2.852 184 2.015 174 3.274 31 ■ — ... 197 2.815 2.839 191 2.014 181 3.267 1904. TTjanvier... 14 — ... 204 211 2.925 3 . 033 2.942 3.040 198 205 2.082 2.139 188 195 3.311 3.401 21 — . . . 218 2.940 3.031 212 2.118 202 3.489 28 — ... 225 2.964 2.775 219 2.130 209 3.402 4 février . . . 232 3.051 2.885 226 2 . 322 216 3.459 11 — ... 239 3.137 2.900 233 2 . 460 223 3.548 18 — ... 246 3.071 2.920 240 2.417 230 3.505 25 — . . . 253 3.095 2 . 820 247 2.412 237 3.422 3 mars 260 3.131 2.680 254 2.410 244 3.370 10 — . . . 267 3.062 2.230 261 2.424 251 3.420 17 — ... 274 3.080 268 2.579 258 3.435 24 — . . . 281 3.037 275 2.548 265 3.412 31 — ... 288 3.078 282 2.430 272 3.452 7 avril 295 3.072 289 2.315 279 3.420 14 — ... 302 3.040 296 2.339 286 3.443 21 — . . . 309 3.088 303 2.307 293 3.425 28 — . . . 316 2.954 310 2.362 300 3.450 5 mai 323 2.932 317 2.520 307 3.540 12 — ... 330 2.875 324 2.505 314 3.445 19 — ... 337 2.890 331 2.340 321 3.439 26 — . . . 343 2 894 338 2.515 328 3 . 440 2 juin 345 2.432 335 3.493 9 — ... 352 2.442 342 3.492 16 — ... 359 2.530 349 3.398 23 — ... 366 2.520 356 3.531 30 — ... 373 2.479 363 3.485 7 juillet 14 — ... 380 387 2.325 2.318 370 377 3.516 3.577 21 — . . . 394 2.540 384 3.567 28 — . . , 401 2.454 391 3 . 623 4 août 408 2.528 398 3.624 11 — . . . 415 2.420 405 3.627 19 — . . . 423 2.381 413 3.621 25 — . . . ■129 2.465 419 3.650 1^' septenib. 8 — . . . 436 443 2.367 2.360 426 433 3.545 3.598 15 — ... 450 2.190 440 3.608 22 — . . . 457 2.122 447 3.612 29 — . . . 464 2.089 454 3.621 6 octolirp . . . 471 2.119 461 3.739 13 — ... 478 2.069 1 468 3.698 20 — . . . \ 475 3.732 VARIATIONS EXPERIMENTALES 305 POIDS DE LA OINQtJIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE (2 Eclosions) DATES Jours de vie I5 ll.r, III5 Jours de vie I\'.s 1904. 6 juin 3 5 7 9 11 13 _ 15* 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 - 66 69 73 77 80 83 87 90 97 104 111 118 125 132 139 146 153 g-r- 45 53 68 78 90 104 113 130 147 166 181 206 235 271 294 314 355 390 415 445 485 503 530 572 600 628 681 715 712 825 760 872 1.003 1.040 1.105 1.160 1.220 1.285 1.377 1.506 1.596 1.605 1.635 1.687 1.710 1.743 1.762 49 57, 5 69 75 80 90 112 134 147 160 178 198 224 244 281 285 304 333 360 388 400 398 403 451 489 532 583 624 589 670 600 777 720 788 82S 812 870 920 1.022 1.107 1.056 1.063 1.138 1.097 50 53,5 62 68 64 57 76 88 107 123 143 165 199 243 264 281 315 340 367 417 458 508 515 569 602 ■637 723 771 756 900 828 956 1.027 1.152 1.209 1.288 1.354 1.483 1.640 1.852 2.005 2.130 2.330 2 448 2.570 2.619 2.679 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 26 29 33 37 40 43 47 50 57 64 71 78 85 92 99 106 113 i^r. 8 — 10 — 12 — 14 — 16 — 18 — 20 — 22 — 24 — 26 — 28 — 30 — 2 juillet 4 — fi — 8 — 10 — 12 — 14 — 16 — 43 18 — 51 20 — 66 22 — 24 — 83 97 26 — 112 28 — 113 30 — 153 l«f août 165 3 — 213 8 — 272 11 — 323 15 — 382 19 — 440 22 — 500 25 — 570 29 — l*' septembre 8 — 635 702 867 15 — 1.070 22 — 1.262 29 — 1.410 6 octobre 1.630 13 — 1.847 20 — 1.916 27 — 2.047 3 novembre 2.170 306 F. HOUSSAY DATES 1901. 1905. 10 novembre . 17 — 24 — 1^'' décembre. 15 — 22 — 29 — 5 janvier 12 — 19 — 26 — 2 février 9 — 17 — 23 — 2 mars. . avril 16 23 30 6 13 — .. 20 — .. 27 — .. l mai. . . 11 — .. . 18 — ... 25 — . . . 1" juin . 8 — . 15 — . 22 — . 29 — 6 juillet. août 13 20 27 3 10 — 17 — 25 — 30 — 7 septembre 14 — 21 — 30 — 5 octobre 12 — 19 — 26 — 2 novembre Jours (le vie 160 167 174 181 188 195 202 209 216 223 230 237 244 251 259 265 272 279 286 293 300 307 314 321 328 335 342 349 356 363 370 377 384 391 398 405 412 419 426 433 440 448 453 461 468 475 484 489 496 503 510 517 1.718 1.831 1.830 1.876 2.007 2.062 2.135 2.122 2.156 2.189 2.275 2.290 2.336 2.410 2.414 2.441 2.342 2.385 2.340 2.309 2.413 2.381 2.320 2.331 2.524 2.332 2 . 352 2.363 2.500 2.462 2.445 2.360 2 . 3î>7 2.279 2.363 2.425 2.345 2.425 .172 .187 .212 .176 .210 2.233 2.227 2.195 2.180 2.182 2.243 .677 .735 .780 .994 155 111 133 057 118 150 193 197 324 436 431 322 307 250 222 320 266 210 188 185 292 268 297 200 277 369 377 315 337 333 360 300 282 295 274 327 275 310 324 305 270 220 348 407 505 642 503 Jours (le vie 120 127 134 141 148 155 2.157 2.286 2.420 2.146 2.056 VARIATIONS EXPERIMENTALES 307 Appendice au Chapitre III DOSAGE DE L AZOTE DES EXCRETA SOLUBLES DATES Jours de vie CEXTLMÉTRES CIBES D'AZOTE par jour et par kilog'. Granivores Premières Carnivores 1901. 4 avril 19 — 254 269 290 314 342 371 384 405 419 434 483 22 ce 69 23 06 10 41 27 90 15 25 23 43 13 39 21 95 20 70 33 48 36 08 43 ce 24 74 40 53 57 3 juin 1" juillet 29 — 12 août 37 57 31 99 7 81 38 31 2 septembre 16 — 1" octobre 19 novembre 59 15 46 50 178 19 66 96 EXCRETA DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE (1) CENTIMÈTRES CUBES D'AZOTE Jours de vie par jour et par kilog DATES Série ce Série p 1901. 2 septembre 53 5S ce 03 58 ce 03 16 — 67 85 19 85 19 !"■ octobre 82 58 79 58 79 19 novembre 131 86 30 86 30 18 décembre 160 69 19 78 49 31 — 173 59 89 77 75 1902. 14 janvier 187 52' 45 67 33 27 — 200 215 54 31 45 38 70 31 11 lévrier 59 15 25 — 229 52 84 66 22 244 257 55 06 57 29 68 82 25 — 51 71 8 avril 271 62 12 55 80 22 — 285 55 43 67 33 (1) Jusqu'au 19 novembre, tous les poulets étaient ensemble et on n"a pas distinj^ué entre leurs excréta. 308 F. HOUSSAY ■ CENTIMÉTUES CURP^S D'AZOTE par jour et par kiloff DATES Jours de vie ~ Série OC Série [3 6 niai 300 314 328 62 87 40 18 45 38 53 20 20 — 38 69 3 juin 52 08 18 343 356 52 08 49 10 50 22 1"' juillet 40 55 16 — 371 384 398 409 42 04 52 45 45 01 68 45 35 34 29 — 43 52 12 août 43 52 23 — 59 89 12 septembre 429 72 54 66 96 30 — 447 76 63 76 63 14 octobre 461 53 20 87 79 30 — 476 47 62 87 79 EXCRETA DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE CENTIMÈTRES < l'BES D' AZOTE Jours de vie par jour e par kilog' DATES Série OC Série p 1902. 19 novembre 149 63 ce 61 59 ce 36 25 — 155 57 29 60 64 3 décembre 163 79 61 83 70 1903 . 2 janvier 193 42 41 58 03 15 — 206 220 68 82 66 22 78 12 29 — 75 89 12 février 234 51 71 71 80 25 — 247 46 50 43 90 263 277 291 304 52 46 49 4S 57 29 60 26 84 82 27 — 84 07 10 avril 61 01 23 — 55 06 319 333 347 59 52 54 31 37 20 72 17 22 — 70 31 5 juin 50 59 19 — 361 55 06 72 17 3 iuillpt 375 59 52 63 98 16 — 388 403 57 66 50 22 60 26 31 — 39 80 14 août 417 431 445 26 41 59 89 44 27 33 11 28 — 45 38 11 ««eptembre 66 59 25 — 459 50 59 63 24 9 octobre 473 82 21 56 92 VARIATIONS EXPERIMENTALES 3Ô9 EXCRETA DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE CENTIMÈTRES CUBES DAZÛTE DATES Jours de vie (1) par joui- et par kilo^. 1903. 29 octobre 128 101 ce 18 13 novembre 143 80 72 27 — 157 127 22 10 décembre 170 82 58 24 — 184 92 26 1904. 7 janvier 198 69 19 21 — 212 226 241 261 67 82 67 90 70 96 19 — 70 10 mars 40 24 — 274 288 115 82 32 7 avril 21 21 — 302 316 103 79 42 5 mai 24 19 — 330 341 88 58 54 3 juin 40 17 — 355 368 382 68 71 56 45 30 — 05 14 juillet 92 28 — 396 410 423 437 55 40 09 56 80 11 août 92 25 — 94 8 septembre 17 22 — 451 99 70 6 octobre 465 51 71 (1) Les animaux n'étant pas nés le même jour, ces nombres représentent l'âge moyen des animaux vivants au jour de l'expérience. — L'écart maximum est de 5 jours. 310 F. HOUSSAY EXCRETA DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES 27 octobre . . 11 novembre 25 — 9 décembre 23 — 6 janvier 20 — 3 février 17 — 3 mars . 17 — . 1" avril 14 — 28 — 12 mai . . .26 — . . 9 juin . . 23 — . 6 juillet 21 — août. . septembre 4 18 1' 15 — 29 — 12 octobre Jours de vie 146 161 175 189 203 217 231 245 259 273 287 301 315 329 343 357 371 385 398 413 427 441 455 469 483 496 CENTIMÈTRES CUBES D'AZOTE par jour et par Itilog'. 85 ce 93 53 57 75 14 82 21 55 43 67 70 64 36 27 53 66 96 42 04 58 78 79 98 48 36 42 04 69 94 75 89 50 59 34 97 31 25 47 99 58 40 53 57 50 22 48 36 50 96 60 64 VARIATIONS EXPERIMENTALES 3H Appendice à divers Chapitres DONNÉES ANATOMIQUES • MESURES ORGANIQUES DE LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux lo Ho lllo I. III 111. Ag'e en Jours 189 4IS5 488 490 491 492 Sexe Mâle Femelle Femelle Mâle Femelle Femelle Poids le jour de la mort 2.485 g. 1.411 g. 2.246 g. 2.405 g. 1.483g. 1.790g. 85 5 82 73 53 93 64 79 Plumes 167 5 93 2 127 167 5 97 5 110 5 Graisse 203 56 ";„ 176 75 92 10 54 ";„ 200 45 ""„ 36 2 35 ™; 175 Longueur du JABOT. . . 35 "1;, Largeur — 55 " 47 39 35 30 Jauge à l'eau — 261 ce " 275 ce 98 ce 46 ce 84 ce — au mercure — 354 » 354 130 112 135 Poids du CŒUR 12 g. 45 5g. 5 7 g. 3 11 g. 8 8 g. 54 8 g. 8 — du FOIE 33 15 38 2 45 18 33 1 39 65 38 85 — de la RATE 2 07 1 1 7 2 31 1 76 2 3 Long. (Dde l'INTESTIN 1 780 ";„ 1 . 700 ";„ 1.980 ";, 1 . 560 ■"„ 1.370 "■„, 1.600 ";„ — du PANCRÉAS.. 125 110 130 125 112 123 Largeur du PANCRÉAS . 10 9 8 7 8 8 Poids — 4 g. 05 2 g. 95 3 g. 73 2g. 15 2 g. 69 3g. 85 Poids de l'ESTOMAC... 59 35 43 5 66 6 27 07 28 35 52 85 — du GÉSIER 54 45 37 26 59 3 21 85 21 15 43 9 Grand axe du GÉSIER. 64 ";„ 60 ";„ 73 ";„ 49 ";„ 50 ";„ 61 ";„ Petit axe — 48 50 55 44 41 48 Epaisseur — 25 21 38 21 » 19 Longueur d'un GjECUM. 195 165 200 122 145 130 Poids lies 2 TESTICULES 13 g. 75 » » 13 g. 75 » » — de l'OVAIRE . . .r » 24 g. 7 43 g. 7 » 6 g. 93 20 g. 2 Longueur du REIN .... 78 "•„, 62 "'„, 70 '"„; 70 ■"„; 78 ■"„, 78 "■„ Largeur — 12 16 15 14 16 16 Poids des 2 — .... 11 g. 95 8 g. 65 9 g. 25 11g. 1 14 g. 75 12 g. 9 — des 2 POUMONS . 8 70 » 6 76 10 » 7 13 SQUELETTE 130 25 67 02 101 60 126 11 66 3 85 3 PONTE 6k. 671 4 k. 049 10 k. 195 7 k 154 (1) Cette longueur est toujours prise au-dessous du Jabot. 31^ V\ IIOUSSAY to o <o tH m O rH <M a. ■>»> to I> ce 00 1^ m ^ 1 1^ biD èf o ci à^ ci à 8 ^ ^ à~5 ci ri -■t Ê o o ut >n o o m c<5 IM ■o 'l" (M M 1-. !D O M te O CD in t^ ce " ,M K> oj ce ^ ^ <N iO ^ 50 00 •* t~ o> IM m ■* l-H co t^ ri rH 1-1 CO b 00 (M in rn o ^_^ t- O CD in . M œ co a r-i S^ CO lO t~ O _ \£ o . c E^ , „ t~ œ 4J si E "^ o ci S en - ci E^ Mi 0^ > «* S ■■ji t^ Oi «o O ■* <o <N œ i^ l-H O ^- O ce 00 o ce îo CD in ce tO !>• \ri ro X -^ V Oï œ m lO 'Jl ce 05 ce ce in -^ c-i ei t^ rH rH b U5 r-t ■o o 1 lO ~ m o -* in CO in ce l-H >o t~ ce >o -* co os ^ c- — •à g E c o en E = ci P E si ^ B^ ci ^ f^ •c; t~ œ t~ c C O GO rH -i> o ei O ic o ce 00 o -* in ■* O 0-1 O in m ^ o M o ■M r~ t ■* cd o c ce co in ■* O) ce 00 i-H i-H r-< 00 '-' OX rH «-i Oi r-i rH IM ^' lO irt co •* in «5 t— 1 œ ce «» CD o 00 -^ ci «M tC O o ci o> ce 0-1 E« r- ci IM o ce E^ 00 CO O ce ci o = È^ ci lO ce ce !•* in <X> -* co « œ '^ ce O (M ■* m ■* oi 0-1 co .o iD to o o in rH C m * œ M -* in 00 I— 1 00 lO r» CD - c ;^ 3 V g V c o> ^'^ or si = - o Clj ai 6^ ^ 6r a - Qc 2 E 0. t>- lO t~ O eo o ,—1 t^ lO lO 0-1 O ce i> (M t^ (M O 00 O 0-1 ,_, 00 00 o lO ea ■^ l-H 50 Cl to -* i" <o O -t 00 o C-1 C-l m CO 0-1 0^ t^ 1-H (>) X os b. in •n* rH ■* lO ^ „ ~ lO m m iM o 5-1 œ 0-1 t^ t^ :d •! •Cl M g E u ci E ^ ci è^ ci ^ E^ ei J_ 0-. -* os o i-H (M -t o c Uî co o t- 00 ce 00 0-1 00 ce o o o O t^ 00 C: o O «o « ce •r 03 05 rH co ce m ^ 0-1 -*• 00 i-H ri l>- iH O ■* m in 0-1 CO OJ m t~ ■^ 00 e-l rn m ■* O ce 05 , ,, bc ÈS ci g E ci e = su H^ M 0^ m 2 E t- m « œ ^ a> r- ,_( ■o t~ ,-^ O o t^ IN O ce o t^ Ci o ,_, m m in co X J l> -* V 50 i> IN ce co co ■T" X o ce 0-1 in ce 0-1 (N u. 'l* tO rt o m oî •^ Ol Jî ift Ol t~ o 00 r^ t^ -* œ CD «ji i^ >r. 0, M . E bc E^ ci eS U H^ si -/- ^ ^ o œ m r^ o >n œ (M ce ■M O O t^ ce ce xi tc in 0» o in in ■* o o -M o t^ œ œ " f-H -* o « co 0-1 m ••♦ 0^ m X rt ^ rt 0-1 f- C > ce c C E H •^ 2^ il 1 1 < 55 c ce U ^ • t/2 7i2 'J _a < 1 1 CL ce tL. l i J; ce 7 1 ■W 1 1 î - " i s a ■a ™ « 3 ^ K S 5B >■ c — 9. -s •5 1 â -3 3 S Ë 5 .S s o u. 3 a - f ce s di 1 ::- al « 3 = 1 c ig-eur ids - de l'ESTr •C '■e C "C ^ 1 S2 ■o 'îl »l - . « (U ll'l 1 H E- b H ■c CJ '5 5 « a n o ' o X o u a; (i c o 'c o M o ' Oi O < 73 — nJ -] -ï "^ a. ^ ^ eu « a. ■w 0. 0. J a. ce 0. VARIATIONS EXPERIMENTALES 313 MESURES ORGANIQUES DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désig'iiation des Animaux Ag'e en Jours. Sexe . Poids le jour de la mort. . . . Sang Plumes Graisse Longueur du JABOT Largeur — Jauge à l'eau — — au mercure — Poids du CŒUR — FOIE — de la RATE Longueur de l'INTESTIN. — du PANCRÉAS Largeur • — Poids — — del'ESTOMAC — du GÉSIER Grand axe du GÉSIER . . Petit axe — Epaisseur — Longueur d'u" C^CUM. . . Poids des 2 TESTICULES. — del'OVAIRE Longueur du REIN Largeur — Poids des 2 — — POUMONS SQUELErTB: PONTE Mâle .885 g. 32 105 0 50 /m 52 88 ce 114 10g. 50 1 .220 "■„, 24 g. 18 49 ";„ 41 15 100 3g. 90 ■"„, 15 21g. 18 162 Femelle .395 g. 54 108 14 85 38 % 33 51 ce 67 5 g- 32 llh Femelle .480 ";„ 102 10 3 g. 3 30 61 24 58 50 ";,. 40 26 122 Ig. 32 70 "L, 13 ^ 12 g. 40 7 28 SI 7 k. 616 IVs .437 g. 51 116 29 34 "'„ 34 51 ce 65 5 g. 65 39 54 2 19 .570 ";„ 120 2 g. 54 33 28 26 50 ";, 45 28 113 2g 72 '", 15 13 g. 60 6 18 77 9 k. 614 .500 g. 124 133 0 60 '"„, 48 85 ce 107 12g. 66 2 .060 ";„ 155 14 5 g. 53 41 55 "„; 50 30 170 4g. 92 Z 20 23 g. 12 179 Femelle 67 1.706g. 84 122 12 37 "i. 36 94 ce 115 7 g. 70 51 65 2 66 1 . 770 ""ii 112 10 3 g. 27 36 95 29 94 54 "L, 42 30 126 2 g. 33 82 "V 15 17 g. 90 7 91 101 8 k,048 AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4^ SERIE. — T. VI. (V). 314 F. HOLÎSSAY MESURES ORGANIQUES DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux , Açe en Jours. Sexe Poids le jour de la mort 2 , Sang Plumes Graisse Longueur du JABOT Largeur — Jauge à l'eau — Jauge au mercure du JABOT. . . . Poids du CŒUB — du FOIE — de la BATE Longueur de ITNTESTIN — du PANCBÉAS Largeur — Poids — — de l'ESTOMAC — du GÉSIEB Grand axe du GÉSIEB Petit axe — Epaisseur — Longueur d'un C^CUM Poids des 2 TESTICULES — del'OVAIRE Longueur du BEIN Largeur — Poids des 2 — — des 2 POUMONS SQUELETTE PONTE Mâle 735 g. 167 118 0 43 "■„ 42 67 ce 81 15 g. 59 60 30 4 60 930 "'„, 137 15 5 g. 97 59 15 52 07 64 "•„, 50 30 40 g. 75 85 ?„ 15 18 g. 75 10 60 180 Ih Mâle .127g. 93 147 0 80 '■;„ 65 157 ce 160 8 g. 58 62 44 3 23 .600 "'„ 135 8 3 g. 48 37 76 30 05 55 rin 45 Ig 9 18 I 8 185 iVi 148 Mâle 1.592g. 54 117 0 63 ■"„ 63 133 ce 140 9g. 40 59 90 1 94 2.000 Z 120 12 5g. 34 43 36 15 53 Z 48 30 160 Og. 40 92% 10 18p. 20 8 03 93 5 \i 478 Femel e 1.942g. 98 149 35 42 50 Z 45 88 ce 90 9g. 42 48 17 3 14 1.840 ™ 115 11 3 g. 76 43 72 35 79 63 Z 45 35 150 Ig. 75 85 Z 23 18 g. 62 9 41 107 8 k. 432 1 Vlli 478 Mâle 3.561g. 17 2U 89 55 55 Z 55 139 ce 140 18 g. 07 67 85 4 83 2.350 Z 167 10 5 g. 88 52 63 42 19 60 Z 45 30 180 16 g. 76 85% 15 22 g. 49 26 25 206 VARIATIONS EXPÈRIMEiNTALËS 315 MESURES ORGANIQUES DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désig-aation des Animaux. Age en Jours. Poids le jour de la mort Sang Plumes Graisse Longueur du JABOT Largeur — Jauge à l'eau — Jauge an mercure du JABOT . Poids du CŒUR '■ — du FOIE — de la RATE Longueur de l'INTESTIN . . — du PANCRÉAS Largeur — • ■ • ■ Poids — • • ■ • — de l'ESTOMAC — du GÉSIER Grand axe du GÉSIER Petit axe — Epaisseur — Longueur d'un CAECUM Poids des 2 TESTICULES. . . — del'OVAIRE Longueur du REIN Largeur — Poids des 2 — — des 2 POUMONS SQUELETTE PONTE Femelle 2.190g. 100 116 125 42 "■„ 46 90 ce 90 9g. 14 49 70 3 l."910 '"„, 125 15 4 g. 33 46 41 37 58 45 26 145 40 2g 28 » 80 :"„ » 15 ..) 15 g 80 10 g 7 74 7 19 53 6 k. 101 » -Mâle 1.059 g. 42 51 0 43 % 43 81 ce 86 7 g. 38 32 24 0 67 1.310 "i. 90 10 2 g. 35 34 60 29 52 ■", 45 28 125 Og 17 11I& .Mâle 3.416g. 165 231 183 55 X 45 191 ce 210 15 g. 87 53 80 3 01 1 .920"'„; 118 10 4g. 2 65 80 56 65 75 ""„; 52 32 170 8 g. 25 1 85 Z 15 17 g. 77 18 65 177 IV. (1, Mâle 1.965 g. 85 136 0 50 95 ce 109 14 g. 10 140 10 6 39 2.450 Z 160 15 5 g. 80 55 68 45 04 55 Z 50 205 0 g. 53 > 100 z 25 35 g. 48 12 94 132 I • (1) Cet animal est mort d'hypertrophie du foie avec dégénérescence graisseuse. Le dévelop- pement de tous ses organes digestifs et de ses reins est extraordinaire. 316 F. IIOUSSAY RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES lo Ilo Illo II IIi llli Poids avant la mue .... 2.544 gr. 1.354 S' !■■ 1.917 g-i-. 2.458 g'' 1 . 907 «'■ 1.959«i'- 3,36 10.26 6.05 3,83 14,34 3,78 3,99 3,35 2,41 4.03 Jabot jaugé à l'eau 4.28 — jaugé au mercure 13,91 » 18.46 5,29 5.87 6,89 Cœur 0,49 0.40 0. 38 0,48 0.45 0,45 Foie 1,30 2,82 2.35 1,34 2,08 1, 98 Rate 0,08 0,07 0, 09 0,09 0,09 0, 12 Long. Intestin 69,97 125.55 103.03 63. 46 71,84 81,67 Pancréas 0. 16 0. 21 0. 19 0.09 0, 14 0, 19 Gésier 2, 14 2,75 3.09 0.89 1, 11 2, 24 Cœcum 7,66 12, 18 10. 43 4.96 7,60 6,63 2 Reins 0,47 0, 34 0,63 0.48 0, 35 0, 45 0,40 0, 77 0, 66 2 Poumons 0. 36 RAPPORTS ORGANIQLTES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES Poids avant la mue .... Sang Jabot jaugé à l'eau .... — jaugé au mercure Cœur Foie R ate Long, intestin Pancréas Gésier Csecum 2 Reins 2 Poumons 2.800 gr 3,57 2,32 4,85 0, 43 1.57 0,09 60.71 0, 13 0,91 5,36 0,51 0. 38 1.912S 3,92 2,45 4, 23 0,35 1,95 0.09 83. 68 0. 11 1, 23 6,27 0,78 0, 33 IV2 2.014gT. 3, 22 3, 02 5,31 0, 28 2,24 0, 12 73. 48 0. 13 1.09 6, 08 1, 02 0,28 \U 905 gr ,75 68 , 51 49 72 .08 40 13 05 , 47 , 53 ,51 Vlh 1.905 ^,'1'. 3,51 3, 99 5,87 0, 35 1.95 0. 10 80, 31 0, 16 1, 58 6, 32 0, 81 0. 35 (') 0, 39 3. 09 0. 19 90. 42 0, 16 1. 19 9, 22 1. 25 0,95 (1) Poule malade morte d'une tumeur de l'oviducte. VARIATIONS EXPERIMENTALES 317 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES i, 'I:. III, IV., VIII3 Poids avant la mue 2 . 700 ■■^r. 3, 26 4.22 0. 38 2.07 0,05 45, 18 0, 68 3,70 0,80 0,69 i.yooyr. 2, 84 2,68 3,52 0,29 1, 71 0, 11 77,89 0, 17 1,29 6,44 0,65 0,38 1.860!?'r. 2, 76 2,74 3, 49 0.30 2, 12 0, 11 84,40 0, 13 1, 43 6,07 0, 73 0,33 3.100RT. 4 2, 74 3, 45 0, 41 2, 14 0,09 66, 45 0,17 1.34 5, 48 0,75 0,39 2.243 i;r. Sang 3, 74 Jabot jaugé à l'eau 4, 19 — jaugé au mercure Cœur 5, 12 0, 34 Foie 2, 30 Rate 0. 11 Long, intestin Pancréas Gésier 78,91 0, 14 1. 33 Caecum 2 Reins 5,61 0, 79 2 Poumons 0,35 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES. ORGANES Poids avant la mue .... Sang Jabot jaugé à l'eau .... — jaugé au mercure. Cœur Rate Foie Long, intestin Pancréas Gésier Caecum. 2 Reins 2 Poumons I', "'. 2.735gT. 2.127i;i- 6.10 4,35 2,45 7,38 2.96 7,52 0,57 0.40 2, 20 2, 93 0,17 0, 16 70, 56 75,22 0,21 0,16 1,90 1,41 0,68 0,87 0,38 0,69 3.650i;r. 4,52 5, 23 5,75 0, 43 1, 46 0,08 52, 60 0,32 1,55 4, 65 0, 48 0, 51 3i8 F. HOUSSAY RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE CARNIVORE ORGANES Poids actif Sang Jabot jaugé à l'eau. . . . — jaugé au mercure Cœur Foie Rate Long, intestin Pancréas Gésier Caecum 2 Reins 2 Poumons 984 g-r. 31 15 84 62 67 10 71 20 74 83 60 44 IIo 1.074! 7,63 0.51 3,55 0,09 158,28 0,27 3,47 15.36 0.80 IIlo 1.925S-I 3.82 14,28 18, 39 0, 38 2,34 0,08 102, 85 0,19 3,08 10. 39 0.48 0,35 1 . 935 «■' 4,80 5,06 6, 71 0,61 1, 71 0, 12 80,62 0,11 1,13 6,30 0, 57 0,51 Ih 1 . 283 ni 4, 98 3,58 8,73 0, 66 3,09 0, 13 106, 78 0,21 1,64 11,30 1,15 llll 1.412KT. 5,59 3,26 7,93 0,62 2,75 0, 16 113,31 0,27 3,10 9,20 0,91 0,50 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE OHGANES Poids actif Sang Jabot jaugé à l'eau . . . . — jaugé au mercure Cœur Foie Rate Long, intestin Pancréas Gésier Caecum 2 Reins 2 Poumons 30 Kl' 48 91 10 54 96 12 23 16 19 72 64 II 2 1.226j;i- 6, 11 3, 83 6, 60 0, 54 3, 05 0, 15 130, 50 0, 18 1, 91 9. 78 1,22 0, 52 1V2 1.2 5. 4, 8. 0. 3, 0, 120, 0, 1, 9. 1. 0 33 y 1' 27 94 67 46 66 19 03 20 79 93 66 46 2.280 1; 4. 78 3,44 5.74 0. 62 2. 20 0. 11 83, 33 0. 16 1.34 5, 70 0,67 0,65 Vils i.356y:i-. 4, 94 5. 60 8. 26 0, 49 2,75 0. 14 12, 83 0,23 2,22 9. 22 1. 14 0, 50 VI1I2 0,43 3,48 0,22 102 0,18 1,34 10, 40 1,41 VAR I ATIONS EXPERIMKNTA LES 319 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES I3 Ils 1113 IV3 VIII3 Poids actif 1.618çr. 5,43 7,04 0, 63 3,46 0, 09 75,40 1,14 6, 18 1,34 1, 16 1.191 «T. 4, 53 4,28 5,62 0,46 2, 73 0, 18 124, 26 0, 27 2,06 10,28 1,04 0,61 1.214gr. 4, 24 4,20 5, 35 0.46 3, 25 0, 18 129, 32 0, 21 2, 19 9,30 1, 12 0,51 2.188err. 5, 66 3,88 4,89 0,58 3,03 0, 12 94, 15 0, 24 1,90 7, 77 1,06 0, 55 1.483gT. 5, 66 Jabot jaugé à l'eau — jaugé au mercure 6, 33 7.80 0,5 Foie 3, 18 Rate 0, 17 119,35 0, 22 Gésier 2.01 8.49 1,20 0,53 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES ORGANES Poids actif Sang Jabot jaugé à l'eau . . . . — jaugé au mercure. Cœur Foie Rate Long, intestin Pancréas Gésier Caecum . . . . 2 Reins 2 Poumons 2.437 8r 6,85 2,75 3, 32 0,64 2,47 0,19 79, 19 0,24 2, 13 0,77 0, 43 Ht 1.795 8 5, 17 8, 74 8, 91 0, 47 3, 48 0, 18 89, 13 0, 19 1,70 1,03 0, 48 \l 1.651 e:r 5, 99 5,33 5, 45 0,57 2,91 0, 19 111, 44 0,22 2, 16 9,08 1, 12 0,57 VII t 3048 gr 5, 58 4,56 4, 59 0, 59 2 22 0, 15 77, 10 0, 19 1, 38 5, 90 0, 73 0,86 l5 III5 i.ssggT 2.819gT. 5,43 5.85 4,89 6, 77 4,89 7.44 0,49 0.56 2,70 1, 89 0, 16 0 10 103, 86 68, 10 0,23 0 15 2,03 2,01 7,88 6.03 0,86 0,63 0,42 0,66 320 F. HOUSSAY Appendice aux Chapitres VI et VII DATES ET POIDS DES ŒUFS DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE CARNIVORE (1) DATES -? Un IIIo içr. IIi llli gr. DATES 226 Ilo gr- IIIo gr- IIl gr- 57 Illi 1901 gr. 7 mars • gr 54,7 24 janvier 184 44 8 — 227 52 26 — 185 47 9 — 228 50 56, 4 56,2 26 — 186 - 10 — 229 27 — 187 11 — 230 53,5 54.2 56, 1 28 — 188 44 12 — 231 53 29 — 189 13 — 232 55,3 30 — 190 46, 5 14 — 233 51 47,5 31 — 191 46 15 — 234 51 1" février 192 16 — 235 55,9 51 2 — 193 46 17 — 236 52, 5 51 3 — 194 18 -^ 237 53,3 4 — 195 47 19 — 238 54.8 76 5 — 196 20 — 239 52, 1 48 6 — 197 46, 5 21 — 240 7 — 198 22 — 241 54 8 — 199 47 23 — 242 53,3 9 — 200 24 — 243 53,8 51.5 54, 5 10 - 201 25 — 244 54,8 11 — 202 48,7 49 26 — 245 55, 7 57 12 — 203 49 50 27 — 246 54, 4 13 — 204 28 — 247 59, 5 53 14 — 205 49, 4 29 — 248 55, 5 58. 8 15 — 206 49 54,5 30 — 249 52,6 57 57 16 — 207 50 31 — 250 56, 5 57.5 17 — 208 1« avril 251 56, 3 58.5 57 18 — 209 50,8 2 — 252 53 19 — 210 3 — 253 58,5 20 — 211 4 — 254 54 55.5 58,6 21 — 212 51, 3 mou 5 — 255 66 52,7 22 — 213 6 — 256 60, 5 59.9 23 — 214 51,8 mou 7 — 257 65,7 59,5 54 55 24 — 215 49, 9 8 — 258 54 57,3 25 — 216 52,5 9 — 259 56,2 57 26 — 217 51,5 10 — 260 54,9 ô*», 2 57,5 58, 7 27 — 218 50,5 11 — 261 60, 5 28 — 219 50,7 53,7 12 — 262 67,1 61,4 60 54,8 1'^ mars 220 51, 7 50.9 13 — 263 56,2 62,2 2 — 221 52, 4 14 — 264 53.8 51,5 55,2 3 — 222 52,2 51,9 15 — 265 57,5 4 — 223 52 51, 9 16 — 266 57,5 58,5 59,5 56 5 — 224 55, 1 17 — 267 54 60,5 6 — 225 49,9 56 54 18 - 268 60,5 (0 Dans tous les tableaux suivants, le signe X représente un œuf mangé, l'indication mou s'applique à un œuf sans coquille. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 321 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 gr. 57,5 53 56 54,5 58 53, 2 55 55 53 54.2 52 55, 3 53,5 52 56, 5 53,5 55, 5 56,5 54, 5 56, 5 54, 5 56 53. 3 52,5 57 53, 5 57 55 54 56 51,2 50 56,8 53 50 57, 5 56,8 57, 5 53.5 56,5 58,5 58,5 61,5 58 57,5 61 60 60 57, 5 64 61,5 61 57 61 60,5 61, 5 60, 5 57,5 m, 58 57,9 57 58 59.8 58,5 57 57,2 56,2 58,8 91,4 57 57 56,2 50 57 56,5 59, 5 55,5 55,5 55,5 56, 5 58, 5 59,5 58,5 56, 5 58, 5 61,2 59 57 57 54. 5 60. 3 56, 5 57 60 61 58.8 56,8 55,8 60 61,8 gr- 50. 5 80. 5 55 55 61,3 55 89 57,5 56 58 58 43 56,7 57 57,2 40 88 56 59 58,0 58 55 53, 5 61 54, 5 57,5 55 63 64, 8 56 58,5 62 62,3 DATKS juillet. 10 juin 11 — 12 — 13 — 14 — 15 — 16 — 17 — 18 — 19 — 20 — 21 — 22 — 23 — 24 — 25 — 26 — 27 — 28 — 29 — 30 — 1" 2 3 4 5 6 7 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 gr. 52 53,2 50,2 50,5 50, 7 50, 7 50 50,5 54 49,3 51 50, 5 5:i, 5 54 54, 3 55 50 51 53, 3 52 52 51, 5 47 in„ 57.7 gr. 58. 4 56,5 59,2 57,7 58,5 62,6 59,2 58 58,3 58,8 56,5 58, 5 53,8 56 57,7 58,3 61, 3 60 53 52 m 60, 2 91,5 57,3 60, 3 63,2 58,2 58, 4 56,2 62, 5 63,5 56, 5 56,5 56,5 56.3 52,2 57,7 60 58 57 55 60 58,5 56 57,5 60 58.3 61,3 56,5 62 61, 3 64,5 63,5 59,8 60 58 57 60,5 58,5 60, 5 58,5 322 F. HOUSSAY DATES Ilo lllo 111 1" août 373 2 — 374 3 — 375 4 — 376 5 — 377 6 — 378 7 — 379 S — 380 9 — 381 10 — 382 11 — 383 12 — 384 13 — 385 14 — 386 15 — 387 16 — 388 17 — 389 18 — 390 19 — 391 20 — 392 21 — 393 22 — 394 23 — 395 24 — 396 25 — 397 26 — 398 27 — 399 28 — 400 29 — 401 30 — 402 31 — 403 1*' septembre . . 404 2 — 405 3 — 406 4 — 407 5 — 408 6 — 409 7 — 410 8 — 411 9 — 412 10 — 413 11 — 414 12 — 415 13 — 416 14 — 417 15 — 418 16 — 419 17 — 420 56.5 58, 7 58 62 50, 3 60 49, 3 57, 3 58,2 56,8 61 59 57,8 58, 7 56,8 62, 5 58, 3 56, 3 56, 3 57, 5 57,5 59 58 50 55, 8 60 49, 5 57 57 67, 5 59,5 60 50, 5 59, 5 64 63, 8 60 59 58 61 58, 5 58 60, 3 67 58.5 UIl gr. 62 64,5 64,8 60 60 60 58 DATES 61, 3 60,5 63, 8 60, 5 octobre . 18 septembre. . 19 — 20 — 21 — 22 — 23 — 24 — 25 — 26 — 27 — 28 — 29 — 30 — 1= lIo. — 127 œufs = 6 k. 671 IIIo. — 67 œufs = 4 k. 049 RÉSUm II,. - III, . - Ilo lllo novembre , 53 56,5 54,7 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 440 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 176 œufs = 10 k. 195 121 œufs = 7 k. 154 gr- os, 8 64 62, 7 66 55.5 63, 5 65,5 65,5 62, 5 60 60, 3 58 54,5 55, 58 59 58, 60,2 57,8 58 58 58 61 61,5 58,8 61,5 VARIATIONS EXPERIMENTALES 323 DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA SECONDE GENERATION GARNI VOEE DATES 190i 28 janvier 29 — 30 — 31 — jer février 2 — 3 — 4 — 5 — 6 — 7 — 8 — 9 — 10 — 11 — 12 — 13 — 14 — 16 — 16 — 17 — 18 — 19 — 20 — 21 — 22 — 23 — 24 — 25 — 26 — 27 — 28 — 1" mars . . 2 — .. 3 — .. 4 — .. 5 — .. 6 — .. 7 — .. 8 — .. 9 — .. 10 — . . 11 — .. 12 — . . 13 — .. 14 — .. 15 — .. 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 IV2 50,5 51,8 52 52, 5 53,8 56, 7 59,5 56, 3 56,5 68,5 gr. 49 52,3 60,8 57,5 58,5 54 55, 5 55 59, 5 58, 7 60,5 Vllj Vllh 52 54,5 57 50, 7 50,5 56,8 55 54, 7 58 56, 7 58 59 55 53,7 57 61, 3 58,5 avril . 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 58 60 57,8 57 58 60 61,3 60 58,3 57 57 57,5 60 64 58,5 58 58 64,8 64 63, 3 64 64 63, 3 67,5 67 67 67 62,5 67, 7 65,5 64 gr 55 60, 5 56,5 56 58 61 59 61 60,5 59 62 59 65 62 59 57,5 60, 7 57 62 55,8 59 56 56 55,5 X 55,5 62 60 X 62,7 60 65, 5 60.5 60, 3 X 60, 5 X 59,8 57,7 59 59,8 X 59 58 64, 7 60 X X 59 63 59 59,8 X 57.5 59,8 58 mou 62,8 57,3 65, 5 58 58,3 63, 7 57 61,7 63 58 57,3 58,5 56 67, 5 59 X 59 60 61 63, 7 57, 5 54, 5 60 60, 7 62 65, 3 62. 5 324 V. HOUSSAY DATES 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1er 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 lis 66 65 62, 3 65,5 66,7 68,8 65 68, 7 67 67 gr. 58 59 57 58 57,8 57,8 \3Z, i 60 9,5 70 69, 5 66,8 69 68 66,8 66 67,8 66,8 69, 3 67,8 64,5 64, 3 62, 3 62,5 60 60, 7 Vlh gr. «0, 5 60 57,3 58, 3 57 60 60 60, 7 59 58 59,3 57. 7 64. 3 62, 8 59. 3 57 Vllh DATES 63 62 57 58, 5 61, 3 60 62,5 58, 5 60,5 59 59, 8 60 62, 5 61 60 60 60, 8 58, 5 57, 5 57, 3 64,3 62 62 54 54 56 58 63, 5 59 59. 3 59,8 64 60. 7 62, 5 61 56,3 56, 8 61. 5 57 59,5 24 25 26 27 28 29 30 je) 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1er 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 juillet. août. 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 Ih 64. 5 67 63. 5 66. 5 63. 5 65 65 65, 7 65,5 65, 7 68 71,5 67, 5 65 64, 7 64, 63 63,7 62, 5 61, 5 67, 5 62 63, 64 68, 5 69. 5 64, 3 IV'î 59 64, 5 64 81 61 59, 5 61 61 62 61, 7 59 58, 5 56, 5 59 57,5 60 60, 5 60, 3 63 64, 3 65. 5 63, 3 VII ^ , C'. 59 55, 8 57 59 62. 5 59 56 62 57 60 61 56 57 52. 5 57 60 56 66 57, 7 58, 3 57, 3 55, 7 60 54 62, 3 56, 5 63 62, 5 57, 3 56 60 57 5 Vllh 64, 7 59,5 VARIATIONS EXPERIMENTALES â25 DATES 15 août 16 — 17 — 18 — 19 — 20 — 21 — 22 23 — 24 — 25 — 26 — 28 — 29 — 30 — 31 — 1" septembre 2 3 — 4 — 5 — 10 11 12 13 14 15 16 1 Il2 IVs VII2 VlIIi •^ . 64 400 i>r. 66,5 SI-. 57,7 e-i-- 401 65, 7 62 58,3 402 63 403 66, 3 66,3 62 404 61 65, 3 60,5 405 62 57 406 67,5 62,5 407 65 61,5 408 65 409 64 62 410 X 62 411 65 63 64 412 67 55 413 62 57 414 66 64 60 415 64 64 55 416 63 57 417 62 59 418 67 54 419 60 65 62 420 62 65 60 421 65 60 422 70 60 423 68 424 62 60 425 68 58 426 67 67 427 66,3 59,3 428 69 65, 5 59 429 65. 5 60 430 67 61 64 431 64 432 65, 7 66 55 17 septembre 18 — 19 — 20 — 21 — 22 23 — 24 — 25 — 26 — 27 — 28 — 29 — 30 — l^' octobre . 2 3 — 4 — .2^ Il2 IV2 Vlli 433 64,5 g-i'- 63 gr- 434 67 60,5 435 63 436 72,5 X 61 437 68 67 60 438 65 64 56 439 68 440 64 62, 3 441 68 62, 5 61 442 61 58 443 67,3 444 60 445 71 66, V 446 66 64 447 66 448 67,7 65,7 57 449 69.5 64 450 62 451 69 60 452 67, 7 67 453 63, 7 454 73 66 58 455 68 456 68 62,7 457 65,7 62 458 66,8 459 66,5 67 460 62. 3 461 69 462 67 65 463 464 69 68 465 66 VIII2 II.2 — Œufs pesés . . Œufs mangés I Va — Œufs pesés . . Œufs mangés y 11-2 — Œufs pesés. . Œufs mangés VlIIg — Œufs pesés.. Œufs mangés 34 = 2 k. 116 ] ,^ . , .,>„ ■ 3 k. 112 (ponte arrêtée tumeur de l'oviduete) ID = 0 K. 996 \ 326 P. HOUSSAY DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Jours DATEi; de vie 1902 21 décembi e . . . 181 22 — .... 182 23 — 183 24 — 184 26 — .... 185 26 — 186 27 — .... 187 28 — .... 188 29 — 189 30 — 190 31 — 191 1" janvier 1903 192 2 — 193 3 — 194 4 — .... 195 5 — .... 196 6 — .... 197 7 — 198 8 — .... 199 9 — .... 200 10 — 201 11 — 202 12 — .... 203 13 — .... 204 14 — 205 15 — .... 206 16 — .... 207 17 — .... 208 18 — 209 19 — .... 210 20 — .... 211 21 — .... 212 22 — .... 213 23 — .... 214 24 — .... 215 25 — 216 26 — .... 217 27 — .... 218 28 — 219 29 — 220 30 — 221 31 — .... 222 1" février .... 223 2 — .... 224 3 — .... 225 4 — .... 226 5 — 227 6 — .... 228 lia Ill3 48, 3 50, 5 Villa G4 68, 3 40 44, 48 45, 3 50. 5 46,7 IJATES 7 février Jours de vie 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 276 276 277 Ha g-r. 49, 5 51 52 52,7 58 53, 5 55,7 54 52 51,7 54 53, 3 54 53 55 5 55 64 53 54 52.7 51, 5 51,3 50 51 54 52 50 49.5 Illa VIIIs 60,7 64 60 51 62,5 54, 7 55 66,6 64,7 57,5 83,5 66 VARIATIONS EXPERIMENTALES 327 DATES Jours de vie II3 III3 VIII3 DATES Jours de vie I'. m, VII, 28 mars 278 gr. 51,5 g-'-- 54,5 19 mai 330 52,5 gr- 61 gr- 29 — 279 59 55 20 — 331 61 62 62 30 — 280 58 53 21 — 332 51,5 61,5 31 — 281 55,5 60,3 60,6 22 — 333 X 82 1" avril 282 55 57, 5 23 — 334 54,5 51,6 2 — 283 54, 5 61 51, 5 24 — 335 59 64 52.7 3 — 284 54,5 63 25 — 336 55,5 61 53,5 4 — 285 54,5 64 79 26 — 337 53 5 — 286 55,3 52,5 27 — 338 63.6 6 — 287 44,7 66 28 — 339 1 52 66 81 7 — 288 52,5 65 58, 5 29 — 340 1 53,6 64 8 — 289 54, 5 63,7 58, 5 30 — 341 62.5 57 9 — 290 51 63,5 60,7 31 — 342 63,5 52 10 — 291 51, 3 1*'' juin 343 53,5 60 55 11 — 292 65 2 — 344 54 62,5 55 12 — 293 54 63 3 — 345 63,5 55,5 13 — 294 52,5 63 4 — 346 52 64. 5 54 14 — 295 53 62 54,3 5 — 347 51 58 55 15 — 296 52,5 65 48,5 6 — 348 52 16 — 297 51 55,5 7 — 349 60 65 17 — 298 51 62,3 52 8 — 350 47 18 — 299 53 52, 5 9 — 351 63 57 19 — 300 52 57, 3 10 — 352 53 20 — 301 11 — 353 63 52 21 — 302 54, 3 62 55,5 12 — 354 X 53 22 — 303 54,5 64,5 13 — 355 62, 5 52,5 23 — 304 51,7 62 55 14 — 356 65, 5 68,6 24 — 305 53 15 — 357 25 — 306 64 16 — 358 70, 5 26 — 307 51,5 62, 7 54,7 17 — 359 70 66 27 — 308 54 62 18 — • 360 67,5 55, 7 28 — 309 54 64,7 19 - 361 X 29 — 310 54 66 20 — 362 67 30 — 311 55 47 21 — 363 65 62 l"'mai 312 52, 5 64 22 — 364 c 63,7 38 2 — 313 53 65 54 23 — 365 0 65 3 — 314 54 65 24 — 366 M 63 54,3 4 — 315 52,5 87 25 — 367 0 5 — 316 52,5 64 59 26 — 368 - 65, 5 54,5 6 — 317 62,5 53 27 — 369 66 7 — 318 57 64 28 — 370 60 8 — 319 65, 5 55,5 29 — 371 63 51 9 — 320 53, 5 59 30 — 372 63,5 10 — 321 52, 3 68, 5 58,5 1" juillet 373 X 57 11 — 322 53 60 2 — . ...• 374 55, 5 12 — 323 X 59,5 50,3 3 — 375 X 82 13 — 324 54 mou 4 — 376 67,5 53 14 — 325 51,7 65, 5 50 5 — 377 X 50 15 — 326 51 62, 3 54,5 6 — .... 378 X 55,5 16 — 327 55 7 — ... 379 X 50 17 — 328 54, 5 67, 5 8 — .... 380 18 — 329 55 61 86 9 - .... 381 67 4 3â8 F. HOUSSAY Jours Jours DATES de vie Il;i Uh \I1I:) DATES de vie Ih 1II3 Vil h gl-- yr. i;r. KI-. g>- gl-- 10 juillet 382 64 54.5 31 août 434 57, 7 11 — 383 61 1er septembre . . 435 55,5 12 — 384 63 57 2 — 436 59.5 65 53.5 13 — 385 54 3 — 437 57.5 65 51+52 14 — 386 X 4 — 438 55 X 52. 5 15 — 387 65,5 60 5 — 439 54,5 59 49 16 — 388 53 6 — 440 54.5 17 — 389 62 57,5 7 — 441 60 18 — 390 X 8 — 442 57 68 19 — 391 53 9 — 443 57 54.5 20 — 392 62 55 10 — 444 21 — 393 55 11 — 445 60,5 64 55.5 22 — 394 62, 5 50 12 — 446 58 65 23 — 395 67 53,5 13 — 447 56, 3 65 24 — 396 68 57 14 — 448 25 — 397 65,5 50 15 — 449 59,5 68,7 26 — 398 50,5 16 — 450 57.5 27 — 399 65 53 17 — 451 57 71,7 28 — 400 18 — 452 58 70. 5 29 — 401 59 57 19 — 453 30 — 402 56,5 55 20 — 454 59 65,5 31 — 403 52 21 — 455 60,5 l'^août 404 62,5 51,5 22 — 456 60 58 2 405 65 23 — 457 61,7 67 3 — 406 65 55 24 — 458 4 — 407 55 25 — 459 56.5 5 — 408 67,5 26 — 460 57 X 6 — 409 67. 5 mou 27 — 461 70 7 — 410 68, 5 53, 5 28 — 462 61, 3 65, 7 8 — 411 29 — 463 57 65, 7 9 — 412 69 01 30 — 464 56.5 10 — 413 69 54 1er octobre .... 465 59.5 69.5 11 — 414 64,5 54 2 — 466 12 — 415 66 58 3 — 467 60,5 X 13 — 416 X 52.5 i — 468 59.5 67 14 — 417 56 5 — 469 65, 5 15 — 418 63, 5 54 6 — 470 59,5 16 — 419 64 56 7 — 471 57 68,5 17 — 420 55 8 — 472 18 — 421 66 52.5 9 — 473 60, 5 19 — 422 54,5 63.5 49 10 — 474 59 20 — 423 51.5 55 11 — 475 21 — 424 53 66 12 — 476 58 22 — 425 56 X 86 13 — 477 23 — 426 58,5 63 49.5 14 - 478 60 24 — 427 59, 5 62, 5 63 15 — 479 57.5 25 — 428 53 16 — 480 26 — 429 63 64 52 17 — 481 62 27 — 430 60 70 mou 18 — 482 28 — 431 57 65,5 19 — 483 61 29 — * 432 58,5 20 — 484 30 — 433 57,7 58 21 — 485 VARIATIONS EXPERIMENTALES 329 DATES Jours de vie lia IIl3 Villa DATES Jours de vie Il3 IIIs VIII3 22 octobre 2;-! — 24 — 486 487 488 ST. 60,5 gr- çr. 25 octobre 26 — .... 27 — irr. 489 490 491 trr. 58 57 gr. ?■■• RÉSUMÉ Il3_ — Œufs pesés 138 = 7 k. 561 7 k. 616 Œuf cassé 1 = 0 k. 54,8 j III3 — Œufs pesés 137 = 8 k. 723 ) 9 k. 614 Œufs mous ou mangés . 14 = 0 k. 891 ) VIII3. — Œufs pesés 142 = 7 k. 881 j g k. 048 Œufs sans coquille 3 = 0 k. 167 ) AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4* SERIE. — T. VI. — [V). 330 F. HOUSSaY DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie V'r 1904 gr. 12 février. . . . 234 60 14 — 236 55,5 16 — 238 54 18 — 240 59 22 — 244 mou 27 — 249 60 29 — 251 60,5 1er mars 252 61 3 — 254 65 5 — 256 60 6 — 257 64,5 10 -» 261 X 13 — 264 60 14 — 265 59 15 — 266 60,5 17 — 268 66,5 18 — 269 95 20 — 271 63,7 21 — 272 64 23 — 274 60 24 — 275 66,5 25 — 276 65 27 — 278 mou 30 — 281 mou 2 avril 284 60 3 — 285 61.5 5 — 287 65,7 6 — 288 62,5 7 — 289 64 8 — 290 62,5 10 — 292 61 12 — 294 56,5 14 — 296 83,5 15 — 297 38,5 17 — 299 X 18 — 300 87,5 20 — 302 95 21 — 303 63 22 — 304 67,7 23 — 305 65 DATES 24 avril 26 — 27 — 30 — 3 mai. 4 — 6 — 11 — 12 — 14 — 15 — 16 — 17 — 19 — 20 — 22 23 — 24 — 27 — 28 — 29 — 31 — 8 juin. . . 10 — 12 — 13 — 14 — 17 — 18 — 20 — 21 — 23 — 24 — 25 — 26 — 29 — 30 — 3 juillet. 5 — Jours (Je V4 vie S'''. 306 62,5 308 54.5 309 mou 312 48 ] 315 100 316 62,5 318 102 319 65 323 65,5 324 73 326 69 327 101.3 328 63 329 95,5 331 98,5 332 X 334 62,5 335 25 336 60 339 66 340 67,5 341 95,5 343 94 351 65 353 61.5 355 X 356 64,7 357 70,5 360 mou 361 mou 363 69 364 mou 366 110 367 65,5 368 64,7 369 65,5 372 69 373 64,5 376 101 378 67,3 379 66.5 DATES 7 juillet. . . . 8 — 9 — 10 — 11 — 12 — 13 — 14 — 15 — 17 — 19 — 22 23 — 24 — 25 — 27 — 29 — 31 — 2 août 3 — 5 — 6 — 8 — 9 — 10 — 11 — 12 — 13 — 14 — 16 — 17 — 18 — 19 — 21 — 22 — 23 — 24 — 25 — 27 — 28 — 5 septembre Jours de vie 380 381 382 383 384 385 386 387 388 390 392 395 396 397 398 400 402 404 406 407 409 410 412 413 414 415 416 417 418 420 421 422 423 425 426 427 428 429 431 432 440 Vi 104 65 98,5 63,5 51 59,5 93 mou 63 67 mou 69 64.5 68,3 68 72,5 59 68 67,5 96,5 68 65,5 68,5 62,5 62.5 98 45,5 66 67,5 66,5 64 70 70,5 74 104,5 49 68 69,7 71.3 V4 . — Œufa pesés Œufs sans coquille. Œufs mangés RÉSUMÉ 108 = 7 k. 465 9 = 0 k. 622 5 = 0 k. 345 k . 432 VARIATIONS EXPERIMENTALES 331 DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES 1905 27 février . 1«' mars. 2 4 — . 11 — . 13 — . 14 — . 16 — . 17 — . 18 — . 20 — . 21 — . 26 — . 27 — . 29 — . 30 — . 1^' avril. 4 — . 6 — . 7 — . 12 — . 13 — . 15 — . 16 — . 18 — . 19 — . 20 — . 23 — . 24 — . 1"' mai . 325 332 Jours ! 1 de Ir. vie gT. 269 54 271 54,5 272 84.5 274 52 277 55 281 55 283 49,5 284 56,5 286 58 287 59 288 59 290 91 291 59,7 296 60,7 297 60 299 59,5 300 89 302 mou 305 X 307 50 308 54,7 313 60 314 55 316 57 317 48 319 86,5 320 52 321 55 324 58 DATES mou 52 Jours de vie 333 334 335 338 339 340 343 344 345 347 348 350 351 353 354 357 358 359 360 362 364 366 367 368 370 371 372 373 375 376 378 379 52 54 87,5 39 62.7 mou 95,5 61,5 53 63 101 62,5 62 93.5 mou mou mou 59,5 2 mous ^ mous 60,5 2 mous X 60,5 55,5 67,5 mou 93 92 mou 57,5 60,5 DATES 18 juin 19 — 20 — 21 — 22 — 24 — 25 — 26 — 27 — 28 — 1" juillet. 10 12 13 14 15 16 18 19 20 21 22 23 25 26 28 29 30 le; 2 — 7 — Jours de vie août. 380 381 382 383 384 386 387 388 389 390 391 393 394 402 404 405 406 407 408 410 411 412 413 414 415 417 418 420 421 422 424 425 430 RÉSUMÉ I5. — Œufs pesés 78 = 4 k. 958 Œufs sans coquille 15 = 0 k. 953 Œufs mangés 3 = 0 k. 191 S'"'- 65 50,5 61 95.5 60 63 67 62 mou 55 44,5 63 95 61 62 mou 60 65 mou 62 66 ■ 40 62 61 mou 63 55 97,5 60,5 64 mou 60,5 58,5 6 k. 102 332 F. HOUSSAY VARIATIONS DU POIDS DE DEUX ŒUFS PENDANT UNE INCUBATION CONDUITE A TERME AVEC LA COUVEUSE D'ARSONVAL 1905. 9 mars (soir) 10 — (matin) 11 — — 12 — — 13 — — 14 — — 15 — — (1) 16 — — 17 — — 18 — — 19 — — 20 — — 21 — — 22 — — 23 — — 24 — — 25 — — 26 — — 27 — — 28 — — 29 — — (1) A partir de cette date, une éponge humide est laissée dans la couveuse pour maintenir l'atmosphère saturée de vapeur d'eau. 60 g. 15 » » 59 77 60 g ;.40 59 29 60 » 58 83 59 50 58 26 59 » 57 61 58 53 57 45 58 32 57 30 58 17 57 18 57 97 57 » 57 85 56 85 57 72 56 70 57 55 56 52 57 36 56 25 57 12 55 98 56 94 55 60 56 54 55 45 56 40 55 13 56 21 55 84 56 05 55 50 55 70 54 15 55 57 ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IV« Série, Tome VI, p. 333 à 369, pi. IV. 10 Mai 1907. NOUVELLES RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PHARYNX ET DES CLOISONS CHEZ LES HEXACTINIES PAR L. FAIJROT Docteur es sciences, Docteur en médecine. TABLE DES MATIERES Pages Introduction 333 Blastula ciliée (plauula). Gastrula. Mésoderme 341 Développement du pharynx et des quatre couples de cloisons 348 Cause de l'orientation des muscles unilatéraux des cloisons 354 Disque oro-tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires de cloisons. . . . 3J5 Cycles tentaculaires 359 Conclusions (Développement) 361 Philogénie des Hexactinies. Affinités 362 Index bibliographique 368 Explication de la Planche 369 INTRODUCTIOIf Cette étude, de même que la précédente (1903), a été faite sur des embryons de Sagartia lyarasitica et ù'Adamsia palliata. Depuis qu'ont été publiés le travail d'ANDRES (1884) et celui de Carus (Prodrome de la faune de la Méditerranée), on réunit ces deux espèces dans le même genre Adamsia, en désignant la ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4» SÉRIE. — T. VI. — (Vl) M 334 L. FATIROT première : Adamsia Bondeleti. Ainsi que je l'ai déjà signalé (1903, note de la page 359), c'est à tort que cette réunion a été faite. Je reviens encore une fois sur cette question de nomen- clature au sujet de laquelle il me semble ne pas avoir suffisam- ment insisté. Les désignations de Sagartia et de parasitica sont de Gosse (1860), celle d' Adamsia est de Forbes {Ann. natur. hist., vol. 183) et c'est Andres qui a créé l'espèce Adamsia palUata Avant Andres, Bohadsh avait décrit la même espèce sous le nom de Médusa palliata. Les deux espèces ont en commun les caractères suivants : Base très adhérente. Au tiers inférieur de la colonne, le tégu- ment est muni de verrues percées de cinclides et disposées en deux ou trois rangées. Chez les deux espèces, les tentacules sont complètement rétractiles. Une particularité importante que j'ai déjà signalée chez Sagartia parasitica (1895), doit égale- ment exister, à mon avis, chez les autres espèces du genre. Elle consiste en ce que les cinclides s'ouvrent directement dans les loges, pas ou très rarement dans les interloges. Il y a à noter, en outre, que parmi les six loges de premier ordre, deux : les deux loges de direction, sont dépourvues de cinclides. Aconties. Parmi les caractères qui, abstraction faite des colorations, distinguent les deux espèces, les plus importants et les plus visibles sont : Sagartia parasitica : Colonne cylindrique haute. La base pédieuse peu déformée, mais étalée, est entièrement fixée sur les coquilles habitées par : Pagurus striatus, Pag. angulatus, etc. Cette base sécrète une membrane d'origine muqueuse toujours complètement adhérente aux coquilles. Disque tentaculaire orienté en haut ou latéralement par rapport au pagure (1). Nombre et disposition des cloisons toujours symétriques et biradiales. Adamsia palliata : colonne très courte. La base pédieuse (1) Les cas où on trouve Sag. parasitica vivant non accompagné d'un Pagure, doivent être considérés comme exceptionnels. DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 335 très étalée chez l'adulte a une surface proportionnellement beaucoup plus grande que celle de la colonne. Cette base est déformée et le plus souvent n'est pas entièrement fixée sur les coqviilles. Une partie de cette base sert à envelopper l'hôte intérieur des coquilles. Cet hôte est : Eupagurus Prideauxi, à l'exclusion de tout autre pagure. La base pédieuse sécrète une membrane de même origine que celle du Sag. parasitica, mais elle n'adhère pas, durant toute la durée de son développement, complètement à la coquille. Le disque tentaculaire est toujours placé en face de la bouche du pagure mutualiste. Quoi qu'en dise Gosse, Andres et Jourdan, les tentacules bien que moins irritables que chez Sag. parasitica sont complètement rétractiles. Le nombre des cloisons est irrégulier, leur disposition est asymétrique. On sait (1895, pp. 195 à 199) que la plupart des traits carac- téristiques de VAd. palliata résultent d'une déformation pro- duite par un mutualisme très intime. Je reviendrai sur cette association dans un autre travail ; mais dès maintenant on peut voir que, même en tenant compte de l'origine de ces carac- tères, VAd. palliata diffère trop du Sag. parasitica, pour qu'il soit possible de réunir l'une et l'autre espèce dans un genre particulier. Cependant Verill, le premier, a cru devoir séparer du groupe des Sagartia le Sag. parasitica et créer pour lui le genre Cal- liactis, en raison de sa base étalée et de la présence de tubercules perforés à la partie inférieure de la colonne. C'est en se servant de ces mêmes caractères que Milne-Edwards et J. Haime ont fait rentrer le Calliactis dans le genre Adamsia. Andres et Carus les ont imités. En réalité iL n'y a pas de tubercules chez Sag. parasitica ; ce que l'on a décrit pour tels sont plutôt des verrues, des voussures produites par les aconties accumulés et pressés contre les cinclides. Elles sont peu ou pas apparentes au niveau des cinclides de deuxième et troisième ordres. Chez Sag. parasitica et Ad. palliata, les verrues sont bien percées de cinclides, mais cela, ainsi que leur situation vers la base de la 33(; L. KAIIUOT colonne, constitue devix particularités d'une valeur insuffisantes pour justifier la création d'un nouveau genre. Deux autres caractères : base étalée et membrane adhérente sécrétée par le disque pédieux sont également considérés comme étant communs au Sag. ijarasitica et à VAd. palliata. Mais chez la première de ces Actinies, l'élargissement de la base n'est pas constant ; il ne peut se produire que lorsque les individus ne sont pas groupés en trop grand nombre sur une même coquille habitée par une pagure (leur habitat normal). Quant à la mem- brane sécrétée par le disque pédieux, elle ne constitue pas une particularité propre ni au Sag. parasitica, ni à VAd. palliata ; je l'ai observé chez le Chitonactis coronata et elle existe proba- blement aussi chez toutes les espèces qui fixées sur des corps durs et rugueux, ne se déplacent jamais ou seulement à de très rares intervalles. Cette membrane, d'origine muqueuse et résul- tant d'une réaction de défense, peut être sécrétée non seulement par le disque pédieux, mais aussi par la surface même de la colonne chez certaines espèces absolument sédentaires et vivant toujours en contact avec des pierres ou avec du sable vaseux : Phellia, Edwardsia. Chez VAd. palliata, l'élargissement et la déformation consi dérable de la base, l'asymétrie de nombre et de disposition des cloisons ainsi que son Mutualisme exclusif à l'égard d'une seule espèce de pagure, constituent trois caractéristiques importantes d'une valeur générique au moins égale à celle du gTOupe des Sagartia. La dénomination à'Adamsia Rondeleti a donc été indûment attribuée au Sagartia parasitica (1). Il n'existe cependant aucune différence dans l'embryogénie des deux espèc3S. Les embryons sont seulement plus petits et leur déve- lopp.unent est moins rapide chez Ad. palliata. Chez cette espèce aussi, le stade à huit tentacules et à huit cloisons présente une plus longue durée que chez Sag. parasitica. (1) Synonymie ihi Sagartia paranitica : Actinia effœta Linné; Actinia parasitica Couch ; Sagurlia effœta V. Fischer; Adamsia effœta Alilne-Kclwards ; Calliactis efjœta P. Fischer; Adamsia Rondeleti Délie Chiaje et Andréa ; Calliactis polypus Klutziuger. DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 337 Mon but, dans ce mémoire, est de préciser les particularités embryogéniques que j'ai exposées dans mon précédent travail (1903) et en outre de les compléter et d'en étendre les conclu- sions. Ces particularités étant en grande partie en contradiction avec ce qui a été publié sur le développement des Hexactiuies,- il est utile que je revienne de nouveau à un exposé des opinions antérieures aux miennes. Avant le travail précité, il était admis que le pharynx des Hexactinies résultait uniquement de l'invagination du pôle oral d'une planula, et d'après la plupart des auteurs, le blasto- pore ne formait pas la bouche mais l'ouverture inférieure du pharynx. Quant à la bouche, elle était délimitée par les bords mêmes de l'invagination ; ou encore, comme chez les Alcyon- naires, l'ouverture inférieure du pharynx devait son origine à la perforation du pôle invaginé d'une planula sans blastopore. E. VanBeneden (1897) s'exprime ainsi : « Le blastopore devient entérostome et l'actinostome est un orifice de nouvelle forma- tion. La bouche des Hexactinies n'avait donc aucune homologie avec celle des Hydrozoaires qui d'ailleurs n'ont pas de pharynx. On admettait ainsi que le pharynx était formé, en cas de gas- trula antérieure, par une nouvelle invagination comprenant à la fois l'ectoderme et l'endoderme. Quant aux quatre premiers couples (1) de cloisons, les uns, comme Lacaze Duthiers, croyaient que leur développement était successif et qu'il n'avait aucun rapport immédiat d'apparition avec le pharynx. Wilson et Me MuRRiCH admettaient, au contraire, que la formation du premier couple était en relation immédiate avec celle du pha- rynx alors que ce dernier s'éloigne de la paroi pour devenir peu à peu central. Pour Goette, la formation des quatre couples (1) Couple, en français, se dit de deux choses de même espèce prises ensemble (Littré). Exemple : un couple d'œufs. Ne se dit pas des choses nui vont nécessairement ensemble ; on dit alors : une paire. Les cloisons d'une loge vont nécessairement ensemble, on doit donc dire dans ce dernier cas seulement : une paire de cloisons. En anglais, les significations de couple et pair ne paraissent pas être les mêmes qu'en français. Cette terminologie, d'ailleurs sujette à discussion, n'a été employée que faute d'une meilleure. 338 L. FAUROT est non seulement indépendante de ce dernier organe mais elle est même ijostérieure à celle des loges. Enfin Appellof consi- dère comme inexacte l'opinion de H. V. Wilson et de Me Mitr- RiCH d'après laquelle il y aurait à l'origine un contact intime entre le pharynx et la paroi du corps. D'après lui, le pharynx est, durant le processus entier de son introversion, complètement entouré par l'endoderme, bien qu'il soit plus rapproché de l'un des côtés du corps que de l'autre. A toutes ces affirmations contradictoires, j'oppose les conclusions suivantes résultant de mes recherches : La formation du pharynx ne résulte pas de l'invagination orale d'une planula à deux feuillets, ni de l'introversion du stomodœum d'une gastrula. Au début de son développement, cet organe présente l'aspect d'une gouttière faisant partie de l'un des côtés de la paroi du corps un peu au-dessous de la bouche de la gastrula. La gouttière pharyngienne se transforme en tube avec la formation des couples 2-2 ; 4-4 et 3-3. C'est en même temps que la gouttière qu'api)araissent le premier couple d'abord et ensuite les trois autres, par un processus pouvant donner lieu à des interprétations diiïérentes. Ce seraient : ou quatre replis de la paroi du pôle oral s'accroissant de ce pôle vers le bas ; ou bien peut-être les intervalles pleins de quatre enfonce- ments homologues à ceux que Goette soutient avoir observés chez le Scyphistome ; ou bien encore, les couples pourraient résulter de plis pénétrant comme des fentes dans la paroi du corps, fentes rappelant les formations schizocœliques. Les embryons très nombreux de Sagartia parasitica et d'Adam- sia palliata que j'ai examinés pour cette nouvelle étude, soit à l'état vivant, soit à l'aide de coupes, provenaient de pontes artifi- ciellement obtenues par un procédé que j'avais déjà vu utiliser par M. François, au Laboratoire de Banyuls en 1890 (1). 11 consiste à placer un certain nombre d'Actinies, quinze à vingt, dans un même cristallisoir rempli d'eau de mer. Au bout de (1) La Bianco (1900. Année biologique) a également provociué la ponte des Ophiotryx en mettant un certain nombre de ces Echinodermeg dans un litre d'eau de mer. DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 339 . vingt-quatre à quarante-huit heures, rarement plus, des œufs segmentés à des stades plus ou moins avancés s'échappent en grande quantité et flottent à la surface de Teau. J'ai remarqué que cette méthode avait plus de chances de réussir lorsque les Actinies avaient été pêchées récemment. A l'état normal, c'est- à-dire dans la mer, la fécondation, la segmentation et la forma- tion de la planula se passent vraisemblablement à l'intérieur du corps ; mais dans les conditions de captivité, les pontes se trouvent hâtées par l'altération de l'eau résultant de la réunion d'un grand nombre d'animaux dans un petit volume d'eau et aussi par l'élévation de la température. Les pontes se produisent surtout la nuit et le matin, elles sont parfois accompagnées du rejet de fragments d'entéroïdes et d'amas d'œufs non fécondés encore inclus dans des portions de cloisons. Ce dernier fait montre bien que les pontes sont anormales sous le rapport de leur ori- gine. Elles sont d'ailleurs souvent suivies très rapidement par la mort et la décomposition des Actinies qui deviennent flasques ou s'aftaissent en état de contraction incomplète. Le plus souvent les œufs se développent normalement. Dans les pontes oit il en est autrement, le développement ne se continue pas au-delà du stade gastrula, mais avec beaucoup de lenteur. Très peu d'embryons même y parviennent. Chez VAdanisia palliata de même que chez Sagartia i)arasiUca les œufs, segmentés ou non, provenant d'une même ponte sont, soit blancs, soit de couleur rosée. Ils sont toujours très opaques. J'ai remarqué que ces couleurs conservées par les embryons jusqu'à l'état de planula sont aussi celles des acontia de l'indi- vidu dont les œufs sont issus. La durée des premiers stades de développement est à peu près la même pour VAdamsia palliata et le Sagartia parasitica. Cette durée pour chaque période est sans limite bien fixe. La segmentation se fait entre six et dix heures. La blastulation dure de dix à vingt heures. La formation de la planula, qui à vrai dire n'est dans ce développement qu'une blastula ciliée, et sa transformation en 340 L. FAUROT gastrula se fait insensiblement entre la quarantième et la cin- quantième heure. Vers la soixante-seizième heure environ, les embryons de l'une et l'autre Actinie peuvent déjà se fixer et lo plupart de ceux qui sont maintenus dans de l'eau très pure se fixent en effet au cinquième ou sixième jour. D'autres en très grand nombre peuvent continuer à nager pendant des mois et plus. Il est vrai que beaucoup d'entre eux qui s'étaient fixés se détachent et errent plus ou moins longtemps avant de se fixer définitivement. A l'état normal, dans la mer, la période de vie libre doit être très prolongée, car à toute époque de l'année, on peut par la poche pélagique recueillir des larves à huit cloisons. C'est ainsi qu'au mois de décembre j'ai pu en observer à Nice. Chez les embryons élevés dans les cristallisoirs les premières cloisons commencent à se former dans la larve nageante avant la fixation. Cette fixation pouvant ne pas être définitive, la larve nage donc souvent avec huit cloisons bien développées, sans tentacules. Ou bien, au lieu de nager, la larve progresse au moyen de ses cils tout en restant en contact avec le fond du cristallisoir. Cette progression simule une reptation mais en réalité la larv<' bien que s'appuyant sur une surface solide se sert de ses cils comme si elle se trouvait entre deux eaux. L'allure de la larve sans cils des Lucernaires n'est donc pas comparable avec celle des larves d'Hexactinics alors que celles-ci sont sur le point de se fixer. Tandis que chez Adamsia palUata le nombre des cloisons et celui des tentacules ne s'accroît pas au-delà de huit durant un ou deux mois, chez Sagartia parasitica l'augmentation du nombre est beaucoup plus rapide. C'est ainsi qu'une larve de cette espèce, fixée depuis six jours peut déjà présejiter douze cloisons et douze tentacules. Durant toute leur vie libre, les embryons ne parais- sent pas s'alimenter autrement qu'au moyen de leurs réserves lécithiques. C'est ainsi qu'ayant conservé vivante toute une ponte d' Adamsia palliata, depuis le 12 mai jusqu'au 12 juin, je trouvais à cette dernière date les embryons à peu près trans- lucides alors qu'au début ils étaient complètement opaques. DEVELOPPEMENT DES HEXACïINrES 341 La partie pharyngienne de leur corps était vide tandis que la partie postérieure aborale contenait encore quelques éléments graisseux jaunâtres. Cette transparence ainsi causée par la résorption de la plus grande partie des cellules de nutrition, coïncidait avec la période de la vie libre. BLASTULA. BLASTULA CILIÉE (Planula). GASTRULA. MÉSODERME Les segmentations irrégulières de l'œuf continuent à se ]no- duire dans les blastules de forme irrégulière et très variable que j'ai déjà décrites (1903, p. 360). C'est par erreur que j'ai signalé la formation d'une morule, j'avais été trompé par l'aspect sphé- rique d'oeufs en segmentation très avancée. Les blastules sont formées de cellules non déformées par la compression des cel- lules voisines et dont les noyaux sont tous en karyokinèse. Les segmentations qui continuent à se produire contribuent à com- bler leur cavité et régularisent probablement ainsi la forme de ces blastules. La figure 4, pi. V, représente une blastule entière et les figures 2 et 3 les coupes de deux autres. Aucune règle ne prévSide à la distribution des blastomères; c'est à peu près la « Blastomerenanarcliie » signalée par Metchnikoff dans le déve- loppement de la méduse : Oceania armata. Les cellules qui rem- plissent les blastules m'ont semblé se produire au début par la segmentation des superficielles mais il se peut que leur multi- plication se fasse par un processus semblable à celui de la déli- mination. C'est l'opinion que j'avais adoptée dans mon travail de 1903, opinion conforme à celle de Wilson dans son mémoire sur Manicina areolata (1888). Les parois des blastules sont au début rapprochées, par places, jusqu'au contact ; aussi devien- nent-elles un peu translucides durant deux à trois heures. Cette translucidité disparaît bientôt ainsi que l'irrégularité de toute la surface par suite, ai-je dit, du comblement de leur cavité par les cellules nouvellement formées et d'aspect semblable à celles des parois. Dès que les blastules ont pris une forme S])hé- rique, presque ovale, on peut les désigner sous le nom de planules. 3i-2 L. FAUROT car elles se couvrent de cils, se déplacent d'abord lentement puis plus rapidement ; elles fuient une trop grande clarté. La bouche n'est visible à l'extérieur que lorsque l'invagination commence, elle est presque toujours en arrière du sens de la progression. On peut expliquer cette particularité par un mou- vement des cils plus rapide dans le sens oro-aboral ; ou bien la planule étant moins volumineuse à son extrémité aborale on peut admettre que les cils, agissant avec une égale force dans les deux sens, cette extrémité doit offrir moins de résistance au déplacement que l'extrémité opposée. Sur les coupes, la planula bien développée (fig. 5, pi. V) se présente comme formée à la périphérie par une couche de cel- lules allongées vers l'intérieur de la cavité. Dans cette cavité les cellules se terminent en culs de sacs sans parois distinctes et à contenu formé de globules de graisse. Leur aspect rappelle un peu celui des cellules glandulaires que Ton trouve en diverses parties du corps chez l'adulte. Cette structure ne concorde guère avec les descriptions clas- siques de la planula. On décrit cette dernière comme possédant deux feuillets, l'endoderme étant plus ou moins distinct. Pour Balfoue, la planula ciliée a deux couches; elle est pourvue d'une cavité digestive plus ou moins rudimentaire creusée dans le feuillet interne. Pour Korschelt et Heider, la planula est pourvue d'un ectoderme cilié et d'une masse intérieure endoder- mique plus ou moins compacte. Cette dernière définition tend à enlever à l'endoderme son importance comme couche distincte. Je crois, d'après ce qui se passe chez Ad. palliata et Sag. para- sitica, devoir aller plus loin en disant que la planula est chez les Hexactinies, une blastula pleine ciliée pourvue d'un ectoderme et d'une masse lécithique intérieure sans trace d'endoderme. Cette dernière couche, ainsi qu'on le verra plus loin, résulte d'une invagination typique. Cependant, à la période du dévelop- pement où nous en sommes, l'embryon couvert de cils et menant une vie libre représente bien la phase dénommée planula. Une autre particularité est à signaler : la paroi ectodermique est DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 343 perforée de un et même parfois de plusieurs orifices que Toii retrouve dans les périodes ultérieures du développement. Ce sont souvent des perforations s'ouvrant directement dans la cavité intérieure mais d'autres fois, les orifices se prolongent plus ou moins loin dans l'épaisseur de l'ectoderme constituant ainsi de véritables canaux pins ou moins parallèles à l'axe du corps. La présence de ces canaux à parois revêtues de cellules semblables à celles de l'ectoderme m'avait fort intrigué et la recherche de leur origine a été en grande partie cause du long retard que j'ai mis à l'achèvement de ce travail. Il est vrai- semblable que lorsque la planula est pourvue de plusieurs ori- fices, ceux-ci ne sont, sauf un seul qui est la bouche, que le début d'invaginations anormales. S'il est encore incertain que la planula soit une répétition d'une forme ancestrale libre attribuée à tous les Cœlentérés, sa structure chez Sag. parasitica et Ad. palliata indique du moins quel est son rôle durant le développement. C'est, en effet, durant cette phase planula que s'achève l'organisation des cellules ectodermiques par l'apparition du revêtement cilié et surtout par la séparation complète des éléments graisseux qui, s'isolant des autres substances cellulaires, rempliront à peu près complè- tement la cavité embryonnaire, permettant ainsi à la larve de vivre jusqu'à la période de fixation définitive (1). Lorsque cette accumulation de substances lécithiques s'est produite, une véritable, comiilète invagination, qui probable- ment a débuté au niveau de la bouche de la planula, s'opère graduellement dans un laps de temps d'environ douze à vingt heures. Ce n'est qu'en observant ce phénomène depuis le début de sa formation que l'on peut cons-tater qu'il se produit réelle- ment. En effet, la planula étant remplie d'éléments graisseux, (1) WiLSON (1888) a vu la formation d'une blastosphère avec une très large cavité se rem- plissant par délaniination pour former une planula pleine. La figure 4 (ju'il donne de cette pla- nula ne montre aucune trace d'endoderme distinct. Ce n'est que dans la suite du développement lorsque la niésoglée se forme (Wilson, flig. 5, 6) et que l'endoderme apparaît. P. M. Murkich (1891) chez Actinoloba (Metridium marginatum) affirme que la couche endoderniique déla- minée est très difficile, avant l'ouverture de la bouche, à distinguer de la masse nutritive. 344 L. FAUROT on est tenté de croire, en observant sans transition une gastrula complètement formée, que celle-ci ne provient pas d'une intro- version ectodermique, que le vide de sa cavité n'est dû qu'à la résorption des globules nutritifs de cette planula, et qu'en outre l'endoderme s'est produit par délamination. C'est là sans doute le motif qui fait que la plupart des recher- ches qui ont été faites sur ce sujet ne concordent pas et que plusieurs auteurs n'admettent pas l'invagination typique chez les Hexactinies (1). Cependant Jourdan (1879) a observé une invagination véritable chez Actinia equina. Il note que la cavité de la gastrula est complètement vide au début. Kowalesky (1873) lui-même, avait vu chez une Actinie indéterminée, qu'après la formation d'une morula ciliée il se forme une véritable invagi- nation, mais il ajoute que les bords de l'ouverture (endoderme et ectoderme compris) de la gastrula s'enfoncent pour former le pharynx. La gastrulation de VUrticina (Tealia) décrite par Appellof dériverait directement d'une blastula pleine. Chez cette espèce il existerait à la fin de la segmentation un blastocœle avec une fausse (unechte) cavité de segmentation remplie dès le début par une partie de la substance vitelline non segmentée. Ce ne serait qu'au bout du cinquième ou sixième jour qu'on observe- rait l'invagination de la blastula et c'est seulement sur la gas- trula que les cils apparaîtraient. A la fin de la gastrulation, dit- il, l'endoderme limite une cavité relativement spacieuse qui n'est cependant jamais vide mais remplie d'une masse graisseuse de nutrition. Il ajoute : «Es ist jetz derselbe Nahrungdotter, welcher aus der Blastula in die Gastrulahohle iibertritt ». J'ai moi-même (1) Kowalesky (1873), chez Actinia parasUica = Sagartia parasitica a vu se former un amas de cellules sans formation rie cavité de segmentation. Cet amas se couvre de cils après c|uc la segmentation est terminée. Il apparaît alors à l'une des extrémités un petit refoulement. Il s'agit là, à mon avis, d'une blastula pleine conservant encore sa forme Irrégulière durant son passage graduel à la phase de planula. Le naturaliste russe ne croit pas que l'endoderme se soit formé par invagination, mais il faut dire qu'il n'a pu observer les stades ultérieurs du développement du Sag. parasitica et que, dit-il, «même par le moyen des coupes on ne saurait obtenir rien de bon ». Sur Actinia aurantiaca (Grube), Kowalesky observa des embryons à huit cloisons dont la cavité était remplie de vitellus de nutrition « de sorte, dit-il, qu'évi- demment l'endoderme ne s'était pas formé par refoulement ». DÉVELOPPEMENT DES TIEXACTINTES 345 observé le même fait chez Ad. palliata et 8ag. parasitica Appellof (1900, p. 22-23), donne deux explications de cette migration de substances lécithiques : ou bien, les matières grasses de la blas- tula ont été complètement résorbées par les cellules invaginées pour être de nouveau rejetées dans la cavité delà gastrula; ou bien, et c'est l'explication qui lui paraît la plus vraisemblable : les éléments graisseux se sont mélangés par pression réciproque à la couche de cellules endodermiques et ont passé à travers. Mes récentes observations, en ce qui concerne l'existence de l'invagination, concordent avec celles que je viens d'exposer (KowALESKY, JouRDAN, Appellof), et sout à opposcr à l'opi- nion la plus généralement adoptée au sujet de la forme la plus typique du développement des Hexactinies, opinion qui est ainsi résumée par MM. Y. Delage et Herouard (1901, p. 479) : « ...une planula se forme par délamination. Au petit bout de la larve se produit une invagination modérément profonde qui est le stomodoeum dont le fond se perce d'un orifice. La larve devient par là en tout semblable à une gastrula, bien que son origine soit tout autre » (1). J'ai observé que la blastula pleine se recouvre de cils et représente ainsi une phase planula pleine sans feuillet endoder. mique. Cette planula subit une véritable invagination. Pendant que se forme la gastrula, la masse interne lécithique se résorbe mais réapparaîtra dans la cavité de cette gastrula ainsi que l'a observé Appellof sur Tealia. Le stomodœum se transformera en pharynx non pas par une seconde invagination, mais, ainsi que je l'exposerai plus loin, par un plissement circulaire de la couche moyenne se produisant, peut-être, en même temps que le couple 1-1. L'ectoderme en s'invagiiiant forme une couche bien distincte, sans discontinuité et sans mélange avec la masse léci- thique qu'elle refoule tout en la résorbant complètement. La cavité de la gastrula, je le répète, est vide. Ce n'est que plus tard, lorsque l'embryon a pris une forme allongée que les élé- (1) i Car on est porté à attribuer à la continuation de l'invagination pharyngienne la for- mation de la couche endoderniique que l'on ne voit bien que lorsque la cavité s'est nettoyée. " 346 L. t'AUROT ments graisiseux réapparaissent et remplissent cette cavité. Appellof (1900, p. 86) aurait vu cette réapparition s'opérer de la manière suivante : « Die sicli einstulpende Entoderms- chiclit drangt sicli ohne ilire epitheliall Verbindung aufzugeben zwischen die Dotterelemente welche auf dièse weise in die Gastralhôhle gelangen ». Cette citation diffère p(îu de l'inter- prétation faite à ce sujet par le même auteur et que j'ai relatée à la page précédente. La formation de la gastrula se fait le plus souvent avec régu- larité, c'est-à-dire que l'ectoderme iutroversé forme une courbe à peu près parallèle à l'ectoderme extérieur, mais souvent, ainsi qu'ApPELLôF l'a noté et figuré (taf. 2, flg. 12), cette courbe est sinueuse de telle façon qu'une proéminence remplit plus ou moins complètement la cavité de la gastrula. J'ai même vu (piel- quefois la proéminence très longue et assez mince partager cette cavité en deux chambres. Des cas semblables ne sont pas rares et pourraient donner l'idée d'un plissement normal du feuillet interne, plissement prenant naissance au fond de la cavité gas- trulaire. Ces cas, de même que tous ceux où la gastrulation ne se fait pas régulièrement, me paraissent causés parunerésorption inégale des éléments lécitliiques. Cette résorption se ferait donc parfois plus rapidement en un point de la cavité de la gastrula que dans les autres. La formation de la couche moyenne, mésoglée, mésoderme ou mésenchyme se produit alors que l'invagination étant terminée l'endoderme se trouve en contact avec la paroi ectodermique de la gastrula. Dès ce moment, l'embryon devient beaucoup plus contractile que dans la période antérieure. Sa forme observée sur le même individu peut passer de la sphère à l'ovale plus ou moins allongé. On ne voit cependant aucune trace de fibrilles musculaires sur les surfaces endo- ou ectodermiques du mésoderme que l'on persiste à considérer chez les Cœlentérés, comme dépour- vu de contractilité propre. Spengel l'appelle : membrane basale et admet qu'il est sécrété à la fois par l'ectoderme et l'endoderme. Sa destination d'après Hertwig ne serait que celle d'une mem- DÉVELOPPEMENT DES IIEXACTIN[ES 347 brane de soutien (Stutzlamelle, Stutzsubstanz) et il ne devien- drait contractile que par rinimigration d'éléments musculaires endo- ou ectodermiques. C'est là l'opinion généralement adoptée, opinion que la grande autorité de O. Hertwig a fait passer à l'état de dogme. En dehors des faits qui la contredisent, faits que j'ai signalés en 1895 et en 1903, on peut encore lui opposer d'autres argu- ments. En premier lieu, c'est sans observation précise et très vaguement, que Ton a avancé que la couche moyenne des Hydrozoaires et des Scyphozoaires était un produit de sécrétion. Les Cténophores ont également une couche de même nature gélatineuse qui est un mésoderme bien défini et quoique cette dernière constatation n'ait pas encore été faite chez les autres Cœlentérés, on ne peut cependant considérer comme n'étant pas soutenable cette proposition exprimée par Bourne (1900, p. 10) : « It must be duly borne in mind that mesoblast is nothing more than an embryological ségrégation of those cells derivedinCœlen- terata or Diploblastica animais from one or both of the primary germ layers which are in Cœlomata destined to give rise to the cœlom and the tissues of its walls « ; et cette autre de Eay Lan- KASTER (1900, p. 30) : « I think that we are bound to bring into considération the existence in many Cœlentera of a tissue resem- bling the mesenchyme of Cœlomocœla. In Scyphomedusœ, in Cte- nophora, and in Anthozoa branched, fixed,and wandering cells are found in the mesoglœa which seem to be the same thing as a good deal of what is distinguished as a mesemchyme » in Cœlomocœla ». D'un autre côté, à l'opinion qui n'accorde qu'un rôle en quelque sorte passif à la couche moyenne, ne peut-on pas objecter le mode de développement de cette dernière chez les Trachy- méduses 1 Durant ce développement, le déplacement de la vési- cule endodermique, la formation de l'ombrelle, du manubrium, du vélum, des tentacules, les modifications de forme et de situa- tions successives semblent bien, à mon avis, avoir la mésoglée pour origine. S'il en était autrement, il faudrait admettre que les très minces revêtements endo- et ectodermiques sont capables î^48 L. FAUROT à eux seuls de refouler et comme de pétrir la très épaisse masse de Stutzsubstauz qui constitue la presque totalité du corps de la Méduse. De même aussi dans la formation du nodule médusaire des Leptolides, ne voit-on pas la mésoglée faire une saillie, se creuser en coupe pour former la cavité om- brellaire, et au centre de cette cavité pousser eu protubérance pour constituer le manubrium ou spadice ? DÉVELOPPEMENT DU PHARYNX ET DES QUATRE COUPLES DE CLOISONS Après que la couche moyenne s'est formée, l'embryon vers la cinquantième heure de son développement subit des modifi- cations importantes qui d'abord ne changent en rien sa forme extérieure, laquelle est tantôt ronde, tantôt ovale. On voit seule- ment le profil de la bouche s'accuser à divers degrés suivant que les contractions sont plus ou moins fortes. Sur les coupes longi- tudinales on voit apparaître un peu au-dessous du blastopore un pli circulaire de la couche mésodermique. Ce pli ne se forme pas au moyen d'une invagination du stomodœum, car il refoule seulement devant lui la couche épithéliale qui dans cette région conserve toujours sa structure ectodermique (fig. 7 et 8, pi. V). Il résulte de la formation de ce pli qui est la première indication du pharynx un aspect que j'avais interprété (1903, p. 371) d'une manière absolument erronée. Le bord supérieur de la couche moyenne entourant le blastopore m'avait paru résulter d'un allongement, d'une expansion accidentelle de cette couche et ne constituait pas, à mon avis, une particularité anatomique. Mes nouvelles recherches m'ont montré, au contraire, que le blastopore reste entouré par ce bord supérieur mésodermique et qu'il persiste ainsi, chez l'embryon, comme ouverture supé- rieure du pharynx. Dans cette région stomodœale la couche moyenne d'abord simple devient donc bifide par suite de la formation d'un pli transversal. Cet aspect bifide ne se montre pas sur toutes les séries de coupes longitudinales ; il manque en certaines régions et sur celles qui ne sont pas pratiquées suivant une orientation convenable. DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 349 Sur des coupes transversales, on remarque qu'en réalité il existe deux plis, un à droite et l'autre à gauche. Ils figurent une gouttière ouverte du côté dorsal (1). Plusieurs coupes transversales ont été représentées dans le texte de mon précédent travail (1903, p. 372). Exactement au côté ventral, la couche mésodermique de cette gouttière reste en partie unie, confondue avec la paroi stomo- dœale. Ce n'est que plus tard, alors que la gouttière se sera formée et se sera transformée en véritable pharynx tubuleux, que les deux parois : celle du pharynx et celle du stomodœum, s'isoleront complètement l'une de l'autre. La gouttière pharyngienne étant formée, le couple ventro- latéral (couple 1-1) apparaît probablement après, par suite de la formation de deux autres plissements ayant une direction oblique de haut en bas et d'arrière en avant (c'est-à-dire en allant du côté dorsal vers les côtés latéraux), direction oblique par consé- quent à celle des deux premiers plissements que nous venons de voir donner naissance à la gouttière. Mais je n'ai aucune certi- tude à ce sujet et j'admets comme possible que la gouttière et le couple 1-1 se soient formés en même temps et qu'ils ne doivent leur origine qu'à deux plissements qui leur sont com- muns, chacun d'eux : le droit et le gauche étant transversal pour la gouttière et oblique pour le couple 1-1. Il est possible que chaque plissement ait débuté en formant les deux lacunes trian- gulaires que j'ai décrites et figurées (1903). Je continue cependant (ma description en sera plus claire) à supposer que le couple 1-1 est formé par deux nouveaux plis- sements obliques à ceux qui ont formé la gouttière. (1) Il me semble qu'il n'y a aucun inconvénient à conserver ces expressions : ventral, dorsal, bien qu'il n'y ait ni dos ni ventre chez les Actinies. Elles ont été employées par Kolliker pour les individus de Pennatules, avec la même signification que pour les fleurs zygomorphes, c'est-à-dire que cet auteur nomme ventral le côté tourné Vers la tige et dorsal le côté opposé. Chez les Hexactinies on nomme ventral le côté qui paraît homologue au côté ventral d'un polype d'Alcyonnaire, c'est-à-dire celui vers lequel sont tournés les muscles unilatéraux du plus grand nombre (six sur huit) des premières cloisons. Les termes sulcus et sulculus préférés par Haddon et d'autres, ne peuvent trouver d'application que chez les Actinies qui ainsi que le Peachia ou le Cerianthus ont un syphonoglyphe plus développé que l'autre. AHCH. DE ZOÛL. EXP. ET GEN. 4" SÉlUE. T. VI. — (vi). 25 350 L. FAtJROT Il ne m'a pas été possible même à l'aide de coupes faites sur de très nombreux embryons, de déterminer la limite supérieure de ces derniers plissements, car si vers le bas, dans la cavité du corps, on les voit se terminer par deux forts bourrelets quelque- fois visibles de l'extérieur à travers les parois de l'embryon, il n'en est pas de même en haut, où l'extrémité orale de celui-ci subit une déformation remarquable que Wilson (1888) a figurée sans y faire aucune allusion dans son mémoire et dont Appellop au contraire fait mention (1900). Cette déformation résulte de ce que la région supérieure et dorsale de la cavité du corps se soulève et surplombe le blastopore, qui de central devient excen- trique en étant repoussé du côté ventral. Peut-être s'agit-il là d'un refoulement comparable à ceux que Goëtte (1887-1897) dit avoir vu se produire chez Aurélia aurita et qui aboutissent à la formation des poches stomacales ? En tous cas, il ne me paraît pas invraisemblable que les deux nouveaux plissements se rapprochent et se réunissent pour n'en former qu'un seul situé en haut et en avant du refoulement dorsal. Vers le bas, ils se dirigent l'un à gauche et l'autre à droite de la gouttière pharyngienne, y adhèrent et se prolongent inférieurement pour constituer les deux cloisons ventro- latérales, c'est-à-dire le couple 1-1. Ce couple, ainsi que l'a remarqué de Lacaze- DuTHiERS, partage la cavité du corps en deux chambres iné- gales. La plus grande correspond à la région dorsale dont le sommet, ai-je dit, s'est exhaussé. La petite chambre correspond à la gouttière et à la bouche. En examinant des séries de coupes transversales faites sur de très jeunes embryons, la direction oblique de dehors en dedans et d'arrière en avant des cloisons 1-1 est manifeste. Chez l'em- bryon représenté sur la planche V, figures de 14 à 20, une seule de ces cloisons est apparue (fig. 17), l'autre devant apparaître plus tardivement. Cette avance dans la formation de l'une des deux premières cloisons est très fréquente et montre qu'il y a une indépendance relative dans leur formation. Cette indépen- dance explique l'erreur de H. Wilson qui croyait que le DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 331 pharynx se déplaçait pour la formation de l'une et de l'autre cloison 1. Sur les figures 11, 12, 13, de la planche V les cloisons 1-1 subissent un changement d'orientation ; leur obliquité de dehors eu dedans et d'arrière en avant diminue, elles tendent à prendre inférieurement la situation transversale et radiale qu'elles auront chez l'adulte. Des exemples semblables se voient dans la planche XIV. figures 6-4, 63, 00 et planche XV, figures 07, 08 de mon précédent travail (1903). La longueur et l'épaisseur du revêtement endodermique (entéroïdes) du bord libre de ces deux pre- mières cloisons pren- nent très rapidement des dimensions relati- vement grandes. C'est pourquoi on est auto- risé à croire que leur apparition a précédé celle du couple dorso- latéral (2-2) et celle du couple dorsal (4-4), bien que des traces de ces quatre dernières cloi- sons puissent se rencon- PiG. I. Au centre : Disposition schématique des couples au trer sur les mêmes liré- ^^^^^^ '^^ ^^^^ développement. Le couple 3-3 n'est visible ' A ^ que lorsque la gouttière se rapproche du centre. A la péri- parationS d'embryons phéne .■ l'orientation des muscles unilatéraux au stade 8 ^ . . (c'est-à-dire la période où ces cloisons sont régularisées) t/ieS jeunes. IVlaiS ces ggj gj^ rapport avec l'obliquité de ces mêmes cloisons chez cloisons 2-2 et 4-4, sont l'embryon. . au début si petites et si peu distinctes que H. Wilson admet qu'elles se forment d'une tout autre façon que les deu:^ pre- mières. Selon cet auteur, tandis que le couple 1-1 prend nais- sance par contact du pharynx avec les parois du corps, le deuxième couple « appear in the larger chamber as longitu- dinal ridges of the supporting lamella, which cause no élévation 352 L. FAri{()T of the eadoderm » (1888, i). 209). D'après le même auteur, p. 207 (1888) toutes les cloisons qui naissent ultérieurement se forment de la même manière que le second couple. La remarque qu'il fait que les « ridges of supporting lamella » ne causent pas d'élévation de l'endoderme est d'une grande importance. On en peut déduire que les cloisons ne se forment pas, ainsi qu'on l'admet avec O. Hertwig, par un repli de l'endoderme entraî- nant avec lui une lame de mésoderme. Dans la planche V, figure 13, on voit un exemple du fait signalé par H. Wilson. Les deux encoches de l'endoderme, au côté ventral, correspon- dent à la place qui sera occupée par les cloisons 3-3. D'après l'opinion que je viens de rappeler, l'endoderme en ce point devrait, au lieu de deux encoches, présenter deux saillies. Dans la planche XIII, figure 44 (1903) j'ai figuré une disposition semblable qui est d'ailleurs fréquente (1), Aux particularités que j'ai déjà signalées (1903, pp. 384 et 390) au sujet du mode de formation des trois couples 2-2 ; 4-4 et 3-3, j'ajouterai que leur origine semblable à celles des paires, c'est- à-dire causée pour chacun de ces couples par une fente produite dans le mésoderme, me semble pouvoir être interprétée d'une façon un peu différente. Cette fente n'est peut-être qu'une appa- rence due à un plissement très oblique n'intéressant qu'une faible épaisseur de la couche moyenne de la paroi et pénétrant graduel- lement (comme une fente) dans l'épaisseur de cette couche. Le mode d'origine des couples 2-2 ; 3-3 ; 4-4 interprété de cette manière peut également être celui du couple 1-1. D'autre part, l'orientation des couples 2-2 et 4-4 par rapport à l'axe dorso-ventral de l'embryon est au début parallèle à celle du couple 1-1, c'est-à-dire que ces cloisons sont dirigées oblique- ment de haut en bas, d'arrière en avant et de dehors en dedans. Quant aux cloisons ventrales 3-3 elles sont certainement, parmi les quatre couples, celles qui se sont formées au niveau le plus bas. Tant qu'elles ne se sont pas montrées, la paroi ventrale du (1) J. PL. Mo MURRICH (1891. p. 127) dit : « the lines of origin of the other paire are indi- cated by dépressions of the endoderm ». DÉVELOPPEMENT DES HEX ACTINIES 353 pharynx demeure confondue avec la paroi du corps de l'em- bryon, la bouche reste excentrique et la région dorsale du corps (c'est-à-dire celle qui est située en arrière du couple 1-1) est plus grande que la région ventrale (c'est-à-dire celle qui est située en avant du couple 1-1). Leur formation fait disparaître cette inégalité d'étendue dans les deux chambres primitives et en même temps disparaît l'obliquité des six cloisons apparues anté- rieurement. C'est alors aussi que le pharynx d'abord rapproché de la paroi est, par suite de l'allongement et de l'élargissement des quatre couples, transporté exactement au centre de la cavité gastrique, tandis que les huit cloisons deviennent géométrique- ment rayonnantes. D'après ce qui précède, il est normal que la chambre dorsale soit en même temps plus large et plus haute que la chambre ventrale. Cependant sur des embryons très épanouis dont le pharynx subit un commencement d'extroversion, il n'y a pas de différence d'élévation entre les deux chambres et le blasto- pore, quoique excentrique, correspond à peu près au sommet du pôle oral. C'était le cas pour les deux embryons figurés dans mon travail de 1903, planches XII et XIII. Des embryons con- tractés peuvent aussi présenter des déformations qui pourraient faire croire à des anomalies. J'ai observé un cas dans lequel les couples 1-1 ; 2-2 ; 1-1, tout en présentant l'obliquité normale montraient, sur des coupes faites de haut en bas, un déplacement vers la gauche, de telle sorte que la cloison 1 de gauche se rapprochait de sa voisine 3 et que du même côté le couple 4-4 se rapprochait de la cloison 2 de gauche. Cette dernière se terminait à la base près de la cloison 1 précédemment désignée^ Les cloisons du côté droit suivaient symétriquement celles du côté gauche. Il y avait, en somme, une torsion senestre. