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Full text of "Archives de zoologie expérimentale et générale"

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ARCHIVES DE ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE ET    GÉNÉRALE ARCHIVES DE ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE EjT     GENERALE HISTOIRE  NATURELLE  ~  MORPHOLOGIE  -  HISTOLOGIE ÉVOLUTION  DES  ANIMAUX FONDEES    FAK HENRI   de    LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES   SOUS  LA  DIRECTION   DE G.   PRUVOT  ET  E.-G.  RACOVITZA CHARGÉ    DE   COURS   A    LA    SORBONNE  DOCTEUR    ÉS-SCIENCES DIRECTEUR    DU    LABORATOIRE    ARAGO  SOUS-DIRECTEUR    DU   LABORATOIRE   ARAGO QUATRIÈME    SÉRIE TOME  SIXIÈME PARIS LIBRAIRIE    G.   REINWALD SGHLEIGHER    FRÈRES,    ÉDITEURS 61,    RUE    DES    SAINTS-PÈRES,    61 Tous  droits  réservés 1907 TABLE  DES  MATIERES du  tome  sixième  de  la  quatrième  série (655  pages,  IV  planches.  109  flgures) Notes  et  Revue (4  numéros,   en   pages,    29   figures) Voir  la  Table  spéciale  des  matières  à  la  page  ci Vusnicule  1 (Paru  le  3o  Janvier   1907) P.  DE  Beauchamp.  —  Morphologie  et  variations  de  l'appareil rotateur  dans  la  série  des  Rotifères  (avec  14  fig.  d.  1. texte) Fascicule  2 (Paru  le  25  Février  1907) R.  Anthony.  —  Etudes  et  recherches  sur  les  Edentés  tardigrades et  gravigrades.  —  I.  Les  coupures  génériques  de la  famille  des  Bvadipodidœ.  —  II.  Les  attitudes  et  la locomotion  des  Paresseux  (avec  13  fig.  d.  1.  texte  et PI.  letll) ; Fascicule  3 (Paru  le  25  Février  1907) L.  CuÉNOT.  —   L'origine  des  nématocystes  des  Eolidiens  (avec 1  flg.  d.  1.  texte  et  Pi.  III) Fascicule  4 (Paru  le  i5  Mars  1907) L.  Germain.  —  Essai  sur  la  malacographie  de  l'Afrique  équa- toriale  31 73 103 \   h'^'^7 TABLE  DES  MATIERES Fascicule  b (Paru  le  2  Mai    1907) F.  HoussAY.  —  V^ariations  expérimentales.  Etudes  sur  six générations  de  Poules  carnivores  (avec  47  fig.  d.  1. texte) 137 Fascicule  6 (Paru  le  lo  Mai  1907) L.  P'aurot.  —  Nouvelles  recherches  sur  le  développement  du pharynx  et  des  cloisons  chez  les  Hexactinies  (avec 2  tig.  d.  1.  texte  et  Pl.  IV) 333 Fascicule  7 (Paru  le  i5  Mai  1907) E.-G.  Racovitza.  —  Essai  sur  les   problèmes  biospéolog"iques. Biospéolog-ica  1 371 Fascicule  8 (Paru  le   i5  Mai   1907) R.   Jeannel    et  E.-G.   Racovitza.  —  Enumération  des  grottes visitées,  1904-1906  (l'^  série).  Biospéologica  II 489 Fascicule  9 (Paru  le  20  Mai   1907) E.   Simon.    —     Ai^aneae,     Chernetes  et    Opiliones    [i''''-   série). Biospéologica  III  (avec  3  tig.  d.  I.  texte) 537 Index  alphabéti^ie  des  matières 555 Versailles.  Société  Anonyme  des  Imprimeries  Gérardin. ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV^  Série,   Tome  VI,   p.  1   à  29. 30  Jancier  1907. MORPHOLOGIE   ET  VARIATIONS DE  L'APPAREIL  ROTATEUR DANS  LA  SÉRIE DES ROTIFÈRES PAR 1».    DE  BEAUCHAMP Docteur  en  Médecine. SOMMAIRE Pag-es I.  —  Introduction l II.  —  Etude  de  quelques  appareils  rotateurs. i    L'appareil  rotateur  de  Notommata  (Copeus)  cerberus  Gosse 4 2  L'appareil  rotateur  de  Diglena  fordpata  (Muller) 7 3  L'appareil  rotateur  de  Furcularia  forficula  Ehebg 8 4  L'appareil  rotateur  de  Proaies  petromyzon  (Ehrbg) 9 5  L'appareil  rotateur  de  Pedalion  mirum  HUDSON 9 6  L'appareil  rotateur  de  Cyrtonia  tuba  (Bbœibg) 12 7  L'appareil,  rotateur  d'Eicchlanis  dilatata  Ehrbg 1  i 8  L'appareil  rotateur  iVHydatina  senia  (Muller) 1(5 III.  —  La  conception  générale  de  l'appareil  rotateur  et  ses  variations  anté- rieurement DÉCRITES 18 IV.  —  Conclusions ^ 20 Ouvrages  cités 27 INTEODUCTION Dans  tous  les  ouvrages  où  il  est  question  de  Eotifères,  traités généraux  de  zoologie  ou  mémoires  spéciaux,  on  rencontre d'abord  l'affirmation  que  leur  appareil  ciliaire  est  composé  de Arch.  de  zool.  exp.   et  sén.  —  iv"  série.  —  t.  vi.  —  (i)  i 2  P.  DE  BEAUCHAMP deux  couronnes,  l'une  préorale  ou  trocJms,  l'autre  postorale ou  cingulum  (1),  lesquelles  sont  respectivement  homologues des  deux  couronnes  semblables  existant  chez  beaucoup  de larves  trochophores  d'Annélides  ou  de  Mollusques,  et  sont  un des  meilleurs  arguments  en  faveur  du  rapprochement  de  ces deux  sortes  d'organismes.  On  pourrait  donc  croire  que  cette structure  de  l'appareil  rotateur  est  quelque  chose  de  tout  à  fait général,  ou  du  moins  de  primitif  et  d'établi  comme  tel  par  une étude  approfondie  de  ses  variations  dans  l'ensemble  du  groupe. Or  si  l'on  prend  la  peine  de  regarder  les  Rotifères  eux-mêmes, en  sortant  de  la  demi-douzaine  de  formes  qui  ont  fixé  surtout l'attention  des  monographes,  l'on  s'aperçoit  que  le  type  clas- sique n'est  pas  réalisé  dans  la  vingtième  partie  des  espèces  ;  il s'applique  avec  peu  de  variations  à  presque  tous  les  Bdelloïdes, parmi  les  Rhizotes  aux  Mélicertiens  (2)  qui  ont  surtout  contribué à  sa  constitution,  aux  Scirtopodes,  à  deux  ou  trois  genres  de Ploïmes  et  c'est  tout.  La  très  grande  majorité  de  ces  derniers qui  forment  la  grande  niasse  des  Eotifères  et  le  groupe,  sinon  le plus  primitif,  du  moins  le  moins  évolué  dans  des  sens  spéciaux, y  échappent  en  entier,  et  nous  verrons  tout  à  l'heure  que certains  d'entr'eux  qu'on  avait  cru  pouvoir  y  rattacher  n'y rentrent    nullement. Si  d'autre  part  on  cherche  dans  la  vaste  bibliographie  de  l'ap- pareil rotateur  une  tentative  de  synthèse  de  ces  formes  variées, ou  tout  au  moins  de  bonnes  descriptions  des  plus  caractéristiques d'entre  elles,  on  ne  les  y  trouve  pas.  Chose  étrange  à  dire,  jamais personne  n'a  pris  la  peine  de  figurer  les  principaux  types  de l'organe  rotateur  en  dehors  des  quelques  espèces,  presque  toutes Rhizotes  ou  Bdelloïdes  ([ui  ont  fait  l'objet  de  monographies (1)  Les  dénominations  de  troclius  et  de  cingulum  ont  été  créées  par  CuniTT  en  1872  ;  quant aux  termes  préorale  et  postorale,  ils  s'appliquent  à  un  animal  orienté  horizontalement,  la tête  en  avant,  et  il  est  singulier  qu'on  ne  les  ait  pas  modifiés  dans  les  ouvrages,  comme  la Zoologie  concrHe  de  MM.  Delaoe  et  HéROVAKD  (1897).  où  l'orientation  verticale,  la  tête en  haut,  est  adoptée,  comme  noua  le  ferons  ici.  Les  termes  de  supra-orale  et  d'infra-orale sQ-ivent  seuls  s'appliciuer  en  ce  cas. (2)  J'adopte  ici  la  subdivision  des  Rliizotes  en  Mélicertiens  et  Flosculariens  proposée  par HàRToo  (1901)  et  qui  est  beaucoup  plus  justifiée  que  celle  des  l'ioïmes  en  Loriqués  et  lUo riqués. L'APPAHRfl.  ROTATI-rn    DKS  l{OT[FKRES  3 étendues.  On  a  généralisé  la  disposition  de  ces  dernières  au  lieu de  tirer  une  notion  synthétique  d'une  étude  comparative  com- ])Iète,  on  a  fait  ce  qu'aurait  fait  Gosse  si  au  lieu  d'écrire  son mémorable  travail  sur  les  mastax  il  s'était  borné  à  décrire  le type  malléo-ramé  par  exemple  et  à  af&rmer  que  tout  s'y  rap- porte. Il  faut  néanmoins  citer  le  très  intéressant  travail  de WESENBERCT-Limo  (1899),  le  seul  auteur  qui  ait  eu  l'idée d'étudier  l'appareil  rotateur  dans  la  série  des  Ploïmes  sans conception  a  priori  et  soupçonné  son  importance  systématique ainsi  que  ses  corrélations  avec  le  reste  de  l'organisme  (le  mastax notamment)  et  le  genre  de  vie  de  l'animal.  Mais  son  étude anatomique,  restée  toute  superficielle,  ne  lui  a  pas  montré  les véritables  homologies  et  son  mémoire,  entièrement  écrit  en danois,  n'a  pas  eu  les  lecteurs  qu'il  méritait.  Cette  étude  ne demandait  pourtant  pas  de  moyens  d'investigation  bien  per- fectionnés ;  il  n'y  faut  qu'un  peu  de  patience,  car  elle  doit être  faite  en  majeure  partie  sur  l'animal  vivant  et  il  n'est  pas toujours  commode  d'obtenir  de  bonnes  vues  d'une  extrémité céphalique  bien  étalée  et  bien  orientée,  même  avec  l'aide  des anesthésiques. Le  présent  travail  n'a  pas  pour  objet  l'étude  détaillée  de  l'ap- pareil rotateur  dans  toutes  les  familles  ;  il  consistera  en  descrip- tions aussi  exactes  que  possible  de  quelques  formes  peu  connues, en  rappelant  pour  la  comparaison  seulement  celles  déjà  bien décrites.  L'on  pourra,  je  crois,  par  la  suite  rapporter  à  ces  exemples presque  toutes  les  variations  existantes.  C'est  dans  les  mono- graphies systématiques  qu'il  y  aura  lieu  plus  tard  de  poursuivre celles-ci  dans  chaque  genre  ou  famille.  Je  chercherai  ensuite à  les  relier  dans  une  notion  générale  de  l'appareil  rotateur  qui me  conduira  à  élargLr  le  schéma  classique,  mais  je  m'abstiendrai pour  le  moment  d'entrer  dans  les  conséquences  importantes qu'on  en  peut  tirer  au  point  de  vue  des  rapports  des  Rotifères avec  les  autres  groupes  voisins,  et  surtout  de  la  conception  et de  la  relation  réciproque  de  leurs  diverses  coupes  systém'atiques  ; elles  seront  développées  dans  un  travail  ultérieur  oii  pourront 4  P.  DE  BEAUCHAMP intervenir  les  arguments  tirés  du  reste  de  l'organisation.  Je  ne citerai  donc  pas  ici  les  interminables  discussions  interprétatives et  phylogéniques  auxquelles  l'appareil  rotateur  a  donné  lieu  et ne  donnerai  comme  bibliographie  que  les  descriptions  anté- rieures de  chaque  espèce  considérée.  Seront  également  laissés de  côté  pour  le  moment  les  détails  histologiques  de  la  couronne, les  dessins  ci-joints,  légèrement  schématisés,  ne  donnant  que la  disposition  des  cils  ;  les  contours  du  mastax,  du  cerveau  et  de l'organe  rétro -cérébral  ont  seuls  été  figurés  pour  servir  à  fixer les  rapports  ;  la  considération  de  ce  dernier  (voir  mes  deux  notes, 1905  c  et  1906)  est  extrêmement  importante  et  permet  de retrouver  les  homologies  dans  beaucoup  de  cas  où  on  les  a méconnues  jusqu'ici.  De  chaque  extrémité  céphalique  sont  figu- rées en  général  deux  vues.  Tune  ventrale,  l'autre  latérale  ou dorsale  qui  donnent  une  idée  complète  de  l'appareil  rotateur mieux  que  la  vue  frontale  ou  supérieure,  qui  fournit  de  très  belles figures,  mais  présente  la  région  buccale  en  un  raccourci  parfois inadmissible,  et  de  plus  est  fort  difScile  à  obtenir  malgré  les artifices  préconisés  par  Masius  (1890)  et  Eousselet  (1902). IL  ÉTUDE  DE  QUELQUES  APPAREILS  ROTATEURS 10  L'appareil  rotateur  de  Notommata  (Copeus)  cerberus  Gosse Cette  espèce,  intéressante  en  raison  de  sa  grande  taille  qui  la rend  d'une  étude  facile  et  que  j'ai  pu  me  procurer  en  grande abondance,  n'est  point  aisée  à  déterminer  ;  c'est  M.  Ch.  F.  Rous- SELET,  de  Londres,  qui,  non  sans  hésitations,  a  fini  par  identifier avec  certitude  mes  spécimens  à  l'espèce  de  Gosse  bien  qu'elle semble  à  première  vue  fort  diiïérente  de  la  description  et  de  la figure  assez  médiocres  de  cet  auteur  (1886)  ;  je  lui  exprime  ici tous  mes  remerciements  pour  son  obligeance.  Ce  rapprocliement méritera  d'être  confirmé  par  une  étude  détaillée  que  je  ferai  en une  autre  occasion.  Cela  d'ailleurs  n'a  rien  à  voir  avec  l'étude de  son  appareil  rotateur,  choisi  ici  en  raison  de  sa  facilité  d'étude, mais  qui  ne  s'écarte  en  rien  de  celui  des  Notommata  les  plus L'APPAREIL  ROTATEUR  DES  ROTIFERES  5 typiqiies,  notamment  de  Tespèce  commune  N.  aurita  (le  genre Copeus  doit  former  à  mon  sens  un  simple  sous-genre  de  Notom- mata,  dont  il  ne  diffère  que  par  des  caractères  tout  relatifs  et non  réunis  dans  toutes  ses  espèces,  et  la  forme  en  question  est celle  qui  s'écarte  le  moins  des  Notommata  proprement  dites). //Z/ Figure  l.  —  Notommata  (Copeus)  cerberus  Gosse;  t^te  x  320  environ;  I,  vue  ventrale; II,  vue  latérale  ;  c,  ceinture  clrcumapicale  ;  p,  plaque  buccale  ;  o,  oreillettes  ;  g,  cerveau  ; s,  sac  rétro-cérébral;  r,  glande  sub-cérébrale  ;  b,  bouche  ;  m,  mastax. Cet  appareil  rotateur  (fig.  1)  consiste  en  un  vaste  champ cilié  couvrant  les  faces  supérieures  et  ventrales  de  la  région céphalique  dont  il  occupe  toute  la  longueur  en  haut  tandis  qu'il se  rétrécit  en  bas  pour  se  terminer  en  pointe  obtuse,  légèrement saillante  à  la  surface  du  corps.  La  bouche  étant  au  milieu  du champ,  cette  dernière  portion  peut,  bien  que  non  individualisée comme  dans  d'autres  cas  dont  il  sera  question  tout  à  l'heure, être  qualifiée  dès  à  présent  de  lèvre  inférieure.  Elle  est  tapissée de  cils  très  fins  et  très  courts,  à  peine  plus  longs  sur  les  bords, qui  paraissent  très  régulièrement  disposés  en  quinconces.  Cette ciliation  homogène  se  continue  latéralement  à  la  dépression buccale  et  plonge  à  son  intérieur  jusqu'au  mastax. Au-dessus  de  la  bouche  les  cils  deviennent  graduellement  plus longs  et  l'on  s'aperçoit  qu'ils  laissent  à  nu  sur  la  ligne  médiane une  petite  dépression  que  surplombe  un  pli  cuticulaire  nette  ^ 6  P.   DE  BEAI  CHAMP ment  marqué.  Cette  dépression  est  tout  à  fait  terminale  sur l'animal  étendu  (dans  la  fig.  1,  I,  il  ne  l'est  pas  complète- ment) et  c'est  à  son  intérieur,  à  la  base  du  pli  cuticu- laire,  que  viennent  déboucher  les  deux  conduits  du  sac rétro -cérébral    (le    cerveau    est    enfoncé    beaucoup     plus    bas dans  les  tissus,  comme  on  le voit  sur  la  coupe  fig.  2,  re- production fidèle  d'une  pré- paration) ;  elle  est,  comme nous  Talions  voir ,  d'une importance  capitale  pour rapprocher  des  autres  appa- reils rotateurs  celui  de  No- tommata  considéré  jusqu'ici comme  très  aberrant,  et  elle n'a  jusqu'ici  été  aperçue  que par  Bergendal  (1892),  le seul  auteur  d'ailleurs  qui  ait figuré  avec  précision  la  cilia- tion  des  Notammatidés  ;  il l'a  décrite  très  nettement chez  N.  gronlandica.  Dorsa- lement  à  elle,  nous  trouvons donc  encore  une  large  bande couverte  de  cils  plus  longs que  ceux  de  la  région  ven- trale, limitée  en  arrière  par un  bourrelet  cuticulaire transversal  et  se  continuant latéralement  avec  celle-ci. A  leur  point  de  jonction  existe  une  autre  différenciation  ;  ce sont  les  oreillettes  si  fréquentes  chez  les  IS^otommatidés.  Elles sont  représentées  invaginées  sur  la  vue  de  profil,  semi-étalée  à droite,  étalée  à  gauche,  sur  la  vue  de  face  ;  un  coup  d'œil  sur ces    figures   suffit   à   montrer    que    ce    sont    simplement    des Fig.  2.  —  Notommata  (Copeus)  cerbenis  UOSSE  ; coupe  sagittale  paramédiane  x  350.  Mêmes lettres  que  la  précédente,  et  :  cr.  crochet  cuti- culaire ;.  oe,  œsophage  ;  i,  intestin  ;  r,  vitello- g^ne  ;  7.  glande  pédieuse. L'APPAREIL  ROTATELR  DES  ROTIFÉRES  7 régions  du  champ  cilié  général  oii  les  cils  sont  beaucoup  plus longs,  mais  rattachés  au  reste  par  des  intermédiaires.  Elles  sont invaginables,  sous  l'action  d'un  muscle  spécial,  en  une  poche qui  abrite  ceux-ci  quand  l'animal  rampe,  mais  peuvent  au contraire  quand  il  nage  s'évaginer  en  une  sorte  de  corne  trans- versale. Il  existe  deux  touffes  contiguës  de  ces  longs  cils,  l'ex- terne plus  longue,  qui  se  traduisent  à  l'état  de  rétraction  par  un aspect  bilobé  .de  la  poche  ;  leur  continuité  avec  le  reste  de  la ciliation  est  évidente.  Mentionnons  encore  que  le  champ  ciliaire est  longitudinalement.  au  moins  au-dessus  de  la  bouche,  déprimé sur  la  ligne  médiane,  ébauche  d'une  division  en  deux  champs latéraux  qui  existe  chez  d'autres  formes. Ce  type  d'organe  rotateur  se  rencontre  chez  la  plupart  des Notommata  proprement  dites  (du  type  de  N.  aurita  car  le  genre, malgré  les  expurgations  qu'il  a  subies,  est  encore  assez  hétéro- gène) et  chez  quelques  genres  voisins,  avec  des  modification,^ de  détail  portant  uniquement  sur  les  proportions  des  différentes parties,  oreillettes  et  lèvi'e  inférieure  principalement.  En  parti- culier dans  les  formes  extrêmes  des  Copeus.  tels  que  C.  copeus (Ehrbg),  ces  parties  s'allongent  beaucoup;  la  seconde  se  détache complètement  du  corps  jusqu'à  la  bouche,  et  dans  les  premières la  touffe  distale  de  cils  subsiste  seule,  sa  continuité  avec  le reste  de  la  ciliation  n'étant  plus  apparente. 2"  L'appareil  rotateur  de  Diyleint  for  rijKila  (0.  F.  Millier) Chez  D.  foreipata,  l'appareil  rotateur  (fig.  3)  rappelle  beaucoui) à  première  vue  celui  des  Notommata  ;  c'est  un  champ  cilié  encore plus  allongé  s'étendant  en  arrière  et  en  avant  de  la  bouche qu'atïleure  directement  le  mastax-  forcipé,  avec  ébauche  de sillon  médian  de  même.  On  voit  en  haut  des  cils  plus  longs  s'in- sérer latéralement  dans  deux  légères  dépressions,  et  l'on  y reconnaît  de  petites  oreillettes  invaginées,  qui  n'ont  pas  été mentionnées  jusqu'ici  dans  les  descriptions  de  l'espèce  car  elles sont  fort  rarement  évaginées  chez  cet  animal  qui  nage  peu.  Le repli  cuticulaù'e  supérieur  existe,  très  accentué,  et  prend  vu p.  DE  BEAUCHAMP de  profil  l'aspect  d'un  véritable  crochet  depuis  longtemps  décrit par  les  auteurs.  3Iais  il  se  continue  en  arrière  directement   avec la  cuticule  du  corps. Son  homologie  avec celui  des  Notommata n'est  pourtant  pas  dou- teuse, car  à  sa  base, où  sont  placés  les  deux yeux ,  s'ouvrent  les deux  conduits  de  l'ap- pareil rétro  -  cérébral (que  j'ai  pu  le  premier déceler  dans  cette  es- pèce par  la  coloration vitale).  Il  faut  donc T.     „         r>.  ,      .        ..    ,T.T        V    ^-^       on„  admettre  que  toute  la FiG.  3.   —    Diglena  forcipata    (Muller)  ;    tête    x  360    env.  ^ I,  vue   ventrale  ;    II,    vue   latérale.   Mêmes   lettres   que  partie  pOStéricure  à  lui précédemment. de  1  appareil  rotateur  a disparu  chez  Diglena. Cette  disposition  se  rencontre  chez  un  certain  nombre  d'es- pèces du  genre  Diglena  et  des  genres  voisins  {Pleurotrocha,  etc.) et  chez  les  Bdelloïdes  du  genre  Adineta. 3°  L'appareil  rotateur  de  Furcnlaria  forficula  Ehrenberg Dans  F.  forficula  (fig.  4),  l'appareil  ciliaire  est  beaucoup  moins développé  ;  les  cils  recouvrent l'extrémité  céphalique  conique sans  dilïérenciation  bien  mar- quée, en  ne  laissant  que  deux espaces  nus  ;  l'un,  presque  ter- minal, entoure  la  bouche,  pour- vue de  lèvres  protractiles,  l'autre, un  peu  plus  dorsal,  présente  un petit  repli  cuticulaire  à  la  base duquel  est  l'œil  et  qui  est  certainement  homologue  de  celui  des o  r__ y-i--/ -.J7V FiG.   4.   —  Furcularia  forficula  Ehrbg  ;  tête, vue  latérale  x  570  environ.  Mêmes  lettres L'APPAREIL  ROTATEUR   DES  ROTIFERES  ^ deux  formes  précédentes.  Somme  tonte,  la  différence  de  propor- tions qui  empêche  de  distinguer  une  partie  buccale  d'une  partie circumapicale  est,  en  outre  de  l'absence  d'oreillettes,  tout  ce qui  distingue  cette  disposition  de  celle  de  Notonwiata.  Ce  type est  assez  général  chez  les  Furcularia,  et  surtout  chez  les  Dias- chiza. 4"  L'appareil  rotateur  de  Proaies  pelromyzon  (Ehrenberg) Chez  cette  forme  comme  chez  la  précédente,  l'appareil  rota- teur est  réduit  à  une  ciliation  à  peu  près  circulaire  de  la  région céphalique,  mais  les  rapports  en  diffèrent  assez  profondément (fig.  5).  Elle  est  tout  entière  supérieure à  la  bouche  et  comprend    un  champ frontal    tapissé  de  cils  régulièrement disposés  qui  plongent  à  la  partie  infé-    /^  — rieure  dans  celle-ci  et  croissent  à  me- sure qu'ils  s'en  éloignent,  deux  touffes latérales  assez  développées  pour  simu- 1er  presque  des  oreillettes,  et  un  autre arc    dorsal    qui    les    raccorde.    Entre 1     .      .      ,    ,        1  p         i    1   „j  '4.        1  FiG.  5.  —  Proaies  petromy^on  (Ehkbg)  ; celui-ci  et  le  champ  frontal  s  étend  un  ^.^^  ^^  ,^^.^^j^  ^7oo  environ. petit  espace  nu  oii  s'élèvent  deux  Mêmes  lettres. tentacules  sétigères  et  que,  vu  l'absence  de  sac  rétro -cérébral développé  aussi  bien  que  de  repli  cuticulaire,  on  ne  peut  qu'avec doute  homologuer  à  la  place  oii  se  trouvent  ces  formations chez  Notommata  et  Diglena.  En  somme  on  arrive  à  cette  dispo- sition par  :  1°  la  suppression  de  toute  la  partie  infraorale  du champ  ciliaire  de  ceux-ci  ;  2°  la  raréfaction  des  cils  accompa- gnée comme  toujours  de  leur  différenciation.  Un  intermédiaire est  réalisé  par  Pr.  decipiens  (Ehrbg)  où  l'appareil  ciliaire  est disposé  exactement  comme  celui  de  D.  forcipata,  mais  ne  se prolonge  pas  en  arrière  de  la  bouche. 5"  L'appareil  rotateur  de  Pedalion  niirum  Hudson Cette  forme  a  été  bien  décrite  par  Hudson  (1886),  puis  par Levander   (1894)  ;   il  n'en  existait  néanmoins  pas  de  figure 10 p.    DR   BEATT.ITAMP montrant  bien  les  caractères  sur  lesquels  nous  devons  insister. Elle  paraît  s'écarter  beaucoup  des  précédentes,  tout  en  réali- sant entièrement  le  type  conventionnel  de  Fappareil  rotateur  ; mais  décrivons-la  d'abord  (lig.  6).  La  surface  supérieure  tronquée de  la  tête  est  occupée  par  un  vaste  champ  nu  à  la  partie  ventrale duquel  le  cerveau  est  immédiatement  accolé.  Ce  champ  est  divisé eu  deux  lobes,  droit  et  gauche  ;  une  bande  finement  ciliée  en  fait le  tour,  interrompue  par une  lacune  dorsale  entre ceux-ci,  tandis  que  ven- tralement  elle  s'élargit  un peu,  porte  la  bouche  en son  milieu,  se  continue avec  l'œsophage  cilié  et se  prolonge  vers  le  bas en  une  lèvre  inférieure courte,  mais  saillante  pres- que horizontalement.  Elle est  bordée  en  haut  i^ar une  rangée  de  cils  longs et  forts  qui  passe  au- dessus  de  la  bouche  (c'est elle  qui  donne  lieu,  par une  illusion  bien  analysée FiG.  fi.    —   Pedalion  nUrum  Uiw^o-x  :    extrémité    supé-    par    ZeLINKA,    1886,    chcZ rieure   x  250  environ.   T.  vue  ventrale  ;  II,  vue  laté-    ^    ,,.-,.  ;      t  i,.,.  ,„^v.r.rv ,    „.      ,  ..^  ,       -  X.1    4.      4.       1         (lalhdina,    a    J  apparence raie.  Mêmes  lettres  que  les  précédentes,  et  :  rt,  champ    '  w"'^"""  "    »  ii apical  ;  if,  trochus  ;  Z,  lèvre  inférieure.  