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une véritable anomalie, mais seulement d'une exagération dans le retard très fréquent qui existe dans le développement d'un côté sur l'autre côté. Ce fait mérite néanmoins d'être signalé car il montre que la croissance des deux côtés peut ne pas se faire 354 L. FAUROT en même temps. Cette indépendance relative dans le développe- ment des cloisons est presque normale chez certains Anthozoaires adultes, les Zoanthes par exemple chez lesquels le nombre des cloisons est le plus souvent un peu plus considérable d'un côté que de l'autre. Chez les Oérianthes où les cloisons, ainsi que je l'ai démontré (1895), sont disposées en groupes de quatre (quatro- sarcoseptes), cette inégalité de nombre est encore plus marquée que chez les Zoanthes. La signification comme preuve d'une indépendance relative de croissance était des plus remarquable dans un spécimen dans lequel j'ai observé que tous les quatrosar- coseptes du côté gauche présentaient une disposition absolument inverse de celle de tous les quatrosarcoseptes de l'autre côté. La majorité des véritables cas d'anomalie que j'ai eu l'occa- sion d'examiner chez 8ag. parasitica et Ad. palliata, consistait dans les dimensions plus grandes que prenait la chambre ventrale par rapport à celles de la chambre dorsale. Dans ces cas, le pharynx était situé, suivant la règle, dans la chambre ventrale. Cause de rorientation des muscles unilatéraux des cloisons. On s'est demandé (1901, p. 465) quel était le motif de la situation symétrique des muscles unilatéraux (longitudinaux) des cloisons. Pour les paires, la cause de cette disposition s'ex- plique parfaitement par leur mode d'origine (1903, p. 390 ; fig. XIV). Pour les quatre premiers couples il est très remar- quable que la situation des muscles unilatéraux a un rapport précis avec la direction oblique de ces couples à leur origine (voir p. 351, fig. I). D'autre part, l'orientation des muscles unilatéraux aussi bien sur les couples que sur les paires, ne i)eut avoir aucune relation avec le fonctionnement de ces muscles. Chez Aure- liana, j'ai montré (1895, pi. I, fig. 1) que ces muscles peuvent prendre une situation inverse par rapport à l'orientation nor- male, et même comme chez Edwardsia Adenensis (1895, fig. 8, p. 123), cette situation peut être quelconque. C'est donc seule- ment dans leur mode de développement que l'on peut trouver DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 335 la cause de rorientation des muscles unilatéraux. Me Murrich (1891) a émis l'opinion que les muscles ont déserté la face loculaire des cloisons directrices, la loge ayant besoin d'être large en raison de ses rapports avec le syplionoglyphe. Cette opinion singulière est contredite par le résultat de mes recher- ches, et en outre elle repose sur une observation inexacte, car chez le Peachia (1895, pi. IX, fig. 1) le syphonoglyphe, pourtant de très grande dimension, ne se loge que très peu entre les cloisons directrices. Disque oro-tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires de cloisons. J'ai exposé (1903) comment le disque oro-tentaculaire devait son origine uniquement à la formation de ces appendices. C'est d'ailleurs à ,/■/'.•.'/' cette origine qu'il doit aussi sa struc- ture histologique différente de celle <■. A ^/j ) \\ des autres parties de la paroi du ..^"^Mfl corps. J'ai montré en outre ici même, qu'avant cette formation du disque oro-tentaculaire , la bouche était entourée par un anneau de mésoderme et que le pharynx s'était formé indépendamment de cet orifice dans la partie moyenne du stomo- dœum (fig. 7 et 8, pi. V). Chez la larve à huit tentacules alors que le disque oro- tentaculaire présente déjà une assez grande surface et à plus forte raison chez l'adulte, on ne retrouve plus trace de l'anneau • mésodermique. En même temps que les tentacules se sont montrés, cet anneau a été divisé et comme découpé longitu- dinalement en autant de tranches qu'il y avait de cloisons et ces tranches ont constitué les lobes péristomiaux terminant la base orale des tentacules. Ces lobes ont augmenté en nombre égal à FIG. H. Cône buccal et formation du disque oro-tentaculaire au stade 8. — A gauche ■' côté d'une cloison avant le développement des tenta- cules ; à droite ■' côté d'une loge avec tentacule ; c. b., cône buccal. 336 L. FAUROT celui des nouvelles cloisons. Chez les Actinies bien épanouies les cavités de ces lobes coniuiuniquent les unes avec les autres par les orifices cloisonnaires (canal péribuccal) qui existent chez toutes les espèces de ce groupe. Il me i>araît vraisemblable que Texistence de ces orifices a quelque rapport avec la formation des lobes péristomiaux de même que les orifices qui forment un second canal entre les muscles unilatéraux et les parois du corps (canal périseptal) doivent avoir une relation avec la formation du disque pédieux. En effet, je n'ai pas observé de canal péri- septal chez les Actinies dépourvues de disque pédieux : Peachia, Ilyanthus, etc., tandis qu'il en existe constamment chez toutes les Actinies non pivotantes. Le stade à huit tentacules durant lequel apparaît le disque oral a été constaté chez toutes les Hexactinies dont on a suivi le développement. A cette période dont la durée peut être très courte, quelques jours chez Sag. yarasitica ou très longue, un ou deux mois chez Adams. palliata l'embryon ne peut être comparé d'une façon absolue à une Edwardsia adulte car celle-ci a toujours, ainsi que je l'ai démontré, au moins seize cloisons dont huit rudimentaires (1). S'il ne paraît pas douteux que l'apparition des huit premiers tentacules soit une conséquence du passage de la vie errante à la vie fixée de l'embryon, il n'en est pas de même pour l'aug- mentation du nombre des cloisons au-delà de huit. Durant la vie pélagique ce nombre pourrait augmenter jusqu'à vingt- quatre si l'on s'en rapporte au mémoire de E. van Beneden (1897) sur les Anthozoaires de la Plankton-Expedition. D'après cet auteur, les larves recueillies étaient toutes totalement dé- pourvues de tentacules et avaient de huit à vingt-quatre cloisons. Chez les larves à vingt-quatre cloisons, les couples 5-5 et 6-G n'étaient pas encore complètement formés et les six paires de (1) J. PL. Me MURRK'H (1904. p. 218) rtit très inexactement que c'est ANDRES (1880) qui le premier a observé la présence de cloisons rudimentaires dans une Edwarsie. ANDRES n'a observé que huit cloisons et d'après la légende de sa figure 7 il a voulu figurer en coupe la base des seize tentacules. J. PL. Me Murrich lui-même ne se serait certainement pas hasardé à voir autre chose dans cette figure s'il n'avait pas pris connaissance de mon travail de 1895, p. 112. DÉVELOPPEMENT DES MEXACTINIES 357 deuxième ordre étaient encore plus réduites. L'absence de ten- tacules chez des larves aussi développées ne peut être attribuée au peu d'utilité qu'auraient ces appendices durant la vie libre, puisque on en trouve chez les Méduses et aussi chez les Arach- nactis. La vie fixée n'en paraît pas moins une condition beau- coup plus favorable à leur production plus nombreuse. Chez certaines Actinies pivotantes pouvant véritablement ramper et s'enfoncer de nouveau {Peachia, Halcampa, Ilyanthns), les ten- tacules et les cloisons sont en effet comparativement moins nombreux que chez la plupart des Actinies fixées. Il est vraisemblable que dans la vie libre nageante des Arach- nactis ou dans la vie en partie rampante, en partie fixée du Peachia, de l'Halcampa et de Y Ilianthus , les tentacules ne servent qu'à la préhension de proies mortes ou presque dépourvues de moyens de défense. Des cloisons musculaires très nombreuses et très puissantes ne leur sont donc pas très nécessaires. Leurs cloisons sont d'ailleurs dépourvues de muscles pariéto-basilaires. Les Actinies fixées bien que se déplaçant parfois au moyen de leur pied adhésif, possèdent toujours au moyen de cet organe un point d'appui très résistant, durant les contractions des muscles pariéto-basilaires et unilatéraux de leurs très nom- breuses cloisons. Le fonctionnement des . tentacules acquiert ainsi chez elles une plus grande importance que chez les Acti- nies pivotantes, pour la préhension, le maintien et le transport dans le pharynx de proies volumineuses et se défendant vigou- reusement. J'ai décrit le développement des paires de cloisons (1903, p. 390, 393, fig. XI, XII et XIV du texte). J'y reviens encore une fois pour ajouter quelques nouveaux exemples à ceux que j'ai déjà rapportés et aussi pour modifier en partie l'interpréta- tion que j'en ai donnée. Ces exemples se rapportent à un PalytJioa, à trois Cérianthes et à un Madreporaire ; je les signale ici, parce qu'ils ont même signification que ceux que j'ai déjà notés chez les Hexactinies. Ils viennent confirmer mon opinion qui est que : les deux cloisons constituant une paire ne se forment pas indé. 358 L. FAUROT pendammeiit l'une de l'autre ; elles sont à l'origine réunies en une seule lamelle qui, par rapport à la paroi du corps, présente un aspect pouvant se comparer à la corde d'un arc. C'est cette corde qui en se rompant en son milieu formera la paire de cloi- sons. Voici ces faits qu'il est assez rare d'observer, probable- ment par suite de la rétraction habituelle de la partie du corps (région péripharyngienne) oii il est seulement possible de les constater. Cette rétraction est difficile à éviter malgré toutes les précautions techniques. Chez un Palythoa, G. Muller (1884, fig. 3) représente une coupe pratiquée en haut de la région pharyngienne. On y voit une paire de cloisons microseptales soudées en arc par leurs bords qui normalement sont libres. Ce genre de cloisons n'at- teint jamais le pharynx. E. van Beneden (1897, pi. IV, fig. 4 et pi. XIII, flg. 2, 3, 4, 5 et aussi p. 129, fig. XXVI) figure des paires soudées en arc chez des Cérianthides dont les points de multiplication étaient multiples. Chez ces spécimens, à mon avis, la formation des cloisons s'est trouvée ralentie par suite de la multiplicité de ces points, de telle sorte qu'elle a laissé trace de son processus, lequel reste inaperçu dans les conditions ordinaires du développement. Enfin Duekjden (1902, fig. 6, p. 62) a représenté deux paires de cloisons en arc chez un Madré- pore. En outre il me semble probable que les quatre schémas de la figure 8, page 63 du même travail, représentant des coupes prises à diiïérents niveaux d'un polype isolé, se rapportent également à la formation d'une paire de cloisons. Il s'agit d'une cloison qui se partage en deux nouvelles ; au sommet de la cavité du corps elle figurait sans doute une corde dont une portion de la paroi était l'arc. J'avais expliqué (1903, p. 391) la formation de la petite cavité comprise entre la paroi et la lamelle mésodermique formant la corde de l'arc, eu présentant cette formation comme une sorte de schizoccele, schizoccele qui plus tard se serait transformé en loge. Ce que j'ai observé chez Bunodes thallia, Peachia hastata Sag. parasitica et Ad. palUata semble indiquer en effet que le DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 359 développement des pairevS de cloisons s'est passé d'après ce processus, mais comme la cavité de la future loge se trouvait toujours, dans ces exemples, ouverte en bas et quelquefois en haut de la colonne, je crois pouvoir donner une seconde inter- prétation de son origine. Cette interprétation est d'ailleurs la même que celle que j'ai exposée ici même, page 352 pour les cou- ples 2-2, 4-4, 3-3, c'est-à-dire que la fente scliizocœlique n'est peut-être qu'une apparence due à un plissement très oblique vers le haut, n'intéressant qu'une faible épaisseur de la paroi mésodermique. Ce plissement s'élargirait aux dépens de cette paroi et prendrait les dimensions d'une loge, et en se rompant du côté intérieur formerait une paire de cloisons. Cycles tentaculaires. La formation des cycles tentaculaires à partir du stade 12 a été présentée comme se passant d'après de nombreuses lois compliquées (1901). En réalité, d'après mes conclusions pour- tant déjà anciennes (1895), cette formation se produit d'une manière logique et assez simple, et il n'est pas nécessaire pour l'exposer de traiter le sujet algébriquement comme cela a été fait. Pour la comprendre (1895, p. 95, fig. 6) il faut se rappeler que les paires de cloisons arrivées au terme de leur développement sont disposées d'après leur ordre de dimension et que les tenta- cules, les uns loculaires, les autres interloculaires, ont toujours, au terme de leur développement, des longueurs en rapport avec l'ordre de dimension des loges et interloges dont ils sont les pro- longements. En d'autres mots : la symétrie radiaire des ordres de paires de cloisons sera toujours reproduite par les prolonge- ments loculaires et interloculaires des loges et interloges (1). Il faut se rappeler en outre, que dans le développement d'un nouveau cycle : a) Les nouvelles paires ne naîtront pas au milieu des inter- (1) La symétrie biradiale ne sera révélée à l'extérieur que par les deux commissures buc- cales. 360 L. FATJROT loges mais sur un des côtés de celles-ci, chaque paire nouvelle divisant une interloge du stade précédent en trois parties : une loge et deux interloges. Le tentacule de l'interloge ainsi divisé est destiné à prolonger l'une des deux nouvelles interloges. Les deux autres parties auront donc à acquérir chacune un tentacule (un loculaire et un interloculaire). h) Les tentacules loculaires tendent toujours à prendre une longueur et une situation en rapport avec l'ordre de dimension des loges dont ils sont les prolongements. c) Les interloculaires restent toujours plus petits que les loculaires nés soit avant, soit en même temps, soit après eux. Leurs dimensions, plus petites que celles des loculaires, sont en rapport avec les dimensions des interloges, dimensions toutes plus étroites au début, que celles de toutes les loges surmontées de tentacules. Leur situation au rang le plus extérieur des cycles tentaculaires régularisés (Cycle 12 = 6 locul + 6 interloc. Cycle 24 = 12 locul. + 12 interl. Cycle 48 = 24 locul + 24 in- terl., etc.) résulte de ce que les interloges sont les parties du corps où l'accroissement s'est produit en dernier lieu. Il sera maintenant facile de comprendre (1895, p. 95, fig. 6) en se reportant aux paragraphes a, b, c qui précèdent, que pour la formation d'un nouveau stade tentaculaire, exemple : pour que le stade 6 loculaires + 6 interloculaires passe au stade 12 loculaires + 12 interloculaires : a) Il doit apparaître un loculaire et un interloculaire à côté de chacun des six interloculaires du stade 6 locul. + 6 interl. b) Les six loculaires nouveaux, en grandissant, acquerront une longueur et une situation sur le disque tentaculaire en rap- port avec la dimension des six loges de deuxième ordre dont ils sont les prolongements. c) Les six interloculaires nouveaux en grandissant, ne dépas- seront pas la longueur des interloculaires anciens et seront avec eux relégués au dernier rang, rang qui est en rapport avec la dimension des interloges toutes plus étroites que celles des loges surmontées de tentacules. DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 361 CONCLUSIONS (Développement). La segmentation irrégulière aboutit à une blastula remplie de substance lécitliique. Cette blastula, d'abord de forme irré- galière, bosselée, devient sphérique, se couvi-e de cils et se perce d'un et parfois de plusieurs orifices. Elle présente alors l'aspect extérieur d'une planula. Elle ne possède cependant que l'ecto- derme formé de cellules se confondant à l'intérieur de la cavité avec la substance lécithique. Cette planula se transforme en gastrula par une invagination typique ayant pour point de départ un orifice de la surface. L'invagination est complète malgré la présence de la masse de nutrition intérieure. Cette masse réapparaît plus tard dans la cavité de l'embryon. Une couche moyenne contractile se forme dès que la gastrulation est terminée et presque eu même temps le pharynx prend nais- sance non pas par invagination du blastopore, mais par un plissement de la couche moyenne, dans la région médiane du stomodœum. Le couple 1-1 apparaît, peut-être formé par le même plissement, peut-être aussi par un plissement indépen- dant, oblique de haut en bas et d'arrière en avant. La formation de ce couple 1-1 peut s'interpréter, de même que celle des cou- ples 2-2, 4-4 et 3-3. comme résultant de plissements obliques du mésoderme de la paroi. Ces plissements, à leur point d'origine, pénétreraient comme des fentes dans l'épaisseur du mésoderme. Le couple 3-3 apparaît un peu plus bas et, semble-t-il, plus tar- divement que les trois autres couples. Il me semble probable que la formation du pharynx n'est pas indépendante de celle des couples du stade 8. Ce sont peut-être ces cloisons qui l'ont formé. A partir du stade 12 les paires de cloisons se forment de chaque côté de l'axe commissural par des processus semblables à ceux qui, sur cet axe, ont pu donner naissance aux quatre couples de cloisons du stade 8. 302 I- PAUROT PHILOGÊNIE DES HEXACTINIES, AFFINITÉS On peut imaginer que les Autliozoaires ont eu un ancêtre pro-Edwardsia (Bourne, 1900, p. 55) à symétrie bilatérale et aussi biradiale, pourvu seulement de huit mésentères. De cette forme serait descendu VEdwardsia qui avec huit cloisons com- plètes a toujours au moins deux paires de cloisons de second ordre et le pro-Halcampa qui aurait eu six paires de cloisons (stade 12). Ces deux formes auraient donné parallèlement nais- sance, d'un côté aux Héxactinies régulières par VEalcampa, et de l'autre côté par VEdwardsia aux genres ne présentant pas la symétrie hexamérale, tels que Gonactinia, Ovactis, etc., ainsi qu'au genre Scytophorus et Peachia pourvus d'un syphonoglyphe ventral très développé. Du pro-Edwardsia seraient aussi des- cendus les Antipathaires, les Cérianthes, les Zoanthes. Mais quels sont les rapports de parenté, c'est-à-dire morphologiques, des Héxactinies avec certains autres Cœlentérés ? Se rattachent- elles au scyphistome, à l'Hydre f au groupe disparu des Tetra- corallia f Y aurait-il même un rapprochement à établir entre elles et les Annelés et Chordés comme le suggèrent A. Sedgwick et E. VAN Beneden ? En traitant ces questions je ferai mieux ressortir les conclusions de ce travail, et ces conclusions elles- mêmes, seront amplifiées. Les Acalèphes qui ont en commun avec les Hydroméduses les caractères suivants : forme polypoïde et une forme médusoïde avec présence d'un manubrium et d'une ombrelle tentaculée, en diftereraient par des traits importants parmi lesquels : la présence chez le scyphistome et chez la méduse ascrapède, de quatre poches gastriques avec quatre cordons saillants (colu- melles et tœnioles chez l'adulte). Chez le Scyphistome, il y aurait même au début, d'après Goëtte (1897) un stomodœum invaginé. Ce dernier caractère surtout a fait réunir les Acalèphes aux Anthozoaires dans un même groupe : les Scyphozoaires. Mais, d'après les recherches de W. Hein (1900 et 1902), Goëtte se serait DÉVELOPPEMENT DES HEXACTlNlES 303 trompé, car chez la larve d'Anrelia aurita il n'y a pas de pharynx ectodermal et le blastopore persiste comme bouche définitive ; et après la formation des quatre premiers tentacules il apparaît quatre enfoncements interradiaux auxquels participe la Stutz- lamelle. Ces quatre enfoncements pénètrent dans la cavité gas- trique pour former les cloisons. Les quatre poches gastriques du Scyphistome résultent de la formation de ces cloisons et par conséquent elles apparaissent avec ces dernières. Il faut ajouter que Hein (1902) a vu que chez Cotylorhyza tuberculata, de même que chez Aurélia aurita, "1 se produisait une invagination typique. Ces faits autorisent à rapprocher, comme le suggère Hein, les Acalèphes des Hydroméduses. Si nous comparons le pharynx de THexactinie adulte avec ce qui. d'après mes conclusions, lui serait homologue chez le Scyphistome, c'est-à-dire la part'e très restreinte limitée par le sommet des quatre cloisons, on voit que chez l'un et l'autre organisme, le pharynx et ce qui le représente chez le Scyph s- tome résultent vraisemblablement de la formation des cloisons. J'ai dit, en effet, page 361, que chez les Hexactinies le pharynx n'était vraisemhlahlement pas une formation indépendante de celle des quatre premiers couples. Jusqu'à quel point, d'ailleurs, peut-on assimiler ces quatre couples avec les quatre cloisons du Scyphistome ? Chez ce dernier les cloisons sont au nombre de quatre, disposées en croix, radialement. Chez les embryons d'Hexactinies, les quatre couples sont au contraire placés à la suite les uns des autres suivant l'axe qui passe entre les cloisons de direction. Bien que la disposition des parties soit totalement différente, il y a cependant similitude entre le nombre et le mode vraisemblable de formation des couples et ce même nombre et cette formation chez les cloisons du Scyphistome (1). C'est aux Hydrozoaires d'où dérivent les Acalèphes que nous (1) Les quatre plissements qui forment les quatre couples peuvent être considérés comme résultant d'autant d'enfoncements du pùle oral. Ce qui, vu de l'intérieur de la cavité gastrique apparaît comme plissement saillant, présentera Taspect d'un enfoncement, d'une dépression si on l'examine de l'intérieur. L'expression : plissement me parait mieux correspondre à ce qui se produit. 364 L. FAUROT comparerons maintenant l'embryon des Héxactinies. Chez Adamsia palUata et Sagartia parasitica, le blastopore ne s'inva- gine pas, et avant la formation du disque oro-tentaculaire, avant même la formation des premières cloisons, ce blastopore reste placé au-dessus du stomodœum et est comparable au cône buccal de l'Hydre. Je dois même noter que Hein a observé que le blastopore du Cotylorhyza est le plus souvent situé sur un côté du pôle oral. La couche épithéliale qui revêt le stomodœum de l'embryon d'Hexactinie conserve, il est vrai, une structure ecto- dermique que ne présenterait pas l'entrée de la cavité digestive de l'Hydre. Peut-être ne faut-il pas attacher à cette différence une très grande importance? L'ectoderme stomodœal de l'Hexactinie doit, d'ailleurs, son origine à la gastrulation et non pas à une introversion secondaire, comme on le croyait jusqu'à présent. Durant leur développement les Héxactinies présentent donc des caractères qui leur sont communs &'un côté avec les Acalèphes et de l'autre avec les Hydroïdes. Ainsi que les premiers, les em- bryons à' Adamsia palUata et de Sagartia parasitica montrent quatre plissements, disposés il est vrai, très différemment dans l'un et l'autre groupe. Ainsi que les Hydroïdes, ces mêmes embryons sont pourvus d'un hypostome correspondant morpho- logiquement au manubrium des Ascrapèdes et à celui des Cras- pédotes. En ce qui concerne le pharynx des Héxactinies il ne serait pas, d'après ce qui a été dit plus haut, formé indépen- damment des couples de cloisons et, en raison de son origine, sa présence ne constituerait pas une distinction importante entre les Anthozoaires et les Acalèphes adultes. Quant aux tentacules des Héxactinies, leurs bases dont l'ensemble forme le disque oral, s'étendent jusqu'à l'hypostome et le découpent en lobes buccaux. Chez les Hydroméduses et les Acalèphes les. couronnes tentaculaires se forment à une distance plus ou moins grande de l'hypostome et du manubrium, indépendamment d'eux et sans leur envoyer de prolongements. En d'autres termes, chez les Acalèphes, de même que les bords libres des cloisons ne se rapprochent pas à un degré suffisant pour cons- DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 365 tituer un pharynx comparable à celui des Hexactinies, de même aussi leurs tentacules restent trop distants de la bouche pour former un disque oro-tentaculaire semblable à celui de ces Anthozoaires. Toutes ces considérations notamment : la présence chez les Hexactinies d'nn cône buccal et celle d'un pharynx formé par un processus autre que celui de Tinvagina- tion et qui paraît concomitant avec la formation des couples de cloisons, nous conduisent à cette nouvelle conclusion : Le groupe des ScypJiozoaires tel que le décrivent Guette (1897) et Delage et HÉROUARD (1901) doit être supprimé. Les recherches faites sur la structure des Tétracorallia n'ont pas encore permis de décider si, tout à fait au début de leur développement , ces coraux avaient été tétramères ou hexa- mères. D'après Ludwig et de Pourtalès (1871) et contraire- ment à KuNTH (1869), la disposition tétramère proviendrait de la transformation d'un arrangement des septes primitivement au nombre de six, ce qui suppose douze sarcoseptes. Duerden (1902) partage cette opinion et montre d'après l'examen qu'il a fait du squelette du Lobophyllum que les Tétracorallia sont alliés aux Zoanthes actuellement vivants. Chez ces derniers les recherches de E. van Beneden (1890) et de Me Murrich (1891) auraient établi qu'antérieurement au stade 12, l'em- bryon a probablement passé par une phase à six cloisons complètes. J'ai moi-même (1895, pi. X flg. 3, 4, 5) figuré des coupes d'un très jeune Polythoa sulcata montrant à la base du polype deux cloisons qui paraissent être homologues au couple 1-1. Le même embryon était pourvu de six à huit cloisons à des niveaux plus rapprochés du pharynx (1). (1) En se reportant à ce ijue j'ai exposé au sujet de l'orientation oblique, non radiale des premières cloisons, on verra (lue les figures des Traités de Zoologie (1900, flg. 23, et 1901 page 655) représentant les coupes transversales de jeunes Zoanthes, sont inexactes. Ces' cloisons y sont toutes dirigées radialement vers le centre, alors que le couple 1-1 de même que le couple i>-2 doivent avoir une même inclinaison oblique sur l'axe commissural comme dans mon schéma I page 351. Les figures de E. Van Beneden (1890, pi. XV, ftg. 1, 4) et les miennes (1895, pi. X, flg. 3) faites d'après nature montrent bien qu'il doit eu être ainsi. La même observation s'applique aux flgures de ces mêmes Traités représentant la disposition de premiers couples chez les Hexactinies (1901, p. 481, et 1900, p. 42, flg. 20) ARCH. DK ZOOL. EXP. ET GEN. 4' SERIE. — T. VI. — (vl). 26 366 h. FAUROt A mon avis, le peu que l'on sait de l'embryogénie des Zoaû.- thes et de la structure primitive des TetracoralUa autorise, jusqu'à présent, à conclure que le début de leur développement est semblable à celui des Hexactinies. Cette conclusion donne un appui aux conjectures que j'ai émises au sujet de la formation des premiers septes chez les TetracoralUa (1903, p. 381). D'après ces conjectures, la disposition tétranière est primitive chez ces derniers. Il reste à examiner s'il est possible d'établir un rapprochement entre l'embryon d'Hexactinie, tel qu'il se présente avant la régu- larisation de ses quatre premiers couples de cloisons (fig. I, p. 351) et celui d'un organisme annelé. Je rappelle d'abord que A. Sedg- wiCK (1884) a émis l'hypothèse que la bouche et l'anus des animaux supérieurs dériveraient d'une ouverture en fente allongée, comparable à Toriflce buccal des Anthozoaires, l'une des deux extrémités de l'oriflce servant pour l'entrée de l'eau et l'autre pour sa sortie. Cette différenciation se manifesterait chez le Peaehia jusqu'à constituer deux ouvertures distinctes. D'après le même auteur, le blastopore et une partie de l'aire d'accrois- sement des embryons du Peripatus, des Aunélides et des Arthropodes seraient homologues avec la bouche des Actinies. A. Sedgwick suppose en somme que le disque oro-tentacu- laire des Anthozoaires est comparable avec la face neurale des Annelés. E. van Beneden (1891) s'est rallié à l'opinion de A. Sedwick et d'après lui les diverticules cœlomiques se for- ment par paires comme les loges des Cérianthides; c'est ainsi que toute nouvelle paire de cloisons apparaissant chez le Cérianthe en arrière des cloisons nouvelles peuvent s'homologuer à deux cloisons intersegmentaires des Artiozoaires. En 1897, E. VAN Beneden étend la comparaison à VAmphioœus. Les Arachnactis et les Cériauthes sur lesquels sont basées les considérations de E. van Beneden diffèrent grandement des Hexactinies, bien que la formation de leurs cloisons au stade 8 paraisse semblable, ainsi que j'ai tenté de le démontrer (1895) après Me Murrich et E. van Beneden (1891). En outre, ce DÉVELOPPEMENT DES H EX ACTINIES 367 que l'on sait de reinbryogénie du ]>lia.ryiix des Oériauthid(ss diffère trop de ce que j'ai observé au sujet de VAdavtsia palliata et du Sagartia parasitica, pour que les réflexions qui vont suivre, et qui concernent les Hexactinies puissent leur être appliquées. Celles-ci sont remarquablement représentées à ce point de vue par le Peachia dont le disque oro-tentaculaire a été com- paré par A. Sedgwick au blastopore en fente du Peripatus. Cette Actinie qui possède seulement douze cloisons complètes et un syphonogiyplie dont les dimensions sont singulièrement développées (1895, pi. IX et pi. XII), et lequel, ainsi que je l'ai exposé (1903), est constitué par la gouttière ventrale pri- mitive de l'embryon, me paraît, entre toutes les Hexactinies, celle dont l'étude embryogénique permettrait le mieux de résoudre bien des faits que le présent travail n'a pu éclaircir. Au début du stade 8, alors que la région dorsale est plus dé- veloppée ([ue la région ventrale et que le pharynx est encore en contact avec la paroi du corps, la symétrie n'est ni radiaire, ni biradiaire ; elle est uniquement bi-latérale comme chez les Artiozoaires. Il y a deux côtés distincts l'un de l'autre que l'on peut désigner conventionnellement sous les noms de gauche et droit, puisque l'une des extrémités de l'axe qui passe entre les cloisons de direction est spécialisée par la présence du pharynx excentrique. En outre, non seulement les couples ne rayonnent pas autour de l'axe longitudinal du corps, mais les huit cloi- sons ne se répètent pas toutes exactement à la même hauteur le long de cet axe. Deux couples 1-1 et 3-3 se montrent à deux niveaux différents. Les quatre premiers couples sont distribués en ligne, les uns à la suite des autres. Il y aurait là peut-être une véritable méta- mérisation, si on admet que les quatre couples résultent d'autant de plissements du mésoderme ; car on sait (Ch. Sedg- wick-Minot) que des répétitions sériales d'organes ectodermi ques ou endodermiques sans segments mésodermaux ne consti tuent pas, morphologiquement, une métamérisation. 368 L. FAUROT INDEX BIBLIOaRAPHIQUE 1880. Andres (A.). Iiitorno aWEdwardsia Claparedii. {Atti B. Acad. lÂncei.) Eoiiia. 1900. Appellôf. Studien iiber Aktinien-Entwicklung. (Bergens Mu- séums Aarbog n 1.) 1890. Beneden (E. van). Une larve voisine de la larve de Semper. (Arch. de Biologie, vol. X.) 1891. — Recherches sur le développement des Arachnactis. Con- tributions à la Morphologie des Cérianthides. {Bull. Acad. B. Belgique.) 1897. — Les Anthozoaires de la Plankton-Expedition. 1892. Claus. 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L'examen des coupes d'embryons d'Adamsia palliata ne m'a montré aucune différence embryogénique importante.) FiG. 1. Segmentation irrégulière. FlG. 2 et 3. Coupes à travers deux blastula. FiG. 4. Blastula entière à la même période (lue 2 et 3. FiG. 5. Coupe d'une planula. Les prolongements en culs de sacs n'ont pas de parois bien distinctes comme sur cette figure. A l'intérieur, coupe transversale d'un second orifice. FiG. 6. Gastrula. Les globules lécithiques n'ont pas encore été absorbés complètement. FiG. 7. Formation du plissement au-dessous du blastopore. FiG. 8. Coupe d'un embryon plus âgé. Les cellules lécithiques réapparaissent dans la cavité. Coupe suivant le plan dorso-ventral. FiG. 9 à 13. Coupes à intervalles espacés entre le pôle oral et le pôle aboral. En lu une des cloisons du couple 2-2. En 11 une des cloisons du couple 1-1. En 12 et 13, couple 1-1. FiG. 14 à 20. Coupes eœdem. Embryon plus jeune que le précédent. Une seule cloison 1 est apparue en 17. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IV« Série, Tome VI, p. 371 à 488 15 Mai 1907 BIOSPÉOLOGICA ESSAI SUR LES PROBLÈMES BIDSPÉOLOI]"^'"'^^' EMILE r,. UACOVITZA Sons-Dircrteiir du Laljnratoire Araço (B.Miiyiils-sur-Mer). TABLE BES MATIÈRES Pases Avant-Propos ^'- QrELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 3*3 I. Etendue tlu domaine souterrain ^^'^ II. Conditions d'existence que présente le domaine souterrain 390 III. Influence exercée par ces conditions d'existence sur les Cavernicoles iOO IV. Caractères des Cavernicoles '-'' V. Rapports de la faune cavernicole avec les autres faunes ^27 VI. Classification des Cavernicoles ,. ''^^ VII. Composition de la faune et de la flore cavernicole 438 VIII. Modalités de l'évolution des Cavernicoles ''^0 X. Distribution géographique des Cavernicoles '*''8 X. Origine des Cavernicoles '"* XI. Mode de peuplement du domaine souterrain. ^"^^ XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté des Caver- , . 't6l nicoles XIII. Modification et destruction du domaine souterrain et sort des Caver- nicoles '" ^ ISA AUTEURS CITÉS ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — .'j" SÉRIE. —T. VI. — (vn). 27 ;n-2 EMILE G. RACOMTZA AVANT-PROPOS En 1904, le v.ixx'ur du l:il)onitoire Arago, le « KoImikI », cIToc- tuait des reeherclies océanographiques aux Baléares sons la direction de M. Pruvot et avec le concours de M. Odon de Buen, professeur à l'Université de Barcelone. Quelques joins devaient être distraits du temps consacré aux recherches marines pour l'exploration des célèbres grottes du Drach, de Majorque. Effectivement, le 15 juillet le bateau mouillait à T*orto-(lristo et le lendemain nous étions dans la Oieva del Drach. Trois jours de chasse me fournirent un certain nombre de Caverni- coles, aussi bien terrestres que d'eau douce. Parmi ces derniers, un Isopode, aveugle, incolore, pourvu de longs appendices, me frappa surtout par sa ressemblance avec des formes marines. Son étude approfondie me montra qu'il appartenait à la famille des Cirolanides et je le décrivis (1905) sous le nom de Typhlo- cirolana Moraguesi. n. g., n. sp. La présence de ce Crustacé à parents marins dans les eaux douces de la grotte, les caractères qui le différenciaient des Cirolanes lucicoles, l'empreinte si forte du milieu obscur sur toute son organisation, suscitèrent dans mon esprit nombre de questions qui me paraissaient du plus haut intérêt. Je me suis mis à rechercher leur solution dans les œuvres de mes confrères et je me suis adressé en premier lieu aux traités de biogéographie. J'ai consulté les ouvrages les plus nouveaux comme les plus anciens (Schmarda, Heilprin, Wallace, Trouessart, Beddard, Kirchhoff, Jacoby, Kobelt, Eatzel, etc.) et j'ai constaté, avec étonnement, que la plupart ne men- tionnaient même pas les êtres cavernicoles et que les autres s'en débarrassaient en peu de mots, non toutefois sans faire ressortir l'insignifiance de cet « habitat » et la faible importance de sa faune. Une phrase de Eatzel (1902, p. 588) exprime bien cette manière de voir qui est générale chez les biogéographes : Zu LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOTiES 37:i den Zersplitterten iind Zusammengesohrumpften Lebensrâumen gehôreii endlich aiicli die Eelikteuseen und die Hôhlentier nnd Holilenpflanzeuwelt. Le domaine souterrain serait donc aussi insignifiant par le peu d'espace qu'il occupe sur terre que par le faible nombre des êtres qui l'habitent ; ce ne serait qu'une sorte de « bizarrerie » de la nature. Or, il n'est pas d'idée plus fausse ! Revenu bredouille de cette chasse aux renseignements dans les traités, je me suis rabattu sur les mémoires des spécialistes ; d'abord, naturellement, sur les travaux d'ensemble (Packard, Hamman, Viré, Ohilton, Joseph, etc.) puis sur les travaux spéciaux. Ce fut long, car les publications ne manquent pas sur le sujet ; et je m'arrêtai non point faute de « munitions « — je suis loin d'avoir consulté tout ce qui a été écrit sur les Caver- nicoles — mais parce que je suis arrivé à la conviction que je ne trouverais pas de réponse précise à mes questions et parce que je suis sorti de ces lectures littéralement affolé. Dans aucune des questions que mes études professionnelles m'ont incité à approfondir, je n'ai encore constaté semblables incertitudes et contradictions, pareil enchevêtrement de faits bien observés, d'hypothèses injustifiées, de suppositions légitimes, d'erreurs manifestes, d'observations non contrôlées, de généralisations hâtives, en un mot, pareil chaos inextricable de faits, de théo- ries et d'erreurs. Les confrères qui ne sont pas au courant de ces questions pourraient me taxer d'exagération, et attribuer mon affolement à une cause subjective ; je vais leur démontrer que cette cause est objective en citant, au hasard du souvenir, un certain nombre de ces opinions contradictoires, erïeurs manifestes et théories justifiées ou non, avec le manque d'ordre dans lequel elles sont consignées dans les mémoires des spécialistes. La vie à l'obscurité complète produit nécessairement la cécité (Packard). La cécité n'est pas produite nécessairement par la vie à l'obscurité complète (Semper). Il est impossible que l'obs- curité soit la cause efficiente de la cécité qui doit être produite 374 EMILE G. RACOVITZA par des facteurs inconnus (Hamman). Les grottes ne sont pas complètement obscures, ce qui explique la prévSence de Caver- nicoles jwurvus d'yeux (Hamman). Il règne une obscurité com- plète dans les grottes profondes (Verhoeff). Les Cavernicoles actuellement aveugles ont perdu leurs yeux après leur immigration dans les grottes (Packard, Viré). Les Cavernicoles aveugles descendent de formes lucicoles déjà aveugles ou à yeux rudimentaires (Eigenmann). L'œil disparaît par arrêt de développement (Kohl), par dégénérescence pliyle- tique (Eigenmann), par atrophie (Packard). Les caractères spéciaux des Cavernicoles furent acquis par évolution lente (Darwin), par évolution rapide (Packard), par variations brusques (Eigeniviann). « Dès qu'un animal est soumis au régime de l'obscurité, ses organes se modifient, et cela dès la première génération » (Viré, 1899, p. 113, lignes 11). On voit les types changer peu à peu « par une suite de transitions absolu- ment graduelles » (le même Viré, 1899, p. 113, ligne 20). La lutte pour l'existence est nulle dans les grottes (Darwin, Packard) ; elle est très violente (Chilton, Verhoeff, etc.). L'adaptation des êtres à la vie cavernicole est due à l'hérédité des caractères acquis par usage ou non usage (Packard); à la sélection naturelle : les individus à mauvaise vue seuls sont restés dans les grottes, les autres ont regagné les espaces éclairés (Lankester) ; à la panmixie combinée avec la sélection natu- relle (Chilton); à la sélection économique (lutte des parties de l'organisme de Eoux) (Lendenfeld). Le milieu biologique des cavernes ne diiïère essentiellement du milieu biologique de la surface que par l'absence de lumière » (Viré). Il en diffère par la température constante, par l'humi- dité, par le manque de végétaux, par la pénurie de nourriture et par l'absence de lutte pour la vie (Packard), La faune cavernicole actuelle est d'origine récente (Packard, Peyerimhoff, Chilton). Elle est en grande partie le repré- sentant d'une faune antérieure éteinte ou plus cosmopolite (Lendenfeld). Sauf faibles exceptions il n'est « pour ainsi dire LES PROBLEMES BrOSPEOLOGlOTÎES 375 aiicuiic espèce souterraine qui n'ait à la surface une espèce analogue » (Viré). Faut -il citer encore ! La faune cavernicole est très pauvre (Packard, Ohilton). « Il n'est pas un point du sous-sol de notre globe qui. à l'égal de la surface, ne soit abondamment peuplé d'une faune riche et variée » (Viré). La nourritvire est rare dans les grottes et l'on se demande souvent comment des Cavernicoles peuvent y trouver leur subsistance (le même Viré, Packard, Carpenter). Les ruis- seaux souterrains entraînent beaucoup de nourriture (le même Viré). Les Cavernicoles ne doivent pas avoir plus de difficulté à se procurer de la nourriture que les lucicoles (Hamman). La famine doit être la condition normale de la vie dans les grottes ; peut-être provoque-t-elle une sorte de sommeil analogue au sommeil des jeûneurs (Verhoeff). « Les cavernicoles... sont les descendants modifiés d'animaux de la surface du sol entraînés accidentellement sous terre » (Viré). Les cavernicoles actuels sont volontairement entrés dans les grottes (Garman, Eigenmann). La faune cavernicole pro- vient d'individus entraînés accidentellement de la surface ou entrant sous terre volontairement par de grandes ouvertures » (le même Viré). Parmi les cavernicoles il n'y a pas de vrais herbivores (Pac- kard, etc.). Le tube digestif des Niphargus subit des transfor- mations qui le rapprochent du type herbivore (Viré). La lumière tue les Niphargus cavernicoles (Bâte et Westwood). Ils se portent très bien à la lumière (Viré), etc., etc. Même la nonu^nclature des Cavernicoles a subi les îilteintes de cette anarchie. Si vous vous adressez aux Crustacés vous apprendrez que SpJmeromides Dollfus n'est pas un Sphaeromien mais un Cirolanide, que Gaecidotea Packard n'a rien à voir avec les Idotées, car c'est un vulgaire Aselle. Vous croyez peut-être que Palemonias ïïay est une honnête Crevette "? Détrompez- vous, c'est un Atyde. Savez-vous pourquoi furent créés les noms de Gaecidotea et 37fi EMILE G. RACOVITZA Orconectes ? Le premier pour séparer deux formes vivant au même endroit, et souvent ensemble, qui ne dilïèrent que par la longueur du corps et des appendices ; le second, pour distin- guer deux vrais Camharus cavernicoles de Cambarus lucicoles vivant dans la même région, et pour réunir ces deux formes qui manifestement dérivent de deux Cambarus superficiels tout à fait différents. Cela parait absurde et cependant c'est expliqué tout au long dans Packard (1899, p. 121 et suiv.). Je pense que ces exemples suffisent. Les amateurs pourront d'ailleurs puiser à pleines mains de ces « crocodiles » dans le marécage biospéologi(iue ; je n'ai certes pas épuisé le gisement. A ce premier sentiment, donc fort légitime, que j'ai qualifié plus haut, succéda un autre aussi justifié mais dont l'aveu est moins honorable ! J'eus réellement peur de la biospéologie et de ses effarantes arcanes ; et j'hésitai longtemps avant de me lancer dans une mêlée aussi désordonnée où tant de confrères luttent avec ardeiir. La peur des coups est le commencement de la sagesse, dit-on, mais l'occasion s'offrit à moi de visiter d'autres cavernes, de récolter d'autres êtres cavernicoles ; de plus la lecture des pas- sionnants récits de Martel changea ma sage prudence en folle témérité. Me voilà donc lancé en pleine bataille, et s'il m'arrive d'y laisser des plumes, comme certains biospéologistes notoires, ce ne sera pas faute d'avoir ignoré le péril. Je ne me dissimule point cette circonstance aggTavante. Il faut donc se mettre à l'œuvre et la première chose à faire est, naturellement, d'examiner quelles sont les raisons de cet état anarchique dans lequel se trouve la biospéologie. Ces raisons sont très certainement multiples. D'abord les difficultés inhérentes au sujet. L'accès des grottes et leur exploration n'est souvent pas facile ; il faut, en bien des cas, réveiller le vieux fond d'hérédité simiesque qui gît en nous pour grimper aux parois ou descendre le long d'une corde. Tout cela ne se passe pas sans perte de temps et sans frais considé- LES PROBLEMES BTOSPEOLOGIQUES 377 râbles. De plus, la chasse aux Cavernicoles présente des diffi- cultés que nos confrères qui chassent le Lucicole ignorent. Et certes, une observation faite dans les grottes devrait, comme les années de campagne, compter double. On est frappé ensuite du faible nombre des observations, de la pénurie d'expériences et des lacunes considérables qui doi- vent exister dans nos connaissances sur la faune et la flore souterraines. Les théories nombreuses et contradictoires ne sont, d'ailleurs, possibles que lorsqu'il s'agit d'un sujet peu étudié ; on n'est pas arrêté par des faits gênants, et on peut laisser libre cours à une imagination toujours trop fertile. La même chose s'est produite pour toutes les sciences dans leur commencement; pour rester dans le voisinage de notre sujet, citons comme exemple la spéologie physique, science qui sort à peine de cet état nébuleux propice aux théories. Et si la spéo- logie, toute jeune pourtant, a dépassé ce stade embryonnaire, c'est uniquement à cause de nombreux faits que d'intrépides savants ont su accumuler en un laps de temps étonnamment court. Ces faits, groupés en ordre logique, ont renversé bien d'orgueilleuses théories, ont limité le champ des hypothèses et ont permis des généralisations légitimes et fructueuses. Nous n'en sommes pas encore là en biospéologie ! Un faible stock d'observations, quelquefois sujettes à caution, souvent non contrôlées, la plupart datant de loin, servent, armes fort ébréchées et toujours les mêmes, dans les combats des théori- ciens. Ainsi la dramatique histoire de la poursuite du Lepto- derus aveugle par un Chernète également privé d'yeux, contée jadis par Khevenhueller, est fidèlement rapportée dans les mémoires les plus récents, sans que personne se soit donné la peine de la soumettre au contrôle de l'observation. Car enfin les Leptoderus sont de taille à se défendre contre un Chernète, fût -il aveugle ! L'expérimentation est tout indiquée dans un grand nombre de questions biospéologiques. Fort peu de naturalistes l'ont cependant tentée. C'est un des mérites de Viré, et non des moin- 378 EMILE G. RACOVITZA cires, d'avoir fondé le premier « laboratoire des catacombes » et d'avoir repris les expériences plutôt sommaires de Fries. Jus- qu'à présent, les résultats obtenus ont confirmé ce que l'obser- vation permettait de prévoir, mais on ignore encore ce que pourrait fournir une expérimentation rigoureuse, s'attaquant aux détails plus intimes des transformations biologiques. Tout darwiniste qui se respecte consacre un chapitre de l'exposé de sa doctrine aux lacunes que présente la connais- sance des faunes fossiles. Avec combien plus de raison le bios- péologiste ne ])ourra,it-il pas insérer un « Chapitre des lacunes », aussi bien fossiles (qu'actuelles, dans l'exposé de son embryon- naire science ! On ne connaît aucune forme fossile qui puisse passer pour cavernicole (voir pourtant p. 472), et on ne connaît que l'infime partie des êtres cavernicoles actuels. En effet, en dehors de l' Au triche-Hongrie, de la France, de l'Allemagne, des Etats-Unis d'Amérique, de la Nouvelle-Zélande, un peu de l'Espagne et un peu plus de l'Italie et de la Suisse, quels sont les pays explorés à ce point de vue f Quelques localités isolées par-ci par-là. On sait aussi qu'il suffit de fouiller soigneusement une grotte pour trouver des formes nouvelles, et l'on connaît des décou- vertes intéressantes faites en ces dernières années dans les régions les plus classiques. Certains groupes d'animaux ont été complètement négligés, et les Coléoptères seuls sont mieux connus, grâce aux actives recherches des spécialistes très nom- breux qui collectionnent ces Insectes. De plus, l'étude de la faune des eaux souterraines n'est acti- vement menée que depuis quelques années ! Il est donc certain que l'inventaire des êtres cavernicoles est bien incomplet. Aux raisons que je viens d'énumérer il convient d'en ajouter d'autres d'un ordre différent. Les auteurs qui se sont occupés de la question se sont trop hâtés de généraliser et, quelque osée que puisse paraître mon affirmation, ils ne se sont pas toujours rendu compte de la différence qu'il y a entre le nom qui désigne LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 379 une chose et la chose elle-même. Bien souvent on a, raisonné sur les mots et non sur ce que ces mots sont censés repré- senter. Un exemple fera mieux comprendre ce que je veux dire. Prenons le mot : Cavernicole. Un spécialiste constate que les Cavernicoles de son groupe sont incolores ou plus pâles que leurs proches parents lucicoles. Il déclare aussitôt que la faune cavernicole se distingue de la lucicole par la décoloration des tégnments due à la disparition du pigment sous l'influence de l'obscurité. Mais l'on découvre d'autres Cavernicoles qui sont colorés ; immédiatement on se met à bâtir des théories et à faire des suppositions variées. On suppose que les grottes ne sont pas complètement obscures ; on suppose que les Cavernicoles en question habitent les entrées des grottes ; on déclare qu'ils n'ont point adopté la vie souter- raine depuis assez longtemps. On fait intervenir la panmixie, etc., etc. On cherche à étayer chacune de ces suppositions et théories, par des observations puisées au hasard dans les auteurs, par des suppositions nouvelles et par d'autres théories. Cela donne naissance à d'autres centres d'attraction pour de nou- velles hypothèses et suppositions, et l'écheveau s'embrouille inextricablement. Et tout cela pour ne s'être pas rendu compte de la valeur réelle des mots ! En effet, reprenons la chose dès le commen- cement Que signifie le mot : Cavernicoles ? Uniquement ceci : êtres vivant dans le domaine souterrain. La seule chose que ces êtres ont de commun entre eux c'est leur habitat. La faune caver- nicole est, en effet, un mélange absolument hétérogène de formes très différentes, par l'origine, par les aptitudes héréditaires, par le degré d'organisation, par l'époque d'immigration dans les cavernes, etc., etc. Par conséquent, on doit s'attendre à trouver une diversité et non une uniformité d'action : l'influence de la vie obscuricole doit produire des effets différents sur les diffé- rentes unités qui composent cette faune. Il faut donc se méfier. 380 EMILE G. RACOVTTZA a priori, des généralisations, étudier chaque espèce en parti- culier, et ne généraliser qu'après un travail coni])let d'analyses minutieuses. Une confusion analogue s'est produite à piopos du mot : coloration. Qualifier un animal de coloré, cela signilie simple- ment que ses téguments exercent une influence quelconque sur les rayons lumineux, cela ne donne en aucune façon la raison de cette influence. On a même confondu couleur avec pigment ; or l'on sait qu'il y a des colorations non pigmentaires. Le mot pigment, à sou tour, signifie uniquement substance colorée qui se loge dans un tissu. IL ne signifie nullement que ces substances sont chimiquement et physiquement identiques. On sait, au contraire, que les pigments sont de natures très diiïéreutes et qu'ils réagissent très diversement sous l'influence des agents physiques et chimiques. Il n'est donc pas étonnant que certains Cavernicoles aient conservé leur coloration ; c'est le fait contraire qui devrait ])lutôt sembler curieux. Si l'on veut serrer la question de près, il faut avant tout étudier la nature de cette coloration, si elle peut ou non de par sa constitution être influencée par la lumière. Or, cette étude n'a jamais été faite pour aucun Cavernicole. On a préféré se lancer dans des suppositions hasardées et des théo- ries nébuleuses. Ce que je viens de dire à propos de la coloration s'applique aussi aux autres questions et problèmes que soulève la biologie des Cavernicoles : effet de l'obscurité sur les yeux, ancienneté des Cavernicoles, modifications dans les organes sensitifs, etc. Trop souvent on constate une généralisation hâtive de déduc- tions basées sur la ressemblance des mots et non sur la vi'aie nature des choses que ces mots représentent. Voilà, à mon avis, les raisons qui paraissent expliquer sufli- samment l'état dans lequel se trouve actuellement la biospéo- logie. Cette sommaire enquête, en montrant ces raisons, indique aussi les écueils à éviter et la direction qu'il faut donner aux recherches futures. LES PROBLEMES BIOSPEnLOGlQUES 381 Le programme de ces reclierches peut donc, me semble-t-il, se formuler ain.si : Il est impossible de faire œuvre synthétique actuellement; les généralisations trop vastes sont prématurées, et ce n'est point faire œuvre utile ({ue de bâtir des théories générales. Il faut procéder par analyse, c'est-à-dire s'attacher à la mono- graphie de petits groupes, faire leur revision systématique, étudier leurs affinités, leurs origines, leur biologie, etc., afin d'avoir des points d'appui solides pour déterminer leur histoire spéologique. Il faut instituer une expérimentation rigoureuse avec des sujets d'expérience bien étudiés. Et, avant tout, il faut fouiller le plus de grottes possible, dans les régions les plus diverses, pour combler au moins en partie les lacunes considérables que présente la connaissance de la faune et de la flore cavernicole. Peu de mots suffiront pour indiquer comment j'ai essayé de me rendre utile dans l'accomplissement de ce vaste programme, qui demandera de longues années d'efforts et le concours d'un grand nombre de naturalistes. Je me suis d'abord assuré la collaboration d'un jeune et actif naturaliste, M. René Jeannel. Tous nos moments disponibles seront consacrés à l'examen des grottes, de préférence dans les régions encore inexplorées au point de vue biospéologique. Le matériel rapporté, et trié par nos soins, sera confié aux spécia- listes. Les résultats de ces recherches seront publiés dans ces Archives, par séries, sous la signature de leurs auteurs, mais sous le titre commun : Biospéologica (1). Ce titre est fort peu Le mot : Spéléologie, créé par E. Rivière, est généralement employé pour désigner la science des cavernes. Martel (1894) l'adopte et il ajoute : « On a proposé aussi le mot plus simple de Spéologie (L. de Nussac, Essai de Spéologie, Brive, 8», 1892) ; plus harmonieux, il est moins exact, car les Grecs désignaient par Cïïéoç les ejccavations artificielles des tombes ou temples égyptiens ». Il me semble cependant plus avantageux d'employer un mot facile et harmonieux qu'un mot cacophonique, même si le premier est étymologiquement moins correct. Somme toute, la nomenclature a un but pratique, et bien rares sont les noms qui définissent exactement l'objet d'une science ; ce n'est d'ailleurs pas le cas pour : spéléologie, car si cette science s'occupe des cavernes elle s'occupe aussi des choses qui ne sont pas des cavernes. J'adopte donc Spéologie. 382 EMILE G. RACOVITZA harmonieux, j'en conviens, mais comme il est destiné unique- ment à montrer que les différents mémoires font partie d'un même ensemble de recherches, je l'ai choisi court pour faciliter les notations bibliographiques. Pour permettre l'apparition rapide des résultats de ces études, il a été décidé que les mémoires des spécialistes seraient publiés au fur et à mesure de leur envoi à la Direction des Archives, sans qu'il soit tenu compte ni de la date à laquelle ont été effec- tuées les récoltes des matériaux qui y sont décrits, ni de l'ordre de classification zoologique et botanique. îsTous publierons de temps en temps l'énumération des grottes visitées, avec une description sommaire de chacune, en insistant surtout sur les points qui peuvent influencer la biologie des Cavernicoles. Nous ramasserons, dans les grottes, tout ce que nous pourrons trouver, sans faire de choix, car il est utile pour l'instant de faire l'inventaire aussi complet que possible du domaine souterrain. On verra ensuite ce qui lui appartient en propre Certes, les recherches suivies faites dans la même grotte sont très utiles ; mais dans l'état actuel de la biospéologie, les recher- ches « extensives » sont plus nécessaires que les recherches « in- tensives », s'il m'est permis d'employer ces termes usités en agriculture. ISTous visiterons donc le plus de pays possible. LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 383 QUFJ/jUES CONSIDÉRATIONS SUR LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES La révision complète des idées qui ont été émises sur la biologie des Cavernicoles demanderait beaucoup de travail, mais il résulte de ce qui a été dit plus haut que le profit qu'on l)Ourrait en tirer serait médiocre. Nous avons un besoin pressant de l'echerches de détails et, pour l'instant, l'idée <loit céder le pas au fait. Il m'a semblé néanmoins que, si l'on ne peut encore résoudre les problèmes biospéologiques, il est utile de les poser clairement et d'établir de l'ordre dans leur exposé ; c'est ce que j'ai essayé de faire ])our quelques-uns dans les pages suivantes. I. — L'étendue du domaine souterrain. Le domaine (1) souterrain, en tant que domaine vital ou lia])itat des Etres cavernicoles est-il réellement si restreint et insignifiant que le disent les Biogéographes *? Je pense qu'il faut très résolument répondre d'une façon négative. L'idée qui règne à ce sujet dans la biogéographie date d'il y a une tren- taine d'années, quand la Spéologie physique était dans l'enfance ; c'est un héritage qui a été accepté sans bénéfice d'inventaire. Examinons, en effet, de quoi se compose le domaine souterrain qui se prête aux manifestations de la vie. 1° Les grottes accessibles a l'homme. — Ce sont les pre- mières dont on ait eu connaissance et pendant longtemps ce furent les seules qui ont été prises eh considération. Il y a trente ans, on en connaissait fort peu ; mais il n'en est plus de même (1) On peut parler de « l'habitat » d'une espèce et même d'un groupe plus étendu mais liomogène d'êtresvivants ; il ne me semble pas qu'on puisse désigner par ce mot l'ensemble des régions colonisées par les membres d'un groupement aussi vaste d'êtres très variés, comme les Cavernicoles, les Abyssaux, les Terrestres, etc. Je vais employer, dans ces derniers cas, le mot '< domaine ». Donc, le domaine souterrain est formé par la somme totale des habitats par- ticuliers des espèces cavernicoles 38 i EMTLE G. HACOVfTZA actuelleuient. Il suffit de consulter les traités récents de Martel (1894 et 1900), Kraus (1894), von Knebel (1906), les Bulle- tins (le la Société de Spéléologie, etc., pour acquérir la conviction que les cavités souterraines sont extrêmement nombreuses et pour se persuader que ce qui reste à découvrir dans cet ordre d'idées doit dépasser, dans des proportions considérables, les découvertes déjà effectuées. Fort peu de régions, en effet, ont été explorées jusqu'à présent. Dire qu'actuellement plus de 500 kilomètres de galeries ont été reconnues, c'est rester en dessous de la vérité ; cela représente au moins 50 kilomètres carrés de surface habitable. Quelle est cette surface pour toutes les grottes de la terre, voilà ce qui ne peut être estimé actuelle- ment ; mais elle doit avoir certainement plusieurs centaines de kilomètres carrés. 20 Les fentes étroites inaccessibles a l'homme. — Ma classification pourrait paraître bizarre et l'on pourrait se de- mander ce que l'homme a à voir là-dedans. Cependant l'histo- rique des idées biospéologiques la justifie pleinement. Aucun des auteurs un peu anciens ne parle de fentes terrestres étroites, et actuellement encore, quand on parle de Cavernicoles, on ne pense qu'aux êtres qui habitent les larges espaces accessibles à l'homme. Comme si les lilliputiens habitants du domaine souterrain se souciaient des dômes gigantesques, des vastes galeries, des majestueux couloirs ! Une simple fente de quelques millimètres suffit à leur bonheur et à la prospérité de leur famille. Or, les fissures et les fentes sont innombrables dans certains terrains. Il est difficile de démontrer par l'observation directe que les fentes sont habitées, mais beaucoup de faits et de déductions tendent à le prouver. En creusant des tunnels et tranchées, on a découvert sou- vent des grottes, quelquefois très vastes, sans communication apparente avec l'extérieur, où cependant vivaient des Caver- nicoles. Ces animaux n'ont pu y pénétrer que par les fentes. LES PROBLÈMES BIOSPEGLOGIOURS 385 Il existe des grottes parcourues par des ruisseaux dont les crues font monter l'eau jusqu'au plafond. Or, ces gi'ottes sont habitées par des Animaux terrestres comme les grottes sèches ; ces animaux ne pourraient s'y maintenir si, pendant les crues, ils ne pouvaient se réfugier dans des fentes situées au-dessus du niveau aquifère. Tous les chasseurs de Cavernicoles savent qu'il n'est pas possible de i-ecueillir toute la. faune d'niu' grotte, même si elle est petite et si elle n'offre pas de cachettes apparentes aux animaux. A chaque visite on trouve des formes nouvelles qui ne peuvent être venues que par les fentes ; la migration par l'extérieur doit être tout à fait exceptionnelle, tous les Cavernicoles vrais étant lucifuges, sténothermes et sensibles aux variations hygromé- triques. Comme on le verra plus loin, la voie principale d'immigration pour la plupart des Cavernicoles a été la fente et non les vastes entrées des cavernes accessibles à l'homme. La faible taille de beaucoup de Cavernicoles n'est pas due le plus souvent, comme on Ta prétendu, à la dégénérescence des formes souches causée par la pénurie de nourriture (voir p. 395). Il faut faire intervenir, dans la plupart des cas, une sorte de ({ tamisage » à travers les fentes étroites ; seules les petites espèces superficielles ayant pu pénétrer dans le domaine sou- terrain. La forme aplatie et allongée de beaucoup de Cavernicoles s'explique aussi par la nécessité de parcourir des fentes étroites, quoique le (( tamisage » primitif ait pu aussi jouer son rôle. L'aplatissement et l'allongement peuvent être aussi bien des caractères primitifs qu'adaptatifs. ^ Les espèces réputées rares sont nombreuses parmi les Caver- nicoles ; or l'expérience a montré depuis longtemps que la grande majorité des espèces « rares » consiste en espèces dont on ne connaît pas l'habitat réel. Dans le cas des Cavernicoles, cet habitat inconnu ne peut être que la fente. La nourriture doit être au moins aussi abondante dans les 386 EMILE G. RACOVITZA fentes que dans les grottes. L'eau de ruissellement accumule dans les fentes toutes sortes de détritus végétaux et animaux, et les pluies rapides doivent entraîner même des proies vivantes. Tontes ces substances alimentaires doivent se coincer dans les fentes qui jouent ainsi un rôle de filtre, débarrassant les eaux qui pénètrent dans les grottes proprement dites des matières charriées trop volumineuses. L'épais et nourrissant potage de la surface se transforme ainsi en claire infusion ; à ce ])oint de vue la. fente est plus agréable à habiter qu(^ la grotte. Toutes ces considérations, auxquelles s'ajoute ce ([ue je dirai des niveaux d'eau, me semblent démontrer que les fentes sont habitables et habitées Or le nombre de ces fissures est énorme dans l'écorce terrestre. Les travaux modernes des spéologistes ont montré que les massifs calcaires en particulier, quel que puisse être leur âge, sont traversés en tous sens par des diaclases, joints de stratifi- cations, failles et cavités, qui font de ces massifs de véritables « éponges ». On connaît de vastes régions calcaires où les préci- pitations atmosphériques n'ont plus d'écoulement superficiel ; toute l'eau est absorbée par les fentes, et tout le drainage des eaux se fait par des rivières souterraines. Cette fissuration produit donc une surface habitable pour les Cavernicoles, qui est infiniment plus vaste que celle des grottes accessibles à l'homme. J'incline à penser que beaucoup de Cavernicoles ont leur habitat normal dans les fentes et non dans les grottes ; si on les rencontre dans ces dernières, c'est par hasard. Il doit se passer, dans le domaine obscur de ces formes, ce qui se passe dans les agglomérations humaines. Le citadin habite les rues étroites, et il ne se rencontre sur les boulevards et sur les places publiques que lorsqu'il va à ses plaisirs ou à ses aflaires. Dans les deux cas, la majeure partie de « l'habitat » est formée par l'espace étroit, l'infime portion par le large espace. Comme quoi la parcimonie des municipalités s'est rencontrée en cette occa- sion avec les caprices de dame Nature ! LKS PROBLÈMES RTOSPÉGLOGIOIIES 38? 30 Les niveaux d'eau et les nappes phréatiques. — On sait que dans les roches compactes ou de suintement en général, et dans les massifs calcaires en particulier, la circulation des eaux souterraines se fait, comme à la surface, par des rigoles, ruisseaux ou rivières. La notion classique de la nappe d'eau continue ne peut être admise que pour les terrains perméables, comme les sables, graviers, etc., et encore non sans certaines restrictions. On croyait antérieurement que l'eau imbibe ces terrains, qu'elle remplit seulement les interstices capillaires qui séparent les fragments solides ; on pouvait donc conclure, a priori, que les nappes phréatiques et niveaux d'eau ne peu- vent pas être habités, les Animaux ne trouvant pas assez d'eau libre pour y vivre. Or, l'expérience démontre qu'il n'en est pas ainsi. Les nombreuses formes cavernicoles trouvées dans les puits ne peuvent être venues d'ailleurs que des nappes phréa- tiques. En Nouvelle-Zélande, notamment, dans les puits de la plaine de Canterbury, Chilton (1894) a découvert une dizaine de Crustacés et d'Oligochètes, de taille assez grande, présentant tous les caractères d'adaption à la vie obscuricole. La plaine est formée par une cuvette imperméable comblée par d'épais dé- pôts d'alluvions fluviatiles. Et les puits sont creusés dans ces dépôts. Chilton dit avec raison que la découverte de ces animaux démontre que l'eau ne circule pas seulement entre les particules solides , mais qu'elle doit former de véri- tables rivières souterraines ayant creusé leur lit dans les graviers. Les Animaux de grande taille rejetés par les puits artésiens d'Algérie, et ceux tous récemment découverts dans les mêmes conditions au Texas {Palemonetes dntrorum Benedict, Typhlo- molge Rahthuni Stejneger, etc.), indiquent aussi que les accu- mulations d'eau libre sont fréquentes dans les nappes phréati- ques ou artésiennes. Ces nappes doivent donc être annexées au domaine souterrain habitable, ce qui augmente encore nota- blement son étendue, quoique le réseau des canaux d'eau libre qui parcourt les terrains perméables soit nécessairement beau- ARCH. DE ZOOL. KXP. ET GÉH. — 4« SÉRIE T. VI. — (Vli). 28 388 EMILE G. RACOVIÏZA coup moins développé que celui des massifs calcaires et des roches de suintement. 4° Le domaine hypogé (1). — On connaît déjà beaucoup d'Animaux qui vivent dans la terre, soit dans l'humus, soit dans l'argile. Ils présentent souvent les mêmes caractères adap- tatifs que les Cavernicoles; quelques espèces paraissent vivre indifféremment dans la terre et dans les cavernes, et quelques genres hypogés ont des représentants cavernicoles. On pourrait en conclure qu'il faut annexer purement et simplement le do- maine hypogé au domaine souterrain. Ce serait une erreur, car, comme on le verra plus loin (voir p. 428), la majorité des Ani- maux hypogés ne trouveraient pas dans le domaine souterrain toutes les conditions nécessaires à leur existence, et il en est de même pour les Cavernicoles dans le cas inverse. Cependant, il n'est pas possible d'établir une distinction absolue entre les deux domaines, puisqu'un certain nombre de formes sont com- munes aux deux habitats et que, dans certains cas, très rares il est vrai, le domaine souterrain offre les mêmes conditions d'existence que l'hypogé. 50 Les Microcavebnes. — En dehors des cavités naturelles énumérées plus haut, il existe tout un monde de réduits obs- curs, construits ou creusés par des Animaux, et que d'autres êtres ont choisi comme domicile. Les constructions des Hymé- noptères, des Termites, les galeries creusées dans le bois et la terre par les Insectes adultes ou leurs larves, les nids et les terriers des Eeptiles, des Oiseaux et des Mammifères, cojisti- tuent des cavernes plus ou moins considérables pouvant exercer (1) Les entomologistes emploient depuis longtemps le mot « hypogé » pour désigner les animaux qui vivent profondément enfouis dans la terre, ceux qui composent la « faune de la pierre enfoncée ». On oppose donc « Hypogé » à •< Cavernicole », J'adopte, dans ce mémoire, cette interprétation du mot Hypogé, mais non sans regret Il vaudrait mieux, en effet, le réserver pour le sens très général de : être habitant sous la sur- face de la terre ; ce serait d'ailleurs plus conforme au sens que lui donnaient les Grecs, et on pourrait l'opposer au mot Bpigé qui désigne tous les êtres habitant à la surface £1 faudrait alors créer un mot nouveau pour les anciens hypogés des entomologistes et mon ami, M. Pruvot, qui a attiré mon attention sur ce point, me suggère le terme de « Endogé » que je considère comme excellent et qui n'a pas besoin d'autre explication. Les Cavernicoles et les Endogés seraient donc des membres de la faune hypogée. LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 389 sur les commensaux comme sur les hôtes des influences sem- blables à celles constatées dans le cas des cavernes naturelles. Mais comme pour l'habitat hypogé, et même plus que pour celui-ci, l'annexion pure et simple du domaine des microcavernes au domaine souterrain constituerait une grave erreur que Verhoefp (1898) semble avoir commise, si j'ai bien compris son mémoire. J'examinerai plus loin (voir p. 429) la profonde diffé- rence qu'il faut établir entre un vrai Cavernicole et un vrai Xénophile (1), Il me suffit pour le moment d'indiquer que, si certains caractères adaptatifs sont les mqmes dans les deux sortes d'Animaux, il y en a d'autres qui manquent complètement au Cavernicole et qui donnent au Xénophile une physionomie très caractéristique. Mais tous les habitants des Microcavernes ne sont point des Xénophiles ; il y en a qui ne dépendent en aucune façon du propriétaire et constructeur de la caverne, qui ont adopté la vie microcavernicole uniquement pour ses avantages qui sont ceux qu'offre aussi le domaine cavernicole, en tout ou en partie. Cette catégorie de faux Xénophiles peut être annexée aux vi'ais Cavernicoles, s'ils présentent les caractères adaptatifs de ces derniers. Ces réserves faites, il n'en est pas moins vrai que dans les domaines voisins, l'hypogé et le microcavernicole, on peut recruter un certain nombre de formes pour l'armée des Caver- nicoles, et augmenter de beaucoup la surface habitable du do- maine souterrain proprement dit. 6 Les cavernes artificielles. — J'entends par ces mots toutes les cavités : galeries de mines, catacombes, tunnels, etc., creusées par l'homme. Leur étendue est peu considérable si on la compare aux régions précédentes du domaine souterrain. D'autre part, elles sont trop récentes pour avoir pu produire des transformations profondes chez les êtres qui les ont choisies pour domicile. On ne connaît actuellement aucune espèce réellement caver- (1) Je propose ce mot pour désigner tous les Animaux termitophiles et mjTmecophiles- 390 EMILE G. RAG(^VITZA nicole, qui ait pris naissance dans ces sortes de cavernes. Les êtres qu'on rencontre dans les souterrains artificiels les plus profonds sont des lucifuges superficiels, soit identiques à leurs congénères épigés, soit, dans des cas très rares, légèrement mo- difiés par le séjour à l'obscurité ; ces modifications sont d'ailleurs de celles que provoquent brusquement, ou du moins rapide- ment, les influences directes du milieu et qui ne se transmettent généralement pas aux générations suivantes. Somme toute, les cavernes artificielles jouent un rôle à peu près nul en biospéologie ; je vais donc les laisser de côté dans les considérations qui vont suivre. Il résulte de cette rapide enquête que, parmi les « habitats » que le biogéograplie distingue, l'habitat cavernicole doit occuper un bon rang par la grandeur de la surface qu'il olîre au dévelop- pement de la vie. Il n'est certes ni exceptionnel ni insignifiant ; et s'il n'est pas possible de se faire une idée précise de son étendue dans l'état actuel de nos connaissances, on peut prédire déjà qu'il sera comparable en importance à l'habitat désertique ou à l'habitat alpestre. Ces très grandes surfaces habitables qu'offre le domaine souterrain sont-elles partout habitées en réalité f La biospéo- logie est-elle auss^i importante par le nombre de ses sujets que par l'étendue de son empire romain ? C'est ce que uous allons examiner dans les chapitres suivants. IL — Les conditions d'existence que présente le domaine souterrain. Les êtres cavernicoles sont d'origine très différente, et ils n'ont de commun que l'habitat. Ils ne peuvent donc être dé- finis que par les transformations qu'ils ont subies sous l'influence de cet habitat. Il convient dàs lors d'examiner en premier lieu au moins les principaux facteurs pouvant agir dans ces trans- formations. 1° L'obscurité. — Elle est certainement comiilète dans les parties profondes du domaine souterrain ; néanmoins, je ne LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 391 crois pUiS que la (léinoiistriition oxpérimentiilc en ait jamais été tentée. Les plaques photograpliiques ne se voilent pas au bout de quelques heures -, c'est tout ce que je puis dire i)ar expé- rience personnelle. Hamman (1896), pour expliiiuer l'existence de Cavernicoles pourvus d'yeux, suppose que l'obscurité n'est jamais totale. Nous verrons plus loin qu'il n'est pas nécessaire de faire cette hypothèse, toute gratuite d'ailleurs, pour expliquer la persis- tance des yeux chez quelques Cavernicoles. Les entrées des grottes, les régions les plus superficielles des fentes, beaucoup de microcavernes, sont plus ou moins éclairées et offrent tous les passages entre la lumière du jour et l'absence complète de lumière. 20 La température. — Dans les grottes profondes, à l'in- térieur des massifs fissurés, dans les nappes phréatiques et les niveaux d'eau profonds, on peut admettre que la tempéra- ture est constante, et qu'elle correspond, en général, à la tem- pérature moyenne annuelle du lieu. Certes, des météorologistes armés d'instruments ultra-sensil)les découvriraient sans doute des variations qui, au point de vue absolu, pourraient passer pour notables, mais au point de vue relatif oii je me place, de leur influence sur les êtres vivants, ces variations sont tellement inférieures à celles qui s'observent dans le domaine superficiel qu'il convient de ne pas en tenir compte. Les microcavernes et les endroits superficiels sont natu- rellement sujets à plus de variations. Des circonstances locales, d'ailleurs rarement réalisées, peu- vent produire des anomalies et des variations notables aussi dans les cavernes. Ainsi, les grottes verticales, s'ouvrant par le haut, sont plus froides, celles fortement inclinées, s'ouvrant par le bas, sont plus chaudes que les horizontales. D'autre part, dans la même grotte, il peut y avoir des salles plus chaudes que d'autres. Les dispositions topographiques de certaines cavités ])rovo(iuent des courants d'air dont le sens varie selon les saisons, ce qui occasionne aussi des perturbations, etc. 392 EMILE G. RACOVITZA Quoi qu'il on soit de ces faits exceptionnels, on innit considérer le domaine souterrain comme un habitat à température cons. tante et basse, mais non à température identique dans toute son étendue, car chaque grotte possède sa température propre, qui dépend de causes générales : latitude, altitude et climat de la région oii elle se trouve ; mais elle dépend aussi de causes spéciales : disposition topographique, épaisseur des plafonds, humidité, etc. 30 Humidité. — L'humidité est toujouivs notable dans le domaine souterrain, même quand certaines cavernes nous ])a.- raissent sèches. Là où Teau suinte, où il y a des bassins lacustres ou des rivières, et où il n'y a pas de courants d'air, la saturation de l'air est complète. L'humidité qui infiltre les parois est presque toujours suffisante pour permettre la vie aux êtres les moins capables de réagir contre l'évaporation, même là où il n'y a pas de suintement visible. Ces constatations ne sont pas basées sur des recherches précises, qui n'ont jamais été tentées. Elles seraient pourtant utiles. 40 Dimensions des espaces habitables. — Rappelons seu- lement que la majeure partie de l'espace souterrain est formée par des fentes étroites, dans les massifs calcaires comme dans les nappes phréatiques ou les niveaux d'eau. 50 Mouvements de l'air et de l'eau. — La circulation de l'air se fait dans les cavernes, en général, si lentenu'ut qu'on peut considérer l'atmosphère du domaine souterrain comme étant pratiquement au repos. Mais il y a des exceptions à signaler ; ainsi les trous à vents présentent (quelquefois des courants d'air d'une violence extrême, mais ces courants, produits par la diffé- rence de température de l'air extérieur et de l'air intérieur, et par le rétrécissement des galeries, ne se font plus sentir dès que la caverne s'élargit. D'autres dispositions topographiques peuvent occasionner aussi des courants plus ou moins forts ; inutile d'insister. Au point de vue du mouvement il y a moins de différence entre les eaux souterraines et les eaux superficielles ; dans les LES PROBLÈMES BTOSPEOLOGIQUES 393 deux cas, on rencontre des eaux courantes et des eaux stagnantes qui se coni])ortent à peu près de la même façon. 6° Composition de l'air et de l'eau. — Dans les grottes à bonne ventilation, la composition de l'air doit être normale ; il paraît en être de même dans les grottes où il n'est pas possible de constater des courants aériens. L'homme, en effet, n'est pas incommodé par le séjour dans ces cavités. Très rarement on a constaté la présence de gaz délétères. Cette question n'a d'ailleurs pas été scientifiquement étudiée. Il paraît que l'atmosphère des cavernes est très bonne conduc- trice d'électricité. J'ignore jusqu'à quel point cette propriété peut influencer les êtres cavernicoles. Les grandes rivières qui coulent à travers les grottes ne doivent pas avoir une composition bien différente des eaux coulant en surface. Il en est autrement des petites, à écoulement lent, et des bassins formés par l'eau d'infiltration à travers les bancs calcaires. Cette eau doit être chargée à saturation de cal- caire, les concrétions variées qu'on trouve dans les cavernes et les tufs sont là pour le démontrer. La grande teneur en calcaire est donc caractéristique des eaux stagnantes ou peu rapides du domaine souterrain. Par contre, les eaux souterraines sont moins chargées de matières organiques, elles sont plus pures. Il leur manque aussi une source d'oxygénation ([ui est présente dans les eaux superficielles : les plantes aquatiques. L'aération des eaux souterraine^ est donc due uniquement aux agents phy- siques. 70 Les eessources alimentaires. — La plupart des auteurs admettent que le domaine souterrain offre de très faibles res- sources alimentaires à ses habitants. Packard (1889) se de- mande même ce que peuvent bien trouver à numger les Animaux aquatiques des grottes du Mammotli. Verhoeff (1898) croit que la faim sévit normalement parmi les êtres cavernicoles. Par contre Hamman (1896) pense que les Cavernicoles n'ont pas plus de difficultés à se nourrir qvuî les tîuperficiels. 394 EMILE G. RACOVITZA Viré (1899) soutient même les deux opinions dans le même mémoire. Ces opinions contradietoires s'expliquent facilement ; on n'a januiis fait d'études sérieuses sur la question, et ou s'est hâté de généraliser des observations isolées. Examinons donc comment la question pourrait être envi- sagée, et quelles sont les données nécessaires pour la résoudre. a.) On a observé plusieurs fois des Cavernicoles en nombre considérable. Call (1897) l'affirme pour deux espèces de Crus- tacés de la Mammoth Cave. Eigenmann (1900 a) dit aussi que certains Crustacés sont communs dans les puits artésiens du Texas. Viré (1899) déclare que les Niphurgus sont très nom- breux dans certaines rivières souterraines de la France. Dollfus et Viré (1905) disent avoir récolté plus de 2.000 Vireia herim dans une seule grotte. Viré (1899) a trouvé un très grand nombre de Blanmlus dans une grotte pyrénéenne, et j'ai rencontré aussi un grand nombre de Cavernicoles terrestres dans certaines grottes, etc. Ces exemples suffisent pour arriver à une première con- clusion : Il n'est pas permis de dire que le domaine souter- rain est toujours pa,uvr(^ en ressources alinumtaires, et que l'état normal des êtres cavernicoles est l'état d'ina- nition. b.) Les Plantes à chlorophylle ne peuvent vivre dans le do- maine souterrain à cause de l'absence de lumière. Tous les êtres non chlorophylliens tirent directement ou indirectement (à de faibles exceptions près, quelques Bactéries, etc.) leur subsis- tance de ces Plantes qui sont par conséquent l'unique réservoir de matières organiques. Mais de là à conclure sans autre preuve que la nourriture doit manquer dans le domaine souter- rain, il y a loin. Le domaine abyssal marin ou limnique est aussi dépourvu de Plantes vertes, et cependant il est fort peuplé. La seule conclusion qu'on puisse tirer de cette absence est la suivante : Ne peuvent être cavernicoles que les Animaux LES PROBLÊMES BIOSPÉOLOGIQUES 395 carnivores (1) et le.s Êtres sapro pliages (2), C'est (;e (|ue l'on observe en etïet. c.) La faible taille des Cavernicoles serait une preuve tle la pénurie de la nourriture, selon Packard (1889). Cette propo- sition me paraît inexacte. La question de la taille des Cavernicoles, pour avoir sa signi- lication précise dans le cas qui nous occupe, doit être posée de la façon suivante : Les Cavernicoles sont-ils plus petits que leurs souches ou leurs parents lucicoles 1 La réponse qu'on l)eut faire ne permet aucune conclusion, car s'il en existe de plus petits, on en connaît de plus grands. Inutile de nous encom- brer d'exemples. La faune des Insectes qui vit sur les fleurs est une vraie micro- faune et pourtant ces minuscules Hyménoptères, Coléoptères ou Ehynchotes vivent dans l'abondance. L'Acarien qui vit dans son fromage est un des plus petits parmi les Acariens, etc., etc. D'autre part, les lieux arides et les déserts, où la faim sévit souvent, ont autant de gi-os aninuiux que les régions fertiles. Il ne paraît donc pas y avoir toujours de rapport direct entre la taille des Animaux et les ressources alimentaires dont ils disposent. Par contre, l'abondance ou l'absence de nourriture détermine le nombre des individus et influe sur leur reproduc- tion ; mais c'est un autre ordre de questions. Quant aux raisons qui expliquent pourquoi les êtres caver- nicoles sont presque tous de faible taille, tout en étant souvent plus grands que leur souche, on les trouvera plus loin. Point n'est besoin de faille intervenir l'inanition. d.) La rareté des Cavernicoles est aussi un indice de la pénurie d'aliments, d'après Packard (1899). Cette conclusion n'est exacte qu'en partie. J'ai cité plus haut des observations qui (1) ViPÊ (1899. p. 56) dit avoir constaté que le tube digestif des Niphargm subit des trans- formations qui le rapprochent du < type des animaux herbivores » sans indiquer de quelle nature sont ces transformations. Il est impossible, d'autre part, de les deviner ; il ne reste aux carci- nologistes qu'à attendre, avec impatience, les détails que Viré leur doit sur cette très curieuse découverte (2) C'est-à-dire ceux qui se nourrissent de matières animales ou végétales eu décomposition. 396 EMILE G. RACOVTTZA mentionnent nn grand nombre de Cavernicoles rénnis an même endroit. Mais il y a anssi des grottes où les Cavernicoles sont excessivement rares, et cela certainement est à mettre souvent sur le compte de la pénurie alimentaire. On doit attribuer à la même cause la difficulté de trouver dans ces grottes des Animaux en reproduction, ou des pontes et des larves. Il résulte donc de cela, que dans le domaine souterrain il y a des régions à nourri- ture abondante et des régions pauvres en ressources alimen- taires, chose qu'on peut constater pour tous les habitats. Il faudrait connaître, ce qui n'est pas possible actuellement, la proportion des unes et des autres pour décider si en général la nourriture est abondante ou non dans ce domaine ; et encore ce résultat serait plutôt piètre, car il ne permettrait aucune conclusion générale. e.) La facilité avec laquelle les Cavernicoles supportent la faim, et le peu de nourriture qu'ils prennent en captivité, sont la preuve (qu'ils ont dû s'adapter à une pauvreté constante de ressources alimentaires. Je suis forcé de contester, non les observations ({ue Packard (1889) cite à l'appui de son idée, mais les conclusions qu'il en tire. C'est encore avec une généralisation illégitime que nous avons affaire. A l'indifférence pour la nourriture que montrent les Gambariis et les Poissons cavernicoles de Packard il suffit d'opposer la voracité des Crustacés de Viré (1899), et la loi générale du pre- mier mord la poussière. Ne connait-on pas d'ailleurs la facilité avec laquelle on capture les Cavernicoles avec des pièges amorcés de viande, fromage, etc. ? De plus, je pourrais citer un très grand nombre d'exemples d'Animaux lucicoles supportant la faim aussi bien, sinon mieux, que les Protées, Cambarus ou Amblyopsis,(^t même des Animaux voisins de ceux-ci. Tous les Animaux à sang froid se passent facilement de nourriture pendant un long espace de temps ; ils se contentent de ne pas augmenter de taille et de ne pas se reproduire. Les exemples de Packard ne signifient donc rien. LES PROBLÊMES BIOSPÉGLOGIQUES 397 et des recherches sur hi résistance de l'inanition des Cavernicoles comparée à celle de formes voisines lucicoles n'ont jamais été tentées. /.) On connaît des grottes où il est absolument impossible de trouver la moindre trace de substances alimentaire et où pour- tant on trouve des Cavernicoles, disent certains auteurs. Ce fait est exact, et je puis le confirmer. Mais, outre que ces grottes sont toujours visitées par des lucifuges qui fournissent ainsi des proies vivantes ou des cadavres à la consommation des troglo- bies, il ne faut pas oublier que ces gTottes communiquent avec tout un système de fentes étroites qui peuvent offrir des res- sources alimentaires. D'autre part, les Crustacés aquatiques, {Asellus, Nijyhargus, etc.) qu'on a rencontrés dans de petites flaques d'eau absolu- ment pures, peuvent certainement émigrer à volonté, car ils ne craignent pas de rester à sec pendant longtemps. Ils peuvent ainsi se soustraire à l'inanition. DES SOURCES DE NOURRITURE DU DOMAINE SOUTERRAIN Nous avons vu qu'il n'y a pas d'arguments sérieux qui puissent être invoqués à l'appui de l'idée que les Cavernicoles souffrent d'inanition chronique. Il nous faut maintenant examiner d'où peut venir la nourriture. Il est certain que son origine est mul- tiple : a.) Ce sont d'abord les détritus organiques variés, et même les animaux vivants, que les eaux de ruissellement et les rivières à parcours souterrain entraînent dans les fentes et dans les grottes. Des masses considérables de matières utilisables peuvent être ainsi entraînées. Viré (1899) pense avec juste raison que les Animaux lucicoles, entraînés dans les cavernes, sont des proies faciles pour les Cavernicoles, car ils ne peuvent lutter dans ce milieu, qui leur est contraire, avec des Animaux qui y sont par- faitement adaptés. h.) Viennent ensuite les Animaux lucifuges qui recherchent les fentes comme cachettes ou lieux de reproduction, et ceux 398 EMILE G. RACOVITZA très nombreux (Moustiques, Tinéides, etc.) ({u'ou voit sur les parois, à l'entrée des grottes. Ils peuvent soit servir de proies vivantes aux carnivores, soit fournir d'abondants cadavres aux sapropliages. Cette source de nourriture est si constante et si abondante, qu'elle a occasionné l'envahissement des grottes par les Araignées lucicoles, qui s'y rencontrent souvent en gTand nombre. c.) Les excréments de Chauves-Souris constituent une source de nourriture, pas très fréquente (il y a, en somme, peu de cavités habitées par ces Mammifères), mais très recherchée par les Cavernicoles. Les grottes habitées par un grand nombre de Chéiroptères sont non seulement peuplées par de nombreux Cavernicoles, mais envahies par tout un monde de Troglophiles et même de Lucicoles ordinaires. Un grand dépôt de guano frais olîre le spectacle du plus extraordinaire développement de vie qu'on puisse voir. d.) De plus les Animaux sauvages entraînent dans les grottes leurs proies pour les dévorer, et les miettes de leur table sont soigneusement recueillies par les Cavernicoles. L'Homme lui- même contribue au ravitaillement des grottes (lui sont aména- gées pour les touristes. Call (1897) cite un endroit de la grotte de Mammoth, oii les touristes ont l'habitude de déjeuner, qui possède une faune plus abondante à cause des reliefs de ces festins. On devrait même essayer, dans une grotte bien choisie, de fournir aux Cavernicoles une nourriture abondante et régu- lière ; nul doute qu'ils n'augmentent en nombre, ce qui rendrait plus facile rinventaire de la population souterraine et la décou- verte des pontes et des larves. e.) Les champignons se développent souvent en abondance sur les matières organiques, entraînées dans les grottes, four- nissant ainsi une abondante nourriture à certains Caverni- coles. /.) Dans les microcavernes, l'aliment est fourni tantôt par les déjections de l'architecte et les réserves qu'il accumule, tantôt par le matériel même qui a servi à bâtir la demeure. LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIOUES :i99 Conclusion. — Il me semble difficile d'admettre que l'inani- tion est une condition normale d'existence pour les Cavernicoles. Le vaste domaine souterrain oiïre des ressources alimentaires dans toute son étendue ; ces ressources sont en certains endroits tellement abondantes qu'elles provoquent les incursions des Lucicoles ; en d'autres endroits elles sont plus rares, et, finale- ment, en quelques endroits elles yaraisseyit absentes. En tous cas, cet état de choses n'a pu avoir d'influence sur la taille des espèces cavernicoles ; tout au plus s'est-elle fait sentir sur le nombre des individus. La disparition accidentelle et seulement temporaire des victuailles dans une portion du domaine souterrain n'en- traîne pas forcément la mort de tous les habitants ; car, d'une part même les aquatiques sont capables, en général, d'émigrer en utilisant la terre ferme et, d'autre part, les Cavernicoles sont capables de supporter, comme les Lucicoles voisins, des jeûnes prolongés. Toutes les théories qui reposent sur l'influence de la pénurie de nourriture manquent donc de base. 8° La lutte pour l'existence. — Darwin (1859) émit l'idée que la lutte pour l'existence devait être à peu près nulle dans les cavernes ; Packard (1889) accepte cette opinion et considère l'absence de sélection naturelle comme caractéristique pour le domaine souterrain. D'autres auteurs les ont suivis dans cette voie. Il est pourtant difficile de concilier cette hypothèse avec la croyance dans la pénurie de nourriture ; où la nourriture est pauvre, la concurrence vitale doit être très violente. C'est avec raison que Chilton (1894) et d'autres ont montré que cette idée est fausse. La concurrence vitale existe entre individus de la même espèce, la lutte est âpre entre carnivores et saprophages. Il est certain qu'on ne voit pas trop qui pourrait s'attaquer avec chance de réussite aux Protées, Typhhmolge, Gamharus et Poissons cavernicoles adultes ; mais les larves et les pontes doivent avoir nombre d'ennemis. Les Gastéropodes sont la proie des Iftchyropsalis. Les gros Myriapodes et surtout les grosses Ai'aignées n'ont probablement, à l'état adulte, que 400 EMILE G. RACOVITZA peu ou point d'ennemis, mais les jeunes sont aussi exposés que dans le monde de la lumière. En un mot, il n'y a aucune raison de croire que la lutte pour l'existence et la concurrence vitale soient beaucoup moins actives là qu'ailleurs. Des conditions d'existence que présente le domaine souterrain, l'obscurité, la température constante et basse, et l'humidité, sont générales et importantes ; les autres ont une action plus limitée ou moins continue. Il nous faut examiner maintenant quelle influence elles ont exercée sur les êtres cavernicoles. III. Influence des conditions d'existence que présente le domaine souterrain sur les Cavernicoles. 10 INFLITENCE DE L'OBSCURITÉ L'étude de cette influence a donné lieu aux travaux les plus nombreux en Biospéologie, et tous les spécialistes anciens et modernes s'en sont occupés. Il n'en est pas résulté que nous ayons des idées claires et définitives sur le sujet ; au contraire ! C'est dans cette question que l'on observe, en effet, le plus inextricable enchevêtrement de faits plus ou moins bien obser- vés, d'hypothèses hardies et vaguement justifiées, et de généra- lisations hâtives. Il me semble que cela est dii surtout au fait que le problème a été mal posé et sa solution mal abordée. Examinons, en effet, les points les plus importants de la ques- tion. A.) Influence de l'obscurité sur la coloration des Cavernicoles. La coloration des êtres vivants est due à plusieurs causes : a.) Coloration due à la structure des téguments ou coloration optique. Les téguments peuvent être absolument incolores et produire par réflexion, interférence ou diffraction des rayons lumineux, l'effet des couleurs les plus vives. L'influence de l'obs- curité sera donc nulle sur ces colorations. LES PROBLEMES RIOSPEGLOGIQUES 40i h.) Coloration due à la nature chimique des téguments (1). Certains téguments pourraient être colorés pour une raison analogue à celle qui est cause que l'acide picrique par exemple est jaune ou que le sulfate de cuivre est bleu ; la couleur dans ces cas est une propriété physique qui dépend de la constitution du corps et ne peut être modifiée que par une réaction chimique qui transforme ce corps en un autre chimiquement différent. Les colorations qui sont dues à ces causes sont donc soustraites à l'action de la lumière. Il est possible que la coloration des Coléoptères cavernicoles, par exemple, puisse rentrer dans cette catégorie, qu'elle dépende par conséquent de la composition chimique de la chitine qui forme leurs téguments. Il est possible aussi que leur couleur brune soit due à une substance colorante qui imprègne la chitine. Je ne crois pas que la question ait été scientifiquement examinée. Chez les Coléoptères qui viennent d'éclore, la chitine est brune et translucide ; elle a le même aspect que la chitine des Coléop- tères cavernicoles. Ces derniers ne présentent aucun pigment figuré ni dans leur chitine ni dans leur épidémie, et la plupart des oculés ont perdu même le pigment rétinien. Si la couleur brune, fondamentale, de la chitine des Coléop-. tères est due à une matière surajoutée, cette matière est extraor- dinairement stable et la lumière ne l'influence en aucune façon. Par contre, leurs pigments figurés paraissent, en général, avoir besoin de lumière pour se former ou pour apparaître. Viré (1899) a donc tort d'affirmer, sans avoir résolu ces questions préliminaires indispensables, qu'il y a deux sortes de « pigments » ! Celui des Coléoptères, très tenace, car pas un seul de ces animaux n'est « dépigmenté », et celui des autres animaux, qui disparaît. Les Coléoptères cavernicoles comme Aphaenops et Bathyscia sont à compter parmi les plus « dépigmentés » des Cavernicoles. Les êtres dont la coloration est due aux deux causes énumé- (1) Les distinctions que j'admets ont un but pratique; je ne m'occupe pas ici des causes intimes des colorations. 402 EMILE G. RACOVITZA rées plus haut seront donc toujours colorés, quelle qu'ait été la longueur du séjour de leur espèce à l'obscurité. A moins de prétendre que le séjour à l'obscurité puisse niodifler la structure physique ou la composition chimique des téguments, ce qui a priori n'est pas impossible, nuiis qu'il faudrait encore démon- trer, il est inutile de faire intervenir panmixie, troglophilie ou autres xies et lies dans leur histoire. c.) Coloration due aux pigments variés logés dans l'épiderme. Les substances colorées, qu'on dénomme pigments, sont de nature très différente. Il y a des pigments formés de corps facile- ment réductibles, des albuminoïdes, des graisses, etc., et des pigments formés par des substances très fixes, généralement produits d'excrétion (guanates, urates, etc.). L'action de la lumière sur des substances si différentes au point de vue chi- mique doit donc être, a priori, très différente, et elle l'est en effet. Un pigment excrétoire que les amoebocytes viennent loger dans les téguments par diapédèse est certainement soustrait à l'action de la lumière. Les Polychètes tubicoles, si vivement colorés dans les parties de leur corps qui ne quittent jamais le tube opaque, ont leurs téguments remplis de ces pigments. Par contre l'étiolement des Plantes à l'obscurité démontre sous quelle dépendance étroite le pigment chlorophyllien est de la lumière. Il est inutile d'insister sur ces vérités évidentes et que pourtant tous les Biospéologistes paraissent avoir oubliées. Les trois causes de coloration énumérées plus haut peuvent produire la coloration soit isolément soit en se combinant dans les proportions les plus variées. C'est à la lumière des considérations précédentes que la ques- tion des effets de l'obscurité sur la coloration des Cavernicoles doit être abordée. Mettre des êtres vivants à l'obscurité et dire ensuite : un tel a, changé de couleur et tel autre est resté coloré, cela ne signifie absolument rien. Il faut déterminer d'abord quelle est la nature de la coloration du sujet en expérience, et étudier ensuite les effets sur chaque espèce de coloration en par- ticulier. Et il ne faut pas négliger de s'assurer si les conditions LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIOUES 403 nouvelles auxquelles sont soumis les êtres en expérience ne peuvent pas provoquer indirectement un changement dans le piûfment par une influence directe sur les processus vitaux qui lui donnent naissance. L'étude de la question de la coloration des Cavernicoles est donc à reprendre entièrement ; néanmoins, l'observation a montré, et de grossières expériences ont confirmé, que beaucoup de colorations disparaissent à l'obscurité. Un premier caractère général des Cavernicoles est donc la dépigmentation plus ou moins complète. Mais il reste à examiner dans chaque cas particulier si la souche de l'être cavernicole considéré était pigmentée ou non ; en d'autres termes, il faut rechercher si la dépigmentation est héréditaire ou acquise, car il existe, comme chacun sait, nombre d'êtres épigés dépourvus de couleur. Cette manière d'envisager le problème de l'influence de l'obs- curité sur la coloration des Cavernicoles me dispense d'examiner toutes les hypothèses, théories et rêveries que ce problème a suggérées aux Biospéologistes, car aucune n'est basée sur des recherches expérimentales, et toutes pèchent par la méconnais sance plus ou moins complète des considérations exposées plus haut. B.) Influence de l'obscurité sur les appareils visuels des Cavernicoles. Beaucoup de Cavernicoles sont dépourvus de tout appareil visuel ; mais il y en a d'autres qui en ont un plus ou moins réduit ; d'autres, enfin, présentent des yeux aussi bien constitués que ceux des Lucicoles Jes plus typiques. Il est résulté de ces faits contradictoires en apparence un nombre considérable de théories et hypothèses. Hamman (1896) nie même que l'obscurité puisse produire la cécité, ce qui pourtant est absolument certain. L'explication des faits ne me semble pourtant pas bien difficile, lorsqu'on tient compte d'un certain nombre de considérations qui, à mon avis, placent la question sur sou véritable terrain. ARCH. DE ZOOL. EXP . ET GÉ.X. — 4' SERIE. T. VI. — (vil) 29 404 EMILE G. RACOVTTZA a.) Un certain nombre de Cavernicoles descendent de souches lucicoles aveugles ; ils n'ont donc, au point de vue visuel, rien eu à perdre par le changement d'habitat (1). h.) La majorité des Cavernicoles se sont recrutés parmi les Lucifuges, qui présentent naturellement soit un dévelop])ement faible, soit une réduction plus ou moins prononcée de l'appareil optique. Que cette réduction se soit accentuée et achevée ]y<iv le séjour à l'obscurité complète, ou que l'évolution de l'a,ppareil optique se soit arrêtée, cela va de soi. c.) L'immigration des différentes espèces dans le domaine souterrain s'est faite à des époques très différentes ; l'influence de l'obscurité sur l'appareil optique a donc été plus on moins prolongée, et la durée de cette influence a une importance considérable sur le résultat final. Mais le facteur (( durée de l'influence » n'est pas le seul qu'il faut considérer. Ce serait une erreur de conclure que plus un Cavernicole, à souche oculée. est aveugle, et plus longue a été la durée de son séjour dans le domaine souterrain. Un Crustacé complètement aveugle peut être un Cavernicole beaucoup plus récent qu'un Batracien à œil à peine rudimentaire. Ces faits en apparence contradictoires s'expliquent facilement par les considérations suivantes : La perception de la lumière est une propriété primitive de la matière vivante. Cette propriété générale, d'abord impartie à toute la surface du corps, se localise, au fur et à mesure du perfectionnement de l'organisme, en des points de plus en plus spécialisés, les yeux, et au fur et à mesure que ces yeux se per- fectionnent le reste de la surface du corps devient de plus en plus insensible aux excitations Imineuses. De plus, l'apparition des tégnments opaques augmente encore cette insensibilité. 11 résulte de là que l'importance de l'œil dans la biologie des diffé- rentes espèces est très différente. Capitale chez un Mammifère ou chez un être à téguments opaques, elle est insignifiante chez (1) Je n'<>xamine pas ici la iiuestion générale : Pour<iuoi y a-t-il des animaux qui ont. perdu Ifurs yeux ? mais unifiucment la (|uestion spéciale : Pmuviuoi y a-t-il des Cavernicoles oculés et des Cavernicoles aveugles ? LES PKUP.LÈMKS lilOSPKOlJKiinUES 405 un Crustacé inférieur, par exemple. Remarquons aussi qu'un être à sensations optiques hautement spécialisées (un Mammifère par exemple) descend d'une longue lignée chez qui l'importance de l'appareil optique est devenue de plus en plus grande, d'où pour cet appareil une « inertie héréditaire » de plus en plus grande opposée aux modifications. Un être à sensations optiques encore peu spécialisées (un Crustacé inférieur par exemple) pos- sède une « inertie héréditaire » nulle ou faible pour son appareil optique. L'appareil optique du premier persistera longtemps malgré les causes adverses, et se conservera sous forme d'organe rudimentaire, l'appareil optique du second pourra disparaître rapidement sans laisser de traces. d.) Les espèces diffèrent aussi par le degré de développement des autres organes des sens qui peuvent suppléer plus ou moins aux fonctions de l'œil. Il en résulte une autre cause de diversité dans l'importance de l'appareil optique chez les différentes formes. e.) D'autre part, si les appareils optiques dans la série animale sont analogues au point de vue de la fonction qu'ils remplissent, ils ne sont point homologues au point de vue de leur origine, et ils sont très différents au point de vue de leur structure et de leur situation. Ils sont aussi très diversement protégés contre les agents extérieurs. On jjeut donc dire que les appareils optiques ne sont, ni homo- logues dans les différents groupes, ni phylogénétiquement du même âge chez les différentes espèces, ni également importants dans l'économie des différentes formes. La même influence s 'exerçant pendant la même durée sur des appareils si différents produira forcément des effets d'intensité différents. A ces considérations générales il faut ajouter un certain nombre de facteurs spéciaux qui interviennent dans les modifications que peut subir l'appareil optique, par exemple la panmixie chez les Cavernicoles récents, non encore isolés de leur souche, les diffé- rences sexuelles {Machaerites à ^ oculé et 9 aveugle), etc., etc. De tout cela il résulte que les divergences que présentent les 406 EMILE G. RACUVITZA Cavernicoles au point de viie visuel s'expliquent très naturel- lement ; il résulte aussi qu'il est impossible d'établir une théorie générale «'appliquant à l'ensemble de la faune cavernicole. Les appareils optiques de cluuiue grou])e homogène de Cavernicoles ont leur histoire particulière ; mais ces histoires partielles n'ont été que trop rarement tentées jusqu'à présent. J'ai dit, en commençant, que l'influence de l'obscurité sur l'appareil optique était certaine. Packard (1889) sontient même que l'absence de la lumière produit toujours la cécité complète. Hammam (1896) le nie et attribue la cécité à des causes incon- nues. Semper (1880) déclare que l'absence de lumière ne pro- duit pas nécessairement la cécité, etc. Pour résoudre la question il faut nécessairement faire intervenir l'expérience, sans toute- fois oublier que les études faites sur les Animaux très inférieurs, à appareil optique peu spécialisé, ne peuvent résoudre le pro- blème. Chez ces Animaux, en effet, les appareils optiques sont si peu stables, si peu importants dans l'économie vitale de l'être, que la moindre influence peut les faire disparaître. Il faut donc s'adresser aux groupes à appareils bien conformés et assez évolués. L'observation montre que la perte ou la réduction de cet appareil se produit toujours chez les espèces normalement ou originairement obscuricoles quand elles ont été suffisamment longtemps soustraites à la lumière, et l'expérience confirme les résultats de l'observation. Pries (1873) le constate chez Gam- marns fossarum Koch. Viré (1904) a montré que chez Ginnmarus fluviatilis une dissociation des rétinules avait lieu après un an de séjour à l'obscurité (1). La réduction plus ou moins complète de l'appareil optique est donc un second caractère très général des Cavernicoles. (1) Une Anguille paraît faire exception, car au bout de cinq ans les yeux s'étaient hypertrophiés jusqu'à doubler de volume ■' mais le système nerveux opti(iue s'est plutôt réduit, marquant ainsi <iue l'hypertrophie de l'organe externe devra sans doute plus tard faire place à une atrophie », déclare Viré. Ne s'agirait-il pas i)lutôt dans ce cas d'une hypertrophie de l'œil analogue à celle constatée chez les Anguilles arrivées à maturité sexuelle pendant leur séjour dans les régions abyssales marines ? LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIOUES 407 (■.) Influence de l'ohsciirilr .sur le développement des organee des sens non visuels Les Cavernicoles ])résenteiit souvent un dévelop])enient consi- dérable de certains organes de sens auties que les visuels. Jics auteurs interprètent généralement ce fait comme le résultat d'une modification compensatrice pour la perte des yeux. Pac- kard (1889, p, 123) déclare : « As lias been observed by some who hâve written upon cave Animais, the atrophy of tlie eyes and conséquent loss of vision hâve been made up, in part at least, by a corresponding hypertrophy of the organs of touch and smell. » Cette manière de s'exprimer ne me paraît pas juste, car ce n'est pas la cécité, la perte des yeux, qui provoque seule la compensation, mais bien la vie à l'obscurité complète. Comme l'œ.il ne ])eut être d'aucune utilité sans la présence de la lumière, le Cavernicole oculé doit être aussi compensé que l'aveugle. C'est ce qui s'observe en effet. Si l'on tient au mot « compensa- tion », il faut donc dire « compensation pour l'impossibilité de voir » et non « compensation pour la ])erte des organes visuels ». Cette question de la compensation a donné naissance à nombre d'hypothèses et affirmations contradictoires, comme celle de la disparition des organes visuels, et cela aussi faute d'une analyse critique et rationnelle des faits. On a, en effet, découvert un état de choses très difficile à expliquer par des théories générales, dont cependant les auteurs n'ont pas cru devoir s'abstenir. 1.) On a trouvé des Cavernicoles qui ne sont pas compensés. 2.) Il y a des Cavernicoles très 'faiblement compensés. 3.) On en a trouvé d'autres qui présentent un développement considérable de certains organes des sens, qui par conséquent sont très fortement compensés. Ces catégories reposent sur des observations parfaitement exactes. Il n'en est pas de même, à mon avis, de la quatrième catégorie. 408 EMILE G. RACOVITZA 4.) Un certain nombre de Cavernicoles seraient pourvus d'organes spéciaux, néoformations qu'on ne retrouverait point chez leurs souches lucicoles. C'est Hamman (1896) qui est sur- tout le champion de cette manière de voir. Or, les exemples que cite l'auteur ne sont pas probants, car les organes qu'il donne comme nouveaux existent aussi chez les Lucicoles, seule- ment beaucoup moins développés. Je ne crois pas qu'on puisse citer, actuellement, un seul exemple de la néoformation d'un organe sensoriel due au séjour dans les cavernes. Quoi qu'il en soit, il reste à expliquer la présence simultanée dans le domaine souterrain d'Animaux non compensés ou à compensations variées. Plusieurs considérations permettent d'arriver à une compré- hension satisfaisante de cette contradiction. Les organes des sens servent à donner à l'animal les notions du monde extérieur qui lui sont nécessaires pour sa défense, sa nourriture et sa reproduction. Pour beaucoup d'animaux inférieurs ces notions à acquérir sont peu nombreuses et simples. Le changement survenu dans l'habitat ne produit pas de chan- gement appréciable dans leur biologie. Il ne peut donc pas y avoir de compensation pour ces animaux. Il en est de même pour ceux qui descendent de souches luci- coles aveugles, car la compensation existait avant la pénétra- tion dans le domaine souterrain. Les Lucifuges, souches de presque tous les ('avernicok's. sont également plus ou moins compensés, et leurs descendants sou- terrains ont donc hérité des dispositions déjà acquises et n'ont eu qu'à les perfectionner. Restent enfin les Cavernicoles, rejetons de Lucicoles oculés. Si l'œil joue un rôle peu important dans l'économie vitale du groupe, la compensation sera faible ; elle sera forte, si l'impor- tance de l'organe visuel est considérable. Cette compensation sera faible également, et même nulle, dans le cas où le changement d'habitat a été très favorable à l'immigré, soit en ce qui concerne l'acquisition de la nourriture. LES PROBLEMES BlOSPEOLO(;iOl ES 409 soit pour hi défense contre les ennemis. Les Aranéides offrent des exemples nombreux à ce sujet. Aucune théorie générale ne peut donc embrasser tant de ])ossibilités variées ; mais les histoires particulières de cluujue souche donneraient d'intéressants résiiltats si on voulait bien les entreprendre. Examinons maintenant de quelle manière se manifeste la compensation. Organes de tact. — Tout le monde est d'accord à leur sujet. L'allongement souvent considérable des antennes, l'hy- pertrophie des organes tactiles de la peau, etc., est telUMuent nette qu'aucun doute ne peut exister sur ce point. Ce sont incon- testablement les organes tactiles qui ont été intéressés le plus profondément et les i)remiers par la compensation. Mais tous les exemples qu'on trouve dans les auteuis nv sont ])a,s bien choisis ; on a décrit souvent chez les Cavernicoles des organes tactiles dont ou attribuait le développement plus ou moins considérable à la compensation quand, en réalité, ce n'était qu'un caractère héréditaire, et cela parce qu'on avait négligé d'étudier comparativenu'nt les souches lucicoles de ces Animaux. Ainsi a fait Viré (1899) pour les poils de certains Coléoptères. Organes de l'ouïe et de l'olfaction. — Il règne encore beaucoup d'incertitude au sujet de ces deux sens. Packakd (1889) admet que l'odorat est plus développé chez les Caver- nicoles et cite phisieurs exemples qui lui paraissent probants. Par contre, il constate que les Camharus aveugles ont des oto- cystes dégénérés et que A7nblyo2)sis n'est pas sensible au son. Hamman (1896) croit aussi que l'o^dorat se développe plus que le sens de l'ouïe. Viré (1899) admet l'hypertrophie de l'ouïe et décrit, chez les Aselles lucicoles soumis à l'obscurité, des allon- gements progressifs de certains poils spéciaux, auxquels il attribue cette fonction. Le même auteur (1904) constate la même chose chez des Gammarus fluviatilis élevés à l'abri de la lumière. 410 ÉMTLE G. RACOVITZA Il est donc impossible, eiicor(> une fois, d'établir une règle générale et l'on doit se borner à étudier et expliquer les cas particuliers. Organes nouveaux a fonctions indéterminées. — Doll- Fus et Viré (1905) décrivent un certain nombre de poils sen- sitifs qui seraient très développés chez les Oirolanides et Sphae- romiens cavernicoles, et auxquels ils supposent des fonctions particulières, sans d'ailleurs apporter plus de lumière sur cette délicate question. Il n'est pas démontré, d'ailleurs, que ces formations n'existent pas chez les formes voisines luci- coles. Hamman (1896) est tout à fait catégorique sur cette question. Il décrit chez des Crustacés, Aptérygogéniens, Coléoptères, Poissons, des organes qu'il considère comme nouveaux, comme spéciaux aux Cavernicoles, et qui seraient dus à une compensa- tion pour la perte de la vue. J'ai déjà exprimé mes doutes sur la véracité de cette manière de voir; j'ajoute que Absolon (1902) déclare formellement ((uc les Aptérygogéniens cavernicoles n'ont pas d'organes de sens spéciaux, et j'affirme, en connaissance de cause, la même chose pour les Oniscidés des cavernes {Tita- nethes, etc.) Forme du corps et des membres. — Signalons enfin que la forme aplatie ou allongée du corps et l'allongement des pattes de certains Cavernicoles sont considérés comme dus aussi à la compensation pour l'impossibilité de voir. Je ne vois pas en quoi ces modifications peuvent accroître le sens du toucher, comme le pense Packard (1889) ; les Animaux pourvus d'an- tennes n'explorent pas l'espace environnant avec le corps ou les pattes, et pourtant ce sont justement ces Animaux que Packard cite à l'appui de sa manière de voir. Nous verrons plus loin (voir p. 419) qu'on peut trouver de meilleures explications pour la modification de la forme du corps ; quant à l'allongement des pattes, il se peut que dans une certaine mesure il soit dû à l'effet de la compensation, mais seulement chez les Animaux dépourvus d'appendices tactiles spéciaux comme les antennes. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOTJES 4H lf>s cerqups, les palpes, et qui utilisent les pattes à leur place. (Certains Araclmides, etc.) D'autre part la compensation par allongement des pattes peut être admise sans faire intervenir le sens tactile. Cet allon- gement a certainement pour effet une rapidité plus grande des mouvements, très utile à ranimai privé de vue, soit pour cap- turer une proie, soit pour fuir un ennemi, proie ou ennemi dont la présence ne lui est signalée que par contact direct, ou du moins à partir d'une distance beaucoup plus faible que lorsqu'il s'agit d'un animal pouvant voir. C'est pour des raisons sembla- bles que les organes préliensifs se sont allongés dans nombre de cas. {Blothriis, Opilionides, etc.) Tel n'est cependant pas l'avis de Viré (1899, p, 84) (pii croit que les pattes des Gampodea cavernicoles se sont allongées (et aussi amincies, E. G. E.) « pour pouvoir supporter le poids crois- sant des antennes et des cerci, et fournir en même temps une plus large base de sustentation à l'animal, confirmant une fois de plus la théorie du balancement des organes de Et. Geoffroy- Saint-Hilaire. » Je ne veux pas examiner jusqu'à quel point l'interprétation qu'on vient de lire « confirme... la théorie du balancemenr des organes « car c'est affaire à régler entre Viré et Geoffroy-Saint- Hilaire ; nuiis je suis effrayé des conséquences qu'elle pourrait avoir si elle exprimait des causalités mécaniques réelles : l'Hip- popotame monté sur pieds de grue ! Voilà une vision de cauche- mar bien faite pour troubler l'âme du zoologiste ! Ethologie. — J'attire seulement l'attention sur un point qui n'a pas été signalé. Un changement dans les mœurs de l'Animal peut être suffisant pour compenser la perte de la vue et même des autres sens. Le monde des parasites olîre des exemples frappants à cet égard. Un Animal lucicole, pourvu des organes visuels les plus développés, mais qui doit dépenser une activité considérable pour gagner sa nourriture, peut, en exploitant un gisement alimentaire nouveau, être placé dans les conditions favorables du parasite. Le guano des Chauves-souris, 412 EMILE G. UACOVITZA accumulé souvent eu grande quantité dans les grottes, n'a-t-il point occasionné de semblables tranformations ethologiques ? Est-il nécessaire qu'un Saprophage lucieole soit compensé pour qu'il puisse vivre en paix dans ces grandes réserves de nourriture, et sa biologie u'est-elle pas analogue à celle des Parasites ? D.) Influence de l'obscurité sur les phototactismes des Cavernicoles. Un appareil optique spécialisé et compliqué est nécessaire pour percevoir les formes éclairées des objets ; il n'en est pas tle même pour la perception des différences d'éclairement. La sen- sation lumineuse paraît être une propriété fondamentale de la matière vivante ; moins une cellule est spécialisée et plus cette perception lui est facile. Beaucoup d'x\.nimaux conservent cette propriété, même quand ils ont des appareils optiques assez évolués, et perçoivent les différences d'éclairenu'nt |)ar toute la surface de leur corps. Le fait a été constaté souvent sur des An maux lucicoles, soit aveugles, soit artificiellement aveuglés, comme les AmpliiiDodes, Myriapodes, Blattes et même les Tritons. Les êtres lucifuges réagissent à la lumière, après l'extirpation des yeux, avec autant de précision que les témoins oculés. Les Animaux supérieurs seuls, et ceux recouverts d'une cara- pace opaque, ont perdu ce pouvoir sensoriel généralisé. Les Cavernicoles, qu'ils aient été primitivement aveugles ou bien qu'ils aient secondairenuMit perdu leurs yeux, ont donc eu en héritage de leur souche superficielle cette faculté de percevoir les différences d'éclairement, et ils l'ont naturellement conservée, car elle leur est fort utile. Si, en effet, les ravernicoles aveugles ne percevaient pas la lumière, ils resteraient plus difficilement confinés dans le domaine souterrain, qui, comme on sait, a des communications faciles avec les régions superficielles ; souvent, en effet, leurs autres sens ne leur suffiraient pas pour cela. Il est donc probable que la vie à l'obscurité n'a pas pu avoir d'influence sur ce point de physiologie des Cavernicoles. L'observation et l'expérience ont d'ailleurs montré que les Cavernicoles sont LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES 413 fortement lucifuges. Cette pliotopliobie paraît même très géné- rale, malgTé quelques observations qui paraissent fournir des exceptions. Joseph (1882) et Gall (1897) prétendent que les Cavernicoles aveugles sont tous insensibles à la lumière ; s'ils fuient quand on les éclaire avec des sources artificielles de lumière, c'est parce qu'ils sont atteints par les rayons caloriques. Mais Piochard DE LA Brtjlerie (1872) a par avance donné de bons arguments contre cette manière de voir, que des ol)servations ultérieures contredisent formellement. On lit dans Packard (1889, p. 127) que Amhlyopsis serait insensible à la lumière, chose possible a priori, ce Poisson pou- vant être rangé dans la catégorie des Animaux à appareil optique hautement organisé ayant perdu la sensibilité lumineuse géné- ralisée. Mais les observations plus récentes d'EiGENMAixN (1898) montrent que tous les Amblyopsides, qu'ils soient aveugles ou oculés, sont lucifuges. On a cité aussi des Coléoptères cavernicoles aveugles qui se- raient insensibles à la lumière. Les Coléoptères sont, en général, pourvus d'une chitine tellement pigmentée qu'elle doit être o])a.(iue, mais les Cavernicoles ont une chitine très transparente et complètement dépourvue de pigment figuré ; il n'est donc pas étonnant que l'insensibilité aux rayons lumineux ait été fortement contestée. Il faudrait donc reprendre cette question. Il n'a été question jusqu'ici que de l'insensibilité de certains ( 'avernicoles aveugles vis-à-vis de la lumière ; Viré (1899) est le seul qui ait constaté chez ces Animaux un phototactisme positif. Il dit, en effet, que les NipJiargus, quoique aveugles, sont attirés par une lumière faible et mis en fuite par une forte lumière. Les NiphargKs devraient donc être des Animaux de pénombre, ils devraient habiter les entrées des grottes, si l'observation de Viré était exacte. Or, elle me paraît contestable, car ces Crustacés se trouvent dans les endroits les plus obscurs du domaine souterrain. Il n'y a pas lieu d'examiner ici le mécanisme intime et la 444 EMILE G. RACOVTTZA Tiiisoii (lu phototactismc, négatif d(\s (3aivernicok',s. Oes qucstioiis intéressent hi Biologie générale et se posent pour tous les Ani- maux. Signalons pourtant aux biologistes, que ces questions ])réoccupent, la tliéorie nouvelle de Viré (1899) qu'on pourrait désigner sous le nom de (( théorie de la pigmentation instantanée : La lumière développe le pigment. « Cette repignientation ne doit pas être sans produire un retentissement dans tout l'orga- nisme. Il doit y avoir une excitation nerveuse intense, qui pro- duit, dans ce système nerveux hypertrophié dans toute sa partie sensorielle, des sensations vives et désagréables ». Tout en admi- rant l'élégance avec laquelle cette théorie résout les difficiles problèmes des phototactismes, il n'est pas possible de se dissi- muler qu'elle sera difficilement acceptée par les biologistes compétents. E.) Influence de Volfucitrité sur les manira des Cavernicoles. Beaucoup d'Animaux superficiels, même .si ce ne sont pas des Lucifuges caractérisés, se tiennent cachés sous des abris ou dans des trous, non seulement pour fuir la lumière, mais pour se défendre contre les intempéries ou contre leurs ennemis, et pour se soustraire à une dessication contre laquelle ils sont en général faiblement armés. Cette habitude, sauf de rares exceptions, est absolument cons- tante chez les groupes dont les rejetons ont peuplé les cavernes. Le domaine souterrain est obscur et humide, on ne constate pas d'intempéries comparables à celles de la surface, et les car- nivores sont privés du sens de la vue. Quelques biospéologistes en conclurent que l'habitude de se cacher sous un abri doit avoir disparu chez les Cavernicoles comme inutile, car il n'y a pas de raison de croire qu'un organe peut s'atrophier par non usage et qu'un instinct puisse persister dans les mêmes conditions. Banta (1905) constate que cette habitude persiste, mais il ne démontre pas qu'elle est inutile, et c'est là que git le nœud de cette intéressante question qui mériterait des études précises. Une autre question présente non moins d'intérêt. Les Luci- LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 44S f liges qui n'ont pas transformé leur maison en piège pour attraper leur proie ou qui n'ont pas élu domieile au sein de la matière alimentaire, c'est-à-dire la grande nmjorité, ne sont pas séden- taires. Ils sortent la nuit pour se procurer la nourriture ou ])Our satisfaire leurs besoins génitaux. Ils ont donc une période d'acti- vité alternant régulièrement avec une période de repos. (■ette périodicité a-t-elle persisté dans les mœurs de leurs descendants cavernicoles alors qu'elle est devenue complètement inutile, la nuit continuelle étant l'état nornuil du domaine souterrain ? 2» Influence de la températuee constante et basse Cette influence pourrait se manifester de plusieurs façons : a.) Perte ou réduction de l'aptitude à résister aux variations. Les Superficiels poïkilothermes peuvent supporter indéfini- ment de très fortes variations de leur température propre. En est-il de même pour les Cavernicoles qui habitent un milieu à température constante "? Ne doit-on pas logiquement s'attendre à voir diminuer chez ces derniers l'aptitude devenue inutile de résister aux variations*? C'est ce que s'est dit probablement Viré (1899) quand il déclare que les Niphargus Virei meurent entre 16» et 21» et 1^. puteanus entre 13° et 23°, et que la température basse de 5^,7 suffit pour les tuer. Or, il est manifeste que nos Gammarus superficiels ne seraient pas incommodés par de sem- blables températures. Mais Gal (1903) conteste l'exactitude des chiffres de Viré, car les Niphargus ont parfaitement vécu dans une eau dépassant souvent 25°, et Cœcosphœroma ne périt pas après la congélation de l'eau de sa prison. Des expériences précises, et surtout comparatives, sont donc nécessaires pour tirer cette affaire au clair ; mais il ne faut point oublier que la résistance des Poïkilothermes aux variations de température est surtout passive, physique plutôt que physio- logique. On conçoit donc que cette résistance puisse ne pas être influencée par l'action du milieu extérieur. S'il est, par conséquent, possible que la résistance des Caver- 416 EMILE G. RACOVITZA nicoles aux variations de température soit égale à celle des Superficiels, il n'en résulte pas nécessairement que pareils chan- gements doivent être ressentis de la même façon par les deux catégories d'êtres. Il se peut que les Cavernicoles ressentent ces variations plus fortement et que, par conséquent, elles puissent constituer une barrière des plus solides à leur dispersion. L'action du milieu peut liyperesthésier ou affaiblir une sensation. Mais la question, faute d'expérience, reste entière. h.) Suppression des périodes fixes de reproduction. Les Arbres, dans les régions à différences saisonnières consi- dérables, passent par des périodes de repos fonctionnel qui se manifestent pas la chute des feuilles. On sait que ces Arbres à feuilles caduques, perdent leurs feuilles à époque fixe, même lors- qu'ils sont transplantés dans des pays sans saisons. Il existe donc cliez ces Végétaux une sorte de mémoire héréditaire d'un événement qui ne peut plus les influencer. Existe-t-il semblable mémoire héréditaire chez les Animaux pour les périodes sexuelles qui dérivent aussi d'une adaptation aux variations saisonnières "? En d'autres termes, les Cavernicoles, ([ui habitent un milieu à température constante, ont-ils des périodes de maturité sexuelle comme leurs souches lucicoles soumises aux variations saison- nières ? Bedel et Simon (1875) affirment que les générations de Caver- nicoles se succèdent sans intervalle. Hamman (1896) a trouvé de jeunes Titanethes en mai et en septembre, iiiais il constate que Proteus pond seulement au mois de mai. Ces observations sont insuffisantes pour conclure. Il est cer- tain que l'hétérogène agglomération de formes qui constitue la faune cavernicole doit présenter de grandes différences aussi à ce point de vue. Néanmoins, il est possible que l'étude de cette question puisse fournir des données intéressantes sur l'épociue de l'immigration d'une forme dans le domaine souterrain c.) Suppression de l'hivernation ou de l'estivation. Ce que je viens de dire de la périodicité sexuelle s'applique aussi à l'hivernation et à l'estivation. Joseph (1882) dit que les habi- LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIOUES M 7 tants de l'entrée des grottes hivernent, mais que ceux qui vivent dans les parties profondes, à température constante, n'hiver- nent pas. C'est ce que l'on observe, en effet, généralement ; mais il peut y avoir des exceptions ; d'ailleurs, toute la question est à reprendre avec des observations plus rigoureuses. d.) Diminution de l'activité fonctionnelle. Les partisans de la famine souterraine invoquent la tempé- rature constante et basse pour expliquer la résistance des Caver- nicoles à l'inanition. Chilton (1894) dit, en effet, que l'activité fonctionnelle de l'organisme étant moindre dans une tempéra- ture constante et basse, la consommation de la machine animale doit être plus faible. Vbrhoeff (1898) admet même l'exis- tence, en cas d'inanition prolongée, d'une sorte de vie latente rendue ])ossible par le séjour dans un milieu froid et invariable. Ce sommeil de jeûneur que subiraient les Cavernicoles est une supposition toute gratuite, puisqu'aucune observation directe ne l'a constaté et que, d'autre part, il est faux que l'inanition soit la condition normale de la vie du Cavernicole ; nous avons vu,' en effet, que la nourriture ne manqiu' pas dans le domaine souterrain. L'idée que se fait Chilton de l'influence exercée par la tem- pérature constante et basse ne me paraît pas plus exacte. Je pense, au contraire, que l'activité fonctionnelle du Cavernicole doit être plus grande, somme toute, que celle de sa souche luci- cole. Car, d'une part, on peut admettre que l'hivernation est en général su])primée chez les Cavernicoles et , d'autre part . le fonctionnement de l'organisme par une basse température est moins économique que par une température élevée. L'obser- vation directe a montré que les Cavernicoles sont très agiles et la rapidit('' de leurs mouvements très considéra l)lc. 3 Influence de l'humidité J'ai déjà indiqué que l'air des cavernes paraissant très sèches est néanmoins beaucoup plus humide que dans bien des régions superficielles. C'est un avantage que présente le domaine 418 KM ILE (j. HACOVITZA souterrain sur le domaine épigé. Packard (1889. p. 125) constate timidement que « ...total darkness with humidity are perhaps not so adverse to invertebrate life as would at first siglit seem... » car, par anthropomorphisme, il attribue à la vue une trop grande importance dans la vie des Animaux inférieurs. Or l'humidité est un facteur bien plus important que la lumière dans la biologie de ces êtres et Peyerimhoff (1906) a eu ]y,{v- faitement raison d'insister sur ce point. On sait en effet que si nous exceptons les Mammifères, les Oiseaux et une partie des Eeptiles, presque tous les autres Ani- maux sont mal organisés pour résister à l'évaporation des liquides organiques ; presque tous sont rapidement tués par déshydration. Cependant la résistance à l'évaporation varie dans des limites assez considérables et elle est réalisée par les artifices les plus variés. L'humidité constante et forte qui règne dans le domaine sou- terrain a-t-elle eu une influence sur les descendants des formes lucicoles pourvues de ces adaptations "? On pourrait a priori le supposer et faire intervenir le non usage pour en admettre la modification ou la suppression. Mais seule l'expérience doit décider s'il en est ainsi, et elle n'a pps été tentée. J'ai observé cependant que des Trichoniscus cavernicoles mouraient très vite lorsqu'ils étaient exposés à l'air sec, et que d'ailleurs les grottes complètement sèches (comme ou en rencontre en Algérie) sont inhabitées. Je ne sais pas si le fait est général, mais il se pourrait que les Cavernicoles fussent moins défendus contre l'assèchement que leurs congénères Lucicoles. Si cela est exact, il faudrait voir là une des plus fortes barrières de dis- persion des Cavernicoles et une des raisons principales de leur confinement dans le domaine souterrain. Outre cette influence générale, l'humidité constante peut avoir exercé d'autres influences sur les habitants du domaine souter- rain. Elle a pu, par exemple, rendre inutile l'épiphragme des LES PROBLÈMES lîIOSPÉOLOGIOUES 419 Gastropodes, renfouissement de certains Animaux qui dans le domaine superficiel recherchent l'humidité par ce moyen, etc. On manque d'études sur ce point. Les Animaux aquatiques ont tiré aussi avantage de l'humi- dité qui règne dans les grottes oii il se forme, comme à la sur- face, des flaques d'eau temporaires pendant les crues. Mais tandis que dans le domaine épigé le dessèchement est une catas- trophe qui fait disparaître la plupart des adultes, force le reste à acquérir le pouvoir de reviviscence et provoque l'apparition de germes spéciaux protégés contre l'assèchement, il n'en est pas de même dans le domaine souterrain. Son atmosphère saturée d'humidité permet aux Animaux aquatiques de vivre « à sec ». Ainsi, dans la grotte de l'Oueil de IsTeez, j'ai trouvé un gros Niphargus, en parfaite santé, dans un endroit où il n'y avait pas la moindre trace d'eau liquide, et cela à la fin de l'au- tomne après une grande période de sécheresse. Mais il y a mieux ; Carl (1904) a décrit un Oopépode : Canthocamptus subterraneus, qui vit sur les crottes de Chauves-souris d'une grotte de Crimée, et non dans l'eau. Ces faits expliquent aussi les rencontres d'Amphipodes et d'Aselles dans de minuscules flaques d'eau, creusées dans un encroiitement stalagmitique, où tout aliment paraît manquer. Ces Animaux peuvent, j'en suis convaincu, sortir de l'eau sans danger pour chercher au loin leur nourriture, ce qu'ils ne pour- raient faire dans le monde épigé qu'exceptionnellement. Un autre point est à noter ; comme on a signalé des Clado- cères et des Copépodes cavernicoles, il serait intéressant de voir s'ils continuent à pondre des œufs spéciaux, qui résistent à l'as- sèchement, tout en examinant d'aBord si cette habitude leur est inutile ou utile. 40 Influence des dimensions des espaces habitables Beaucoup d'auteurs ont constaté (|ue les Cavernicoles sont plus allongés ou plus aplatis que leurs congénères Lucicoles, et ils trouvent l'explication du fait dans une compensation pour la AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4» SERIE. T. VI. (VIll. 3o 420 ÉMTLR H. UACOVITZA perte de vue. J'ai déjà indiqué (v. page llO) ce qu'il fallait penser de cette manière de voir. Faisons remarquer, en outre, que le fait n'est pas général; il existe des Coléoptères dont l'abdomen est tout à fait globuleux ; d'autre part, les Arachnides et les Opilionides présentent rarement, à ce point de vue, une diffé- rence avec les formes qui habitent à l'extérieur. A quoi tient cette différence? et pourquoi l'aplatissement et l'allongement n'est-il point un caractère général des Cavernicoles 1 Je pense en trouver la raison d'une part dans la voie qu'ont prise les souches de ces Animaux pour immigrer dans les cavernes, et, d'autre part, dans l'influence de leur habitat normal. Je crois donc que ces caractères peuvent être aussi bien acquis qu'hé- réditaires. Les Cavernicoles qui ont envahi le domaine souterrain par les fentes, et qui les habitent encore, sont ceux qui présentent surtout cet aplatissement et cet allongement. Chilton (1894) attribue, avec juste raison, l'allongement des Crustacés qui habitent les nappes phréatiques de la Nouvelle-Zélande à la nécessité de circuler dans des fentes étroites. On peut expliquer de la même manière l'allongement des Cavernicoles terrestres. J'ajouterai que cet allongement et cet aplatissement ont pu se produire seulement à la suite de l'immigration secondaire des vastes espaces souterrains dans les espaces étroits ; il est pos- sible aussi que pour certaines espèces ces qualités soient héré- ditaires, la fente ayant servi souvent de voie d'accès dans le domaine souterrain et ayant ainsi produit une sorte de tamisage des candidats cavernicoles. D'ailleurs, beaucoup de Cavernicoles se sont recrutés parmi les habitants des fentes superficielles qui présentent tous des formes plates et allongées. Les Silphides, Aranéides. Mollusques. Opilionides, etc., qui ont des formes arrondies et présentent même souvent un gon- flement exceptionnel du corps, n'habitent par les fentes ; ce sont les colons des vastes espaces souterrains. La voie d'accès prise par leur souche a dû être l'entrée des grottes. Ce qui paraît LES PROBLEMES BlOSPEOLOGIOl'KS 421 le démontrer c'est qu'on trouve encore leurs proches parents à ces entrées, stations favorites des Silpliides, des Aranéides, etc. Notons seulement ici, sans insister, les rapports encore mys- térieux, mais certains, qu'il y a entre *la taille des Animaux aquatiques et le volume de l'eau dans laquelle ils habitent. Semper (1880, T. I, pp. 195 et s.), et d'autres après lui, ont expé- rimentalement établi l'existence de ces rapports. On pourra faire probablement l'application de cette découverte aux Caver- nicoles aquatiques habitant les bassins lacustres souterrains. 5° Influence de l'état dynamique de l'air et de l'eau On a maintes fois étudié les effets de l'air en mouvement sur les êtres lucicoles. On sait que les courants aériens favorisent singulièrement la dispersion des Plantes et des Animaux ; on attribue aux effets du vent la fréquence des Insectes aptères dans la faune des îles océaniennes, etc. Mais on n'a pas encore examiné, me semble-t-il, l'influence que les courants aériens peuvent exercer, soit sur le développement des organes fragiles et délicats, soit sur l'évolution des organes capables d'enre- gistrer les vibrations du milieu, comme certains organes des sens à fonctions statiques ou comme les appendices et poils sensitifs. Cette influence est certaine, mais il faut noter que les diffé- rents Animaux ne la subissent pas également ; beaucoup n'offrent pas de prise à son action à cause de leur organisation, d'autres s'en affranchissent plus ou moins complètement par leur propre industrie (nids, abris variés, etc.). Mais, là où elle s'exerce, il doit se produire un arrêt ou une modification dans l'évolution progressive des organes mentionnés. En effet, les appendices courts et fragiles doivent s'épaissir, les poils allongés et rigides doivent s'assouplir ou se raccourcir ; en un mot, cette influence se manifestera par un épaississement et un assouplissement des organes atteints. Les organes enregistreurs de vibrations ne pourront pas accroître leur sensibilité au delà d'une certaine limite, car le 422 KM ILE G. RACOVITZA vent causerait des troubles trop graves sur un Animal pourvu d'organes trop sensibles. Voyez ce qui se passe dans un cas analogue avec les Oiseaux de nuit, dont l'œil es^ extrêmement sensible ; ils ne ])euvent supporter la lumière du jour. Or, nous savons que dans le domaine souterrain, sauf rares exceptions (trou à vent, cavernes à issues multiples, etc.), il règne un calme parfait ; la circulation de l'air se fait d'une façon si lente qu'elle est pratiquement insensible. Il en résulte que l'influence dont il est question ne peut s'exercer. Les appendices pourront se développer en longueur, et ils pourront être et fragiles et rigides. De fait cela se présente fré- quemment dans le domaine souterrain, et l'on connaît la fra- gilité tout à fait remarquable de certains Cavernicoles (Tita- nethes, DoUchopoda, etc.). D'autre part, l'hyperesthésie des organes enregistreurs de vibrations est non seulement rendue possible, mais est même très avantageuse à l'animal comme compensation pour l'impos- sibilité de voir. Une observation récente et inédite de M. Eené Jeannel semble fournir un exemple de cette hyperesthésie. M. Jeannel élève des Antisphodrus navarricus Vuill. dans des cristallisoirs recouverts d'une plaque de verre. Or, il a remarqué que ces Coléoptères paraissent indifférents aux variations d'éclai- rage, mais qu'ils sont d'une extrême sensibilité au moindre mouvement de l'air. Si l'on souffle sur eux, même légèrement, ils sont pris de convulsions tétaniques, et s'enfuient ensuite précipitamment. Cette observation sera d'ailleurs approfondie et vérifiée dans les cavernes mêmes. Si c'est réellement le mouvement de l'air qui produit l'effet décrit, il en résulterait que les Aniùphodrnu, ou les Cavernicoles ayant la même sensibilité, ne doivent jamais se rencontrer dans les trous à vent ou les régions à courants d'air. Les eaux souterraines n'offrent pas, au point de vue de leur LES PROBLÈMES RlOSPEnLOGIOTTES 423 mouvciiuMit. de grandes différences avec les eaux superficielles ; la pro])ortion des eaux courantes et des eaux stagnantes est à peu près la même. On ne peut donc s'attendre à trouver des différences, au point de vue de l'influence de ces mouvements^ entre les formes lucicoles et cavernicoles. G» Influence de la composition chimique de l'air ET DE l'eau La composition chimique de l'atmosphère des cavernes est normale dans la grande majorité des cas. On ignore si les cavernes à dégagement d'acide carbonique sont inhabitées, comme c'est probable, ou s'il existe des êtres qui se sont adaptés à une atmosphère irrespirable pour les Animaux supérieurs. L'eau stagnante des cavernes est saturée de calcaire, mais cette saturation ne lui est pas spéciale. Beaucoup de mares superficielles sont certainement dans le même cas. L'adaptation physiologique au séjour dans l'eau à divers degrés de saturation doit donc être générale chez tous les Limnobies; il est peu pro- bable, par conséquent, qu'on puisse trouver des adaptations spéciales chez ceux qui habitent les eaux souterraines. Viré (1899, p. 36) prétend cependant que les téguments des Niphargus sont « en grande partie décalcifiés », sans d'ailleurs nous donner plus amples détails sur cette stupéfiante découverte et sans nous dire à la suite de quelles observations il a été amené à la faire. Mais à la page 48 de son mémoire, on trouve l'explication de ce troublant mystère. Voici ce qu'on y lit ; je ne change ni un mot ni une lettre : (c Oalcéoles. — On appelle ainsi des sortes de concrétions à structure rayonnée, dispersées sur différents points du corps. « On y a vu parfois des organes sensoriels. Mais nous ne pen- sons pas que cette opinion corresponde à la réalité. Ces corpus- cules sont en effet disséminés très irrégulièrement dans le tégu- ment. Leur nombre varie de 3 ou 4 à plusieurs centaines. Sur quelques exemplaires, elles arrivent à se toucher, à se juxtaposer 4-24 EMILE G. RACOVITZA et à former de véritables plaques ininterrompues. Il est donc naturel d'y voir des îlots de matières calcaires ayant résisté à la décalcification. » Cette citation suffit x)our convaincre les zoologistes que la décalcification des Niphargus est non une découverte mais une grave erreur. Mais ces lignes peuvent tomber sous les yeux des profanes ; expliquons leur donc ce que sont les calcéoles et les concrétions discoïdales des Amphipodes. Les calcéoles sont des corpuscules vésiculaires, sphériques ou ovoïdes, fixés au moyen d'un pédoncule sur les appendices antennaires. Depuis leur découverte par Milne-Edwards en 1830, on a constaté leur présence chez beaucoup d'Amphipodes, mais, suivant les espèces, soit uniquement chez le mâle, soit chez les deux sexes, et tantôt seulement sur les antennes ou sur les antennules, tantôt sur ces deux sortes d'organes en même temps. Leur répartition sur l'appendice est variable et leur rôle est inconnu. Les concrétions discoïdales des téguments des Amphipodes sont également connues depuis fort longtemps et, comme une goutte d'acide suffit pour déceler leur véritable nature, on a toujours été d'accord qu'elles sont calcaires. On n'a pu constater aucune régularité dans hi présence de ces concrétions, ni chez les espèces d'un même genre, ni chez les individus d'une même espèce. Quoi qu'il en soit, ils existent aussi bien chez les Luci- coles que chez les Cavernicoles. Et si sur « quelques individus elles arrivent à se toucher » cela doit être considéré comme une preuve d'une calcification intense des téguments de ces exem- plaires, et nullement comme le sigiu' d'une décalcification. 7" Influence du régime alimentaire Nous avons vu ({u'on ne peut admettre que dans le domaine souterrain la nourriture soit toujours rare ou même qu'elle manque souvent. Au point de vue alimentaire cet habitat n'est pas moins favorable que beaucoup d'autres habitats épigés. La question de l'influence de la pénurie d'aliments, qui est LES PROBLÈMES BIOSPEÛLOGIQUES 425 fort intéressante en elle-même, est une question générale et non spéciale aux cavernes. Il n'y a donc pas lieu de s'en occuper ici ; il suffit de constater que dans les cas où elle se présente, dans les cavernes ou ailleurs, elle a pour eftet soit une dimi- nution du nombre des individus ou des germes, soit un retard dans les périodes de reproduction, soit des adaptations spéciales (arrêt de l'activité fonctionnelle, formation de réserves, etc.). Elle n'influe que rarement, ou pas du tout, sur la taille des Animaux. D'autre part, presque tous les Animaux poïkilo thermes, et particulièrement ceux qui habitent des régions à fortes varia- tions saisonnières, ont acquis, par une longue pratique des misères de cette terre et sans donnnage pour l'organisme, la faculté de jeûner. Mais les ressources alimentaires fournies par le domaine sou- terrain ont joué un rôle capital dans le choix des Animaux luci- coles immigrés dans les cavernes car, sauf des cas très rares (Rhizophages), la vie n'y est possible qu'aux Saprophages et aux Carnivores ou aux formes qui ont pu s'adapter secondai- rement à ces régimes. 8 Influence de la lutte pour l'existence La lutte pour l'existence existe aussi dans le domaine sou- terrain, quoique Darwin, Packard et d'autres aient nié son existence. La sélection naturelle s'y exerce aussi bien entre indi- vidus d'une même espèce qu'entre espèces différentes. Elle ne peut provoquer l'apparition des variations ; mais elle choisit, parmi celles que d'autres facteurs font naître, les plus favorables à l'espèce. Elle rend donc de plus eji plus profondes les adapta- tions au milieu souterrain, eu faisant survivre l'espèce la mieux douée et en supprimant la moins apte. Les espèces qui habitent le domaine souterrain sont beaucoup moins nombreuses que dans le domaine épigé ; il peut donc arriver qu'une espèce immigrée dans les cavernes puisse avoir la chance de se soustraire, complètement ou partiellement, à ses 426 EMILE G. RACOVITZ ennemis particuliers lucicoles, et même à ses parasites. Elle pourra même être soustraite aux coups, peut-être mortels, des ennemis nouveaux que les hasards d'une migration ou d'une transformation spécifique susciteront à leur souche épigée, car ces nouveaux ennemis de la souche peuvent ne pas coloniser les cavernes. Le résultat de cet événement sera la disparition des souches et la conservation des descendants cavernicoles. On verra plus loin (voir p. 473) qu'on a de bonnes raisons de croire que les choses se sont passées ainsi pour plusieurs espèces qui habitent actuellement les cavernes, La lutte pour l'existence et la sélection naturelle doivent aussi jouer un rôle considérable dans l'adjonction de nouveaux membres à la population, déjà adaptée, des Cavernicoles. Comme le fait remarquer Viré (1899), le Lucicole qui pénètre dans le domaine souterrain est une proie facile pour le Cavernicole qui a tous les atouts dans son jeu pour vaincre l'intrus dépaysé. Mais cela n'est exact que dans le cas où l'appareil optique joue un rôle dans la biologie de l'immigrant. Cette considération s'applique dans toute sa rigueur aux vrais Lucicoles oculés, beaucoup moins ou pas du tout aux Lucifuges qui savent se passer de la vue pour la satisfaction des besoins vitaux. Combien est donc fausse l'idée de ceux qui s'imaginent <iue les cavernes ont été peuplées par de vrais Lucicoles non encore préparés par leur vie antérieure à l'habitat souterrain ! Journellement de semblables Liu-icoles pénètrent dans les cavernes. Le résultat est tout autre que ne le supposent ces théoriciens ; les appareils masticatoires des Cavernicoles en savent quelque chose. IV. Les caractères des Cavernicoles. De ce qu'on vient de lire il résulte que le Cavernicole idéal doit présenter les caractères suivants : Il doit être dépourvu de pigments soumis à l'influence de la lumière. Il doit être aveugle ou pourvu d'appareil optique rudimentaire. LES PROBLÈMES BIOSPEOLOrTlOUES 427 Il doit être (MHiipeiisé pour rimpo8sibilité de voir an moyen de riiypertropliie des autres or,u;uies de sens et surtout de celle des organes tactiles. La sensibilité aux vibrations du milieu pourra être hyperestliésiée. Il pourra être pourvu d'organes très i'ragiles. Son corps doit être allongé et aplati, si c'est un habitant des fentes. Ses appendices et ses membres doivent être minces et allongés. Il doit être lucifuge, très sensible aux variations de tempé- rature et sans défense contre Tévaporation des liquides orga- niques. Il ne doit présenter de périodicité régulière à aucun moment de sa vie, donc ni dans son activité fonctionnelle, ni dans ses fonctions de reproduction. Il est difficile de savoir si le Cavernicole idéal, que je viens d'esquisser, est réellement représenté dans les cavernes, car quekjues-uns des caractères énumérés plus haut sont basés, faute de reclierdies, sur des probabilités. Néanmoins on peut citer quelques formes qui s'en rapprochent singulièrement, ainsi : TUanethes, Niphargus, StenaseUus, Cirolanides, Neanum, c<ta- lita, Aphaenops, NoaUcola, Amblyopsis, Prote/m, etc. Mais beaucoup d'autres, pourtant de vrais troglobies. ne présentent ({u'uu ])etit nombre de ces caractères. Cela tient à des causes multiples : au degré d'organisation, à l'époque d'im- migration dans le domaine souterrain, à la rigueur de l'isole- ment, etc., causes qui ne peuvent être déterminées qu'en étu- diant l'histoire complète de chaque espèce. V. Rapports de la faune cavernicole avec les autres faunes. Les caractères anatomiques suffisent donc, eu certains cas, pour classer une espèce parmi les Cavernicoles, mais souvent ces caractères sont absolument insuffisants. D'autre part, si tous les Cavernicoles ne sont pas conformes au type intégral, il y a beaucoup de citoyens d'autres habitats qui présentent soit l'un soit l'autre de ces caractères, soit même plusieurs. Cela est dû 428 EMILE G. HACOVITZA soit à une communauté d'origine, soit à un phénomène de conver- gence. Je vais donc examiner rapidement les rapports qui exis- tent entre la faune cavernicole et quelques autres faunes. Les Lucifuges épigés. — Parmi ces Lucifuges on trouve des espèces aveugles, dépigmentées, à organes tactiles hyper- trophiés. C'est de leurs rangs que sont sortis presque tous les habitants du domaine souterrain. Entre les deux faunes existent donc les rapports les plus étroits et il est même impos- sible de tracer une ligne de démarcation entre elles. On trouve souvent tous les passages entre les Lucifuges superficiels et les vrais Cavernicoles (genres Asellus, Caniharm, Trichoniscus, Garychium, Bathysoia, etc.). Ces rapports sont dus aussi bien à l'hérédité directe qu'à des phénomènes de convergence, car rha])itat des Lucifuges super- ficiels ne diffère que par des questions de degré de l'habitat sou- terrain ; il en diffère, pour ainsi dire, quantitativement et non qualitativement ; le second ne présente que l'exagération des qualités du premier, obscurité, humidité, température peu variable, etc. La faune hypogée. — Les caractères des Hypogés sont presque identiques à ceux que j'ai établis pour les Cavernicoles, et pourtant, prise en bloc, la faune hypogée est très différente de la faune cavernicole. La ressemblance est due à la conver- gence et non aux liens du sang. La raison me semble être la suivante : La masse des Hypogés est formée par des végétariens et leurs ennemis spéciaux. Ils sont, en effet, souvent rhizophages ou mangeurs de détritus formés par les végétaux supérieurs (humus). C'est principalement cette question alimentaire qui les a poussés à s'enfoncer dans la terre, fréquemment (Curculionides, Gastéropodes, Rhynchotes, etc.) le long des racines. Leurs enne- mis spéciaux (Aranéides, Opilionides, etc.) les ont suivis. Dans le domaine souterrain, il n'y a pas de végétaux supé- rieurs ni d'humus, et la présence de racines est tout à fait excep- tionnelle; c'est cela surtout qui le différencie du domaine hypogé. LES PROBLEMES BTOSPEOLOGIQUES 429 Mais pourtant la similitude des autres conditions d'existence rapproche ces deux domaines vitaux et cela rend difficile une distinction absolue entre tous les éléments de leur faune res- pective. En effet, les Animaux qui ne recherchent que l'obscurité, l'humidité et une protection contre les variations de tempé- rature, se rencontrent indifféremment dans les deux domaines : {Campodea, etc.). Ce sont des rameaux de la même souche de Lucifuges superficiels. D'autre part, des racines traversent quelquefois les plafonds des grottes ou pénètrent loin dans les fentes des massifs cal- caires ; il n'est donc pas étonnant qu'on puisse rencontrer dans des cas semblables de vrais Hypogés rhizophages {Troglorhynhus par ex.) dans le domaine souterrain. ]S^otons en outre une différence qui s'observe souvent entre les Cavernicoles et les Hypogés. On a vu que les Cavernicoles présentent fréquemment un allongement considérable des appendices et des membres ; cette évolution a pu s'accomplir, car ces animaux habitent des cavités naturelles. Les Hypogés, par contre, doivent le plus souvent creuser eux-mêmes leurs galeries; leurs membres sont devenus courts et gros, comme cela se produit chez tous les vrais fouisseurs. La faune des microcavernes. — Les éléments de cette faune présentent aussi très souvent les caractères adaptatifs que j'ai assignés aux Cavernicoles. Les conditions d'existence que l)résente le domaine souterrain se trouvant plus ou moins bien réalisées dans celui des microcavernes, il en résulte que les formes qui recherchent uniquement ces conditions d'existence peuvent et doivent être communes aux deux domaines. Mais ces formes sont très peu nombreuses, car il faut compter aussi avec les dispositions du propriétaire de la microcaverne à l'égard de l'intrus, et aussi sur le fait qu'au point de vue de ces condi- tions spéciales d'existence le domaine souterrain offre plus d'avantages. Mais dans le peuplement du domaine des microcavernes, le 430 EMILE G. RACOVFTZA rôk' CM])!!;!! icviciit à un ractcui" spécial ([ui est la xéno])liili('. Oe factour ne se ina.nifeste pas dans le domaine soutenain et il en l'ésulte une tiès grande différence dans la composition des deux faunes. Les Xénophiles sont très rarement attirés dans les microcavernes par les conditions d'existence qui sont com- munes à cet habitat et au domaine cavernicole. Ils se soucient en général fort peu de ces avantages ; ce qui les attire ce sont les soins qu'ils reçoivent de l'hôte, ou les aliments fournis par sa progéniture ou par son industrie. Aussi la majorité des Xéno- philes dérivent de souches superficielles non lucifuges. D'autre part, cette dépendance du Xénophile vis-à-vis de son hôte a ])rovoqué très souvent, chez les premiers, des adap- tations variées qui d'après Wasmann (1896) sont les suivantes : Formations pileuses spéciales, Eéduction ou hypertrophie de certaines pièces buccales, Physogastrie, Conformation spéciale des antennes. Ressemblances mimétiques. Acquisition de formes de résistance. Ces modifications ne se présentent januds chez les Caverni- coles. La physogastrie pourtant semble exister chez les Lei)to- dérides cavernicoles, mais il s'agit j)robablement d'un phéno- mène ((ui n'a rien de commun avec la ])hysogastrie des Htaphy- lins xénophiles. La faune abyssale des eaux douces. — Beaucoup de re])ré- sentants de cette faune réalisent le tyi)e du parfait Cavernicole atiuatique. Cette ressemblance des deux faunes provient d'une part de liens d'étroite parenté, de l'autre du phénomène de convergence. Beaucoup d'Abyssaux linmiques ne sont que des transfuges des eaux souterraines qui ont trouvé dans leur nouveau milieu les mêmes conditions d'existence : obscurité, température cons- tante et basse, absence de végétaux. Le facteur pression hydros- tatique, qui existe dans les abîmes lacustres, est tout à fait négli- geable lorsqu'il s'agit d'Animaux sans inclusions gazeuses, et, d'ailleurs, il doit se présenter souvent dans les niveaux d'eau du domaine souterrain. LES PROBLEMES BTOSPEOLOGIQUES 4:M D'autres Abyssaux limniques dérivent de formes littorales : comme ces formes ont dû s'adapter à des conditions d'existence très semblables à celles qui régissent leurs confrères cavernicoles, leur évolution a été parallèle et convergente. La faune abyssale marine. — Packard (1889) et beaucoup d'autres zoologistes ont été vivement frappés par les analogies que le milieu abyssal marin présente avec le domaine souter- rain : dans les deux règne l'obscurité, la température constante et basse ; dans les deux les Végétaux manquent. Dans les deux on trouve des Animaux dépigmentés et aveugles. De plus, les Animaux des abîmes présentent les mêmes caractères adaptatifs que les Aquatiques cavernicoles. On a conclu de ces faits que les conditions d'existence dans les trois milieux, l'abyssal marin, l'abyssal lacustre et le caver- nicole sont identiques. Cette manière d'interpréter les faits, combinée avec un dogme, celui de la dépendance de toutes les colorations animales de la lumière, a été la cause de la naissance de nombre d'hypothèses et théories étranges qui ont retardé la solution des problèmes que soulève la faune abyssale. Il faut expliquer en effet la pré- sence, dans les abîmes marins définis comme obscurs, de formes vivement colorées et pourvues d'appareils optiques plus hyper- trophiés que dans n'importe quel autre habitat Packard, suivi en cela par d'autres naturalistes, admet que l'influence de la lumière solaire se fait sentir en profondeur. Cette hypothèse est insoutenable, car l'observation directe a démontré, d'une part, que la lumière ne pénètre qu'à quelques centaines de mètres, et d'autre part, que les Végétaux chloro- phylliens ne peuvent vivre dans les abîmes, faute de pouvoir former leur chlorophylle. Ayant ainsi introduit la lumière du jour là où elle ne se tiouve point, on fit des formes oculées et colorées les représentants normaux de la faune abyssale, ce qui déplaça simplement la difficulté, puisqu'il restait à expliquer la présence des aveugles dépigmeutés. On déclara que ces derniers devaient être des 432 EMILE G. RACOVlTZA Fouisseurs, vivant enfoncés dans la vase, donc à l'abri de la lumière. Mais beaucoup de ces « fouisseurs « aveugles sont vivement colorés ! D'autre part, aucune forme abyssale lacustre n'a d'appareils optiques hypertrophiés, même quand c'est une espèce manifestement non fouisseuse. C'est que les formes abys- sales marines à yeux très développés ne sont pas si abyssales qu'on le croit ; ce sont des formes de pénombre (twilight), déclare une nouvelle hypothèse, tout aussi erronée d'ailleurs. Il n'est pas dans mon intention de faire l'historique complet de cette question qui a fait verser beaucoup d'encre. Ce que j'en ai dit suffit pour prouver que les questions soulevées par la forme abyssale sont complexes et difficiles à résoudre ; il est visible aussi qu'elles ont été mal posées au commencement, ce qui a inutilement augmenté les difficultés. Voici deux faits certains : La lumière du jour ne pénètre pas dans les abîmes. Beaucoup d'Animaux abyssaux sont colorés. La seule conclusion légitime à tirer de ces deux prémisses est : Il faut examiner si tous les pigments doivent se former avec le concours de la lumière. Or, les théoriciens dont je viens d'exposer les idées ne se sont jamais préoccupés de cette question. Pourtant, depuis long- temps on connaissait nombre de substances et de stnu'tures dont la coloration est absolument indépendante de la lumière ; il est étrange qu'on n'ait pas tenu compte de cette vérité élé- mentaire. Les difficultés qui paraissaient provenir de la présence d'Ani- maux colorés dans les abîmes n'existent donc point. Il y a des animaux colorés dans les abîmes comme dans les cavernes, parce que leurs pigments se forment sans le concours de la lumière. Considérons la série des faits se rapportant aux a])pareils optiques. Dans le domaine cavernicole et dans le domaine abyssal lacustre l'on constate toujours une réduction de plus en plus considérable de l'appareil optique et jamais d'hypertrophie de cet appareil. LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGTOUES 433 Dans les abîmes marins on constate une réduction de l'appa- reil optique quelqilefois, mais souvent aussi une hypertrophie considérable de cet appareil. Que conclure sinon : Les conditions d'existence que présente le domaine abyssal lacustre sont semblables à celles que présente le domaine sou- terrain ; elles diffèrent de celles qui régnent dans le domaine abyssal marin. Outre l'obscurité et la température constante et basse, qui sont des caractères communs aux trois habitats, il doit y avoir un facteur spécial qui agit dans le troisième et qui est absent dans les deux premiers. Ce facteur est facile à déterminer : c'est la phosphorescence (1). Est-il nécessaire d'insister sur le rôle considérable que joue la phosphorescence dans le monde abyssal marin? Certes, ce n'est pas l'observation directe qui peut nous en donner la mesure ; mais il suffit d'en constater les effets sur l'organisation des Abyssaux. Presque tous les animaux pélagiques et bathypélagiques sont phosphorescents ; plus l'on descend dans les couches aqueuses et plus cette activité lumineuse se perfectionne. Les organes photogènes, de plus en plus nombreux, compliqués et puissants, se développent chez les formes les plus diverses comme origine. Les abyssaux benthiques aussi en sont souvent pourvus. Ces sources de lumière, très faibles il est vrai, mais fort nom- breuses, suffisent peut-être à produire un éclairement diffus de tout le domaine abyssal ou de certaines de ses parties ; mais fussent-elles impuissantes à produire cet effet, elles doivent néanmoins consteller la nuit des abîmes de myriades de points brillants. Je m'imagine l'effet produit comme semblable à celui qu'offre pendant la nuit une grande ville vue de loin, avec ses (1) C'est à Me CULLOCH et Coldstream que revient le mérite d'avoir expliqué la présence des Coulés abyssaux au moyen de la phosphorescence (voir Semper, 1880. I, p. 103), et cela à une époque où nos connaissances sur les abîmes marins étaient tout à tait rudimentaires. Actuellement, il ne peut y avoir doute sur la parfaite exactitude de l'hypothèse des deux auteurs anglais, et pourtant combien de naturaUstes cherchent encore midi à quatorze heures 1 4:u ÉMfLE G. RACOVITZA milliers de lumières et son léger nuage lumineux flottant au- dessus. Ces ])oints lumineux ou cette faible lumière, dont la percep- tion doit jouer un rôle très considérable dans le monde Carni- vore des Abyssaux, ont provoqué l'hypertrophie des organes optiques. Dans un cas analogue, c'est aussi la nécessité de voir et se guider à la faible lumière des nuits et des crépuscules qui a provoqué l'hypertrophie et l'hyperesthésie des yeux des Oiseaux nocturnes. Et c'est justement parce que ces sources lumineuses sont faibles que les organes de perception doivent être puissants. Comme on l'a vu autre part (voir p. 421), l'hy- peresthésie d'un organe sensoriel ne peut se produire que là oii l'agent physique à percevoir est faible. Or, la phosphorescence n'existe pas dans les abîmes lacustres. Dans le domaine souterrain elle est, d'une part, tout à fait exceptionnelle et, d'autre part, elle est produite seulement par quelques Mousses et Champignons, ce qui n'intéresse pas direc- tement la biologie des Cavernicoles ; son influence est donc pra- tiquement nulle. L'absence de radiations lumineuses pouvant influencer un appareil optique a produit une régTession gêné- raie de cet appareil dans les deux habitats. Mais comment interpréter la présence d'Animaux aveugles dans les abîmes marins? Je pense que les considérations sui- vantes permettent d'entrevoir comment on peut résoudre cette question. L'hypertrophie la plus considérable et les modifications les plus étranges de l'appareil optique se rencontrent surtout chez les Bathypélagiques ; c'est parmi eux également que les organes photogènes sont le plus développés et les plus nombreux. Les Bathypélagiques descendent de souches pélagiques et littorales bien pourvues au point de vue optique. Les yeux bien développés chez la souche se sont hypertrophiés pour percevoir la faible lumière dans laquelle vivent les descendants. Les Benthiques dérivent de souches à aptitudes variées. Ceux qui dérivent de souches photophiles ont perfectionné leurs yeux LES PROBLÈMES BIOSI'EOLOGIOLÎES 435 déjà bien développés dans le même sens que les Bathypélagiqueîs. Mais ceux qui dérivent de souches lucifuges ou fouisseuses déjà aveugles ou à yeux réduits, sont restés aveugles ou ont accentué leur cécité, même s'ils ont changé leur manière de vivre, car la phosphorescence est un agent trop faible pour provoquer une néoformation comme l'appareil optique, ou même pour perfec- tionner des yeux rudimentaires. Il faut mentionner encore les Cavernicoles vrais, peut-être nombreux, qui ont fait souche dans les abîmes de la mer, et qui ont naturellement conservé les caractères de leur habitat pri- mitif (voir p. 481). Il résulte de ce qui précède que les aptitudes héréditaires ont dii jouer un rôle capital dans l'influence qu'a exercé le facteur phosphorescence sur les différents Abyssaux, et comme ces apti- tudes héréditaires sont très variées, étant donné la multiplicité originelle des souches, seule l'histoire particulière de chaque groupe homogène d'Abyssaux peut donner la raison certaine de l'état dans lequel se trouve leur appareil optique. VI. Classification des Cavernicoles. On a essayé plusieurs fois d'établir dans la faune cavernicole des divisions basées sur des considérations diverses. ScHiôDTE (1849) établit quatre groupes qui se distinguent par l'éclairement et la nature des parois de l'habitat préféré : 1. Animaux de l'ombre (Skygge-Dyr). 2. — crépusculaires (Tusmorke-Dyr). 3. — des régions obscures (Hule-Dyr). 4. — des régions obscures à concrétions stalagmitiques (Drypsteenshule-Dyr). ScHiNER (1854) établit trois divisions basées sur l'éthologie des Cavernicoles : 10 Hôtes occasionnels : Animaux qu'on rencontre dans les grottes, mais aussi à la surface, partout « wo sich die ihrer Lebensart entsprechenden Bedingungen vorfinden ». 2° Troglophiles : Animaux habitant les régions oii la lumière ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4« SERIE. T. VI. — (VIl) 3l 436 EMILE G. RACOVÎTZA du jour pénètre encore, qu'on peut, exceptionnellement, ren- contrer à la surface ou qui ont seulement des formes représen- tatives lucicoles. 30 Troglobies : Animaux exclusivement cavernicoles, qu'on ne rencontre jamais dans les régions épigées, sauf dans le cas d'évé- nements exceptionnels comme les crues (Exemple : Proteus, etc.). Joseph (1882) propose une classification topographique. 1° Habitants des entrées de grottes, régions éclairées et à température variable. 2° Habitants des régions moyennes, où le soleil de midi en été produit une sorte de crépuscule. 30 Habitants des régions profondes, à obscurité complète et température constante. L'auteur énumère les espèces qui appartiennent à chaque catégorie et indique les modifications de l'appareil optique qui caractérisent chacune de ces dernières. Il est facile de voir, d'ailleurs, que l'auteur distribue arbitrairement les Cavernicoles dans ses" trois catégories. D'autres auteurs, s'ils ne le disent pas explicitement, admet- tent implicitement l'existence de deux divisions parmi les habi- tants du domaine souterrain : 10 Les Cavernicoles vrais qui présentent des caractères indi- quant une adaptation certaine à la vie obscuricole. 2° Les Cavernicoles faux qui ne présentent pas ces caractères adaptatifs et ne diffèrent en rien des formes affines épigées. 11 est inutile d'insister beaucoup pour montrer qu'aucune do ces classifications n'est satisfaisante <it que, d'ailleurs, aucune division rigoureuse ne peut être établie parmi les êtres qu'on peut trouver dans le domaine souterrain, et cela que l'on s'adresse aux rapports qu'ils présentent avec leur habitat, au degré de leur adaptation, aux conditions d'existence ou aux caractères taxionomiques et anatomiques qui en sont l'expression, ou à tout autre caractère. Mais, comme dans la pratique les classifications sont néces- saires, choisissons la moins mauvaise. LES PROBLKMES BIOSPEUL(Ki[QUES 437 Celle de Schiner, un peu modifiée, me paraît remplir cette condition négative. î<fous diviserons donc les êtres qu'on peut rencontrer dans le domaine souterrain en trois groupes : 10 Les Trogloxènes. Ce sont ou des égarés ou des hôtes occa- sionnels, ces derniers attirés soit par Tliumidité, soit par la nourriture, mais n'y habitant pas constamment et ne s'y repro- duisant pas. Ils ne présentent jamais de caractères adaptatifs spéciaux et se tiennent surtout à l'entrée des grottes. Leur importance dans l'étude d'une région du domaine souterrain est nulle ou presque. (Exemple : Tineides et Moustiques si nom- breux dans toutes les grottes). 20 Les TroglopMles. Habitent constamment le domaine sou- terrain, mais de préférence dans ses régions superficielles ; ils s'y reproduisent souvent, mais ils peuvent être aussi rencontrés à l'extérieur. Ce sont des Lucifuges très caractérisés, ayant subi souvent des réductions de l'appareil optique, une compensation suffisante pour l'impossibilité de voir, et d'autres adaptations à la vie obscuricole. Ce sont eux qui fournirent à toutes les époques le principal contingent des Troglobies, et ce sont eux qui sont les premiers colons, quand une nouvelle région du domaine souterrain s'offre à la colonisation. Ils fournissent des données utiles pour l'histoire des grottes. 