d'unC    doublc     rOUC     tour- nante qui  a  tant  frappé  les  anciens  observateurs  et  d'où  ])ro- vient  le  nom  d'organe  rotateur)  ;  elle  l'est  en  bas  par  une  autre rangée  de  cils  beaucoup  plus  courts,  guère  plus  longs  que  les siens,  qui  borde  également  la  lèvi'e  inférieure.  Tous  les  cils  qui tapissent  celle-ci  sont  beaucoup  plus  longs  (jue  ceux  du  reste. Au  fond,  cette  disposition  n'est  pas  si  éloignée  qu'elle  le  parait de  celle  de  Notommata  :  le  large  champ  nu  de  Fedalion  correspond au  petit  espace  frontal    de  celui-ci  ;  il  s'est  chez  le  premier IVAPPAREIL  HOTATETll   DES  UOTIFERES  44 considérablement  rétréci  en  même  temps  que  le  cerveau  s'enfon- çait dans  la  profondeur,  mais  ses  rapports  primitifs  avec  lui  sont encore  attestés  par  la  présence  des  orifices  de  l'appareil  rétro - cérébral  (celui-ci  n'a  pu  être  décelé  chez  Pedalion  mirum,  mais chez  Pterodina  clypeata  où  l'organe  rotateur  est  tout  à  fait analogue  sauf  l'absence  de  lèvre  inférieure,  il  en  existe  un  rudi- ment avec  deux  conduits  débouchant  à  droite  et  à  gauche  sur l'espace  apical).  La  bande  ciliaire  qui  entoure  ce  champ  est naturellement  beaucoup  ])lus  développée,  tandis  que  la  ciliation ventrale  a  subi  une  régression,  l'animal  étant  pélagique  au  lieu de  ramper  parmi  les  végétaux,  et  pourtant  la  lèvre  inférieure est  encore  bien  marquée.  Enfin  la  présence  de  cils  plus  longs sur  les  deux  bords  du  sillon  cilié,  surtout  le  supérieur,  est commandée  chez  un  animal  nageur  par  des  raisons  purement mécaniques.  Quani  à  l'interruption  dorsale  elle  est  tout  à  fait secondaire  et  on  en  rencontre  de  semblables  à  chaque  instant dans  l'étude  des  appareils  rotateurs,  même  chez  des  types  très voisins. La  disposition  réalisée  chez  Pedalion  est,  nous  n'avons  pas besoin  de  le  rappeler,  celle  qui  se  rencontre,  en  outre  de  Pterodina, chez  les  Ploïmes,  dans  les  Philodinidés  parmi  les  Bdelloïdes et  les  Mélicertiens  chez  les  Rhizotes,  avec  des  complications secondaires  (présence  d'une  trompe,  lobes  plus  nombreux).  C'est à  elle  qu'on  a  emprunté  le  type  prétendu  fondamental  de  l'organe rotateur  où  l'on  décrit  les  deux  couronnes  supra-  et  infra-orale sans  insister  d'habitude  sur  le  sillon  cilié  qui  les  sépare  ;  mais  on a  trouvé  celui-ci  dans  la  plupart  de  ces  formes  dès  qu'on  a voulu  y  regarder  de  près.  Levander  l'avait  déjà  vu  dans  Peda- lion (1894),  Plate  l'a  signalé  dans  Pterodina  (1889),  Zelinka dans  CalUdina  (1886),  Hlava  dans  Conochiloides  (1905),  et bien  qu'il  ne  figure  pas  dans  les  descriptions  nombreuses  de Melicerta  ringens,  j'ai  pu  m'assurer  de  sa  présence  chez  cette forme  où  les  cils  sont,  il  est  vrai,  fort  ténus. 12 P.  DE  BEAUCHAMP 6"  L'appareil  rotateur  de  (Ji/z-lo/tia  fiibn  (Ehrenberg) La  couronne  ciliairc  de  C.  tuba  a  été  bien  décrite  et  figurée par  EousSELET  (1894)  auquel  nous  devons  tout  ce  que  nous savons  sur  cette  espèce  dont  il  a  fait  à  juste  titre  un  genre  spé- cial. Mais  ses  figures  ne  se  prêtent  pas  à  la  comparaison  avec les  nôtres,  et  son  interprétation  a  été  viciée  par  la  préoccupa- tion des  «  deux  couronnes  »  classiques  bien  qu'il  ait  reconnu qu'elle  forme  passage  entre  Notommata  et  Hydatina.  J'ai  eu la  bonne  fortune  de  pouvoir  me  procurer  de  cette  espèce  rare quelques  exemplaires  que  j'ai  étudiés  au  point  de  vue  de  l'ap- pareil rotateur  et  qui  m'ont  fourni  des  conséquences  impor- tantes quant  à  l'interprétation  de  celles  qui  vont  suivre. FlG.  7.  —  CyHonia  tuba  (Ehrbg).  Extrémité  supérieure  x  380  environ.  Mcpies  lettres  que  les précédente*,  et  :  t,  touffes  ciliaires  supérieures  ;  d,  arcs  ciliaires  adoraux. Chez  CyHonia  (fig.  7)  il  existe  encore  un  vaste  champ  apical nu  qui  se  relève  dorsalement  en  pointe  très  obtuse  ;  il  est  limité par  une  rangée  de  cils  assez  forts  dont  la  longueur  est  minima, sans  pourtant  qu'ils  s'interrompent,  au  sommet  de  cette  pointe, sur  la  ligne  médiane  dorsale.  Deux  soies  un  peu  plus  fortes, sans  doute  sensorielles,  se  trouvent  de  part  et  d'autre  de  celle-ci. Latéralement  la  ceinture  ciliaire,  en  décrivant  une  sinuosité dont  les  cils  sont  plus  longs,  vient  se  jeter  dans  les  angles  d'une aire  circumbuccale  ciliée  qui  occupe  toute  une  large  troncature antéro -supérieure  se  raccordant  au  champ  frontal  et  à  la  surface du  corps.  Vue  de  face,  elle  a  la  forme  d'un  quadrilatère  allongé .    L'APPAREIL  ROTATEUR  DES  ROTIFERES  13 transversalement  ;  dans  sa  moitié  inférieure  se  trouve  la  bouche, fendue  dans  la  hauteur.  Elle  est  bordée  de  deux  rangées  de  longs cils,  incurvés  vers  son  intérieur,  qui  à  son  extrémité  supérieure se  portent  transversalement  en  dehors,  divisant  l'aire  buccale en  deux  champs  superposés.  L'inférieur,  séparé  lui-même  en deux  moitiés  symétriques  par  la  bouche,  est  nu  ou  ne  porte que  quelques  cils  clairsemés  ;  il  est  séparé  de  la  surface  du  corps par  deux  arcs  ciliaires  rejoignant  l'extrémité  inférieure  de  la fente  buccale.  Le  supérieur,  beaucoup  plus  vaste,  est  tout  entier tapissé  de  cils  relativement  longs  (plus  que  chez  Notommata), et  sa  limite  supérieure  est  formée  par  une  rangée  de  cils  très longs,  séparés  en  une  touffe  médiane  plus  haute  et  deux  laté- rales s'abaissant  graduellement  ;  elles  bordent  immédiatement le  champ  cilié,  au  contraire  de  ce  que  figure  Eousselet.  A  l'angle externe  de  ce  champ,  les  trois  rangées  de  cils  que  nous  venons de  décrire  se  confondent  entr'elles  et  avec  la  ceinture  circum- apicale,  ou  plutôt  toutes  se  confondent  avec  les  cils  du  champ lui-même  beaucoup  plus  longs  à  cet  endroit,  ce  qui  donne  lieu à  l'apparence  d'oreillettes  bien  vue  par  Rousselet. Si  nous  comparons  maintenant  cette  organisation  à  celle  de notre  premier  type,  nous  constatons  d'abord  la  dilatation  du champ  apical  comme  chez  Pedalion  (le  cerveau  n'y  est  pas  immé- diatement sous-jacent,  mais  ses  nerfs  rayonnent  vers  lui  ;  le petit  nombre  d'exemplaires  à  ma  disposition  ne  m'a  pas  permis de  rechercher  l'appareil  rétro-cérébral,  mais  je  ne  serais  pas étonné  qu'il  en  existât  un  rudiment  comme  celui  que  j'ai  décrit dans  Hydatina,  [1906]).  Mais  à  l'inverse  de  Pedalion,  la  bande ciliaire  qui  contourne  ce  champ  s'est  réduite  à  une  simple  rangée de  cils  forts  (chose  déjà  réalisée  dans  quelques  IS'otommatidés  : voyez  ci-dessus  Proaies  et  la  description  de  Notommata  distincta par  Bergendal,  1892),  tandis  que  l'aire  buccale  gardait  un grand  dévelox)pement.  Toutefois  sa  partie  supérieure  reste  seule complètement  ciliée  et  se  borde  de  cils  plus  longs,  l'inférieure régressée  se  réduit  à  deux  arcs  ciliaires  séparés  de  celle-ci  et  se rejoignant  à  l'extrémité  inférieure  de  la  bouche,  que  nous  allons H  1',   l)F,  HEATTHAMP maintenant  rotrouver  chez  toutes  les  formes  qu'il  nous  reste à    examiner. 7"  L'appareil  rotateur  dH lùiclihuii^  dilntulti  Ehrenberg Cette  forme  très  commune  a  été  souvent  décrite  ;  les  anciennes descriptions  de  Leydig  (1854)  et  Cohn  (1858)  sont  incomplètes, celle  d'HuDSON  (1872)  in- exacte, celles  ])lus  récentes d'EcKSTEiN  (1883),  de  Plate (1886),  de  Weber  (1898), sont  correctes  et  sensible- ment concordantes.  Mais  il n'eu  avait  pas  encore  été donné  de  ligure  détaillée  et permettant  la  comparaison avec  les  précédentes.  I^ous reconnaissons  à  première  vue (fig.  8)  le  champ  cUié  de f'yrtonia  où  s'ouvre  inférieu- rement  la  bouche  ;  mais  il est  beaucoup  plus  réduit, triangulaire  de  forme,  et  les cils  qui  le  tapissent  sont  très courts,  à  rinverse  de  ceux qui  le  bordent  :  les  latéraux, peu  nombreux,  se  portent en  dehors,  les  supérieurs  for- ment trois  rangs  différenciés de  taille  croissante  à  partir du  bas  et  dont  le  dernier  est divisé  comme  dans  la  forme  précédente  en  une  touffe  médiane et  deux  latérales,  un  peu  plus  élevées.  Celles-ci  en  dehors s'incurvent  légèrement  vers  le  bas  sans  rejoindre  tout  à  fait  les deux  autres  côtés  du  triangle.  Les  deux  arcs  ciliaires  inférieurs de  Cyrtonia  sont  ici  bien  développés  et  complètement  indépen- P'k;.  8.  —  Euchanix  (Hlalula  Khkhg.  Tête  x  27^ environ.  T.  vue  ventrale  :  II,  vue  dorsalf Mêmes  lettres  Que  précédenimeut. l/APPAHEIl.  HOTATETTR   DES  UOTTFÈRES 15 ■È> (f —P fn dants  du  champ  ;  ils  se  réunissent  en  bas  sous  la  bouche,  s'in- curvent en  dehors  et  se  terminent  sur  les  côtés  sans  se  continuer avec  ceux  dont  nous  allons  parler. La  ceinture  circumapicale   enclôt  un  espace  beaucoup  plus petit,  mais  qui  renferme  les  deux  ,^; papilles  par  où  s'ouvre  le  sac rétro-cérébral,  flanquée  chacune en  dehors  d'une  petite  éminence qui  porte  des  soies  sensorielles (elle  a  été  bien  vue  par  Plate  ; cf.  les  tentacules  que  nous  avons vus  chez  ProaJes  'petromyzon).  La coupe  de  la  iig.  9  montre  les  rap- ports des  organes  céphaliques identiques  à  ce  qui  existe  chez Notommata.  Quant  à  la  ceinture elle-même  elle  comprend  deux parties  bien  distinctes  :  une  ran- gée dorsale  juste  derrière  les  pa- ]iilles,  dont  les  cils  assez  longs s'abaissent  et  s'interrompent presque  sur  la  ligne  médiane  ; deux  rangées  latérales  placées notablement  plus  bas  et  séparées d'elle  par  une  forte  lacune  ver- ticale, qui  sont  formées  de  cils  Fig.  O.  —  Emhlanis  dUatata  Ehkhg.  Coupe ,    ^        ,  ^    ^      t,      j_  X    '  sagittale  paramédiane  x  350.  Mêmes  lettres. très  longs,  très  forts,   recourbes en  dehors,  qui  rappellent  presque  des  oreillettes  (la  présence  de cils  plus  longs  aux  extrémités  latérales  de  la  couronne  est,  nous l'avons  vu,  un  fait  fréquent,  surtout  chez  les  formes  dont  le corps  est  autant  ou  plus  large  que  celle-ci  ;  elle  s'explique évidemment  par  des  raisons  mécaniques  fort  simples).  Ces  deux arcs  latéraux  de  la  ceinture  postérieure  restent  séparés  par  un certain  espace  de  ceux  qui  passent  sous  la  bouche;  les  rangées limitant  le    champ  ciliaii'e   ventral   arrivent  entre  les  deux  et 16 P.  DE  BEAUGHAMP ne  les  touchent  pas  davantage.  Toutes  les  espèces  d'Euchlanis sont  conformes  à  ce  type. 8^   L'appareil  rotateur  à!Hi/datinn  senta  (0.  F.  Millier) Cette  forme,  si  favorable  à  Fétude  et  dont  pourtant  nous  ne possédons  pas  une  monographie   détaillée,   a  eu  sa  couronne figurée  et  décrite  autre- fois par  OOHN  (1856)  et Leydig  (1857),  plus  ré- cemment par  Plate (1886),  qui  Ta  fait  cor- rectement. L'importance de  son  interprétation étant  grande,  j'en  re- donne néanmoins  une figure  (fig.  10).  Elle  dif- fère somme  toute  fortpeu des  deux  précédentes  : le  champ  ciliaire  supra - buccal  est  encore  plus réduit  que  chez  Euchla- nis,  tapissé  de  cils  très fins  qui  plongent  dans la  bouche.  Ils  ne  mon- tent pas  tout  à  fait jusqu'aux  deux  rangées de  cils  forts,  les  supé- rieurs plus  grands  et plus  espacés,  qui  le  limi- tent et  sont  eux-mêmes  surmontés,  toujours  comme  chez  elle, par  trois  touffes  de  cils,  qui,  simple  bordure  du  champ  chez Cyrtonia,  sont  ici  extrêmement  diiïérenciées.  Tout  d'abord elles  sont  formées  de  lamelles  triangulaires  très  larges,  que leur  dissociation  aisée  sous  l'influence  des  réactifs  montre, aussi  bien    que    l'étude    histologique,    être   de    véritables   cils Fig    10.  —  Eydatina  senta  (Muller).  Tête  x  260  environ. I,  vue  ventrale  ;  II,  vue  dorsale.   Mêmes  lettres. L'APPAUKIL  HOTATEliH  DES  ilOTIFÈRKS  17 composés.  Comme  elles  n'ont  pas  encore  en  français  de nom  qui  s'applique  bien  à  elles,  je  propose  de  les  appeler membranelles  ainsi  que  celles  des  Tnfusoires  Hétérotriches  aux- quelles elles  sont  absolument  comparables  au  point  de  vue histologique  comme  cils  composés,  au  point  de  vue  morpholo- gique général  comme  différenciation  d'un  champ  ciliaire  d'abord homogène. La  touffe  médiane  se  décompose  en  deux  rangées  de  mem- branelles superposées  :  une  ventrale  presque  sessile  en  a  sept, une  dorsale,  portée  sur  une  éminence  très  saillante,  en  a  quatre. Les  deux  latérales,  également  portées  par  des  surélévations  du champ,  se  décomposent  elles-mêmes,  cette  fois  dans  le  sens transversal,  en  deux  :  la  partie  interne  a  deux  membranelles, rarement  trois,  l'externe  en  a  cinq  d'après  Plate,  plus  souvent d'après  mes  observations  six  ou  sept  ;  les  dernières  s'inflé- chissent vers  le  bas  et  restent  séparées  par  une  lacune  de deux  rangées,  de  membranelles  également,  qui  limitent  le  champ ciliaire  sur  les  côtés  et  plongent  avec  lui  dans  la  bouche. L'ensemble  constitue  ce  que  les  auteurs  ont  appelé  la  «  cou- ronne préorale  »  de  l'Hydatine.  Mentionnons  un  détail  non  vu par  Plate  :  ces  deux  rangées  latérales  sont  doublées  chacune d'une  rangée  de  cils  ordinaires  très  régulièrement  intercalés entr'elles.  A  la  partie  inférieure,  ils  se  continuent  par  deux touffes  linéaires  dans  l'intérieur  de  la  bouche  au-dessous  des dernières  membranelles  ;  à  la  partie  supérieure,  par  deux  petits arcs  ciliaires  doublant  les  touffes  latérales  et  se  continuant avec  la  plus  inférieure  des  deux  rangées  transversales  décrites tout  à  l'heure  (qui  sont  formées  également  de  membranelles, mais  plus  petites). Une  ceinture  postérieure  de  cils  fins  et  serrés  court  parallèle- ment aux  trois  touffes  supérieures  et  un  peu  plus  bas.  Elle  enclôt un  champ  apical  bien  étroit  comparé  à  ceux  de  Cyrtonia  ou  de Pedalion,  mais  oii  aboutissent  les  deux  tractus  qui  terminent l'appareil  rétro-cérébral  rudimentaire  décrit  par  moi  chez  cette forme  (un  peu  en  arrière  de  la  touffe  médiane,  par  conséquent, ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  UE.N.  IV^  SERIE.  T.  VI.  (il  2 18  l\  DE  BEAUCHAMP et  non  de  part  et  d'autre  d'elle  comme  je  l'ai  dit  par  erreur  dans ma  note  1906).  Elle  se  continue  avec  les  arcs  ciliaires  adoraux se  réunissant  sous  la  bouche  et  formés  de  cils  semblables,  sans autre  démarcation  qu'une  inflexion  oii  s'insère  une  forte  soie sensorielle  (deux  autres  soies  semblables  existent  plus  dorsale- raent,  sans  doute  homologues  de  celles  que  j'ai  signalées  dans Cyrtonia).  L'ensemble  forme  la  couronne  postorale  des  auteurs. A  côté  de  l'appareil  rotateur  de  l'Hydatine,  il  faut  placer  celui des  Brachions  qui  lui  sont  rattachés  par  l'intermédiaire  du  genre Notops.  Il  a  été  bien  figuré  par  Eckstein  (1883)  chez  Brachionus urceolaris  Mùller,  ce  qui  me  dispense  de  le  dessiner  à  nou- veau. Là  est  encore  plus  accentuée  la  disposition  en  double  cou- ronne (profondément  différente  comme  on  le  voit  de  celle  de Pedalion  et  des  Mélicertiens),  compliquée  par  la  présence  de lobes  qui  s'intercalent  entre  les  épines  de  la  carapace.  La  «  cou- ronne pré-orale  »  forme  trois  lobes  (voir  le  schéma  K,  fig.  13), les  deux  latéraux  larges,  bordés  de  cils  forts  et  longs  mais  sans autre  différenciation,  le  dorsal  très  long  et  ovi  l'on  reconnaît à  première  vue  la  touffe  médiane  postérieure  de  l'Hydatine. Toute  la  surface  de  ces  lobes  est  tapissée  de  cils  très  fins,  bien figurés  par  Eckstein  et  dont  j'ai  moi-même  constaté  la  pré- sence sur  plusieurs  espèces  de  Brachions.  Ils  se  continuent  avec la  ciliation  de  l'entonnoir  buccal.  Quant  à  la  «  couronne  post- orale »,  elle  comprend  deux  lobes  dorsaux  bordés  par  la  ceinture circumapicale,  deux  ventraux  —  non  raccordés  aux  ])récé- dents  —  par  les  arcs  adoraux.  Je  n'insiste  pas  sur  la  disposition des  soies  sensorielles. m.  LA  CONCEPTION  GÉNÉRALE  DE  L'APPAREIL  ROTATEUR ET  SES  VARIATIONS Il  nous  est  maintenant  facile  de  nous  fah'e  une  idée  générale de  l'appareil  rotateur  et  de  concevoir  une  forme  simple,  appa- remment primitive,  dont  il  nous  sera  aisé  de  faire  dériver toutes  les  autres  par  des  modifications  étroitement  liées  au  genre -,y L'APPAREIL  ROTATEUR  DES  ROTIFERES  19 de  vie.  J'espère  pouvoir  prouver  ailleurs,  en  sortant  du  groupe des  Eotifères,  que  c'est  en  effet  une  voie  qu'a  dû  suivre  la  diffé- renciation pbylogénique  et  qui  explique  seule  les  ressemblances et  les  rapports  entre  un  certain   nombre  de  formes  animales. Nous  ferons  ce  type  morphologique  intermédiaire  à  Notommata et  à  Pedalion  (flg.  11). Un  large  champ  apical nu,  qui  représente  le point  de  l'ectoderme oii  s'est  différencié  le cerveau  (celui-ci  n'est plus  en  contact  direct avec  lui  chez  les  Eoti- fères)      Il    n'a    iamais    ^^^'  ^^'    ~   ^^^^^^   '^"  *yP''   générai  de   rappareil  rotateur. *'  ^  Mêmes  lettres. de  cils  moteurs,  mais porte  fréquemment  des  soies  et  organes  sensoriels.  C'est,  en un  mot,  pour  lui  donner  son  véritable  nom  qui  indique  du coup  ses  homologies,  une  plaque  syncipitale.  L'on  y  trouve encore  les  orifices  du  sac  rétro -cérébral,  différenciation  glandu- laire de  l'ectoderme  apical  qui  s'applique  à  la  face  postérieure du  cerveau.  Ce  champ  est  entouré  d'une  bande  finement  ciliée que  nous  appellerons  bande  circumapicale.  En  avant  elle  s'élargit pour  se  jeter,  sans  démarcation  nette,  dans  un  vaste  champ ventral  également  cilié  où  s'ouvi'e  la  bouche  et  que  nous  appel- lerons la  plaque  buccale;  nous  y  distinguerons  dès  à  présent, en vue  de  l'étude  des  modifications  qui  vont  suivre  et  bien  qu'elles ne  soient  pas  séparées  chez  ce  type  primitif,  une  portion  supra- orale,  une  adorale  et  une  infra-orale.  Si  nous  admettons  que des  cils  un  peu  plus  forts,  surtout  "au  bord  supérieur,  suivent les  contours  de  cet  appareil  ciliaire  (qui  présente  comme  on  le voit  la  forme  d'une  bague  avec  son  chaton),  on  pourra  dire que  ce  schéma  diffère  peu  du  schéma  classique  dans  lequel Delage  et  HÉROUARD  (1897)  et  Hartog  (1901)  ont  compris correctement  la  ciliation  de  l'espace  compris  entre  les  deux couronnes.  Il  en  diffère  pourtant  :  1°  par  l'importance  majeure 20  P.   DE  BEAUCIIAMP attribuée  à  cette  ciliation,  dont  les  couronnes  ne  sont  qu'une différenciation  non  constante  ;  2°  par  la  distinction  essentielle entre  la  portion  buccale  et  la  portion  circumapicale. Chez  Notommata,  forme  rampante  (fig.  12  A)  la  tête  s'allonge et  le  cerveau  s'enfonce  dans  la  profondeur  ;  l'aire  syncipitale  se réduit  par  suite  à  une  petite  dépression  nue  que  permettent seuls  d'homologuer  les  conduits  de  l'appareil  rétro -cérébral. Une  bande  circumapicale  plus  ou  moins  développée  le  contourne, peu  distincte  de  la  plaque  buccale  qui  au  contraire  est  très  éten- due et  se  prolonge  loin  en  arrière  de  la  bouche,  souvent  diffé- renciée en  lèvre  inférieure.  Sa  ciliation  uniforme  constitue, comme  chez  une  Planaire,  le  seul  moyen  de  locomotion  de  l'ani- mal quand  il  rampe  ou  nage  lentement.  Quand  il  nage  avec  vi- gueur, apparaissent  deux  oreillettes  qui  ne  sont  qu'une  différen- ciation latérale  de  l'appareil  ciliaire,  invaginable  et  à  cils  allongés. Chez  Diglena  (fig,  12  B)  le  type  est  identique,  sauf  la  disparition totale  de  la  ceinture  circumapicale  inutile  à  la  reptation  (ce type  est  aussi  réalisé  fort  loin  de  là  dans  Adineta,  correspondant au  second  type  bdelloïdique  d'HuDSON  [1886]).  Chez  des  formes moins  exclusivement  rampantes,  on  observe  une  série  de  régres- sions à  partir  des  deux  précédents,  avec  développement  varié des  diverses  parties,  mais  le  plus  souvent  disparition  de  la portion  infra-orale  comme  nous  l'avons  décrit  chez  Proaies  et Furcularia.  On  remarquera  que  ces  deux  formes  tendent  par simplification  à  la  constitution  d'un  cercle  ciliaire  unique, supra-oral  chez  l'une,  infra-oral  chez  l'autre  (Cf.  ma  description de  Drilo'pliaga  Delagei  de  Beauchamp  et  Pleurotrocha  parasitica, Jennings  1905  h)  et  que  ceux-ci  ne  préjugent  ainsi  nullement l'existence  d'un  type  normal  à  deux  couronnes.  Ces  exemples suffisent  à  indiquer  les  très  nombreuses  variations  qu'offrent les  Notommatidés  dans  leur  appareil  ciliaire,  suivant  le  genre  de vie,  et  dans  la  revision  si  nécessaire  de  cette  famille  il  sera  aisé de  les  y  rattacher  presque  toutes  (voir  les  figures  de  Bergendal, 1892). Dans  un  second  groupe  de  formes, la  disposition  est  précisément L'APPAREIL  ROTATEUR   DES  ROTIFERES 21 inverse  :  élargissement  de  la  bande  circumapicale,  réduction de  la  plaque  buccale  qui  ne  sert  plus  à  la  reptation  ;  chez  Feda- lion  mirum  (fig.  12  D)  et  quelques  Mélicertiens  elle  forme  encore une  lèvre  inférieure,  jouant  sans  doute  un  rôle  dans  la  préhen- sion des  aliments  et  qui  manque  dans  l'autre  espèce  du  genre Pedalion  (voir  Levander,  1894).  Les  deux  bords  de  l'appareil ciliaire  se  garnissent  de  cils  beaucoup  plus  longs,  surtout  au bord  sui)érieur,  qui  prennent  le  rôle  XJrincipal  dans  la  propul- FiG.  12.  —  Schéma  de  queltiues  appareils  rotateurs  :   A,  Notommata  ;  B,  Diglena  ;  C,  Eos- phora  ;  P,  Pedalion  ;  E,  Melicerta  ;  F,  Callidina. sion  chez  les  formes  nageantes,  dans  l'adduction  des  particules alimentaires  chez  les  fixées,  tandis  que  la  ciliation  qui  les  sépare devient  très  fine.  Il  y  a  d'ailleurs  une  division  du  travail connue  depuis  longtemps  entre  ces  parties  :  le  trochus,  mettant l'eau  en  mouvement  dans  le  sens  vertical,  produit  la  progres- sion ou  amène  les  paroicules  flottantes  à  portée  du  cingulum et  de  la  bande  ciliée  qui  les  acheminent  vers  la  bouche,  dans le  plan  horizontal.  