30 Les Troglohies ont pour habitat exclusif le domaine sou- terrain et se tiennent de préférence dans ses parties les plus profondes. Ils sont très modifiés et ils offrent les adaptations les plus profondes à la vie obscuricole. C'est parmi eux qu'on rencontre les Cavernicoles les plus anciens. Leur importance est capitale en spéologie. Ces caractères distinctifs sont vagues ; il ne peut en être autrement. Il existe de nombreuses formes de passage qu'il est impossible de placer dans un groupe plutôt que dans l'autre. Tout critérium simple et absolu de classification manque, et très souvent seule l'histoire complète d'un Cavernicole permet son classement dans l'une de ces catégories, à moins 138 EMILE G. RACOVITZA que cette histoire ne démontre qu'il ne peut se ranger dans aucune. VII. Composition de la faune et de la flore cavernicoles. J'ai déjà insisté sur ce fait que les Etres cavernicoles consti- tuent un élément non négligeable de la population du globe. Ce qui le montre c'est le nombre respectable des formes déjà con- nues (1) (malgré le nombre relativement restreint des recherches etïectuées), et l'étendue des régions complètement inexplorées au point de vue spéologique. Il est impossible de se faire actuellement une idée précise sur le nombre des Cavernicoles décrits à cause de l'absence de tout travail d'ensemble récent. Un catalogue des Cavernicoles connus en 1907, analogue à la consciencieuse « liste » de Bedel et Simon (1875), serait fort utile, mais le concours de nombreux spécialistes est actuellement nécessaire ; il ne peut avoir de valeur réelle que s'il est « critique », et trop de groupes sont représentés dans les cavernes pour que semblables révisions puissent être effectuées par un seul naturaliste. J'espère que par la collaboration des savants qui prêtent leur concours à Biospéologica, pareil catalogue verra une fois le jour ; en attendant je vais passer rapidement en revue les groupes représentés dans le domaine souterrain. Mammifères. — Darwin (1859) cite parmi les Cavernicoles Neotoma magister, un Eongeur, qui habiterait la grotte de Mammoth. Mais l'on sait depuis longtemps que ce Rat n'entre qu'occasionnellement dans les cavernes, et que son habitat normal est la fente rocheuse, notamment dans les monts Alle- ghanys. Il ne présente d'ailleurs aucun caractère adaptatif par- ticulier à la vie obscuricole. C'est donc à tort que Viré (1899) le cite encore parmi les Troglobies. (1) Viré (1904 «) déclare avoir recueilli « des milliers d'espèces animales souterraines dont un grand nombre sont nouvelles pour la science ». Comme seulement un petit nombre d'espèces récoltées par ViRfi ont été publiées jusqu'à présent, il faut vivement souhaiter que les tjuelques milliers qui restent soient rapidement décrites, un si considérable apport de formes nouvelles pouvant complètement modifier nos conceptions biospéologiques sur bien des points. LES PROBLEMES BIOSPÉOLOGIQUES 430 Citons pour inéinoire le Mus mnsculus var. suUerraneus de MoNTESSUS (1899) qui présenterait des caractères adaptatifs le rapprochant des Oliauves-souris! Il faudrait vérifier si Thistoire de cet habitant des mines Saint-Paul, au Creusot, n'est pas une légende. On pourrait avec bien plus de raison compter certaines espèces de Chauves-souris parmi les vrais Trogiobies. Il y en a, en efïet, qui habitent constamment les grottes, été comme hiver, et s'y reproduisent, qui sont très vivement photophobes, qui, aveu- glées, ne décèlent aucun trouble dans la manière d'éviter les obstacles, qui, par conséquent, sont complètement compensées pour l'impossibilité de voir. Il est vrai que leurs yeux sont fonc- tionnels et leur servent à capturer les proies et à se guider dans le domaine épigé, et que leur nourriture ne provient pas du domaine souterrain. La Chauve-souris a dû s'adapter dans deux directions dilïé- reutes : les besoins alimentaires la forcent à s'adapter à une vie épigée, la nécessité d'avoir un domicile convenable, qu'elle est incapable de construire par sa propre industrie, la force à s'adapter au domaine souterrain. Oiseaux et Reptiles. — Aucun représentant de ces groupes n'est Troglobie. Viré (1899, p. 23 et 111). cite, il est vrai, les « Ophidiens » comme étant représentés dans le domaine souter- rain, mais j'ai vainement cherché à décou\Tir le grand ou le petit Serpent des cavernes, que l'auteur cité n'a d'ailleurs pas nommé. Batraciens. — Les XJrodèles sont seuls rei)iésentés dans les cavernes ; l'espèce la plus ancienne connue est le Protée qui est, d'ailleurs, le premier Cavernicole décrit (1768). On ne le trouve que dans le bassin de l'Adriatique (Karst de Carniole et de Dalmatie), et pendant longtemps on l'a cru isolé, car il n'a pas de parents actuels européens. Mais on a découvert en Amé- rique une espèce cavernicole voisine, le Typhlomolge Rathhuni Stejneger, du Texas et une forme épigée mais lucifuge qui paraît être la souche d'où dérivent les deux précédents : Nechirus maculatus (Etats-Unis et Canada). 440 EMILE G. RACDVITZA De plus, la famille des Salamandridae paraît avoir des repré- sentants cavernicoles également américains : Typhlotriton spe- laeus et Spelerpes Stejnegeri des cavernes du Missouri. Poissons. — La famille des Cyprinodontes, qui est si bien représentée dans les eaux douces d'Amérique, a été la souche des Amblyopsides, petits Poissons lucifuges ou cavernicoles qui peuplent les marais et les eaux souterraines des Etats-Unis. Ainsi, le genre Chologaster est représenté par trois espèces dont G. cornutus vit dans les marais du Sud, C. papilliferus dans les sources de l'Illinois et C. Agassizi dans les eaux souterraines du Tennessee et Kentucky. TyphUchtys a deux espèces souter- raines, et Amhlyopsis une seule espèce, exclusivement cavernicole. Beaucoup de représentants de la vaste famille des Siluridés sont lucifuges et ont des yeux très réduits, mais jusqu'à présent Amiurus nigrilahris i)eut seul être compté, à la rigueur, parmi les Troglobies : il habite les grottes de Pensylvanie et est aveugle. Très intéressants sont les Zoarcidés Stygicola et Lucifuga, Poissons aveugles, habitant les cavernes de Cuba ; leurs proches parents sont tous marins ; beaucoup sont aveugles et la plupart abyssaux, L'Europe ne possède pas de Poissons vraiment troglobies, mais des représentants lucifuges des genres Paraphoxinus, Aulo- pyge et Chondrostomum se rencontrent dans les eaux souter- raines de Bosnie et Herzégovine. Les Poissons rejetés par les puits artésiens de l'Algérie ne sont pas à compter parmi les Troglobies ; ils ont des yeux normaux et on les trouve dans tous les ruisseaux superficiels. J'ai pu même constater que Cyprinodon calaritanus n'est pas lucifuge. Mais tout n'a pas été dit sur les Poissons cavernicoles ; on trouve, en eiïet, des indications de la présence de semblables Animaux à la Jamaïque, au Guatemala, etc. Il faut donc s'at- tendre à des surprises intéressantes. Mollusques. — Les Gastéropodes terrestres lucifuges, hypo- gés et radicicoles sont nombreux ; il existe aussi des espèces LES PROBLE^IES BIOSPEOLOG[0UES 441 cavernicoles en grand nombre. Le genre Zoospetim, qui compte environ 40 espèces souterraines, descend des Carychium, petits Pulmonés lucifuges. Les représentants cavernicoles d'autres genres épigés, terrestres ou d'eau douce, sont moins nombreux {Patula, Valvata. Vitrella, etc.). Très intéressant est le genre Spelaeoconcha de Dalmatie. car on ne connaît pas sa souche épigée. En plus des formes que je viens d'énumérer, et qui sont de vrais Troglobies, on pourrait citer de nombreux Gastéropodes troglophiles. On a signalé aussi quelques Lamellibranches, mais il n'est pas possible d'affirmer qu'ils sont réellement cavernicoles. Hyménoptères. — Il est peu probable qu'on rencontre jamais des représentants cavernicoles de ce groupe qui compte surtout des photophiles; on en trouve dans les grottes mais ce sont des égarés. La Fourmi aveugle de Joseph (1882) {Typlilopone Clausi) paraît être le fruit légitime d'une erreur de détermination. Mais dans les microcavernes, les Hyménoptères sont représentés par de nombreuses espèces xénophiles. CoLÉoPTÈEES. — Ces luscctcs ont de très nombreux repré- sentants cavernicoles, tous issus de souches lucifuges. Les Cara- bides et Silphides sont les plus abondants et sont souvent repré- sentés par des genres spéciaux, présentant tous les caractères du Cavernicole idéal. Les Trichoptérygides, comme les Psélaphides si fréquemment xénophiles, sont plus rares et probablement seulement troglo- philes. Les Staphylinides sont très fréquents dans le domaine souterrain, mais jusque dans ces derniers temps on ne pouvait citer que deux ou trois formes vraiment troglobies, ce qui ne manque pas d'être curieux, étant donné les mœurs de ce groupe lucifuge. Par contre, nombreux sont les Staphylins troglophiles et xénophiles. Les Curculionides, si bien représentés dans le domaine hypogé, sont à peine représentés dans le domaine souterrain ; 442 EMILE G. RACOVITZA encore faudrait-il savoir s'il ne sont pas localisés dans les cavernes où pénètrent les racines. On a signalé un Brachynide aveugle dans les grottes de l'Afrique australe ; la trouvaille est fort intéressante et nous permet d'espérer la rencontre de représentants cavernicoles chez d'autres familles à formes lucifuges. Enfin un Hydropore troglobie vient d'être signalé. Il est pro- bable que les recherches faites dans les eaux souterraines nous en fourniront d'autres. Diptères. — Les Diptères sont très fréquents dans les grottes, surtout dans celles qui contiennent des excréments de Chauve- souris, seulement ce ne sont pas des formes spéciales, et leur adaptation à la vie cavernicole ne paraît pas très avancée. Tout au plus peut-on citer quelques espèces de Phora qui paraissent localisées dans les cavernes. Il n'en est pas de même dans les termitières et fourmilières, oii l'on a trouvé des formes extrêmement curieuses et présen- tant de remarquables caractères adaptatifs. HYNCHOTES. — J'ai découvert dans les grottes du Drach (Baléares) l'unique Ehynchote cavernicole actuellement connu. C'est un Fulgoride, du genre Cixius, qui présente une décolo- ration assez marquée et qui a les yeux rouges. Il est bien tro- globie, puisque je l'ai trouvé fort loin de l'entrée des grottes et que j'ai capturé les larves aussi bien (lue l'adulte, larves d'ailleurs complètement décolorées. Cet Homoptère est en outre un des rares exemples qu'on puisse citer d'un Animal appartenant à un groupe photophile qui s'est adapté à la vie souterraine. Encore faudrait-il voir si ce ne sont pas les habitudes rhizo- phages de la souche qui l'ont fait entrer dans le domaine sou- terrain des Baléares, car les racines des Lentisques passent fré- quemment à travers le plafond relativement mince des cavernes de ce pays. Peut-être faudrait-il ajouter aussi aux Troglobies VHebrus (?) trouvé l'année dernière par Jeannel et moi dans le lac souter- rain de Hamman Meskoutine (Algérie). LES PROBLÊMES BIOSPÉOLOGTOUES 443 Par contre, nombreux sont les Rhyncliotes xénophiles. KÉVROPTÈRES, — On trouve souvent des Phryganes dans les grottes, mais aucune espèce ne paraît être ni troglophile ni troglobie. Cela doit être dû à des raisons alimentaires. Mais le genre Bitacus paraît avoir un représentant cavernicole. PsEUDONÉVBOPTÈRES. — Les Psocides sont souvent lucifuges et ont été fréquemment trouvées dans les grottes. Leur étude ayant été assez négligée jusqu'à présent, il n'est pas possible de savoir s'ils ont des représentants vraiment troglobies. Orthoptères. — Les Locustides ont des représentants caver- nicoles assez nombreux. On en connaît d'Europe, d'Amérique, de Î^ouvelle-Zélande et d'Asie. C'est un des rares groupes de Pliotophiles qui ait été tenté par le domaine souterrain. Il est vrai que les formes cavernicoles habitent surtout l'entrée des grottes ; elles sont toutes oculées et présentent un développe- ment considérable des antennes, ce qui, d'ailleurs, n'est que l'exagération d'un caractère présenté par le groupe entier. Les Gryllides qui comptent de nombreux Xénophiles n'ont pas de représentants dans le domaine souterrain. Les Blattes en ont deux très curieux et très modifiés {Nocticoïa des Philip- pines) ; il est certain qu'on en découvrira d'autres, car les Blat- tides sont lucifuges et saprophages, Aptérigogéniens. — La grande majorité des espèces de ce groupe sont lucifuges et saprophages, aussi a-t-il peuplé le domaine souterrain. Souvent il réalise l'idée qu'on peut se faire du Cavernicole idéal. Les Japyx ne sont pas rares dans les cavernes, mais les Cam- podea, cosmopolites par excellence, sont surtout abondants ; on les trouve dans presque toutes les^grottes. Ces deux genres sont, d'ailleurs, représentés aussi dans le domaine hypogé. Les CoUemboles sont aussi très nombreux dans le domaine souterrain. Beaucoup sont aveugles, décolorés, fortement com- pensés pour la perte de la vue, mais très peu sont spéciaux aux cavernes, la plupart habitent aussi le domaine épigé, à l'abri de la lumière. 444 EMILE G. RACOVTTZA Myriapodes. — Tout ce groupe est composé d'espèces luci- fuges et carnivores ou saprophages ; aussi a-t-il de nombreux représentants dans le domaine souterrain, mais les vrais tro- globies sont relativement peu abondants et représentés surtout par des Diplopodes, qui montrent, d'ailleurs, aussi des adapta- tions bien plus marquées que les Chilopodes. Palpigrades. — Tous ces petits Arachnides sont lucifuges et probablement beaucoup sont hypogés. Les Kaenenia spelaea et draco Peyerimhoff furent trouvés dans les grottes. Il n'est pas possible de savoir encore si ce sont de vrais troglobies ou seule- ment des troglophiles. Aranéides. — Beaucoup d'Araignées sont lucifuges et s'ins- tallent volontiers dans les endroits obscurs ; elles sont extrê- mement nombreuses à l'entrée des grottes, là surtout où le guano des Chauves-souris a attiré beaucoup de Diptères. Les Troglophiles sont cependant en majorité. Mais on trouve aussi des formes ayant subi fortement l'influence des conditions d'existence du domaine souterrain. La plupart ont perdu seu- lement leurs yeux diurnes, comme l'a montré Simon (1872 et 1875), quelques-unes {Stalita, etc.) sont aveugles, décolorées, pourvues de membres très allongés, en un mot des troglobies caractérisés. Notons qu'il existe des Aranéides hypogées appartenant aux mômes genres que les cavernicoles et quelquefois très voisines de ces dernières. PSEUDOSCORPIONIDES. — Le groupe est normalement lucifuge et comprend des formes aveugles ; aussi fort nombreuses sont les espèces troglophiles ; les troglobies sont plus rares. Opllionides. — Très nombreuses sont les formes troglophiles de ce groupe, et peu nombreuses sont les troglobies. Un ou deux seulement sont aveugles. D'ailleurs, toutes les espèces de cet ordre sont plus ou moins lucifuges. Il en existe qui sont hypogées et alors toujours voisines des formes qu'on rencontre dans les cavernes. Les Opilionides sont des animaux très anciens ; aussi leur LES PROBLEMES BIOSPEGLOGIQUES 445 distribution géographique doit offrir un grand intérêt pour l'histoire de la Biospéologie. Malheureusement, il y a trop de lacunes encore dans la connaissance des formes cavernicoles pour qu'on puisse drduire quelque chose de certain. Acariens. — Les Lucifuges et les Saprophages se rencontrent fréquemment dans les cavernes ; mais ces Animaux ont été trop peu étudiés encore pour qu'on puisse seulement savoir s'il y a des formes exclusivement cavernicoles. On trouve des formes décolorées, aveugles, à très longues pattes, mais on peut en ren- contrer de semblables sous les pierres et aussi dans la terre. Les EschatocepJialus, qu'on rencontre souvent sur les parois des grottes, sont parasites des Chauve -souris, et pas plus que les Nyctéribies ne peuvent entrer dans le dénombrement de la population souterraine. Taedigeades. — Joseph en a signalé deux, mais il n'est pas dit que ce soient des troglobies, même si on arrive à les retrouver, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. Crustacés décapodes. — Parmi les Macroures l'on connaît quatre genres à espèces troglobies : Palemonias, avec une espèce américaine ; Troglocaris avec une espèce européenne ; Cambarus avec plusieurs espèces en Amérique, oh ce genre est bien repré- senté aussi dans la faune épigée, et une espèce en Europe qui est un précieux témoin d'une vaste distribution antérieure ; enfin Palaemonetes avec une espèce du Texas, mais il présente de nombreuses formes épigées dans les Etats-Unis. Palemonias et Troglocaris sont des formes très anciennes ; leurs par.ents actuels ont une distribution très vaste mais discontinue. Les Brachiures n'ont pas de représentants cavernicoles, car les Crabes rejetés par les eaux artésiennes d'Algérie ne sont pas différents des lucicoles de la même région et ne peuvent même pas être considérés comme troglophiles. Ces crabes ne sont pas nettement lucifuges, quoiqu'on les rencontre souvent sous les pierres, même hors de l'eau ; je les ai vus se promener souvent en plein soleil. Enfin, citons le seul Cavernicole marin, llunidopsis polymorpha, 446 EMILE G. RACOVITZA qui habite une grotte en communication avec la mer dans l'île Lanzarote (Canaries), et qui est presque aveugle, à coloration pâle. AiviPHiPODES. — A en juger par les déconvertes récentes, ce groupe doit être largement représenté dans le domaine souter- rain et surtout dans les niveaux d'eau. Les Gammaridés pré- sentent plusieurs genres exclusivement troglobies, comme Bathyonyx, Phreatogammarus , TypMogammarus, Boruta, etc., et d'autres qui ont aussi des représentants lucicoles, comme Cravi- gonyx. Niphargus, qui a beaucoup d'espèces troglobies, est fré- quent dans les puits et, par conséquent, dans les niveaux d'eau ; on le trouve aussi dans la zone abyssale lacustre. Parmi les Calliopiidés, Paraleptamphopus suhterraneus (Cliil- ton) vit dans les niveaux d'eau. Les Talitridés ont un genre, Ryalella, qui est très répandu dans les abîmes des grands lacs ; on n'a pas encore trouvé d'espèce troglobie de ce groupe, mais il faut s'attendre à semblable découverte. La plupart des Amplii])odes troglobies sont certainement les descendants directs de formes épîgées d'eau douce, mais pour quelques-uns l'origine marine est probable. IsopoDES. — C'e groupe présente beaucoup de Troglobies. Les Terrestres, essentiellement lucifuges et hydrophiles, sont très nombreux dans les cavernes, et les troglobies sont aussi fréquents que les troglophiles. Ce sont les Trichoniscidés qui sont le mieux représentés, et souvent par des formes complètement aveugles, mais on a signalé des troglobies aussi parmi d'autres formes comme Armadillidimn, Ligidium, etc. Dans un travail sous presse je décris aussi des Gylisticus et de formes nouvelles à caractère archaïque. Les Isopodes aquatiques sont représentés dans les eaux sou- terraines par des formes voisines du genre Asellus, par des Cirolanides et Sphaeromiens dont l'origine est peut-être marine, par un Anthuride qui a sûrement cette origine, par un groupe très curieux, les Phréatoïcides, et enfin par le genre Stenasellus dont les affinités ne sont pas encore bien établies. LÉS PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 447 CopÉPODES. — Joseph et Packard ont décrit, plutôt mal, trois Copépodes cavernicoles dans l'existence en tant qu'espèce n'est rien moins "que certaine. Ceux que Scievieil a trouvés dans la Magdalena grotte (Karst) n'ont rien de cavernicole ; ce sont des espèces épigées communes. Il n'est pas certain que les Cyclops des puits du Texas soient de vrais troglobies. Mais tout récemment Carl (1904) a signalé un Canthocamptus nouveau, qui vit dans le guano humide et qui pourrait bien être un vrai troglobie. OsTRACODES. — Plusicurs formes ont été signalées par Joseph et ScHMEiL dans les grottes du Karst autrichien. Celles de Joseph sont douteuses, celles de Schmeil {Cypris pelhicida et Typhlo- cypris Schmeili), déterminées par Mûller, le spécialiste connu, sont certaines et sont très probablement de vrais troglobies. Phyllopodes. — C'est encore à Joseph qu'on doit la des- cription de quatre formes cavernicoles appartenant à ce groupe, aussi douteuses, d'ailleurs, que beaucoup de celles décrites par ce naturaliste dans d'autres ordres. Oligochètes. — Tous les Terricoles sont franchement luci- fuges, aussi les rencontre-t-on souvent dans le sol des cavernes et dans le guano des Chauves-souris. On a décrit des espèces cavernicoles, mais il ne paraît pas y avoir dé genres spéciaux. Les Limicoles sont nombreux dans les puits ; il en existe aussi dans les eaux souterraines, et l'on a décrit des formes, comme Phreodrilus, qui paraissent être de véritables troglobies non représentées dans le domaine épigé. Nous avons affaire, à partir de ce groupe, à des êtres inférieurs, s'accommodant facilement des conditions d'existence que présente le domaine souterrain, pourvu que la nourriture appropriée ne leur soit pas trop mesurée. Ces Animaux ne présenteront donc plus des caractères adaptatifs bien nets ; leur attribution à la faune cavernicole sera difûcile si on ne connaît pas leur histoire complète. Hirudines. — Pries a trouvé une Typhlohdella dans une grotte du Jura Suabe, mais ce n'est pas un troglobie. 448 EMILE G. [lACOVITZA EoTEPÈRES. — Signales par Joseph dans les grottes du Karst comme représentés par quatre espèces, dont l'une très remar- quable et unique de son genre, ils n'ont pas été retrouvés depuis. Le Rotifère troglobie est encore à découvrir. TuRBELLARiÉs. — Plusicurs Planaires ont été signalées en Europe, Amérique, Nouvelle-Zélande, mais s'agit-il de troglobies ou de trogloxènes "? Voilà ce qu'il est encore impossible de savoir. NÉaiATODES. — Ont été trouvés, rarement il est vrai, mais en Europe comme en Amérique. Leur étude n'a pas encore été faite. Hydraires. — Fries a trouvé une Hydra absolument inco- lore et Joseph décrit une espèce nouvelle et douteuse de ce genre. Spongiaires. — Joseph, qui a trouvé des représentants cavernicoles de tous les groupes imaginables, se devait à lui- même de découvrir aussi une éponge souterraine. Il n'y manqua point et la décrivit sous le nom de Spongilla stygia. Protozoaires. — On s'est à peine occupé des Protozoaires . des cavernes. C'est naturellement Joseph qui fit les plus belles découvertes dans ce groupe aussi, mais ses déterminations sont très sujettes à caution. Ce qui est certain, c'est que les Proto- zoaires ne manquent pas dans le domaine souterrain, surtout dans les endroits où le guano est abondant. On en a signalé aussi de fixés sur le corps d'autres animaux cavernicoles. Parasites. — Voilà une véritable lacune dans l'étude des Cavernicoles ; nous ne savons presque rien sur les Parasites des habitants du domaine souterrain et pourtant le sujet peut être intéressant. Il est possible, en effet, que les Parasites à migration, n'ayant pas trouvé dans le monde souterrain, — à poijulation spécifique et générique restreinte, — les hôtes intermédiaires qui, dans le monde superficiel, ne leur font pas défaut, aient dû se livrer à des adaptations nouvelles. Quoi qu'il en soit, voici quelques exemples de Parasites trouvés dans les grottes. LES PROBLEMES BIOSFEOLOGIOUES 449 Des Champignons (Laboulbeniac('>s) ont été trouvés s'atta- quant aux Coléoptères cavernicoles. On trouve souvent sur les parois ou sur le sol des grottes des Nycterihie et des Eschatocephales qui sont ectoparasites des Chauves-souris ; des Puces de Mammifères ont été rencontrées dans la poussière du sol. Il est démontré que certaines larves d'Acariens se fixent sur les Coléoptères cavernicoles. CoPER a décrit un Lernéen ectoparasite d'Amblyopsis. On a mentionné aussi des Protozoaires qui seraient fixés sur les branchies du Protée et sur différents Animaux aquatiques ou terrestres, mais on ignore si ce sont des Parasites, Plantes. — Des Phanérogames, des Cryptogames vascu- laires, des Mousses et Lichens poussent volontiers à l'entrée des grottes ; certains se rencontrent assez loin dans l'intérieur sans atteindra pourtant l'obscurité complète. Ces Plantes présentent des modifications nombreuses dans leur forme, leur structure, et même leur mode de propagation ; mais ces adaptations sont individuelles et non héréditaires. Il n'existe aucun représentant de ces groupes qui puisse être con- sidéré comme cavernicole. On trouve quelques Algues et d'assez nombreux Champignons vivant à l'obscurité complète. Mais il ne paraît exister ni Algue ni Champignon exclusivement cavernicole. INIaheu (1906) pré- tend môme que les Champignons des cavernes ne peuvent se reproduire indéfiniment, car tous montrent une tendance mani- feste vers l'atrophie des organes de reproduction. Si cette conclusion de Maheu ne comporte pas d'exception, il faudrait considérer les Plantes trouvées dans les cavernes comme des habitants occasionnels, des trogloxènes, et ou ne pourrait plus parler d'une Flore cavernicole. Bactéries. — Les hygiénistes ont démontré que les Bactéries peuvent traverser, avec les eaux courantes, de vastes espaces souterrains et résister à de longs séjours souterrains, mais on ignore s'il existe des Bactéries vraiment troglobies. 430 EMILE (}. RACOVITZA VIII. Modalités de l'évolution des Cavernicoles. î^ous avons examiné, dans les pages qui précèdent, l'impor- tance du domaine souterrain, les conditions d'existence qu'il offre aux êtres vivants, l'influence que ces conditions peuvent exercer , les caractères taxonomiques qui résultent de ces influences, et enfin la composition de la faune et de la flore cavernicoles. Il nous reste à examiner toute une série de ques- tions du plus haut intérêt, mais qui, faute d'études appro- fondies, sont encore plus éloignées de leur solution que les pré- cédentes. Voyons en premier lieu comment s'est opérée la transforma- tion des Epigés en Cavernicoles, comment ont été acquis ces caractères spéciaux qui sont la résultante du séjour dans le domaine souterrain, en un mot, voyons comment les êtres sou- terrains se sont adaptés à leur habitat. Cette question, lorsqu'on lui donne son sens général, se pose pour tous les êtres de la terre. Je ne puis donc pas la traiter ici. Je vais exposer seulement, et d'une façon succincte, ce qu'il en a été dit à propos des êtres souterrains. Les opinions les plus diverses ont été émises au sujet de la rapidité avec laquelle s'est opérée la transformation des Caver- nicoles. Darwin (1859) et les naturalistes de son école soutiennent qu'il faut d'innombrables générations pour qu'un être puisse acquérir les caractères qui en font un Cavernicole. Packard (1889 et 1894) soutient que cette transformation s'est effectuée rapidement, en quelques générations, et pour mieux illustrer sa manière de penser il prend un exemple con- cret, un Trechus, dont il conte l'étonnante histoire. Nous revien- drons plus loin (p. 454) sur cette terrible tragédie biologique. EiGENTViANN (1900) admet, en certains cas, une transforma- tion brusque se faisant par sauts (Saltatory variation). Ces trois opinions paraissent inconciliables. En réalité, elles peuvent être admises toutes les trois, car s'il n'est pas possible LES PROBLÈMES BlOSPEOLÔCiIQUES 451 de soutenir que tons les Cavernicoles se sont adaptés par trans- formation lente, ou par transformation rapide, ou par muta- tions, il faut admettre que les trois modes d'évolution se ren- contrent dans l'histoire des adaptations subies par les habitants du domaine souterrain. Chacun de ces trois modes peut avoir caractérisé l'évolution d'une espèce, mais aussi l'évolution d'un seul organe. Et il n'est pas absurde d'imaginer que l'histoire évolutive d'une espèce puisse comporter, dans la transformation des différents organes, les trois modes à la fois. Dans la rapidité de la transformation, un fait paraît jouer le rôle capital : c'est l'importance de l'organe dans l'économie de l'animal et son ancienneté phylogénétique, en d'autres termes, l'intensité de sa « mémoire » héréditaire. Plus un organe est important dans l'économie de l'organisme, plus longue est la lignée d'ancêtres qui l'ont transmis, et plus la résistance qu'il offre aux influences du milieu est grande, plus par conséquent son adaptation sera lente. Ainsi, il est certain que le Protée vit dans le domaine sou- terrain depuis bien plus longtemps que beaucoup de Crustacés qui sont devenus aveugles, et pourtant ses yeux n'ont pas com- plètement disparu. L'histoire de l'appareil optique du Protée nous offre un exemple d'évolution lente, comme la demande Darwin. Les expériences de Pries (1873) et de Viré (1904) ont dé- montré que l'œil d'un Gammarus vivant à l'obscurité pendant un an montre des signes incontestables d'atrophie. Il est donc permis de conclure que la cécité des Niphargus, Asellus, etc., cavernicoles est due à une évolution très rapide, telle que l'ima- gine Packard. On lit dans Viré (1899) que des Crustacés soumis à l'obscu- rité ont présenté, au bout de trois mois, un allongement brusque des bâtonnets olfactifs. Voici donc un cas de variation salta- toire. Si cette variation était héréditaire, nous aurions affaire à une mutation. Les Plantes souterraines montrent aussi des ARCH. DE ZOOh. EXP. ET GÉX. 4= SÉRIE. T. VI. (VIl). 32 452 EMILE G. RACOVITZ.X chaugements brusques dans leur port et leur structure, mais il a été démontré que ces changements ne sont pas héréditaires. Ces exemples suffisent pour montrer que les trois ])rocédés évolutifs sont également possibles. On peut, de plus, s'attendre à rencontrer ces procédés simultanément, dans l'histoire d'un même Animal, pour ses ditîérents organes. Enfin il est absolu- ment démontré qu'il est impossible d'établir une règle étroite et exclusive pour l'ensemble des êtres cavernicoles. Il est tout aussi impossible d'admettre un processus unique des transformations des organes chez les Etres cavernicoles, et c'est à tort qu'on a essayé semblable généralisation. J'ai déjà fait remarquer que des organes analogues au point de vue fonc- tionnel peuvent être très différents au point de vue de l'ori- gine, du degré de développement et de l'importance dans l'éco- nomie d'une espèce ; par conséquent, leur histoire adaptative doit être très diverse. Prenons par exemple la transformation de l'appareil optique qui a été le mieux étudiée. Cinq opinions ont été exprimées à son sujet, chacune dans l'esprit de ses partisans devant s'appli- quer à l'ensemble de la forme cavernicole. On considère en effet que l'œil a disparu : 1° Par régression ; 2° par dégénérescence ; 3° par arrêt de développement ; 4^ par la lutte des parties de l'organisme ; 5° par économie de nutrition. KoHL a cru conclure de l'étude d'un Poisson cavernicole américain que la disparition de l'œil était due à un arrêt de développement. EigenjVIANn (1899) me semble avoir démontré que cette interprétation n'était pas exacte ; il s'agit, en l'espèce, d'une régression. Packard (1889) et d'autres ont signalé chez les Crustacés des cas où l'œil n'est représenté que par quelques ocelles isolés ou bien par quelques cornéules. Dans ce cas il s'agit d'une véri- table dégénérescence. Si les études de Kohl sur l'œil du Protée sont plus exactes que celles mentionnées plus haut, on aurait chez ce Batracien LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 453 un cas d'arrêt de développement. Dans d'autres directions, on peut aussi, d'ailleurs, signaler des arrêts de développement ; c'est ainsi que pe,ut être interprété, par exemple, le fait que la Pseudotremia cavernicole a moitié moins de segments que sa souche lucifuge Lisiopetalum, etc. Quant à la lutte des parties de l'organisme, elle pourra pro bablement être constatée dans les cas de dégénérescence. C'est à cette « lutte » que se rattache ce que Carpenter (1895) nomme « economy of nutrition », mais il cherche à baser son idée sur des arguments qu'on ne peut admettre : « There is a gênerai tendency among cave-animals to a decrease in size, and their food supply is undoubtedly very limited. » Donc la dispa- rition d'un organe inutile sera avantageuse. Admettons cette conclusion, tout en niant la «gênerai tendency », et la pénurie générale et permanente de nourriture. Concluons de tout ceci que les processus évolutifs qui se sont manifestés à l'occasion de la transformation des caverni- coles sont très variés, et que chaque organe et chaque espèce a son histoire évolutive particulière. Il nous faut maintenant examiner les facteurs qui ont agi dans révolution des Cavernicoles. Un premier facteur, et le plus important à mon avis, est l'influence directe du milieu combinée avec l'effet de l'usage ou du non-usage, et l'hérédité des caractères ainsi acquis. Darwin (1859) s'est rallié à cette interprétation de Lamarck, et Packard (1889), Chilton (1894), Eigenm.4nn (1899), etc., l'admettent également. En réalité, ce qu'on appelle théorie de Lamarck ne me semble pas être une théorie, mais une cons- tatation de faits, dont nous ignorons l'intime essence et le méca- nisme qui les provoque, mais dont aucune considération théo- rique ne peut mettre en doute la nécessité. Il ne m'est pas pos- sible de m'étendre sui' cette question qui n'est pas spécialement biospéologique. Un autre facteur est la sélection naturelle. Chose curieuse, Darwin (1859, pp. 149-152) lui-même nie son effet dans le 454 EMIF.E G. RACOVITZA domaine souterrain : a Comme il est difficile de supposer que l'œil, bien qu'inutile, puisse être nuisible à des animaux vivant dans l'obscurité, on peut attribuer l'absence de cet organe au non usage. » D'autre part, il croit que la lutte pour l'existence ne s'exerce pas dans ce domaine. On a vu que cette idée est fausse. De plus, si la sélection naturelle peut ne pas s'exercer à l'occasion de la disparition de l'œil, elle peut agir dans l'évolu- tion progressive des organes des sens compensateurs pour l'im- possibilité de voir, et même dans d'autres adaptations. Packard (1889 et 1894) nie avec acharnement l'influence de la sélection. Je résume ici l'histoire des vicissitudes d'un pauvre Trechus, qui, s'égarant dans le domaine souterrain, se trans- forma en cavernicole, car cette histoire précise bien ses idées. Un Trechus hypogé, habitué à creuser dans la terre, est entraîné « by varions accidents », dans une crevasse ou grotte sombre dont il ne peut sortir avec ses propres moyens. Il est trop vigoureux pour périr, a and with perhaps already partially lucifugous habits », il vit et se reproduit, « fiuding just enough food to enable them to make a bare livelihood, and with just enough vigor to propagate their kind ». En peu de temps les descendants sont adaptés, et « they would live on weak, half fed, half blind, forced to make their asylum in such forbidding quarters ». Oii y a-t-il place ici pour la sélection naturelle ? Obscurité « lack of suitable food and lack of destructive carni- vorous forms other than blind species themselves ». Nous avons affaire à des facteurs purement physiques qui travaillent dans une seule direction, la destruction des yeux. C'est un vrai cas de Lamarckisme : changement de milieu, non usage, isolement. Cette histoire de Trechus me paraît une légende, que je ne puis m'empêcher de qualifier d'enfantine, malgré l'estime que je professe pour un naturaliste comme feu Packard. La vraie histoire de son Trechus me paraît être la suivante : Lucifuge et plus ou moins compensé, il immigra volontairement dans le domaine souterrain, parce qu'il y trouvait des avantages : humi- dité pei*pétuelle et température constante. Loin de crever de LES PROBLÈMES BIOSPFOLOGIQTJES 455 faim, il lui tirriva maintes fois de faire ripaille, ce qui éveilla en lui les tentations de la chair, qui, satisfaites, fournirent copieuse progéniture. Il combattit courageusement ses féroces ennemis et vaillamment il fit concurrence à ses semblables ; et si maintenant il est un personnage marquant dans la popu- lation cavernicole, c'est parce que l'influence du milieu a per- fectionné ses aptitudes héréditaires, et parce que la sélection naturelle a augmenté refflcacité de ses armes d'attaque et de défense. Chilton (1894) raconterait cette histoire de Trechus presque de la mênu' façon, car, tout en admettant l'importance de l'in- fluence du milieu, et celle de l'usage et du non-usage, il croit à l'existence de la sélection naturelle. Hamman (1896) la nie, à tort comme on l'a vu. Lankester (1893) occupe un rang à part dans cette question. Il prétend qu'on n'a pas encore démontré la transmission des caractères acquis, que, par conséquent, on ne peut recourir à cette explication. D'ailleurs, la sélection naturelle explique faci- lement la cécité des Cavernicoles, et de la façon suivante : Beaucoup d'Animaux naissent fortuitement avec des yeux défectueux ; en supposant qu'une bande d'Animaux est en- traînée par hasard dans les grottes ou dans les abîmes marins, ceux qui ont de bons yeux reviendront vers la lumière, les autres resteront dans les parages obscurs et y feront souche de malvoyants. A chaque génération la même sélection s'opérera et le résultat final sera une population d'aveugles. EiGENMANN (1898) a durement reproché à Lankester cette théorie. Il dit, en ettet, qu'elle est basée sur deux faits : « the authors lack of knowledge about caves and lus disregard of the nature of the animais inhabiting them ». Quoi qu'il en soit, il est certain qu'elle est insoutenable. Tous les cavernicoles, aveugles ou non, sont lucifuges et descendent presque tous de souches également lucifuges. Les Animaux des cavernes ne sont pas aveugles et compensés pour l'impossibilité de voir parce qu'ils se sont « égarés » dans les 456 EMILE G. RAGOVITZA cavernes ; ils sont volontairement entrés dans les cavernes parce qu'ils étaient déjà plus ou moins aveugles et plus ou moins compensés pour l'impossibilité de voir. De plus, le peu d'obser- vations que nous possédons sur le développement des Caver- nicoles aveugles montrent que les jeunes ont un appareil optique plus perfectionné que les adultes {Proteus, Trogloearis, Gambarus). Cette dernière objection, déjà soulevée par Cunningham (1893) et Boulanger (1893) détruit les derniers doutes qui auraient pu subsister sur la fausseté de la théorie de Lankester. Un troisième facteur, invoqué par Weismann, est l'arrêt de la sélection naturelle et sa conséquence, la panmixie. Il n'y a aucune objection de principe à lui opposer ; la panmixie est dans les choses possibles, quoiqu'il soit difficile de l'observer directement, mais son efficacité doit être bien faible. Voyez ce qui se passe pour le Protée, qui est un des plus anciens habitants du monde souterrain, et qui, pourtant, n'a pas complètement perdu ses yeux, malgré la panmixie. Si, d'une part, elle peut répandre l'etîet de certaines variations dues à la cessation de la sélection naturelle, elle diminue les chances de conservation de beaucoup d'autres variations. Somme toute, son importance ne me paraît pas considérable. Quant aux autres vues théoriques des Weismanniens, des- tinées à expliquer les variations sans l'aide de l'hérédité des caractères acquis, qu'ils nient, mieux vaut ne pas en parler. PioCHARD DE LA Brûlerie (1872) et PACKARD (1889) invo- quent avec raison un autre facteur : l'isolement ou ségrégation, mais ce dernier exagère, non pas son importance, qui est extrême pour la constitution de nouvelles espèces ou variétés, mais sa rigueur dans le domaine souterrain. Certes, si l'on admet comme lui que les Cavernicoles sont des Lucicoles entraînés par acci- dent dans les cavernes, brusquement séparés de leur souche par la profondeur des gouffres, on doit logiquement considérer l'isolement comme absolu dès le moment de l'accident ; mais l'on a vu que cette conception n'est pas soutenable. La vérité est toute autre. Les Lucifuges qui ont fourni les immigrants LES PROBLEMES BIOSPÉOLOGIQUES 457 cavernicoles habitent soit les fentes et abris des lapiaz. soit les entrées de grottes, soit les eaux en continuité directe avec les eaux souterraines. Au commencement il y a certainement non isolement, mais promiscuité ; on peut, d'ailleurs, le constater directement pour les très nombreuses espèces qui vivent indif- féremment dans les grottes et à l'extérieur. Donc, au début de l'immigTation, la transformation doit être lente, la panmixie tendant à détruire ce que l'influence du milieu et l'eiïet de l'usage ou non usage ont pu jjroduire en fait d'adaptation au domaine souterrain ; mais, dès que la nouvelle colonie est arrivée à une certaine profondeur, l'isolement peut se produire et la transformation doit être rapide. L'isolement peut être brusque et absolu, lorsqu'il résulte d'une variation ou mutation qui empêche l'accouplement pour des raisons anatomiques ou physiologiques. Ce cas n'est pas spécial aux cavernes. Mais on peut imaginer des cas d'isolement qui sont sous la stricte dépendance des conditions d'existence que présente le domaine souterrain. L'obscurité ne doit pas jouer de rôle dans la question. Il en est autrement de la température et de riiumidité. Dans les pays où la sécheresse est périodique, l'époque de reproduction corres- pond à la saison humide, et dans les pays à hivers rigoureux il y a aussi une période sexuelle. La température et l'humidité constantes des grottes ayant probablement supprimé toute périodicité dans la maturité sexuelle des Cavernicoles, il peut résulter un isolement de cette différence entre la faune souter- raine et répigée. Enfin il faut mentionner un dernier facteur : la lutte des parties de l'organisme. Ce facteur, mis en valeur par Roux, peut, en certains cas, jouer un rôle important, surtout lorsqu'il s'agit d'organes déjà existants qui sont soumis à des influences qui leur sont contraires, et cela pour les faire disparaître. Mais son rôle est-il aussi important lorsqu'il s'agit d'organes favorable- ment influencés par le milieu ? Je ne le crois pas, parce que la disparition de l'organe non utilisé ne profite pas directement à 458 EMILE G. RACOVITZA l'organe favorisé, mais seulement indirectement ; les agents spéciaux de destruction qui existent dans les organismes déver- sent les butins de leur victoire dans le trésor commun, s'ils ne les consomment pas pour leur propre compte. Mentionnons seulement pour mémoire la modification de la. conception de Roux que Lendenfeld (1896) imagina à propos des travaux de Kohl sur l'œil des Vertébrés cavernicoles. Il ne me semble pas qu'il y ait autre chose à en dire. IX. Distribution géographique des Cavernicoles. Bedel et Simon (1875), dans leur excellent Catalogue des Articulés d'Europe, constatent que les grottes habitées se trouvent entre le 40*^ et le 00" de latitude nord. Cette conclusion, parfaitement légitime en 1875, s'est transmise sous forme de dogme jusqu'à nos jours. Beaucoup de biospéologistes croient qu'en dehors de la zone de Bedel et Simon il n'existe pas des grottes peuplées de vrais troglobies. Or, cette idée est certainement erronée. Il suffit de mentionner les trouvailles faites en Algérie, au Tonkin, dans la colonie du Cap, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Texas, les Philippines, etc., pour arriver à une toute autre conclusion. Il existe des Cavernicoles partout où il y a des massifs cal- caires et des eaux souterraines. Certes, il y a des différences dans le peuplement des différentes régions, mais cela tient à des causes multiples et locales. 11 n'est pas possible d'admettre, en l'état actuel de nos connais- sances, une cause générale qui puisse rendre azoïque une vaste portion du domaine souterrain. Si, jusqu'à présent, la faune cavernicole de la zone de Bedel et Simon est la plus riche et la plus variée, cela doit surtout tenir au fait que les grottes de cette zone ont été les seules bien étudiées. En Algérie, par exemple, dans les provinces d'Alger et de Constantine, beaucoup de grottes sont complètement sèches et azoïques, mais celles qui sont suffisamment humides sont par- LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 459 faitement peuplées. Comme, d'autre part, les massifs calcaires n'y sont pas très nombreux, il est certain qu'on ne peut s'at- tendre à trouver dans ces pays une population cavernicole com- parable à celle du Karst autrichien ou des Pyrénées. Mais je suis convaincu que les massifs calcaires, vastes, suffisamment humides, et situés en dehors des zones polaires, doivent cacher dans leurs cavités une riche population cavernicole, quelle que soit leur situation géographique. Cette question préliminaire une fois examinée, il nous reste à voir ce qu'on peut déduire de l'étude de la chorologie des Cavernicoles. Malheureusement, il faut convenir que nous ne savons presque rien à ce sujet ; les essais timides faits dans cette voie n'ont fourni que de vagues indications, d'ailleurs très sou- vent fausses. Je crois qu'il ne peut en être autrement, car toute étude chorologique me semble prématurée même pour le groupe le mieux étudié, les Coléoptères. Certes, on peut s'amuser à dresser des tables statistiques et disposer des noms en belles colonnes, mais l'importance d'un tel travail sera nulle. Pour faire œuvre sérieuse il nous manque, pour tous les groupes, un certain nombre d'études préliminaires indispensables : de bonnes révisions taxonomiques, des études sur l'origine et sur la filiation, sur l'éthologie, etc.. A ces lacunes s'ajoute aussi l'absence presque complète de renseignements sur les régions situées en dehors de la zone de Bedel et Simon. Mais, même lorsque ces lacunes seront comblées, on ne pourra se livrer à l'étude chorologique des Cavernicoles pris en bloc ; car les faunes et les flores souterraines sont des faunes et des flores dérivées, formées par une agglomération d'êtres absolu- ment diiïérents, dont l'origine, l'âge, l'ancienneté d'immigration sont très divers. On sera donc réduit à faire des chorologies spéciales pour chaque groupe homogène, ce qui ne sera pas moins intéressant. Ce que je viens de dire ne doit pas nous empêcher d'examiner quelques questions très générales dont la solution intéresse au plus haut point la chorologie des Cavernicoles. 460 EMILE G. RACOVITZA X. Origine des Cavernicoles. Tout le inonde admet que le domaine souterrain n'est pas un habitat primitif ; on est d'accord, par conséquent, pour consi- dérer les Cavernicoles comme des immigrants qui ayant quitté leur ancienne demeure ont eu à subir une adaptation plus ou moins profonde à leur nouvel habitat. Ces ImmigTants proviennent de plusieurs habitats épigés différents ; leur origine est donc multiple. Origine terrestre. — La très grande majorité des Caver- nicoles est terrestre et dérive de souche terrestre. Je n'insiste point. Origine limnique. — Les faunes des eaux douces superfi- cielles ont beaucoup de représentants dans les eaux souterraines. On peut se demander si les crues, fréquentes dans le domaine souterrain, suivies de périodes d'assèchement, n'ont pas occa- sionné la transformation de formes aquatiques en formes ter- restres, étant donné que l'humidité constante qui règne dans les cavernes facilite singulièrement cette transformation ; je rappelle seulement le cas du Niphargus et du Copépode men- tionnés autre part (voir p. 419). Pour l'instant, on ne connaît pas de Cavernicoles vraiment terrestres auxquels on puisse^ assi- gner cette origine, mais la rencontre d'une semblable forme ne serait pas étonnante. Origine marine. — Les découvertes de ces dernières années permettent d'attribuer une origine marine à certains Caverni- coles d'eau douce. Le fait est certain pour Cruregens de la Nou- velle-Zélande, il l'est moins pour les Cirolanides et Sphaeromiens d'Europe et du Texas, car ces groupes ont des représentants limniques et l'on ignore encore la vraie filiation de ces Crus- tacés cavernicoles. Quant aux Poissons cavernicoles de Cuba, on peut jusqu'à nouvel oi-dre les considérer comme de souche marine. LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 461 XI. Mode de peuplement du domaine souterrain. Il est nécessaire de résoudre une question préliminaire avant d'aborder l'examen des voies suivies par les Epigés dans leur immigration dans le domaine souterrain. Packard (1889), LAnkester (1893), et beaucoup d'autres, pensent que le peuplement des cavernes est dû au hasard des accidents variés qui ont pu y entraîner des habitants des zones superficielles. Packard admet aussi que les Animaux de grande taille, et même l'Homme, ont pu contribuer à ce peuplement en transportant dans les grottes les petits Animaux ou les germes accrochés à leur surface. En un mot, les biospéologistes de cette école croient que l'immigration dans les cavernes a été involon- taire. BiGENMANN (1898), Garuian (1892), etc., pensent avec juste raison que cette immigration a été volontaire. Je ne veux point dire que l'immigration ne puisse en aiu'im cas avoir été involontaire. Je pense que le cas a pu se présenter dans certaines conditions. Il faut, en elïet, faire une distinction parmi les espèces pouvant être entraînées dans les cavernes. Les êtres très inférieurs qui n'olïrent pas d'adaptation spé- ciale aux habitats épigés, ont pu faire souche une fois entraînés par accident dans le domaine souterrain. Ainsi certains Oligo- chètes terricoles, par exemple, peuvent être transplantés sans dommage dans une grotte à sol convenable. Mais ces êtres n'ont que très rarement fourni de vrais troglobies ; ils forment la masse de ceux qui habitent indiiïéremment les domaines sou- terrain et épigé. D'autre part, nous avons vu que les Plantes, qui sont certainement et toujours entraînées par accident (eaux de ruissellements, vents, bois flottés, animaux sauvages, etc.) dans les grottes, ne paraissent pas avoir donné naissance à des formes spéciales. On voit donc que cette catégorie d'êtres épigés n'a pas con- tribué notablement à donner son caractère spécial à la faune 462 EMILE G. RACOVITZA des cavernes. Ce n'est d'ailleurs pas de eeux-là qu'il est question dans la théorie des Packard et Lankester. Il s'agit, eu effet, des autres animaux plus élevés en organi- sation, comme les Arthropodes, Poissons, Batraciens, etc. Or, pour ceux-là je crois que l'immigration a certainement été volon- taire et progressive, sans pour cela exclure la possibilité de très rares exceptions ; il n'est pas difficile de le démontrer. Remarquons d'abord que, sauf exception douteuse, tous les Cavernicoles descendent de formes épigées lucifuges, à appareil optique plus ou moins réduit et à compensation plus ou moins parfaite pour l'impossibilité de voir ; ces formes étaient pour ainsi dire prédestinées à peupler les cavernes. Notons ensuite que journellement des représentants des formes vraiment pho- tophiles (Lépidoptères, Hyménoptères, etc.) sont entraînés dans le domaine souterrain, et pourtant aucun n'y a fait souche. D'autre part, les Animaux fixés, qui ne peuvent changer de place par eux-mêmes, n'ont pas colonisé les grottes. Et n'oublions pas, pour finir, que l'horreur de l'obscurité est un sentiment d'animal très supérieur, et que la lumière est moiîis indispen- sable à beaucoup d'Animaux qu'une température invariable et une humidité constante, et ce sont justement les importants avantages que les Cavernicoles sont allés chercher volontai- rement dans le domaine souterrain. Les voies d'accès qui ont servi à l'immigration dans les cavernes ont été, et sont encore, multiples. La principale, pour les Cavernicoles terrestres, doit être la fente. Les Animaux épigés lucifuges se cachent non seulement sous les pierres, mais dans les fissures des roches, et ils ne sont abondants et variés que là où la surface de la terre leur olïre semblables abris. A ce point de vue, les régions karstiques sont particulièrement favorables ; car, d'une part, les fissures y sont innombrables et, d'autre part, l'érosion fournit en abondance les pierres plates si aptes à servir de confortables demeures. Il est vrai que dans les régions karstiques l'eau ne peut séjourner longtemps à la surface, et la sécheresse qui y règne LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIOrîES 463 est caractéristique de ces régions ; mais c'est justement ce fait qui est favorable au peuplement du domaine souterrain. Les Lucifuges superficiels sont, en effet, forcés de rechercher l'hu- midité nécessaire à leur existence dans la profondeur des mas- sifs calcaires. Cette descente des Animaux dans les profondeurs de la terre à la recherche de l'humidité, et aussi d'une tempé- rature convenable, est un phénomène absolument général. Dans les pays chauds, pendant la saison sèche, des fentes de retraits, ({uelquefois très grandes, se forment dans les terrains plastiques ; les animaux s'y réfugient et n'en sortent qu'aux premières pluies. Dans les régions karstiques, à cause de leurs vastes espaces souterrains, l'immigration périodique dans les profon- deurs s'est transformée plus souvent qu'ailleurs en séjour per- manent. Une voie d'accès, moins importante, qui a ouvert le domaine souterrain à l'immigration des Superficiels, est l'entrée des grottes. C'est par là qu'ont pénétré un certain nombre d'Ani- maux de grande taille, et tous ceux qui descendent de cette faune spéciale qui a choisi l'entrée des grottes comme habitat préféré. Les aquatiques ont eu aussi les deux voies d'accès à leur dis- position : la fente et les pertes de rivières ou de lacs. C'est par là qu'ils ont colonisé les niveaux d'eau et les lacs ou rivières souterraines. On pourrait croire que la colonisation des eaux souterraines s'est fait le plus souvent d'une façon involontaire, puisque les Animaux aquatiques ne peuvent, souvent, résister aux flots qui les entraînent. Je ne crois pas plus à l'efficacité de l'accident dans ce cas que dans l'histoire de la colonisation terrestre ; car les mêmes arguments peuvent être invoqués dans les deux cas. L'observation a d'ailleurs démontré qu'à l'entrée et à la sortie des eaux souterraines, les faunes lucicoles et cavernicoles demeurent confinées chacune dans son domaine, et pourtant les crues doivent souvent opérer des mélanges. Pour les animaux d'origine marine, c'est la fente qui a dû 464 EMILE G. RACOVITZA être la voie d'accès dans les niveaux d'eau souterrains. On sait qu'à Texception des Poissons aveugles de Cuba, dont Thistoire n'est pas connue, tous ces Animaux sont très petits. Ils ont donc pu facilement passer à travers les fissures des niveaux d'eau qui souvent se déversent sous le niveau de la mer. Quand l'eau de ces niveaux est sous pression à cause des crues, l'eau douce refoule l'eau de mer ; en temps de sécheresse c'est, au contraire, l'eau salée qui pénètre dans les couches perméables qui affleurent sous le niveau de la mer. Il existe donc une zone qui présente souvent, de la mer vers la terre, un dessalement progressif des eaux, circonstance éminemment favorable à l'émi- gration des animaux d'un milieu dans l'autre. Les grandes sources sous-marines des régions karstiques peuvent aussi servir de voie d'accès dans les rivières souter- raines ; l'on a constaté chez quelques-unes le même renverse- ment dans le sens du courant que dans les niveaux d'eau. XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté des Cavernicoles. Avant de chercher à savoir si les Cavernicoles sont d'origine ancienne ou d'origine récente, il faut discuter la question de l'âge des cavernes ; il faut examiner, en effet, depuis quand l'habitat souterrain est prêt à recevoir les colons du domaine superficiel. Constatons d'abord que dans toutes les périodes géologiques se sont formés des calcaires et des roches pouvant contenir des niveaux d'eau. Il est certain, ensuite, que les agents qui actuel- lement travaillent à l'établissement d'un domaine souterrain travaillèrent aussi aux époques antérieures. Il ne nous est pas permis d'affirmer, ou même de supposer, qu'un massif calcaire ait été moins fissuré et moins attaqué par les agents atmosphé- riques pendant les époques primaire, secondaire ou tertiaire qu'il ne l'est actuellement, et il en est de même ])our la circula- tion des eaux souterraines et pour la formation de rigoles habi- tables dans les niveaux d'eau. LES PROBLÈMES BIOSPÉGLOPiIOUES 465 4 Il suffit d'avoir indiqué qu'à toutes les époques les mêmes agents ont travaillé qualitativement de la même manière les mêmes matériaux pour conclure qu'un domaine souterrain habi- table a toujours existé, et que, par conséquent, il n'y a aucune raison de croire que les Cavernicoles aussi n'aient pas existé. Mais il n'en résulte nullement que le même domaine souterrain et que les mêmes Cavernicoles ou leurs descendants se soient perpétués jusqu'à nos jours. Or, c'est justement ce qu'il faudrait savoir ; c'est cette continuité à travers les périodes géologiques qui ofïre seule un intérêt capital. Un exemple concret fera mieux saisir ma pensée. Prenons un massif calcaire d'âge dévonien. Nous sommes siirs qu'une fois émergé il a dû être façonné par les agents atmosphériques, et que très rapidement il a dû être rempli de fissures et de cavernes. Xous pouvons également admettre que le nouveau domaine souterrain a été peuplé par des êtres variés. Mais peut- on admettre que le domaine souterrain contenu dans les flancs de ce massif calcaire ait pu subsister et offrir des conditions d'existence suffisantes depuis cette époque jusqu'à aujourd'hui sans interruption"? Bu d'autres termes, pouvons-nous espérer trouver des grottes datant du carboniférien et peuplées depuis cette époque par les descendants des premiers colons ? L'observation directe a fourni fort peu de données relatives à ce problème ; il est vrai que cette question n'a pas suffisam- ment occupé les géologues. Martel (1903) cite une grotte comme étant certainement antérieure au pliocène moyen, puisqu'on a trouvé à son intérieur des dépôts de cet âge. C'est l'âge le plus ancien qu'on puisse attribuer avec assurance à une grotte non comblée. Parmi les grottes comblées on en trouve datant d'épo- ques bien plus anciennes. Martel et van den Broeck (1906) en citent qui furent remplies par des dépôts tongriens ; les phosphorites du Quercy sont déposés dans des fissures existant déjà au début de l'époque tertiaire. On ne peut donc pas par l'observation directe démontrer l'existence de grottes habitables très anciennes. 466 EMILE G. RACOVITZ A On peut alors se demander si Texisteuce de semblables grottes est possible à imaginer, car plusieurs conditions, qu'il doit être difficile de rencontrer réunies, sont nécessaires pour que pareille éventualité puisse se produire. Il faut d'abord supposer Texistence d'un massif calcaire très ancien, ayant été constamment émergé et n'ayant pas subi de trop puissantes actions géomorphogéniques. Il faut que ce luassif n'ait pas été recouvert par d'autres dépôts qui auraient pu le protéger contre l'action des agents atmosphériques. Il faut aussi, pour la continuité de la faune, qu'il ait été situé en dehors des zones ayant subi des périodes glacières. Il faudrait également savoir si un semblable massif calcaire, constamment émergé et non protégé par une couverture d'autres terrains, aurait pu résister à l'action des agents atmosphériques. On sait la puis- sance avec laquelle la corrosion et l'érosion agissent sur le calcaire ; aussi peut-on se demander si notre massif n'aura pas été assez rapidement transformé en totalité en terra rossa. C'est le devoir des géologues de nous renseigner d'une façon précise sur ce sujet ; en attendant, on peut admettre que les grottes très anciennes doivent être fort rares, mais qu'à partir de l'époque tertiaire elles ont pu fréquemment se conserver jusqu'à nos jours. En supposant connu l'âge d'un certain nombre de grottes, il ne faudrait pas conclure que les plus anciennes sont peuplées par les faunes les plus archaïques, et les plus récentes par les faunes les plus jeunes. Des Cavernicoles peuvent être plus anciens que la grotte qu'ils habitent actuellement, car ils ont pu émigrer d'une autre régiofi du domaine souterrain. D'autre part, la faune d'un massif calcaire peut être beaucoup plus récente que le massif lui-même; un événement a pu s'accomjjlLr, qui, tout en ne causant aucun dommage au calcaire, a pu com- plètement détruire l'ancienne faune et laisser le terrain vierge ]>our une colonisation nouvelle. Les périodes glacières anciennes (on en a signalé de permiennes) et récentes ont pu jouer ce rôle. Ces considérations, et ce ne sont pas les seules, suffisent pour LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 46* montrer combien la question de l'ancienneté des Cavernicoles est difficile à résoudi'e si l'on prend en considération l'âge de l'habitat. Elle n'est pas plus facile si l'on s'adresse aux Caver- nicoles eux-mêmes. Pour cette étude, comme pour tout ce qui touche aux Cavernicoles, on s'aperçoit très vite qu'on n'a pas affaire à un groupement homogène mais à un assemblage hété- rogène de formes qui ont chacune leur histoire particulière. En effet, dans la même région du domaine souterrain, on peut rencontrer toutes les catégories suivantes : I. Des êtres qui habitent indifféremment les grottes et les abris superficiels. II. Des Cavernicoles strictement limités au domaine souter- rain, mais qui possèdent des parents très proches dans le domaine épigé de la même région. Ces deux catégories sont, en général, composées de Caver- nicoles plus ou moins récents. III. Des Troglobies qui ont une extension géographique plus vaste que leurs proches parents lucicoles. IV. Des Troglobies dont les parents n'existent que dans un habitat différent. Ces deux dernières catégories sont composées de Cavernicoles plus ou moins anciens. Même entre êtres d'une même catégorie, il peut y avoir des différences d'âge considérables. Il est donc absolument impossible de parler, si l'on veut user d'une certaine précision, de « l'âge de la faune cavernicole » considérée comme un bloc, car chaque forme a son histoire particulière. Pourtant Packard (1889) soutient que toute la faune caver- nicole du monde entier est très récente, qu'elle date du com- mencement de la période quaternaire, et il croit devoir ne pas lui accorder plus de dix à quinze mille ans d'existence. Chilton (1894) est plus prudent ; il admet la possibilité d'une faune plus ancienne que le commencement du quaternaire, mais il croit aussi qu'en général l'ensemble est très récent. Il assigne AaCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. 4' SÉRIE. T. VI. (VU). 33 468 EMILE G. RACOVITZA à la faune qu'il a découverte dans les niveaux d'eaux de la plaine de Canterbury (Nouvelle-Zélande) un âge post-pliocène, le même que celui de la plaine elle-même, ce qui ne me semble pas abso- lument démontré. Je pense que du moment que la faune cavernicole de Canter- bury n'a pas de parents épigés, vivant actuellement dans la région, il faut lui attribuer un âge bien plus considérable ; l'âge de l'habitat, comme je l'ai dit plus haut, ne suffit pas pour fixer, sans autre considération, l'âge de la- faune, surtout lorsqu'il s'agit de faune limnique. (^ARPENTER (1895) coustatc aussi la vaste dispersion de cer- taines espèces cavernicoles : Amérique du Nord, Irlande, Médi- terranée. Il croit que les grottes (et par ce mot il ne comprend, comme tous ces contemporains, que les macrocavernes à l'ex- clusion des autres régions bien pins importantes du domaine souterrain) sont récentes, tandis que la communication entre ces diverses régions doit être plus ancienne. Donc, il trouve l'explication dans la transformation convergente des souches sous l'influence des mêmes facteurs. Il déclare que si ses déter- minations spécifiques sont exactes « we shall bave proof that the indépendant development of the same species under similar conditions, but in widely distant localities, hâve taken place ». Tout en ne niant pas le rôle possible des phénomènes de convergence dans l'histoire de quelques Cavernicoles, je ne puis admettre ni l'universalité de son action, ni les conséquences qu'en tire Carpenter. On verra plus bas que, si beaucoup de grottes peuvent être considérées comme récentes, il ne s'en suit pas qu'un domaine souterrain habitable n'ait pas existé avant elles. Les cas bien établis de vaste répartition d'un groupe caver- nicole {Gambarus, Proteus, etc.) sont certainement une preuve de l'ancienneté de ces formes et la convergence, portant sur autre chose que les quelques caractères d'adaptation à la vie souterraine, ne peut entrer en ligne de compte. De plus, il est inexact que les cavernes offrent partout exactement les mêmes LES PROBLÈMKS BlOSPKOLOGinUES 469 conditions d'existence ; il est donc difficile de concevoir une évolution convergente capable de produire des espèces iden- tiques dans des régions très éloignées l'une de l'autre. Ces quelques objections rendent inacceptables, me semble-t-il, les idées de Carpenter. Peyerimhoff (1906) a tout récemment proposé une sédui- sante théorie pour fixer l'âge des Cavernicoles terrestres. Il commence par constater que la sécheresse et l'humidité jouent un rôle capital dans la vie des Cavernicoles, et que les cavernes n'ont été habitables que vers le début du quaternaire. Or, à l'époque moustérienne le climat était constant et humide ; les souches de nos Cavernicoles pouvaient habiter la surface de la terre. Dans la période suivante, le Solutréen, le climat devient sec et variable, et les cavernes s'assèchent pro- gressivement. Les espèces délicates, incapables de s'adapter à ce changement climatérique, disparaissent ou émigrent, « quel- ques-unes remontent sur les hauteurs nuageuses et bien arro- sées, ou restent dans les anciennes forêts ; d'autres pénètrent dans les cavités du sol où le climat moustérien s'est conservé jusqu'à nos jours. Les formes grandes et agiles peuplent les cavernes ; les formes petites et lentes se contentent du sol et des crevasses. » Le peuplement des cavernes s'est constamment poursuivi depuis : « Au fur et à mesure du dessèchement de l'atmosphère, il a porté sur des espèces de plus en plus résistantes ; ainsi, le degré de résistance à la sécheresse extérieure, s'il était suscep- tible de mesure, pourrait dater l'immigration des diverses formes souterraines. La faune aquatique est peut-être beaucoup plus ancienne que la terrestre. Je crois que si Peyerimhoff avait essayé d'écrire l'histoire d'un groupe homogène de Cavernicoles (et c'est la seule manière, à mon avis, d'arriver à un résultat certain en biogéo- graphie) il aurait été bien embarrassé pour faire usage de son hypothèse, car nombreuses sont les objections de détail qu'on 470 EMILE G. RACOVITZA peut opposer à sa manière de voir. Il existe aussi des objections plus générales ; je veux en mentionner quelques-unes ici. Remarquons d'abord que son hypothèse ne peut s'appliquer qu'à une partie restreinte de la surface terrestre, et qu'il y a des cavernicoles partout. Il n'est pas exact de dire que le domaine souterrain n'était pas habitable pendant la période humide ; certes, le niveau des vallées était plus élevé, mais il est impossible d'en conclure que les massifs calcaires étaient complètement submergés. Si l'on peut admettre que la zone hydrostatique active était au niveau des grottes actuelles, il est non moins certain qu'il y avait au- dessus une zone non submergée, remplie de fentes et de grottes habitables, qui a été en partie ou totalement enlevée par l'éro- sion. D'ailleurs, que seraient devenues les Chauves-souris dont les plus anciens restes sont éocènes ! Auraient-elles modifié leurs mœurs, ou auraient-elles émigré vers des pays plus secs pour revenir ensuite ? Il n'est pas permis de le supposer. Les cavernes sont aussi habitées dans les pays pluvieux que dans les pays secs, dans les anciennes forêts humides que dans les causses nus. Certes, l'humidité joue un rôle très important dans la bio- logie des Cavernicoles, et c'est avec raison que Peyerimhoff insiste sur son importance, mais il n'est pas possible de la con- sidérer comme l'unique raison du peuplement de cavernes. Ce peuplement est dû à des causes multiples et spéciales à chaque souche de Cavernicoles. Est-il bien certain que la recherche de l'humidité ait été la cause de l'immigration des Locustides et de beaucoup d'Aranéides cavernicoles, par exemple ? Est -il bien démontré que dans les régions épigées sèches il n'y ait pas d'animaux aussi sensibles à l'assèchement que le plus sensible des Cavernicoles ? Et si de semblables animaux peuvent trouver le moyen de se défendre contre l'assèchement, sans descendre dans le domaine souterrain, est -il possible d'admettre que le degré de la résistance à la sécheresse peut dater l'immigration des Cavernicoles ? LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 471 On connaît des Cavernicoles terrestres dont la présence ou la répartition dans le domaine souterrain ne peut s'expliquer que par des conditions géographiques antérieures au pléistocène. Ainsi Phalangodes est un représentant de la faune tropicale, et il est parfaitement isolé en Europe. Anophthalmus existe aussi bien en Amérique qu'en Europe et, à moins de se rabattre sur la « convergence », il faut bien admettre entre les deux régions des relations continentales, qui ont effectivement existé mais avant le pléistocène. On trouvera dans un mémoire sous presse la description des formes archaïques d'Isopodes terrestres qui n'ont pas de parents dans la faune actuelle, etc. J'en conclus qu'on ne peut, pour fixer l'âge des Cavernicoles, se servir de l'attrayante hypothèse de Peyerimhoff, mênu' si l'on considère uniquement la faune européenne ; cependant, parmi les idées qu'elle contient, il y en a qui se trouveront pro- bablement réalisées dans l'histoire de certains Cavernicoles. Et j'arrive derechef à l'idée déjà exprimée que la faune caver- nicole terrestre, comme l'aquatique, est un mélange de formes d'âges très différents oii les très anciennes, antéquarternaires, ne peuvent pas manquer. J'accorde cependant volontiers que les formes archaïques sont plus nombreuses parmi les aquatiques. Et, dans mon idée, cela tient surtout à l'aire de dispersion plus grande et aux chances de destruction moindre des limniques. Garman (1892), Lendenfeld (1896), Caepenter (1895), Viré (1901), Hay (1902), etc., admettent plus ou moins expli- citement l'existence de formes très anciennes dans les cavernes, et très nettement des formes antérieures au pléistocène. D'ailleurs, parmi la faune d'eau douce les formes anciennes abondent. Inutile de citer des exemples, car presque tout le monde est d'accord à leur sujet. Leur nombre, au fur et à mesure des progrès de la biospéologie, ne peut manquer d'augmenter beaucoup, à en juger par les résultats obtenus dans ces dernières années. Pour résoudre la question de l'âge des Cavernicoles, il fau- drait pouvoir aussi s'adresser aux données de la paléontologie ; 472 EMILE G. RACOVITZA malheureusement, on ne connaît guère de Cavernicoles fos- siles. DOLLFUS (1904) a cependant d(^crit un genre nouveau fossile d'Isopode terrestre {Eoarmadillidium) trouvé dans une brèche, probablement tertiaire, d'os de Chauve-souris. Il hésite à considérer cet Isopode comme cavernicole, parce qu'il est oculé et qu'il n'existe pas d' Armadillidiurn cavernicole ; cette dernière raison n'est pas valable, puisque Verhoeff (1900) en a décrit une espèce des grottes de l'Herzégovine. Je viens d'établir que les formes anciennes ne sont pas rares dans le domaine souterrain, et que souvent ce sont les relicta d'un groupe actuellement disparu de la contrée et qui avait aupa- ravant une répartition plus vaste. Examinons maintenant ])ourquoi ces Animaux se sont con- servés dans les cavernes et quelles sont les causes qui les ont fait disparaître ailleurs. Les problèmes que soulèvent ces questions, qui se posent aussi pour d'autres faunes, sont très complexes et toujours difficiles à résoudre ; dans le cas des Cavernicoles, l'absence des données nécessaires est telle qu'il est même impos- sible actuellement d'entrevoir leur solution prochaine. Cela ne nous avance guère de dire avec Viré (1889, p. 112) : « Le milieu des cavernes est un des milieux les plus constants qui existent : une fois accomplies les modifications dues à l'obs- curité, l'animal ne doit plus, a priori, subir d'autres changements notables, ce qui explique et justifie {sic) la présence d'espèces disparues partout ailleurs. » D'une part, en eiïet, on ne peut actuellement démontrer qu'il existe de ces relicta qui ne diffèrent de leur souche épigée que par les caractères spéciaux dus à l'adaptation cavernicole. On peut constater, au contraire, entre ces (javernicoles et leur souche lucicole, des différences d'ordre spécifique, et même génériques, autres que les caractères adaptatifs à la vie obscuricole. Le « milieu des cavernes « n'est donc ])as si constant que le veut Viré ; je vais, d'ailleurs, signaler, dans le chapitre suivant, des causes nombreuses de variations qui ont dû l'affecter dans le cours des époques géologiques. LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 473 D'antre part, on connaît des relicta aussi dans le donndne épigé. Dans tous les habitats, même les moins constants, les faunes actuelles sont un mélange de formes anciennes plus ou moins modifiées, ayant persisté, et de formes récentes très diffé- rentes de leur souche. Il convient donc de ne jjas suivre Viré (1904a) qui commu- nique à l'Académie des sciences de Paris, parmi ses «conclusions en grande partie nouvelles », que la présence des Animaux dont il est question, dans les cavernes, démontre que« c'est là un point important pour les doctrines de l'évolution, en ce sens que l'on constate ainsi la transformation et la disparition d'une forme si le milieu vient à se modifier trop profondément, ou, au con- traire, la permanence même à travers les périodes géologiques si, au contraire, le milieu reste constant », car, si cette conclusion est vraie dans son sens général, — et alors sa paternité doit, il me semble, être attribuée à Lamarck, — en tant qu'explication de la persistance des formes anciennes dans les cavernes, elle est en général fausse. Les facteurs qui peuvent modifier la répartition géographique d'une espèce ne sont pas seulement les facteurs climatériques ou physiques. Il y en a d'autres, biologiques, dont l'importance est souvent extrême. Gamharus, en Europe, n'a pas de parents lucicoles. Peut-on afîirmer que ce sont les facteurs physiques qui ont fait disparaître la souche épigée f En aucune façon, puisque Gmnbarus a persisté en Amérique, aussi bien à la surface que dans les cavernes, et que sa patrie, l'est des Etats-Unis, a subi les mêmes vicissitudes climatériques que l'Europe. ISI 'est-il pas plus logique de supposer que les Cambarus épigés d'Europe ont disparu devant Astacus, et que le représentant cavernicole du genre a persisté, car il n'avait pas semblable ennemi à com- battre dans son domaine (1) 1 Et ne pourrait-on pas écrire sem- blable histoire pour Proteus î (1) Astacus est répandu en Europe, Sibérie, Corée, Japon et dans les Etats-Unis d'Amé- rique à l'ouest dps Montagnes Rocheuses. Cambarus habite le Mexique et les Etats-Unis à rest des Montagnes Ronheuses. ORTMANN (1902) pense que Astacus a envahi l'Amérique du 474 EMILE G. RACOVITZA Viré (1899, 1901, etc.) a tiré ses conclusions de l'étude d'un groupe d'Isopodes qu'il considérait à tort comme homogène. Ses spéculations phylogénétiques et paléontologiques sont donc illégitimes. Ces Crustacés sont-ils tous des formes anciennes ? Cela n'est pas du tout certain. Dérivent-ils directement de formes marines 1 Viré l'af&rme, mais il n'est pas encore possible de le sav^oir, car les Cirolanides, comme les Sphaeromiens, ont des représentants actuels d'eau douce et d'eau sauraâtre, et l'histoire réelle des différentes formes ne peut être précisée faute d'études suffisantes. Les Sphaeromiens cavernicoles (Monolistra, Caecosphaeroma, Vireia et Spelaeosphaeroma) (]) forment un groupe très homo- gène, et sont très probablement étroitement alliés entre eux. Tous proviennent des bassins des eaux tributaires de l'Adria- tique et de la Méditerranée occidentale, et n'ont pas été trouvés ailleurs. Ils paraissent avoir des affinités avec Campecopea, qui pourtant est une forme marine boréale. L'homogénéité du groupe et son étroite localisation suggèrent plutôt l'idée d'une origine monophylétique. Leur forme indique qu'ils ne sont pas adaptés à vivre dans les fentes étroites, mais dans de larges espaces aquifères, comme les lits des rivières et des ruisseaux souterrains. D'où il résulte qu'il est bien plus pro- bable qu'ils descendent d'une forme épigée, déjà adaptée à la vie dans les eaux douces et actuellement disparue. Il est donc piobable que nous avons affaire à des relicta anciens. Les Cirolanides cavernicoles (Cirolanides, Sphaeromides, Fau- rherio, et Typhlocirolana) ont une répartition géographique infiniment plus vaste : bassin du Rhône, Baléares, Texas. Leurs affinités entre eux sont encore obscures, faute de documents suffisants pour les trois premiers ; Typhlocirolana me paraît très Nord par la région actuellement occupée par le détroit de Behring: ce genre a persisté à l'ouest des Montagnes Rocheuses, mais les colonies qui avaient passé de lautre côté de ces montiignes se transformèrent en Cambarus. ('ette théorie d'ORTMANN pourrait se concilier avec l'explication que je suggère. (1) C'est à tort que Feruglio (1904) et Dollfus et Viré (1905) considèrent Spelaeo- gphaeroma comme voisin de Faucheria. car c'est un Sphaeromien et non un Cirolanide ; les dessins de Feruglio le montrent sans erreur possible. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 475 voisine, sinon génériquement identique avec Cirolanides. Les autres paraissent aussi avoir des affinités étroites avec les pre- miers, mais il n'est pas possible de savoir si cela est dû à la con- vergence ou à des liens du sang étroits. Typhlocirolana est très étroitement alliée au genre Cirolana, qui a été certainement sa souche et probablement celle des trois autres. Cirolana est pres- que cosmopolite, se rencontre à toutes les profondeurs et on la trouve aussi dans l'eau douce ; mais la forme des Cirolanides cavernicoles est telle qu'elle permet de concevoir leur descendance directe de formes marines, entrées dans le domaine souterrain par les niveaux d'eau qui ont un écoulement sous-marin, comme cela s'est certainement effectué pour le Cruregens néo-zélandais de Chilton (1894). Leur vaste répartition, d'autre part, nous suggère la possibilité d'une origine polyphylétique. Il est donc possible qu'ils soient d'origine récente. Voilà donc ce qui semble découler de ce que nous savons de Sphaeromiens et des Cirolanides cavernicoles. On ne peut rien tirer des données paléontologiques pour rendre plus précise cette vague esquisse. Ce qui est, par contre, évident, c'est que l'histoire des deux groupes doit être tout à fait différente, et que, d'autre part, il n'est pas possible de savoir quel rôle a pu jouer dans ces deux histoires « le milieu constant des cavernes », si même il en a joué un. Concluons donc. Les raisons de la persistance dans le domaine souterrain de formes anciennes sont multiples et spéciales à chaque forme. Du peu que nous savons il ressort que l'isolement géographique de ces Cavernicoles résulte de la disparition de leur souche épigée de l'aire de leur habitat actuel, plus souvent que d'une transformation de ces souches. Dans la disparition des souches épigées, les facteurs biologiques ont dû jouer un rôle plus considérable et agir plus souvent que les facteurs phy- siques. Les grands changements climatériques se font sentir en même temps et de la même façon dans le domaine souterrain et l'épigé. Ils doivent tendre à maintenir les ressemblances entre les faunes 476 EMILE G. RACOVITZA des deux habitats, tandis que les facteurs biologiques doivent accentuer les différences. Que reste-t-il donc à l'actif du facteur constance du « milieu des cavernes » ? Il me semble qu'il a, à peu de chose près, une réputation usurpée, Piochard de la Brûi^erie (1872) a déjà depuis longtemps démontré que le domaine souterrain est variable dans l'espace ; plus loin, il sera démontré qu'il est aussi variable dans le temps. Certes, le fait qu'il est généralement moins influencé par l'amplitude des variations climatériques que le monde épigé lui donne un avantage sur ce dernier, mais sa stricte dépendance des moyennes est en sa défaveur souvent, comme on le verra plus bas. Somme toute, je crois que la cons- tance toute relative des conditions d'existence du monde souter- rain a rarement été la cause réelle de la persistance des formes anciennes. XIII. La modification et la destruction du domaine souterrain, et le sort des Cavernicoles. Les modifications que peut subir le domaine souterrain dans le cours des temps sont nombreuses et les causes de destruction le sont encore plus. Il importe d'en examiner les principales. Les changements climatériques généraux font sentir leur influence dans les cavernes. Si la température moyenne annuelle s'élève ou s'abaisse, elle provoquera une variation correspon- dante dans l'intérieur des massifs calcaires ou des niveaux d'eau. Mais comme ces changements sont très lents, il est probable que leur influence sur les Cavernicoles est insignifiante, sauf dans le cas d'un abaissement de température près de 0^ ou au-dessous. Il est fort probable que, dans ce dernier cas, les Cavernicoles sont détruits, sans qu'il résulte nécessairement semblable destruction pour les épigés de la même région. L'Epigé dans une région à température moyenne animelle de 0°, ou au- dessous, peut jouir de saisons où la température est suffisamment élevée pour lui permettre de vivre convenablement ; mais le Cavernicole n'a pas semblable avantage, la température de LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 477 son milieu étant rarement différente de cette même moyenne. Si nous supposons maintenant un pays envahi par une glacia- tion intense, comme cela arrive au Groenland, par exemple, il est certain que tous les Cavernicoles terrestres seront détruits, non seulement par le froid, mais par la famine ; toute la nour- riture souterraine provient du monde épigé, et dans les pays à inlandsis cette source est tarie. Mais des êtres superficiels peuvent cependant subsister. Pour les Cavernicoles aquatiques, les conditions paraissent plus favorables. Il existe de Teau liquide sous les masses de glace, et comme les êtres aquatiques peuvent parfaitement vivre à une température de 0» (les Animaux marins vivent très bien à — 20), on pourrait en déduire la persistance des aquatiques souterrains, s'il était possible de leur trouver une source suffi- sante de nourriture. Bien des recherches restent à faire pour pouvoir vérifier les considérations toutes théoriques qu'on vient de lire. Pourtant, l'on sait déjà que les grottes situées dans le périmètre des grands glaciers pléistocènes sont relativement plus pauvres que les autres, et que leur faune paraît plus récente. On sait aussi c^u'il en est de môme pour les cavernes situées à de grandes altitudes, dans les régions oii la moyenne annuelle est très basse. Mais l'on sait aussi que les Cavernicoles résistent très bien aux basses températures, et l'on ignore malheureusement encore si les glacières naturelles sont habitées ou non. Il n'est donc pas pos- sible de conclure. Les changements de l'état hygrométrique ont la plus grande influence sur les cavernes et leurs habitants. Ces changements peuvent se manifester de deux manières : par la diminution ou par l'augmentation de l'humidité. L'assèchement complet d'une portion du domaine wsouter- rain occasionne natui'ellement la disparition des Cavernicoles, aussi bien aquatiques que terrestres, mais cet assèchement total est bien difiScile à imaginer, même dans les pays désertiques, car on a constaté dans ces régions aussi la présence de niveaux 478 EMILE G. RACOVITZA d'eau plus ou moins profonds. L'établissement d'un régime sec dans une région doit donc avoir pour résultat seulement la disparition des Cavernicoles habitant les macrocavernes, et le déménagement des amateurs de fentes dans les étages inférieurs. Il est vrai que s'ils y retrouvent l'humidité nécessaire ils sont exposés au manque de nourriture, car les ressources alimentaires diminuent, et rapidement, de la surface vers l'intérieur. Mais on conçoit plus facilement la possibilité d'une persistance des Cavernicoles aquatiques dans les niveaux d'eau profonds. Somme toute, le résultat final d'un climat sec doit être la disparition complète des Cavernicoles terrestres avec la persistance possible des aquatiques. L'établissement d'un régime humide, comme celui qui fut la cause des périodes glacières, occasionne de graves perturbations dans le monde souterrain. D'abord, par l'extension glacière dont j'ai mentionné les effets plus haut, ensuite par le rôle énorme que prennent les eaux courantes. C'est l'époque du creusement des vastes cavernes, et l'âge d'or des Cavernicoles aquatiques. Mais ces périodes sont moins favorables aux Cavernicoles ter- restres ; le niveau hydrostatique s'élève et les cavernes sont balayées par les crues. La vie des habitants des macrocavernes devient difficile et les habitants des fentes doivent s'établir dans les étages supérieurs. Il me semble même qu'on peut imaginer que cette ascension a été, pour certains, poussée jus- qu'à la surface. On sait que les fortes pluies font remonter les Hypogés et que dans les régions karstiques on peut trouver des Cavernicoles sous les pierres des lapiaz, à la suite de fortes crues. Et n'est-il pas plus logique de penser que bien souvent les superficiels à caractères cavernicoles sont d'anciens habitants de cavernes retournés à la surface à la suite d'une période humide, que des Animaux moustériens n'ayant pas suivi leurs frères dans les cavernes lors de l'établissement d'un régime sec, comme le veut Peyerimhoff (1906) f Je me hâte d'ajouter que seule l'histoire complète de chacun de ces êtres pourra nous renseigner à ce sujet. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 479 Une autre cause de bouleversement du domaine souterrain est la transgression marine. On connaît sa fréquence et l'am- pleur de ses effets dans l'histoire de la terre. Ces efl'ets furent certainement funestes à toute la population souterraine, sauf peut-être à quelques formes aquatiques qui ont pu s'accommoder de l'eau salée. L'émersion continentale a été, par contre, favo- rable au développement des Cavernicoles terrestres, mais souvent funeste aux aquatiques, par rupture de l'équilibre du niveau hydrostatique et l'assèchement des niveaux d'eau qui en résulte. On conçoit donc qu'une région soumise à des transgressions et émersions successives, et l'on en connaît de semblables, ait pu avoir plusieurs faunes et ilores cavernicoles successives dis- tinctes. Outre ces causes générales, qui agissent sur de vastes régions, il existe des causes à effets moins étendus qui peuvent faire disparaître jjIus ou moins complètement des portions du domaine soHterrain. Les mouvements orogéniques écrasent et laminent les massifs calcaires, ce qui peut produire la disparition des grandes cavités, et le vidage des bassins aquifères. Il est vrai que ces mêmes mouvements peuvent être favorables par la production de fentes et l'établissement de bassins aquifères qui n'existaient pas auparavant. L'action incessante de l'érosion et de la corrosion a pour résultat final l'effondrement du plafond des cavernes et la trans- formation de galeries souterraines en vallées à ciel ouvert ou canons. jL'abrasion complète d'un massif montagneux par le fait des agents atmosphériques est chose commune dans l'histoire de la terre. D'immenses nappes calcaires ont été ainsi enlevées qui n'ont laissé comme témoin de leur puissance passée que de faibles lambeaux isolés. Enfin il faut mentionner le colmatage des fentes et des grottes, qui est une phase nécessaire dans l'histoire d'un massif calcaire. L'eau, pendant les périodes humides, creuse et déblaie, pendant 480 EMILE G. RACOVITZA les périodes sèches elle comble au moyen de l'argile que la cor- rosion lui fournit en abondance. Ces causes locales, comme les générales, font disparaître les Cavernicoles plus ou moins complètement. Mais la disparition des Cavernicoles d'une région ne signifie pas toujours leur destruction complète et absolue. Les événe- ments énumérés ne sont pas des cataclysmes au vrai sens du mot ; ils demandent le plus souvent un temps très long pour s'accomplir. La variation climatérique, les mouvements oro- géniques, les abrasions, etc., s'effectuent pendant un laps de temps bien plus considérable qu'il n'en faut à l'organisme vivant pour gagner, de proche en proche, des lieux plus favorables, ou pour s'adapter à de nouvelles conditions. Donc, bien souvent le résultat de la destruction d'une partie du domaine souterrain sera non point la destruction de la x)opulation cavernicole, mais l'émigration ou la transformation de cette dernière. J'ai déjà mentionné des migrations possibles dans la masse des massifs calcaires ; on peut en concevoir d'autres effectuées d'un massif, et d'un niveau d'eau, à l'autre. Ainsi, il se peut que les périodes glacières aient provoqué une migration des sommets vers les vallées, et du centre de glaciation vers les régions indemnes, donc, en général, des pôles vers l'équateur. Une destruction complète des Cavernicoles n'est, d'ailleurs, admissible que lorsqu'il existe une barrière infranchissable à leur migration. Et ce cas doit être rarement réalisé d'une façon absolue ! Pour arrêter la dispersion de formes aussi hétérogènes que la popula- tion souterraine, il faudrait le concours de nombreuses barrières dont la présence simultanée, et efficace, est difficile à concevoir, puisque, ce qui est barrière pour une espèce peut être pont pour une autre. Mais même en supposant que la retraite soit complètement coupée à tous les Cavernicoles, cela ne signifie point qu'ils ne pourront quelquefois perpétuer leur race, en se transformant et en s'adaptant à de nouvelles conditions d'existence. Le temps ne leur fera pas défaut, car on connaît la lenteur des phéno- LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 481 mènes, et nombreux sont ceux pour qui cette transformation n'est pas plus difficile à imaginer que celle qui les fit naître de leur souche lucicole. Il ne peut y avoir d'objections de principe à l'hypothèse du retour possible des Cavernicoles vers leur habitat originel. Mais malheureusement, faute d'études dirigées dans ce sens, on ne peut pas citer des preuves formelles à son appui. Notons cepen- dant quelques indices. Comme exemple d'Epigé terrestre, à ascendants cavernicoles, on pourrait peut-être signaler quelques Coléoptères, par exemple certains AnopMhalmus. Titanethes alpicola Heller, si réellement sa station normale est sous les pierres de la surface, est très pro- bablement aussi de souche cavernicole. On a un peu plus de certitudes de l'existence d'Animaux d'eau douce à souche cavernicole ; Forel (1901, p. 215) considère avec raison, me semble-t-il, certains Niphargus et Asellus, aveugles et abyssaux, comme étant les descendants de formes ayant habité les niveaux d'eau. Mais dans ce cas, le milieu abyssal lacustre et le cavernicole sont si semblables qu'on peut difficilement parler d'adaptation. Je ne possède pas même des indices pour l'adaptation d'un Cavernicole, bien entendu aquatique, au milieu marin. Et pour- tant, étant données les communications existant entre la mer et les eaux souterraines, pourquoi pareille adaptation serait- elle impossible, puisque la migration inverse s'est certainement effectuée'? Pourquoi certains Abyssaux marins à caractères de troglobies, et qui ne sont pas fouisseurs, ne seraient-ils pas des descendants de Cavernicoles ? Il me semble que pareille possi- bilité peut être admise, FucHS (1894) admet comme possible la migration inverse, des abîmes vers les grottes, idée qui ne me paraît pas justifiée. Il déclare soutenir depuis longtemps que la faune abyssale est plutôt une faune obseuricole qu'une faune froide, et qu'elle est née surtout à la suite d'une adaptation à l'obscurité, plutôt qu'à la suite d'une adaptation à une basse température. Si l'idée 482 EMILE G. KACOVITZA est exacte, il faut que les grottes marines soient peuplées de formes abyssales et non littorales. Et il cite des exemples qui lui paraissent prouver qu'il en est bien ainsi. J'ai dit autre part (v. p. 434) qu'il est possible qu'un certain nombre de formes abyssales, plus ou moins aveugles, soient les descendants de formes lucifuges littorales, mais il est certaine- ment faux que toute lii faune abyssale, ou même que la majeure partie de cette faune soit d'origine lucifuge. On a vu qu'au contraire toutes les formes à yeux hypertrophiés doivent avoir eu des ascendants photophiles. La condition d'existence impor- tante pour la faune abyssale est la température basse ; cela n'est pas douteux, puisque cette faune suit fidèlement les couches froides, quel que soit leur éclairement ; on sait qu'elle monte dans les régions polaires jusque dans la zone littorale et sublittorale. Les exemples que cite Fuchs à l'appui de son idée me sem- blent mal interprétés. a). Keller aurait trouvé dans les cavernes des récifs coral- liens de la mer Eouge, des Coraux et des Eponges qui, d'ordi- naire, vivent à vingt et trente brasses. Il s'agit donc de faune sublittorale et non abyssale ; moi-même j'ai constaté que, quelquefois, dans les grottes marines, la faune sublittorale remonte plus liant qu'en dehors de ces abris et remplace en partie la littorale. Mais je m'explique cela d'une toute autre manière. Beaucoup de formes littorales ne peuvent pas vivre dans ces grottes parce que la lumière leur est nécessaire. Beaucoup de formés sublittorales peuvent y vivre parce que, d'une part, elles n'ont pas besoin de lumière et qu'elles trouvent la place libre et, d'autre part, parce qu'elles sont soustraites, comme dans leur milieu naturel, aux variations considérables de température produites par l'insolation directe. J'ai constaté aussi que les grottes à faune sublittorale étaient en même temps des grottes à eaux calmes ; il faut donc faire intervenir un autre facteur : les mouvements de l'eau. Beaucoup de sublittoraux montent LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQIIES 483 aussi dans la zone littorale quand ils trouvent une anse com- plètement abritée, où les vagues ne se font jamais sentir. b.) Munidopsis genre abyssal (100-2.000 brasses) n'a qu'un représentant littoral, le M. polymorpha Simon et Koelbel, qui habite une grotte marine de Lanzarote (Canaries). Il est exact que Munidopsis est un genre abyssal ; cependant on connaît M. Tanneri Faxon, de 85 brasses, et M. polita S. I. Smith, de 79 brasses, ce dernier habitant l'Atlantique ; il n'est donc pas certain a priori que M. polymorpha descende d'une forme abyssale. D'autre part, il paraît que la Cueva de los Verdos, oii on le trouve, est faiblement éclairée par un trou du plafond ; ce n'est donc pas l'obscurité complète qui a attiré cet animal dans la grotte. Calmân (1904) dit qu'on n'a pas trouvé d'autre animal ou végétal dans le lac souterrain oii habite M. polymorpha ; pour- tant ce Crustacé doit se nourrir % On voit que l'éthologie de M. polymorpha est trop peu connue pour que son cas puisse servir à échafauder une théorie générale comme celle de FUCHS. c). Enfin Lucifuga dentata, Poisson aveugle de Cuba, qui habite des grottes communiquant avec la mer, appartient à une famille qui est mieux représentée dans les abîmes que dans la zone littorale ; il montre une ressemblance notable avec Aphyonus gelatinosus, qui vit à 1.400 brasses. L'histoire de Lucifuga n'est pas bien connue, et ses rapports avec les autres genres ne sont pas encore très clairs. Les études récentes ont montré que le groupe des Zoarcidés, où on le place, est dérivé des Blenniidés, Poissons largement représentés dans la zone littorale, ou sublittorale, comme beaucoup de Zoarcidés d'ailleurs. Il est donc bien plus naturel de supposer, jusqu'à preuve contraire, que les formes cavernicoles sont issues des formes littorales. Que ces Poissons d'origine littorale, une fois devenus cavernicoles, aient pu être contraints de s'adapter à nouveau au milieu marin et qu'ils aient pu faire souche d'es- pèces abyssales aveugles, je ne vois là rien d'impossible. Cela ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. IV'' SÉRIE. T. VI. (VlI) 34 484 EMILE G. RACOVTTZA expliquerait les affinités indéniables de Lucijuga et Stygieola avec les formes abyssales des Zoarcidés. J'arrête ici l'exposé des questions qui doivent être étudiées et des problèmes qui doivent être résolus pour qu'on puisse établir la Biospéologie sur des bases scientifiques. Pour m 'exprimer clairement, et pour être court, j'ai présenté la plupart de ces questions et problèmes comme s'ils avaient déjà été résolus. Il règne donc dans cette rapide enquête un ton afflrmatif qui serait déplacé s'il n'était autre chose qu'un artifice pour faciliter mon exposé. Pour qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions, je répète ici, en terminant, ce que j'ai dit en commençant : Tl n'est pas possible, en Biospéologie, de procéder actuellement par synthèse à cause de l'insuffisance des documents, observa- tions et expériences. Le seul but des pages qu'on vient de lire est de classer les problèmes biospéologiques, de les poser tels qu'il me semble qu'ils doivent l'être, et non de les résoudre. AUTEURS CITES 1902. Absolon (K.). Ueber die Apterygoten Insecten der Hôhlen Exiropas mit besonderer Beriicksichtigung der Hôhlenfauna Màhrens. (Verh. 5<^ internat. Zool. Congr., Berlin, pp. 804-805.) 1905. Banta (A. M.). The Fauna of Mayfleld's cave. {Science, N. Y. Vol. XXI, pp. 853-854.) 18,^5. Bedel (L.) et E. Simon. Liste générale des Articulés caver- nicoles d'Europe. {Journ. de Zoologie publié par G. 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KAGOVITZA Cette première série comprend 44 grottes de toutes les dimen- sions, situées, en France, dans les départements des Alpes- Maritimes, Hautes-Pyrénées, Basses -Pyrénées et Ariége, et en Espagne dans les provinces de Huesca, Alicante et îles Baléares. Quelques mots d'explication préliminaire nous semblent néces- saires pour indiquer comment nous comptons faire la descrip- tion des grottes et le but que nous poursuivons par cette des- cription. Nom de la grotte. — A défaut de nom inscrit sur les cartes officielles de la région, nom que nous adoptons toujours, quitte à faire les observations nécessaires s'il y a lieu, nous donnerons les noms que nous auront indiqués les gens du pays. Localité. — Pour les grottes bien connues dans le pays, ou marquées sur les cartes, nous nous contenterons d'indiquer la (1) Voir pour le premier mémoire: Archives de Zool. Exp. et Gén.. 4* série, tome VI, p. 371. ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉX. — 4' SÉRIE. • - T. VI. — (VHl). 35 490 JEANNEL kt HACOVITZA commune et le département. Nous sommes moins avares de détails lorsqu'il s'agit d'une caverne peu connue. Altitude au-dessus du niveau de la mer. L'altitude est, le plus souvent, déterminée approximativement d'après les meil- leures cartes de la région et dans ce cas nous ajoutons env. (en- viron) au chiffre des mètres. Quand ce mot manque, cela signifie que nous avons pu nous procurer l'altitude exacte, soit parce qu'elle existe sur les cartes, soit parce que nous avons pu la déterminer à l'aide du baromètre altimétrique, soit enfin parce que nous avons pu, sans trop de recherches, trouver les rensei- gnements nécessaires dans les travaux des spéologistes. Dans ce dernier cas nous citons nos sources. Roche. — Nous indiquons autant que possible l'âge en même temps que la nature de la roche dans laquelle est creusée la caverne, et cela d'après les cartes géologiques ou, en citant la source, d'après les travaux des auteurs compétents. Comme l'âge du terrain qui contient la grotte ne joue pas un rôle appréciable en biospéologie , nous avouons ne pas faire de grands efforts pour le connaître. Date de l'exploration, renseignement qui peut être très néces- saire dans l'étude de l'éthologie des Cavernicoles. Matériaux. — Nous donnons, pour le moment, simplement les noms de groupes des êtres cavernicoles recueillis , nous réservant de fournir plus tard, quand les spécialistes auront terminé leurs travaux, une liste spécifique des faunes et flores de chaque caverne. Numéros. — Les chiffres sont ceux des numéros inscrits sur les étiquettes qui identifient les échantillons soumis au spécia- liste. Description. — Une grotte dont il n'existe pas de plan orienté et coté ne peut pas être considérée comme suffisam- ment décrite. Nous sommes très convaincus de cette vérité. Mais pour lever un plan il faut du temps, et nous avons pensé qu'il valait mieux employer en totalité le nôtre à la recherche des Cavernicoles. L'un de nous a exposé, dans le premier mé- GROTTES VISITÉES 491 moire de Biospéologica. les raisons qui rendent actuellement l'étude (( extensive )> du domaine cavernicole plus utile que son étude « intensive ». Il importe plus de voir beaucoup de grottes que de voir beaucoup dans la même grotte. C'est cette idée qui guide nos recherches. Mais cela nous impose une vitesse de déplacement incompatible avec un levé soigné. Les descrip- tions que nous donnons plus bas sont donc destinées unique- ment à atteindre les buts suivants : a) Fournir une idée générale sur les grottes visitées, et donner des renseignements sommaires sur les conditions d'existence offertes aux Cavernicoles qu'on y a recueillis. h) Signaler aux spéologistes les particularités exceptionnelles et intéressantes, quand il s'en présente. c) Permettre à ceux que la chose intéresse de dresser leur programme d'exploration avant de se rendre dans les régions que nous avons visitées. C'est dans ce but que nous avons compris dans notre énumération les grottes ne nous ayant pas fourni de matériel biologique, et que nous avons mentionné quelquefois les renseignements obtenus au cours de nos voyages sur des grottes que nous n'avons pas pu visiter. Il va sans dire que ce qui précède ne signifie pas que nous nous abstiendrons systématiquement de faire des recherches très détaillées sur une grotte. Nous espérons même nous livrer, à l'occasion, à de semblables études. Comme certaines grottes d'accès facile pour nous seront visitées plusieurs fois — et le cas s'est déjà présenté — nous espérons arriver à les connaître suffisamment pour établir des monographies détaillées tant au point de vue physique que biologique. Mais il est inutile d'ex- poser longuement des projets; mieux. vaut passer sans plus tarder à l'exposé des faits qui nous occupent ici. 1. Antre ou Grotte de Gargas. Située près du hameau de Gargas, commune d'Aventignan, département des Hautes -Pyrénées, France. — Altitude de 49â JEANNEL et ÎÎ ACOVITZA 520 mètres à l'entrée inférieure et 550 mètres à l'orifice supé- rieur (d'après Regnault et Jammes) (1). — Roche : Calcaire crétacique inférieur (2). — Date : 30 et 31 juillet 1905. Matériaux : Coléoptères, Diptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Gastéropodes, Oligocliètes. — Numéros : 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. La grotte est formée par un long couloir plusieurs fois coudé, dont le sol -présente une forte pente générale ascendante. On peut distinguer dans cette caverne deux régions très diffé- rentes. Une région inférieure, humide et froide, formée par un vesti- bule en contre-bas de l'entrée, et par une belle galerie, très large, dont le sol, en pente ascendante, est formé de séries de gours, très peu profonds, qui indiquent qu'un écoulement lent des eaux eut lieu par cette galerie. Actuellement l'eau a complète- ment disparu, sauf dans deux minuscules bassins situés der- rière un massif de stalactites. Les parois sont couvertes d'un revêtement stalagmitique et quelques stalagmites hérissent le sol ; en plusieurs endroits il y a de faibles suintements d'eau. L'aspect général de cette partie de la grotte indique qu'elle a dû être creusée suivant un joint de stratification. Au fond de la galerie le plafond s'abaisse et l'on pénètre, en suivant un couloir presque comblé par de l'argile déposée en bancs épais, dans la seconde partie de la grotte, la région supé- rieure, qui est plus sèche et beaucoup moins froide. Cette région paraît s'être formée le long d'une diaclase. Elle possède de nom- breuses stalictites, un revêtement stalagmitique partiel, mais aussi beaucoup d'argile sur son plancher. La salle principale est habitée par les Chauves-souris, qui ont formé un dépôt assez (1) F. Regnault et L. Jammes. Etudes sur les puits fossilifères des Grottes (Grottes de Tibiran, Hautes-Pyrénées) [C. R. Ass. Fr. Av. Sciences, 27- sess.. Nantes. 1898, 2* partie pp. 549-555, 2 flg., 1899). (2) F. Regnault. La grotte de Gargas. {Revue de Commmges, 1885, avril. U p., 3 pi.) GROTTES VISITEES 493 considérable de iiiiiuio. Un conloir à sol fortement déclive permet de monter à Torifice supérieur de la grotte. La température dans le vestibule inférieur était de 10° C, l'eau des petites flaques d'eau avait 9°5 C. Dans le vestibule supérieur j'ai trouvé pour l'air 20° C. comme pour la température extérieure. L'air froid s'écoule par l'entrée inférieure et aspire l'air chaud par l'orifice supérieur, ce qui occasionne un courant d'air assez fort et un réchauffement anormal de la partie supé- rieure de la grotte. La grotte est visitée par un très grand nombre de touristes. Son sol a été fouillé en plus^ieurs endroits et a fourni des restes de grands Mammifères quaternaires ainsi que les preuves du séjour de l'homme préhistorique. Dans la partie basse de la grotte, sur les parois du vestibule et de la galerie, sont posés de nombreux Némocères (n^ 4) et des Tinéides. Dans la galerie, sur du bois pourri, j'ai capturé des Oollemboles, des Campodea, des Oligochètes et de petits Diptères (no 3), quelques-uns venant d'éclore. Dans les petites flaques d'eau j'ai trouvé des Aselles (n^ 9). Tous les autres animaux proviennent de la région supérieure et surtout de la salle aux Chauves -souris; c'est sous les pierres ou les mottes d'argile recouvertes de guano que la récolte fut plus abondante. Les pièges ont attiré un Aphaenops et de très nombreux Diplopodes (n^ 7) jaunes rosés avec une série de points rouges foncés de chaque côté du corps ( Typhîoblaniulus f) Racovitza. 2. Grotte de Tibiran. Située près de la grotte de Gargas dans le même massif, mais sur le territoire de la commune de Tibiran. Hautes-Pyrénées, France.]] — "^Altitude d'environ 475 mètres (d'après Eegnault et Jammes, 1899). — Roche : Calcaire crétacique inférieur (REGNAUI.T). — Date : 31 juillet et 1 août 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- 494 JEANNEL et RACOVITZA podes, Aranéides. Pscudoscorpionides, Acariens, Mollusques. — Numéros : 10, 11, 12, 13. La grotte est formée par une grande salle circulaire très haute et par plusieurs boyaux divergents. Deux puits assez profonds creusés dans le plancher de la grande salle n'ont pas été visités. Il n'y a pas de mares ou flaques d'eau, mais un ruissellement assez abondant s'observe sur quelques parois et en de nombreux endroits l'eau s'égoutte. Beaucoup de stalactites, quelques-unes très blanches, et de grandes surfaces couvertes de revêtement stalagmitique. Le sol est en grande partie formé par de l'argile en couches épaisses. Je n'ai pas constaté la présence de guano de Chauves-souris. La grotte n'est pas vi.sitée actuellement par les touristes. Elle a été fouillée et a fourni les restes d'une faune quaternaire sem- blable à celle de Gargas. De nombreux Diptères non cavernicoles couvrent les parois de la grande salle ; sont surtout très nombreux les Némocères (no 4) signalés à Gargas. Les autres animaux capturés furent trouvés sous les pierres. Les pièges ont attiré de nombreux Di])lopodes et quelques Col- lemboles. Dans un des couloirs latéraux, dans la partie la ])lus éloignée de l'entrée, un Hélicide rampait sur une stalagmite en compagnie de Diplopodes. Kacovitza. 3. Grotte de l'Ours. Située sur la rive droite de la Neste. en face Lortet, dépar- tement des Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Diptères, ('oléoptères, Myriapodes, Aranéides. — Numéros : 15, 16. GROTTES VISITEES 495 Cette grotte s'ouvre dans un massif calcaire qui forme falaise du côté de la berge de la Neste. Plusieurs orifices produits par l'éboulement de la falaise la signalent. Un couloir étroit et bas, d'une vingtaine de mètres, à parois sèches et à sol couvert d'un dépôt crayeux et friable, aboutit à un trou étroit qui conduit dans une galerie humide, de mfnnes dimensions, avec quelques stalactites et quelques massifs stalagmitiques. Les parois sont couvertes d'un revêtement stalagmitique à cristaux brillants ; par place il y a des concrétions en forme de mousses. Un pas- sage que je n'ai pas exploré irait très loin, au dire des traditions locales. La grotte est habitée par les Chauves-souris, mais il y a peu de guano. Dans le couloir sec, nombreuses Tinéides, Némocères (n^ i), Cnlicides et Araignées. Dans la partie profonde et humide ces animaux ont pénétré aussi, mais en petit nombre. Près de cette grotte s'ouvre un couloir montant, à pente très forte, qui aboutit à un i)etit dôme. Tout le sol est envahi par l'argile. C'est pro})abl('ment le canal d'évacuation des eaux absorbées par un aven situé sur le plateau. Kacovitza. 4. Grotte du Cochon. Située près de la précédente, à Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Hyménoptères, Myriapodes, Aranéides. — Numéros : 17, 19 bis. C'est une failh' qui a donné naissance à cette caverne, qui a la forme d'une fente étroite et haute, d'nue quinzaine de mètres 496 JEANNRL et RACOVITZA de longueur. Quelques stalactites ; les parois sont couvertes, dans le fond, d'un revêtement stalagmitique; le sol est argileux. L'humidité est assez grande. Pas de guano de Chauves-souris. Les Tinéides, les Némocères et les Culicides se tiennent sur les parois en quantité prodigieuse. Très nombreux aussi sont les Lithohius (n« .17) et les Diplopodes (no 17) ; des Aranéides tissent leurs toiles de tous les côtés. Sous une plaque d'enduit stalagmitique, formant un abri sur la paroi, j'ai trouvé une cinquantaine de grands Hyménop- tères réunis en un amas compact. La lumière de la bougie les fit remuer, mais au lieu de s'envoler, ils se laissaient tomber à terre. Eacovitza. 5. Grotte fortifiée. Située dans la même falaise que la précédente, mais à un niveau supérieur. Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique infé- rieur. — Date : 2 août 1905. Cette grotte présente un intérêt archéologique par les grands travaux qui furent exécutés pour la rendre habitable. Mais comme la lumière pénètre partout, elle n'est pas intéressante à notre point de vue. Elle est formée par un ensemble d'exca- vations peu profondes. Dans l'une d'elles, un couloir fort court, envahi ^^ar l'argile, se termine par un petit dôme ; une petite source tombe du dôme dans une vasque naturelle. Eacovitza. 6. Grotte de la Neste. Située comme les trois précédentes dans la même falaise, à Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Isopodes. — Numéro : 18. GROTTES VISITÉES 497 C'est une grande excavation située au pied de la falaise, à quelques mètres au-dessus du niveau de la Neste. Plusieurs ouvertures y donnent accès. L'humidité est très forte, l'eau ruisselle en bien des .endroits ; les stalactites sont nombreuses et le revêtement stalagmitique abondant. La lumière pénètre jusqu'au fond. Racovitza. 7. Grande Grotte de Labastide. Située près de Labastide, sur la rive droite du ruisseau l'As- pugue, Hautes-Pyrénées. France. — Altitude de Labastide : 524 mètres ; la grotte est située plus haut. — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905. Matériaux : Diptères, Myriapodes, Mollusques. — Numéro : 18. La grotte est située à mi-hauteur d'une grande falaise calcaire au sud-ouest du village de Labastide. Au fond d'une fosse cir- culaire, que dessine d'un côté une forte pente d'éboulis et de l'autre une haute paroi à pic, l'entrée proprement dite s'ouvre au pied de la paroi rocheuse. C'est une voûte très surbaissée, de belles proportions, qui, après qu'on est descendu p«T une forte pente d'éboulis et de très gros blocs, donne accès dans une salle presque circulaire aux proportions grandioses. Le sol est formé par des éboulis et par de l'argile : les suintements sont peu abondants et il n'existe pas de bassins ou flaques d'eau. Deux grands massifs rocheux, limités par des parois à pic, occupent les deux côtés de l'entrée et montent jusqu'aux trois quarts de la hauteur de la salle. Il paraît qu'en escaladant la falaise qui se trouve à droite de l'entrée, on parvient sur une sorte de plateau où commence un couloir si étendu que deux heures d'exploration n'ont pas permis d'en voir la fin. J'ignore si ces racontages reposent sur quelque chose de sérieux, car le temps ne m'a pas permis de gravir le massif rocheux en question. 498 JEANNE L et RAGOVITZA Lu luiniëre pénètre dans la grande salle jjresque jusqu'au fond. A l'entrée de la grotte se forme un brouillard assez épais dans la zone de contact de l'air froid de la grotte avec l'air chaud du dehors. Ce phénomène doit êtr§ assez rare, car je ne l'ai point observé ailleurs. Les animaux sont très peu nombreux dans cette cavité ; les ISfémocères et Tinéides trogloxènes eux-mêmes, mentionnés dans les grottes précédentes, paraissent manquer. Eacovitza. 8. Petite Grotte de Labastide. SiUiée dans le même massif et non loin (à 10 minutes) de la j)récédente, à Labastide, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude de Labastide : 524 mètres ; la grotte est à peu près au même niveau que la précédente, mais jîlus haut que le village. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens. Myriapodes. — Numéros : 20, 21, Pour entrer dans cette grotte, il faut passer sous des ponts rocheux, restes de l'ancien vestibule effondré, et se glisser par une fente étroite. On dévalle une forte pente argileuse et l'on se trouve dans une très belh? salle oblongue où le travail de l'eau d'infiltration est fort actif. Tout un côté de la salle est recouvert de revêtement stalagmitique. Stalactites nombreuses et beaux massifs de stalagmites, quelques-uns très blancs. Sur le plancher formant une pente légère, sont de nombreux gours pleins d'eau, ayant jusqu'à 25 centimètres de profondeur et souvent plus d'un mètre de longueur. L'eau ruisselle dans cette partie de la salle et tombe aussi du plafond, en s'écoulant en nappes vers la partie opposée qui est dépourvue de stalactites et possède un sol formé d'éboulis et d'argile. Dans un coin de la salle une cheminée obliqiu' et fort étroite laisse passer un faible courant d'air ; il est possible qu'on puisse arriver par là dans d'autres galeries. GROTTES VISITEES 499 Quelques N«%iocères (n» 4) furent vus près de l'entrée. Les autres animaux capturés sont de vrais troglobies. Les Aphaenops couraient à la surface des enduits stalagmitiques, leur station préférée. Je signale aussi la grotte de l'Aspugue, qui est une goule absorbant le ruisseau de même nom ; l'ouverture en voûte sur- baissée se trouve au pied de la falaise à égale distance des deux grottes que je viens de décrire. On prétend dans le pays que la résurgence de l'Aspugue a lieu de l'autre côté du massif calcaire, à Esparros. Des canards auraient accompli ce trajet souterrain. Tout le massif de Labastide est donc fort intéressant et mérite une sérieuse exploration ; je le signale aux confrères qui disposeraient de plus de temps que je n'en ai eu moi-même. Je crois que leur peine sera récompensée par de belles décou- vertes. Racovitza. 9. Petite Grotte du Tunnel de Camous. Située dans le tunnel du chemin de fer, près Sarrancolin, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 650 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 4 août 1905. Matériaux : Aptérygogéniens, Aranéides. — Numéros : 22, 26. Découverte en creusant le tunnel ; était entièrement close de toutes parts. C'est une petite cavité de quelques mètres avec quelques stalactites et des parois en partie recouvertes par un revêtement stalagmitique. Deux petits gours contiennent encore un peu d'eau. Les Araignées et les Campodea que nous y avons trouvés sont de simples troglophiles. Jeannel et Bacovitza. 500 JEANNEL et RACOVITZA 10. Grande Grotte du Tunnel de Camous. Située dans le tunnel du cheniin de fer, près Sarrancolin, Hautes - Pyrénées , France. — Altitude : 650 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date ; 5 et 6 août 1905. Matériaux :T>iil^tève'fi, Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides. — Numéro : 25. Cette grotte a été découverte à l'occasion du creusement du tunnel ; elle n'avait aucune ouverture apparente. Elle a été aménagée par les soins de la Compagnie des chemins de fer et son entrée est fermée par une grille. Un couloir assez long con- duit à un carrefour d'où partent deux galeries très humides. La galerie de droite est presque horizontale ; dans son pla- fond, plusieurs cheminées étroites paraissent monter très haut et dans son plancher s'ouvrent trois puits, dont l'un est profond de 15 mètres et contient de l'eau. Les stalactites sont nom- breuses et un revêtement stalagmitique recouvre partout une épaisse couche d'argile. Quelques petites flaques d'eau s'y ren- contrent aussi. La galerie de gauche descend rapidement vers le niveau de la rivière (la î^este). On y observe quelques formations stalac- titiques près de l'entrée ; le fond est bouché par un fort banc d'argile. Ce dépôt, qui recouvre d'ailleurs toutes les parois et même le plafond, porte des traces récentes de l'action de l'eau. Quelques gours s'observent dans les parties hautes de la galerie. Dans la galerie de droite la température de l'air était de 11"25 C. et celle de l'eau 10°. Dans la galerie de gauche la tem- pérature de l'eau était de O^S C. Il n'y a pas traces de Chauves-souris. Près de l'entrée de cette grotte les Tinéides sont en quantité prodigieuse ; quelques Culicides s'y voient aussi. La récolte a été maigre dans les deux galeries. Les pièges placés dans l'eau n'ont rien donné. Sur des morceaux de bois GROTTES VISITÉES 501 quelques CoUeraboles et des larves de Diptères. De rares Arai- gnées et Myriapodes ont été rencontrés sur les parois. Jeannel et Racovitza. 11. Grotte d'Ilhet. Située dans la vallée de la Baricane, à 1 kil. d'Tlliet, commune de Sarrancolin, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 700 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique. — Date ; 5 et 6 aoiàt 1905. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- néides, Pseudoscorpionides, Ixodes. — Numéros : 23, 24. L'entrée de la grotte, difficile à trouver, se trouve au tiers de la hauteur du massif calcaire qui forme la rive gauche de la Baricane. Du vestibule étroit on passe par un couloir en forme de fente dans une petite salle entièrement encroûtée de stalac- tites. Une cheminée, dans laquelle on a de la peine à se glisser, mène sur la corniche d'un massif stalagmitique d'où il faut descendre avec une corde dans une salle oblongue, de forme très irrégulière. Des tranchées profondes et des puits s'ouvrent dans le plancher de cette salle. Toutes les parois sont recou- vertes d'un revêtement stalagmitique ; les stalactites coniques ou en draperies et les colonnes abondent. Un des puits n'a que 4 mètres de profondeur et il aboutit à une cavité close ornée de magnifiques stalactites d'une blancheur et d'une finesse admi- rables. Sur ses parois on remarque quatre corniches, indiquant d'anciens niveaux d'eau, formées par de jolies concrétions. L'argile et les éboulis manquent complètement. Quelques petites fiaques d'eau existent dans les parties basses de la salle. Cette gTotte est due à une faille et la corrosion a joué un grand rôle dans sa formation. La température était le 5 août : air : 8^8 C, et le G août : air : 8o5 C, eau : 8». Nous n'avons pas entièrement exploré cette grotte et bien des recoins restent à visiter. 502 JEANNEL et RAGOVITZA Nous n'avons pas vn traces de Chauves-souris. Pourtant deux Eschatocephalus furent trouvés sur les parois. Les pièges n'ont rien donné. Les Araignées, les CoUemboles, les Coléoptères pro- viennent du fond de la grotte. Les Myriapodes et les Pseudo- scorpionides de l'entrée. Plus haut dans la montagne, mais plus près d'Ilhet. s'ouvre une eavité qui n'a que quelques mètres de profondeur. A l'entrée, sous les feuilles sèches, un Bathyscia a été trouvé. On nous a signalé aussi des grottes, dont l'une très vaste, paraît-il, à Fréchet-Aure, non loin d'Arreau, mais il a été impossible d'avoir des renseignements précis sur leur situation exacte. Jeannel et Racovitza. 12. Cueva de las Devotas. Située vers le milieu du Paso de las Devotas, partido de Bol- tana,provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 750 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 13 août ]905. Matériaux : Coléoptères, Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Mollusques. — Numéros : 33, 34. Cette grotte est formée par deux salles. La première, qui s'ouvre à l'extérieur par une ouverture ogivale, a environ 10 mètres de longueur sur 4 à 5 de largeur. Sur le plancher deux grands gours sans eau. Au fond, un éboulement ancien recouvert d'un revêtement stalagmitique et un rideau de sta- lactites forment une cloison derrière laquelle s'allonge une seconde salle d'une douzaine de mètres de longueur, sur 3 à 4 de large. Son sol est également occupé par des gours vides. Une des parois est nue, l'autre est couverte de stalactites. Cette salle se continue par une fente basse mais très étendue qui s'est formée suivant un joint. GROTTES VISITEES 503 La temporatiiro au fond est très peu inférieure à celle de l'air extérieur. Les Oulicides sont très nombreux sur les parois ; quelques Tinéides et de nombreuses toiles d'Araignées pleines de Mous- tiques. Les Coléoptères (Bathyscia) sont nombreux et proba- blement attirés par les cadavres de Moustiques, car on ne voit pas d'autre source de nouiriture. Jbannel et Eacovitza. 13. Cueva del Molino. Située sur la rive droite du Rio Aso, au-dessus du moulin de Sercué, sur le territoire de la commune de Vio, partido de Bol- taiia, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Bâte : 17 août 1905. Matériaux : Névroptères , Aptérygogéniens , Myriapodes, Palpigrades, Aranéides, Opilionides. — Numéro : 38. L'entrée en voûte surbaissée conduit dans un vestibule gran- diose ayant 35 mètres de large et 56 mètres de long sur une dizaine de mètres de haut. Au fond du vestibule, à droite de l'entrée, s'ouvre une galerie de 200 mètres de long sur 25 de large et 4 à 5 mètres de hauteur. Elle aboutit à une vaste salle oblongue d'une quinzaine de mètres de hauteur, qui possède une annexe presque aussi grande mais située à environ 5 mètres plus haut que le niveau de son plancher ; cette sorte de second étage, qui a pris naissance par un colossal éboulement, est tout à fait sec, et n'a jamais subi l'action de l'eau. Il n'y existe aucune sorte de concrétion, et les éboulis sont couverts d'une épaisse poussière argileuse due à l'action de l'air sur la roche. En trois endroits nous avons trouvé de grands amas coniques d'argile pulvérulente couleur marc de café. Les autres parties de la grotte sont parcourues par un ruisseau 504 JEANNEL et RACOVITZA qui prend sa source apparente dans un coin de la salle du fond. Un magnifique massif stalagmitique, reposant sur une plage de galets et occupant le milieu de la salle, le force à contourner les parois au pied du second étage ; il coule ensuite au milieu de la galerie, se déverse dans le vestibule eu nappe mince sur une surface couverte de gours très plats et reforme un lit étroit à la sortie de la grotte. Dans la galerie il y a deux bancs puissants de galets roulés et le sol est couvert d'une épaisse couche d'argile dans laquelle le ruisseau s'est creusé un lit, de 2 mètres de largeur et 25 centi- mètres de profondeur, absolument rectiligne sur une grande partie de son étendue. Les berges sont plates et leurs bords droits comme tracés au cordeau. L'écoulement de l'eau est lent, car les différences de niveau sont insignifiantes dans le sol de la grotte. Comme les galets sont en partie recouverts d'un revê- tement stalagmitique et que près de l'entrée existent des grands gours à un niveau élevé, il est certain que le débit du ruisseau a beaucoup diminué ; il devait occuper toute la largeur des galeries pendant les crues et c'est à ce moment que la couche argileuse a été déposée en masses épaisses. Les stalactites sont peu nombreuses, mais il existe de beaux massifs stalagmitiques dans la galerie. Sont à noter deux particularités assez rares. Près de l'entrée de la galerie se voit une rangée de stalactites de forme conique, les unes blanches translucides alternant avec d'autres colorées en brun. D'autre part sur l'argile, au fond de cette galerie, se sont formées des stalagmites simplement fichées dans la masse meuble du sédiment. On les soulève sans effort de la petite cavité oii repose leur base ; quelques-unes dépassent un mètre de hauteur et 20 centimètres de diamètre. Les animaux habitent plus volontiers la salle sèche du fond que les galeries parcourues par le ruisseau. Un bel Ischyropsalis, plusieurs Glomérides, des Araignées et des Diplopodes {Typhlo- blaniulus) furent capturés dans la première. De rares Araignées et quelques Colembolles furent pris sous les galets du ruisseau. (îROTTES VISITEES 505 Une Phryganp fut aussi capturée, mais nous n'en avons pas trouvé à l'état larvaire dans le ruisseau. Jeannel et Eacovitza. 14. Cueva Llobrica. Située sur la rive gauche du Rio Vélos, dans le massif des Sestrales, commune de Vio (?), partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 18 août 1905, Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Opi- lionides. — Numéros : 40^ 41. La grotte s'ouvre dans une falaise à pic, à une centaine de mètres au-dessus du niveau de la rivière, par une grande voûte ogivale d'une quinzaine de mètres de hauteur. Une galerie montante à direction S.-N. se coude en angle droit vers l'O. et aboutit à une salle moins élevée, dont le fond en pente descen- dante est rempli de blocs énormes éboulés. A droite un petit couloir à parois tapissées de revêtement stalagmitique est pourvu de quelques stalactites. La longueur totale peut atteindre 100 mètres. Le sol des galeries et les roches éboulées sont couverts de poussière argi- leuse. Pas de stalactites et point d'eau dans la galerie principale. Dans le petit couloir du fond les Bathyscia sont abondants. C'est de cette partie de la grotte que proviennent aussi presque tous les autres animaux capturés. Jeannel et Eacovitza. 15. Cueva de los Moros. Située sur la rive droite du Rio Xalle, vers le milieu de la gorge nommée Gloces, commune de Fanlo, partido de Boltaîia, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.300 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 19 et 20 août 1905. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4' SERIE. ï. VI. (VIIl). 36 506 JEANNEL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aranéides, Ixodes. — Numéros : 43, 44. Les gloces du Eio Xalle sont des gorges extrêmement étroites, et hautes d'une cinquantaine de mètres ; par endroits la largeur ne dépasse pas un mètre et souvent il est impossible de voir la rivière, car les deux parois ont des corniches alternantes dans le sens de la hauteur. C'est dans la falaise de la rive droite que se trouve la grotte ; il faut descendre par une corniche puis monter un talus d'éboulis ; on arrive ainsi au pied d'une paroi dans laquelle sont percées deux ouvertures superposées de 4 à 5 mètres. L'ouverture infé- rieure permet d'atteindre une cheminée dont l'escalade conduit, au niveau de son ouverture supérieure, à l'entrée de la grotte. Celle-ci a environ 50 mètres de longueur ; une galerie montante N.-S,, presque en ligne droite, tourne ensuite à angle droit vers l'E. et se termine par une cavité étroite. La forme de cette grotte est singulièrement régulière et la coupe de ses galeries est ogivale. Le plafond a 4 à 5 mètres de hauteur. Le plancher est occupé par une énorme coulée stalagmitique formée par une pâte calcaire assez dure, dont la blancheur contraste avec la couleur noire des parois. Deux rochers percent comme des îlots noirs la masse blanche. Le dépôt stalagmitique rappelle par sa forme une coulée de lave. Peu de stalactites ; quelques piliers stalagmitiques ; des gours vides sont parsemés sur le plancher. La température de l'air était de IPS C. L'humidité était forte, mais nulle part on ne voyait de l'eau liquide. Cette grotte est d'une « propreté » remarquable ; ni détritus ni pierres sur le sol. Cependant les Coléoptères cavernicoles ne manquaient pas, mais la plupart étaient morts et envahis par un Champignon. Près de l'entrée beaucoup de Némocères, de Culicides, de Tinéides et de Phryganes. JEANNEL et EACOVITZA. GROTTES VISITEES SO- IS. Cueva de abaho de los Gloces. Située à 50 mètres de la précédente, à un niveau un peu infé- rieur, à 20 mètres au-dessus du niveau du Rio Xalle, commune de Fanlo, partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.300 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supé- rieur. — Date : 19 et 20 août 1905. Matériaux : Hyménoptères, Diptères, Coléoptères, Myria- podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 45. On entre par un couloir de 5 à 6 mètres de haut, parfaitement régulier, dont la coupe est ogivale, et dont le sol est couvert par des galets de rivière, qui disparaissent plus loin sous une coulée blanche stalagmitique pourvue de gours. Un détroit, occa- sionné par un massif de stalagmites, conduit dans un second couloir plus bas de plafond qui se termine par une cloison sta- lagmitique au pied de laquelle il y a un petit bassin d'eau. Cette première partie de la grotte mesure environ 66 mètres. Un violent courant d'air se faisait sentir à l'orifice d'une cheminée très étroite et tortueuse creusée dans la cloison sta- lagmitique du fond du couloir. Nous avons fait agrandir ce passage qui nous a conduit dans une vaste salle dont le plancher était formé par une couche épaisse d'argile pourvue de fentes de retraits. Sur les parois il y avait quelques stalactites de couleur sombre, leur niasse étant fortement mêlée d'argile. On pénètre ensuite dans un couloir étroit, mais d'une hauteur qui par endroits doit dépasser 30 mètres, et qui s'est formé sur le trajet d'une énorme faille. De formidables éboulis encombrent en deux endroits ce couloir dont la largeur dépasse rarement 3 mètres. Tout le sol et les parois jusqu'à une grande hauteur sont couverts d'argile qui a formé souvent de véritables stalac- tites ou des coulées stalagmitiques de couleur sombre. De place en place il existe des stalactites blanches de calcaire pur. Nous avons été arrêtés par un mince éperon rocheux ayant une fente 808 JEANNEL et RACOVITZA étroite do chaque côté. Il est possible qu'au moyen d'échelles on puisse aller plus loin. La longueur de cette seconde partie de la grotte est d'environ 234 mètres. La différence de niveau est très faible entre l'entrée et le fond, et le tracé presque rectiligne. La température de la première partie de la grotte était de 13°8 C. pour l'air et de 10° C. pour l'eau. Dans la seconde partie nous avons trouvé 10^ C. pour l'air. Dans la première partie de la grotte les Culicides sont nom- breux ; les autres animaux capturés proviennent tous de cette partie. Dans la seconde nous n'avons trouvé qu'un Coléoptère {Bathyscia). Au fond même du couloir terminal était un crâne de mouton. Nous avons d'ailleurs remarqué des traces de Eenards (?) sur le sol argileux. Jeannel et Eacovitza. 17. Cueva de les Paharitos. Située dans la partie d'amont du Barranco de Pardina, gorge découpée dans le plateau nommé Plan de Tripals, commune de Fanlo, partido de Boltaria, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.800 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supé- rieur. — Date : 21 août 1905. Cette grotte, ouverte dans la falaise qui forme la rive gauche du Barranco, n'a qu'une dizaine de mètres de profondeur. L'en- trée est majestueuse, le plafond formé par un joint de stratifi- cation est plat et repose sur deux murs verticaux. Au fond il y a un trou par lequel sort un violent courant d'air froid, ce qui indique que la grotte se continue au delà. D'une fente de la paroi sort une petite source; une autre source plus considérable, sortie d'une fente, forme une cascade de 5 à 6 mètres de hauteur non loin de la grotte. GROTTES VISITEES 509 Signalons ici un aven remarquable par sa forme régulièrement cylindrique et ses parois polies (serait-il produit par un moulin du glacier qui a dû recouvrir toute cette région "? ) qui se trouve à 5 minutes de la Caseta del Plan de Tripals. Son diamètre est d'environ 3 mètres ; sa profondeur sondée donne 16,50 m. Jeannel et Racovitza, 18. Causse de la Peiia Collarada. Située sur le mont Collarada, Canfranc, partido de Jaca, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 2.300 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. Date : 31 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Isopodes. — Numéro : 57. L'énorme massif de la Peiia Collarada est entièrement cons- titué par des bancs épais de calcaire crétacique et présente les phénomènes karstiques les mieux caractérisés : grottes, sources intermittentes, lapiaz, roches percées, avens, etc. L'étude géographique n'en est pas faite ; elle promet d'être fort intéres- sante. Sur le versant sud du massif, un vaste plateau présente le phénomène du lapiaz sous ses formes les plus classiques. Fentes parallèles corrodées, crêtes tranchantes, cavités arrondies, trous de corrosion depuis le diamètre d'une pièce d'un sou jusqu'à celui de 30 à 40 centimètres. De plus tout le plateau est parsemé de dépressions de forme le plus souvent circulaire et de diamètre variant entre 3 et 10 mètres. îfous eu avons vu une dizaine, mais il y en a beau- coup plus, d'après les dires du guide. Des niasses de neige, plus élevées au centre qu'à la périphérie, car le contact de la paroi provoque une fusion plus rapide, occupent le fond de ces dépressions. Il est difficile de savoir si ce sont là des dolines d'effondrement ou des avens formés par corrosion. La neige empêche la vue du 510 JEANNEL et RACOVITZA fond, et ne permet pas de sonder leur profondeur vraie. L'un de nous est descendu dans une de ces dépressions dont l'orifice présentait une échancrure formée par une pente d'éboulis. Au pied de l'éboulis, qui avait 5 mètres de hauteur, apparaissait l'orifice proprement dit, qui était circulaire et en partie caché par la paroi à pic de la dépression. Cette ouverture laissait voir un puits à parois verticales et parfaitement lisses qui était comblé de neige à 5 mètres de profondeur. Cette dépression était donc bien un aven produit par l'action extérieure des eaux s'exer- çant sur une fente préexistante. Une autre dépression formée manifestement sur le trajet d'une faille doit être interprétée de la même façon ; mais les dolines d'effondrement doivent certainement être représentées sur ce plateau. Quoi qu'il en soit, il nous semble que ces dépressions ne doivent pas communiquer par des fissures larges avec les grottes et galeries qui doivent traverser la masse rocheuse sous-jacente. En effet, si ces communications existaient il se formerait des courants d'air qui ne permettraient pas à la neige de persister jusqu'à cette époque de l'année. Il va sans dire qu'il n'existe ni ruisseau, ni source sur ce plateau ; toute la circulation se fait sous terre. Les bergers sont forcés, pour se procurer l'eau à boire, de détacher de gros blocs de neige, de les enfiler sur des bâtons et de les laisser fondre au soleil. Sous les pierres qui entourent l'orifice des avens ou dolines, nous avons trouvé des Isopodes et des Coléoptères troglophiles. Jeannel et Eacovitza. 19. Cueva de abaho del Collarada ou Cueva de las Guixas. Située à la base de la Pena Collarada, sur la rive gauche du E.io Aragon, à 2 km. au nord de Villanua, partido de Jaca, pro- vincia de Iluesca, Espagne. — Altitude : 1.000 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 30 août 1905. GROTTES VISITEES 5H Matériaux : Diptères, Siphonaptères, Coléoptères, Aptéry- gogéniens. Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Iso- podes. Mollusques. — Numéros : 52, 53, 54, 55. Cette grotte est citée dans le catalogue de PuiG y Larraz (1) sous le nom de Cueva de las Guixas ; mais ce nom ne semble pas être connu des gens du pays, qui l'appellent Cueva de abaho del Collarada. La gi'otte est un complexe de galeries formant trois étages et communiquant avec l'extérieur par autant d'orifices. Elles ont été creusées par un fort ruisseau souterrain qui actuelle- ment coule à un niveau inférieur et sort par un quatrième ori- fice situé dans la berge même du rio Aragon. L'eau remplit en entier l'orifice de sortie, ce qui en défend l'accès. H existe donc en réalité quatre étages de galeries. La première ouverture au-dessus de la source donne d'une part dans une galerie descendante basse pleine d'énormes cail- loux roulés et de galets, se terminant par une fente étroite rem- plie d'argile ; cette galerie est dirigée sans doute possible vers le courant souterrain et sert peut-être de trop plein pendant les crues. Une niche latérale assez profonde contient quelques concrétions. D'autre part, de l'orifice part une galerie ascendante donnant accès dans un vestibule qui s'ouvre à l'extérieur par la seconde ouverture de la grotte ; cette dernière sert aussi d'amorce à un long couloir à sol couvert de graviers roulés qui aboutit à deux salles spacieuses remplies de concrétions et à parois recou- vertes, en beaucoup d'endroits, d'un revêtement stalagmitique. Le sol est formé par de l'argile. Au fond de la seconde salle, l'escalade d'une cheminée per- met de monter à un étage supérieur formé par deux galeries. Celle de droite est humide, à parois couvertes de revêtement stalagmitique et à pente ascendante assez forte. Elle se ter- ci) G. PiTiG Y Larraz. Cavernas y simas de Espaîia. {Bol. de la Comission del Mapa geolo- gico de Espana, tomo XXI, pp. 1-392, 1896.) 512 JEANNKL et RACOVITZA mine par luu'. fente horizontale remplie d'argile ; plus bas sont des gours actuellement vides. Sur un des côtés se trouve une cloison stalagmitique qui ferme Taccès d'une autre galerie inex- plorée; trois fentes étroites, par où sort un très violent courant d'air, laissent voir une vaste cavité qui paraît s'étendre très loin. La galerie de gauche est sèche, possède peu de concrétions et aboutit à la troisième ouverture de la grotte. Nous n'avons rien trouvé dans la galerie de droite du troi- sième étage, mais celle de gauche était au contraire très peu- plée. Le sol était couvert de détritus de toutes sortes, feuilles, brins de paille, poussière argileuse, guano de Chauves -souris ; tout cela formait une couche d'humus où les troglophiles et les troglobies abondent. Chose curieuse : les Puces étaient très abondantes dans cet humus ; ce n'était pas le Puleœ irritans, mais une espèce plus allongée et extraordinairement agile. Dans les salles du second étage, nous avons trouvé des Isopodes nombreux et des Liihohius. Le premier étage ne nous a fourni que quelques Lsopodes. Les ossements de Mammifères sont très abondants dans l'argile qui forme le plancher des salles du second étage. JEANNEL et RACOVITZA. 20. Cueva del Collarada de ariba. Située dans le massif du Collarada, au-dessus de Canfranc, partido de Jaca, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.500 mètres env. — Roehe : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 31 août 1905. Au-dessus de Canfranc, à 5 ou 600 mètres au-dessus du niveau de la rivière, s'étend nue longue falaise dont la base est creusée de plusieurs petites cavités. Dans la partie N. s'ouvre la Cueva del Collerada de ariba. L'entrée est située à mi-hauteur de la falaise. C'est une ouverture ogivale d'une quinzaine de mètres GROTTES VISITEES 513 de hauteur, donnant accès dans une salle très vaste et très haute, qui possède deux baies énormes regardant vers le rio Aragon. Ce majestueux vestibule conduit dans une galerie basse, de quelques mètres de longueur. En continuant à longer la falaise on rencontre deux autres gi-andes ouvertures qui sont cependant l'amorce de très courts couloirs sans intérêt. Jeannel et Eacovitza. 21. Grotte du Pla à Barbe. Située dans le massif qui forme la rive droite de la rivière Malugar, commune de Lees-Athas, " Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 800 mètres env. — RocJie : Calcaire jurassique. — Date : 2 septembre 1905. Matériaux : Myriapodes, Isopodes. — Numéro : 58. L'entrée est très vaste et de forme carrée. Le plafond est formé par un joint de stratification reposant sur deux parois verticales ; la largeur est d'environ 25 mètres avec une hauteur presque égale. La galerie oii l'on pénètre a une direction géné- rale E.-O., et un plancher en pente ascendante très raide. Une énorme coulée d'argile molle très calcaire, de couleur blanche, recouvre tout le plancher de la grotte dont la longueur doit dépasser 200 mètres. L'eau s'écoule en najjpes à la surface de l'argile, qui en est complètement imbibée et cette argile forme, en se déversant par dessus les bords rocheux à pic, des sortes de cascades de stalactites. Dans les parties planes s'étagent des gours de faibles dimensions. Au fond de la grotte pendent quelques stalactites blanches, friables, très peu humides, ayant parfois plus d'un mètre de longueur. La masse qui les forme a Taspect d'une moisissure. Quelques^ parois sont cou- vertes aussi de cette sorte de « moisissure » calcaire. 514 JEANNEL et RACOVITZA N'ayant jamais eu roccasion d'examiner ce qu'on nomme en Suisse « Mondmiloh », nous ne pouvons pas assurer qu'il s'agit ici d'une formation identique. D'après Martel (p. 103) (1), le « Mondmilch » serait a une forme pâteuse du carbonate de chaux, qui parait être simplement de la stalagmite tellement imbibée d'eau qu'elle n'a pas pu se solidifier ». Il nous a semblé que, dans la grotte dvi Pla à Barbe, les choses ont dû se passer différemment. La forme de la grotte, longue galerie presque droite, largement ouverte, et à plancher ascendant très forte- ment incliné, provoque la chute de l'air froid du fond vers l'en- trée et un appel d'air extérieur de l'entrée vers le fond. Il se forme ainsi un courant d'air violent et sec dans les régions hautes. L'évaporation de l'eau doit être si rapide que le calcaire d'ail- leurs très impur des infiltrations ne peut se déposer que sous forme de masse spongieuse et incomplètement cristallisée. Au fond de la grotte nous n'avons trouvé qu'un Diplopode. Dans une petite annexe sèche de la galerie principale, quelques Lithohius et non loin de l'entrée, des Isopodes. Jeannel et Eacovitza. 22. Grotte des Eaux- Chaudes. Située sur la rive droite du gave d'Ossau, près Les Eaux- Chaades, département des Basses-Pyrénées, France. — Alti- tude : 900 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 4 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Aptérygogéniens , Opilionides. — Numéro : 61. Cette grotte, aménagée pour les visiteurs sur une distance de 400 mètres environ, est parcourue par un fort torrent qui forme plusieurs cascades. Les concrétions sont rares dans la (1) E.-A. Martel. La Spéléologie ou Science des Cavernes. (Collection Scientia, Biologie n- 8, Paris, Naud, 126 p., 1900.) GROTTES VISITEES 515 galerie, presque rectiligne, très luiiite, à plafond droit et à parois verticales. Il paraît qu'en escaladant la dernière cascade on peut parcovirir encore des galeries sur une distance de 500 mètres. Le temps nous a manqué pour contrôler ces renseignements. Les animaux recueillis ont été trouvés près de l'entrée, seul endroit où le terrain est sec. Jeannel et Eacovitza. 23. Petite Grotte des Eaux-Chaudes. Située un peu plus bas que la précédente. Les Eaux-Chaudes, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 900 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 4 septembre 1906. Matériaux : Isopodes. — Numéro : 61 Us. Un ruisseau parcourt également cette grotte. Par une entrée basse on pénètre dans un couloir qui s'élargit sur un des côtés, pour former une petite salle à plancher très incliné. Le couloir paraît continuer fort loin, mais il nous a été impossible de le suivre, faute de moyens d'éclairage suffisants. En face des gTottes des Eaux-Chaudes, sur l'autre rive du Gave, il y a, paraît-il, une fente dans la falaise qui permet de voir une vaste salle occupée par un grand lac. Ce bassin sou- terrain doit capter toutes les précipitations atmosphériques qui tombent dans une vallée suspendue située au-dessus, car on ne voit aucun cours d'eau superficiel dans le thalweg de cette vallée. Une forte source, qui jaillit d'un trou de la falaise, plus bas que le niveau du lac, doit être 4'éniissaire de ce réservoir. L'étude hydrologique de cette région n'a pas été faite. Jeannel et Eacovitza. 24. Grotte de Malarode (rive droite). Située sur la rive droite d'un ravin^boisé, à une heure de marche d'Arudy, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 500 mè- 516 JEANNEL et RACOVITZA très eiiv. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 septembre 1905. Matériaux : Isopodes, Oligochètes. — Numéros : 64, 67. Un couloir d'une cinquantaine de mètres, encombré d'éboulis et assez haut de plafond, constitue cette grotte. Pas de con- crétions. A gauche de l'entrée, petite salle humide à sol couvert d'argile. Des Isopodes {Porcellio) furent capturés près de l'entrée et des Oligochètes vivaient dans l'argile, sous les pierres. Jeannel et Eacovitza. 25. Grotte de Malarode (rive gauche). Située en face de la précédente, commune d'Arudy, départe- ment des Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 septembre 1905. Matériaux : Myriapodes. — Numéro : 65. Cette grotte est beaucoup plus vaste que l'autre. L'entrée est basse et conduit dans un vestibule dont le milieu est occupé par un puits de 5 à 6 mètres de profondeur. Ensuite un couloir coudé mène, par des éboulis recouverts d'un manteau stalag- mitique, dans une petite salle revêtue de concrétions et sou- tenue par de beaux piliers. Un passage étroit, entre deux colonnes, permet de descendre dans une grande salle d'une trentaine de mètres de hauteur. Le plancher et les parois de celle-ci sont entièrement recouverts de stalagmite, sauf quelques petits recoins où. l'argile est à nu. La richesse de cette grotte eu concrétions de toutes sortes est remarquable ; plusieurs niches dans les parois ont de superbes stalactites. L'humidité est très grande, mais il n'y a pas de bassin d'eau. GUOTTES VISITÉES 517 Les seuls animaux que nous ayons rencontrés sont les Typhïo- hlaniulus (Diplopodes). Jeannel et Racovitza. 26. Grotte d'Izeste ou d'Arudy. Située à vingt minutes d'Arudy, département des Basses- Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 et 6 septembre 1905. Matériaux : Diptères, î^yctéribies. Coléoptères, Aptérygo- géniens, Myi'iapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Isopodes, Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 66, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74. Cette grotte s'ouvre au flanc d'une colline par un vaste orifice en partie fermé par un mur romain (?) qui fut démoli, puis reconstruit par M. Piette pendant les recherches paléontolo- giques que ce savant a entreprises dans la grotte. Un couloir coudé conduit dans une vaste galerie à parcours rectiligne dont la hauteur atteint certainement 30 mètres en certains endroits. Le sol est couvert d'éboulis, mais presque horizontal ; les parois sont en général verticales. Au fond un monticule formé par des éboulis recouverts de revêtement stalag- mi tique permet d'atteindre le plafond, orné de stalactites. Entre deux stalactites est un « trou à vent » par lequel on peut aper- cevoir une galerie encore inexplorée ayant de vastes propor- tions. Il n'y a pas de concrétions dans le reste de la grotte, ni de flaques d'eau, quoique les suintements ne manquent pas. Les parois sont sombres, le sol est noir, aussi est-il très difficile de s'éclairer convenablement. La longueur totale doit dépasser 300 mètres. Cette grotte doit être habitée depuis fort longtemps par les Chauves-souris. Ces animaux sont accrochés au plafond par milliers. Leur guano couvre le sol et une partie des parois, et 518 JEANNE L et RACOVITZA souvent son épaisseur dépasse 30 à 40 centimètres. Une pluie continuelle d'excréments tombe du plafond. La fiente fraîche, détrempée par l'eau qui s'égoutte des parois, est couverte de moisissure blanche ; le guano ancien a formé avec l'argile un terreau gras et noir. Dès qu'on pénètre dans la grotte, on est assailli par des essaims de Diptères variés. Les autres animaux sont nombreux aussi, et il serait difficile de trouver une station épigée aussi peuplée que cette grotte. La fiente fraîche grouille de larves de Diptères et de Coléop- tères au point de paraître une masse vivante ; des Oligochètes par milliers leur tiennent compagnie, tandis qu'à la surface, les Coléoptères {Lœmostenus , Bathyscia, Quedius), Acariens, Col- lemboles, Myriapodes, et des myriades de Diptères de plusieurs espèces courent de tous les côtés. Les parois de cette grotte sont couvertes de Diptères ,de Porcellio, de LitJioMus. Dans les fentes et encoignures, plusieurs espèces d'Aranéides tendent leurs toiles et font ample provision de Mouches. De petits Hélicides rampent activement sur les pierres plus sèches. Les endroits couverts de vieux guano sont les stations favorites des Gampodea, Bathyscia et Collemboles. Dans toutes les parties de la grotte les animaux sont nom- breux, mais là oii la fiente des Chauves-souris tombe comme une manne, du plafond, c'est le grouillement intense des foules. Jeannel et Racoyitza. 27. Grotte de Saint-Michel. Située sous la chapelle Saint-Michel, à Arudy, département des Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 400 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Bâte : 6 septembre 1905 L'entrée a la forme d'une voûte surbaissée. Un trou très étroit conduit dans une caverne basse, d'une quinzaine de mètres de GROTTES VISITEES Ô19 longueur totale. Le sol argileux est recouvert d'un revêtement stalagmitique. Des tranchées artificielles montrent que cette caverne a été fouillée. Aucun animal cavernicole n'y a été trouvé. Eacovitza. 28. Grotte de l'Oueil du Neez ou de Rébénacq. Située au-dessus de la source du Neez, commune de Eébénacq, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 300 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique moyen. — Date : 7 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Amphipodes, Isopodes, Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 76, 77, 78, 79, 80. Le Neez prend sa source apparente au pied d'une petite falaise calcaire ; il a été démontré que cette source est, en réalité, la résurgence d'une dérivation souterraine du gave d'Ossau. A peu de distance de la sortie du Neez et à un niveau un peu supérieur se trouve une grotte sèche de plus de 100 mètres de longueur, par oii, très certainement, le Neez devait primitivement s'écouler. L'entrée est une vaste voûte surbaissée pourvue d'un mur maçonné dans lequel une porte a été ménagée. La grotte a la forme d'un couloir très long dont les parois et le plancher sont recouverts d'un épais revêtement stalagmitique. Les concré- tions sont nombreuses et variées ; quelques gours, actuelle- ment vides, existent sur le plancher. La galerie se prolonge par une fente horizontale basse dont le sol est formé d'argile et de couches de gravier de rivière. En creusant une tranchée dans ces dépôts, il serait possible d'arriver au cours souterrain du Neez, qui n'est pas abordable à son orifice de sortie. De petites galeries qui se terminent en cul-de-sac, ou qui aboutissent à des fentes de la falaise, prolongent latéralement la galerie principale. Les lits d'argile du fond contiennent beaucoup d'ossements 520 JEANNEL et RACOVITZA fossiles ; une mâchoire inférieure que nous avons rapportée comme échantillon, a été déterminée par M. le professeur Boule comme appartenant à l'Ours des cavernes. Les Chauves-souris habitent cette grotte ; par endroits on trouve quelques petits dépôts de guano. La faune est riche et variée. Dans un creux, sur l'argile humide, nous avons trouvé un gros Amphipode (no 78) parfaitement vivant ; cependant aucune flaque d'eau accessible à l'animal n'existait dans le voisinage. Sur les parois, dans une sorte de mince toile d'Arai- gnée, se tenait une larve de Diptère (n^ 79). Un Baihyscia a été recueilli sou^ une pierre. jEANNEL et EACOVITZA 29. Cuevas del Drach. Situées à Porto-Cristo, à 12 kilomètres de Manacor, Mallorca, îles Baléares, Espagne. — Altitude : 22 mètres. — Calcaire miocène supérieur. — Dates : 16 au 20 juillet 1904 et 26 avril 1905. Matériaux : Diptères, Rhynchotes, Myriapodes, Aranéides, Amphipodes, Isopodes, Champignons. — Numéros : 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89. Les célèbres grottes du Dragon ont eu plusieurs historio- graphes et pourtant le sujet n'est pas complètement épuisé. Comme les études entreprises par M. Pruvot et par moi-même ne sont pas encore au point et que nous comptons les compléter, je me borne, pour le moment, à noter quelques faits ayant des rapports avec la faune, renvoyant pour le reste au beau travail de Martel (1), qui est aussi accompagné de la carte la plus com- plète qui ait été publiée. La longueur totale des galeries explo- rées atteint 2 kilomètres, et les conditions d'existence qu'offrent ces souterrains aux animaux sont très variées. (1) E.- A. Martel. Les Cavernes de Majorque (Speluuca, tome V, n" 32 ; 32 pp., 8 pi., 1 c, 1908.) GaOTTES VISITEES 524 II existe en effet des parties entièrement tapissées de revête- ment stalagmitique et de concrétions variées ; ces régions sont humides et les plus étendues de la grotte. La Covadonga, par contre, est une partie sèche sans concré- tions, à plafond très peu épais puisque les racines des Lentisques le traversent et pendent en longs faisceaux. La salle des Chauves-souris, qui est à côté, est également sèche et possède quelques amas d'ancien guano, car les Chauves-souris ont abandonné presque complètement les gTottes du Drach depuis qu'elles sont aménagées pour les touristes. Ce sont ces régions sèches qui sont les plus riches en animaux. C'est ici que j'ai recueilli les Aranéides, et un Fulgoride certainement tro- globie, puisque j'ai capturé en même temps l'adulte et deux larves. Les petits Diptères {PJiora ?) sont aussi très nombreux. Les bassins aqueux sont aussi nombreux. Dans le lago Negro et le lago de las Delicias l'eau était douce à l'époque de notre visite. C'est dans ces lacs que furent capturés les Isopodes et Amphipodes. Le lago Miramar, par contre, était très légèrement saumâtre et aucun animal n'y fut capturé. Le guide de la grotte m'a dit avoir vu plusieurs fois des « Anguilles » dans le lago Negro. I^ous ne trouvâmes rien non plus dans les deux salles qui font suite au lago Miramar, Quelques petits Diptères furent vus sur le Dôme Moragues. Les animaux paraissent donc cantonnés dans les Cuevas negras, Cuevas blancas et la Cueva Louis-Sal- vator, sans dépasser dans cette dernière le lago Miramar, con- clusion d'ailleurs toute provisoire car nos recherches n'ont pas été suffisamment prolongées. La température de l'air et de l'eau variait un peu d'un lac à l'autre. 16 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, IS^T C. ; de l'eau, I807 C. 17 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, 18°9 ; de l'eau, I807. 17 juillet. — Covadonga : Température de l'air, 21ol. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4° SERIE. T. VI. — (VIIl). ^7 522 JEANNEL et RACOVITZA 17 juillet. — Lago Delicias : Température de l'air, 19o5 ; de l'eau, 1902. 19 juillet. — Lago Duchesse de Toscane : Température de l'eau, I908. Ces températures sont très voisines de celles prises par Martel et Moragues, à des époques bien différentes de l'année ; elles démontrent que, contrairement à ce que l'on a prétendu, la variation de température est insignifiante dans les grottes du Drach, fait d'ailleurs général et qui se vérifie pour presque toutes les grottes. RACOVITZA. 30. Grotte du Laura ou de l'Ermite. Située dans un contrefort du mont Razet, dans la vallée du Careï, commune de Castillou, arrondissement de Sospel, Alpes- Maritimes, France. — Altitude : 800 mètres euv. — Roche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Orthoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 90 L'entrée de la grotte, bien visible de la grande route de Menton à Sospel, mais extrêmement difficile d'accès, est une vaste ouverture ogivale de 5 mètres de haut, fermée par un mur maçonné et percé d'une porte et d'une fenêtre. Des inscriptions latines et des traces de foyer montrent que la première salle, d'une superficie de 15 mètres carrés environ, a été habitée. Une étroite ouverture la fait communiquer avec une seconde salle obscure, située plus bas. Ses dimensions sont également très restreintes. Cette petite grotte est entièrement sèche et recou- verte de concrétions stalagmitiques. Il est possible qu'un rideau de stalactite, peut-être peu épais, la sépare des galeries les plus profondes de la grotte d'Albarea, située au même niveau, sur le versant opposé du mont Razet. La grotte du Laura est fré- GROTTES VISITEES 523 queiitée par les Chauves-soui'is, et les troglophiles y sont très nombreux. A noter la présence de Dolichojwda. A quelques mètres seulement de l'entrée de la grotte, il y a, dans la falaise un simple abri sous roche. Plus bas encore vers la mer, mais dans un autre massif, s'ouvre une galerie d'oii s'est écoulé un amas considérable de cailloux. Cette galerie, entière- ment claire, serait très peu profonde ; le temps m'a manqué pour l'explorer. Jeannel. 31. Baume Granet ou Goule de Mougins. Située à cinq minutes au sud du chef-lieu de la commune de Roquefort, département des Alpes -Maritimes, France. — Alti- tude : 300 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique supérieur, — Date : 17 septempre 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Pseudoscorpionides , Acariens, Isopodes, Oligochètes. — Numéro : 91. Cette grotte (1), très facilement accessible, absorbe par les temps d'orage un petit ruisseau qui se perd dans sa profondeur. Elle est entièrement éclairée par la lumière du jour et, lors de notre visite, elle n'était pas fréquentée par les Chauves-souris. Sa longueur totale est de 64 mètres. Au vestibule font suite deux salles ; dans celle de droite, en pente ascendante, profonde de 20 mètres environ, existe un fort encroûtement stalagmitique absolument sec. Dans la salle de gauche, au contraire, le sol est recouvert d'une belle couche d'argile, dans laquelle vient se perdre le ruisseau. C'est sous les pierres reposant sur cette argile détrempée que j'ai pris la plupart des Cavernicoles, dont la répartition dans la grotte était déjà parfaitement bien indi- (1) J. Gavet. Essai sur la Spéléologie des Alpes-Maritimes. {Ann. de la Soc. des Lettres des Alpes -Maritimes, Nice, Malvano, 1901.) 524 JEANNE L et RACOVITZA quée par J. Sainte-Claire-Deville (1). Dans la salle de droite je n'ai rencontré que des Aranéides. y 32. Balme d'Arèna. Située dans un contrefort du mont Oima, au-dessus de la vallée du Paillon de Tourrette, à une demi-heure du village d'Aspre- mont, commune d'Aspremont, département des Alpes-Mari- times, France. — Altitude : 650 mètres env. (d'après Sainte- Claire-Deville). — Roche : Calcaire dolomitique du jurassique supérieur. — Date : 20 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Siplionaptères, Coléoptères, Aptéry- gogéniens, Aranéides. — Numéro : 92. Cette grotte, une des plus vastes des Alpes-Maritimes, est constituée par un point d'absorption, La résurgence des eaux se ferait, dit-on, sur l'autre versant du mont Cima, dans la vallée du Var. La longueur totale praticable de l'excavation est de 150 mètres environ. Une rapide descente conduit dans un vestibule encombré de blocs détachés par le travail des eaux. Ensuite une salle, toujours déclive, limitée par une voûte élevée de 10 mètres environ, ijrésente quelques belles stalactites, mais les concrétions y sont peu abondantes, et la paroi est la plupart du temps sèche et nue. L'exploration méthodique des parties les plus basses m'a permis de constater qu'il n'existe pas, au fond de la grotte, de gouffre profond, inexploré, comme le prétend la Semaine Niçoise du 19 janvier 1901 (2). Les parties les plus humides, et particu- lièrement les roches de l'entrée, sont habitées par de très nom- breux Coléoptères aveugles. Les autres animaux proviennent des régions les plus inférieures, surtout de celles encroûtées de stalagmite. Jeannel. (1) J. Sainte-Claire-Deville. Exploration entomologiriue des grottes des Alpes-Maritimes) [Ann. Soc. ent. de France, tome LXXI, pp. C95-709, 1902.) (2) E.-A. Martel. La Spéléologie au xx« siècle. (Spelunca, tome VI, p. 151.) GROTTES VISITEES 525 33. Baume du Colombier. Située dans la commune de Eoquefort, département des Alpes -Maritimes, France. — Altitude : 200 mètres env. — Boche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 17 septembre 1905. Matériaux : Coléoptères, Psocides, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Isopodes. — Numéro : 93. Cette petite grotte n'avait jamais été explorée. Autrefois sans issue, elle a été découverte par hasard, dans le courant de Tannée 1905, en creusant le sol dans la propriété du curé du village du Plan du Colombier. On y accède par un orifice étroit et vertical qui conduit dans une petite salle très irrégulière, de 10 mètres de longueur, et dont la voûte ne doit pas présenter plus de 2 mètres d'épaisseur. Son élévation est de 2 mètres au maximum et dans bien des endroits on est contraint de se tenir courbé. Cette curieuse excavation est entièrement recouverte de concrétions. De nombreuses stalactites pendent de la voûte, et la plupart sont parcourues dans leur canal central par les racines des pins qui poussent au-dessus. De gros paquets de racines pendent ainsi vers le sol et beaucoup sont fixés au plancher, traversant donc la grotte de part en part. Cette petite forêt souterraine sert d'asile à de nombreux Isopodes qui courent dans les radicelles. Les habitants de cette grotte sont nombreux et certains sont même de véritables troglobies (Coléoptères, Isopodes). Jeannel. 34. Grotte d'Albarea. Située dans le vallon d'Albarea, commune de Sospel, Alpes- Maritimes, France. — Altitude : 800 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905. 526 JEANNEL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Orthoptères, Aptérygo- géaiens. Myriapodes, Arauéides, Isopodes, Mollusques. — Numéro : 95. La grotte s'ouvre à quelques mètres au-dessus du sentier muletier qui monte au col du Razet. Il est vraisemblable qu'elle communique, au moins par des fissures, avec la grotte du Laura. On y accède par un étroit couloir absolument sec. Cette grotte présente deux étages, mais, faute d'outillage spécial, je n'ai pas pu parvenir à l'étage supérieur et je n'ai exj)loré que les deux salles inférieures, dont le développement total est d'environ 60 mètres. La première est occupée par un talus de cailloutis et d'argile. La seconde, plus élevée et bien plus vaste, présente un sol très irrégulier, encombré d'énormes blocs de rocher détachés de la voûte. Pas de concrétions ni stalactites, sauf dans un petit cul-de-sac absolument sec situé au fond de cette seconde salle* L'escalade d'un rocher à pic de plus de 3 mètres donnerait accès à l'étage supérieur. Cette grotte a été fouillée au point de vue préhistorique par M. Rivierre (1877). J'y ai récolté de nom- breuses dents de Mammifères. La faune actuelle est très riche. J'ai pris, dans la deuxième salle, un bel Orthoptère du genre Dolichopoda, et de nombreux Silphides cavernicoles sous des débris de bois pourri. Malgré les recherches les plus minutieuses, il m'a été impossible d'y retrou- ver le TrecJius {Anophthalmus) Cailloli Dev., forme très inté- ressante et spéciale à cette grotte. Les Aptérygogéniens étaient abondants dans les débris de bois ; les Isopodes se tenaient plutôt sous les pierres dans les deux salles. jEANNEL. 35. Grotte de l'Herm. Située dans la commune de l'Herm, près de Foix, Ariége, France. — Altitude : 550 mètres env. — Boche : Calcaire basique. — Date : 30 septembre 1905. GROTTES VISITEES 527 Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Pseiidoscori)ionides, Isojjodes, Mollusques. — Numéro : 94. Je n'ai pu faire, dans cette immense caverne, qu'un très court séjour, simple visite de touriste, et cela explique la pau- vreté de ma récolte dans une grotte dont la faune est si riche. Aussi je me borne simplement à la citer ; elle est d'ailleurs une des mieux connues de toutes les Pyrénées, au point de vue géo- graphique, et je me propose d'en faire prochainement l'objet d'une étude biospéologique plus approfondie. Jeannel. 36. Cueva del Agua. Située sur le flanc du Monte Mongô, commune de Dénia, pro- vince d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906. Matériaux : Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides, Iso- podes, Oligochètes. — Numéros : 115, 116, 117. La grotte est creusée dans une falaise à pic, probablement sur le parcours d'une faille. Elle a dû servir de lit à un ruisseau souterrain, car un ravin, maintenant complètement à sec, s'amorce à l'entrée de la grotte. Un couloir coudé, qui se termine par un trou circulaire lais- sant voir un petit bassin d'eau, constitue toute la grotte acces- sible. Des travaux ont été effectués pour capter l'eau, sans succès d'ailleurs. Au fond de la grotte il ne règne qu'une demi-obscurité. Un petit filet d'eau court sur le plancher. Les animaux recueillis ont été trouvés au fond de la grotte, sur les parois et sous les pierres. Racovitza. 528 JEANNEL et RACOVITZA 37. Cueva sans nom. Située un peu en dessous de la précédente, à Dénia, province d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906. Matériaux : Myriapodes, Aranéides, Isopodes. — Numéros : 118, 119, 120. Cette grotte est peu profonde (une trentaine de mètres) et consiste aussi en une galerie coudée. Elle est complètement sèche et le sol est couvert de cette poussière argileuse qui pro- vient, dans les cavernes, de la décomposition du calcaire sous l'action de l'air humide. Les Araignées y sont extrêmement nombreuses, mais comme les autres animaux capturés, il est douteux qu'elles soient de vraies troglobies. Bacovitza. 38. Cueva de Andorial. Située sur la propriété nommée Andorial, partida de Santa Paula, Dénia, proviucia de Alicante, Espagne. — Altitude : 50 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique. — Bâte : 4 janvier 1906. Matériaux : Coléoptères, Aranéides, Isopodes. — Numéros : 121, 122. Un propriétaire de vignes, Francisco Prefaci y Eibes, eu vou- lant creuser une citerne, il y a deux ans, trouva la grotte après avoir atteint quelques mètres de profondeur ; cette cavité était donc complètement fermée. Le propriétaire a construit une margelle autour de l'orifice qui est maintenant fermé par un panneau en bois. On descend d'abord dans le puits artificiel de 3 mètres, creusé dans le calcaire fendillé et mêlé de terra rossa, puis par une cheminée naturelle de 5 mètres ayant environ [ GROTTES VISITEES 529 1 mètre de largeur. On pénètre ainsi dans une petite salle où s'amorcent deux couloirs peu profonds. Cette descente continue conduit à environ 17 mètres de la surface. Les concrétions sont nombreuses et de toute beauté. Il y a des stalactites de forme conique, d'autres en draperie et des parois entières couvertes d'un revêtement stalagmitique à beaux cristaux brillants. Dans les stalactites blanches ou grises on remarque souvent des zones vertes dues probablement à des infiltrations cupriques. Le sol est aussi stalagmitique, mais il y a cependant quelques parties argileuses. Le suintement de l'eau est faible ; une seule petite flaque d'eau existe dans un coin. La température extérieure était de 17° C, celle du fond de la grotte de 20^ 0. ; mais ce dernier chiffre est probablement trop haut. Nous avions plusieurs bougies allumées et cela suffit pour élever la température dans une petite grotte. Un Coléoptère fut trouvé mort, à la surface de la flaque d'eau. Eacovitza. 39. Grotte d'Oxibar. Située à proximité de la ferme d'Oxibar, commune de Camou- Cihigue, Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 600 mètres. — Roche : Calcaire probablement crétacique (d'après Martel) (1). — Dates : 25 septembre 1904, l^^ janvier 1905 et l^r janvier 1906. 3Iatériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens , Myriapodes, Aranéides, Acariens, Isopodes, Amphipodes, Mollusques. — Numéro ; 127. A trois reprises différentes et en des saisons diverses, j'ai pu explorer cette grotte en détail au moyen de pièges et (1) E.-A Martel. La Spéléologie au xx' siècle. (Spelunca, tome VI, n 41.) 530 JEANNEL et RACOVITZA d'appâts, et je l'ai trouvée aussi peuplée en septembre qu'en janvier. Son entrée est constituée par un étroit trou vertical de 2 mètres de profondeur dissimulé dans les buissons. Deux fentes donnent encore accès à la lumière dans un vestibule bas de plafond, où le sol est entièrement formé de crottins de chèvres desséchés. La grotte est formée de deux salles sensiblement égales, réunies par un étroit couloir percé à travers un rideau de stalactites. Elle est en pente ascendante dans son ensemble, de l'entrée vers le fond, et semble entièrement due à l'action des eaux souterraines. La première salle, longue de 30 mètres, large de 10, haute de 8 mètres environ, est dépourvue de concrétions. Le sol d'argile est jonché de nombreuses pierres et de rochers. La deuxième salle, de mêmes dimensions, mais plus en pente, présente au point de vue des conditions d'habitat deux régions bien distinctes. A son entrée est un banc d'argile oii des fouilles ont été pratiquées. Au fond et à gauche s'élève un gros massif stalagmitique ; les concrétions et stalactites y abondent. Partout l'humidité est grande, et de nombreux débris de paille et de végétaux apportés du dehors fournissent nourri- ture et abri aux nombreux habitants de la caverne. Il n'y a pas trace de Chauves-souris. Je puis préciser assez exactement les conditions d'habitat des différentes espèces animales qui représentent sa faune aqua- tique et terrestre. 1° Animaux aquatiques : J'ai toujours trouvé des Amphipodes, faciles à attirer par les pièges, dans un petit gour situé dans la première salle le long de sa paroi de droite. Il est à noter que la lumière extérieure pénètre jusqu'en cet endroit. Par contre, dans les flaques d'eau du fond de la deuxième salle, se tiennent de nombreux Asellides. Il m'a semblé voir aussi des Copépodes. 20 Animaux terrestres : Près de l'entrée, sous les feuilles sèches et le crottin vivent des Coléoptères lucifuges {Antispho- drus, Atheta, Bathyscia), des Lithobius, des grands Aranéides. Dans la première salle, je n'ai jamais pris de \Tais troglobies ; mais ceux-ci sont nombreux dans la seconde salle. J'ai pu I GROTTES VISITEES 531 observer là, très sûrement, que les Carabiques du genre AntispJiodriis se tiennent enfouis dans l'argile. C'est en eiïet sous mes yeux qu'ils en sortaient, immédiatement attirés par Todeur des apjjâts. Par contre les Bathyscia et Aph,œnoj)s ont toujours été trouvés courant sur les concrétions humides, mais surtout dans les débris de paille. Les Aphœnops ont été attirés à deux reprises par les pièges. Dans les mêmes conditions, vivent à cet endroit et en gi-and nombre, les Aptérygogéniens, Diplopodes, Aranéides, Isopodes terrestres. Mollusques. Citons encore deux larves de Carabiques trouvées mortes au fond de la grotte sur une flaque d'eau. Je note ici, qu'à mon avis, à part les véritables AnopMlialmus , tous les Coléoptères sont attirés par les appâts. Mais si les Sil- phides séjournent sur leur nourriture, il n'en est pas de même des Carabiques {Antisphodrus, Aphœnops) ; ceux-ci, en effet, attirés beaucoup plus vite que les Silphides, regagnent bientôt leurs retraites, emportant souvent avec eux, dans leurs mandi- bules, des parcelles de nourriture, comme j'ai eu l'occasion de l'observer dans la grotte d'Istaiirdy. De là l'utilité d'employer des pièges et non des appâts pour les capturer. Il existe encore, autour du village de Camou-Cihigue, de nombreuses grottes inexplorées, au moins quant à leur faune. De l'unes d'elles, située dans le village, sort une source salée. Il est probable que leur exploration donnera lieu à de nouvelles découvertes, surtout si l'on songe que la faune si riche de la grotte d'Oxibar était encore totalement inconnue il y a un an. Jeannel. 40. Grande Grotte Lecenoby. Située dans le versant nord du Pic des Vautours, commune d'Aussurucq, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 850 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date ; 2 et 3 janvier 1906. 532 JEANNE L et RACOVITZA Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- aéides. Acariens, Oligochètes. — Numéro : 128. Sur le versiiut uord du pic des Vautours, au-dessus du village d'Aussurucq, s'ouvrent dans un bois de hêtre une série d'exca- vations. Il existe successivement de l'est à l'ouest, sur la même assise, un abîme et trois grottes. De celles-ci, la plus orientale est notre grotte n" 41 ; celle du centre est représentée par deux courtes galeries claires, sans aucun intérêt ; enfin la plus occi- dentale est la grotte n^ 40, qui nous occupe ici. Cette grotte est appelée par C. Dupau grotte de Belhy (1). Elle s'ouvre cependant dans la montagne sur le versant opposé à la ferme de Belhy, et les gens du pays me l'ont toujours nommée Lecenoby. Deux entrées donnent accès dans un vaste vestibule d'où partent deux galeries. Celle de gauche, étroite et basse, est sèche et recouverte de concrétions stalagmitiques. Elle présente une profondeur de 20 mètres environ. Quant à la galerie de droite, elle est beaucoup plus vaste et j'ai pu la suivre pendant près de cent mètres. Le sol est recouvert d'argile, très humide par places, et de gigantesques rochers, détachés de la voûte, obstruent presque entièrement la galerie. Le fond de la grotte est fermé par des pentes de stalactites que je n'ai pas pu esca- lader, faute d'échelles. De nombreux squelettes de bœufs gisent sur le sol. Près de l'entrée vivent de nombreux Coléoptères troglophiles, ainsi que des Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- néides. Acariens. Dans la grotte nous avons pris sur les pièges, au fond de la galerie de droite des BatJiyscia et deux AntispJio- drus dans la galerie de gauche. Jeannel. 41. Petite Grotte Lecenoby. Située dans la commune d'Assurucq, arrondissement de Mau- (1) c. DUFAU. Grotte et abiiiies du pays basuue. (Spelutica, tome V, p. 69.) GROTTES VISITÉES 533 léon. Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 580 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 2 et 3 janvier 190G. Matériaux : Diptères, Coléox3tères , Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Acariens, Amphipodes. — Numéro : 129. Cette petite grotte est constituée par une galerie longue de 50 mètres environ, haute de 1 mètre dans son premier tiers, remarquablement régulière dans sa forme, plus haute et large de 2 mètres environ dans ses deux autres tiers. Deux petites salles existent sur son trajet, et, dans la seconde, de petits gours pleins d'eau donnent abri à des Niphargus. Pas de concré- tions stalagmitiques ; le fond de la grotte est fermé par un dépôt d'argile. Dans le couloir d'entrée, fréquenté par les Chauves- souris, vivent des Coléoptères troglophiles et même de vrais Troglobies. J'ai pris, à 2 mètres de l'entrée, un AntispJiodrus navaricus Vuill. et une larve de Carabique semblable à celles trouvées dans la grotte d'Oxibar. Dans ce couloir vivent encore en très grand nombre les Aptérygogéniens, Myriapodes et Ara- néides. Tout à fait au fond de la grotte quelques Bathyscia furent trouvés sur un appât. Enfin la grotte est fréquentée par de grands Némocères et des Tinéides. Jeannel. 42. Grotte d'Istaiirdy. Située à proximité du Cayolar d'Istaiirdy, près d'Ahusguy, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, France. — Alti- tude : 900 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : l^r et 2 janvier 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Ai'anéides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Oli- gochètes. — Numéros : 130, 131. Cette grotte s'ouvre au fond d'un vaste puits formé par le tassement et l'effondrement de la voûte d'une cavité naturelle ; 534 JEANNEL et RACOVITZA elle apparaît donc comme un aven large de 8 mètres et profond de 7 à 8 mètres, dont le fond est occupé par un large cône d'éboulis. On y accède par une petite ouverture latérale, sans avoir besoin d'aucun agrès. Sur toute la circonférence de l'aven partent de petites galeries latérales. Au N. s'ouvre une toute petite salle absolument sèche, recouverte de concrétions et absolument inhabitée. Au N.-E. monte une galerie très inclinée à sol formé par une pente de cailloutis. Au S. descend une petite galerie vite bouchée par l'argile, enfin au S.-E, s'ouvre au milieu des blocs éboulés une petite salle située en contrebas de toutes les précédentes. Dans les feuilles sèches qui recouvrent le cône d'éboulis situé à ciel ouvert, j'ai pris en tamisant de nombreux Coléoptères, Myriapodes, Aptérygogéniens, Aranéides, Pseudoscorpionides (no 130). Quant aux vrais troglobies (n^ 131), ils étaient nom- breux dans la galerie N.-E, et la salle S.-E. Les Oligochètes et les Isopodes ont été pris sur les parois. Dans la galerie N.-E. vivent dans les cailloutis AntispJiodrus et Bathyscia. Dans la salle S.-E. un appât a attiré 18 Ayitis'phodrus navaricus Vuill. que j'ai tous trouvés à deux mètres de l'appât sous des pierres visitées la veille. La plupart tenaient encore dans leurs mandi- bules des parcelles de fromage. Ajoutons que M. P. Nadar a trouvé dans cette grotte trois espèces de Coléoptères que je n'y ai moi-même jamais repris ; ce sont Pterostichus Nadari Vuill., Aphœnops Jeanneli Ab. et Bathyscia Mascarauxi Dev. Jeannel. 43. Grotte d'Alçaleguy. Située au-dessus de la ferme d'Alçaleguy, commune de Alçay, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, Franco. — Alti- tude : 750 mètres. — Roche : Calcaire jurassique. — Date : 2 janvier 1906. C'est un immense abri sous roches. Toutefois du milieu d'un énorme chaos de rochers éboulés, entassés en équilibre peu GROTTES VISITÉES 535 stable, souffle un violent courant d'air froid venant des profon- deurs de la montagne. Les paysans racontent que des Chiens s'y sont perdus autrefois à la poursuite d'un Renard. Un ébou- lement partiel semble avoir achevé de fermer cette grotte, et c'est avec peine que les Chauves -souris y pénètrent. Je crois qu'il serait facile d'arriver à se frayer un passage qui permet, trait d'accéder à une caverne immense si on en croit les gens du pays, qui affirment que la fumée des feux faits à Alçaleguy ressort par les avens ouverts sur le plateau sus-jacent. Dans le même massif j'ai pu constater la présence de gouffres nombreux ; je cite les principaux, comme indication aux confrères qui visiteraient la région. Ce sont : Gouffre de Belhy; gouffre d'Harribilibil ; gouffres d'Ahusguy; gouffre d' Alçaleguy. Ces deux derniers seraient en communica- tion avec la grotte d'Alçaleguy. Gouffre du Cayolar d'Udoy ; gouffre du Cayolar d'Ubinge (1). Enfin à Irriberry, près de Saint-Jean-Pied-de-Port, se trouve dans la propriété de M. Carricaburu, une petite grotte oii il a été découvert récemment une nouvelle espèce de Coléoptères cavernicoles : Bathyscia Elgueae Ab. De plus, tout le plateau d'Ahusguy et d'Istaûrdy ainsi que les cimes voisines se trouvent creusés de centaines de grands entonnoirs qui forment des points d'absorption dus au tassement des cavités souterraines. Jeannel. 44. Catacombes de Bicêtre. Situées sous l'hospice de Bicêtre, dans la commune de Krem- lin-Bicêtre, département de la Seine, France. — Altit/ude : 60 mètres env. — Roche : Calcaire grossier du lutétien inférieur et moyen, — Date : Hiver 1905, été 1906, (1) De nombreuses grottes et surtout des gouffres souvent fort profonds sont cités dans le mémoire de C. DuFAU, Grottes et abîmes du Pays basque. (Spelunca, V, n° 37, pp. 69-84.) 536 JEANNEL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Myriapodes, Arauéides, Acariens, Isopodes. — Numéro : 132. Ce sont des séries de galeries labyrinthiques, restes d'anciennes carrières ; ces galeries, souvent très basses, s'élargissent par place en salles assez vastes et élevées. En cinq endroits elles sont aérées par les anciens puits d'exploitation, simplement fermés par une plaque de fonte percée d'un orifice en son centre. Je ne connais pas à ces souterrains d'autre communication avec l'extérieur que ces orifices des puits et pourtant, à deux reprises, il m'est arrivé d'y capturer des Chauves -souris. Il est possible qu'il y ait une communication inconnue avec les Champignon- nières de Gentilly, et l'on aurait ainsi une explication facile du peuplement de ces cavité souterraines. Les conditions d'existence y sont très variables. Au voisinage des puits les débris organiques attirent de nombreux Coléoptères {Lœmostenus, Quedim), des Myriapodes {Lithobius) , quelques Arauéides, des Isopodes {Porcellio), des Acariens. Les murs sont parfois recouverts d'innombrables Diptères. Dans d'autres endroits, sur les bois vermoulus provenant des anciens étais, s'est développée une remarquable flore cryptogamique et sous l'abri qu'ils forment habitent des troglophiles variés. Coléop- tères {Anommatus), Aptérygogéniens, Myriapodes (Diplopodes), Arauéides et Acariens. Enfin, dans les régions les plus profondes, au-dessous des bancs à glauconie, le sol des galeries est formé de marnes sur lesquelles se rassemblent les eaux. Au voisinage des petits bas- sins permanents et relativement profonds, se trouve une faune toute différente de Coléoptères [Tr échus), d' Aptérygogéniens, de Myriapodes {Polydesmus) , d'Acariens, d'Aranéides et d'Isopodes ( Trichoniscus). Jeannel. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IV« Série, Tome VI, p. 537 à 553 ■30 M(ii 1907 BIOSPEOLOGIGA ARANEÂE, f-HERNETES ET OPILIONES (PREMIÈRE SÉRIE) PAR E. SliVlUN Ordo ARANEAE Familia SICARIIDAE LOXOSCELES RUFESCENS (L, Dufor^\ Cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, no 119. Cette espèce, non cavernicole, mais toujours lucifuge, a été trouvée dans les grottes de la province d'Alicante. Familia LEPTONETIDAE Leptoneta Min os E. Simon. in Ann. Soc. ent. Pr., 1882, p. 202. Grotte de l'Herm, Herm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905, no 94. Cette espèce a un habitat fort étendu car nous l'avions trouvée antérieurement dans plusieurs grottes de l'Ariége, de l'Aude U) Voir pour Bioapéologica I et II ces Archives, Tome VI, u* 7 et 8 ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. l^e SEKIE. — T. VI. (iX). 38 538 E. SIMON et des Pyrénées-Orientales ; elle se rencontre parfois aussi sous les grosses pierres et dans les mousses en dehors des grottes. L. Jeanneli, sp. nova. (S p, long. 2 ""^ 5. — Céphalothorax, sternum, chelaeque pallide fulvo-rufescentia. Abdomen cinereo fulvum. Pedes lutei, subpellucentes , femoribus leviter obscurioribus et olivaceis. Céphalothorax sternumque subtilissime coriacea sed regione frontali laevi et nitida. Oculi cuncti minutissimi, haud nigro- marginati, portici ab anticis non longe remoti. Pedum femora mutica, antica, subtus ad marginen exteriorem, granulis nigris seriatis munita. Pedum-maxillarium maris tibia patella paulo longior, tarsus processu grosso, subgloboso, aculeo sat longo (basi vix breviore), infra directo et subrecto, munito. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes-Pyrénées, France, 30-VII-1905, no 2. Cette espèce se rapproche de L. microphthalma E. Sim. (1), par ses yeux très petits, presque oblitérés et non pigmentés ; elle en diiïère par sa taille plus petite, ses yeux postérieurs moins éloignés de ceux du premier groupe, ses fémurs dépourvus d'épines mais armés en dessous (surtout chez le mâle) de granu- lations noires sériées assez fortes, ses tibias antérieurs sans épines latérales, les postérieurs pourvus d'une épine latérale subapicale et d'une dorsale, le tibia de la patte-mâchoire du mâle i)lus court, cependant un peu plus long que la patella, la saillie externe du tarse plus courte mais plus convexe, sub- globuleuse et prolongée par une forte épine presque droite, presque aussi longue que la base. L. LEUCOPHTHALMA, Sp. nOVa. d" p, long. 2 ""„; 5. — Céphalothorax, sternum, chelae, pedesque pallide lutea, subpellucentia. Céphalothorax sternumque subti- lissime coriacea sed regione frontali laevi et nitida. Oculi qua- (1) Espèce commune dans les grottes de l'Ariége, cf. Ann. Soc ent. Fr., 1872. p. 480. pi. 16 £f. 17-19 ARANEAE, CHERNETES ET OPI LIGNES 539 tiior antici postice uigro-marginati, oculi postici minutissimi fere punctiformes haiid nigro-limbati, ab anticis spatio oculo laterali antico saltem duplo latiore distantes. Pedum femora haud acu- leata, antica maris, grauulis nigris setiferis subtus munita. Pedum-maxillariiiin maris tibia patella longior, tarsus processu crasso subgloboso, spiiia nigra sinuosa armato, extus ad apicem munitus. Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Hiiesca, Espagne, 13-VIII-1905, no 33. Assez voisin de L. Aheillei E. Simon, dont il diffère par l'in- tervalle des deux groupes oculaires ayant au moins deux fois (ou un peu plus) le diamètre des latéraux du premier, les yeux postérieurs encore plus petits et non liserés de noir. La patte-mâchoire du mâle ressemble beaucoup â celle de L. Aheillei, la saillie externe du tarse est cependant un peu plus globuleuse mais elle est également prolongée par une épine noire un peu sinueuse. L. CRYPTICOLA, sp. nova. d" p, long. 2 % 5. — Fulvo-testacea, oculis anticis postice auguste nigro-marginatis , abdomine cinereo-albido. Céphalo- thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab an- ticis spatio oculo laterali antico paulo (non duplo) latiore dis- tantes. Pedes femora aculeis carentia, antica maris, praesertim ad basin, granulis seriatis setiferis conicis sat validis instructa. Pedum -maxillarium maris tibia patella non multo longior, tarsus processu exteriore subapicali mediocri, conico, seta curvata munito, instructus. La Balme d'Arena, Aspremont, dép. Alpes-Maritimes, France, 20-IX-1905, no 92. — Grotte d'Albarea, Sospel, dép. Alpes-Mari- times, France, 25-IX-1905, n^ 95. Nous l'avions trouvé antérieurement à Saint-Martin Vésubie, sous de très grosses pierres. Eessemble beaucoup à L. Minos E. Sim., n'en diffère guère que par le tibia de la patte-mâchoire, vu en dessus, un peu plus 540 E. SIMON long que la patella, et par le tarse à saillie apicale externe conique obtuse, moins cylindrique, surmontée d'un crin aigu dirigé en bas, aussi long que la base (chez L. Minas surmontée d'une petite épine noire unciforme, plus courte que la base). L. Proserpina, sp. nova. cf p, long. 2 % 5. — Fulvo-testacea, oculis anticis postice anguste nigro-marginatis, abdomine cinereo-albido. Céphalo- thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab anticis spatio oculo laterali antico plus dulpo latiore distantes. Pedum femora haud aculeata, antica maris subtus subtiliter rugosa. Pedum-maxillarium maris tibia patella evidenter lon- gior, tarsus processu exteriore subapicali minuto conico et curvato, seta sat longa et curvata munito, instructus. Grotte de Laura, Castillon, dép. Alpes-Maritimes, France, 25-IX-1905, no 90. Diffère de L. crypticola E. Simon, par les yeux postérieurs beaucoup plus largement séparés de ceux du premier groupe, par les fémurs antérieurs du mâle, plus iinement rugueux en dessous, par le tibia de sa patte-mâchoire beaucoup plus long que la patella. L. PAROCULUS, sp. nova. (S P, long. 2 ^. — Céphalothorax, chelae sternumque fulvo- rufescentia, subtilissime coriacea. Abdomen pallide cinereo- fiilvum. Pedes lutei, subpellucentes, femoribus vix infuscatis. Oculi sat magni, duo postici a sese anguste disjuncti, ab anticis spatio oculo laterali antico haud majore distantes. Pedum femora haud aculeata, antica maris granulis nigris subseriatis subtus munita. Pedum-maxillarium maris tibia patella haud vel vix longior, tarsus processu apicali late conico, spina nigra tenui, basi circiter aequilonga, munito, instructus. Cueva abaho de los Gloces, Fanlo, prov. Huesca, Espagne, 20-VIII-1905, no 45. Cette espèce diffère de ses congénères par ses yeux posté- ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 541 rieurs disjoints, caractère unique dans le genre Leptoneta, à part cela elle se rapproche des Leptoneta alpica et infuscata E. Simon. Familia PHOLCIDAE Pholcus phalangioides (Fuessly). Cette espèce, commune dans les maisons dans presque toute l'Europe a été trouvée, sans aucune modification, dans les grottes du Drach, à l'île Majorque, Baléares, 20-VII-1904, no 81, et dans la Balme d'Arena, Aspremout, dép. Alpes-Maritimes, France, 20-IX-1905, uo 92. Familia ARGIOPIDAE Subfamilia LINYPHIINAE DiPLOCEPHALUS BUSISCUS (E. vSimou). in Ann. Soc. ent. Fr., .1.872, p. 219 (Erigone). Plaesiocraerus lusiscus, id., Ar. Fr., V, p. 759. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Haute-Pyrénées, France, 30-VII-1905, no 2. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép. Hautes-Pyrénées, France, l-VIII-1905, n» 11. Découvert dans les grottes de l'Ariége. PoRRHOMMA Proserpina (E. Simou). in Ann. Soc. ent, Fr., 1873, p. 175 {Linyphia). Porrhomma Proserpina, id., Ar. Fr. V, p. 360. Grotte de l'Ours, Lortet, dép. Hautes-Pyrénées, France, 2-VIII-1905, no 16. Découvert par Ch. de la Brûlerie dans les grottes de l'Ariége; nous l'avions retrouvé depuis dans la Oueva de Orobe, près Alsasua (Espagne). Taranucnus Cerberus e. Simon. Ai\ Fr., V, p. 252. Grotte de TOueil de JSTeez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, no 76. 542 E. SIMON Nous avons découvert cette espèce dans la grotte de Sare (Basses -Pyrénées ) . T. Orpheus E. Simon. Loc. cit., p. 253. Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses-Pyrénées, France, 6-IX- 1905, n» 69. Découvert dans les grottes de l'Aude ; retrouvé depuis dans TAriége et les Hautes-Pyrénées. Lephthyphântes leprosus (Olilert). Arachn. Studien, 1867, p. 12 {Linyphia). Linyphia confusa O. P. Cambridge, in Tr. Linu. Soc, XXVII, p. 427, pi. LV, f. 21. Grande grotte du tunnel de Camous, Sarrancolin, dép. Hautes- Pyrénées, France, 6-VIII-1905, n^ 25. — Petite grotte de Lece- noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n» 129. Espèce commune dans toute la France et une grande partie de l'Europe ; se trovive au pied des arbres et sous les herbes sèches, souvent aussi dans les caves et les gi-ottes. L. PALLIDUS (O. P. Cambridge). Loc. cit., p. 436, pi. LVI, f. 26 Linyphia. Liyiyphia troglodytes L. Koch, Apterol. Frankiss. Jura, 1874, p. 1, ff. 7-8. Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-1X1905, no 91. Espèce assez répandue en France où elle habite les caves et les cavités souterraines, parfois aussi dans les mousses des bois sombres. Egalement en Angleterre, et en Bavière, dans les grottes de Muggendorf (L. Koch). L. LORiFER, sp. nova. es long. 2 % 5. — Céphalothorax laevis, pallide fulvo- rufescens, haud marginatus, oculis singulariter uigro-cinctis. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 543 Oculi quatuor postici in lineam leviter recurvam, iiiter se fere aequidistantes, spatiis interocularibus oculis paulo angustioribus. Oculi autici in lineam plane rectam, medii nigri paulo minores, a sese contigui, a lateralibus spatio oculo paulo minore separati. Olielac rufescentes, clypeo longiores. Sternum olivaceum, niti- dum. Abdomen albidum, saepe postice leviter obscurius et olivaceum. Pedes sat longi, pallide fulvo- rufescentes, femore 1' paris aculeo tenui interiore munito, reliquis femoribus mu- ticis, tibiis aculeis setiformibus longissimis raunitis, metatarsis anticissetaspiniformi unica superne armatis. Pedes- maxillares fulvi ; patella convexa, liaud prominula, ^ seta spiniformi longa supra munita ; tibia fi^. i. LepUhyvhantes lorifer patella paulo longiore et multo crassiore ^- ^''"•'"- '^' patte-màchoire du mâle par la face externe ; et supra et subtus alte convexa, supra b, lorum du buibe détaché, vu , ••!? • j. j.n'1 • par la face interne. seta spiniiormi, seta patellan longiore, munita ; tarso processu basali carente ; bulbo loro nigro lon- gi.ssimo apicem superante, sat angusto, compresse, curvato apice longe spiniformi, intus, prope médium, ramulum tenue sat longum et sinuosum emittente, insigniter armato. Cueva del Andorial, Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1- 1906, no 122. Espèce voisine de L. longiseta et angustiformis E. Simon (cf. Ar. Fr., t. V, p. 304). Troglohyphantes pyrenaeus, sp. nova. p (pullus), long. 4 "]„. — Céphalothorax sat humilis, late ovatus, pallide testaceus, subpellucens, laevis, parte cephalica setis nigris paucis seriatis munita. Oculi fere obsoleti, medii antici punctiformes, nigri, a sese appropiuquati, utrinque laté- rales testacei et vix perspicui, a mediis latissime distantes, inter se disjuncti, medii postici obsoleti. Clypeus mediocris, sub oculis impressus. Abdomen cinereo-testaceum, pilosum. Chelae longae, laeves, apice rufescentes. Sternum latum et convexum. 544 E. SIMON nitidum, olivaceum. Pedes longi, longissime setosi, pallide tes- tacei, subpellucentes, femoribus sex anticis aculeo setiformi subbasilari supra armatis, femore 4' paris mutico, patellis tibiisque aculeis longissimis armatis, metatarsis quatuor anticis aculeo setiformi unico supra munitis, posticis muticis. Grotte d'Oxybar, Camou-Cihigue, dép. Basses-Pyrénées, France, 1-1-1905, n^ 127. Capture fort intéressante car le genre Troglohyphantes était jusqu'ici étranger à ^a faune française ; malheureusement MM. Racovitza et Jeannel n'en ont recueilli que de jeunes indi- vidus et la description de l'espèce est forcément incomplète. Ce genre a été découvert dans les grottes de Carniole et signalé depuis dans les grottes de l'Amérique du Nord (Cf. à ce sujet, Hist. Nat. Ar., t. I, p. 690). Subfamilia TETRAGNATHINAE METEAE Meta Menardi (Latreille). Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses-Pyrénées, France, 6-IX- 1905, nP 69. — Grotte de l'Oueil de Neez, Rébénacq, dép. Basses- Pyrénées, France, 7-IX-1905, n^ 76. — Grande grotte de Lece- noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1905, n» 128. — Petite grotte de Lecenoby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 3-1-1906, n» 129. — Grotte d'Istaiirdy, Ahusguy, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n» 131. — Baume du Colom- bier, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, no 93. Espèce commune dans toutes les grottes de la région médi- terranéenne ; se trouve aussi dans les caves humides. M. Menardi Latreille existe aussi à Madagascar et dans l'Amérique du îford. M. ANTRORUM, sp. nova. d-, long. 7-8 ">^. — Céphalothorax pallide luteus, i^arte cepha- lica antice utrinque, pone oculos latérales, linea tenui abbreviata. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 545 in medio liueis binis abbreviatis subgeminatis, postice macula majore, V sinuosiim désignante, fusco-olivaceis notatus, oculis singalariter nigro-cinctis. Oculi xjostici, superne visi, in lineam leviter recurvam, magni, medii lateralibus paulo majores et a lateralibus quam inter se remotiores, spatio interoculari dimidio diametro oculo non latiore. Oculi antici in lineam multo magis recurvam, Olypeus oculis mediis anticis angustior. Partes oris sternumque nigricanti-olivacea, laminae intus testaceo-mar- ginatae. Chelae validae, convexae, fulvae, ad basin et extus fusco-olivaceae, margine superiore sulci dentibus trinis, duobus apicalibus inter se subcontiguis, aequis, brevibus et latis, altero remoto longiore (in M. segmentata Cl. dentibus trinis inter se SLibaequis), margine inferiore dentibus binis, basali mediocri, altero rainutissimo. Abdomen superne albidum, fulvo-reticu- latum, parcissime et minutissime nigricanti-atomarium, subtus utrinque laxe uigricanti-reticulatum, vitta média lata olivacea, albido-marginata et utrinque, prope mamillas, maculis albidis binis, notatum. Pedes longi, pallide lutei, femoribus quatuor anticis subtus, in dimidio apicali, maculis fusco-olivaceis binis, tibiis cunctis annulo medio parvo vix distincto annuloque apicali majore, ornatis, aculeis longis nigris, ut in Meta segmentata ordi- natis, armati. Pedes-maxillares graciles, pallide lutei, tarso bulboque fuscis ; tibia patella circiter aequilonga, versus basin attenuata ; tarso mediocri ovato, apopliysi basali longe biramosa, ramulo superiore suberecto, late conico, extus ad basin processu parvo et obtuso munito, ramulo inferiore longiore, gracili et leviter sursum curvato. p, long. 9-10 %. — A mari differt abdomine majore pedibus brevioribus. Pedes-maxillares pallide lutei, tibia ad basin minute olivaceo-notata. Oueva del Agua et cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, no« 115, 119. L'une des plus intéressantes découvertes laites dans ces der- niers temps pour la faune des grottes. 546 E. SIMON Le Meta antrorum, cavernicole ou au moins lucifuge, comme le Meta Menardi, se rapproche cependant beaucoup plus du Meta segmentata Clerck, surtout par la structure de ses organes sexuels. Il en diffère par ses yeux plus gros et plus resserrés, ses tégu- ments plus pâles, ses pattes anté- rieures tachées et annelées de brun -olivâtre. La patte-mâchoire du mâle dif- A C "^ fère de celle de M. segmentata par FiG. 2. A, Meta segmentata Clerck, tibia et le tibia pluS COUrt, la brauchc SU- tarse de la patte-mâchoire du mâle, vus par la face externe ; B, Meta antrorum péricurC de TapophySC tarsalc pluS E. Simon, mêmes parties. x,^^,-„^ j- i • i t_ i épaisse et plus conique, la branche inférieure grêle, plus longue et un peu arquée en haut. NESTICEAE Nesticus cbllulanus (Clerck). Grotte de l'Oueil de Néez, Kébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. — Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, no91. — Grotte d'Albarea, Sospel, dép. Alpes -Maritimes, France, 25-IX-9051, n» 95. Eépandu dans toute l'Europe ; commun dans les caves, les grottes, les galeries de mines. N". oBCAECATus, sp. uova. p long. 5-6 "1;^. — Pallide luteo-testaceus, abdomine cinereo- albido, chelis rufescentibus. Oculi medii antici obsoleti, reliqui oculi albi, minutissimi, quatuor postici in lineam latam, pro- curvam, medii a sese quam a lateralibus saltem duplo remo- tiores. Ohelarum margo inferior muticus, margo superior dentibus nigris binis, brevibus et robustis, armato. Abdomen convexum, tenuissime et sat longe pilosum. Pedes longe setosi. Plaga genitalis magna, nigra, antice profunde et angulose emarginata, postice convexa atque in declivitate postica fovea transversa, alba, sed tenuiter rufulo-marginata, impressa. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 547 Cueva del Molino, Vio, prov, Huesca, Espagne, 17-VIII- 1905, no 38. Se distingue des espèces connues par Toblitération complète des yeux médians antérieurs, la petitesse et Técartement des yeux postérieurs et par la plaque génitale marquée, sur la pente postérieure, d'une profonde fossette transverse. Son faciès est celui du N. eremita E. Sim. Familia AGELENIDAE Tegenaria domestica (Clerck) Cueva de abaho del CoUarada, Villanua, prov. Huesca, Espagne, 30-VIII-1905, n^ 53. Espèce presque cosmopolite qui se trouve dans les grottes aussi bien que dans les caves et les maisons. T. PAGANA C. Koch. Ar., VIII, 1841, p. 31, ff. 612-613. T. subtilis E. Simon, Ar. nouv., l^^" mém., Liège, 1870, p. 7. T. variegata Thorell, in Hor, Soc. ent. Ross., XI, 1-2, p. 36. T. pagana E. Simon, Ar. Fr., II, p. 71. Cueva del Agua, Dénia,' prov. d'Alicante, Espagne, 4-1 1906, nP 115. Espèce commune dans le midi de la France, en Corse, en Italie et en Espagne ; comme la précédente, elle n'est pas exclu- sivement cavernicole. Le T. pagana de la Cueva del Agua est de forme typique; dans une grotte voisine il est légèrement modifié et présente davantage les caractères d'un animal luci- fuge. T. PAGANA CAVERNICOLA, SUbsp. nova. cT long. 10 'X- — Céphalothorax pallide luteo-testaceus, antice leviter et sensim fulvo-tinctus, oculis singulariter nigro- cinctis. Oculi postici, superne visi, in lineam leviter procurvam, inter se aequi et fere aequidistantes, spatiis oculis paulo majo- ribus separati. Oculi antici in lineam magis x>rocurvam, inter 548 E. SIMON se subcoiitigiii, medii lateralibus saltem 13 miuorcs, Clypeus oculis lateralibus anticis evidenter latior. Abdomen pallide luteo-testaceuin, parce et longe nigro-setosum, superne, prope médium, utrinque linea valde arcuata, postice vittis transversis trinis, valde sinuoso-dentatis, fusco-olivaceis, notatum, subtus maculis parvis valde laciniosis et inordinatis parce conspersum, mamillae albido-testaceae, subpellucentes, articule basali haud infuscato. Sternum albido-testaceum, ad marginem late et irregulariter fusco-olivaceum et maculis albidis trinis notatum. Ohelae f usco - ruf ulae. Pedes sat longi, pallide luteo-testacei, femoribus 1' paris, apice excepto, infuscatis et rufulis, femo- ribus 4' paris annulo subapicali, tibiis 4' paris annulo submedio, angustis, pallide olivaceis et vix expressis, muuitis. Pedes-maxil, lares apice infuscati; femore sat longo, ad basin curvato et com- presse, ad apicem leviter ampliato, superne, in dimidio apicali, setis spiniformibus aculeisve nigris trinis uniseriatis instructo ; patella longiore quam latiore ; tibia patella vix longiore, paulo angustiore, apophysibus binis, superiore crassa, conica, sed acuta, apice nigra, altéra (fere iuferiore) rufula, paulo longiore, plana, laminiformi, apice sensim ampliata et obtuse truncata ; tarso tibia cum patella evidenter longiore, ovato, longe atte- nuato et bulbum multo superante ; bulbo magno, lamina rufula plana circumdato, lobo elevato et truucato, aCuleis binis, inter se subaequis, basali gracillimo et curvato, apicali recto et acu- tissimo, extus armato. Cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, nP 119. T. Racovitzai, sp. nova. cT, long. 11 ^j^. — Céphalothorax pallide fulvo-testaceus, parte cephalica longa, leviter convexa, in regione oculorum valde declivi. Oculi parvi, quatuor postici, superne visi, in lineam subrectam, iuter se late et fere aeque distantes, spatiis interocularibus oculis plus triplo majoribus, medii ovati late- ralibus minores. Oculi antici in lineam subrectam, inter se ARANEAE, CHRRNETES ET OPILIONES 549 distantes, medii lateralibus plus triplo minores et paulo minores quam medii postici, Clypeus verticalis, plamis, ociilis anticis plus triplo latior. Abdomen ovatum, pallide fulvo-nifulum, longe et tenuiter nigro-setosum, superne, in parte apicali, punctis cinereis vix expressis biseriatis (3-3 vel 4-4) notatum, subtus parce cinereo-punctatura. Mamillae albidae, superiores articule apicali basali paulo breviore. Sternum fulvo-testaceum, concolor. Pedes fulvo-testacei, metatarsis leviter rufulo-tinctis, longi, postici anticis evidenter longiores, metatarsis tenuibus, anticis tibiis circiter aequilongis (vel paulo longioribus), posticis tibiis multo longioribus. Clielae fulvo-rufulae, laeves. Pedes- maxillares fulvo-testacei, apice levi- ter infuscati; femore sat longo, ad basin compresse et curvato, ad apicem leviter ampliato , superne setis spiniformibus aculeisve trinis uniseriatis, apicali minore, setaque interiore longa subapicali graciliore, armato ; patella brevi, superne setis spiniformibus binis, apicali longis- sima , munita ; tibia patella fere 1/3 longiore, graciliore et cylin- dracea, setis spiniformibus longissimis conspersa, apophysi parva nigra depressa et truncata, extus ad apicem armata, sed lamina inferiore carente ; tarso tibia cum patella circiter aequilongo, sat auguste ovato et longe acuminato, bulbum multo superante ; bulbo mediocri, subrotundo, lamina rufula crassa circumdato, apice stylo nigro curvato, extus ad basin apophysi crassa et conica sat brevi, instructo. Cueva abaho de los Gloces, Fanlo, prov. Huesca, Espagne, 20-VIII-1905, no 45. Espèce du groupe de T. domestica, dont elle se distingue par ses téguments unicolores, ses yeux plus petits et plus espacés et surtout par la structure de la patte - mâchoire du mâle (fig- 3). FiG. 3. A, Tegenaria domestica Clerck, patte-mâchoire du mâle, vue par la face externe.. B, T. Racovitzai E. Simon, mêmes parties. I Ô50 E. SIMON IBERINA Mazarredoi E. Simon. in Anal, de la Soc. esp. de Hist. Nat., X, 1881, p. 127. Grotte de TOueil de î^éez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, no 76. Espèce nouvelle pour la faune française ; nous l'avons décou- verte en 1880 dans la cueva de la Magdalena, près Galdames (Biscaye). Ordo GHERNETES FamiUa CHELIFERIDAE Cheleper lacertosus (L. Koch). Darst. Eur. Chernet., p. 9 (1873). Causse de la Pena de CoUarada, Villanua, prov. Huesca, Espagne, 31-VIII-1905, n^ 57. Espèce répandue dans le midi de la France, en Corse, en Italie et en Espagne ; accidentellement cavernicole. FamiUa OBISIIDAE Obisitjm MxrscoRUM Leach. Zool. Miscell. III, p. 51. Ob. museorum et tenellum C. Koch, Ar., t. X, pp. 67-69. Grotte d'Istaûrdy, Aliusguy, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, no 130. O. SiMONi L. Koch. Loc. cit., p. 54. Grotte d'Ilhet, Sarrancolin, dép. Hautes-Pyrénées, France, 6-VIII-1905, no 23. 0. museorum et Simoni sont des espèces répandues dans presque toute l'Europe et communes dans les mousses des bois ; leur présence dans les grottes est accidentelle. O. CAVERNARUM L. Koch. Loc. cit., p. 55. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes -Pyrénées, France, A ANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 551 30-VII-1905, 11" 8. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép. Hautes- Pyrénées, France, l-VIII-1905, n» 11. Cette espèce, qui fait la transition des Obisium vrais aux Blothrus, a été trouvée dans presque toutes les grottes de l'Ai'iége, des Basses-Pyrénées et même dans celles de TArdèche. Ohthonius tenuis L. Koch. Loc. cit., p. 51. Grotte de THerm, Herm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905, u9 94. Commun dans les mousses des bois et sous les pierres ; acci- dentellement cavernicole. C. Gestroi E. Simon. in Ann. Mus. civ. Genova, sér. 2, XVI, 1890, p. 376. Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes -Maritimes, France, 17-IX-1905, n" 91. Espèce découverte récemment dans les grottes de la Ligurie. Ordo OPILIONES Sub-Ordo OP. MBCOSTETHI Familia PHALANGODIDAE Phalangodbs clavigera e. Simon. Ar. Fr., t. VII, p. 151. Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses -Pyrénées, France, 6-IX-1905, n» 69. Découvert dans la grotte de Betharram par Ch. de la Brûlerie ; nous l'avons retrouvée depuis en nombre près de Saint-Jean-de- Luz et d'Ascain dans les mousses et sous les grosses pierres ; cette espèce est plutôt lucifuge que cavernicole. P. Lespesi (Lucas). in Ann. Soc. ent. Fr., 1860, p. 974. — Id. E. Simon, Ar. Fr., VII, p. 165. 552 E. SIMON Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Huesca, Espagne, 13-VIII-1905, iio 33. Espèce commune dans presque toutes les grottes de TAriége, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ; se trouve aussi dans les mousses eu dehors des grottes. Nota. — Quelques jeunes Phalangodes, non déterminables, ont été trouvés dans la grotte de l'Herm (Ariège). Sub-Ordo PLAGIOSTETHI Familia ISCHYROPSALIDAE Sabacon paradoxus e. Simon. Ar. Fr., VII, p. 266. Grotte de l'Oueil de Néez, Eébénacq, dép. Basses -Pyrénées, France, 7-IX-1905, no 76. Cette espèce a été trouvée dans presque toutes les grottes de la région pyrénéenne ; elle se rencontre aussi dans les mousses et sous les pierres humides en dehors des grottes. Ischyropsalis luteipes e. Simon. in. Ann. Soc. eut. Fr., 1872, p. 484. — Ihid., Ar. Fr., VII, p. 268. Grotte de l'Oueil de Néez, Eébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, n» 76. Espèce très répandue dans la région pyi'énéenne et en Au- vergne ; se trouve plus souvent en dehors des grottes dans les mousses épaisses et humides. I. NODiPERA E. Simon, Ar. Fr., VII, p. 270. — /. Sharpi E. Simon, in Ann. Soc. eut. Fr., 1879, Bull. p. CXXIX. Cueva del Molino, Vio, prov. Huesca, Espagne, 17-VIII-1905, n" 38. I. nodifera est l'espèce du genre la plus répandue dans les provinces basques : nous l'avons observée à Saint-Jean-de-Luz, ARANEAE. CIIEFINETES ET OPILIONES 553 à Alsasua et près de Galdaniès à l'entrée des grottes de la Mag- dalena et de Arenaza ; elle n'est cavernicole qu'accidentelle- ment, elle habite les mousses et les détritus humides Nota. — Un jeune Ischyrof salis, non déterniinable, a été trouvé dans la grotte des Eaux-Chaudes (Basses-Pyrénées). Familia NEMASTOMATIDAE Î^Temastoma bacilliferum E. Simon. Ar. Pr., VII, p. 287. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes-Pyrénées, France. 30-1-1905, no 2. — Cueva de abaho <lel Collarada, Villanua, prov. Huesca, Espagne, 30-VIII-1905, no 53. Espèce commune à toute la région pyrénéenne aussi bien en France qu'en Espagne ; accidentellement cavernicole. N. CARBONARIUM, sp. nova. d- jo. long. 2-2,5 ^. — A ^. hacillifero, cui sat affine est, differt corpore supra omnino nigro-opaco haud aureo-plagiato, coxis anticis subtus grosse et crebre granulosis (in N. hacillifero coriaceis et parcissime granulosis). Abdomine feminae clavis posticis seriatis brevioribus et praesertim chelarum maris articule basali apophysi erecta cylindracea et setosa leviter incurva, fere ut in N. chrysomelano, instructo. Cueva Llobrica, Vio, prov. Huesca, Espagne, 18 -VIII -1905, n» 40. Nous l'avions reçu antérieurement de La Granja. Familia TBOGULIDAE Amopaum Sorenseni (Thorell). in. Ann. in Mus. civ. Gen., VIII, p. 505 (1876). Baume du Colombier, Roquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 7-IX-1905, no 93. Se rencontre le plus souvent en dehors des grottes, sous les grosses pierres humides. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4° SÉRIE. — T. VI. (ix|. SQ 1 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 4e SÉRIE, TOME VI Afrique équatoriale (Essai sur la malacogra- pliie de 1' — ) (voir C4ermain), p. 103. AMIIONÏ (K.). Etudes et reclierclies sur les Edentés tardigrades et gravigrâdes. — I. Les coupures génériques de la famille des Bradypodidae. — II. Les attitudes et la locomotion des Paresseux, p. 31. Araneae (1™ série), Biospéologica III (voir Simon), p. 537. Autonomie caudale chez quelques Rongeurs (voir CUÉNOT), N. et R., p. lxxi. BEAllCH.^MI' (I'. iIp). Morphologie et variations de l'appareil rotateur dans la série des Ro- tifères, p. 1. BllURD (A.). Deux espèces nouvelles d'Hy- droïdes de Madagascar (Note préliminaire), N. et R., p. LXXix. Biospéologica. I. Essai sur les problèmes biospéologiques (voir Racovitza), p. 371. II. Enumération des grottes visitées, 1904- 906 [V série) (voir Jeannel et Raco- itza), p. 489. III. Araneae, Chernetes etOpiliones (l'" série), (voir Simon), p. 537. Biospéologiques (Essais sur les problèmes — ) (voir Racovitza), p. 371. Bradypodidae (Les coupures génériques de la famille des — ) (voir Anthony), p. 31. BRONtZ (l.). Sur l'existence d'éléments con- jonctifs phagocyto-excféteurs chez les Schi- zopodea, N. et R., p. xxiii. BRCPITZ (L). Sur l'existence d'éléments con jonc- tifs phagocyto-excréteurs chez la Nébalie, N. et R., p. xxviii. BRBNTZ (L.). Néphrocytes et néphro-phago- cytes des Caprellides, N. et R., p. LVi. Caprellides (Népliroeytes et néphro-phago- cytes des — ) (voir Bruntz), N. et R., p. LVI. Chernetes (l'^ série). Biospéologica III (voir Simon), p. 537. Cloisons chez les Hexactinies (Nouvelles recherches sur le développement des — ) (voir Faurot), p. 333. criNOT (t.). L'hérédité de la pigmentation chez les Souris (5« note), N. et R., p. i. CrMOT (L.). L'autonomie caudale chez quel- ques Rongeurs, N. et R., p. LXXI. CCBNOT (L.). L'origine des néniatocystes des Eolidiens, p. 73. DELifiE (Y.). Sur les conditions de la parthéno- genèse expérimentale et les adjuvants spé- cifiques de cette parthénogenèse, N. et R., p. XXIX. DElAflE (V.). Charles Marty (Notice nécrolo- gique), N. et R., p. Li. Edentés tardigrades et gravigrâdes (Etudes et recherches sur les — ) (voir Anthony), p. 31. ABCH. DE ZUOL. EXl'. li' Eolidiens (L'origine des nématocystes des — ) (voir Cuénot), p. 73. FAIROT (L.). Nouvelles recherches sur le déve- loppement du pharynx et des cloisons chez les Hexactinies p. 333. CiERMAIN (L.). Essai sur la malacographie de l'Afrique équatoriale, p. 103. Grottes ( Enumération des — visitées , 1904-1906) (voir JEANNEL et Racovitza). p. 489. (IDITEL (F.). Sur la création d'une station entomoiogique à la Faculté des sciences de Rennes, N. et R., p. XCIII. Hérédité de la pigmentation chez les Souris (voir Cuénot), N. et R., p. i. Hexactinies (Nouvelles recherches sur le déve- loppement du pharynx et des cloisons chez les — ) (voir Faurot), p. 333. HOIISSAY (E). Variations expérimentales. Etu des sur six générations de Poules carni vores, p. 137. Hydroïdes de Madagascar (Deux espèces nou velles d' — ) (voir Billard), N. et R., p LXXIX. .lEAlVNEL (R.). et!. ('.. RACOYHIA. Enumération des grottes visitées, 1904-1906 (l^'^ série). Bio spéologica II, p. 489. LOISEL (G.). Recherches sur les caractères difîé rentiels des sexes chez la Tortue mauresque N. et R., p. XXXVIII. Madagascar (Deux espèces nouvelles d'Hy droïdes de — ) (voir Billard), N. et R p. LXXIX. Malacographie de l'Afrique équatoriale (voir Germain), p. 103. Marty (Charles) (voir Delage), N. et R., p. LI. Méditerranée (Les Scorpénides de la — ) (voir Roule), N. et R., p. xiv. Nébalie (Sur l'existence d'éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez la — ) (voir Bruntz). N. et R., p. xxviii. Nématocystes (L'origine des — des Eolidiens) (voir Cuénot), p. 73. Némertes (Sur quelques nouvelles espèces de ^^ de Roscoff) (voir OxNER), N. et R., p. Lix. Némertes de Roscoff et Villefranche-sur-Mer (Quelques observations sur les — ) (voir OXNER), N. et R., p. LXXXII. Néphrocytes et néphro-phagocytes des Caprel- lides (voir Bruntz), N. et R., p. lvi. Opilioiies (1" série). Biospéologica III (voir Simon), p. 537. DXN'ER (M.). Sur quelques nouvelles espèces de Némertes de Roscoff. N. et R., p. LIX. OX^ER (M.). Quelques observations sur les Némertes de Roscoff et Villefranche-sur- Mer, N. et R., p. LXXXII. r GEN. 4'^ SERIE. T. VI. 4© 556 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIERES \ Paresseux (Les attitudes et la locomotion des — ) (voir Anthony), p. 31. Parthénogenèse jSur les conditions de la — expérimentale et les adjuvants spécifiques de cette — ) (voir Delage), ^". et R., p. XXIX. Phagocyto-excréteurs (Sur l'existence d'élé- ments — chez les Schizopodes) (voir Bruntz), N. et R., p. XXIII. (Id. — chez la Nébalie) (voir BKrNTZ), X. et R., p. xxviii. Pharynx chez les Hexactinies (Nouvelles recherches sur le développement du — ) (voir FAfROT), p. 333. Pigmentation (Hérédité de la — chez les Souris) (voir Cuénot), N. et R., p. I. Poules carnivores (Variations expérimentales. Etudes sur six générations de — ) (voir HOTTSSAY), p. 137. ll.\r,OVITZA (E. G.I. Essai sur les problèmes biospéologiques. Biospéologica 1, p. 371. RAr.OVnZA (k. '. . (Voir JEANNEL et Raoovitzai, p. 489. Rongeurs (L'autotomie caudale chez Quel- ques — ) (voir CuÉxoT), N et R , p. Lxxi. Roscoff (Sur quelques nouvelles espèces de Némertes de — ) (voir Oxner), N. et R., p. LIX. Roscoff (Quelques observations but les Ne- mertes de — ) (voir Oxner), N. et R., p. liXXXII. Rotifères (Morphologie et variations de l'ap- pareil rotateur dans la série des — ) (voir Beauchamp), p. 1. I.OlLB (L.). Notes ichthyologiques. Les Scor- pénides de la Méditerranée, N. et R., p. XIV. Schizopodes (Sur l'existence d'éléments con- jonctifs phagocyto-excréteurs chez les — ) (voir Bruntz), N. et R., p. xxiii. Scorpénides (Notes ichthyologiques. Les — de la Méditerranée) (voir ROULE), N. et R., p. XIV. Sexes (Recherches sur les caractères diffé- rentiels des — chez la Tortue mauresque) (voir LoiSEL), N. et R., p. xxxviii. SLIION (t). Araneae, Chernetes et Opiliones (1" série). Biospéologica III, p. 537. Station entomologique à la Faculté des sciences de Rennes (Sur la création d'une — ) (voir GuiTEL), N. et R., p. xcili. Souris (Hérédité de la pigmentation chez les — ) (voir Cuénot), N. et R.. p. i. Tortue mauresque (Recherches sur les carac- tères différentiels des sexes chez la — ) (voir LoiSEL), N. et R., p. XXXVIII. Variations expérimentales. Etudes sur six générations de Foules carnivores (voir Hous- SAY), p. 137. Villefranche-sur-Mer (Quelques observations sur les Némertes de — ) (voir OXNER), N. et R., p. IXXXU. Versailles. — Société Anonyme des Imprimeries Gérardin. Arch. de Zool. Exp'- et Géni" 4« Série, Tome VI, PI, l BRADYPODlD^i^g PhoiotTpie B«rtbiud, Psri* Arch. de Zool. Exp-^ et GévM 4e Série, Tome VI, PI. II III IV VI Attitudes du Choloepus Didactylus. L. le„+ ^'^-v^le Arcii. de Zool.Exp et G-én -t" Série, Tome Vl.Pl.Iir. ,:âTÏ*X z ^/ l\::. l.Ciimot dél . Liilt.Anst.X'E.A.Funlie, Lfqjzii/. NEMATOGYSTES des EûLlDIENS. ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. DE LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4« Série T. VI. NOTES ET REVUE 1907. N° 7. I L'HÉRÉDITÉ DE LA PIGMENTATION CHEZ LES SOURIS (5« Note) par L. GuÉNOT Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy Dans des notes antérieures (1'% 2« et 4". notes, 1902-1905), j'ai- publié les résultats d'expériences faites sur différentes races de Souris, notamment la grise (type sauvage), la noire, la jaune et les albinos; j'ai montré qu'on pouvait définir chacune de ces races, au point- de vue de la coloration du pelage et des yeux, par une cer- taine constitution du plasma germinatif, et j'ai désigné par des lettres les déterminants spécifiques que renferme ce dernier- L'en- semble de ces lettres, pour une race donnée, constitue la formule héréditaire de celle-ci ; la connaissance de ces formules et de la dominance relative des diverses mutations d'un même déterminant ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4« SÉRIE. — T. VI. A 1, NOTES ET REVUE permet de calculer, en appliquant les règles de Fhérédité mend^- lienne, le résultat des croisements les plus compliqués. J'ai continué ces recherches par l'étude de deux nouvelles races, moins simples que les précédentes: les Souris pigmentées à yeux rouges, et les Souris brunes. Souris pigmentées à yeux rouges Paradoxe de Darbishire Darbisuire (1905), ayant croisé des Souris de pelage fauve mais à yeux rouges, par des albinos, également à yeux rouges, obtint uni- quement des Souris à yeux noirs, généralement de pelage gris (340 petits, tous à yeux poirs) ; ce résultat ne laisse pas que d-étre assez surprenant et même paradoxal, les Souris fauves, de même que les albinos, ayant elles-mêmes des parents à yeux rouges, depuis aussi longtemps qu'on le voudra supposer. Et cependant, les pro- duits immédiats du croisement ont les yeux parfaitement noirs. Ces hybrides, croisés entre eux, ont une progéniture très com- pliquée, comprenant d'une part des albinos, d'autre part des formes pigmentées, les unes à yeux rouges (pelage tantôt fauve [fawn ou yell-Qw], tantôt gris perle [lilac]^ les autres à yeux noirs (pelage gris, noir, jaune, etc.). La proportion relative de ces trois catégories est la suivante (sur 555 petits) ' 137 albinos 24,7 0/0 l.')4 pigm entres à yeux rouges 24,1 0/0 284 pigmentées à yeux noin 51,2 0/0 Expériences personnelles. — Je n'ai pas l'intention, dans cette note, de critiquer en détail le travail de Darbishire ; je me conten- terai: de dire qu'il a obtenu d<\s résultats compliqués parce qu'il s'est servi d'albinos de valeur très différente au point de vue des carac- tères latents de coloration. Pour éviter cet écueil, je suis parti d'un couple unique, comprenant un mâle fauve à yeux rouges, acheté en Angleterre, et une femelle albinos, issue d'ancêtres noirs, et dont je connaissais la formule héréditaire de par son origine et des essais antérieurs (AN). Ce couple unique m'a donné 6 petits, tous à yeux noirs et ayant le même pelage : le dos est d'un gris un peu roux, le ventre est blanc bordé de roux, ce qui est exactement la livrée du Mulot des champs {Mus sylvaticus L.). NOTES ET REVUE m Ces 6 hybrides ont été croisés entre eux, et ont eu la descendance suivante (92 petits) : 21 albinos 25 pigmentées à yeux rouges 46 pigmentées à yeux noirs ( 22 fauves ( 3 gris perle ( 36 gris à ventre blanc ) 10 noirs Interprétation. — J'ai cherché longtemps une explication ration- nelle du paradoxe de Darbishire, en croisant dans tous les sens les hybrides de première génération et leur descendance ; les expé- riences sont rendues assez difficiles par la santé extrèmementr déli- cate des fauves et des gris perle, qui meurent souvent en bas âge, ou ne donnent qu'un nombre insignifiant de petits. Néanmoins, j'ai fini par trouver une solution très simple du problème, tout à fait d'accord avec les doctrines mendéliennes. La fon'iiule de la Souris fauve à yeux rouges, le père originel, est GG'E..., c'est-à-dire que ses particularités sont en relation avec au moins trois déterminants du plasma germinatif : C est le déter- minant commun à toutes les races pigmentées ; G' et E réagis- sent l'un sur l'autre pour donner la teinte fauve du pelage, E étant en même temps un déterminant Sj^écial de la non-pigmentation des yeux. La formule de l'albinos utilisée comme femelle originelle, est ANM... : A est le déterminant spécial de l'albinisme, commun à tous les albinos, qui empèdhe N et M de s'exprimer ; N est le déter- minant du noir, quand il est en compagnie de C et de M ; M est en même temps le déterminant spécial de la pigmentation des yeux, quand il est en présence de C ; mais je répète que N et M restent ici sans effet, puisque A empêche toute pigmentation. En somme, c'est un croisement entre deux races définies chacune par trois déterminants symétriques, G s'opposant à A, G' à IN et M à E. II sufiit de savoir que C est dominant sur A, G' sur N, et M sur E, et l'on a tout ce qu'il faut pour résoudre le paradoxe de Darbisuire. Les petits provenant du croisement entre les deux races à yeux rouges sont donc des trihybrides, ayant la formule C (A) G' (N)M(E), les déterminants do:ainés étant placés entre parenthèses ; ou, pour ,v NOTES ET REVUE abréger, ils sont identiques au point de vue somatique, à une forme CG'M. Les yeux sont noirs, puisqu'il y a réunion des déterminants C et M ; ranimai est gris à ventre blanc, résultat de la réaction de G' et M en présence de C. La deuxième génération, provenant du croisement des trihybrides, doit se décomposer de la façon suivante ', en appliquant les règles bien connues de la disjonction et de la dominance mendéliennes : 16 albinos (Â...), soit 25 0/0 Sur 64 petits \ 12 formes pigmentées à yeux rouges soit 18,75 0/0 36 formes pigmentées à yeux noirs soit 56,25 0/0 9 à pelage fauve (CG'E...) 3 réalisant une com- binaison nouvelle (CNE) 27 gris à ventre blanc (CG'M...) 9 noirs (CNM...) La combinaison nouvelle (CNE), prévue par la théorie, est évidem- ment celle qui donne naissance aux Souris gris perlé à yeux rouges, race qui apparaît subitement dans la progéniture des trihybrides, et qui diffère à la fois de ceux-ci et de tous leurs ancêtres connus. Calculons maintenant, d'après ce qui précède, la prévision théorique sur 92, nombre de petits que j'ai obtenu : PREVISION THEORIQUE 23 albinos 13 fauves 4 gris perle 17 39 gris à ventre blanc 13 noirs 52 21 albinos 22 fauves RESULTAT REEL : 36 gris à ventre blanc 3 gris perle 25 46 10 noirs Les nombres prévus dans mon hypothèse et les réels sont vrai- ' Dans le tableau, je donne seulement le r^tsuUat global du calcul, en indiquant uni- quement les déterminants qui s'expriment dans la coloration du pelage et des yeux. NOTES ET REVUE v ment très voisins l'un de l'autre ; il y a seulement un peu trop de fauves, particularité qui se retrouve du reste dans les croisements de Darbis'iire, et que nous tenterons plus tard d'expliquer. Naturellement, j'ai poursuivi la démonstration dans le détail, en vérifiant les formules héréditaires attribuées aux produits du croi- sement des trihybrides. Je me bornerai à citer quelques-uns des résultats, toujours bien d'accord avec mon hypothèse : 1° Si Ton croise un fauve à yeux rouges (CG'E) bien homozygote, par un gris perle (CNE), on doit obtenir uniquement des fauves, puisque G' est dominant sur N ; c'est ce qui arrive en effet, comme l'avait déjà vu Darbishire et comme je l'ai vérifié après lui. 2° Le gris perle à yeux rouges est la forme pigmentée qui ren- ferme le plus de déterminants dominés (N et E) : en conséquence, des gris perle croisés entre eux doivent donner uniquement des gris perle et rien d'autre. C'est ce que j'ai constaté : un couple de gris perle, actuellement en observation, a produit 17 petits, tous semblables aux parents. 3° La race noire (CNM) et la race gris perle (CNE) ne diffèrent que par un unique déterminant ; le résultat de leur croisement est donc un monohybride, qui doit être noir, puisque M est dominant sur E. Ces monohybrides noirs, croisés entre eux à leur tour, doivent produire des noirs à yeux noirs et des gris perle à yeux rouges, dans la pro- portion de 3 à 1. C'est exactement ce qui se passe au point de vue des couleurs, mais je n'ai pas encore assez de portées pour vérifier la proportion numérique. 4" La théorie fait prévoir l'existence d'albinos renfermant le déterminant E ; ceux-ci, croisés avec des fauves ou gris perle à yeux rouge, qui renfermeut le même déterminant, doivent donc produire des petits à yeux rouges, et non pas noirs comme dans le croise- ment paradoxal du début. J'ai rencontré effectivement de tels albinos. Une fois convaincu <lu bien-fondé de l'hypothèse explicative, j'ai commencé d'autres recherches en croisant les fauves et gris perle à yfâux ro\i%es avec des Souris grises, jaunes et brunes. Elles ne sont pas suffisamment avancées pour que je puisse en rendre compte ; je mentionnerai cependant que le groupement CG'M (pelage analogue à celui dn' Mus sxjlvaticus) est dominant sur Ife groupenaent CGM (Souris grise orâiuaife, Mus musculus), mais par contre, que le groupement CJM (Souris jaune), domine aussi bi«n CG'M que CGM. VI NOTES ET REVUE Souris brunes Les Souris brunes [chocolaté, brown, plum des Anglais) consti- tuent une race facilement reconnaissable à son pelage d'un beau brun velouté, un peu plus clair sous le ventre ; les yeux sont noirs; la queue a une teinte mixte entre le rose et le brun; les poils ne renferment que du pigment brun, à l'exclusion du noir et du jaune. Quelques auteurs, Parsons (cité dans Bateson 1903), Allen (1904) et Davenport (1904), se sont servis pour certains croisements de cette race brune ou de l'albinos correspondant, mais leurs expé- riences manquent de précision et il est impossible d'en déduire la formule de constitution germinale. Aussi ai-je dû reprendre cette étude, en partant d'un couple de Souris brunes qui m'avait été obli- geamment envoyé par M. Darbishire. Expériences personnelles. — J'ai d'abord croisé les Souris brunes entre elles, puis avec les différentes races pures que je possède, la grise (CG), la grise à ventre blanc (GG'), la noire (CN) et la jaune (GJ...). Les brunes, croisées entre elks, donnent toujours et uniquement des brunes semblables aux parents (jusqu'ici 47 petits) ; à moins, bien entendu, que ces Souris ne renferment le déterminant spécial de l'albinisme, auquel cas on obtient des brunes et des albinos. Ge résultat, d'accord avec ceux de Parsons, Allen et Davenport, permet de prévoir que le brun est une race dominée par toutes les autres, et qu'une Souris brune quelconque est forcément de race pure. En effet, quand on croise la race brune par une autre, grise, noire ou jaune, les hybrides ne sont jamais bruns : 1) Brun X Gris = Gris 2) Brun X Gris à ventre blanc = Gris à ventre blanc 3) Brun x Noir = Noir 4) Brun X Jaune (forme constamment hétérozygote) ^= Jaune 4- Gris ou Noir. Etudions en particulier les hybrides du croisement n" 1. Si ce sont des monohybrides, en les croisant entre eux, on obtiendra, confor- mément aux règles de la disjonction et de Ta dominance mendé- liennes : Hybride Gris-Brun x Hybride Gris-Brun = 3 Gris -\- 1 brun NOTES ET REVUE vu Or, ce n'est pas du tout ce qui se passe; le résultat réel est beau- coup plus compliqué. Les produits du croisement appartiennent à quatre types différents : 1° et 2" Des gris et des bruns, semblables aux grands parents; résultat qui était prévu. 3° Des noirs typiques, ce qui est tout à fait inattendu. 4° Une forme nouvelle, qui correspond au cinnamom-agouti des Anglais [golden-agouti d'ALLEN); le pelage est mixte entre le gris et le brun; sa teinte est brun jaunâtre ou gris doré, et se distingue avec la plus grande facilité de celle des grands-parents ; les poils renferment du pigment brun et du jaune, mais pas de pigment noir. Les gris sont en grande majorité; les noirs et les golden-agouti sont moins nombreux ; enfin, les bruns apparaissent assez rarement. J'ai obtenu 76 petits qui se répartissent ainsi : 41 gris, 15 noirs, 15 golden-agouti, 5 bruns. Interprétation. — Après avoir croisé de toutes les façons possibles les produits du croisement des hybrides et contrôlé ainsi les résultats rapportés par les auteurs cités plus haut, je suis arrivé à une inter- prétation tout à. fait sMisfaisante. On a vu que le croisement précédent donne entre autres des Souris noires, qui n'existent absolument pas dans la lignée ances- trale des parents grîs et bruns. L'apparition du noir est due à un apport des déterminants parti- culiers de cette race (CN), apport dont la souche brune est forcément responsable. Les Souris brunes, comme les noires, renferment donc le groupement CN, mais puisqu'elles ne sont pas semblal)ies. .1 faut donc qu'il y ait entre ces deux races un ou plusieurs déterminants différentiels, inconnus jusqu'ici. En réalité, il n'y en a qu'un : j'appellerai F (première lettre du mot foncé) le déterminant en question tel qu'il existe chex les Souris noires et D (première lettre du mot dilué) sa mutation chez les Souris brunes. La formule des noires-devient donc CNF, et celle des brunes CND. D est dominé par F, ainsi qu'il ressort des croisements entre noirs et bruns. Si nous attribuons aussi aux Souris grises (CG) ce déterminant nouveau F, tout s'explique alors très facilement : le croisement original donne naissance à des dihybrides, les parents différant par les déterminants G-N, d'une part, F-D, d'autre part. Voie, le calcul de prévision basé sur les hypothèses précédentes : VIII Parents : 1" génération : (Dihybrides) NOtES ET REVUE CGF (gris) CND (l^run) C(}p (gris) CND 'l"-"") CGF(CND) (g"s) CGF(CND) (gris) Décomposition des gamètes : CGF, CND, CGD, CNF I CGFCGF 2 CGFCGD 2 CGFCNF 4 CGFCND 2"'° génération : / CGDCGD 2 CGDCND CNFCNF 2 CNFCND CNDCND 9 gris 3 Souris formant une combinaison nouvelle 3 noirs 1 brun La combinaison nouvelle CGD correspond évidemment à la forme nouvelle (brun doré =; golden-agouti), qui a apparu subitement lors du croisement des dihybrides gris, et qui diffère à la fois de ceux-ci et de tous leurs ancêtres connus. Calculons maintenant, d'après ce qui précède, la prévision théo- rique sur 76, nombre de petits que j'ai obtenu : PRÉVISION THÉORIQUE : 43 gris I 14 noirs | 14 golden-agouti | 5 bruns RESULTAT REEL : 41 gris I 15 noirs | 15 golden-agouti 5 bruns L'accord entre la prévision et la réalité est tellement frappant, qu'il n'y a pas lieu de douter de l'exactitude de l'hypothèse émise plus haut. J'ai du reste effectué toutes sortes de vérifications, qui ont toujours donné les résultats que l'on peut prévoir par le manie- ment des formules héréditaires. L'étude des Souris pigmentées à yeux rouges et celle des Souris brunes nous a donc révélé l'existence de deux nouveaux déterminants de la couleur du pelage : le déterminant M présentant la mutation E, et le déterminant F présentant la mutation D. La formule complète, jusqu'à présent, d'une Souris grise, devient CGFM; celle NOTES ET REVUE ix d'une Souris noire, CNFM; celle d'une Souris brune, CNDM ; celle d'une Souris fauve à yeux rouges, CG'FE-; celle d'une Souris gris perle à yeux rouges, CNFE, etc- On peut se proposer la vérification suivante, queje n'ai pas encore essayée, faute de matériel disponible, mais dont j'annonce d'avance le résultat : si on croise une Souris gris perle à yeux rouges, bien homozygote, avec une Souris brune, également homozygote, on devra obtenir des Souris noiret^ et rien que cela : CNFE X CNDM = CNFM (CNDÈ) Notion des caractères-unités- L'expérience a prouvé que parmi les divers caractères transmis- sibles, il en est qui sont absolument indépendants des autres carac- tères, et qui sont, au moins provisoirement, indécomposables. Ainsi, chez les Souris, la propriété de valser et la panachure sont des caractères tout à fait indépendants de lo couleur du pelage; par des croisements appropriés, on peut les transférer à toutes les Souris possibles, blanches, grises, noires, jaunes, etc. Chez les Souris blanches, la panachure n'est naturellement pas visible, puisque le fond même du pelage est blanc; mais elles sont capables de transmettre le caractère à leurs descendants, exactement comme les Souris à pelage pigmenté et panaché. Les particularités indé- composables qui s'héritent ainsi, ^d'une façon séparée et indépen- dante, sont les caractères élémentaires ou caractères-unités ; à chacun d'eux correspond dans le plasma germinatif une substance-spéciale ou déterminant^ susceptible de variation ou de mutation indé- pendante. Il est de la plus haute importance de ne pas confondre le carac- tère-unité avec le caractère descriptifs tel qu'on le comprend dans une définition d'animal ou de plante ; il suffit d'un mot pour dire qu'une Souris est noire, que les pétales d'un Pavot sont rouges, ou qu'une Giroflée est poilue ; or, ces caractères descriptifs simples peuvent très bien correspondre à plusieurs caractères-unités indé- pendants, que des croisements bien dirigés permettent seuls de mettre en évidence. J'ai été, je crois, le premier à montrer que la couleur du pelage des Souris comprenait plusieurs caractères-unités; j'en connais actuellement quatre, et il est probable qu'il y en a d'autres; Bateson, SaundehscI Pcnnett (1905) pensent que la pilosité A* X NOTES ET REVUE des Maltliiola correspond à quatre caractères-unités qu'ils désignent par des lettres (HKCR). Par contre, il est des caractères descriptifs compliqués, compre- nant de nombreux détails, qui paraissent correspondre à un seul caractère-unité, par exemple la panachure des Souris : l'emplacement et la forme des zones blanches sont réglés par des facteurs qui. prennent sans doute naissance au cours de l'ontogenèse, comme une distribution de nerfs, de vaisseaux ou depannicule adipeux, de sorte qu'il est impossible d'assurer La transmission héréditaire de tel ou tel détail; ce qui se transmet, c'est simplement ime certaine valeur quantitative de panachure. Je citerai encore un autre exemple bien caractéristique : on sait que la coloration grise des Souris sauvages est due à la juxtaposition de poils colorés par divers pigments; un noir, un brun et un jaune, sans compter le blanc ou absence de pigment; il serait tout naturel de penser que chacune de ces quatre teintes a son déterminant spécial: les races de couleur simple, noire, brune, jaune ou blanche; posséderaient seulement le.déterminantarfAoc, et dans la race grise seule tous les déterminants coexisteraient. Les expériences ont prouvé surabondamment que les choses sont toutes autres; il y a bien plusieurs déterminants pour la couleur dU pelage, mais il y en a le même nombre dans les races unicolores et dans la race grise ; ces races diffèrent, non pas par la quantité de leurs déterminants, mais par la qualité; une couleur simple n'est pas le résultat de la prédominance d'un déterminant spécial, mais bien la résultante de la réaction mutuelle de plusieurs déterminants. Lorsqu'à un caractère descriptif correspondent plusieurs déter- minants du plasma germinatif, on ne peut naturellement déceler ceux-ci qu'autant qu'ils ont éprouvé des mutations. Supposons, par exemple, une couleur de pelage qui comprend cinq caractères- unités, CGMFU ; s'il n'y en a qu'un, le déterminant C, qui ait pré- senté une mutation A au cours des temps, lorsqu'on croisera la race CGMFU avec la race AGMFU, tout se passera comme si la colora- tion avait un unique déterminant, C-A; il sera tout à fait impossible, et du reste parfaitement inutile au point de vue pratique, de mettre en évidence les quatre autres déterminants communs aux deux races. On ne peut donc pas dénombrer d'une façon absolue tous les caractères-unités correspondant à un caractère descriptif, mais plus l'espèce étudiée présentera de variétés différentes, plus on aura de NOTES ET REVUE xi chances que les mutations aient affecté un grand nombre de carac- tères-unités, sans qu'on soit jamais certain de les connaître tous. C'est pour n'avoir pas connu la distinction profonde à établir entre caractère descriptif et caractère-unité, que toutes les recher- ches sur l'Hérédité basées sur l'interprétation de stat?stiques, de quelque appareil mathématique qu'elles soient entourées, ont donné des résultats seulement approchés ou même parfaitement inexacts ; c'est pour la même raison que les expériences un peu hâtives ou manquant de rigueur, comme celle des éleveurs, fournissent des résultats incompréhensibles ou capricieux, desquels on ne peut déduire aucune règle précise. Les expériences d'hybridation n'arri- vent à être parfaitement claires que lorsqu'on a pu, par une analyse délicate, définir les caractères-unités mis en jeu. Conclusions La couleur du pelage, chez les Souris, est représentée dans le plasma germinatif par un certain nombre de déterminants (carac- tères-unités), que l'expérience permet seule de mettre en évidence et de compter; jusqu'ici, on en connaît au moins 5, et il est très probable qu'il y en a encore d'autres. Chacun de ces déterminants peut présenter des mutations indépendantes. Ces déterminants, désignés par des lettres, sont les suivants : 1. C est un déterminant de la couleur en général ; il existe chez toutes les Souris pins ou moins pigmentées. Il présente la mutation A qui correspond à la privation absolue de couleur (albinisme), quels que soient les déterminants qui l'accompagnent. 2. M, lorsqu'il accompagne G, est le déterminant de la couleur noire des yeux et influe sur la teinte générale en la rendant plus foncée ; il présente la mutation E, qui correspond à la coloration rouge des yeux et influe sur la teinte générale en l'éclaircissant. 3. G est. un déterminant spécial de la teinte du pelage en pré- sence de C; il présente un grand nombre de mutations : G', N, et J. 4. F est un déterminant qui contribue avec les précédentes à donner la teinte du pelage ; il présente la mutation D, dont l'action se traduit par la disparition du pigment noir dans les poils. 5. U est le déterminant de la coloration uniforme du pelage, quelle que soit sa teinte; il présente la mutation P, avec une série de variantes, p^\ p^, p^.... p", qui correspondent à des degrés variables de panachure. xn NOTES ET REVUE C'est h la coopération des déterminants C, M-E, G-G'-N-J, F-D et à leur réaction l'un sur l'autre, que sont dues les teintes spéciales des différentes races de Souris. La liste suivante indique les combinaison» connues, aussi bien que celles encore inconnues, mais possibles (il n'est pas tenu compte du 5* déterminant, pejage uniforme ou panachure, dont l'action se manifeste par l'absence ou la présence de zones blanches sur le fond coloré). CGFM 4= Coloration grise banale (Souris grise sauvage), plus ou raoinsfoncée, due au mélange de trois pigments: noir, jaune et brun, et de poils blancs, non pigmentés. CG'FM = Coloration grise sur le dos, blanc roux sous le ventre (ressemble beaucoup à celle du Mulot [Mus sylvaticus L.]). CNFM = Noir, dû au mélange des pigments noir et brun. GJFM.... =:=; Jaune plus ou moins foncé, mais ne peut exister qu'à l'état combiné chez des hétérozygotes. CGDM = Di.sparition du pigment noir des poils, l'animal est d'un brun jaunâtre (gris doré). CG'DM =: Comme le précédent, sauf que le ventre est blanc roux. CNDM — Brun. CJDM =^ ? CGFE =: Pelage fauve (jaune sale) ; yeux d'un rouge foncé, à peu près de teinte grenat. CG'FE = Pelage feuve plus ou moins clair ; yemx rouge clair. CNFE = Pelage gris perle ; yeux rouge clair, CJFE = Pelage jaune vif ; yeux rouge clair. CGDE \ CG'DE , ^»,^r. / Inconnus. CNDE CJDE ) AGFM \ AG'FM j . -^„ / Albinos. AJFM.... I AGDM \ etc.. / Les règles de dominance des diverses mutations d'un même déterminant sont résumées dans le tableau suivant; une mutation NOTES ET REVUE xiii donnéédomine celles qui sont placées au-dessous, en ligne verticale, et est dominée par celles qui sont au-dessus : J G' G N M E U p3 La liste du résultat des combinaisons et le tableau de dominance permettent de prévoir et de calculer les résultats de tous les croise- ments possibles. Et inversement, étant donnés des résultats de croisements, ils permettent d'indiquer quels sont les parents probables. 7'oMS les déterminants connus chez les Souris, c'est-à-dire ceux mentionnés plus haut, ceux de la panachure-robe uniforme (U-P) et ceux de la valse et de la locomotion rectiligne (R-W), suivent strictement les règles de l'hérédité mendélienne. On ne connaît chez les Souris que des caractères mendéliens. ItIDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1904. Ai.LEx. The heredity of coal-color in Mico. f'P/-oc. American Aead. of Arts and Sciences, XL, p. 61). 1903. Baïeson. The présent state of knowledge of colour-hereility in Mice and Rats. (P/oc. Zool. Soc. London, II, p. 71). 1905. Bateson, Saunders et Punnett. Further experiments on Inheiilance in Sweet Peas and Stocks, [l'-roc. Royal Society, b, LXXVII, p. 236). 1902. CuÉNOT. La loi de Mendel et rhérédité de la pigmentation chez les Souris. {Arch. Zool. exp. [3], X, Notes et Revue, p. xxvii). 1903. CuÉ.NOT. 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Ils sont fort répandus dans les principaux fonds à pèches, et, souvent, comptent pour beaucoup, à cause de l'estime où leur chair est tenue, dans les revenus de l'industrie des pêcheurs. Ils donnent à la Méditerranée, en ce qui concerne richthyologie, et par cette pul- lulation fréquente, un faciès particulier, que l'Océan ne possède point sous les mêmes latitudes, ou s'y trouve du moins fort atténué. Une étude taxonomique et biologique de ces êtres offre, pour cette raison, un réel intérêt. Les genres qui composent cette famille appartiennent, pour la plupart, aux mers de la région Indo-Pacifique. Partant de ce centre d'expansion, certains se dirigent vers le Sud, et, passant par rOcéanie, atteignent les zones antarctiques ; d'autres remontent vers la mer Rouge, et parviennent dans les eaux européennes Ces derniers, seulement au nombre de deux, Sebastes et Scorpoe^xa, ne se distinguent l'un de l'autre, au sujet de plusieurs de leurs espèces, que par des détails de minime importance. § 1" GENRE SEBASTES La majorité des espèces de ce genre habite l'Océan Indien, les mers de la Chine et du Japon, l'Océan Atlantique jusqu'au voisi- nage du Cercle arctique. Le centre paraît se trouver, comme celui des autres genres principaux de la famille entière, dans la province Indo-Pacifique. Trois espèces, appartenant à ce genre, ont été signalées comme se trouvant dans la Méditerranée : 8. dactylopterus Del.; 6'. made- rensis C. V. ; 5. Bibroni Sauv. Une quatrième espèce, aisément recon- NOTES ET REVUE xv naissable, ^\ Kûhli Bowd., vît dans l'Océan Atlantique, depuis la Côte du Soudan (Vaillant) jusqu'au Golfe de Gascogne (Collett) ; aucun auteur ne l'a recueillie dans la Méditerranée, et je n'ai jamais eu l'occasion de l'y voir, ni dans les collections, ni dans mes inves- tigations. Sebastes dactylopterus 1809. Scorpœna dactyloptera, Delaroche [Ann. Mus. Hist. Nat., vol. 13). 1828. Sebastes imperlalis, Cuvier et Valenciennes [Hist. Nat. Poissons, vol. 4). 1855. Sebastes dactylopterus, Nilsson [Skandin. Fauna ; Fisk). Cette espèce caractéristique est répandue dans toute la Méditer- ranée, où la plupart des ichthyologistes ont signalé sa présence. Il semblerait, d'après le pointage de ces habitats, qu'elle abonde davantage dans les zones méridionales que dans les autres. A en juger d'après les observations que j'ai faites à.Banyuls, elle serait aussi fréquente sur les côtes du Roussillon que dans des eaux plus tièdes. Sa distribution bathymétrique fait seule sa rareté relative. Il faut que les pêcheurs traînent leurs chaluts dans les fonds qu'elle fréquente, à l'exclusion des autres, et les circonstances ne le leur permettent pas souvent. S. dactylopterus, en dehors de la Méditerranée, a été rencontré dans les régions suivantes : Iles Açores, Madère, Canaries, du Cap vert. Banc d'Arguin; Golfe de Gascogne (rare); Irlande et Côtes anglaises; Côtes norvégiennes (Bergen, Tromsô); Côtes atlantiques des Etats-Unis, au voisinage du Gulf-Streain. Cette espèce, dans la Méditerranée, habite les zones profondes du plateau côtier et les bords des rechs. Elle serait dooc sub-ab-ys- sale, plutôt que littorale : telle est la raison de sa rareté apparente. Lorsque les chaluts traversent les régions où elle se tient, les indi- vidus se laissent souvent capturer en grand nombre. Il en est de même pour les eaux atlantiques européennes, au large du Maroc, de l'Espagne, et dans le Golfe de Gascogne. Par contre, il semble qu'elle devient franchement abyssale dans les parties septentrionales de l'Océan Atlantique. Sa. capture assez aisée par les chaluts, diverses particularités de son organisation, donnent sur son ethologie quel- ques notions probables. Sans doute, S. dactylopterus et les autres espèces du genre vivent à la manière des Scorpœna, immobiles sur les fonds, et ne se déplaçant guère que pour se précipiter sur une proie. Les piquants dont ces poissons sont armés servent plus à faciliter une défense passive qu'à favoriser l'oiï'ensive. XVI NOTES ET REVUE Sebastes maderensis. 1833. Scorpœna madurensis, Cuvier et Valenciennes [Hist. nat. Poissons, vol. 9). 1841. Sebasles maderensis, Lowe {Trans. Linn. Soc. of London, vol. 2). 1860. Sebastes maderensis, Gunther [Caial. of Fishes, vol. 2). Ce Sebasle est rare partout. Son centre principal se trouve dans les parages de Madère et des îles Canaries. Il paraît ne point dépasser, vers le Nord deTOcéan Atlantique, les côtes lusitaniennes. En ce qui concerne la Méditerranée, il n'est signalé, par Stein- DACiiNER (1867), qu'à Malaga et à Beyrouth, c'est-(à-dire dans les parties les plus méridionales et aux deux extrémités de cetté^iner. Aussi l'individu mentionné ci-dessous offre-t-il une certaine impor- tance. Le Laboratoire Arago possède, dans ses collections, un Sebastes recueilli au large du Cap Cceus, par 100 mètres de profondeur. Cette région est située au sud du Roussillon ; elle participe des conditions biologiques de la côte espagnole. Ses eaux subissent pourtant un régime différent de celui de Malaga ou de Beyrouth. L'individu est de grande taille ; il mesure 180 m'/m de longueur. Plusieurs particularités l'éloignent des 8. dactijlopterus ordinaires. Les principales d'entre elles sont les suivantes : Tète large et mas- sive; épines de la tète fortes ; bouche petite ; extrémité postérieure du maxillaire atteignant à peine l'aplomb du diamètre vertical de l'œil; extrémité antérieure de la langue appliquée contre le plan- cher buccal. D'après les vestiges qui subsistent, la couleur était brun-rougeâtre. Je rapporte cet exemplaire, malgré ses grandes dimensions, à Sebastes maderensis. Les caractères, cités par les auteurs anciens et récents, s'accordent avec les siens. Cette espèce serait donc capable de pénétrer dans le nord de la Méditerranée, et de s'avancer jusqu'au voisinage du Roussillon. Son habitat, d'après le lieu de pêche, se confondrait avec celui de -S. dactylopterus. A ce qu'il me semble d'après les échantillons que j'ai examinés, et d'après les indications fournies par les auteurs, iadiagnose diffé- rentielle de S. dactylopterus et de .S. maderensis n'a pas grande valeur taxononiique. Selon toutes les probabilités, la seconde de ces espèces équivaut à une mutante de la première, de beaucoup plus rare qu'elle, et disséminée dans les régions diverses que fréquente celle-ci. NOTES ET REVUE xvii . Sebastes Bihroni. 1878. Sebastes Bibroni, Sauvage {Nouv. Arch. du Muséum, vol. 1). Je ne cite cette espèce que pour mémoire, n'ayant pas eu 1 occa- sion d'étudier ses représentants. L'auteur l'a décrite d'après un exemplaire recueilli en Sicile. Elle semble faire double emploi avec ^\ laaderensis. Si l'on écarte les caractères qui s'appliquent à d'autres Sebastes, retenant seules les particularités différentielles, on incline vers cette conclusion. Pourtant, la bouche serait plus petite que celle de S. madère n sis,, puisque l'extrémité postérieure des mâchoires n'atteint pas l'aplomb du diamètre vertical de l'œil. § 2. Genre SCORPŒNA Les nombreuses espèces de ce genre fréquentent surtout les mers tropicales Atlantiques et Indo-Pacifiques. Certaines remontent vers des zones plus tempérées ; mais, sauf dans la Méditerranée, elles y vivent en moindre quantité que dans les mers plus chaudes. Les auteurs ont décrit quatre espèces méditerranéennes du genre. Deux d'entre elles se rencontrent, sous la même latitude, dans la Méditerranée et l'Océan Atlantique : 5. porcus L., et S. scrofa L. Parmi les deux suivantes, l'une, -S. lutea Risso, propre à la Méditer- ranée, n'a d'autre valeur que celle d'une légère mutation de S. scrofa ; l'autre, S. ustulata Lowe, se trouve à la fois dans la Méditerranée et dans l'Océan Atlantique, maia ne paraît assez fré- quente que dans les parties chaudejs de ce dernier. Du reste, cette quatrième espèce, s'il est loisible de la conserver dans la systéma- tique, doit se prendre, à son tour, et comme on le verra plus loin, pour une mutation de 6". scrofa, caractérisée par la persistance des caractères du jeune âge. Scorpœna porcus. 1766. Scorpœna porcus, Linné [Syst. Nat., 12* édit). 1775. Cottus massiliensls, Forskal {Descr. anim). 1833. Scorpœna maasillensis, Lacépède [Hist. nat. Poissons). Cette espèce, commune partout dans la Méditerranée, se laisse facilement reconnaître. Les caractères distinctifs, dans une dia- gnose différentielle d'avec -S. scrofa, portent sur un certain nombre de faits, qui méritent d'être relevés. xviii NOTES ET REVUE Les opercules et les nageoires de S. porcus sonlaiissi bien armés que leurs similaires de S. scrofa, mais non la tète elle-même. Les piquants y sont moins nombreux et moins saillants ; la peau qui les recouvre est plus épaisse. Le sous-orbitaire antérieur porte seu- lement trois épines, l'antérieure, la postérieure et rintermédiaire; ces appendices sont plus courts, plus grêles, que ceux de >S. scrofa ; parfois, sur le vivant, dont les téguments n'ont encore subi aucune dessiccation, la peau les cache presque. L'épine postérieure descend presque verticalement. Les écailles sont, à dimensions égales des individus, plus petites que celles de S. scrofa. La disproportion de leur longueur à leur largeur est plus grande. Leur spinulation appartient à un tout autre type ; le bord libre de Técaille porte, directement implantées sur le bord lui-même et non en retrait, des spinules très courtes, coniques, relativement larges à leur base. La zone pigmentée est plus vaste, plus colorée ; la plupart des chromoblastes sont noirs et jaunes. La couleur générale de S. porcus diffère de celle de S. scrofa. Celle-ci tourne d'ordinaire au rouge, au rouge-brun, ou à l'orangé ; celle-là au gris plus ou moins foncé, ou au gris-brunâtre. Les varia- tions de couleur sont des plus fréquentes, et il est oiseux de suivre les auteurs dans les descriptions minutieuses qu'ils en font parfois; ces dernières, considérées dans le sens taxonomique, n'ont ici aucuiTe utilité. La seule disposition intéressante revient à cette dissem- blance générale de la teinte d'ensemble, malgré la diversité spéciale souvent constatée. Ce contraste s'accorde, sans doute, avec celui de l'œcologie. S. porcus habite les fonds rocheux, les prairies d'Algues et deZos- tères des zones littorales. Sa couleur générale, et ses variations, paraissent résulter des circonstances environnantes et de leurs changements : le mimétisme est frappant. 