Ce  type  correspond  à  l'un  des  deux  types rhizotiques  d'HuDSON  et  l'un  de  ses  deux  types  bdelloïdiques  : il  est  en  effet  réalisé,   chez  les  Ploïmes,  dans  la  famille  des -2^2  P.   DE  BEAUCHAMP Pterodinidés  (1),  chez  les  Scirtopodes,  chez  les  Ehizotes  Méli- certiens  où  il  se  complique  peu  à  peu  en  se  lobant  pour augmenter  l'étendue  de  la  ligne  ciliaire  utile  (fig.  12  e),  enfin chez  les  Bdelloïdes  dans  leur  principale  famille,  les  Philodinidés, où  apparaît  un  nouvel  organe,  la  trompe,  en  rapport  avec  le mode  particulier  de  reptation  (fig.  12  F).  Je  n'insiste  pas  sur celle-ci,  Zelinka  (1891)  ayant  magistralement  démontré  par l'embryologie  qu'elle  correspond  à  une  partie  médiane  du  champ apical  lui-même,  qui  a  donné  naissance  à  la  partie  postérieure du  cerveau  et  se  déplace  ensuite  vers  le  dos  :  si  ces  animaux avaient  un  sac  rétro -cérébral,  c'est  au  sommet  de  la  trompe qu'il  s'ouvrirait. Parlons  ici  du  cas  d'Eosphora  digitata  Ehrbg  dont  j'ai  publié une  figure  l'année  dernière  (1905  a).  Elle  possède  dorsalement (fig.  12  C)  deux  couronnes,  dont  la  supérieure  est  interrompue par  deux  protubérances  oculaires  ;  un  peu  en  avant  d'elle, deux  tentacules  sétigères  et  les  orifices  du  sac  rétro-cérébral. Latéralement,  les  deux  couronnes  se  réunissent  en  une  seule  qui vient  se  fermer  sous  la  bouche.  Nous  avons  là  un  cas  analogue au  précédent  par  la  duplicité  postérieure  des  couronnes  dérivées de  la  bande  circumapicale,  mais  avec  disparition  complète  de la  plaque  buccale.  La  raison  en  est  simple  :  en  dehors  des  formes rampantes,  celle-ci  sert  à  amener  à  la  bouche  les  débris  ou  les petits  êtres  vivants  dont  se  nourrit  l'animal.  Quand  son  régime se  compose  de  proies  vivantes  de  grande  taille,  qu'il  saisit  direc- tement avec  un  mastax  forcipé  plus  ou  moins  préhensile,  ce qui  est  le  cas  ici,  elle  n'a  plus  de  raison  d'être  et  disparaît. Eosphora  digitata  nous  mène  par  l'intermédiaire  de  Triphylus lacustris  (Ehrbg)  qui  a  le  même  type  aux  Asplanchna  dont  les mœurs  sont  les  mêmes  et  où  n'existe  plus  qu'un  cercle  ciliaire simple  (voyez  Masius,  1890,  et  les  autres  descriptions  des  auteurs (1)  On  compte  souvent  parmi  les  Ploïmes  à  couronne  double  les  Microcodonidés  ;  je  n'ai pu  encore  les  étudier  à  ce  point  de  vue,  mais  un  coup  d'œil  sur  les  figures  des  auteurs  suffit à  montrer  que  les  deux  couronnes  sont  réalisées  par  un  processus  tout  différent  et  rappelant plutôt  ce  que  nous  allons  voir  tout  à  l'heure.  Au  contraire  le  genre  Triarthra  parait  se  rapporter au  type  Pedalion  avec  simplification. I/APl'AREIL  ROTATEUR   DES  IIOTIEERES 23 Leydig,  1854,  Plate,  1886,  etc.),  la  couronne  supérieure  à'Eos- phora  ayant  disparu  tandis  que  les  protubérances  oculaires  et les  tentacules  qui  l'accompagnaient  persistent  sur  le  champ frontal  relevé  en  deux  bosses  de  V AsplancJina. Cyrtonia  nous  mène  à  un  quatrième  grand  type  (fig.  13  H)  : champ  apical  bien  développé,  la  bande  qui  l'entoure  réduite à  une  simple  rangée  de  cils,  plaque  buccale  très  large,  mais  sa partie  infra-orale  ayant  complètement  disparu  et  sa  partie adorale  réduite  aux  deux  arcs  ciliaires  qui  la  limitent  en  bas. Fig.  13.  —  Schéma  de  quelques  appareils  rotateurs  :   G,  Synchœta  ;  H,  Ci/rtonia  ;  I,  Euchlanis  ; J,  Hydatina  :  K,  Brachionm. Cette  plaque  est  bordée  de  cils  longs  (1)  qui  forment  au  bord supérieur  une  touffe  médiane  et  deux  latérales. Ces  caractères  se  modifient  peu  en  passant  aux  EucManis et  Hydatina  (fig.  13,  I  et  S),  par  la  diminution  simultanée  de l'espace  apical  et  de  la  ciliation  de  la  plaque  buccale  (en  rapport toujours  avec  le  mastax  :  ces  deux  genres  ont  un  mastax  malléé ou  sub-malléé,  légèrement  préhenseur,  tandis  que  celui  de Cyrtonia,  malléo-ramé,  ne  l'est  pas  du  tout).  En  même  temps, (1)  Chez  les  formes  rampantes,  nous  avons  trouvé  une  ciliation  uniforme;  chez  les  nageuses les  cils  marginaux  de  toute  aire  ciliée  sont  beaucoup  plus  longs  que  les  autres  ;  ce  n'est  pas une  simple  coïncidence  :  quand  les  cils  doivent  agir  sur  une  surface  soUde,  s'ils  n'étaient  pas tous  de  même  taille,  une  partie  d'entre  eux  ne  toucheraient  pas  le  substratum  et  n'agiraient pas.  Quand  ils  doivent  au  contraire  battre  l'eau,  les  marginaux  ont  un  champ  d'action  et une  résistance  a  vaincre  beaucoup  plus  grands,  et  ils  grandissent  par  excitation  fonctionnelle. 24  P.   DE  BEAUCIIAAIP hi  différenciation  histologique  des  cils  bordant  cette  plaque atteint  un  haut  degré  et  les  arcs  ciliaires  adoraux  arrivent  à se  raccorder  directement  à  la  ceinture  circumapicale  en  une couronne  infra-orale  unique,  plus  ou  moins  comparable,  quoique formée  par  des  intermédiaires  tout  différents,  à  celle  du  type Pedalion. Mais  on  ne  peut  nullement  homologuer,  comme  l'ont  fait  jus- qu'ici les  auteurs,  la  ceinture  préorale  du  Brachion  ou  de  l'Hy- datine  à  celle  du  Pedalion  ou  de  la  Mélicerte,  la  première  entou- rant une  partie  du  champ  buccal,  à  ciliation  prolongée  dans la  bouche  (qui  par  une  régularisation  secondaire  arrive  chez BracMonus  (fig.  13  K)  à  tapisser  le  sommet  apparent  de  la  tête et  rejette  dorsalement  le  véritable  espace  apical),  la  seconde ce  champ  apical  lui-même,  toujours  nu  on  ne  portant  que  des soies  sensorielles.  Le  «  pseudotrochus  »  plonge  à  la  partie  infé- rieure dans  la  bouche,  le  trochus  se  ferme  au-dessus  d'elle  ; il  est  vrai  que  dans  le  cas,  qui  peut  exister,  d'interruption  ven- trale, ce  caractère  n'est  pas  appréciable.  Les  deux  dispositions à  double  couronne,  si  semblables  que  tous  les  auteurs  jusqu'ici les  ont  identifiées,  sont  différentes  à  un  tel  point  qu'on  ne  peut les  concevoir  reliées  que  par  l'intermédiaire  du  schéma  que nous  avons  construit  et  qui  se  trouve  ainsi  justifié. Nous  savons  qu'au  type  des  Hydatinidés  se  rattache  celui des  Brachionidés,  et  celui  des  Auurœidés  qui  en  sont  proches. A  celui  moins  différencié  des  Euchlanidés  (1)  il  faudra  sans doute  rapporter,  avec  des  variations  analogues  à  celles  qui  se présentent  chez  les  Notommatidés,  et  souvent  plus  voisines  de celles-ci,  les  dispositions  de  l'appareil  rotateur  dans  les  quatre familles  des  Dinocharidés,  Coluridés,  Cathy;[3nidés  et  Salpi- nidés,  que  je  n'ai  pas  eu  le  temps  d'étudier  en  détail.  Il  nous faut  encore  rattacher  à  nos  descriptions  deux  autres  cas  oii l'appareil  rotateur  a  été  bien  décrit  :  celui  des  Synchaetidés, (1)  Le  cas  particulier  de  la  division  de  chaque  demi-ceinture  circumapicale  en  deux  arcs superposés  chez  Euchlanis  semble,  quand  on  le  rapproche  de  ce  que  nous  avons  vu  chez  Eos- phora,  devoir  faire  admettre  (jue  ces  deux  ares  dérivent  des  deux  lèvres  de  la  bande  ciliée primitive,  correspondant  ainsi  à  deux  portions  de  trochus  et  de  cingulum. L'APPAREIL  ROTATEUR  DES  ROTIFÈRES  â5 qu'on  trouvera  figuré  dans  l'excellente  monographie  de  Eous- SELET  (1902)  et  dont  je  donne  le  diagramme  fig.  13  A,  com- prend une  ceinture  apicale  simple,  très  étendue  vu  la  forme de  la  tête,  mais  dissociée  en  deux  arcs  ciliaires  dorsaux  et  deux oreillettes  latérales,  plus  deux  arcs  ciliaires  flanquant  la  bouche. En  un  mot  c'est  celui  de  Cyrtonia,  moins  la  plaque  supra- buccale  ciliée.  Sa  disparition  est  due  toujours  à  la  même  cause  : animal  carnassier  à  mastax  préhenseur  (1).  On  peut  en  dire  exac- tement autant  des  Rattulidés  si  bien  étudiés  par  Jennings (1904),  où  la  disposition  est  la  même,  sauf  que  la  petitesse  de la  tête  entraine  le  faible  développement  de  la  ceinture  posté- rieure (dans  les  deux  groupes,  le  sac  rétro-cérébral  que  j'y  ai décrit  le  premier  s'ouvre  à  son  intérieur)  ;  elle  rejoint  deux  arcs ciliés  flanquant  le  mastax  protactile  et  suceur. Je  n'énumère  pas  les  quelques  familles  non  encore  mentionnées dont  l'étude  détaillée  n'a  été  faite  ni  par  moi,  ni  par  les  auteurs  ; j'ai  pu  d'ores  et  déjà  m'assurer  qu'elles  ne  présentent  rien  de fondamentalement  différent  des  précédentes,  et  j'ai  jugé  inu- tile d'attendre  pour  publier  ce  travail  d'avoir  eu  le  temps  et l'occasion  de  rassembler  des  données  qui  n'en  auraient  pas modifié  les  grandes  lignes.  Un  seul  cas,  fort  aberrant,  ne  rentre pas  dans  les  descriptions  précédentes  :  c'est  celui  de  la  ciliation des  Flosculariens.  Elle  a  donné  lieu  à  plusieurs  interpréta- tions, dont  les  principales  sont  celles  d'HuDSON  (1886)  et  de Hlava  (1905),  également  erronées.  Une  observation  récente  sur Stephanoceros  fimhriatus  (Goldfuss)  dont  les  cinq  bras  ne  sont que  les  lobes  de  l'entonnok  des  Floscularia  prolongés,  m'en a  procuré  la  clef,  avec  une  confirmation  éclatante  de  la  géné- ralité de  mon  schéma.  Chez  Stephanoceros  au  moment  de  l'éclo- sion  existe  une  bande  circumapicale  bien  nette,  semblable  en tous  points  à  celle  des  jeunes  Mélicertiens,  avec  un  trochus développé,  entourant  un  champ  nu  où  se  trouvent  les  yeux. Elle  aboutit  à  une  plaque  buccale  sur  laquelle  s'élèvent  radiai- { I  )  Ces  corrélations  de  l'appareil  rotateur  avec  le  mastax,  liées  au   mode  de  progression et  d'alimentation,  ont  été  déjà  mises  en  évidence  par  Wesenberg-Lund  (1899). 26 P.   DE  BEAUCHAMP rement  autour  de  la  bouche  cinq  bourrelets  garnis  de  très  longs cils,  ébauches  des  cinq  bras, d'abord  invaginées,  puis  sail- lantes (flg.  14).  Donc  l'en- tonnoir des  Flosculariens, placé  secondairement  dans l'axe  du  corps  et  diâ'érencié en  une  véritable  nasse  pour la  capture  des  proies,  repré- sente la  seule  plaque  buc- cale, dont  il  a  conservé  en partie  la  ciliation  à  son intérieur,  et  lu.  ceinture  cir- cumapicale  a   totalement  disparu  chez    l'adulte. FiG.  14.  —  Stephanoceros  fimbriatus  Goldfuss)  jeune; tête,  vue  latérale,  x  360  environ.  Mêmes  lettres que  précédemment. IV.   CONCLUSIONS En  résumé  :  l'appareil  rotateur  se  compose  fondamentale- ment d'une  plaque  ciliée  buccale  et  d'une  bande  ciliée  circum- apicale.  Toutes  ses  formes  si  variées  n'en  sont  que  des  diffé- renciations étroitement  conditionnées  par  le  mode  de  vie  de l'animal  :  la  reptation  entraîne  un  grand  développement  de la  plaque  ventrale  qui  régresse  chez  les  formes  nageuses  ou fixées  où  elle  ne  sert  plus  qu'à  l'adduction  des  aliments  et disparaît  totalement  chez  les  formes  carnassières  à  mastax préhenseur  ou  suceur.  Une  ceinture  terminale  de  cils  forts  se différencie  chez  les  premières  pour  la  nage  ou  l'adduction  de la  nourriture,  aux  dépens  soit  de  la  bordure  du  champ  apical soit  de  la  plaque  buccale  elle-même.  Ces  diverses  différenciations se  faisant  dans  des  sens  et  par  des  voies  multiples,  il  est  le plus  souvent  parfaitement  vain  de  vouloir  homologuer  un  cercle ciliaire  d'une  espèce  donnée  à  l'un  des  cercles  d'une  autre  prise arbitrairement  comme  type.  Il  ne  le  serait  pas  moins  (bien  que l'appareil  rotateur  soit  appelé  à  rendre  de  grands  services  en systématique  pour  l'étude  des  rapports  entre  des  formes  voi- L'APPAREIL  ROTATEUR  DES  ROTIFERES  27 sines)  de  baser  une  classification  sur  des  caractères  aussi  nette- ment adaptatifs  et  de  conclure  de  ses  ressemblances,  comme Ta  fait  Wesenberg-Lund,  à  des  parentés  réelles  :  il  est  certain que  Diglena  et  Adineta,  Pedalion  et  Melicerta,  voire  Euchlanis et  Hydatina,  ne  dérivent  pas  d'un  ancêtre  unique  présentant les  caractères  qui  leur  sont  communs  et  s'opposant  par  eux  à l'ensemble  des  Eotifères,  mais  ont  acquis,  aux  dépens  d'une disposition  primitive  analogue  à  notre  schéma  qui  permet  seul de  les  relier,  des  caractères  identiques  sous  l'influence  de conditions  identiques. Sans  entrer  pour  le  moment  dans  la  comparaison  de  l'organe rotateur  avec  les  appareils  analogues  qui  se  rencontrent,  surtout à  l'état  larvaire,  dans  des  groupes  voisins,  je  voudrais  dès  à présent  généraliser  ces  conclusions  :  au  lieu  de  chercher  entre toutes  ces  formations  des  homologies  qui  ne  sont  pas  réelles, car  elles  ne  dérivent  certainement  pas  toutes  d'un  type  commun différencié  comme  la  fameuse  «  double  couronne  »,  on  ferait beaucoup  mieux  de  mettre  en  évidence  les  procédés  morpho- logiques et  les  conditions  mécaniques  et  biologiques  semblables qui  sont  arrivées  à  les  produire  analogues  aux  dépens  d'une ciliation  originairement  indifférenciée. OUVRAGES  CITES 1905a.  Beauchamp  (P.  Marais  de).  Remarques  sur  Eosphora  digi- tata  Ehrbg.  et  description  de  son  mâle.  (Arch.  Zoologie Expérimentale  (4),  vol.  III,  Notes  et  revue,  p.  ccxxv-ccxxxiii.) 19056.  Beauchamp  (P.  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Studien  iiber    Râdertiere  :    III  Ueber  Entwick- lungsgeschichte   der   Râdertiere,    nebst    Bemerkungen    fiber ihre  Anatomie  und  Biologie.   {Zeitschr.  wissensch.   Zoologie, Bd  LUI,  pp.   1-159,  pi.  1-VI.) (Travail  dit  Laboratoire  d' Anatomie  comparée  de   la   Sorbonne  et  de la  station  biologique  de  Roscoff.) ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IVe  Série,  Tome  VI,  p.  31-72,  pi.  I  et  II 25  F  écrier  1907 ÉTUDES  ET   RECHERCHES SUR LES  ÉDENTÉS TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES I,  —  Les    coupures  génériques    de    la  famille   des Bradypodidae 34 II.  —  Les  attitudes  et  la  locomotion  des  Paresseux.         55 PAR R.    ANTHONY Directeur-adjoint  du  laboratoire  maritime  du  Muséum  d'Histoire  naturelle Chef  des   travaux   de  l'Ecole  des   Hautes  Etudes  à   la   Station  physiolog'ique du  Collèg'e  de  France. INTRODUCTION Dans  les  traités  de  Zoologie  les  plus  récents  aussi  bien  que dans  les  mémoires  originaux  les  plus  modernes  et  les  mieux conçus,  les  auteurs  séparent  avec  trop  de  soin  encore  les  Tardi- grades  ou  Paresseux  actuels  (famille  des  Bradypodidae)  des Gravigrades  disparus  {Mylodon,  Megalonyx,  Scelidotherium, Megatherium,  etc).  Les  premiers  de  taille  relativement  réduite sont  des  animaux  aux  formes  grêles  présentant  les  caractères de  l'adaptation  extrême  à  la  vie  arboricole.  Les  seconds,  de taille  souvent  gigantesque,  aux  formes  toujours  lourdes  et massives  devaient,  si  l'on  en  juge  par  l'ensemble  de  leur  mor- phologie, mener  une  existence  terrestre  et  peut-être  semi- fouisseuse.  Si  l'on  y  regarde  de  près,  on  ne  tarde  pas  à  s'aper- cevoir que  ces  différences  générales  de  forme  et  d'aspect tiennent  surtout  à  des  différences   de  mode  de  vie  et  que  les ARCH.    DE    ZOOL.    EXP.    ET    GÉN.     —    4°    SERIE.    T.    VI.    (il).  3 32  R.  ANTHONY Gravigrades  et  les  Tardigrades  ont  en  somme  un  ensemble  de caractères  communs  portant  plus  spécialement  sur  les  parties anatomiques  les  moins  exposées  aux  modifications  que  peut entraîner  une  existence  arboricole  dans  le  cas  des  Tardigrades, terrestre  et  semi-fouisseuse  dans  celui  des  Gravigrades. Sans  vouloir  nous  engager  ici  plus  à  fond  dans  l'examen  de  la question  des  rapports  morphologiques  des  deux  groupes,  rappe- lons seulement  les  caractères  communs  de  leur  bassin,  de  leur omoplate,  de  leur  arc  jugal  et  enfin  de  leur  dentition  caracté- ristique d'un  régime  essentiellement  végétal. Ces  similitudes  morphologiques  suffiraient  déjà  à  elles  seules à  légitimer  la  réunion  des  Tardigrades  et  des  Gravigrades. si  la  Paléontologie  ne  venait  encore  fournir  à  cette  manière  de voir  un  appoint  important.  En  étudiant  les  fossiles  des  couches tertiaires  les  plus  inférieures  de  la  Patagonie,  on  est  arrivé à  découvrir  des  formes  animales  présentant  un  ensemble  de caractères  qui  permettent  de  voir  en  eux  les  ancêtres  communs possibles  des  Tardigrades  actuels  et  des  Gravigrades  disparus. Je  ne  veux  point  remonter  ici  jusqu'au  Protobradys  Jiarmonicus Amegh.,  animal  encore  trop  mal  connu,  qu'Ameghino  considère comme  cet  ancêtre  ;  je  veux  simplement  parler  des  nombreuses espèces  du  genre  Hapalops.  L'examen  des  planches  dont Scott  (1903)  a  illustré  sa  description  des  Edentés  du  Santa- cruzien  de  Patagonie  est  à  ce  point  de  vue  éminemment suggestif. Les  deux  groupes  des  Gravigrades  et  des  Tardigrades  sont en  somme  si  voisins  qu'on  ne  peut  entreprendre  l'étude  de l'un  sans  être  immédiatement  obligé  d'aborder  celle  de  l'autre, et,  tout  bien  pesé  et  examiné,  il  semble  impossible  qu'en Systématique  on  ne  les  réunisse  pas  en  un  seul  et  même  groupe auquel  on  pourra  donner  soit  le  nom  de  Phytophages  qu'on leur  a  d'ailleurs  déjà  attribué  en  raison  de  la  nature  essen- tiellement végétale  de  leur  régime,  soit  plus  heureusement peut-être  celui  de  Bradymorphes  par  exemple,  qui  rend  compte de  leurs  caractères  morphologiques  généraux. LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    33 C'est  ce  groupe  des  Phytophages,  ou  si  l'on  veut  des  Brady- morphes,  dont  j'ai  entrepris  depuis  phisieurs  années  déjà l'étude  à  la  fois  physiologique,  morphologique  et  systématique. Mais  comme  la  tâche  que  je  me  suis  imposée  est  véritablement longue  et,  en  raison  de  la  difficulté  que  l'on  a  à  se  procurer  des matériaux,  assez  peu  aisée,  j'ai  résolu  de  procéder  pour  ainsi dire  par  étapes. Mon  intention  est  donc  de  publier  sur  ce  sujet,  et  dans  un ordre  quelconque,  une  suite  de  mémoires  isolés  et  dont l'ensemble  réalisera,  j'espère,  dans  quelque  mesure,  le  pro- gramme que  je  me  suis  imposé. Je  présente  aujourd'hui  les  deux  premiers  de  ces  mémoires. Le  premier  a  pour  titre  :  Les  coupures  génériques  de  la FAMILLE  des  Bradypodidae.  Le  second  s'intitule  :  Les  atti- tutdes  et  la  locomotion  des  Paresseux. Bien  que  j'aie  voulu,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  ne  m'imposer dans  la  publication  de  ces  mémoires  aucun  ordre  particulier, j'ai  cru  bien  faire  en  publiant  ces  deux-ci  tout  d'abord.  Le premier  eût  logiquement  dû  être  un  des  derniers  de  la  série, puisque  la  Systématique,  telle  que  je  la  comprends  du  moins, doit  être  la  résultante  et  l'aboutissant  en  quelque  sorte  des études  de  Morphologie  et  de  Physiologie.  Mis  en  tête  des autres,  il  offre  à  mes  yeux  l'avantage  de  faire  connaître  de prime  abord  le  terrain  sur  lequel  je  vais  évoluer  et  de  permettre peut-être  au  lecteur  de  mieux  saisir  les  détails  anatomiques dont  il  sera  question  au  cours  des  autres  mémoires.  Quant  au second,  il  était  bien  naturel  de  le  produire  au  début  de  la série  :  pour  bien  comprendre  la  mprphologie  des  Paresseux, ne  faut-ii  pas  d'abord  bien  connaître  leur  mode  de  vie,  puisque c'est  en  somme  ce  mode  de  vie  qui  véritablement  les  a  fait. Le  troisième  mémoire  qui  paraîtra  sous  peu  traitera  des caractères  d'adaptation  des  extrémités  des  Paresseux. K.  A. 34  R.  ANTHONY LES    COUPURES    GÉNÉRIQUES DE  U  FAMILLE DES BRADYPODIDAE TABLE  DES  MATIERES I.  —  Du  nombre  de  genres  que  doit  en  réalité  contenir  la  famille  des  Bradypodidae (Etude  critique  des  coupures  génériques  de  Gray.) ^5 II.  —  Correspondance  des  genres  établis  avec  ceux  des  auteurs  et  plus  particulièrement de  Gray 41 III.  —  Dénominations  qu'il  convient  d'attribuer  aux  genres  des  Bradypodidae 44 IV.  —  Rapporta  des  différents  genres  de  Bradypodidae  entre  eux  et  avec  les  formes fossiles  du  Santacruzien 47 v.  —  résumé  et  conclusions 51 Index  bibliographique ,52 Légende  de  la  planche  I 54 On  s'accorde  en  général  aujourd'hui  pour  diviser  les  Brady- podidae actuels  ou  Paresseux  en  deux  genres,  le  genre  Choloepus Illig.  ou  Unau  et  le  genre  Bradypus  Linn,  ou  Aï,  habitant  tous deux  exclusivement  l'Amérique  du  Sud  et  l'Amérique  centrale. Les  genres  Acheus  de  F.  Cuvier  (1825)  et  Prochilus  d'iLLiGER (1811)  doivent  être  définitivement  éliminés,  le  premier  étant tombé  en  synonymie  et  le  deuxième  ayant  été  créé,  on  l'a reconnu  depuis,  pour  un  Ursidé. A  ces  deux  genres  toutefois,  Gray  en  a  adjoint  en  1849  un troisième,  le  genre  Arctopithecus  provenant  de  la  division  du genre  Bradypus  de  Linné  (1766)  ;  mais  l'unanimité  des  auteurs pour  ainsi  dire  se  refuse  actuellement  à  reconnaître  le  bien fondé  de  cette  coupure  générique    (Zittel.    Traité  de  Paléon- LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES  35 tologie,  1894  :  Flower  et  Lydekker  (1)  :  Mammals  living and  extinct.  London  1891.  —  Trouessart.  Catalogus  Mamma- lium,  1898-1899.  —  Beddard  :  Mammalia.  London  1902,  etc., etc.),  et  s'accordent  à  faire  rentrer  les  Arctopithecus  de  Gray dans  le  genre  Bradypus. Dans  la  première  partie  de  ce  travail,  nous  examinerons  la question  de  savoir  comment  doit  être  subdivisée  en  fait  la famille  des  Bradypodidae  :  doit-elle  comprendre  simplement deux  genres,  comme  le  pensent  les  auteurs,  ou  trois,  comme l'a  voulu  Gray  % Cette  première  question  tranchée,  une  deuxième  sera  posée, celle  de  la  correspondance  des  genres  que  nous  aurons  cru devoir  établir  avec  ceux  des  différents  auteurs  et  plus  parti- culièrement de  Gray.  La  deuxième  partie  de  ce  travail  sera consacrée  à  sa  résolution. La  troisième  partie  traitera  des  dénominations  qu'il  convient de  donner  aux  genres  de  Bradypodidae  que  nous  admettrons finalement. La  quatrième  enfin  traitera  très  Driévement  des  rapports des  différents  genres  de  Bradypodidae  entre  eux  et  avec  les formes  fossiles  du  Santacruzien. I Du  nombre  des  genres  que  doit  en  réalité  contenir  la  famille des  Bradypodidae  (Etude  critique  des  coupures  génériques  de  Gray). Les  caractères  des  trois  genres  de  Bradypodidae  tels  que  les conçoit  Gray  sont  donnés  par  lui  (Proceed.  