5. scrofa remonte par- fois vers les pfairies sous-marines, mais 30n habitat ordinaire se trouve dans les fonds vaseux et sablo-vaseux du grand large, con- finant aux zones sub-abyssales. Une nouvelle et curieuse opposition entre S. porcus et S^ scrofa tient à la constance des caractères de la première espèce et à la facilité de variation de la secon<le. Les jeunes et les adultes de S. 2?orcws diffèrent par quelques points, ainsi que les individus de même taille pris dans des localités aux conditions dissemblables; mais la capacité de variation se trouve faible, relativement à celle NOTES ET REVUE xix de S. sera fa. Peut-être faut-il voir en cela le résultat de l'action d'espace : les régions fréquentées par S. porcus étant de beaucoup moins étendues, à la fois plus restreintes et plus uniformes, que celles où vit S. scrofa. D'autre part, les dimensions de S. porcus, même chez les indi- vidus les plus gros, ne parviennent jamais à égalercelles de S. scro/a. L'action de l'espace se laisse peut-être sentir en ce nanisme relatif. Scorpœna scrofa. Ib Scorpœna scrofa, Linnk {Syst. nat., 12^ édit.). 183à Scorpœna barbota, Laokpiîde [Hist. nat. Poissons). Cette espèce est plus répandue que la précédente. Elle habite les fonds vaseux du large, d'oîi elle remonte jusqu'au pourtour, des- prairif- de Zostères, et parfois jusqu'aux environs des plages sablon- neuses. Son aire de répartition est plus vaste de beaucoup que celle de.S. porcûs. Les deux formes s'accompagnent du reste, se retrou- vent dans la Méditerranée entière, et s'étendent, ou peu s'en faut, dans l'Océan Atlantique, sous les mêmes latitudes. Les auteurs ont décrit avec soin les caractères de S. scrofa. Il importe de noter que ces derniers ne s'appliquent qu'à des adultes, à des individus parvenus à d'assez fortes dimensions. Les particu- larités de la diagnose spécifique, qui distinguent cette espèce de ses voisines, s'atténuent singulièrement si l'on s'adresse à de jeunes exemplaires. J'ai pu obtenir, à Banyuls, grâce à l'abondance des- matériaux, une série complète depuis des adultes aux caractères fort nets jusqu'à des jeunes mesurant seulement dix centimètres de longueur moyenne; et les résultats auxquels je suis parvenu se résument dans les indications qui suivent. Les jeunes S. scrofa, mesurant 100 à 110 m/m de longueur, pourvus d'organes sexuels encore petits et à phase indifférente, .ne portent aucun lambeau cutané sur la mâchoire inférieure, ni sur là ligne latérale. Les seuls lambeaux présents sont ceux des narines et du dessus de l'orbite. La bouche est moins oblique que celle des gros individus; la mandibule est plus courte que les ventrales. Le diamètre de l'œil dépasse de peu la longueur 'du museau. L'anus se rapproche plus de l'extrémité antérieure du corps que de l'extré- mité postérieure de la nageoire caudale. Les ventrales arrivent presque au début de l'anale. Les pectorales sont relativement courtes. Le sous-orbitaire antérieur ne porte que trois épines. XX NOTES ET REVUE Ces rapports changent à n?esiiré que l'individu grossit. Les lam- beaux cutanés complémentaires font leur apparition. La tête, la bouche, la moitié antérieure du corps, prennent un accroissement plus fort que la moitié postérieure ; l'allure primitive est ainsi modi- fiée. Des trois épines du sous-orbi taire, l'antérieure demeure simple ; mais les deux autres se dédoublent tout en grandissant, l'inter- médiaire d'abord, la postérieure ensuite ; ce dédoublement s'ac- centue davantage sur l'intermédiaire que sur la -postérieure, où il manque parfois. Il en résulte que le sous-orbitaire antérieur de 6'. scrofa adulte porte quatre ou cinq épines, alors que celui du jeune n'en a que trois. En conséquence, S. scrofa, s'éloigne moins de S. porcus que ne le laisserait admettre la diagnose différentielle des adultes. Ces deux espèces, à l'état jeune de l'individu, se ressemblent beaucoup ;. la plupart de leurs caractères distinctifs ne se présentent pas encore. Scorpœna lutea. IBIO. Scorpœna lutea, Risso {Ichth. de Nice). 1826. Scorpœna lutea, Risso [Eist.nal. des pr'mc. firod. de VEurope mérid.). Les auteurs s'accordent à penser que cette espèce, décrite à deux reprises, par Risso, correspond àiine variété ea? colore de S. scro/a. Telle est aussi, en partie, mon opinion, d'après l'étude d'un magnifique exemplaire, gardé vivant pendant plusieurs mois dans l'aquarium du Laboratoire de Banyuls. Cet individu avait été pris dans les fonds rocheux sub-littoraux, à une vingtaine de mètres de profondeur. Il mesurait 210 millimètres de longueur totale. Ses écailles, ses lam- beaux cutanés, son faciès général, le faisaient ressembler d'assez près à S. scrofa de mêmetaille. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : — Lambeaux, cutanés abondants, relativement petits. Les plus nombreux occupent : le dessus de la tète, les joues, la lèvre supé- rieure, la lèvre inférieure (où ils sont- plus gros qu'ailleurs), la ligne latérale. — Quatre épines sur le sous-orbitaire antérieur; VunedÈs i n termédiaires .est jelativemenfr petite . — Anus plus rapproché de i'«xtrémité de la caudale que du bout du museau. — Diamètre de l'œil plus petit que l'espace préorbitaire. — Nageoires pectorales et ventrales relativeqient grandes. NOTES ET REVUE xxi Pourtant, les ventrales n'atteignent pas l'anale, tout en étant plus longues que la mandibule. — Couleurs. — Tête': dessus et joues de teinte orangée; pupille rouge, du même rouge que chez les albinos; tour de l'orbite tacheté de brun et de blanc; lèvres et gorge tachées de brun, de violet et de blanc-bleuâtre. — Tronc : dos et flancs de teinte orangée "; abdomen jaune-clnif; quelques taches rougeâtres au-dessus de la ligne laté- rale ; d'autres taches mieux marquées, noir-violacé et blanc-bleuâtre, forment, dans la moitié postérieure du corps, au-dessous dé la ligne latérale, une bande longitudinale étendue jusqu'à la base de la cau- dale. — Nageoires : dorsale du même orangé que le dos, portant quelques taches noir-violacé et blanc-bleuâtre vers le sommet des rayons, surtout dans la moitié postérieure de la nageoire, et dès macules fort petites sur l'emplacement de la tache noire habituelle à S. scrofa ; caudale marbrée de noir- violacé, de blanc-bleuâtre et de rouge-feu, ces taches se groupant de manière assez indistincte par bandes verticales ; anale semblable à la caudale ; pectorales de même, sauf que les marbrures affectent une disposition moins régu- lière; ventrales rouge-feu, tachetées de gris et de blanc. Cet individu appartient vraiment, selon une telle diagiiose, au type décrit par Risso sous le nom de .S. hitea. Or, il me paraît,- d'après lui, que ce type ne fait pas exactement double emploi avec S. scrofa. Il en constitue une mutation, asse^ fréquente et répandue, puisque plusieurs auteurs Font signalée, et méritant une mention spéciale. Cette mutante diffère de l'espèce principale par ses teintes, générales plus claires et tournant au jaune orangé, par sa bouche plus petite, par ses nageoires plus grandes, par ses épines un- peu moins accentuées. Ces dissemblances s'établissent de manière à faire de cette forme une transition de 6'. scrofa vers 5. ustulata. Seorpœna ustulata. 1840. Seorpœna ustulata, Lqwe {Proc. Zool. soc. of London). 1860. Seorpœna «siu/afa, Gunther [Cat. of. Fishes, vol. 2). Ce'tte espèce, trouvée à Madère par Lowe et nommée par lui, fut décrite en détail par Gunther. Depuis, on l'a rencontrée dans plu- sieurs autres localités, dont l'énumération suit : Océan Atlantique : Madère et régions voisines, Sénéganibie, Golfe de Gascogne, Espagne et Portugal. xxu NOTES ET REVUE Méditerranée: Nice; Gênes; Corse: Côtes romaines; Naples ; Sicile; Mer Adriatique. Cette Scorpène semble rare partout. Je ne Tai jamais vue sur les côtes roussillonnaises, mais j'ai eu Toccasion de l'examiner en Corse. Elle habite les zones rocheuses, ou coralligènes, qui se 'dressent, au large des prairies de Zostères et des roches littorales, parmi les fonds vaseux oii fréquente S. scrofa ; elle descend jus- qu'aux régions sub^abyssales et même abyssales. Frappé de la rareté des lambeaux cutanés, notamment sur la tête, et du nombre, égal à trois, des épines du sous-orbi taire antérieur, j'inclinais autre- fois à la rapprocher de S. porcus. L'examen des jeunes 5^. scrofa, mentionné dans les pages qui précèdent, me conduit à exprimer aujourdiiui ce sentiment sous une autre forme; S. ustulata se rapproche de 5. porcus, parce qu'elle correspond à une mutante de 6\ scrofa, caractérisée par la persistance des caractères du jeune âge. Or, les jeunes S. scrofa diflerent peu de 5. porcus. SïEiNDACiiNER prenait, en 1867, S. ustulata pour la forme non encore adulte de ^. scrofa. Plusieurs auteurs s'élevèrent, par la suite, contre cette opinion ; ils établirent, Belloïti notamment, que le type S', ustulata existe vraiment. Ces deux appréciations ne sont point, cependant, trop contradictoires : S. ustulata, en effet, con- serve les caractères juvéniles de S. scrofa, lout en parvenant à l'état sexué. CoLLEïT (1896) s'est livré à une longue et judicieuse discussion sur la diagnose différentielle de S. ustulata avec ^'. scrofa. Les couleurs, en ce cas, doivent se laisser de côté, à cause da leurs variations. Les autres caractères, notamment ceux des proportions du corps, méritent une plus grande attention. En résumé, 5^. ustulata diffère de S. scrofa^ar : son museau moins oblique, ses yeux plus grands, sa bouche plus petite et plus horizontale, ses lambeaux cutanés moindres et parfois absents, ses épirîessous-orbitaires au nombre de trois, ses nageoires plus larges. Or, ces particularités appartiennent également aux jeunes 6'. scrofa. Il est permis, en définitive, d'élever 5. ustulata au rang d'espèce, mais à la condition de la prendre pour subordonnée à .S', porcus et à 8. scrofa. Elle tient des deux, et joue entre elles le rôle d'intermé- diaire. Si l'on considère la fixité des caractères de S. porcus, la variabilité facile de S. scrofa, la transition faite entre 8. scrofa et S. ustulata par les individus du type S. lutea, on en vient à penser NOTES ET REVUE xxin que S. ustulala équivaut, à son tour, à une nautation de S. scrofa, nettemenl afflrmée et bien distincte de l'espèce principale. La qua- lité essentielle de cette mutation porte sur la persistance des par- ticularités du jeune âge ; elle en établit la ressemblance, d'autre part, avec S. porcus. Conclusions. La famille des Scorpénidés est représentée dans la Méditer- ranée par plusieurs formes, d'inégale valeur systématique, ratta- chées aux deux genres Sebastes et Scorpœna. — Sebastes apour type principal S. daclylopterus Del., et pour type secondaire 8. raade- rensis C. V. ; tous deux vivent dans les zones profondes, sub-abys- sales, du plateau côtier. — Scorpœna possède deux formes princi- pales, ^'. scrofa L. et S. porcus L., et deux formes secondaires, iS. lutea Risso, -S. ustulata Lowe. — 8. scro/a paraît composer le type essen- tiel, auquel se raccordent à divers degrés les trois autres, 5. lulease trouvant le plus proche et S. porcus le plus éloigné. Ces formes se localisent, d'ordinaire, en des habitats différents ; il est même permis d'estimer qu'une certaine corrélation s'établit en ce sens, et que l'action des milieux contribue à favoriser une telle diversifi- cation. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1887-88. Bellotti. Attl délia Societa Italiana di Scienzi Naturali; Milan. 1825. BowDicH. Excursions in Madeira and Porto Santo during the autumn of 1823 ; Londres. 1903. Carruccio. Bolletino délia Societa Zoologica italiana ; Rome. 1893. Carus. Prodomus Faunaa mediterranea ; vol. Il, Pisces ; Stuttgart. 1893. Clarkk. 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RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4« Série T. VI. NOTES ET REVUE 1907. N" 2. « III SUR L'EXISTENCE D'ÉLÉMENTS CONJONCTIFS PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS CHEZ LES SCHIZOPODES par L. Bkuntz. Récemment, j'ai eu l'occasion, à la station maritime de Roscoff, d'effectuer, chez lesSchizopodes, quelques recherches concernant la fonction phagocytaire. J'ai pu me procurer facilement un assez grand nombre d'exem- plaires de Mysis vulgaris Thompson et Mipis chameleo Thompson, auxquels j'injectais, suivant la méthode bien conijue, de l'encrd de Chine dans la cavité générale. Dans un temps très court, les parti- cules solides de cette encre sont capturées par les cellules qui jouissent de la propriété phagocytaire. Chez les Schizopodes, j'ai pu ainsi constater l'absence d'organe phagocytaire proprement dit analogue à ceux que possèdent les Amphipodes (Bruntz 1904) et les Décapodes (CDénot 19Q5). De plus, j'ai reconnu que la phagocytose s'exerçait par l'intermédiaire des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET UÉN. — 4' SÉRIE. — T. VI. B XXVI NOTES ET REVUE globules sanguins (globules adultes et globules en voie d'évolution) et de nombreuses cellules conjonctives fixes dont l'existence n'était pas connue. Cette courte note a pour but de signaler leur présence, d'indiquer leurs caractères et de décrire succintement leur répartition. Ces cellules conjonctives sont de grosses cellules plus ou moins régulièrement ovoïdes. Vivantes, elles mesurent, chez la Mysis vul- gaiis, jusqu'à 19 p. de diamètre ; chez la Mysis chameleo, elles peu- vent atteindre une taille double. Chaque cellule possède une fine membrane et un cytoplasme granuleux bourré de grosses boules ou vacuoles. Il existe, dans chaque cellule, un ou deux gros noyaux vésiculeux. Après une injection de carminate d'amuioniaque dans la cavité générale d'une Mysis, ce réactif qui s'élimine par les reins et les néphrocytes, s'élimine aussi par ces cellules conjonctives, de ce fait les boules du cytoplasme se colorent en rose pâle. Après une injection d'encre de Chine, les particule^ de l'encre se retrouvent uniformément répandues autour de ces boules. Ces cellules con- jonctives sont donc des éléments jouissant d'une double propriété, d'excrétion et de phagocytose, ce sont des cellules phagocyto-excré- trices {ou néphro-phagocytes). La répartition de ces cellules est facile à étudier grâce à la trans- parence parfaite du corps de ces petits Crustacés. Leur disposition est sensiblement la même dans les deux espèces citées, mais elles sont cependant moins abondantes chez la Mysis vulgaris que chez la Mijsis chameleo. Chez la première, on remarque, en examinant la face dorsale d'un individu injecté, que les cellules sont localisées dans les par- ties antérieure et postérieure du corps. Dans la région antérieure, les cellules se trouvent dans le cépha- lolliorax, principalement disposées sur les fibrilles de soutien du cœur, elles dessinent.de ce fait la région péricardique. Il en existe aussi au-dessus de l'estomac, mais c'est au-dessus de la masse cérébrale qu'elles sont le plus abondamment répandues, ainsi que contre le bord antérieur de la carapace, où elles forment un revê- tement très incomplet aux masses de tissu conjonctif fortement développées dans ces régions. Un amas important de cellules phagocyto-excrétrices se trouve à kl face dorsale du septième anneau thoracique, plus ou moins NOTES ET REVUE xxvii recouvert par le bord postérieur de la carapace. Ces cellules sont directement accolées à face inférieure de l'épithélium du corps. Dans le céphalothorax, il existe encore de ces cellules, accompa- gnant toujours le tissu conjonctif, dans le labre, à la base de chacun des appendices particulièrement à la base des pattes autour des plages de néphrocytes à carminate. Sur des coupes, on voit ces éléments former en partie un revêtement aux canaux cruro-péri- cardiques ; quelques-uns sont encore accolés aux faisceaux muscu- laires avoisinants. Les articles basilaires des antennules renferment également quelques rares /cellules excrétrices et phagocytaires. Bans la région abdomijiale, les cellules sont uniquement réparties dans le dernier anneau et le telson. Dans le dernier anneau, elles sont localisées à la partie inférieure de la face dorsale où elles for- ment deux amas latéraux qui se réunissent en envoyant deux bras qui contournent la face ventrale. Ces cellules accompagnent encore des bandes de tissu conjonctif à la face inférieure desquelles elles se trouvent accolées et qui les séparent ainsi de l'épithélium du corps. Dans le telson, les cellules phagocytaires sont tellement abon- dantes que toute cette partie du corps se montre très fortement colorée en noir sauf dans la région médiane et supérieure. Ces éléments bordent ici les deux faces d'une bande de tissu conjonctif qui remplit presque la totalité dé TespTice existant entre les épithé- liums des faces dorsale et ventrale du telson. Chez là Mysis chameleo, les éléments étudiés présentent la même répartition, mais de plus, il en existe à la face ventrale de Tabdomen où elles sont réparties suivant une ligne médiane et en plages plus importantes à la base de chaque anneau. Elles bordent encore de petites masses de tissu conjonctif placées sous la chaîne nerveuse et s'étendent latéralement sous l'épitlrélium du corps, ou accom- pagnent leis portions d'origine des nerfs.- Enfin, les Sixièmes pléo- podes, qui forment avec le telson la nageoire caudale, contiennent des cellules phagocyto-excrétrices dans les articles basilaires, les endopodites et les exopodites où elles sont supportées soit par des fibrilles spéciales de soutien, soit directement par les trabécules de ces appendices. {Travail du Laboratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de Pharmacie de Nancy, le I5 Octobre lyoJ.) xxviii NOTES ET REVUE IV SUR L'EXISTENCE D'ÉLÉMENTS CONJONCTIFS PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS CHEZ L4 NÉBALIE par L. Bruntz. A la station zoologique de Roscofî, j'ai également fait porter mes recherches concernant la phagocytose sur un type de Leptostracés: Nebalia Geoffroyi M. Edw., que l'on trouve assez facilement, à marée basse, sou^ de grosses pierres, dans des algues en décom- position. A l'aide de la méthode des injections physiologiques d'encre de Chine dans la cavité générala, j'ai pu reconnaître que la phago- cytose s'exerce : 1" par les globules sanguins (globules adultes et globules en voie d'évolution) ; 2" par des cellules conjonctives fixes dont Clais (1889) n'a pas signalé l'existence dans sa belle étude anatomiqvic delà Nébalie. 11 n'"existe pas, chez l'espèce étudiée, d'organ^iiagocytaire proprement dit. Les cp''''les conjonctives que j'ai pu mettre en évidence par la méthode des injections, sont de petites cellules ovoïdes qui, vivantes, mesurent environ 15 à 25 \i.. Après une injection de carmiuate d'ammoniaque, ces cellules se montrent bourrées de petites boules ou vacuoles colorées en rose par le réactif éliminé. Après injection d'encre de Chine, cette dernière se retrouve très finement et très uniformément répandue dans le cytoplasme, laissant apparaître sous forme d'une tache claire l'emplacement du noyau. Ces éléments sont donc physiologiquement comparables aux cellules phagocyto-excrétrices [néphro-phagocyles). Que j'ai découvertes chez les Schizopodes. La répartition des cellules phagocyto-excrétrices peut encore se faire en étudiant par transparence des animaux vivants injectés ou mieux à l'aide de coupes sériées. On constate ainsi que ces éléments existent, en petit nombre, au-dessus du rein antennaire, où ils sont accolés à l'épithélium des téguments, là où la carapace se réunit au corps. Ils sont plus nombreux au-dessus de la région d'insertion du muscle du test sur la cara- pace, où ils forment un revêtement aux deux faces de la portion NOTES ET REVUE xxix d'insertion supérieure des muscles des maxilles. Il existe encore de ces cellules dans le sinus péricardique, elles sont accolées au septum péricardial et aux fibres qui relient le cœur à cette mem- brane. Invisibles par transparence, on retrouve encore quelques cellules autour des faisceaux musculaires destinés à faire mouvoir les pattes membraneuses. C'est dans le dernier anneau abdominal, que Ton rencontre les deux amas de cellules phagocyto-excrétrices les plus importants. Ils sont disposés symétriquement à la face dorsale, de chaque côté du tube digestif et des masses adipeuses qui l'entourent. Ici les cel- lules sont serrées les unes contre les autres et disposées en un lit compris entre l'épithélium du corps et les muscles dorsaux. {Travail du Laboratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de Pharmacie de Nancy, le 15 Octobre f90G). V SUR LES CONDITIONS DE LA PARTHÉNOGENÈSE EXPÉRIMENTALE ET LES ADJUVANTS SPÉCIFIQUES DE CETTE PARTHÉNOGENÈSE par Yves Delage Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. Les opinions sur la nature des causes qui font que les œufs vierges de certains animaux aquatiques se développent après un séjour de quelque durée dans certaines solutions électrolytiquesont beaucoup varié. On a attribué le développement dans ces condi- tions : à l'introduction dans l'œuf d'ions favorables, à la suppres- sion d'ions inhibiteurs, à l'intervention d'une action catalysante des substances employées, à des enzymes liquéfiants, enfin à l'augmen- tatioa de la pression osmotique, produisant une deshydratation. C'est cette dernière opinion qui tend à prévaloir. Que l'intervention de solutions hypertoniquespar rapport à l'eau de mer soit le plus souvent nécessaire, la chose n'est pas douteuse, mais la conclusion qu'on tire de ce fait n'est point justifiée, car des solutions isotoniques d'électrolytes différents ont toujours des effi- cacités différentes, etj'ai montré en outre que les œufs d'Astéries se développent parthénogénétiquement dans-des solutions de C0^ hypotoniques par rapport à l'eau de mer. XXX NOTES ET REVUE La question du mode d'action des factenrs de la parthénogenèse expérimentale reste donc non résolue. C'est par un examen impar- tial des divers facteurs qu'on pourra espérer de la trancher, et non, comme on l'a fait, en laissant de côté ce qui est en désaccord avec une opinion préconçue. Cette recherche est longue, car il y a de nombreuses variables indépendantes (état des œufs, température, composition des solutions, variée à l'infini, durée d'action des agents chimiques employés «oit simultanément, soit successivement dans un ordre varié, etc., etc.), dont les combinaisons sont illimitées; il serait impossible de In conduire méthodiquement en réalisant toutes ces combinaisons. Il faut choisir les directions que l'intuition suppose les meilleures, et se laisser guider par les résultats, en variantles conditions autourdesoptimadesexpériences précédentes. Mes expériences de cette année ont porté exclusivement sur VOuTs'in Pœracentrotv s [Strongylacentrotus) lividus. Chez cet animal, le développement pnrthénogériétique est beau- coup plus difficile à déterminer que chez les Astéries. Au point de vue de la comparaison de l'efficacité des réactifs, cette condition est avantageuse, parce qu'elle permet, au moyen du pourcentage des réussites, de donner un coefficient d'efficacité à chaque réactif dans chaque expérience. Si le 100 pour 100 était obtenu aisément on ne pourrait comparer l'efficacité des réactifs qui le donneraient. Dans ce résumé de mes expériences j'examinerai : la composition des solutions, les conditions de leur emploi, l'état des œufs et les résultats obtenus. I. Composition dks solutions. — J'ai fait usage des solutions électrolytiques hypertoniques réputées banales parce que leurs constituants se trouvent dans l'eau de mer et de substances adju- vantes, nocives à haute dose mais qui, à doses très faibles, se sont montrées très efficaces. 1" Solutions hypertoniques. — J'ai pris pour point de 'départ la solution qui m'avait donné les meilleurs résultats l'année précé- dente et qui a la composition suivante : Na Cl à 2 1/2 0....... ... 37,5 Concent. moléc. 0,937 Eau de mer naturelle (=0,52 n). 2,5 — 0,013 H^O. ., 60 — 0,000 Total. .... 0,950 NOTES ET REVUE xxxi J'ai dû m'en tenir à elle, les modifications que j'ai tentées s'étant montrées sans avantage. La très petite quantité d'eau de mer qu'elle contient est tout à fait nécessaire. J'ai essayé aussi une eau de mer artificielle faite avec les princi- paux éléments de l'eau de mer, mais à concentration double et sans calcium : . NaCl 54 =0,923 KCl 1,20 = 0,016 SO* Mg TH^O... 6,80 = 0,027 MgCP 6H20... 10,10 = 0,050 KBr 0,01 = 0,00008 H^OQ.Sp.l litre 1,016 Elle m'a donné parfois des résultats équivalents, mais moins fidèles, et je l'ai finalement abandonnée. Enfin, j'ai essayé diverses solutions où une certaine proportion des électrolytes avait été rem- placée par du saccharose. La meilleure a été : NaClà2 1/2n. 50 = 0,750 Sucre à n 18 = 0,180 Eau de mer. .. 36 = 0,187 H^O 16 = 0,000 1,117 La nécessité d'une concentration moléculaire sensiblement plus forte que les précédentes s'explique par la diminution du coefficient total d'ionisation. Elle m'a donné des résultats parfois très bons, mais en somme, elle ne vaut pas la première solution. 2° Adjuvants. — Je les classerai ^d'après leur nature chimique. Alcalins. — L'alcalinisation de la liqueur, ainsi que je l'ai, montré l'an dernier, augmente dans une proportion considérable l'efficacité du réactif. J'ai, choisi le sulfite de soude. Il agit mieux que les autres alcalis essayés (soude, potasse, phosphates alcalins et surtout queAzH^ très nocif), ce quisemble indiquer une action spéci- fique indépendante de l'alcalinité. Comme les autres alcalis, il gène pour l'addition de beaucoup de sels à métaux lourds, avec lesquels il donne un précipité. Mais, avec les proportions employées, cela ne contrarie ni l'action du sulfite ni, généralement, celle du métal. xxxii NOTES ET REVUE Acides. — A la liste de ceux expérimentés Tan dernier, et qui se sont tous trouvés nuisibles, j'ai ajouté les acides sélénieux et sélénique: ils se sont montrés toxiques. Oxydants. — J'ai essayé l'eau oxygénée, le permanganate de potasse, le chlorate et le perchlorate de soude, sans aucun succès Ce résultat rend fort douteux que le manganèse, dont j'ai montré antérieurement l'efficacité, agisse, comme dans les oxydases, en qualité de véhicule de l'oxygène. On verfa plus loin dans quelle direction il convient de chercher l'explication de soïi activité. Réducteurs. — J'ai essayé le pyrogallol, l'acide oxalique, qui agit en outre comme précipitant du calcium mais qlii est très toxi- que, l'anhydride sulfureux, que sa ressemblance chimique avecCO'^ signalait à l'attention. Tous se sont montrés nocifs. Métaux. — J'ai essayé à l'état de nitrate lé lanthane, sur lequel je comptais me fondant sur ce que la divisioh cellulaire, qui est le fait essentiel de l'évolution de l'œuf, comporte des phénomènes qui peuvent être interprétés comme des faits de coagulation par- tielle des colloïdes protoplasmiques. L'action coagulante des sels augmente très rapidement avec leur valence. Le lanthane tri-valent pouvait, donc être très actif, à la condition de nêtre pas un poison. Contrairement à ce qui semblait vraisemblable, il n'est pas nocif, ne détériore paslesœufs; maisilnefavorise point la parthénogenèse. Cela s'expliquerait si les colloïdes protoplasmiques sur lesquels il devraitagirétaientde même signe électrique 4- que l'ion lanthane. Dans ce cas il faudrait essayer des anions tri-valents. Mais le fait que les anions bivalents ne montrent aucune supériorité sur les monovalents laisse peu d'espoir de réussir par ce moyen. J'ai essayé aussi, sans résultats sensibles, les aluns d'alumine et de fer et l'antimoine à l'état d'émétique. Parmi les métaux bivalents, le calcium s'est montré plutôt nui- sible : réajouté à l'eau de mer artificielle sans calcium, il a légère- ment abaissé le pourcentage des réussites. L'étain, à l'état de chlorostannate de sodium, n'a rien donné; le zinc s'est montré toxique. Par contre, les métaux de la série du fer, sous la forme de chlorures au minimum, m'ont donné des résultats fort curieux. Le fer lui-même ne m'adonne aucune satisfaction, |es solutions ferreuses sont presque impossibles à conserver sans altération et donnent dans la solution hypertonique un précipité abondant. Le NOTES ET REVUE xxxiii manganèse agit mieux : je rappelle mes anciennes expériences relatives à ce corps ; le cobalt mieux encore. Mais le plus remar- quable est le nickel. Ajouté à la dose de 1 à 4 1/2^"'* dans lOO'^'"'^ de la solution hypertonique n" 1, préalablement additionnée de sulfite de soude, il augmente d'une manière très notable et très constante Tefficacitéde la solution : le nickel est donc un adjuvanl très efficace de la parthénogenèse. Quelle peut être la cause de cette supériorité du nickel sur les autres substances voisines ou éloignées? Ce n'est pas dire grand chose de précis que d'interpréter son action comme une catalyse. L'idée d'un mordançage serait peut-être un peu plus précise, mais contre elle plaide une expérience où j'ai constaté que l'action du nickel était nulle quand elle précédait celle de l'agent hypertonique, moyenne quand elle était simultanée à celle-ci, supérieure quand elle la suivait. Les solutions de chlorures au minimum des sels de la série du fer sont toujours légèrement acides, mais le fait, souvent constaté par moi, qu'une légère acidification de la liqueur est plutôt nuisible ne permet pas d'attribuer à cette acidité les résultats obtenus. D'autre part, ces solutions de chlorures de nickel, de cobalt et de manga- nèse, neutralisées aussi exactement que possible par la soude ne perdent pas leur activité. Catalyse, mordançage.ou autre, l'action spécifique est ici indé- niable. Colloïdes. — La gélatine en solution à 1/2 0/0, ajoutée même en proportion forte, soit à l'eau de mer, soit à la solution hypertonique, ne détériore pas les œufs, mais elle ne les fait pas segmenter. Même observatiou pour l'albumine. Essayées concurremment au nickel dans l'espoir de protéger les œufs contre l'action trop immédiate du réactif, elles n'ont été d'aucun avantage. n. Conditions d'action des réactifs. — Ces conditions sont au nombre de deux: la température, la durée d'action. Température. — La température a une importance reconnue depuis longtemps, mais qui m'apparaît chaque année plus capitale. Les expériences ne réussissent qu'entre 17 et 20°. J'ai constaté qu'une difTérence de 2" pouvait faire varier le pour- centage, pour les mêmes œufs, toutes autres conditions semblables^ d'une proportion infime à 50 0/0. Mais l'optimum me paraît com- B* XXXIV NOTES ET REVDÊ pris entre des limites beaucoup plus étroites; mais il ne peut être fixé d'une manière générale, car il paraît dépendre de la nature des solutions, de celle des adjuvants ajoutés, sans doute aussi de la durée d'action et de la condition des œufs soumis à l'expérience. Il est facile de régler une étuve à 40 ou 50", mais il est beaucoup plus diflicile de maintenir une enceinte à 18" quand la température ambiante varie, du malin au soir, de 15 à 20 par exemple. C'est là une des grosses difficullés de l'expérience. Quandleslarvessontformées, elles sont beaucoup moins exigeantes et s'accommodent bien de la température de l'eau des cuves avec ses" variations habituelles, toujours lentes et faibles. Mais elles dépéri- raient si on les laissait exposées à l'air dans des vases de petites dimensions prenant rapidement la température de l'air ambiant. Lumière. — J'ai essayé sans résultats remarquables de faire agir, en même tenq)s que les réactifs habituels, des lumières diversement colorées,. Ces expériences, trop incomplètes ne sont pas décisives. Durée d'action. — La sensibilité de ce facteur est beaucoup moindre que celle de la température. Entre un minimum d'environ 45'" et un maximum de 1^1/2, les effets sont peu différents. Il m'a semblé cependant qu'il y avait avantage, pour la santé des larves à élever ultérieurement, à prolonger le moins possible la durée d'action au delà du minimum nécessaire. L'opliumm varie suivant la nature du réactif. Quand on emploie l'eau de mer artificielle comme solution hypertonique, la durée optima semble être comprise entre 45 et 50"*; quand on emploie la solution indiquée ci-dessus sous le n" i, il semble compris entre l'oeil MO. Il varie, ainsi que je m'en suis assuré, avec la température, et probablement avec la nature et la concentration des adjuvants ajoutés. Tout cela se conçoit aisément si Ton se rappelle que les actions vitales de tout ordre sont influencées par la température et que celle-ci fait varier en outre l'ionisation des électrolylcs et par con- séquent la pression osmotique et l'activité chimique des substances. QiANTiTÉ r/cKiFs. — Il convicnt d'en mettre dans chaque vase une couche unique ou un très petit nombre de couches superposées. S'il y en a trop, le développement des œufs est entravé et rapide- ment arrêté. D'autre part, il y a avantage à ne pas mettre trop peu d'œufs ce qui rendrait le pourcentage illusoire. NOTES ET REVUE xxxv Conditions inhérentes aux ceufs. — Tous les œufs se ressemblent h peu de chose près et, dans une même ponte, ils sont, en appa- rence, identiques. Cependant, si 50 0/0 seulement se développent dans un réactif donné, agissant dans des conditions données, c'est donc que une moitié n'était pas identique à l'autre. Cette réluctanee des œufs qui ne se sont pas développés est-elle due à une moindre aptitude générale à subir la parthénogenèse ou à ce que les conditions réclamées par eux étaient autres que celles réclamées par les 50 0/0 qui se sont développés? Rigoureusement, la question est insoluble, car ces œufs, touchés par un premier réactif ne sont plus dans la condition initiale. II eut fallu les trier avant, ce qui est impossible. Entre les œufs de deux Oursins différents, les différences sont encore plus accentuées. Soumis à l'action des mêmes réactifs, dans des conditions sem- blables, les œufs de deux Oursins donnent des pourcentages de réussite différents. La plupart des œufs qui ne se développent pas parthénogénétique- ment eussent été fécondables, ainsi que le montre la comparaison des pourcentages de la parthénogenèse et de la fécondation de deux lots d'œufs empruntés au même ovaire. Mais il y a cependant un certain parallélisme entre l'aptitude à la parthénogenèse et celle à la fécondation, car j'ai constaté quelques fois que les œufs très réluctants à la parthénogenèse donnaient un pourcentage relative- ment faible de fécondations normales. Cette observation semblerait trancher la question posée plus haut dans le sens d'une inaptitude générale à la parthénogenèse, chez les» œufs qui, dans une expérience donnée, né se sont pas segmentés comme leurs voisins. Mais voici une expérience très suggestive qui plaide en faveur de la thèse opposée. Je prépare une expérience avec les réactifs qui me donnent habi- tuellement les meilleurs résultats, par exemple : solution hyperto- nique n" 1 additionnée de sulfite, la même additionnée de nickel ou de cobalt, avec et sans sulfite. Puis, quand les solutions sont faites, je les distribue en 4 séries identiques. Puis dans la série n* 1 je place des œufs d'un Oursin A, dans la série 2, ceux d'un autre Our- sin B et ainsi des autres. Or, je constate, non seulement que les séries identiques 1,2, 3, 4, ont donné pour les vases contenant un XXXVI NOTES ET REVUE même réactif des pourcentages différents, ce qui était à prévoir, mais que le réactif optimum n'a pas été le même dans les quatre séries, en sorte qu'il est peut-être légitime de parler d'œufs sensibles au cobalt, au nickel ou au sulfite. Voyant cela j'ai fait deux expériences où j'ai traité un même lot d'œufs d'une part avec les réactifs séparés, sulfite, nickel, colbalt, manganèse, d'autre part avec un mélange de ses réactifs, en ajou-' tant à la solution hypertonique, soit la somme des adjuvants, soit une fraction de dose de chacun, de manière à ce que la dose totale ne dépassât pas la mesure habituelle. Le résultat n'a pas répondu à mon espérance, mais l'expérience n'a pas été décisive ayant été faite une seule fois, en fin de saison. Elle devra être reprise. IV. RÉSULTATS. — Les résultats sont caractérisés avant tout par une extrême inconstance. Tel réactif qui a donné un jour un pour- centage remarquable, ne donne, pendant une semaine, que des résul- tats insignifiants, puis, sans cause apparente, les résultats devien- nent meilleurs. Cette incohérence est due, pour une part, aux variations de la température, que je n'ai pas réussi à régler conve- nablement. Mais elle tient surtout à la nature des œufs, sur lesquels l'expérimentateur n'a aucune action et qui ne montrent pas de différences significatives aux yeux de l'observateur. Le meilleur pourcentage obtenu cette année a été de 72 0/0, sans progrès sur l'année passée. Mais le pourcentage brut des œufs segmentés par rapport au nombre total des œufs mis en expérience, n'est ni le seul, ni le meilleur indice de succès. Souvent, les œufs segmentés très nombreux n'arrivent pas à éclore ou donnent des larves inertes, restant au fond des vases et incapables de longue survie. Dans d'autres cas, un pourcentage de 100 0/00 ou même moins donnera des larves parfaites, agiles, capa- bles d'évoluer en Pluteus. Ces conditions de vitalité sont appré- ciables à l'œil, je les ai notées avec soin, mais elles ne se prêtent pas h la mesure par un coefficient numérique comme le pourcentage des segmentations. Si je ne donne pas ce dernier pour les diverses expériences c'est parce qu'il ne reflète pas à lui seul la vraie physionomie du résultat. De ces larves agiles, un très grand nombre sont devenues des Pluteus. La plupart de ces Pluteus meurent sans arriver à la métamor- phose. II ne faut pas cependant attribuer cet insuccès au fait de la NOTES ET REVUE xxxvu parthénogenèse, car dan. s wie expéric'nce cumparative, faite avec des œufs fécondés normalement , et élevés dans les mêmes conditions, tous les Piuteus sont morts sans montrer d'indices de métamorphose. De mes larves parthénogénétiques, cinq ont atteint le stade de métamorphose. Deux d'entre elles sont encore vivantes aujourd'hui, âgées de trois mois. Elles montrent fort bien le rudiment de l'Oursin à la plAce, habituelle, mais ce rudiment n'a pas suivi l'évolution normale, étant resté enfermé dans cette sorte de cavité amniotique où il se forme. Je ne compte pas qu'il arrive à se développer'. • Une a disparu. Une autre est morte après avoir, selon toute appa- rence, atteint le stade de la dernière dont il me reste à parler. Mais, retenu à Paris par les nécessités professionnelles pendant le mois d'octobre, je n'ai pu, à mon grand regret, l'observer à temps. Ce que j'en sais ma été communiqué par le garçon du laboratoire chargé de soigner ces larves. La dernière a atteint au bout d'un mois le stade de métamorphose. On voyait aisément le corps du petit Oursin, devenu complètement extérieur, appendu au système brachial du Piuteus en voie de dégé- nérescence. Le petit Oursin montrait les tentacules terminaux el deux pédirellaires, un très nettement, énorme par rapport à la taille totale de l'animal, l'autre moins bien. J'ai montré cette pièce uni- que sous le microscope à diverses personnes dans le laboratoire, qui ont constaté cornme moi l'existence des pédicellaires, en parti- culier à MM. les docteurs Guiart, de Beauchamp, Duboscq, etc.. A la suite d'un de ces examens, l'animal n'a pu être retrouvé dans le bocal où il avait été replacé. Est-il resté collé à la pipette, à la paroi du vase et s'est- il là desséché, ou est-ce quelque autre mésaven- ture qui a causé sa perte ? Je ne puis le savoir. Il ne semble pas illégitime, cependant, de conclure que les larves de Paracentrotus obtenues par parthénogenèse expérimentale peu- vent parcourir l'évolution totale jusqu'à l'imago et sans doute jus- qu'à l'adulte. Je tiens en terminant à remercier M. Beauchamp qui m'a apporté une aide précieuse dans toutes les expériences dont il est ici ques- tion, aide non pas seulement matérielle car j'ai souvent profité de son initiative et de ses avis. * Au moment où je corrige ces épreuves, je suis imformé que ces deux larves, selon ma prévision, sont mortes sans que le rudiment d'Oursin ait évolué. Ces larves ont vécu quatre mois et demie. B" xxxviii -NOTES ET REVUE VI aiiCHERCHES SUR LES CARACTÈRKS DIFFÉRENTIELS DFS SEXES CHEZ LA TORTUE MAURESQUF par Gustave Loisetl Directeur du LalK>rat()ire d'Em bryologie f;fônéra[e et expérimentale a 1 École des liaiiles Études. Cluique été, à Paris, nous voyons ai-nver de granMes quantités do Tortues mauresques [Testudo manvilanica, Diméril et Bibron), (7'. ihera, Pallas) qui nous sont envoyées d'Algérie et de Tunisie. Ces envois sont utilisés constamment dans les laboratoires et ce- pendant, quand nous avons commencé ces recherches, eu 1905, Ton ne savait généralement pas, à Paris du moins, distinguer, à Textérieur, le sexe mâle du sexe femelle. Ce n'est pas que certains vendeurs ne vous montraient avec assurance à quoi l'on pouvait reconnaître les deux sexes l'un de l'autre, mais leurs affirmations étaient loin de concorder et se trouvaient, du reste, souvent fausses'. L'on n'était guère mieux renseigné au laboratoire d'Erpétologie du Muséum, où nous nous étions tout d'abord adressé, et nous avons trouvé, du reste, que les ouvrages scientifiques étaient eux-mêmes bien peu explicites sur la question. Lacéi'Ède, dans son Hisloire naturelle des quadrupèdes ovipares \ Ci.- A. BouLENGER, dans le Catalogue of Ihe Chelonians Jifiynchoce- phnl'uins and. Crocodiles in the British Muséum (London, 1889) ; C,-K. Hoffmann, dans le Bronns Thier Reich; A. Granger, dans le Manuel du naturaliste français, édité par DeyroUe, n'en parlent pas. Clvier, dans le /?è^/}e animal; E. Sauvage, dans l'édition fran- çaise de VHistoire naturelle, de Brehm ; Hans Gadow, dans Amphi- bia and Reptiles (London, 1901), disent que le plastron, plat chez les femelles, est plus ou moins concave chez le mâle, spécialement dans les genres Testudo, Cistudo et Emys. C'est encore ce seul • Les premiers résultats de ces recherches ont été communiqués, en 1905, à la 34' ses- sion deJ' Association pour l'avancement des Sciences, à Ctierbourg. Nous les avions déjà fait connaître, auparavant, à quel(|ues marchands d'animaux, dont un des plus connus à Paris, de sorte que cette note pourra paraître décrire des faits connus de certains labo- ratoires. NOTES ET REVUE xxxix caractère distinctif que signale Werner, auquel nous devons une étude spéciale des caractères sexuels secondaires chez les Reptiles ' Pourtant Duméril el Bibhon, dans leur Erpétologie, suite à Buffon, 1855, t. II, p. 10), avaient déjà remarqué qu'on peut trouver aussi des femelles à plastron concave et que ce caractère paraît être « une variété individuelle, indépendante de lun et de l'autre sexe ». Ces auteurs disent, par contre : « Les femelles sont, en général, plus grosses que les mâles, et ceux-ci ont le plus sou- vent la queue épaisse à la base et, relativement à l'autre sexe, un peu plus longue » {fd. p. 23) -. Ils font remarquer également que le cloaque est plus allongé et les lèvres comme tuméfiées, mais, à la lecture du passage, on ne sait trop à quel sexe ce caractère s'ap- plique plus spécialement. Enfin, vers le même temps que Duméril et Bibron publiaient en France leur Suite à Bnffon, J.-E. Gray. publiait, à Londres, le cata- logue des Chéloniens du Bristish Muséum ^ Ce naturaliste anglais parle de la Tortue mauritanique comme d'une variété de la Tortue grecque (Testudo grcpca L.). Or, il remarque que, dans quelques individus, la plaque sus-caudale de la carapace est plus grande et a la pointe plus fortement courbée en dedans; chez d'autres individus, •au contraire, cette plaque est plus étroite, plate et même quelque- fois fortement courbée en dehors à la pointe. Toutes les femelles et les jeunes que j'ai examinés, ajoute Gray, avaient cette forme; je la considère donc comme un caractère sexuel \ Cependant, Gray ne semble pas baser son affirmation sur des dissections suivies et il la présente avec des points d'interrogation en ce qui concerne la Tortue grecque. Nous retrouvons l'indication de ce dernier caractère différentiel dans une note de Lorenzo Camerano ^. Cette note de quatre pages, ' Werner. F. Ueber sekundare Gesehlechtsunterschiede bei ReplUien,(Biolog. Cen- tralbl., 1895, xv, pp. 125-140). D'après cet auteur, le mâle de la Tortue grecque porterait seul un ongle corne à l'extrémité de la queue. D'un' autre côté, on ne pourrait distinguer les sexes chez les Chelydrides, chez les Tryonichides, chez les Chelonides ni chez de nombreux genres d'autres familles. * C'est également ce que montre nettement la tlgure 75 de l'ouvrage de Hans Gadow (p. 343). ' J.-E. Gray : Catalogue of shield Reptiles in the Collection of the British Muséum. Part, i, Testudinata (Tortoises), London, 1855, v. p. 10. * CuviER, décrivant la Tortue grecque dans son Régne animal, dit également que le bord postérieur de la carapace de cette espèce présente en son milieu une proéminence un peu recourbée vers la queue. Mais il n'en fait pas un caractère spécial au mâle. 1» Camerano (L.). Dei caratteri sessuali secondari délia Testudo ibera, Pallas. Torino, Accad. Se. Atti, 1877, 13, p. 97-101 avec 1 pi. XL iXOTES ET HEVIIE divisée en 18 paragraphes est, malgré sa concision, le travail le plus complet qui ait été fait sur les différences sexuelles dans la Tortue mauresque. Pourtant Camerano se perd un peu dans le détail des plaques, détail qu'il serait facile de multiplier, même après lui, sans mettre en relief les caractères sexuels secondaires fixes et nettement reconnaissables. D'un autre côté, il ne dit rien des organes internes, ni des différences physiologiques entre les deux sexes; il ne donne aucune pesée, ni aucune mensuration ; il ne dit pas sur quel nombre d'individus il a opéré ; enfin il ne nous renseigne pas sur la provenance de ces individus et ce dernier point aurnitété utile, car il nous semble, à la lecture de sa note, que les individus qu'il a examinés et les nôtres appartiennent à deux variétés différentes. Nous avons donc repris cette étude, à une époque où nous ne connaissions pas, du reste, le travail de Camerano. Nous l'avons poursuivie d'une façon méthodique en prenant, comme point de départ de nos recherches, la dissection des individus et, comme base, la présence des ovaires ou des testicules. Nous avons étudié ainsi comparativement, le 20 juillet 1905, un premier lot de vingt-quatre Tortues mauresques envoyées de Tunisie, des environs de Sfax, et paraissant toutes de même âge. Nous avons reconnu, par la dissection, onze femelles dont les ovaires étaient chargés d'ovules prêts à être pondus et treize mâles qui, en captivité dans notre laboratoire, présentaient spontanément des érections fréquentes et dont les épididymes étaient gorgés de sperme. Voici tout d'abord les tableaux d'ensemble où nous avons con- signé exactement les données recueillies sur chaque individu de ce premier lot. NOTES ET REVUE g .S o o lO B lin co •i S ~ ^^ g z; «n ■* ce — in -* CD co (sa Ç 00 si 5D = ■" oT o os ^ ■^ S 1 " a 00 in 00 OJ cô co a3 ■ ~~^ C. S è ta es S O o s 3 O T* ï3 >n in 00 in ^^ S CO Tl P ai (îî o 3 in lo ^ •* in co in S m 'rs^ oi :ç « o t^ 04 -* t-. •Oi S c 3 O S S cg a> e ÇS o in O) tH Ç- 05 M rO — in |0 o ^ £ O -* in CD c;> S en 1 04 04 6^ O 04 CO 00 in > eu 'û 0) ::3 lo in s 05 ^ es o in S ê c «3 ^' 05 — in iCTi o t-. in t^ co o a aj Tl «-< .TH S co ' .^ (M ■2 "^ o o> Ol co in C 1^ is ■« o' 00 S e= S S o ^ « 3 c r.^ oi co — -* lt^ T-l L-i -* o co in bC es s co ' .r- oi .w C^' 00 04 in co -O) J3 e^ sont ande ron. idus. S S 1 « i o o S t* enti 18 11,5 16,5 1 ^15 '^ 03 S in in co 5 :eur ; gr last poi " o CD ri^^ a* — — '-a o co S S 1 ë s ts c iS <u -es o 3 c 02 04 r^ s in |0 o u CO c/î 0) eS .Xi « T" •^ •r- g co 104 OJ £ c; 00 imension a second e et médi aient prè m a •^ in S es O) os "^ S cS o in C oo (N CD s -* 1 o 00 .2 *" U in CD c« u â; .- 1 S co 1 oi -< o S <^ î— -caudale. Le ande Iargeu irtie postérii d'ovules qu >* S o •^ in C 00 co l^ S ~ in 1 o c-3 1 . S 1 es in , J aj ^ — .-- S co 1 Ol 04 i^ o 04 CD n c oî co 5 04 lO -* 1 S s -i co a sus us gr ;la pi mbre g CO 1 Ol 04 1 o Ol <M t-- m e à 1 la pi le et e no a> — C3 — 1 « S a ë es S o icha ère, aud ent c 00 8J CO ~ in ,o o •S b. O OS ~» n 3 •- cj 3 S M I04 'H O co OI CD -f = 6^5- CD £ 3:5 = 5.<" c n s c 05 Gfî t^ s. s ■= .o in a «^ es co ce" o co oc l'écai t: la J caille cses i Z3 ^ 1 04 04 s^ O OJ — co Ol le de quen re léi 'enth( ' ■ ^ ■ • 1 rt S §■=5 = 2, a a. " g c <u a 1 3 ■T3 " 3 v'ec un mètre s^ X dimensions i distance prise ffrcs mis entre c- C > ci s 0) (U ' kl sus-caudale ure postérie ■£ . es C .i c 1 > 1- 3 . --5 . 3 S C g Cl £ t: 13 O 5 Iç b. o "= i^'3 M) bcg ÙCO s 0) •a "S S 3 3 en aj -o ^ u o es*' co*^ ■§ 3 c T3 T3 T3 .!£ «1 •" (« fc, ai _<u o, -J _I J ■W O S CAJ T 3- UU -J anvdVHVD MOllISVia c Cl. 1 1 1 XLII NOTES ET REVUE îë é m OJ œ 00 o -* 00 ^ ^ S co 00 en <n ÎR lO 3. c o 00 - «c S ^ s .2 o» .^ ^ OI Oî r^ o ë o o M C 05 «SI CD (M lOS iD Ol o cr. >n i^l OJ (3 O OI Ol u s ^ ç Ci îo t^ lO .00 co :Ê = a c ,_^ l-O ^ \n ic " 1 3 -* m ^ 1 . « N c oo m ^ o liO in «3 i 1 s: '-' o = = » o ■H Ci s O « <u S s o c t- Oi vn si§; S CJ b 2 o M m o. § e c n 'j; o 1 O) lO S os i s o ir o o Ol Ol o in ^ •^ r " \r o< S 1 2 C5 0) c CD f>i Cû CM ,|CO ifi s - » » " Ol -z " '^ ^- aj s •S S s o o S Ti 00 OJ O Sil^ o -œ '& 2 Ol 00 s Ol Ol "^ s "S •s ^ o o tN £ t" c 05 tH a Oi o» i> o i>n vO o» '-' kl o o 05 lO ^H ^_t Ol »aj ■r 00 Ol ^ t— s c 0) "e à 2 c: o O (0 o 04 co CM liO ^fl ë» g <- 00 -* 00 = ÇN o» ,,s. X '■^ H-, t— ai v-O m ,\n o aj = à ci C5 ^ o s -* o CO '^ -* l<N u 5^ é in «^ s à vf5 ê c CJ ^^ ^* ^ ,l>o o a M 2 -* O (N .^ " "^ '^ co « " n s c OO O» \0 1 xO •* 1 CN 03 O) ^ s CJ 2 o 1 oî « - ^ •g 1 S 2 o o o "S a; ^ , ë> s 00 co "1 « •^ -* •»! o» •£ st Ol u ^ OJ ■ ?■ ■a . .o ■ <U 3 (U Il ■ «3 0) es ■ •a -fe u V rt • c fS s tu 4) 3 3 C • si; bc« C o 603 3 te a> S o s. c .2 o 3 en C "33 s '■3 O S'°. ^■^ rt u o ■o ■a T3 ■•W -j -J ■» S c/ . 'f ■"" [VO ^ c a 1 1 1 1 aovdvi Nomîvi d NOTES ET REVUE xuii En mai 1906, nous avons reçu un deuxième lot de Tortues mau- resques, comprenant cinq mâles et cinq femelles provenant é^^-ale- ment de Tunisie. Ces animaux, conservés pour l'étude de l'hiber- nation, n'ont pu nous fournir que les données suivantes : <x> c O o o •w S u ca 00 .0 00 ^ "^ ^ ^ ^ O o G îO lA g O Ti c ai o c^ r- &:: rt Cl 5.-5 c/2 '-J 05 S' C ai 00 C>J «o 'S 1^ 00 J c^ O so w !S S t-i s K 00 a CD o» <W 00 tb ■^ .^ -rH SJ a JO ï^ S c 00 J.'^ -:-l O "c^ a ^+ ■^rf -^ -r^ o. Cl O . c ~o ■r iO es ~ 00 rN o a ti -rH ..H k. «o O g s o o o . o r~- <^7 (M C &-> c 00 (N o £ -^ ^ CJ O 1/5 m s ■^1 "-H e es O -* s 5-0 :-; •A s (/: •^ "^ Ci ■^ GC .5J 07 W u ^ « ^z ;0 "1 < •m S :i-5 >5 ^ ce n •^ o ro ^ ^ o (M "^ — < tii o îO ^ c ïO Ci a O Tvl t- cS Ci Cl ^.i O i^ ^ c i/t' JC r-" ^ - f- <M O CO a> _CU -^ -rH -r^ i^ O ■* = S ■ c 3 • c -o j3 ^ "^ G 13 O a; o c o argeu a van plast argeu arriè plast C O o J aoYavavo ;2 'H 'o Cm xuv NOTES ET REVUE Toutes ces données numériques, venant s'ajouter à Tobservation suivie des Tortues que nous avons conservées vivantes, vont nous permettre maintenant d'étahlir une comparaison entre les carac- tères anatomiques et les caractères physiologiques des deux sexes de la Tortue mauresque. A. — Caractères anatomiques. 1" Aspect général et poids total. — Les individus mâles paraissent plus petits et sont moins lourds que les individus femelles. En mai, leur poids total est plus faible de 19 gr. 60 en moyenne, que celui des femelles : les poids extrêmes des femelles étant 615 et 543 gr. avec une moyenne de 581 gr., ceux des mâles étant 668 et 414 gr. avec- une moyenne de 561 gr. 40. Rn juillet, le poids total des individus màles est plus faible de 76 gr. en moyenne que celui des individus femelles; les poids extrêmes de celles-ci étant 820 et 584 gr. avec une moyenne de 688 gr. ; ceux des màles étant 740 et 510 gr. avec une moyenne de 612 gr. 2" Carapace. — En mai, les dimensions de la carapace, mesurées avec un mètre' souple, étaient de quelques millimètres plus grands chez les mâles de nos Tortues que chez les femelles, sauf toutefois en arrière du plastron. En juillet, au contraire, la carapace des femelles est p'ius grande dans toutes ses dimensions que celle des màles; a longueur moyenne pnise de Fécaille nuchale à l'écaillé sus-caudale est 18c™, 50 pour les femelles et 18cm, 23 pour les màles et encore fau- drait-il déduire, de ce dernier nombre, la partie de l'écaillé sus- caudale qui dépasse le bord marginal; sa largeur moyenne, prise au^niveau des épaules, est de 12cm,40pour les femelles et dellcin,92 pour les mâles; prise au niveau du bassin, cette largeur est respec- tivement 16cm, 65 et 16 centimètres. Mais c'est surtout par la partie du bord marginal qui est située directement au-dessus de la queue (écaille sus-caudale ou caudale) que la carapace du mâle se distingue facilement de celle de la femelle (fig. 1). Chez le mâle, cette partie est fortement bombée et forme en bas une pointe saillante qui se recourbe un peu vers la queue; sa plus grande largeur est en moyenne de 42"'"', 38; sa plus grande hauteur, de 25"'"', 30. Chez les femelles, la plaque sus-eau- NOTES ET REVUE xlv dale ne se distingue en rien des autres plaques du bord marginal, ou, comme le faisait remarquer justement Gray, son bord inférieur peut se recourber vers le dehors ; dans tous les cas, chez les femelles, son bord reste toujours au même niveau que le reste du bord mar- ginal; la plaque ellermême présente, dans sa plus grande longueur, des dimensions moyennes de 35 millimètres et, dans sa plus grande hauteur, 19""°, 45; 3° Le Plastron ne présente pas des caractères sexuels secondaires aussi fixes que la carapace. Comme l'indiquent les auteurs, sa sur- face est en général plane ou même bombée chez les femelles alors qu'elle est plutôt creusée chez les mâles; mais, comme le montrent nos tableaux et comme Duméril et Bibron l'avaient vu du reste, nous avons trouvé des femelles à plastron creux et des mâles à Fig. 1. FiG. 1. — Tortues mauresques mâle (à gauche) et femelle (« droite), vues de l'extrémité postérieure. plastron plan; dans tous les cas, il fallait mettre deux individus, de sexes difïérents, l'un à côté de l'autre pour pouvoir nettement dis- tinguer ce caractère. Gray dit {loc. cit. p. 11) que la partie postérieure du plastron est plus mobile chez les femelles que chez les mâles. C'est là encore un caractère qui ne peut suffire pour distinguer les sexes, car nous avons vu des mâles qui présentaient, en certains endroits, une mobilité aussi grande que chez nos femelles. Par contre, le plastron des mâles nous a toujours paru un peu plus petit que celui des femelles et, caractère facile à reconnaître, son extrémité postérieure est toujours plus largement fendue que chez les femelles ; il en résulte que la partie mobile du plastron, chez les mâles, tend vers la forme rectangulaire alors qu'elle pré- XLvi NOTES ET REVUE sente une forme plus nettement triangulaire chezles femelles (fig.2). 4° Queue. — Cette plus grande largeur de la fourche sternale en arrière, ciiez les mâles, est en rapport avec les dimensions de la queue gui sont nettement, ici, plus grandes que chezles femelles. De même, l'espace qui est compris entre la fourche sternale et le bord de la carapace est plus grand chez le mâle que chez la postérieur femelle. Ce sor.t encore là des caractères qui nous ont paru cons- tants et qui permettent de distinguer facilement les deux sexes. B. — Caractères physiologiques. Cette partie de notre étude ne peut être considérée que comme une amorce pour des travaux faits dans des conditions meilleures Fig. 2. FiG. 2. — Tortues mauresques mâle (à gauche) et femelle (à droite"^ vues du côté du plastron. que celles où nous avons pu placer les Tortues, dans notre labo- ratoire. Nous avons conservé vivantes, pendant près d'une année, six Tortues, trois mâles et trois femelles, les soumettant à des obser- vations continuelles qui nous ont permis de constater, toutd'abord, que les femelles sont moins craintives et s'accoutument plus vite à la présence de l'homme que les mâles; de plus ceux-ci font tou- jours entendre un souffle violent quand on les saisit ou même quand on lance brusquement la main dans la direction de leur tête; en général les femelles se laissent enlever sans souffler ou, du moins, leur soufile est moins fort que celui des mâles. Nous avons noté ensuite (tabl. V) les variations de poids et de densité moyenne de nos Tortues conservées pendant onze mois. NOTES ET REVUE XLVII TABLEAU V. Variations de poids et de densité de Juillet 1 905 à Mai 1 906. F. n» 25 768 gr. 077 gr. 45 surnage surnage morte F. n° 4 F. n" 6 Juilet 1905. Poids total 625 gr. 813 gr. surnage surnage 25 Octobre 1905. Poids total 593 gr. Perte de poids.. 32 surnage 6 Janvier 1906. Poids total 572 gr. 761 gr. Perte de poids.. 21 7 surnage surnage 22 Mars 1906. Poids total 553 gr. 746 gr. Perte de poids. . 19 15. surnage surnage 8 mai 1906. Poids total 545 gr. 728 gr. Perte de poids. 8 18 surnage surnage sacrifiée malade morte le 16 mai Pertes totales... 80 gr. 85 gr. M. n» 19 M. n» 22 M. n» 26 665 gr. 580 gr. » s'enfonce s'enfonce ■ dans l'eau dans l'eau 630 gr. 576 gr, 682 gr. 35 4 » s'enfonce s'enfonce surnage dans l'eau dans l'eau 624 gr. 571 gr. 673 gr. 6 5 9 s'enfonce s'enfonce surnage dans l'eau dans l'eau 607 gr. 560 gr. 626 gr. 17 14- 47 s'enfonce s'enfonce surnage dans l'eau dans l'eau malade morte 56 i gr. 43 552 gr. 8 surnage malade sacrifiée 101 gr. surnage malade sacrifiée 28 gr. Ces dernières observations, que nous comptions multiplier, ne peuvent donner lieu à aucune conclusion. L'étude de notre tableau V montre, en effet, que des maladies venaient modifier les conditions physiologiques de certains individus; ces maladies se traduisaient extérieurement par la présence de sérosités purulentes ^'écoulant des narines et tenant collées Tune à l'autre les paupières de chaque œil. Des conclusions plus fermes peuvent être tirées de Tétude com- parative du poids des mêmes organes internes chez les mâles et chez les femelles, étude dont nous avons fourni les détails dans les Tableaux I et H. Nous noterons d'abord que le poids total du foie est plus grand chez les femelles que chez les mâles et, cela, tant au point de vue relatif qu'au point de vue absolu ; la moyenne du poids absolu du XLviii NOTES ET REVUE foie chez les femelles est de 25gr, 17 alors qu'il est seulement de 21gr,83 chez les mâles ; les poids relatifs sont respectivement de 1/27 pour les femelles et de 1/28 pour les mâles. De même, le poids moyen des ovaires, chargés d'ovules, est de 43 grammes alors qu'il est seulement de 3&r,4o pour les testicules et les épididymes gorgés de sperme. Par contre, les reins paraissent un peu plus lourds chez les mâles ; leur poids moyen est ici de 3gr,66, ce qui représente la cent soixante-septième partie du poids total du corps; chez les femelles, le poids moyen des reins est 36r,76 qui représentent seu- lement la cent quatre-vingt-deuxième partie du poids du corps. Ces différences correspondent sans doute à des différences dans la nutrition des mâles et des femelles. Et en effet, une simple dis- section nous a montré que les mâles fabriquent ou conservent plus de pigments jaunes (lipochromes) et de mélanine que les femelles. Chez celles-ci, nous n'avons trouvé que les capsules surrénales, les ovaires et les ovules qui soient cjolorés en jaune vermillon ou chrome foncé ; chez les mâles nous avons trouvé la même coloration dans les capsules surrénales, dansiez testicules (mais non dans le sperme qui est blanc), dans la graisse du corps et dans la partie médul- laire de certains os, tels que les ceintures scapulaire et pelvienne, le fémur, etc. De plus, les tissus des épididymes et parfois aussi le péritoine environnant étaient colorés intensivement en noir. Une particularité des plus frappantes qui nous a permis de dis- tinguer les femelles des mâles de notre premier lot est la pro- priété que présentaient les premières de surnager quand on les jetait dans un baquet plein d'eau, alors que les seconds allaient immédiatement et restaient au fond. Nous avons répété cette expé- rience un très grand nombre de fois, non seulement au mois de Juillet dernier, mais encore pendant toute l'année, pour les tortues de notre premier lot que nous avons conservées vivantes (N"* 4, 6, 19, 22). Toujours nous avons obtenu les mêmes résultats : les femelles surnageaient, les mâles allaient au fond. Nous n'avons pas obtenu la même constance, dans ces résultats, avec les tortues de notre second lot (tabl. III et V); ici les mâles sur- nageadent autant que les femelles. D'un autre côté les mâles n°* 19 et 22 de notre premier lot, étant devenus malades à la fin de leur séjour dans notre laboratoire, se mirent à surnager alors qu'ils allaient toujours au fond, auparavant. NOTES ET REVUE xux Quoiqu'il en soit, les résultats positifs que nous avons obtenus, avec les vingt-quatre Tortues de notre premier lot, sont tels qu'on doit considérer la dififérence de densité totale du corps comme un phénomène diflérentiel des sexes chez la Tortue mauresque, phéno- mène se produisant seulement à certains moments de la vie. >'ous avions pensé d'abord que la cause qui faisait flotter les femelles était due à la présence, dans leurs ovaires, d'un certain nombre d'ovules chargés de matières grasses. Une étude plus atten- tive nous a montré que ce n'était pas là la véritable cause ; il nous suffisait en effet, de crever les poumons de tout individu qui surna- geait pour le voir tomber immédiatement au fond de l'eau. Nous pouvons donc dire que les femelles de notre premier lot se distin- guaient des mâles par la présence d'une plus grande quantité d'air résiduel dans leurs poumons. Il serait évidemment des plus intéressants de tâcher de mettre en évidence les conditions d'âge, de santé ou de milieu qui président aux variations de ce caractère distinctif, variations que nous n'avons pu que constater ici. Nous laissons le soin de ce travail à ceux qui sont plus fortunés que nous, dans l'installation de leurs laboratoires. CONCLUSIONS En résumé, de nombreux caractères morphologiques et "physio- logiques permettent de distinguer les sexes l'un de l'autre, dans la Tortue mauresque. Parmi les caractères sexuels secondaires [caractères morpholo- giques) ceux qui permettent de distinguer immédiatement et sûrement la Tortue mauresque mâle de la Tortue femelle sont: 1'^ Une écaille sus-caudale plus grande, bombée et recourbée en crochet vers la queue ; 2° La queue plus grande et plus forte ; 3° Le plastron sternal plus largement échancré en arrière ; 4° Un plus grand espace entre la carapace et le plastron en arrière. La concavité du plastron, qui est donnée comme un caractère sexuel secondaire du mâle, par les auteurs, est un caractère très souvent difficile à apprécier et n'est pas, du reste, absolument parr ticulier aux mâles. Il en est de même pour la mobilité de la pointe du plastron , cette L NOTES ET REVUE mobilité est toujours très grande chez les femelles, mais elle peut l'être également chez les mâles. Notre étude nous a montré que les caractères morphologiques qui permettent de distinguer les sexes des Tortues sont accompagné de différences aussi grandes que nous avons constatées dans les caractères physiologiques de ces animaux. Nous noterons ici, en par- ticulier : La plus grande quantité de pigments formés dans divers organes des mâles. La moindre quantité d'air résiduel contenue dans leurs poumons. Leurs reins un peu plus lourds. Leur foie et surtout leurs glandes génitales moins développés. Paru le 20 Février 1907. Les directeurs : G. Phuvot et E.-G. Racovitza. Eug. MOFIEU, Imp.-Gniv^ 140, Boul. Raspail. Puis (6)— Tclcphone : 704 - 75 MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE PARIS SOUSCRIPTION UNIVERSELLE POUR ÉLEVER UN MONUMENT A LAMARCK Les Professeurs du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, désireux de rendre un hommage solennel à leur illustre prédé- cesseur, le naturaliste philosophe LAMARCK, prennent l'initiative d'une souscription internationale afin de lui élever une statue dans le jardin des Plantes. Ils vous demandent de prendre part à cette manifestation scientifique qui a pour but de rendre une tardive justice à l'im- mortel auteur de la Philosophie zoologique, au savant qui, en Zoologie, en Botanique, en Géologie, en Météorologie, fut un pré- curseur génial, au grand penseur dont les conceptions sont la base des idées modernes sur l'évolution du Monde organisé. Si vous consentez à participer à leur œuvre, veuillez adresser votre souscj-iption soit à M. Joubin, professeur au Muséum d'Histoire naturelle, à Paris, soit à l'un des correspondants inscrits sur la liste ci-jointe. Die Professoren am National-Muséum fur Naturkunde in Paris, hegen den Wunsch, in ehrfurchtsvoller Huldigung ihrem beruhmten Vorgânger, dem Philosophen und Nàturforscher LAMARCK, diesem ein Denkmal im « Jardin des Plantes i> zu errichten, und laden dafur zu einer internationalen Subscription ein. Wir bitten Sie hoflichst, unser Yorhaben zu unterstutzen, durch welches, wenn auch spât, der Dank zum Ausdruck kommen soll, den die wissenschaftliche Welt dem unsterbiichen Verfasser der « Philosophie zoologique » schuldet, dem grossen Gelehrten, der in der Zoologie, der Botanik, der Géologie und Météorologie, ein genialer Forscher war, dem tiefen Denker, dessen Ideen ein Grundpfeilar der modernen Lehre von der Entstehung der Leben- wesen geworden sind. Falls Sic çeneigtsind, an unseremWerke Theilzu nehmen, bitten wir Sie hierdurch, Ihren Beitrag gutigst an Professer Jouum (Muséum d'Histoire naturelle, Paris) oder an einen der Ilerrn einsenden zu wollen, deren Namen Sie in beigefûgter Liste ver- zeichnet finden, The Professors of the National Muséum of Natural History of Paris wishjng ta p^y a worthy tribute to the memory of their illus- trions predecessQr, the philosopher and naturalist LAMARCK, take the initiative in opening an international subscription in order to erect his statue in the « Jardin des Plantes ». You are invited to ty,ke part in this scientifîc manifestation, the aim of which is to repder tardy homage to the celebrated author of the « Philosophie zoologique », to thn scholar who in Zoology, Botany, Geology and Meteorology, was the learned precursor, to the great scientist whose conceptions hâve formed the base of modem thought on the évolution of ail aniniated nature. If you désire to participate in this work, be so kiud as to send your subscription either to Professer Joubin (Muséum d'Histoire naturelle, Paris) or to one of the subscribers mentioned in the list enclosed. Les Pi'ofesseurs du Muséum nalianal d'tiisloire naturelle : Ed. 'PerrieRj divictew ; L. Vaillant, assesseur ; A. Mangin, secrétaire ; Arnaud ; H. Becquerel ; Boule ; Bouvier ; Bureau , professeur honoraire ; Ghauveau ; Costantin ; Gaudry, professeur honoraire ; Gréhant ; Hamy ; Joubin ; Lacroix; Lecomte ; Maquenne; S. Meunier; Van Tieghem ; Tkouessart. ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. DE LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne , Docteur es sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4' Série, T. VI. NOTES ET REVUE 1907. N" 3 VII CHARLES MARTY par Yves Delage Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne. II pourra sembler étrange à quelques personnes que l'on consacre dans un journal scientifique un article nécrologique à un homme dont la condition sociale, n'étgiit pas très supérieure à celle d'un garçon de laboratoire. Ceux qui ont vu Ch. Marty à l'œuvre à la station de RoscofiF, ne fût-ce que pendant quelques semaines, trouveront la chose naturelle; à ceux qui l'ont suivi pendant sa longue carrière elle apparaîtra comme une dette de reconnaissance qu'il eût été injuste de ne pas acquitter. Ch. Marty était né à Nantes en 1851, dans une humble famille de jardiniers. Il aimait les plantes, mais il préférait la mer et partit comme mousse à bord d'un navire au long cours. Il était simple matelot quand il fut pris pour le service. Là le hasard des circonstances le fit se rencontrer sur le Narval^ ARGB. PB ZOOL. BXP. ET OÉN. — 4* SÉRIE. — T. VI. G Grundpfeilar der modernen Lehre von der Entstehung der Leben- wesen geworden sind. Falls Sic g-eneigtsind, an unserem Werke Theilzu nehmen, bitten wir Sie hierdurch, Ihren Beitrag gûtigst an Professer Joubin (Muséum d'Histoire naturelle, Paris) oder an einen der Ilerrn einsenden zu wollen, deren Namen Sie in beigefugter Liste ver- zeichnet finden, The Professors of the National Muséum of Natural History of Paris wislijng to pîjiy a worthy tribute to the memory of their illus- trious predecessor, the philosopher and naturalist LAMARCK, take the initiative in opening an international subscription in order to erect his statue in the « Jardin des Plantes ». You are invited to tgike part in this scientific manifestation, the aim of which is to repdçr tardy homage to the celebrated author of the « Philosophie zoologique », to tho scholar who in Zoology, Botany, Geology and Meteorology, was the learned precursor, to the great scientist whose conceptions hâve formed the base of modem thought on the évolution of ail aninàated nature. If you désire to participate în this work, be so kiud as to send your subscription either to Professer Joubin (Muséum d'Histoire naturelle, Paris) or to one of the subscribers mentioned in the list enclosed. Les Professeurs du Muséum riatianal ci- Histoire nalurelle : Ed. 'PerrieRj directeur ; h. Vaillant, assesseur; A. Mangin, secrétaire ; Arnaud ; II. Becquerel ; Boule ; Bouvier ; Bureau , professeur honoraire ; Ghauveau ; Costantin ; Gaudry, professeur honoraire ; Gréhant ; Hamy ; Joubin ; Lacroix ; Lecomte ; Maquenne ; S. Meunier ; Van Tieghem ; Trouessart. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. DE LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4" Série, T. VI. NOTES ET REVUE W07. N" 3 VII CHARLES MARTY par Yves Delage Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne. Il pourra sembler étrange à quelques personnes que l'on consacre dans un journal scientifique un article nécrologique à un homme dont la condition sociale, n'étgiit pas très supérieure à celle d'un garçon de laboratoire. Ceux qui ont vu Ch. Marty à l'œuvre à la station de Roscoff, ne fût-ce que pendant quelques semaines> trouveront la chose naturelle; à ceux qui l'ont suivi pendant sa longue carrière elle apparaîtra comme une dette de reconnaissance qu'il eût été injuste de ne pas acquitter. Ch. Marty était né à Nantes en 1851, dans une humble famille de jardiniers. Il aimait les plantes, mais il préférait la mer et partit comme mousse à bord d'un navire au long cours. Il était simple matelot quand il fut pris pour le service. Là le hasard des circonstances le fît se rencontrer sur le Narval^ ARCB< PB ZOOL. BXP. ET OÉN. — 4* SÉRIB. — T- VI. G LU NOTES ET REVUE commandé par l'amiral Mouchez et chargé d'un service hydrogra- phique sur les côtes d'Afrique, avec H. de Lacaze-Duthiers, en mis- sion d'exploration zoologique. Un jour, en 1873, une aussière pendant le long du bord s'entor- tilla autour de Farbre de Fhélice dont elle contraria la rotation sans l'arrêter tout à fait. L'amiral fît appel aux hommes de bonne volonté. La mission était difficile et périlleuse : Marty s'offrit. Il plongea et dégagea l'aussière au risque de se faire broyer par l'hé- lice. Cet acte d'adresse et d'intrépidité attira sur lui l'attention de ses chefs et celle de Lacaze-Duthiers. Aussi, lorsque le navire fut arrivé à destination, celui-ci devant se servir, pour explorer la côte, de la chaloupe à vapeur du Narval, demanda et obtint de l'amiral la désignation de Marty comme patron de la chaloupe. Pendant toute la durée de la campagne d'exploration, Marty donna des preuves journalières de son dévouement et de son intelligence. Lacaze-Duthiers qui venait de fonder à RoscofF une station zoolo- gique comprit tout le parti qu'il pourrait tirer de ces qualités excep- tionnelles et résolut de l'attacher à la station : telle fût la cause de l'entrée de Gh. Marty dans sa nouvelle carrière. La station était à cette époque dans un état bien rudimentaire : une maison louée, aménagée comme une habitation bourgeoise, o\x pouvaient travailler 6 à 7 personnes, chacune dans sa chambre à coudier ; pas de salle commune; comme réservoir d'eau de mer, deux cuves en ciment d'une contenance d'un mètre cube environ; comme aquariums trois ou quatre bacs en brique avec une paroi de verre; comme embarcation, un petit cotre à clins de 5 mètres de long « le Penlacrine » et un bateau plat pour l'accostage ; pour tout personnel, Marty auquel on' adjoignit bientôt un matelot pour le service de la pompe à bras destinée à emplir les cuves et pour l'aider dans la conduite du bateau. Mais, au pied de cette installation médiocre, une grève si admirable au point de vue de la richesse et de la variété de la faune, qu'il n'en est guère dans aucun pays qui puisse lui être comparée. Là, Marty, s'éprit d'un bel amour pour ces bestioles étranges que son maître lui apprenait à cherclier, dont il lui disait les noms et lui faisait observer les mœurs. Doué d'une intelligence peu commune, d'un esprit d'observation très fin, dévoué à sa tâche par tempérament et à son maître par reconnaissance, il devient l'auxi- I NOTES ET REVUE un liaire indispensable de ce dernier et bientôt celui de tous les travail- leurs de la station. Cette côte bretonne est une des plus périlleuses qui soit au monde, par ses récifs innombrables, dont la hauteur et la forme apparente varient à chaque instant avec le niveau de la marée, et par ses cou- rants dont la direction et la force changent à toutes les phases du jusant et du flot. On estime qu'il faut être né dans le pays et avoir fréquenté ces dangers dès l'enfance pour qu'ils vous soient entiè- rement familiers. Marty fit exception à cette règle et en peu d'années devient aussi expert que les pilotes du pays. En peu d'années, il arriva à connaître, mieux que son maître et que pas un de nous, les grottes sous-marines où l'on s'insinue avec peine aux basses mers des grandes marées, avec tous les détails de la faune étincelante qui tapisse leurs parois, les retraites des formes les plus diverses, dessous des pierres, touffes de goémons, tiges creuses de laminaires, plages de sable ou de vase, où parfois les gisements sont limités à des places précises que rien ne distingue en apparence ; et il connaissait non moins bien la faune des régions inaccessibles à l'œil et -à la main, où la drague, le faubert et le chalut, recueillent au hasard ce qui se rencontre sur leur passage. Ce n'est pas seulement pour la recherche des animaux nécessaires aux études que Marty se montra l'homme utile sur qui l'on peut compter. Au fur et à mesure que la station se développait pour devenir ce qu'elle est aujourd'liui, les fonctions nouvelles néces- sitant des aptitudes nouvelles se multiplièrent : Marty se montra à la hauteur de toutes les tâches. Quand la pompe à bras fut rem- placée par une pompe à vapeur, puis à pétrole, Marty devint le mécanicien de chacune d'elles, quand le bateau à voile fut remplacé par un bateau automobile, Marty en devient le machiniste tout en restant le pilote. Dans les premières années, l'hiver, où le laboratoire est vide de travailleurs, était pour lui une saison de repos. Mais quand furent organisés les envois aux Universités pour les manipulations des étudiants et aux travailleurs pour leurs recherches originales, une nouvelle fonction vint s'ajouter aux autres. Chaque mois affluaient des listes d'animaux à expédier, tantôt communs, tantôt rares, tantôt vivants, tantôt préparés suivant une technique parfois fort compliquée, souvent dans telle 'ou telle condition requise, plus ou moins aisée à discerner, d'âge, d'état' sexuel, de bourgeonne- Liv NOTES ET REVUE ment, etc., toujours désignés par leur nomenclature de genre et d'espèce; et, au jour dit, l'envoi arrivait, dépassant les espérances, tant étaient réalisées avec intelligence les conditions délicates que Ton avait réclamées. Sa haute intelligence, son cœur dévoué, lui avaient inspiré une noble ambition : il ne voulut pas être le serviteur des travailleurs du Laboratoire, mais leur collaborateur, et il y réussit. Durant plus de trente années qu'il y passa il ne se fit pas à la station un travail zoologique ou biologique de quelque importance auquel il ne mit la main. Pour trouver les formes rares, dépister les stades larvaires fugaces, deviner les conditions d'élevage, de fixation, de reproduc- tion, de bourgeonnement, sa perspicacité avait la sûreté d'un ins- tinct, lî avait ce quelque chose qui ne s'acquiert pas et que les naturalistes appellent le sens de l'espèce. 11 triait sans hésitation les échantillons de formes semblables que nous ne distinguions souvent qu'après une laborieuse détermination de caractères, et s'il y avait discussion, son avis finalement se trouvait être le bon. Il se mêlait à nos travaux, il se tenait au courant du succès de nos recherches, aimait à voir les préparations microscopiques, et plus d'une fois nous avons tiré profit de ses observations judi- cieuses. Si les circonstances, au début, avaient fait de Marty, non un matelot mais un étudiant, il compterait aujourd'hui parmi les natu- ralistes qui font le plus honneur à la science et à leur pays. Cette participation continuelle aux travaux de tous a été reconnue . par ceux qui en ont usé. Elle se trouve inscrite dans toutes les lan- gues, dans les périodiques où ces travaux ont été publiés ; elle a été sanctionnée par la dédicace de plusieurs espèces nouvelles ayant pour nom spécifique Marlyi, et s'il n'existe qu'un genre Marty a c'est que les règles de la nomenclature s'opposent à ce qu'un nom géné- rique soit donné deux fois. J'extrais d'une lettre de condoléances d'un de nos plus distingués naturalistes, le professeur Francotte, de Bruxelles, les passages sui- vants : « A plusieurs reprises j'ai eu l'occasion d'entendre les « remarques qu'il faisait, lorsqu'il nous accompagnait à la grève, « sur l'habitat, les mœurs et parfois même la psychologie des orga- « nismes que nous cherchions ; je i'écoutais avec un plaisir extrême « tellement tout ce qu'il disait était juste, précis', original... Il y r NOTES ET REVUE lv « aurait eu grand intérêt à ce qu'il eût écrit, à sa façon, toutes les « observations qu'il avait faites. Ce livre aurait eu certainement une (( réelle valeur et eut été de la plus haute utilité pour ceux qui veu- « lent s'initier aux choses de la mer. » Sa complaisance, son adresse, la sûreté de ses avis étaient telles qu'à chaque minute on avait recours à lui. Qu'il fallut se procurer des animaux rares, réparer un instrument délicat, imaginer une installation nouvelle, faire face à une difficulté imprévue de quel- que nature qu'elle fût, toujours on concluait : demandons à Marty. On l'appelait de tout côtés et, malgré son activité incessante, il lui eût fallu se dédoubler bien des fois pour satisfaire à tous. Il avait une noble conception de ses devoirs. Mais il faut bien comprendre que s'il accomplissait toutes ces tâches ce n'était pas par devoir, mais par amour pour le travail, pour la recherche, pour la science. Ce qu'on fait par devoir finit par lasser; ce qu'on fait par amour ne lasse jamais : là était le secret de son activité inépuisable. Dire qu'il était la cheville ouvrière du Laboratoire serait trop peu: il en était l'âme. Nombreux sont les exemples de gens partis d'aussi bas et arrivés bien plus haut. Mais d'ordinaire d'heureuses fortunes ont eu une grande part à leur élévation. Marty, au contraire, ne doit rien qu"à lui-même et n'a jamais été récompensé à l'égal de son mérite. Il est mort Surveillant général du Laboratoire de Roscoff, aux appointements de 2.000 francs et Officier de l'Instruction Publique. C'est peu pour s'être montré pendant plus de trente années, partout et toujours supérieur à ce qu'on pouvait attendre de lui. Mais ce qui est beaucoup c'est, par sa haute valeur intellectuelle et morale, d'avoir conquis un rang bien supérieur à sa condition matérielle et d'emporter en mourant l'estime, la reconnaissance et le regret de tant de savants de tous les pays qui avaient recours à son aide et le traitaient comme un égal, mieux encore, comme un ami. Lvi NOTES ET REVUE VIII NÉPHROCYTES ET NÊPHRO-PHAGOCYTES DES CAPRELLIDES par L. Bruntz, Chargé du Cours de Zoologie à l'Ecole supérieure de. Pharmacie de Nancy. Si on injecte du carminate d'ammoniaque dans la cavité générale des Amphipodes, par exemple des Talitres, Gammarus et autres Crevettines (Gammarides), on sait (Bruntz, 1903) que cette solution s'élimine, non seulement par les saccules des reins antennaires, mais aussi par des cellules conjonctives fixes et closes : néphrocytes. On constate le même fait chez Protella phasma S. Bâte, que je choisis, à cause de sa grande taille, comme type de Caprellides. Dans ces deux groupes d'Amphipodes, les néphrocytes sont réunis en amas symétriquement disposés dans la tête et dans le corps. Dans un travail antérieur,' j'ai cherché à homologuer les amas néphrocy- taires des deux groupes, mais sans documents suffisants ; de récentes expériences me permettent de compléter et de préciser nos connaissances à ce sujet. I. — Description. Chez les Crevettines, il existe des amas de néphrocytes céphali- ques, thoraciques et abdominaux ; chez la Protelle, on retrouve aussi des amas de néphrocytes céphaliques et thoraciques, mais l'abdomen très réduit ne renferme pas de semblables éléments excréteurs. Néphrocytes céphaliques. — Les Crevettines possèdent une paire d'amas de néphrocytes céphaliques entourant la base des muscles extenseurs des premières antennes. Chez la Protelle, il existe trois paires d'amas de néphrocytes céphaliques. La première paire se trouve disposée à la base des premières antennes, bordant les nerfs qui se rendent à ces appen- dices. La deuxième paire est placée à la région dorsale de la partie postérieure de la tête, sous l'épine qui orne, en cet endroit, la tête de la Protelle ; les cellules constitutives sont attachées aux faisceaux musculaires des maxilles, ainsi qu'à l'aorte. La troisième paire, située à la face ventrale de la tête, s'étend transversalement NOTES ET REVUE tvii de la base des deuxièmes antennes à la base des pattes-mâchoires. Ces amas dé la dernière paire sont plus ou moins séparés, dans leur région médiane, par les muscles des maxilles. Au-dessus, les cellules sont accolées aux muscles antennaires, au-dessous, aux muscles des pattes-mâchoires. Les néphrocytes sont, de plus, en contact avec les masses nerveuses et l'estomac. Néphrocytes thoraciques. — Ces néphrocytes (appelés aussi bran- chiaux par raison d'analogie, car chez tous les Crustacés, ils se trouvent sur le trajet du sang revenant des branchies ou autres appendices respiratoires) sont disposés, chez les Cr^vettines à la base de chacun des anneaux ainsi que dans l'article basai des pattes. 