Zool.  Soc.  1849, page  65)  de  la  façon  résumée  suivante  : 1.  Choloepus  :  Extrémités  antérieures  munies  de  deux  griffes  ;  extrémités  postérieurca munies  de  trois  griffes.  —  Molaires  antérieures  de  grande  taiUe,  ayant  la  forme  de  canines.— Ptérygoïdes  renflés,  subvésiculaires. 2.  Bradypus:  Extrémités  antérieures  et  postérieures  munies  de  trois  griffes.—  Pytérygoldw renflés,  creux,  vésiculaires. (1)  FLOWER  et  LYDDEKKER  disent  même  à  la  page  182  :  «  More  recently  D'  Gray  described as  many  as  eleven  species  ranged  in  two  gênera  Bradypus  and  ArctopUhecus  ;  but  tlie  dis- tinctions which  he  assigned  both  to  species  and  gênera  do  not  bear  close  examination.  » 36  R.  ANTHONY Il  fait  dans  ce  genre  rentrer  seulement  deux  espèces  qui  ne sont  vraisemblablement  et  jusqu'à  plus  ample  informé  que  des variétés  du  Bradypus  torquatus  Illig. 3.  ArctopithecitK  ■  Extrémités  antérieures  et  postérieures  munies  de  trois  griffes.  —  Dents antérieures  petites.  —  Ptérygoïdes  comprimés  en  forme  de  crêtes  et  compacts. Ce  genre  comprend  la  totalité,  à  part  les  deux  espèces  pré- citées, des  Paresseux  à  trois  doigts. Eéglons  d'abord  rapidement  la  question  du  CJioloepus.  Pour ce  qui  est  de  ce  genre,  il  n'y  a  pas  de  controverse  possible  ; sa  validité  ne  fait  de  doute  pour  personne,  d'autant  plus que  pour  achever  de  le  caractériser  on  peut  aux  caractères ci-dessus  énoncés  ajouter  les  très  importantes  particularités anatomiques  suivantes  qui  achèvent  de  le  séparer  nettement des  Paresseux  à  trois  doigts. Tête  plus  allongée  que  chez  le  Bradypus  Linn.  —  Extrémité  antérieure  de  la  mâchoire  infé- rieure développée  en  avant  en  forme  de  pointe.  —  Présence  d'un'diastème  en  arrière  des molaires  antérieures  qui  sont  en  forme  de  canines.  —  Intermaxillaires  très  développés.  — Os  malaire  court,  triangulaire,  dilaté  à  son  extrémité,  rappelant  par  sa  forme  un  peu  celui du  Miilodon  robuntus  Owen.  —  Sinus  crâniens  très  développés  notamment  dans  la  région  de la  voûte.  —  Foramen  sus-épitrochléen  à  l'humérus.  —  Premières  phalanges  non  soudées  aux métacarpiens  [ou  aux  métatarsiens  chez  ll'adulte,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  'chez  le Bradypus  Linn.  —  Fourrure  longue,  épaisse  et  généralement  brune,  dépourvue  de  tache dorsale  à  poils  courts  et  couleur  de  feu  (1). La  question  délicate  est  uniquement  celle  de  l'opportunité de  la  subdivision  du  genre  Bradypus  de  Linné  (1766)  en  deux genres.  Exception  faite  de  Gray  (1849),  ainsi  qu'il  a  été  dit, l'ensemble  des  auteurs  l'ont  résolue  par  la  négative.  Je  dois avouer  qu'au  moment  oii  je  débutais  dans  l'étude  des  Brady- podidae,  je  n'étais  pas  éloigné  de  me  ranger  avec  l'unanimité, non  pas  qu'il  m'ait  jamais  paru  qu'il  fût  déshonorant  à  un titre  quelconque  de  faire  partie  d'une  minorité,  mais  bien parce  qu'en  tout  état  de  causes,  il  me  semblait  que  la  subdi- vision du  genre  Bradypus  était  inopportune  et  que  les  raisons que  Gray  (1849)  avait  invoquées  n'étaient  pas  suffisantes. (1)  Me  reprochera-t-on  d'avoir  mêlé  ici  des  caractères  purement  anatomiques  à  des  caractères zoologiques,  c'est-à-dire  portant  uniquement  sur  l'extérieur  et  sur  le  crâne  ?  J'espère  que non,  d'autant  qu'il  ne  me  paraît  pas  que  cette  distinction  des  caractères  en  anatomiques  et zoologigues  soit  autre  chose  qu'artificielle  ;  et,  si  l'on  veut  que  les  classifications  ne  soient pas  simplement  des  muyens  de  se  retrouver,  ne  doit-on  pas  tenir  compte  de  tous  les  carac- tères sans  exception  ? LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVÎGRADES    37 Voyons  en  effet  quels  sont  dans  leur  ensemble,  outre  les caractères  ci-dessus  énoncés,  ceux  sur  lesquels  a  pu  s'appuyer cet  auteur  pour  établir  le  genre  Arctopithecus  et  le  différencier du  genre  Bradypus.  Pour  s'en  rendre  compte,  le  mieux  est  de reproduire  la  diagnose  plus  complète  de  ces  deux  genres  qu'il donne  dans  le  second  travail  qu'il  fit  paraître  en  1871  sur  ce sujet.  Nous  la  transcrivons  ici  intégralement  et  en  anglais. Bradypus  :  «  Pterygoïds  swollen,  hoUow,  vesicular.  Maies  and  females  similar.  Lower  jaw with  a  short  truncated  anterior  lobe  varying  in  width  at  the  anterior  end.  Intermarillary bones  rhombic,  as  broad  as  long.  The  angle  of  the  lower  jaw  is  broad,  triangular,  with  a rounded  lower  edge  and  produced  for  behind  the  condyle.  The  lower  ramus  of  the  malâr bone  is  simple,  elongate,  triangular,  and  the  upper  ramus  much  produced  and  dilated  at the  end.  » Arctopithecus  :  «  Pterygoïds  compressed,  crest-like.  Maies  with  a  patch  of  soft  hair  between the  shoulders  not  founden  in  the  females.  Intermaxillary  bones  rhombic  vith  an  attenuated process  behind.  The  front  of  the  lower  jaw  broad  and  truncated,  sometimes  with  a  slight keel  in  the  centre  near  the  upper  margin.  The  front  grinders  are  short  and  blunt.  The  upper process  of  the  malar  bone  attenuated.  » Ces  différents  caractères  sont  à  vrai  dire  de  valeur  très  diffé- rente :  ceux  tirés  de  la  forme  de  l'extrémité  postérieure  de  la mandibule,  et  auxquels  Gray  semble  avoir  attaché  beaucoup d'importance  ne  me  paraissent  pas  en  avoir  une  très  grande. Les  recherches  expérimentales  que  j'ai  faites  sur  le  rôle  des muscles  masticateurs  dans  l'établissement  de  la  morphologie du  crâne  et  de  la  face  m'incitaient  déjà  à  la  défiance  sur  ce point  (1)  ;  mais  j'ai  constaté  en  outre  sur  des  Paresseux  à  trois doigts  des  variations  individuelles  considérables  concernant l'extrémité  postérieure  de  la  mandibule. Quoique  déjà  plus  importante  la  forme  de  l'os  malaire  est aussi  sujette  à  caution.  Là,  encore,  des  variations  individuelles peuvent  entrer  en  jeu.  Et  d'ailleurs  la  forme  de  cet  os  n'est- elle  pas  elle  aussi  en  rapport  intime  avec  le  plus  ou  moins  grand développement  des  muscles  masticateurs. (1)  Voyez  :  R.  Anthony.  Etudes  de  Morphogénîe  expérimentale  ;  ablation  d'un  crotaphyte chez  le  Chien  (C.  R.  Soc.  Biol.,  1902).  —  Introduction  à  YEtude  expérimentale  de  la  Morpho- génie. Modifications  crâniennes  consécutives  à  l'ablation  du  crotaphyte  chez  le  Chien  et  consi- dérations siu'  le  rôle  morphogénique  de  ce  muscle.  (Bull.  Soc.  Anthrop.,  1903  ;  J.  de  Physiol et  de  Pathol.  générales  ;  Congrès  Assoc.  française,  Grenoble,  1904.)  Contribution  à  l'étude  de la  morphogénie  du  crâne  chez  les  Primates  {Bull.  Soc.  Anthrop.,  1904),  —  De  l'action  mor- phogénique des  muscles  crotaphytes  sur  le  crâne  et  le  cerveau  des  Carnassiers  et  des  Primates C.  R.,  Acad.  Se,  1904.  Bull.  Inst.  PsychoL,  1904).  ^  Les  conditions  mécaniques  du  dévelop- pement de  l'encéphale  chez  les  Carnassiers  et  les  Primates.  (Revue  des  Idées,   15  sept.  1906.) 38 R.  ANTHONY Les  caractères  différentiels  qui  me  semblent  devoir  plus  spé- cialement être  retenus  parmi  ceux  signalés  par  Gray  (1871) sont  les  suivants  : Bradypus  Arctopithecus Forme  différente  des  intermaxillaires  dans  l'un  et  l'autre  genr(\ Ptérygoïdes  arrondis,  creux  et vésiculaires. Les  mâles  et  les  femelles  se- raient semblables. Ptérygoïdes  comprimés,  en forme  de  crête. La  tache  de  poils  courts  et soyeux  et  souvent  de  cou- leur de  feu  située  entre  les deux  épaules  serait  d'après certains  auteurs  l'apanage du  mâle. Ajoutons  à  cela  que  la  fourrure  du  Bradypus  est  le  plus souvent,  contrairement  à  celle  de  V Arctopithecus,  de  couleur brune  à  peu  près  uniforme  à  l'exception  du  collier  noir  qui  a fait  donner  à  sa  principale,  et  vraisemblablement  sa  seule espèce,  le  nom  de  Bradypus  torquatus  Illig.  Elle  est  en  outre plus  longue  que  celle  de  Y  Arctopithecus.  Les  oreilles  externes paraissent  également  plus  longues  chez  le  Bradypus  de  Gray que  chez  son  Arctopithecus.  (Signalons  en  passant  que  le  savant mammalogiste  du  British  Muséum  ne  nous  paraît  pas  avoir remarqué  cet  important  caractère.) H  est  évident  que  parmi  ces  caractères,  la  forme  des  ptéry- goïdes, celle  des  oreilles  externes  et  le  dimorphisme  sexuel (la  forme  des  oreilles  externes  et  le  dimorphisme  sexuel demanderaient  à  être  étudiés  avec  plus  de  détails  sur  des  ani- maux frais)  sont  d'une  réelle  valeur  taxinomique.  La  plupart des  auteurs  cependant  ne  les  ont  pas  trouvés  sufiûsants  pour justifier  une  division  du  genre  et  tout  au  plus  ont-ils  voulu les  considérer  comme  valant  simplement  pour  délimiter  les espèces,  s'en  tenant  ainsi  strictement  à  l'opinion  de  CuviER (1817)  qui  dit  dans  son  «  Eègne  animal  »  (Volume  des  Mammi- LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES     39 fères,  page  264)  :  «  L'Aï  à  collier  {Bradypus  torquatus  Illig.) est  une  espèce  fort  distincte,  même  par  la  structure  osseuse de  sa  tête.  «  Cette  mention  spéciale  pour  le  Bradypus  torquatus Illig.  me  laisse  à  penser,  maintenant  que  j'ai  en  main  la  plupart des  éléments  de  la  question,  que  Cuvier  avait  entrevu  la  vérité mais  n'avait  pas,  faute  de  documents  suffisants,  osé  l'énoncer d'une  façon  plus  précise. Malgré  l'importance  qui  ne  m'avait  pas  échappé  des  deux caractères  précités  (ptérygoïdes  et  dimorphisme  sexuel)  et  de celui  que  j'avais  ajouté  aux  précédents  (oreilles  externes),  j'étais encore,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  très  perplexe  sur  la  valeur  de la  coupure  générique  de  Gray  (1849).  Une  heureuse  trouvaille que  je  fis  au  cours  de  l'hiver  de  1902  vint  lever  mes  derniers doutes. Je  disséquais  à  cette  époque  un  jeune  Paresseux  à  trois  doigts qui  faisait  partie  de  la  petite  réserve  de  matériaux  destinés à  l'anatomie  que  possède  la  Station  physiologique  du  Collège de  France.  Cet  animal,  conservé  depuis  très  longtemps  dans l'alcool,  et,  dont  je  n'ai  pu  arriver  à  découvrir  la  provenance exacte,  ne  devait  pas  avoir  vécu  plus  de  quelques  jours.  En extension  maxima  il  mesurait  du  trou  auditif  à  la  terminaison de  la  queue  175  millimètres  ;  il  était  de  sexe  mâle,  et  son  corps était  couvert  de  poils  très  longs,  d'une  couleur  uniforme  jaune assez  clair  ;  sa  fourrure  présentait  deux  tourbillons  situés  sur la  ligne  dorsale  médiane,  l'un  au  niveau  de  la  base  de  la  région cervicale,  l'autre  au  niveau  du  sacrum.  Les  poils  étaient  surtout longs  dans  la  région  dorsale  ;  sur  le  ventre  ils  étaient  beaucoup plus  courts  et  plus  rares.  Ses  oreilles  étaient  relativement  assez longues  et  légèrement  pointues.  Par  ces  caractères  il  paraissait donc  devoir  être  rapporté  au  genre  Bradypus  tel  que  l'enten- dait Gray.  