11 existe donc sept paires d'amas de ces néphrocytes, qui forment un revêtement interne et incomplet aux vaisseaux péricaydiques. Chez les Caprellides, les néphrocytes branchiaux sé'trouvent dis- posés à la partie ventrale des anneaux, dans la région d'attache des appendices correspondants. .11 n'existe que six paires d'amas de ces néphrocytes, lesquels sont accolés aux ganglions nerveux ou à des muscles avoisinants. Dans les troisième et quatrième anneaux, des néphrocytes sont encore portés sur des fibrilles, qui relient les par- ties latérales du septum péricardique à la face ventrale. Néphrocytes abdominaux. — Ces derniers n'existent que chez les Amphipodes normaux, lesquels possèdent un abdomen formé typi- quement de six anneaux. Les amas de néphrocytes plus réduits que ceux du thorax, forment, comme dans cette partie du corps, un revêtement aux canaux péricardiques, mais les amas postérieurs peuvent ne pas exister ou se trouver réunis de telle sorte qu'il n'en existe, par exemple, que cinq paires chez lé Gammarus et quatre chez le Talitre. Néphro-phagocytes péricardiques. — J'ai montré que chez les Amphipodes normaux, il existe des cellules qui possèdent la double propriété d'éliminer les substances dissoutes et de phagocyter les particules solides injectées. En raison de cette double fonction, je propose d'appeler ces éléments : des néphro-phagocytes. Ces cellules sont placées dans le sinus péricardique, accolées aux faces externe et interne du cœur ainsi qu'aux fibrilles de soutien de cet organe. Récemment, à la station maritime de Roscoff, j'ai retrouvé chez Protella phasma S. Bâte, les mêmes néphro-phagocytes, dont l'exis- tence était* jusqu'alors inconnue. Ces éléments sont de petites cellules (d'environ 12 p de diamètre) difficiles à apercevoir quand Lviii NOTES ET REVUE on n'utilise pas la méthode des injections physiologiques. Ces cel- lules éliminent le carrainate d'ammoniaque et capturent les parti- cules d'encre de Chine. Grâce à la transparence des téguments on peut, comme sur des coupes, reconnaître que ces cellules s'étendent dans toute la longueur du thorax oîi elles forment un revêtement à la face externe du cœur. Il en existe aussi, dans le voisinage du cœur, sur le septum péricardique. Dans les troisième et quatrième anneaux, le péricarde descend latéralement pour s'attacher à la base des sacs branchiaux; dans cette région, la meùibrane péricardique supporte de nombreux néphro-phagocytes ; il en existe aussi sur les fibres de soutien, auxquelles sont déjà accolés de vrais néphrocytes. Ces cellules et les globules sanguins son t les seuls éléments chargés de la phagocytose, les Caprellides ne possèdent pas d'organe phago- cytaire analogue à celui des Crevettines. II. — Homologie entre les néphrocytes et les néphro-phagocytes des Crevettines et des Caprellides. En raison de leur physiologie bien spéciale et de leur même dis- position, il est évident que les néphro-phagocytes péricardiques de ces deux groupes sont homologues. Il en est de même des néphro- cytes branchiaux qui, chez les Crevettines comme chez les Caprel- lides, se rencontrent dans chaque anneau, à la base des appendices correspondants, sur le trajet du sang retournant au cœur par l'in- termédiaire du péricarde. Mais comment homologuer l'unique paire d'amas de néphrocytes céphaliques des Crevettines avec les trois paires d'amas des Caprel- lides? Bien que n'affectant pas exactement la même disposition, la situation analogue des amas néphrocytaires placés, dans les deux groupes, à la base des antennes de la première paire, indique clai- rement que ces amas sont homologues. Ils ne correspondent pas, comme je l'avais supposé, aux « Frontaldriisen » de Mayer (1882). Les néphrocytes péribuccaux semblent, au premier abord, parti- culiers aux Caprellides, cependant si on remarque qu'il existe une paire d'amas dans chaque anneau thoracique, et que chez la Protelle, le premier anneau thoracique est soudé à la tête, on peut penser que les néphrocytes péribuccaux correspondent aux néphrocytes bran- chiaux du premier anneau des Crevettines. NOTES ET UEVUE ux Quant aux amas de néptirocytes disposés, chez la Protell^?, sous l'épine dorsale céphalique, j'avais autrefois pensé qu'ils représen- taient l'amas des néphro-phagocytes péricardiques des Crevettines, lequel se serait trouvé reporté dans In région antérieure du eorps, concentréautourdel'aorte.OrJl n'en est rien, puisque dans les deux groupes d'Amphipodes étudiés, les néphro-phagocytes sont localisés dans le sinus péricardique. Il semble donc bien que ces derniers amas de néphrocytes soient spéciaux aux Caprellides, s'ils ne le sont pas seulement à l'espèce que j'ai étudiée. (Lahoratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de i'har.nacie le 8 novembre 1906). IX SUR QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DES NÉMERTES DE ROSCOFF'. par MlECZYSLAW OXNEH l. —. 4mphipor'is Martyi n. spec. Au cours (j:ê mes rechèrcltes sur la régénération chez les Némertes que j'ai i>oursu!vies au Laboratoire Lacaze-Duthiers, à Roscoff, j'eus l'occasion de trouver quelques espèces nouvelles de Métanémertes. Je voudrais d'abord signaler ici une espèce d'Amphiporus que j'ai nommée Amphiporus Martyi en hommage à la mémoire de Charles Marty, le regretté surveillant du Laboratoire, qui, pendant plus de trente années, a mis, sans compter, au service de tous les travailleurs son zèle infatigable, son savoir et son intelligence. A RoscofF on trouve V Amphiporus Martyi seulement dans le voi-. sinage du Laboratoire, en face de l'Hôte! des Bains de Mer sur une étendue très limitée. I^ans-cet endroit A. Martyi y\i à côté de Linciis ruber (Muell.) sous les pierres entre les niveaux extrêmes du baïan- oezïient des marées. A. Martyi se distingue de Lineus ruber [ku pre- mier coup d'œilpar sa couleur blanche. L'organisation intérieure est très facile à étudier à cause de la grande transparence de l'animal. Nous constatons d'abord les carac- ' Travail du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne. Lx MUTES ET REVUE tères suivants de Méianémerle : une trompe armée, un cœciiui, une bouche située devant le ganglion cérébral. La cavité de la trompe. se prolonge jusqu'cà l'anus ; cette particularité nous oblige à ranger ranimai dans la sous-famille des Ilolorynchocoelmes. Enfin lattri- Fig. i. Fio I.— D, ganglion dorsal; L, nt-rf latéral ; V, ganglion verttral ; a. yeux antérieurs; b, vaisseau céphalique ; 0', vaisseau latéral ; c, organe cérébral ; d, commissure dor- sale ; o, ouverture commune de la bouche et de la trompe ; />, yeux postérieurs ; s, sillon céphalique ventral; /, sillon céphalique dorsal; v. commissure ventrale; x, petits yeux. bution de notre espèce au genre Amphiporus est nécessitée par les caractè^es suivants : la présence d'im vaisseau sanguin dorsal ; le grand nombre des yeux ; la cavité de la trompe sans diverticules latéraux ; un seul stylet central. Comme espèce, A . Martyi se distingue par les traits suivants : la NOTES ET REVUE lxi tèie très peu élargie, spatulée, arrondie en -^vanl; elle n'a aucune ornementation ; elle est très peu séparée du corps: Tétranglement collaire est formé par les orifices des canaux cérébraux. La partie caudale du corps est un peu effilée. L'animal est coloré d'une façon très uniforme en blanç-crème, rarement d'une nuance rose-clair. Le ganglion cérébral apparaît déjà macrQSCopiquement comme une tache rouge-jaune ; sous le microscope, par transparence, la couleur est d'un jaune-clair; cependant chez les individus adultes les parties postérieures des ganglions dorsaux sont ponctuées par de très fins grains d'un pigment rouge-brunâtre. Les ganglions dor- saux sont plus petits que les ventraux (fig. 1). La commissure cérébrale dorsale est longue, fine, la commissure ventrale est courte, large, et fournit de fibres nerveuses aux troncs latéraux. Les troncs nerveux latéraiix sont très épais; ils courent très laté- ralement et sont dans tout leur parcours d'une couleur jaune-clair; leur commissure anale se trouve tout à fait près de l'anus. Les organes cérébraux sont grands, piriformes; ils se trouvent en avant du cerveau qu'ils touchent à leur partie postérieure; ils débouchent des deux côtés dans une profonde dépression, juste à l'endroit où se rencontrent les sillons céphaliques ventraux et dor- saux. Les yeux (fîg. 1) forment de chaque côté deux groupes : les groupes antérieurs s'étendent très latéralement, du sonmiet de la tète jusqu'à la proximité des sillons céphaliques; les groupes posté- rieurs commencent en arrière de ces sillons et s'étendent au-dessus des organes cérébraux jusqu'au cerveau. Les yeux sont très grands, bien développés et pourvus d'un calice pigmen taire bien formé, dont la concavité est tournée en dehors parallèlement à l'axe longi- tudinal du corps, ou en dehors et en avant, vers le sommet de la tète (seulement les groupes antérieurs). Kn plus de ces grands yeux pourvus d'un calice pigmenlaire bien formé on aperçoit encore en nombre réduit de très petits yeux dont le pigment ne forme pas un calice. J'ai eu l'occasion d'observer séparément pendant quelques semaines, plusieures échantillons de A. Martiji. Tai constatéqu'avec le temps ces petits yeux, se transforment en grands avec im calice pigmentaire bien développé, ou ils disparaissent tout à fait au bout d'un certain temps. Je reviendrai sur cette question à une autre occasion. Lxii iNOTES ET REVUE Les petits yeux se trouvent presque toujours en dehors des grands; rarement ils sont disséniinés parmi ou derrière les grands. Les groupes antérieurs des yeux sont composés de 4 à 12 grands et l à 4 petits qui se rangent de chaque côté en une ligne longitudinale ; les groupes postérieurs comptent 2 à8 grands et 1 à 6 petits yeux qui forment de chaque c(Hé un amas sans forme bien définie. Le nombre total des yeux varie entre 8 et 24; le plus souvent on en trouve 14 à 18. Chez les individus adultes les yeux sont plus nom- breux que chez les jeunes. Fig. 2. FiG. 2. — A, (luclics des stylets accessoires ; /î, réservoir à venin ; C, canal éjaculatcur du venin ; li, stylets accessoires ; 1, % 3, lame collerette et socle du stylet central. Les sillons céphaliques (fig. 1) dorsaux courent parallèlement à Taxe transversal du corps; du côté ventral les sillons se dirigent d'abord obliquement en avant vers la ligne médiane Jusqu'à la bail- leur du groupe antérieur des yeux et reviennent de là en arrière. Ni les sillons dorsaux ni les ventraux ne se rencontrent sur la ligne médiane du corps. La glande céphalique n'est pas visible sur l'animal vivant. Néan- moins sur les coupes on peut constater qu'elle est bien développée. L'appareil circulatoire ne présente aucune particularité. L'anse NOTES ET REVUE Lxin anale ne dépasse pas la commissure d,es troncs nerveux latéraux. Le sang est incolore. Les culs-de-sac intestinaux sont médiocrement ramifiés. L'anus est terminal et légèrement dorsal. L'orifice de la trompe et celui de la bouche se confondent en un court vestibule (fig. 1), dont l'ouverture est sensiblement terminale. La trompe est très large. La figure 2 nous reproduit la forme et les dimensions relatives des diverses parties de l'appareil stylifère. Les poches de stylets accessoires sont au nombre de 2 (très rarement 3) dont chacune contient 3 (très rarement 4 à 6) stylets de réserve. Le stylet central est un peu plus long que son socle. Le réservoir à venin est court et en forme d'oignon. La trompe est pourvue de 11 (rarement 10) nerfs. Les poches des glandes génitales n'alternent pas régulièrement avec les culs-de-sac intestinaux; dans le même pseudométamère se trouvent souvent plusieurs poches génitales. La maturité sexuelle se produit dans les mois de Septembre-Octobre. Les échantillons gonflés des œufs et vivants dans l'aquarium du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne, pondaient dans les mois de Janvier et Février. La ponte forme de longs cordons composés d'une mucosité opaque renfermant de nombreux œufs. Les œufs sont distribués dans ces cordons pêle-mêle, et non comme chez Linem ruber, par exemple, chez lequel ils sont disposés latéralement en deux lignes longitudinales. La coque de l'œuf est ronde sans appendice en entonnoir comme en a celui de Lineus ruber. La longueur des animaux adultes est 10-45™°", la largeur l"". A. Martyi n'est pas abondant à Roscoff. H. — Prosorochmus Delagei n. spec. Aux trois^ espèces du fort intéressant genre Prosorochmus j'ajoute ici une quatrième, Prosorochmus Delagei. Cette espèce est assez rare à Roscoff ; j'en ai trouvé chaque année au maximum six échan- tillons, en face du Laboratoire, sous les pierres, à des époques des petites eaux mortes. J'ai cru d'abord avoir affaire à Prosorochmus Claparedii (Kef.), mais les descriptions de cette espèce donnés par BuRGER (1895) et par Joubin (1890), m'ont obligé à abandonner cette idée.wyant quelques caractères communs d'une part avec P. C/a- parerfii, d'autre part avec P. Korotneffi (Biirg.), P. Delagei diffère sur la plupart des points de ces deux espèces. D'abord sa forme : effilée, très peu aplatie ; la tête arrondie non LXiv NOTES ET REVUE séparée du corps, un peu plus large que celui-ci, l'extrémité posté- rieure sensiblement effilée mais arrondie au bout. Les échantillons adultes atteignent à peine 20 à 23 millimètres sur une largeur de 3/4 à 1. La coloration de P. Delagei nous montre quelques particularités. Vu à Toeil nu l'animal apparaît d'un rose-chair très pâle. Sous le microscope on voit que l'animal est incolore dans le sens strict du mot et la coloration est due de nombreuses petites taches luisantes, d'une forme définie (fig. 3). Ces ^ ^-v'-^ taches singulières d'une nuance *»-'^ w-<___3 ^ /\\^ ^. jaune de chrome très brillant sont distribuées très régulièrement sur tout le corps (du côté ventral comme du côté dorsal, à la tête comme à l'extrémité postérieure) d'une façon uniforme ; elles sont Y\a 3. tantôt isolées, tantôt réunies par , , . . , .. , groupes (fig. 3, B); leur diamètre Fig. 3. — A, fi, taches luisantes du tégument ^ / ^ " \ de Prosorochmus Delagei. atteint 0,0036 millimètres ; on ne voit pas dans ces taches de grains de pigment auquel on pourrait attribuer la coloration si singulière de P. Delagei. Par coloration vitale au Neutralrot le jaune en devient rouge brillant. Après tout ce que je viens de dire il est évident que cette coloration luisante est. due, non à des grains pigmentaires, mais aux cellules glandulaires excessivement nombreuses dans la peau des Prosorochmides. "Chez P. Delagei il y a deux sortes de cellules glandulaires : les unes sont incolores et translucides, les autres ont un plasma homo- gène et d'une couleur jaune luisante. BOrger (1895) cite quelques espèces des Némertiens dont la coloration brillante est due aux cellules glandulaires colorées. Ce sont: Cerebratulus marginatus, Lineus geniculatus et gilvus, Micrura fasciolata et lactea, Amphiporus glandulosus. Mais c'est surtout Zmews ^îVums qui nous intéresse le plus parce qu'il présente les même dispositions que P. Delagei. Au sommet de la tête se trouve du côté dorsal un petit repli médian du tégument (fig. 4) qui donne à l'animal un aspect tout à fait particulier semblable à celui de P. Claparedii, mais du côté ventral l'incisure médiane est loin d'être si profonde que chez celui-ci. NOTES ET REVUE lxv Les sillons céphaliques sont très peu marqués et invisibles sur ranimai vivant ; seule une fossette ciliée située de chaque côté entre les yeux antérieurs et postérieurs et dans laquelle s'ouvre l'orifice du canal cérébral décèle l'existence de sillons céphaliques (fig. 4). Les yeux reportés très en arrière vers le cerveau sont toujours au Fig. 4. % FiG. 4. — A, yeux antérieurs ; B, vaisseau céphaliqiie ; B', vaisseau latéral ; C, organe cérébral ; D, ganglion dorsal ; i, nerf latéral ; O, ouverture commune de la bouche et de la trompe ; P, yeux postérieurs ; 0, glande céphalique ; /?, repli médian du tégu- ment ; 1 , ganglion ven'ral ; rf, commissure dorsale ; g, gaine de la trompe ; »", rhyn- chocoelome ; /, trompe ; m, rhynchodaeum ; v, commissure ventrale. nombre de quatre. La distance entre les deux yeux antérieurs (ou postérieurs) est égale à trois fois la distance comprise entre les deux paires. Chez P. Claparedii les deux yeux postérieurs sont, d'après Joubin (1890), moins nets que les deux yeux postérieurs. Chez P. Delagei les quatre yeux sont également bien développés, néanmoins les postérieurs sont un peu plus petits que les anté- rieurs. Lxvi NOTES ET REVUE Dans P. Korotneffi que j'ai eu occasion d'étudier à Villefranche- sur-Mer, chez plus de 35 pour 100 des individus adultes les yeux sont au nombre de 5 à 7. J'ajoute que ces yeux «supplémentaires» sont rarement bien développés ; ils sont presque toujours dépourvus d'un calice, comme les petits yeux de Amphipurus Marlyi ; seuls les Fig. 5. FiG. 5. — A, poches des stylets accessoires ; C, canal éjaculateur du venin ; P, chambre postérieure de la trompe ; R, stylets accessoires ; V, réservoir à venin ; 1, 2, 3, lame collerette et socle du stylet central. jeunes inclus encore dans le corps maternel m'ont montré parfois 6 yeux. Les organes cérébraux sont assez grands, piriformes ; ils se trou- vent au niveau des yeux postérieurs en avant du cerveau qu'ils tou- chent presque. Le cerveau apparaît par transparence coloré en jaune-clair, tandis que les troncs latéraux sont blancs. Sa forme est caractéristique : il NOTES ET REVUE lxvu est très allongé, sa longueur étant du double de sa largeur (fig. 4). Le ganglion dorsal du cerveau est sensiblement plus petit que le ganglion ventral. De même la commissure ventrale trois fois plus large que la très longue c(wnmissure dorsale. Toutes les deux ne sont jamais recourbées comme chez P. Claparedii. La commissure anale des troncs latéraux est très près de l'anus. Quant à l'appareil vasculaire, il ne présente aucune particularité; je dirai seulement que le sang est complètement incolore. La bouche s'ouvre dans le rhynchodaeum, qui forme en avant d'elle un très court vestibule dont l'ouverture se présente comme une petite fente ovale, située presque à la pointe de la tête mais sensiblement ventrale. L'œsophage est assez long mais très étroit. L'intestin stomacal est relativement court. Les culs-de-sac de l'in- testin moyen sont courts et non ramifiés. Les culs-de-sac du cœcum se prolongent jusqu'au cerveau; chez P. Claparedii, ils sont au contraire très courts. La glande céphalique est énormément développée; elle descend jusqu'au niveau du pylore. Le rhynchocoele se prolonge jusqu'à l'anus. La poche postérieure (non dévaginable) de la trompe et le rétinacle sont relativement courts. On trouve deux poches de stylets accessoires ; chacune est pourvue de deux stylets de réserve (fig. 5). Le stylet central est plus court que son socle ; la collerette à la base du stylet est simple, comme la tête d'une épingle. Chez P. Claparedii cette collerette est divisée en cinq lobes par des sillons. La forme et les dimensions du socle peuvent subir de nombreuses variations. Cette variation est un trait caractéristique pour P. Delagei. La figure 6 et le tableau I, nous en montrent quelques types. NOTES ET REVUE TABLEAU I DIMENSIONS I II III Stylet A 22 u 9 » B 30 m 10 » C IG 20 7 » b 12 19 6 » E 20 23 7 12 18 9 9 6 Les chiffres indiquent les dimensions relatives des différente» parties des stylets marquées sur la figure 6. L'unité est la division IV 9 15 6 8 Fig. 6. du micromètre oculaire Zeiss 3, obj. DD, c'est-à-dire ^=: 0,0036 millimètres. Néanmoins j'ai pu constater que la forme du socle chez P. Delagei est toujours différente de ce qui existe chez P. Claparedii et P, Korot- NOTES ET REVUE lxix neffi. On n'a qu'à comparer la figure 6 avec les figures données par BuRGER (1895, Taf. 9, fig. 9, 11). D'après lui le socle chez P. Cla- paredii est toujours conique non arrondi à la base ; chez P. Korot- neffi il se distingue par un étranglement constant à la moitié de sa hauteur; sa base est toujours plus large que la partie antérieure sur laquelle repose la collerette du stylet* Il nous reste à ajouter quelques mots sur l'appareil génital, P. ûelagei est vivipare et hermaphrodite. J'ai rencontré à Roscoff en Août-Septembre les animaux en pleine reproduction. Dans le même animal j'ai toujours trouvé des jeunes sur le point de quitter le corps maternel et des œufs à peine fécondés. Les produits géni- taux n'alternent pas régulièrement avec les culs-de-sac intestinaux. Les animaux en reproduction n'ont pas de taches vertes (dues aux embryons qui apparaissent à travers le tégument) comme chez P. Claparedii. La coloration des jeunes est la même que celle des adultes. OUVRAGES CITÉS 1890. JouBiN (L.). Recherches sur les Tiirbellariés des côtes de France (Némertes). Arch. de lool. Exp. 2™« série, tome VIII). 1895. BuKGER. 0. Die Nemertinen des Golfes von Neapel und der angrenzenden Meeres-Abschnitte. {F. u. FI. Neap. 22 Mono- graphie.) Paru le S5 Février 1907. Les directeurs : G. Pruvot et E.-G. Ragovitza. Eug. MOBIEU, lœp. -Gtav., 140, Boul Kaspail. Paris (6)— Téléphone : 704 - 75 ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. DE LACAZE DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4" Série T. VI. NOTES ET REVUE W07. N" 4. L'AUTOTOMIE CAUDALE CHEZ QUELQUES RONGEURS par L. CuÉNOT Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy. L'autotomieévasive, suivantFheureuse expression deGiARD(1887), est assez rare chez les Vertébrés ; on ne cite d'ordinaire, dans ce groupe, que l'exemple classique de la queue des Sauriens. Cepen- dant il en existe un second cas, très peu connu S chez quelques Mammifères de l'ordre des Rongeurs : là encore, l'organe autoto- misé est la queue, mais le processus d'évasion est tout autre que celui des Sauriens. Jusqu'ici le phénomène n'a été constaté avec certitude que chez trois espèces : une appartenant à la famille des Muridés, le Mulot (Mus sylvaticus L.), et deux à la famille des Myoxidés, le Lérot (Eliomys quercinus L.) et le Muscardin {Muscar- dinus avellanarius L.)^. * Je n'ai relevé dans la bibliographie que des remarques très incomplètes de Lataste (1887, 1889) et une brève indication de Frenzel (1891) concernant le Muscardin. * Je dois de particuliers remerciements à mon excellent ami M. Hecht, chef de travaux à la Faculté des Sciences, qui a bien voulu me communiquer d'intéressantes observations sur l»s Myoxidés, relativement à l'autotomie caudale. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET (JÉN. — 4' SÉRIE. — T. VI. D NOTES ET REVUE [. — Mus syluaticus Quand on saisit un Mulot par la queue, presque toujours la gaîne cutanée de celle-ci se détache à un niveau variable (fîg. 1) et reste dans la main tandis que l'animal délivré s'enfuit ; la plaie ne saigne pour ainsi dire pas. La partie de queue mise à nu se dessèche et tombe deux ou trois jours après ; la queue ainsi raccourcie se cica- trise très rapidement à son extrémité terminale. Il est inutile de dire qu'il n'y a pas le moindre régénération de la partie éliminée. En examinant des coupes transversales de queues, les unes intactes (fig. %), les autres après décollement du fourreau cutané, Fig. 1. Fig. 1. — Queue de Mus sylvaiicus, après autotomie de la gaine cutanée; x 5,2 : A, gaine cutanée détachée; on a représenté seulement les poils attachés à l'anneau intéressé par la rupture; B, axe vertébral mis à nu, montrant les faisceaux tendineux latéraux séparés par un sillon; l'anneau cutané, qui limite la partie restée intacte, est dépourvu de poils. on se rend facilement compte du dispositif qui permet l'autotomie. L'axe de la queue est constitué par des vertèbres allongées, réduites à leur corps, revêtues de quatre faisceaux longitudinaux de muscles et de tendons ; les muscles sont au contact des vertèbres, les tendons plus en dehors. Du côté ventral, on voit une grosse artère caudale, accompagnée de la veine caudale, et entourée d'un espace lymphatique ; chacun des faisceaux renferme un nerf, très volumineux dans les faisceaux ventraux, plus petit dans les faisceaux dorsaux. Le fourreau comprend l'épiderme stratifié avec ses nombreux poils disposés par groupes, et une épaisse couche de conjonctif renfermant sur la ligne médio- dorsale et sur les côtés de petits nerfs et vaisseaux. Il n'y a presque NOTES ET REVUE LXXIII pas, iradhérence entre le fourreau et Taxe, qui ne sont guère reliés Tun à l'autre que par des connexions vasculaires et nerveuses, sur les côtés notamment (en /v, fig. 2) ; un tissu très lâche, formé de lamelles ou fibres conjonctives parallèles au contour axial, s'étend entre la couche dermique dense et les quatre faisceaux longitudi- naux : cette zone est très facile à rompre, et sur beaucoup découpes, Fig. 2. Pio. 2. _ Coupe transversale d'une queue intacte de Mus sylvaticus (tixation au formol picrique alcoolique ; x 32) : a, épidémie ; c, poils disposés par groupes et surmontés d'un tissu lacunaire irf, coupe de la vertèbre; /", nerfs; g, artère caudale; h, fais- ceaux musculaires; i, faisceaux tendineux; k, vaisseau latéral logé dans la gaine cutanée et donnant des rameaux à l'axe ; /, espace libre entre la gaine cutanée et l'axe. ayant peut-être éprouvé au cours des manipulations un retrait un peu plus marqué que d'ordinaire, c'est un véritable espace vide qui sépare le derme de la partie axiale. Le décollement, lors de l'autotomie, se produit naturellement à ce niveau ; l'axe, à surface parfaitement lisse, emporte avec lui l'artère et la veine caudales ; les côtés sont marqués (fig. 1), entre Lxxiv NOTES ET REVUE les faisceaux dorsal et ventral, par un sillon qui correspond à l'adhérence latérale avec le fourreau ; c'est surtout en ce point qu'il y a rupture de petits vaisseaux et nerfs. Les vaisseaux et nerfs laté- raux restent naturellement inclus dans la gaîne cutanée. D'autre part, la rupture de la gaîne cutanée se fait toujours à la limite d'un des anneaux cornés qui revêtent la queue, mais d'une façon un peu spéciale : l'anneau intéressé se dédouble dans son épaisseur (fig. 1, A et B) ; la moitié profonde termine la partie de gaîne autotomisée, c'est elle qui emporte les poils de l'anneau ; la moitié superficielle termine la partie de queue restée intacte. Ce dédoublement de l'anneau est lié à un détail de structure des poils, bien visible dans les coupes longitudinales (fig. 3) : la gaîne épithé- Fig. 3. FiG. 3. — Coupe longitudinale du fourreau cutané, Mus sylvaiicus, après autotomie ((ixation au formol picrique alcoolique; x 63). La coup& entame quatre anneaux de la queue ; a, epideriue; b, derme; c, poils entamés tangentiellement par la coupe; d, glande sébacée; /, lacune adjacente au poil, suivant laquelle s'opère le dédou- blement de l'anneau lors de l'autotomie. liale du poil est surmontée, du côté qui regarde l'extérieur, par un tissu conjonctif excessivement lâche, plus exactement par une lacune à peine cloisonnée, qui sépare le poil du derme adjacent; toutes les lacunes créent dans chaque segment annulaire une zone de moindre résistance suivant laquelle s'opère la rupture. On voit donc que l'autotomie du fourreau caudal est préparée par des solutions de continuité du conjonctif ; c'est un phénomène pure- meat mécanique, sans aucune intervention musculaire volontaire ou réflexe, contrairement à ce qui se produit dans la plupart des cas d'autotomie. Le fait est qu'on peut la provoquer aussi bien sur un Mulot fraîchement mort que sur le vivant; infailliblement, quand on soulève par le bout de la queue un Mulot mort, le fourreau NOTES ET REVUE lxxv caudal se décolle à un niveau variable ; par de très légères tractions exercées sur la partie encore intacte, on peut enlever ensuite un second cylindre de peau, puis un troisième, et dépouiller ainsi une bonne partie de la queue On peut même observer le décollement du fourreau sur des Mulots conservés dans du formol étendu, quoi- que avec plus de difficulté. Le décollement de la gaîne cutanée ne se produit très facilement que sur les Mulots à queue tout à fait intacte ; quand ils ont subi une fois l'autotomie, surtout si la queue a été notablement rac- courcie, il est souvent impossible de provoquer à nouveau le phé- nomène ; il est probable que le tissu cicatriciel qui s'est formé au moignon amène une adhérence qui interdit une nouvelle autotomie ou du moins la rend plus difficile. J'ai mentionné plus haut que l'autotomie de la gaîne cutanée est suivie à bref délai de la disparition de la partie axiale mise à nu ; je ne saurais dire si cet axe, insensible et desséché, est rongé par le Mulot, ou s'il tombe de lui-même ; je pencherais plutôt pour la seconde manière de voir ; en effet, l'axe dépouillé ne se raccourcit pas graduellement ; il reste intact pendant les deux ou trois pre- miers jours qui suivent le décollement du fourreau, puis disparaît brusquement. Il semble que c'est aussi l'opinion de Lataste (1887), si j'en juge par la note suivante, page 294 : « 9 de Mus sylvaticus, quand je l'ai reçue, avait le bout de la queue dépouillé. Au bout de 3 ou 4 jours, cette partie s'est desséchée et s'est d'elle même séparée. » Valeur défensive de l'autotomie du fourreau caudal. — L'abandon du fourreau caudal a très probablement une valeur défensive vis à vis des nombreux carnassiers, Mammifères, Oiseaux et Reptiles, qui pourchassent les Mulots. Plusieurs fois, il m'est arrivé de perdre ainsi des Mulots bien vivants et vigoureux, que je tenais par la queue, soit avec les <loigts, soit avec une pince. A un certain moment, désirant me procurer du nouveau matériel d'études, je m'étais adressé, à Nancy, à un homme qui fait profes- sion de capturer des Vipères et autres animaux pour la prime ou pour les vendre aux laboratoires ; il m'a dit, spontanément, que les Mulots qu'il prenait de temps à autre, lui abandonnaient très souvent la peau de la queue et s'échappaient. Si l'on examine un certain nombre de Mulots pris au hasard, on constate que la proportion de ceux qui ont une queue plus ou cxxvi NOTES ET REVUE moins courte est très considérable ' ; il y en a certainement plus qu6 de Mulots à queue intacte. Les premiers ont donc échappé à leurs ennemis au moins une fois, grâce à la fragilité de Fenveloppe caudale. II. — Muscardinus aueilanarius. Un second exemple d'autotomie, tout à fait identique à celui du Mulot, nous est offert par le Muscardin, appartenant au groupe des Myoxidés. Cette jolie espèce, qui n'est pas rare dans les forêts de Lorraine, a une queue assez longue, fortement poilue, constituée exactement comme celle du Mulot; Fkenzel (1891), a signalé briè- vement l'autotomie du fourreau caudal chez cette espèce : « En Italie, quand je saisissais un Muscardin par Textrémité terminale de la queue, il m'est arrivé parfois que la peau de celle-ci me restait dans la main, tandis que l'animal, avec le bout de la queue dépouillé, s'échappait ». Les deux Muscardins vivants que j'ai eus entre les mains m'ont présenté nettement l'autotomie du fourreau caudal; l'un d'eux notamment, dont la queue intacte mesurait 70 millimètres, a aban- donné une gaîne cutanée longue de 36 millimètres, et il s'est d'ailleurs échappé de mes mains par ce procédé, que je ne soup- çonnais pas alors. L'axe caudal mis à nu s'est détaché spontané- ment quelques jours après et la blessure s'est alors cicatrisée. III, — Eliomys quercinus. Le Lérot, appartenant comme lé Muscardin au groupe des Myoxidés, présente très probablement l'autotomie caudale, d'après l'observation suivante, unique mais très démonslrative, que je dois à l'obligeance de M. Hecut. Dans un bois de sapins de la vallée d'Andlau (Vosges alsaciennes), en septembre 1906, vers 10 heures du. matin, M. Hecut trouva à terre un fourreau, caudal fraîchement détaché, long de 40 millimètres, provenant sans aucun doute d'un Lérot; en cherchant aux alentours, il découvrit à 4 mètres de là, le propriétaire dudit fourreau, mais mort, tout frais, la région ' Pour fixer les idées, je citerai les mensurations suivantes faites sur sept Mulots, capturés par moi, absolument au liasard : deux seulement avaient une queue intacte, longue de 87 millimètres chez le premier (adulte), de 72 millimètres chez le second, qui n'avait pas atteint sa taille définitive; le nombre des anneaux cornés de la queue oscillait, chez ces deux exemplaires, entre 150 et 160. Un troisième Mulot a perdu une partie du fourreau caudal au moment de la capture; ce qui reste de la queue intacte mesure 46 millimètres (81 anneaux). Les quatre autres Mulots ont eu jadis la queue amputée d'une longueur variable : les moignons restants mesurent respeclivement 80 millimètres (121 anneaux) [adulte de grande taillej, 70 millimètres (127 anneaux), 55 millimètres (96 anneaux), 42 millimètres (77 anneaux). NOTES ET REVUE lxxvii dépouillée de la queue encore sanguinolente. Il est probable que ce Lérot a dû être assailli par un carnassier quelconque, peut-être une Buse, peut-être une Marte ou un Putois ; son moyen de défense habituel a fonctionné, mais le Lérol a dû néanmoins être rejoint et tué par l'agresseur, qui l'a laissé sur place pour une raison quelconque. Autres Rongeurs Il est très probable qu'on retrouvera ce mode particulier d'auto- tomie évasive chez d'autres espèces de Rongeurs à longue queue ; le passage suivant emprunté à un travail de Lataste (1887), qui a beaucoup étudié ces petits Mammifères, permet de le penser ; « Fré- quemment, quand un Rongeur est saisi par la queue, celle-ci se dépouille sur une certaine longueur, et l'animal se sauve, en lais- sant à l'ennemi le fragment de gaîne cutanée ainsi détaché de son appendice. On prétend qu'alors il procède lui-même, avec les dents, à l'amputation de la partie écorchée. Je n'ai pas observé directement le fait, mais celui-ci devient très vraisemblable quand on considère la facilité avec laquelle les Rongeurs dévorent leur queue dans certaines circoustances,... etc. )^ (p. 296). Evidemment Lataste a eu "entre les mains des espèces présentant l'autotomie caudale; malheureusement il ne dit pas lesquelles^ il signale simplement la chute de la queue chez uneGerbille d'Algérie, le ûipodillus Simoni Lataste, ayant eu la queue pincée dans la portière de sa cage, et la peau arrachée ; mais il est bien possible qu'il n'y ait pas là d'auto- tomie évasive. La seule espèce qui paraisse présenter ce phénomène, d'après les notes de Lataste, serait le Rat noir {Mus raltus L.) ; voici ce qu'il en dit (1887, p. 363) : '( Ce matin, comme je voulais prendre le (^ rattus de la cage B, j'ai saisi sa queue de la main droite; il m'a mordu cruellement au pouce gauche, et il s'est enfui, me laissant à la main la peau d'un bout de queue. Ce soir, l'axe dépouillé de la queue est encore en place; le blessé ne l'a donc pas amputé avec ses dents. — 9 jours après: le petit bout de queue est tombé. » Dès que j'aurai pu me procurer des Mus rattus, ie ne man- querai pas de contrôler l'exactitude de l'observation de Lataste. Un de mes collègues, qui a occasion de chasser des Loirs dans une propriété de campagne, m'a dit avoir observé fréquemment le décollement du fourreau caudal chez ces animaux; s'il s'agit bien Lxxviii NOTES ET REVUE du Mijoxus glis L., Tautotomie existerait chez toutes les espèces françaises de la famille des Myoxidés. Par contre, la Souris doipestique {Mus musèulus L.j, cependant si proche parente du Mulot, ne présente pas Tautotomie du fourreau caudal ; au cours de mes recherches sur THérédité, j'ai manié des milliers de Souris, en les tenant précisément par la queue, et jamais aucune d'elles n'a abandonné le fourreau caudal, bien qu'elles donnassent de violentes secousses pour se, libérer. Lataste (1889) avait fait avant moi la même observation; il note (p. 62) « ses essais infructueux sur Mus musculus pour provoquer, en tirant sur le four- reau cutané, le dépouillement de la queue ; on n'enlève que des lambeaux ou on casse la queue «. D'ailleurs, la queue de la Souris diffère notablement de celle du Mulot, au point de vue histologique ; c'est bien, à peu de chose près, la même disposition générale do l'axe vertébral, des faisceaux musculo-tendineux, de la peau, des vaisseaux et des nerfs, mais il n'y a pas du tf)ut chez la Souris d'es- pace vide entre la gaîne cutanée et l'axe ; ils sont reliés solidement l'un à l'autre par un tissu conjonctif fibreux, réticulé, qui manque absolument chez le Mulot. Comme les Souris, les Surmulots [Mus decumanus Pallas) sont absolument incapables de se libérer quand on les tient par la queue ; cependant, si l'on exerce une traction brutale sur l'extrême bout de cet appendice, il arrive très souvent, presque constamment, que le fourreau caudal se détache sur une petite longueur, 4 ou 5 centimètres au plus, laissant à nu l'extrémité de l'axe vertébral. Mais tout le reste de la gaîne cutanée adhère très fortement à l'axe, et il est impossible de l'en détacher. Le Surmulot présente donc le phénomène de Fautotomie caudale à un état tout à fait rudi- mentaire, d'abord parce que la partie de fourreau détachable est très courte, et ensuite parce qu'il faut exercer une traction vraiment forte pour la séparer de l'axe ; il est possible toutefois qu'un Sur- mulot saisi par l'extrémité de la queue, soit dans un piège, soit par un ennemi, puisse se libérer parce procédé, mais ce doit être assez rare. Sur 23 Mus decumanus capturés sans aucun choix, j'en ai compté 21 qui avaient la queue absolument intacte ; deux seule- ment présentaient une queue amputée de 2 ou 3 centimètres ; ce raccourcissement a pu être causé, du reste, par un traumatisme autre qu'une autotomie évasive. Nancy, 7 Février 1901. NOTES ET REVUE INDEX BIBLIOGRAPHIâUE 1907. GuÉNOT (L.). L'autotomie caudale chez quelques Mammifères du groupe des Rongeurs [Comptes-rendus Soc. Biologie Paris, vol. Lxii, p. 174) [Note préliminaire]. 1891. Frenzel. Ueber die Selbstverstiimmelung (Autotomie) der Thiere [Archiv fur die ges. Physiologie, Bd'L, p. 191). 1887. GiARD (A.). L'autotomie. dans la série animale {Revue Scienti- fique, 3* série, vol. xiii, p. 629). 1887. Lataste (F.). Documents pour l'éthologie des Mammifères. — Notes prises au jour le jour sur différentes espèces de l'ordre des Rongeurs observées en captivité (Acies Soc. Linnéenne Bordeaux, vol. xli, p. 201). 1889. Même titre [même recueil, vol. xliu, p. 61). 1903. RiGGENBAGH. Dic Selbstverstïimmelung der Tiere [Ergebnisse der Anat.'und Entw., Bd xii, p. 782) [Bibliographie complète du sujet jusqu'en 1902]. XI DEUX ESPÈCES NOUVELLES D'HYDROIDES DE MADAGASCAR (Note préliminaire) par Armand Billard Agrégé de iUniversité, Docteur es sciences Je décris dans cette note deux espèces nouvelles* d'Hydroïdes appartenant à une collection rapportée de Madagascar par M. Ferlas et donné par lui au Muséum d'Histoire naturelle. L'étude complète de cette collection, en y ajoutant celle des Hydroïdes du canal de Moçambique et du sud de l'Afrique, récoltés par M. Heurtel, fera l'objet d'un mémoire ultérieur. Thecocarpus Giardin. sp.^ Trophosome. — L'hydrocaule flexueuse est ramifiée et polysi- phonée; les rameaux qui portent les hydroclades se détachent • Je rappellerai que j'ai déjà donné la description d'une espèce nouvelle d'Hydroïde de la même collection [Halicornaria Ferlusi, An : Bull. Mus. Paris, 1901, Vol. Vil, p. 120, flg. 3, 4). * Je dédie cette belle espèce à M. Giard, en reconnaissance des conseils éclairés que le savant professeur de la Sorbonne m'a toujours donnés dans mes recherclies de systématique. Lxxx NOTES ET REVUE suivant une ligne spirale ; certains rameaux prennent plus de développement que les autres, donnent naissance à des rameaux secondaires et forment ainsi une branche. Le tube hydrocladial se poursuit dans tous les rameaux et les branches : l'ensemble de sa ramification forme un sympode héliçoîde. Les tubes accessoires naissent de Thydrorhize, mais de plus le tube hydrocladial détache, à l'origine de chaque rameau, un tube accessoire qui accompagne dorsalement ce rameau et lui est uni par de nombreuses anasto- moses. Les entre-nœuds de la tige, formés en quelque sorte par la base des rameaux, sont dépourvus, d'hydroclades, mais chacun de Fig. 1, 2, 3. FiG. 1. — Article hydrothécal du Thecocarpus Giardi. Fig. 2. — Partie proximale de la corbule du T. Giardi : e, crête basale de la !"■» côte; d, 1" rangée de dactylo- thèques; h, hydrothèque; o, orifice proximal; o', orifices pariétaux. Fio. 3. — Article liydrothécal du Plumularia conspecla. leurs articles possède une large dactylothèque munie typiquement de trois ouvertures. Chaque article porteur d'un hydroclade présente trois dactylolhèques semblables aux précédentes : une au-dessous de l'insertion et deux axillaires; il existe aussi sur l'apophyse un mamelon basai pourvu d'un orifice ovalaire. L'hydrothèque (fig. 1) possède trois dents de chaque côté et une médiane; les dents latérales sont larges, bifurquées (la dernière étant la plus large) et placées obliquement de champ, comme on le voit bien sur une vue de face ; la dent médiane bifurquée présente deux denticules aiguës, l'interne pleine et l'externe NOTES ET REVUE Lxxxi creuse. La dactylothèque médiane est largement ouverte en arrière dans sa partie libre qui est très courte ; les dactylo- thèques latérales sont largement fendues du côté interne. Il existe un court repli intrathécal au milieu de Fhydrothèque, auquel correspond un faible épaississement de l'hydroclade qui en montre aussi un autre peu étendu correspondant à la dactylothèque latérale. Gonosome. -r— Les rameaux portent des corbules fermées, cepen- dant leur paroi offre quelques ouvertures à bord épaissi (fig. 2, o'). Le pédoncule est muni le plus souvent de quatre articles, avec chacun une hydrothèque normale. En avant, la corbule forme une ^illie qui s'avance au-dessus de la dernière hydrothèque du pédon- cule, elle est souvent percée d'un orifice (fig. 2, o). Le nombre des côtes varie de cinq à onze. La partie prpximale de chaque côte montre une hydrothèque bien développée (fig. 2, h), différente des hydrothèques ordinaires, mais flanquée de deux dactylothèques latérales. A la suite de cette hydrothèque se déploie la rangée habi- tuelle des dactylothèques (fîg. 2, d). La base de chaque côte, munie d'une dactylothèque, forme une sorte de crête (fig. 2, c) qui se prolonge parfois entre les deux -dactylothèques et présente une ouverture au sommet. J'attribue cette espèce au genre Thecocarpus, créé par Nutting * pour quelques espèces de Plumulariidœ, caractérisées surtout par ce fait de posséder une hydrothèque à la base des côtes de la corbule. Mais jusqu'alors on ne connaissait que des espèces dont les corbules sont,ouvèrtes, formées par des côtes libres, tandis que l'espèce en question possède, au contraire, des corbules fermées, à côtes soudées entre elles ; au point de vue des corbules, il existe donc un complet parallélisme entre les espèces du genre Aglao- phenia et celles du genre Thecocarpus^ Localité. — Fort-Dauphin (M. Ferlus). Plumulan'a conspecta n. sp. Trophosome. — L'hydrocaule est monosiphonée, de faible taille: elle atteint, en effet, à peine un centimètre. Chaque colonie débute par une partie basale articulée, sans hydroclades, limitée supérieu- * Nutting (G. O. — American Hydroids. I. The Plumularidse (Smithson. Inslit, U. S. Nat. Mus., Spécial Bulletin, 1900 iii-4°, 285 p., 113 fig., 34 PI.) Lxxxii NOTES ET REVUE rement par une ligne d'articulation fortement oblique. Au-dessus, les articles portent chacun une hydrothèque ; au niveau de chaque hydrothèque, alternativement à droite et à gauche, se détache un hydroclade débutant par un article basai pourvu d'une dactylo- thèque. Les articles suivants de Thydroclade, séparés les uns des autres par une ligne d'articulation oblique, comme d'ailleurs aussi ceux de la tige, offrent cliacun une hydrothèque semblable à celle de l'hydrocaule (fîg. 3). Le bord de l'hydrothèque est oblique et présente une dent médiane excavée en gouttière, le reste affecte la forme d'un S étiré; la face ventrale est incurvée au-dessus de la dactylothèque médiane. Celle-ci est courte, largement ouverte en haut et en arrière ; de face elle se montre élargie à son extrémité. Les dactylothèques latérales très longues se'- terminent par une partie renflée ouverte au sommet et fendue du côté ventral. Derrière le bord postérieur de l'hydrothèque existe une forte dactylothèque médiane, ouverte en haut et en avant ; au-dessus on voit en outre deux petites dactylo- thèques insérées au même niveau -et s'ouvrant en arrière. Gonosome. — Inconnu. Cette espèce, étrange par la forme et la disposition de ses dacty- lothèques^ doit occuper une place à part dans le genre Plumularia. Localité. — Fort Dauphin (M. Ferlus). Paris, le 24 Janvier 1901. XII QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES NÉMERTES DE ROSCOFF ET DE VILLEFRANCHE-SUR-MER*. par MiBezTSLAW Oxner. I. — Prostoma uittigerum (Biirg.).' {.2 var. novae). Avant d'aborder la description de deux nouvelles variétés de Prostoma vittigerum (Burg.) qu'on trouve en parasites dans la cavité peribranchiale de Ciona intestinalis et de Ascidiella aspersa, * Travail du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne. NOTES ET REVUE Lxxxiii souvent aussi libres dans la zone de Laminaires partout à RoscofF, — je crois être obligé de présenter quelques rectifications à la des- cription de BiJRGER (1895). La tête n'est pas élargie ' ; le cou très peu marqué (fig. 1). La glande céphalique est bien développée, elle descend jusqu'au niveau de l'appareil excréteur et est très bien visible quand le pig- ment des bandes longitudinales n'est pas trop abondant. Fig. 1. Fig. 1. — Prosloma vitligerum. Schéma de la partie antérieure, a, bande arrondie; c, organe cérébral ; d, sillon dorsal ; m, bande médiane ; l, bande latérale ; v, sillon ventral ; G, cerveau. Les culs-de-sac du coecum n'atteignent pas le cerveau mais arrivent bien près de celui-ci. Les organes cérébraux sont situés en avant du cerveau au-dessous des yeux postérieurs de chaque côté. Ceux-ci sont plus de deux fois plus éloignés l'un de l'autre que les yeux antérieurs. Ils dessinent alors un trapèze (fig. 2). Il y a deux poches de stylets accessoires ; chacune contient 3 stylets accessoires, rarement, ils sont au nombre de 4 à 5. ' Largeur : tête au niveau des yeux antérieurs — 0,42 millimètres. — — — postérieurs — 0,63 — — corps vers son milieu — — 1,155 — — — près de l'anus — — 0,315 — NOTES ET REVUE Le stylet central (fig. 3) est un peu plus long que son socle. Sa forme (fig. 4) est tout à fait siagulière ; elle rappelle un peu le stylet de Nemertopsis bivittata (Chiaje). ' . Le socle (fig. 3) subit dans sa partie moyenne un étranglement, mais souvent cet étranglement est plus bas, ou peut manquer tout à fait. La base du socle est arrondie et toujours plus large que sa partie antérieure. Ces rectifications établies, je passe à la description de deux nouvelles variétés de P. vittigerum (BuRG.). ^^ ^ ^. Lapremière variété que j'appelle i*.ui<ri- \^^^CII^^2__1Z^II^^J gerum granulatum [mihi) se distingue par les caractères suivants : le côté dorsal comme le côté ventral sont uniformément FiG.i.- ProsiomaviUigerum. blancs, seulement du côté dorsal ily a Schéma de la disposition des , . , yeux. Les chiffres indiquent quatres bandes longitudinales de pigment les dimensions relatives. j^^^^ j^, ^ ^^^^^ ^es bandes latérales com- mencent immédiatement derrière les sillons céphaliques dorsaux et se fusionnent Tune avec l'autre ainsi qu'avec les bandes médianes près de l'anus ; celles-ci commencent à la pointe de la tête et se terminent à l'anus. A la pointe de la tête elles se fusionnent mais" sans former une sorte de bande arrondie. Sur la ligne médiane le pigment manque pres- que totalement de sorte que les bandes sont très distinctes de ce côté. Distalement les bandes médianes ne sont pas si distinctes mais se fusionnent un petit peu avec les bandes laté- rales; néanmoins les bandes médianes sont plus distinctes que les latérales à cause d'une beau- coup plus forte agglomération du pigment. Quant à la qualité du pigment même il se pré- sente sous forme de granules petits et grands isolés (fig. .5). Dans les bandes médianes il y a deux couches des granules pigmentaires : une plus superficielle, l'autre plus profonde; dans les bandes latérales c'est seulement la couche profonde qui est présente. Fig. 3. — Prostoma vittigerum. Le sty- let central, son so- cle et sa tunique musculaire. NOTES ET REVUE FiG. 4. — Pros- toma viltige- Tum. Le stylet central. Très fort gross. Chez les femelles de cette variété les œufs sont peu nombreux, petits, ronds et disséminés irrégulièrement sur toute la face dor- sale. Cette variété est très rare à Roscoff. Quant à la deuxième variété que j'appelle P. vitti- gerum filosum {7niln) et qui est extrêmement abon- dante à RoscoiT, elle se distingue de la première d'abord par ses plus grandes dimensions ; ajoutons que les femelles sont toujours deux fois plus larges (1-2 '^") et beaucoup plus longues f20-2o '"'") que les mâles (3/4-1 ■"" sur 10-20 "'"). Dans les Ciona inlestinalis j'ai trouvé au mois de septembre en moyenne contre 9 mâles, 1 femelle ; dans les Ascidiella aspersa contre 2 mâles se trou- vaient 2 femelles et 1 jeune. Les femelles de cette variété sont toujours bourrées des œufs qui sont très grands et polygonaux ; ils sont rangés de deux côtés le long de l'intestin moyen. Les femelles sont toujours plus pigmentées que les mâles. Le pigment se présente sous forme de quatre bandes dorsales longitudinales (fig. 1, /, m). Lesdeux bandeslatéralescom- mencent déjà en arrière des yeux postérieurs ; mais jus- qu'aux sillons leur pigment est très dilTus ; seulement en arrière de sillons la pigmen- tation devient accentuée. Ces deux bandes latérales se ter- minent près de l'anus en se fusionnant l'une avec l'autre et avec les bandes médianes. Dans les bandes latérales il y a une seule couche de pig- ment en forme de grains très fins disposés en réseaux. Dans les bandes médianes se trouve en outre de cette couche encore une autre plus superficielle. Le pigment de cette dernière se présente sous forme de grains très fins disposés en courts filaments A 5. -- .M. Fig. .5. Fig. 5. — Prosloma vitligerum granulosum ; A, œil antérieur; S, sillon dorsal ; L, bande latérale ; M, bande médiane. NOTES ET REVUE longitudinaux (fîg. 6). Les bandes médianes commencent à la pointe de la tête où elles se fusionnent en formant une sorte de mince bande arrondie (fig. 1, a), et se terminent près de l'anus de la même façon. j'ai constaté parfois chez des échan- tillons de P. vittigerum filosum Une dernière remarque Fig. 6. — Prosloma vittigerum filosum. l. bande latérale ; m, bande médiane ; y, œil antérieur ; S, sillon dorsal. /TZ' dans les bandes longitudinales la présence du pigment sous forme de grands grains isolés, c'est-à-dire sous la même forme que chez P. viltigerum granu- losum ; mais ces grains étaient très peu nombreux et dissé- minés ça et là. Au contraire chez P. vittegevum granv.losum j'ai jamais pu constater le pig- ment sous forme de réseaux et filaments. On pourrait peut-être penser que ces difïérences dans la pig- men tation dépendent de con- ditions biologiques, mais le fait que j'ai trouvé dans les mêmes Ascidies des femelles et des mâles adultes des deux variétés l'une à côté de l'autre, semble contredire cette supposition. Il serait plutôt plausible de penser aux causes intérieurss, aux changements dans l'état physiologique général de l'animal. En effet les observations que j'ai recueillies sur Lineus ruber (Mull.), m'ont montré que durant la régénération le pigment joue un grand rôle et que comme substance de réserve (même le pigment des yeux) il subit des nombreuses métamorphoses. Je laisse cependant la question ouverte. II. — Oerstedia rustica. (Joub.) JouBiN (1890) décrit cette Némerte sous le nom de Tetrastemma rustica (n. spec.) et dit : « On trouve cette iNémerte en grande abon- dance, à Roscoff, parmi les Cynthia rustica. Cette Ascidie est d'un beau rouge vermillon, et cette Némerte prend exactement la même teinte rouge. Dans le jeune âge, elle est jaune clair, puis plus lard, jaune foncé, avec quelques grains du pigment rouge vers le tiers NOTES ET REVUE .,-T. antérieur du corps ; ce pigment augmente peu à peu et finit par envahir tout le corps, sauf la tète. Au moment de la reproduction, les œufs, gros et blancs, arrivent à la surface de la peau et le pig- ment rouge disparaît au-dessus d'eux. On voit alors l'animal marbré comme le représentent les figures 11 et 12 de la planche XXV. » (p. S84). Et plus loin : « J'ai trouvé cette espèce à Saint-Malo, parmi les mêmes Cynthia, mais beaucoup plus brune; les Ascidies étaient, d'ailleurs, elles aussi, d'un rouge moins vif qu'à Roscoff. » {ihid.) BuRGER (1895, p. 734) en s'appuyant sur ces indications de Joubin parle d'une adaptation de la couleur de 0. rustica au milieu ambiant. Or, en réalité il n'y a rien de semblable. J'ai eu l'occasion d'examiner à Roscoff plusieurs échantillons de 0. rustica. J'ai trouvé que la couleur rouge des individus adultes dépend uniquement du contenu de leur tube digestif et non d'im pigment du tégument, En voici les preuves : en com- primant l'animal sous la lamelle on voit que le tube digestif se vide peu à peu ; les fèces qui sortent à l'extérieur sont composés de petits grains très brillants et colorés d'un rouge ver- millon. A mesure que le tube digestif se vide, l'animal devient de plus en plus pâle. En forçant l'animal à vider complètement son tube digestif on voit à la fin qu'il est devenu tout à fait incolore! Puis chez les animaux adultes, et sur le point de pondre il est très facile par une légère pression sur la lamelle de faire sortir presque tous les œufs : on s'aperçoit alors que les marbrures ont disparu subitement. C'est aisé à comprendre, parce que les œufs qui sont blancs et tout à fait opaques, couvrent la coloration rouge d"i ttibe digestif. Enfin la tète dans laquelle le tube digestif ne se prolonge pas est tout à fait blanche. Ainsi s'expliquerait aussi la couleur blanche des jeunes qui n'ont pas encore rempli leurs tubes digestifs. Qu'il me soit permis de compléter la description de 0. rustica par un détail non sans importance pour la systématique : le stylet cen- Fig. 7. F^G. 7. — Oevstedia rustica. Slylet central. F, tunique musculaire. fe* Lxxxviii NOTES ET REVUE tral (fig. 7) est de la même longueur que son socle. Ce dernier a la forme d'une bouteille, dontMa base est moins large que la partie moyenne ; la tunique musculaire de la base du stylet central possède une forme tout à fait particulière. La figure 7 nous la montre. La trompe se distingue par son dia- mètre peu important relativement au diamètre du corps. Il y a deux poches des stylets accessoires, chacune conte- nant 3 à 4 stylets de réserve. Je voudrais encore attirer l'attention sur la figure 8 qui représente la position des yeux dans la tête; on voit qu'elle est différente de celle des yeux de Pros- toma vitligerum (BuRG.) (fig. 2), part le fait que les yeux postérieurs sont tour- nés vers l'arrière. D'autre par la disposition des yeux est la même, celle d'un trapèze. Fig. 8. — Oerstedia rustica. Schéma de la disposition des yeux. Les chiffres indiquent les dimensions relatives. lil. Tubulanus (Oarinella) banyulensis (Joub.) Cette Némerte signalée par Joubin (1895) seulement pourBanyuls, je l'ai rencontrée cette année à Roscott au Rocher Carrée ar Vas parmi les laminaires. L'unique échantillon que j'ai trouvé vivait dans mori bac et s'est sécrété un tube transparent. Au bout de dix jours je l'ai fixé pour la collection du Laboratoire. Il en résulte que ce Fubulanus représente une espèce commune à la Méditerranée et à l'Océan. IV. — Lineus nigricans (Bûrg.), ?i. var. Cette variété que j'ai nommée L. nigricans striatus (milii) se trouve à Villefranche-sur-Mer dans le gravier du quai Cassé où elle vit à côté de Prosorochmus Korotneffi (Burg.) et de Ototyphlonemertes brunnea (BiJRG.) ;. aile est très rare. De L. nigricam, qui jusqu'à présent n'avait été rencontré qru'à Naples où l'avait décrit Burger (1895), notre variété .se distingue seulement par sa coloration qui est d'un brun sale ; le côté ventral NOTES ET REVUE lxxxix est plus clair. Les glandes de répithélium sont d'une couleur jau- nâtre, très brillante, comme des gouttes de l'huile. 15nfin le corps de l'animal est orné de 9-20 bandes transversales qui sont d'une couleur blanchâtre et sont visibles déjà à la loupe. Cette variété possède 6-13 grands yeux noiil'S, rangés de deux côtés parallèlement aux feutes céphaliques ; mais rarement le nom- bre des yeux est égal de deux côtés. BuRGER (1895) dit : « Es ist dièse Art L. gesserensis [L. rubcr) sehr âhnlich. Vielleicht ergiebt eine genaue vergleichend anatomische Untersuchung beider Lineen ihre Zusamengehôrigkeit » (p. 624). Or, je suis en état de contredire cette supposition. En voici les rai- sons : a), chez L. ruber la, bouche est située immédiatement derrière le cerveau, — chez L. nigrieans elle est reculée un peu en arrière; b), chez L. ruber la bouche est plus grande que chez L. nigrv'ans ; c),chez L. ruber le cerveau est situéassezenarrière; chez Z.î^i^î'ïcans —or.-- Fig. 9. FiG. 9. — A droite ; Lineus ruber, à gauche : Lineus nigrieans Schéma. O F, organes frontaux il est très près de la pointe de la tète; d), chez L. ruber les organes frontaux sont près de la ligne médiane (flg. 9, à droite), — chez L. nigrieans ils sont beaucoup plus éloignés d'elle (fig. 9, à gauche); et enfin e), chez L. ruber les organes cérébraux sont très grands, — chez Z. nigrieans au contraire ils sont très petits. V. — Ototyphlonemertes^ brunnea (Biirg,), n. var. C'était BiJRGER (1895) qui d'après un seul échantillon trouvé dans le golfe de Naples a créé cette espèce ; depuis elle n'a été signalée par personne. Il paraît donc que 0. brunnea est très rare à Naples. Or, à Villefranche-sur-Mer elle est très abondante. On y trouve même deux variétés : une qui ressemble à l'échantillon décrit par Burger et que j'appelle 0. brunnea typiea et l'autre qui se distingue de la première xc NOTES ET REVUE parquelques caractères constants et que je veux nommer 0. brunnea Davidoffi [mihi) en l'honneur de M. M. Davidoff, le distingué direc- teur du Laboratoire russe de Zoologie à Villefranche-sur-Mer. 0. brunnea typica se trouve assez souvent dans le gravier de Passable ensemble avec Cerebralulus cestoides (Burg.) (assez rare), Lineus lac leus (H. RxraKE) (très abondaitt) et Prosorochmus Korot- neffi (Burg.) (rare). 0. brunnea Davidoffi est très abondante dans le gravier du Quai Cassé à 4/2-1 m. de distanee du niveau de la mer, où elle vit à côté de Lineus nigricans striatus {mihi) (assez rare) et Prosorochmus Korotneffi (Burg.) (très abondant). Je veux ajouter quelques détails et rectifications à la description de Burger (1895). 0. brunnea typica à 2 cm de longueur sur 1 n™ de largeur. Sa tête n'est guère moins large que le reste du corps. Il n'y a pas de cou bien marqué. La partie caudale du corps est légèrement effilée et pourvue près de l'anus d'une dou- zaine de long cils (fig. 11) qui exé- y^ _. - -/ IliLL. iWl JbM^^ entent un mouvement semblable à celui des cils vibratiles ordinaires couvrant tout le corps de l'animal, mais beau- Fig. H. coup plus lent. Fio. 11. - otoiyphionemeries Les organes cérébraux sont assez brunnea. Partie caudale du Grands et situés en avant du cerveau ; corps ; c, grands cils. '^ leurs orifices s'ouvrent dans deux fos- settes ciliées latérales. Je n'ai pas pu constater de sillons cépha- liques. Les commissures du cerveau sont très courtes. L'intestin stomacal est assez long. L'orifice commun de la trompe et de la bouche se trouve du côté ventral un peu en avant du cerveau, il est alors sub- terminal. L'appareil. stylifère présente peu de particularités: relativement au diamètre du corps la trompe est très mince; le rhynchocoelome ne se prolonge pas dans le tiers postérieur du corps ; le stylet cen- tral est de la même longueur que son socle qui ne subit que très rarement un étranglement; généralement il y a deux poches des stylets accessoires chacune contenant 3 stylets de réserve, mais NOTES ET REVUE Fig. 12. FiG. 12. — b. brunnea ty- pica. Le sty- let central. souvent on en trouve jusqu'à 7. La collerette du stylet central (fig. 12), est à peine visible. Les statocystes sont au nombre de deux, ils sont sphériques et renferment chacun 2 statolithes (fig. 14, à gauche). La couleur de l'animal est rouge-brique pâle, seule la partie antérieure du qorps apparaît d'un jaune- verdàtre. Sur la tète en avant du cerveau on voit bien deux grandes taches pigmentaires rouges. 0. brunnea Davidoffi atteint rarement les dimen- sions de la première variété. La couleur est la même ; seulement elle ne possède pas sur la tête les deux taches pigmentaires rouges. L'appareil stylifère (fig. 13), est semblable à celui de 0. brUnnea typica, mais les poches des stylets accessoires contiennent généralement 2 stylets de réserve. La collerette du stylet central est bien marquée ; le socle est sans étranglement; le réservoir à venin est très court. Les deux statocystes sont sphériques et contiennent 2 à 4 statolithes (fig. 14, à droite). On voit donc qu'ici le nombre de statolithes n'est pas encore constant. Je me sens obligé d'ajouter encore quel- ques piots pour ni'expliquer en principe. Cela me servira comme préface pour un mémoire sur les caractères morp>hologiques de Némertiens pouvant servir à la déter- mination des espèces et des variétés. Ce n'est pas le plaisir de créer de nouvelles espèces ou variétés- qui m'a poussé à la publication présente, certes non ! J'étais inspiré par le fait que j'ai constaté : cette extraordinaire variabilité chez lés mêmes formes dans les limites de l'espèce ^es plusieurs caractères morpho- logiques. C'est surtout la variabilité de la couleur qui a été observé jusqu'à présent. Qu'on se souvienne de nombreux ^ynoftymes de Lineus ruber (Mull.), qui représentaient des espèces différentes, avant que BuRGER (1895) les eut réunies sous ce dernier nom, et qui n'étaient que des variétés de couleur. Fig. i3. Fig. 13. — 0. brunnea Da- vidoffi. Le stylet central, son socle et isa tuntque musculaire. icii NOTES ET RE\'UE D'autre part BCrger (1904) a créé récemment plusieurs sous- espèces qui sont basées simplement sur la variabilité de couleur : avec raison ou non, nous en reparlerons plus tard. Dans la description de Prosorochmus Délagei ' j'ai montré quelle variabilité règne dans l'appareil stylifère de cet animal. Ainsi en est-il chez la plupart de Métanémertiens. Et pourtant Burger (1895) Fig. 14. FiG. 14. — A gauche: 0. brunnea lypica, adroite: 0. brunnea Davidoffi. S. le statocyste ; », les statolithes. indique toujours dans ses diagnoses la forme du stylet central et de son socle, leurs dimensions relatives, le nombre de poches des stylets accessoires, etc., comme caractères constants. Mais il n'en est pas ainsi. Je veux donc indiquer d'autres caractères morpho- logiques qui se distinguent par une très grande constance et par conséquent peuvent servir pour une plus sûre détermination des espèces. Frn\!^r^Ti^^ ^f"^?^ nouvelles espèces de Nemertes de RoscotT [Arch. ZooL ^-rp. et Gen. I90,. \ol. \l, ,\otes et Retoe, N» 3. p. liv-lxk. OUVRAGES CITÉS 1890 JouBiN (L.^. Recherches sur les Turbellariés des côtes de France (Némertesl. Arch. deZool. Exp., 2»« série, tome VIII. 1895, BrRGER (0.). Die Nemertinen des Golfes yon Neapel und der angrenzenden Meeres-Abschnitte. (F. u. FI. jeap. 22. Mono- graphie). NOTES ET REVUE Mil SUR I..\ CRÉATION D'UNE STATION ENTOMOLOGIQUK A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE RENNES par F. GuiTKi. l'rofpssour de Zooloftio ;< retlo Knciilltv L'iinporlation des plantes exotiques et de leurs parasites, les puissants moyens de destruction employés rcuilre les anijuaux insectivores et notamment contre les Oiseaux, la nuiltiplieilé et l'énorme rapidité des moyens de transport, rendent île jour en jour plus nécessaire la lutte contre les Insectes nuisibles. Les Etats-Unis d'Amérique et le Canada ont été les ])r(>mitM's à comprendre le rôle immense que pouvait jouer une lulle r;ition- nelle engagée corn'tre ces animaux el dans aucun pays Télutle de l'Entomologie appli([uée ne tient une aussi larg(> place dans Tensei-. gnement. Toutes les Universités anu-ricaines sont en eirel iloli'cs d'un service entomologique complet comprenant Laboraloircs, Collections, Appareils, elc' Il existe en outre une organisation de l'Entomologie api>li(|uée qui n'a d'égale dans aucun pays. La division d'Entomologie du Ministère de l'Agriculture dirigée par M. L. 0. Ooward et dont le siège est h Washington comprend tout un personnel composé de savants dont les travaux de science pure et de science appliquée sont con- signés dans des Recueils spéciaux. Certains Etats, comme ceux de Massachussets, New-York, Illinois et Missouri 'Ont leurs entomologistes d'Etat et possèdent leurs Labo- ratoires et leurs assistants. Chacun des autres Etats possède une c< Agricultural ^^xperiment Station n. Les progrès réalisés dans ces dernières annik'S sous l'influence de cette organisation ont été considérables, en particulier en ce qui concerne l'application des Insecticides aux grandes cultures. En Europe, Tllalie a été la première ;\ suivre rexem[»le donné par l'Amérique. La «Station royale d'Entomologie agricole » de Eloi.ence * Les renseignements concernant les établissements étrangers sont extraits pour la majeure partie d'une noie intitulée : « l'Entomologie appli<iué(! en Kurope », publiée par mon savant ami M. l'aul Marciial dans le /UiU. de. la Soc. d'Acciimataiion de France (Paris 18'j()). XGiv NOTES ET REVUE dont la Direction fut successivement confiée à des savants comme Targioni-Tozetti et Berlese, a été fondée en 1875. D'autres Stations du même genre existent actuellement à Portici, à Milan, à Turin. Le budget seul de la Station de Florence s'élevait en 1896 à 13.000 francs sans compter les traitements du personnel. En Suède et en Norvège chacun des deux royaumes possède un Entomologiste d'Etat dont le rôle est de fournir des expertises sur toutes les questions relatives aux ravages des Insectes et d'indiquer aux Agriculteurs les moyens à employer pour lutter contre les ennemis de leurs cultures. L'Allemagne ne possède pas de Station entomologique d'Etat; mais le Ministre de l'Agriculture se fait rendre compte chaque année des dégâts occasionnés par les Insectes. Les documents sont centra- lisés à Berlio par le docteur Sorauer. Il existe en Allemagne plusieurs chaires d'Entomologie appliquée. Enfin cet Etat possède une organisation d'Entomologie forestière qui n'a d'égale dans aucun pays. L'Entomologie appliquée n'a pas reçu d'organisation officielle en Autriche-Hongrie mais l'enseignement de l'Efltomologie appliquée y est très florissant. En Hongrie il existe depuis 1881 une Station entomologique d'Etat fort bien organisée qui possède des Laboratoires, une Bibliothèque, des Collections entomologiques et toute une série d'appareils pour la destruction des Insectes. Cette Station réside à Budapest; elle est dirigée par M. Horwath. Son budget est de 8.000 florins. La Belgique possède depuis 1891 un Service officiel d'Entomo- logie appliquée. Il est annexée l'Institut agronomique de Gembloux. Le Laboratoire fournit gratuitement aux particuliers, aux Sociétés, aux journaux, tous les renseignements se rattachant aux dégâts causés par les Insectes. L'Angleterre possède un service officiel d'Entomologie appliquée placé sous la direction de M. Whitehead. Ce service ne possède ni Laboratoire, ni Station entomologique ; le Directeur exerce ses fonctions à son domicile particulier en fournissant des renseigne- ments à toute personne qui lui en fait la demande. En 1894 a été créé à l'Université d'Amsterdam un Laboratoire de Phytopathologie et d'Entomologie appliquée dont le Professeur Ritzema-Bos est le Directeur. Par la fondation de ce Laboratoire, dont on doit la création à un généreux donateur, la Hollande se NOTES ET REVUE xcv trouve aujourd'hui être l'un des pays d'Europe où la lutte contre les parasites des végétaux est le mieux organisée. La Russie possède un Service complet d'Entomologie appliquée qui fonctionne depuis une dizaine d'années (Prof. A. Porchinski, Ministère de l'Agriculture à Saint-Pétersbourg). Ce bureau entomo- logique possède un budget d'environ 15.000 roubles. Il est ne rapport continuel avec les Agriculteurs et envoie des entomologistes sur les lieux oîi se produisent des dégâts soit pour y étudier des insectes peu connus soit pour y diriger les travaux de destruction. Comme on le voit presque tous les grands Etats européens ont imité de leur mieux les Etats-Unis ; mais la France, qui en sa qua- lité de grand pays agricole, aurait dû se tenir à la tête de ce mou- vement n'est malheureusement pas dotée comme elle devrait l'être. Jusqu'en 1904 notre pays ne possédait que trois Laboratoires ayant une existence officielle. Ce sont : 1° La Station entomologique de Paris, dépendant directement du Ministère de l'Agriculture et siégeant à l'Institut agronomique. Cette Station est dirigée par M. le docteur Paul Marchai ; elle a été fondée en 1894. 2° Lé Laboratoire d'Entomologie de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier dirigé par M. Valéry-Mayet. Ce Laboratoire étudie prin- cipalement les Insectes nuisibles à la Vigne et à l'Olivier. 3° Le Laboratoire régional d'Entomologie agricole de Rouen fondé et dirigé par M. Paul Noël. Cet établissement dispose d'un budget de 10.000 francs fourni parla Ville de Rouen (3.000 francs) et par le département de la Seine-Inférieure (7.000 francs) : il s'occupa surtout à l'origine des Insectes nuisibles aux arbres frui- tiers. Il est à peine besoin de dire que ces trois établissements rendent de très grands services ; mais ils présentent à mon sens plusieurs graves défauts. Ils sont tout d'abord en beaucoup trop petit nombre dans un grand pays comme le nôtre ; ils sont en outre ou bien trop spécia- lisés, ou bien insuffisamment connus du public intéressé. C'est pour remédier, dans la mesure de nos forces à ces incon- vénients qu'a été fondée la Station entomologique dont je voudrais maintenant dire quelques mots. But de la Station. — Notre Station est annexée au Laboratoire de Zoologie de la Faculté des Sciences de Rennes depuis le icvi NOTES ET REVUE 22 avril 1904. Elle fournit gratuitement à toute personne qui lui en fait la demande tous les renseignements concernant les moyens à employer pour la destruction des Insectes nuisibles. La première condition pour qu'un service tel que le nôtre pro- duise tous les résultats qu'on est en droit d'en attendre c'est de le faire connaître dans la région où il se propose d'exercer son influence. Pour atteindre sûrement ce résultat nous publions pen- dant toute la saison d'été, dans un grand nombre de périodiques, une petite annonce insistant sur le caractère entièrement gratuit de nos consultations '. Personnel. — En l'absence de tout crédit affecté à cet usage le personnel de la Station est réduit à son minimum. J'ai pris à ma charge toute la partie administrative: mais la Station n'aurait jamais pu voir le jour sans le concours d'un natu- raliste connaissant parfaitement toute les questions aujourd'hui si complexes relatives à l'Entomologie appliquée. C'est mon dévoué collègue M. Constant Houlbert. Professeur à l'Ecole de Médecine de Rennes, qui a bien voulu assumer la lourde tâche d'assurer le service technique do notre Station. M. Houlbert est d'ailleurs le vérit^le fondateur de la Station car c'est lui qui en a eu le premier l'idée et l'Université de Rennes lui est profondément reconnaissante du dévouement dont il fait preuve en acceptant d'occuper, sans aucune rétribution, une situation qui, comme on le verra quelques lignes plus bas, est loin d'être une sinécure. Crédits. — Les Crédits dont dispose la Station sont malheu- reusement des plus minimes. La ville de Rennes sur les instances de M. Charles Oberthur. premier adjoint au maire de Rennes, a bien voulu lui voter une allocation de 200 francs. D'autre part M. le préfet Rault a obtenu pour nous du dépar- tement d'Ille-et-Vilaine. un petit crédit annuel de 300 francs. Pour le reste le Laboratoire de Zoologie doit mettre à contribution ses ' La station entomologiqne prend en outre une part active à la publication de la Faune entomologique armoricaine dont 7 fascicules sont déjà parus dans le Bulletin de (a Société' scienlijvjrie et médicale de l'Ouest .- C. HocLBEKT et Mox:ïot : Coléoptères, Cérambyddea (\.V&, ; Introduction (1904; r Camitora 1906;. C. HocLBEET et BÊns: Coléoptères, Méloides il9(>4. ; dérides {1904;. GciÉREt et Peve.\c : Hémiptères, Pentatomides, Coréides et Bérylides '1903) ; Lygéides 1905.. Charles Oberthcb, Lépidoptères (en préparation;. .\OTES ET REVUE xcvii ressources déjà bien insuffisantes. Quand on met en parallèle l'exi- guité des moyens dont dispose notre jeune création et les sen.'ices qu'elle a déjà rendus on ne peut s'empêcher de songer à ce qu'elle pourrait réaliser si elle était convenablement dotée. Legs Oberthur — La Station a déjà largement rendu au Labo- ratoire de Zoologie l'aide pécuniaire qu'il lui a apportée. Elle a en effet reçu de M. Charles Oberthur. l'éminent lépidoptèrologiste. une collection de papillons, qui, lorsqu'elle sera complète, ne comptera pas moins de 2-5.000 individus. M. Charles Oberthur a en outçe donné à notre Station un exem- plaire complet de ses magnifiquespublicationssur les Lépidoptères. Services rendus. — En 1904. année de sa fondation, notre Station n'a eu à fournir que 51 renseignements. Dès l'année suivante, mieux connue, elle a eu à répondre à 239 lettres et n"a pas donné moins de 632 recettes. En 1006 le nombre des demandes a été de 3.34 et celui des ren- seignements fo'urnis s'est élevé à 492. Notre Station a encore eu l'occasion de rendre un autre service que ceux dont il vient d'être question. Elle a eu l honneur de con- tribuer pour une large part à la réalisation d'une vaste expérience d'Entomologie appliquée entreprise par les entomologistes améri- cains. Les Zoologistes qui ne font pas leur spécialité de l'Entomo- logie appliquée liront peut-être avec intérêt les lignes suivantes qui se rapportent à cette expérience. Tout le monde connaît le Liparis Euproctis) chrysorrhoea qui s'attaque à presque tous les arbres forestiers et dont les chenilles, à l'état jeune, hivernent dans des bourses soyeuses qu'elles tissent en commun à l'entrée de la mauvaise saison en emprisonnant quel- ques feuilles de l'arbre sur lequel elles sont nées. Le £. chrysorrhoea se multiplie quelquefois à tel point que ses chenilles périssent par myriades faut« d'aliments après avoir ravagé des cantons tout entiers. C'est d'ailleurs spécialemenL contre cette espèce que fut édictée la loi du Ip Mars 1796 sur léchenillage. Elle a heureusement pour ennemis des entomophages très féconds de sorte qu'elle devient parfois très rare pendant plusieurs années consécutives Maurice Girard}. Le E. chrysorrhoea a été importé aux Etats-Unis peu après 1890. Ses chenilles ont été attaquées par des parasites américains : mais dans une si faible proportion que le fléau s'est constamment accru XGviii NOTES ET REVUE dans les régions où il n'a pas été enrayé par des mesures destruc- tives. Il est même remarquable que l'invasion du E. chrysorrhoea n'a jamais à aucune époque et dans aucune partie de l'Europe, pris les proportions d'un déchaînement comparable à celui qui s'observe annuellement dans la Nouvelle Angleterre. La conclusion qui découle de ces faits est double. Il faut renoncer à l'espérance de voir les parasites américains suffire à la tâche d'enrayer le fléau qui va s'accroissant d'année en année. En outre le procédé sur lequel il est permis de fonder les meilleures espé- rances consiste à importer en Amérique les parasites et les autres ennemis européens du E. chrysorrhoea. Il n'y a d'ailleurs aucun inconvénient à importer en Amérique des larves ou des nymphes non parasitées car les papillons issus de ces formes peuvent être facilement détruits dès leur éclosion. M. L. 0. Howard, chef du bureau de l'Entomologie au Départe- ment de l'Agriculture à Washington, qui s'est fait une spécialité de l'étude du parasitisme chez les Insectes, a fait tout exprès le voyage d'Europe dans le but de se mettre en relation avec un grand nombre d'entomologistes. lia ainsi obtenu de nombreux envois de larves et de nymphes parasitées. M. le docteur Felippo Silvestri a même pu lui faire expédier de Sardaigne 200 Calosoma sycophanta vivants. Malheureusement ces différents envois ne sont pas toujours par- venus en parfait état à destination et le moyen le plus pratique d'importer en Amérique les nombreux parasites du E. chrysorrhoea semble avoir été fourni par une intéressante découverte due au Professeur Jablonowski de Budapest. D'après cet entomologiste les bourses d'hiver du E. chrysorrhoea contiennent de très nombreux parasites. Se basant sur ce fait M. Howard a pris ses dispositions pour assurer l'expédition en Amérique d'environ 80.000 nids de Liparis provenant de différentes parties de l'Europe. La Station entomologique de Rennes, mise au courant des démarches américaines par M. René Oberthur, a eu le plaisir d'ap- porter son concours désintéressé à l'œuvre entreprise de l'autre côté de lAtlantique. Renseignés par les demandes et par les envois de nos corres- pondants nous savions qu'en 1905-1906 des nids de Liparis étaient distribués en France sur une bande s'étendant du département de NOTES ET REVUE xcix l'Ain à celui de la Charente et coïncidant à peu près avec la bordure Nord du Plateau central. M. Houlbert se transporta donc dans le département de Flndre où il savait trouver les plus beaux nids et de là pendant douze jours (du 23 novembre au 4 décembre 1905), il a pu adresser en Amérique, par l'intermédiaire de M. René Oberthur, environ lo.OOO nids soigneusement choisis parmi les plus beaux, Daps une lettre que M. L. 0. Howard adressait à M. R. Oberthur, le 22 août 1906, il s'exprimait de la façon suivante : « Vous serez bien aise de savoir que les envois français de Chry- « sorrhoea paraissent être parmi les meilleurs reçus d'aucune autre « partie de l'Europe. Nous élevons, provenant de ces nids, non « seulement un grand nombre de Pteromalus processioneae mais « aussi quelques spécimens d'une forme intéressante connue sous « le nom de Habrobracon brevicornis Westm. Ce dernier parasite « n'a été élevé que de votre matériel et de quelques nids reçus de « Berlin. Les parasites issus de ces nids européens ont immédia- « tement déposé leurs œufs dans les larves américaines et se « sont indubitablement multipliés maintenant aux environs de « Boston... »'. Pour l'élevage des Chenilles et de leurs parasites une maison de la ville de Saugus (à quelques kilomètres de Boston) a été partiel- lement aménagée en Laboratoire. Un assistant compétent habite cette maison. D'autre part trois grands arbres infestés par le Chrysorrhoea ont été emprisonnés dans une vaste toile métallique formant une immense cage dans laquelle sont mis en liberté les parasites importés. Au moment de la sortie des parasites un entomologiste expéri- menté est chargé du soin de veiller à ce qu'aucun parasite secon- daire ne soit mis en liberté. On désigne sous ce nom les insectes qui vivent en parasites aux dépens des^parasites des chenilles. Ainsi le Tachina larvarum (parasite primaire) large diptère tachi- nide qui s'attaque en Europe à un certain nombre de chenilles de grande taille, est parasité par le Chalcis flavipes (parasite secon- daire). La mise en li.berté de ces Chalcis aurait pu compromettre le 1 Cette année (1906-1907) les nids de Chrysorrhoea ont complètement disparu des régions visitées l'année précédente par M. Houlbert. Cette disparition, due évidemment à l'action destructive des parasites, montre iiue les nids expédies a Boston par notre Station étaient exactement à point pour l'importation en Amérique des ennemis du Chrysorrhoea. c NOTES ET REVUE succès de racclinialation du parasite -primaire. Aussi tous les indi- vidus de cette espèce, et d'une manière plus générale, tous les parasites secondaires, étaient-ils mis à mort dès leur éclosion. Les parasites secondaires peuvent eux-mêmes être attaqués par d'autres parasites qui sont alors d;^signés sous le nom de parasites tertiaires. Il est clair que ces derniers, contribuant à détruire les parasites secondaires, agissent dans le même sens que les primaires par rapportàl'hôte primitif et doivent être acclimatés comme eux*. On voit que la vaste expérience actuellement réalisée en Amé- rique est conduite avec une science consommée et une connais- sance profonde de la biologie des animaux mis en présence. Sa réussite aboutira sans doute pour les Etats-Unis, à un état de choses analogue à celui qui s"est établi naturellement en Europe et qui consiste en un équilibre instable mais périodique entre les parasites et les parasités. Une autre expérience tout a fait analogue à celle qui est actuel- lement tentée contre le E. chrysorrhoea a été réajlisée il y a près de vingt ans avec un plein succès par le grand entomologiste améri- cain Riley. Sa complète réussite permet de fonder les plus grandes espérances sur l'expérience actuelle. VJcerya purchasi, cochenille originaire d'Australie, a été intro- duite en Californie vers .1868. Elle lit dans, ce pays les plus terribles ravages et menaça à un moment donné de ruiner la culture des orangers, Riley obtint qu'en 4888, à foccasion de l'exposition de Melbourne, deux agents de la Division d'Entomologie fussent envoyés en Australie avec un crédit de 2.000 livres. L'un de ces agents, M. Koebele, reçut la mission spéciale de rechercher les parasites ou ennemis naturels de VJcerya. A son retour il rapporta toute une collection de parasites ou prédateurs vivant aux dépens de la Cochenille australienne. Parmi eux se trouvait le Novius car- dinalis (appelé d'abord Vedalia cardinalis), espèce qui par les bien- faits qu'elle était appelée à rendre, devait éclipser toutes les autres. Une année et demie après son introduction elle avait débarassé la région des Jcerya et réduit leur nombre à une quantité négligeable, ' Tous les renseignements se rapportant à 1 exporiencc américaine sont (sauf indi- cation contraire) empruntés aux travaux suivants : Public Document N° 73 : First annual Report of tiic superintendant for suppressing the Gypsy and Brown-tail Mollis. Boston UiOfi. L. 0. HowAKD, The Gypsy and Brown-tail Moths and their european parasites, Year- book of Department of Agriculture for 19œ. L. 0. Howard, The Brown-tail Moth and how to control it, Farmer's Bulletin N» 264. NOTES ET REVUE ci Le même succès a été obtenu plus récemment au Poi'fugal aux environs de Lisbonne, où VJcerya avait aussi été introduite et était devenue un redoutable fléau. Dans ces dernières années une petite invasion d'Jcerya s'est pro- duite près de Naples, mais a été immédiatement enrayée par la même méthode '. Ces beaux travaux font toucher du doigt les immenses services que peuvent rendre à TAgriculture les Stations entomologiques richement dotées^ et dirigées par de savants biologistes. Il est à souhaiter qu'ils décident les Universités et les Pouvoirs publics français à sortir de leur inaction et à suivre l'exemple donné de tous côtés à l'étranger dans la lutte scientifique contre les Insectes nui- sibles. Il y a là pour un généreux donateur une superbe occasion de rendre un signalé service à notre pays. ' Je dois ces lignes relatives à YJcen/a purchasi à l'amabilité de mon excellent ami M. Paul Marchai Directeur de la Station entomologique de Paris. * En vue de la réalisation de l'expérience dirigée actuellement contre le Liparis chrysoi'rhoea les Etats-Unis ont voté une somme de 62.5t)0 francs et l'Etat de Massa- chussets, plus directement intéressé, une somme de 250.000 francs ; mais la totalité des crédits votés pour lutter contre VE. chrysorrkoea et le L. dispar est beaucoup plus considérable et s'élève en effet à la somme énorme de 300.000 livres soit 7.500.000 francs. TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE 1907. [4]. Tome VI Articles originaux Billard (A.). — Deux espèces nouvelles d'Rydroïdes de Madagascar (note pré- liminaire) {avec 3 fig.), p. lxxix. Bruntz (L.). — Sur l'existence d'éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs ' chez les Schizopodes, p. xxni. iBruntz (L.). — Sur l'existence d'éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez la Nébalie, p. xxviii. Bruntz (L.). — Néphrocytes et néphrophagocytes des Caprellides, p. lvi. Cuénot(L.). — L'hérédité de la pigmentation chez les Souris (5° note), p. i. GuÉNOT (L.). — L'autotomie caudale chez quelques Rongeurs (avec 3 fig.), p. LXXI. Del.\ge (Y.). — Sur les conditions de la parthénogenèse expérimentale et les adjuvants spécifiques de cette parthénogenèse, p. xxix. cil NOTES ET REVUE GuiïEL (F.)- — Sur la création d'une Station entomologique à la Faculté des sciences de Rennes, p. xciii. LoiSEL (G.)- — Recherches sui* les caractères ditTérentiels des sexes chez la Tortue mauresque (avec 2 fig.), p. xxxviii. OxNER (M.). — Sur quelques nouvelles espèces de Neniertes de Roscoff, {avec 6 fig.), p. Lix. OxNER (M.)- -— Quelques observations sur les Nemertes de RoscolT et de Ville- franche-sur-Mer {avec 14 fig.), p. lxxxii. RocLt (L.). — Notes ichthyologiques. Les Scorpénides de la Méditerranée, p. XIV. Notice Nécrologique Delage (Y.). — Charles Marty {avec un portrait hors texte), p. li. Paru le 15 Mars 1907. Les Directeurs : G. Pruvot et E.-G. Ragovitza. OC Kng. MOBIEO, Imp.-Gmv., 140, Boul, KaipiU. Paii» (6) — Téléphone: 704 -7S MBL/WHOI UBRARY WH 17NH B