Ses  ptérygoïdes  d'ailleurs  étaient  arrondis,  gonflés et  vésiculaires. Mais  outre  ces  caractères,  il  en  présentait  deux  autres  extrê- mement particuliers  : 1°  Une  perforation  sus-épitrochléenne  ; 40  R.  ANTHONY 2°  Une  réduction  marquée  du  doigt  IV  (1)  aux  extrémités  anté- rieures. C'est  la  première  fois,  je  crois,  que  de  semblables  caractères ai?iit  été  signalés  chez  les  Paresseux  à  trois  doigts. Pour  ce  qui  est  de  la  perforation  sus-épitrocliléenne,  son absence  est  d'ailleurs  considérée  comme  normale  et  caractéris- tique pour  ainsi  dire  du  Paresseux  tridactyle.  Tous  les  anato- mistes  qui  se  sont  occupés  de  la  question  sont  formels  sur  ce point  [Eapp  :  Anat.  Untersuchungen  ûber  die  Edentaten.  Tu- bingen  1843.  —  Owen  :  On  the  Anatomy  of  Vertebrates.  London 1866.  —  P.  Gervais  :  Remarques  ostéol.  au  sujet  du  pied  des Edentés.  Journ.  de  Zool.,  T.  VI,  1877.  —  Bronn's  Thierreicli 1874-1900  (le  volume  des  Mammifères)  ]  pour  n'en  citer  que quelques-uns. Comme  chez  tous  les  Mammifères  où  elle  existe,  cette  perfo- ration livrait  passage  chez  mon  sujet  à  un  nerf  et  à  une  artère. Pour  ce  qui  est  de  la  réduction  du  doigt  IV  les  chiffres  sui- vants rendent  compte  des  différences  de  ^dimensions  existant entre  la  deuxième  phalange  du  doigt  IV  et  celles  du  doigt  II  et du  doigt  III  :  1^  chez  un  jeune  Paresseux  à  trois  doigts  à  peu près  de  même  taille  et  d'une  espèce  que  Gray  aurait  attribuée à  son  genre  Arctopithecus  (Collections  d'Anatomie  comparée  du Muséum  d'Histoire  naturelle);  2°  chez  mon  sujet. Largeur  au  milieu  de  la  2^  phalange  (minimum) Doigt  II Doigt  III Doigt  IV 1° 2  m.  8 3  m.  1 2  m.  8 20 2  m. 3  m. Im. Les  figures  2  et  3  de  la  Planche  faites  d'après  des  photogra- phies, permettent  d'apprécier  ces  particularités. Recherchant  dans  les  Collections  d'Anatomie  comparée  du Muséum  un  terme  de  comparaison  avec  mon  animal,  j'y  trouvais (1)  Les  doigt»  du  Paresseux  tridactyle  doivent  être  numérotés  II,  III,  IV.  Le  doigt  IV,  qui correspond  au  bord  cubital  de  la  main,  est  celui  qui  est  absent  chez  le  Paresseux  didactyle. Chez  lei  Bradypodidae,  d'une  façon  générale,  le  doigt  1  et  le  doigt  V  ont  disparu,  en  grande partie  du  moins. LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  dRAVIGRADES    4i un  squelette  monté  de  jeune  Bradypus  étiqueté  Bradypus tridactylus  Linn.  et  catalogué  sous  le  numéro  A.  3117  (Voy. fig.  1  de  la  Planche)  lequel  est  en  tout  semblable  à  l'individu de  la  Station  physiologique  ci-dessus  décrit.  Comme  lui,  il présente  des  ptérygoïdes  vésiculaires,  une  perforation  sus- épitrochléenne  et  le  quatrième  doigt  de  la  main  réduit. Disons  immédiatement  que  les  différents  caractères,  ptéry- goïdes renflés  et  vésiculaires,  perforation  sus-épitrochléenne, réduction  du  doigt  IV,  ne  peuvent  être  considérés  comme  des caractères  de  jeune  âge  puisque  d'autres  squelettes  de  Paresseux à  trois  doigts  appartenant  au  Muséum,  de  même  âge  et  même plus  jeunes,  possèdent  des  ptérygoïdes  parfaitement  aplatis  et compacts,  un  humérus  sans  perforation  et  les  doigts  de  la main  égaux. En  résumé,  donc,  et  étant  donnée  Texistence  des  deux  spé- cimens dont  il  vient  d'être  question,  il  semble  que  Ton  puisse admettre  deux  sortes  de  Paresseux  à  trois  doigts.  La  première sera  brièvement  caractérisée  de  la  façon  suivante  : Ptérygoïdes  renflés,  vésiculaires. — Perforation  sus-épitrociiléenne.  —  Doigt  IV  des  extré- mités antérieures  très  réduit  dans  le  sens  transversa'. La  deuxième  : Ptérygoïdes  compacts  et  en  forme  de  crêtes.  —  Pas  de  perforation  sus-épitrochléenne.  — Les  trois  doigts  de  la  main  sensiblement  égaux. Ces  seules  différences  (abstraction  faite  des  autres)  nous  sem- blent largement  suffisantes  pour  légitimer  la  subdivision  du genre  Bradypus  en  deux  genres. La  famille  des  Bradypodidae  doit  donc  comprendre  en  réalité trois  genres. II       . Correspondance  des  genres  établis  avec  ceux  des  auteurs et  plus  particulièrement  de  Gray. Cette  premi^e  question  résolue,  il  convient  d'examiner  com- ment et  dans  quelle  mesure  ces  deux  genres  de  Paresseux  à  trois doigts  répondent  aux  genres  Bradypus  et  Arctopithecus  de Geat  (1849). 42  R.  ANTHONY Si  nous  comparons  les  caractères  du  Paresseux  de  la  Station physiologique  et  de  celui  désigné  aux  galeries  d'Anatomie  com- parée du  Muséum  sous  le  numéro  A.  3117  à  ceux  donnés  par Gray  (1871)  à  son  genre  Bradypus,  nous  nous  apercevons  que nos  animaux  s'en  rapprochent  par  les  ptérygoïdes  renflés  et vésiculaires,  la  fourrure  longue,  de  ton  à  peu  près  uniforme  et d'une  nuance  assez  foncée  à  tout  prendre,  surtout  si  Ton  consi- dère le  jeune  âge  de  Tanimal,  et  aussi,  par  la  forme  des  oreilles externes,  très  semblables  à  celles  que  possède  le  Bradypus  tor- quatus  Illig,  ainsi  que  nous  l'avons  vu. En  ne  tenant  compte  que  des  caractères  fournis  par  le  crâne et  la  peau,  il  y  a  donc  incontestablement  lieu  d'identifier  le Paresseux  tridactyle  de  la  Station  physiologique  et  le  numéro A.  3117  des  galeries  d'Anatomie  comparée  du  Muséum  au  genre Bradypiis  de  Gray  (1849).  Mais  l'on  s'étonnera  alors  que  Gray (1871)  n'ait  pas  parlé,  dans  sa  diagnose,  de  ces  caractères  si importants,  qui  n'auraient  certainement  pu  lui  échapper,  la perforation  sus-épitrochléenne  et  la  réduction  du  doigt  IV. Gray,  suivant  en  cela  une  tendance  malheureuse,  aurait-il considéré  le  caractère  de  l'humérus  comme  un  caractère  ana- tomique  dont  un  pur  systématicien  ne  doit  pas  tenir  compte  f Mais  alors  comment  concevoir  qu'il  ne  parle  pas  de  la  réduction du  doigt  IV,  qui  intéressant  la  griffe  elle-même,  ainsi  que  nous le  verrons  plus  loin,  est  bien  un  caractère  zoologique  au  sens  le plus  étroit  que  l'on  peut  attribuer  à  ce  mot. La  chose  s'explique  plus  aisément,  je  crois,  en  admettant que  Gray  n'a  eu  à  sa  disposition  du  Bradypus  torquatus  Illig. (la  seule  espèce,  en  somme,  de  son  genre  Bradypus)  que  des peaux  et  des  crânes.  Il  ne  pouvait  donc  constater  la  perforation sus-épitrochléenne,  dont  il  n'aurait  pas  manqué  de  parler,  et l'on  conçoit  que  la  réduction  du  doigt  IV  ait  pu  échapper  à  sori esprit  non  prévenu. De  mon  côté,  d'ailleurs,  je  ne  connais  aucun  squelette  de Bradypus  torquatus  Illig.  Le  Muséum  d'Histoire  naturelle  de Paris  n'en  possède  pas,  et  il  parait  en  être  de  même  du  British LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    43 Muséum  de  Londres  (1).  Il  n'y  en  existe  pas  non  plus,  à  mon su,  de  représentation  par  les  auteurs.  L'identification  certaine de  nos  animaux  de  la  Station  physiologique  et  des  galeries d'Anatomie  comparée  du  Muséum  (n»  A.  3117)  avec  le  Bradypus de  Gray  est  donc  bien  difficile  à  établir. Toutefois,  sur  les  peaux  préparées  de  Bradypus  torquatus  lUig. ou  constate  aisément,  pourvu  que  Tattention  ait  été  attirée  sur ce  point,  une  réduction  certaine  du  doigt  IV  de  la  main;  elle  se manifeste  d'une  façon  très  évidente  par  la  moindre  dimension de  la  griffe  correspondant  à  ce  doigt.  (Voy.  fig.  7  de  la Planche  L) Dans  ces  conditions  il  semble,  eu  somme,  que  l'on  puisse attribuer,  en  raison  des  caractères  des  oreilles  externes,  des ptérygoïdes,  de  la  griffe  IV  et  de  la  fourrure  (l'absence  chez  notre animal  du  collier  noir  caractéristique  de  l'espèce  Bradypus  tor quatus  lUig.  peut  être  mise  sur  le  compte  soit  du  jeune  âge, soit  de  ce  fait  que  notre  spécimen,  au  lieu  d'appartenir  à l'espèce  en  question,  appartenait  à  une  espèce  voisine)  sans trop  craindre  d'être  démenti  par  l'avenir,  notre  type  de  la Station  physiologique  et  le  numéro  A.  3117  des  collections d'Anatomie  comparée  du  Muséum  au  genre  Bradypus  de  Gray, et,  cela  avec  d'autant  plus  de  probabilité  que  Peters  (1865) qui,  lui,  paraît  avoir  vu  un  squelette  de  Bradypus  torquatus Illig.,  signale,  dans  son  mémoire  sur  le  Choloepus  d'HoFFMANN, sans  la  préciser,  la  forme  particulière  du  bras  de  cet animal. Les  autres  Paresseux  à  trois  doigts  rentrent  dans  le  genre Arctopithecus  de  Gray.  Il  est  bien  évident  toutefois  que  la  ques- tion de  l'identification  de  notre  animal  avec  le  Bradypus  tor- quatus Illig.  ne  pourra  être  tranchée  d'une  façon  définitive  que lorsque  l'on  connaîtra  avec  certitude  l'humérus  et  la  main complète  de  ce  dernier  animal. (1)  Ayant  demandé  au  British  Muséum  la  communication  d'un  croquis  d'humérus  de Bradypus  torquatus  Illig,  j'ai  reçu  de  M.  Ray  Lankester  la  réponse  suivante  •  «  The  Director présents  his  compliments  and  regrets  that  a  skeleton  of  Bradypus  torquatus  is  not  available  ». Ai  R.  ANTHONY TU Dénominations  qu'il  convient  d'attribuer  aux  genres  de  Bradypodidae. La  troisième  question  à  résoudre  est  celle  des  noms  qu'il  con- vient de  donner  aux  genres  qui  devront,  dès  lors,  constituer la  famille  de  Bradypodidae. Le  nom  de  Choloepus  Illig.  attribué  au  Paresseux  à  deux doigts  n'est  naturellement  pas  en  cause. La  seule  question  à  trancher  est  de  savoir  si  l'on  doit  admettre ou  non  pour  les  deux  autres  genres  les  noms  proposés  par  Gray (1849),  c'est-à-dire  appeler  le  premier  Bradypus  et  le  deuxième Arctopithecus.  Il  semble  qu'il  y  ait  de  nombreuses  raisons  pour ne  pas  le  faire. En  effet,  Gray  n'aurait  pas  dû  donner  le  nom  de  Bradypus à  son  premier  genre  à  ptérygoïdes  vésiculaires  et  celui  d' Arcto- pithecus à  son  second  à  ptérygoïdes  plats  et  compacts,  car  l'ani- mal que  Linné  (1766)  a  eu  en  vue  lorsqu'il  a  établi  sa  diagnose du  Bradypus  tridactylus,  semble  avoir  été  bien  nettement  un de  ceux  que  Gray  (1849)  a  désignés  sous  le  nom  à' Arctopithecus. Voici,  d'ailleurs,  la  diagnose  complète  de  Linné  (1766),  extraite du  Systema  Naturae,  12®  édit.,  pages  50-51. Bradypus  tridactylus.  —  Pedibus  tridactylis.  Caudae  brevi.  Corpus  pilosissimum,  griseum- Fades  nuda.  Gula  flava.  Auriculae  nullae.  Cauda  subovata.  Dentés  priorea  nuUi,  niai  laniarii aed  occursentes,  antice  remotissimi,  longiores,  trimcati.  Molares  laniarii,  'approximati,  bre- viores.  Pedes  anteriores  longiores  posterioribns  divarioatissimi  ;  digiti  combinat!  in  flngibus pedis.  Ungues  compressi  valdissime  lotidem.  Mammae  pectorales. Les  caractères  mis  en  italiques  sont  ceux  qui  permettent  à nos  yeux  d'établir  incontestablement  que  le  Bradypus  tridac- tylus de  Linné  (1766)  était  ce  que  Gray  (1849)  a  appelé  plus tard  un  Arctopithecus. Les  animaux  de  ce  genre  sont,  en  effet,  caractérisés  par  une fourrure  de  teinte  souvent  gris  clair  et  non  brun  sombre,  comme chez  le  Bradypus  torquatus  Illig.  Certains  d'entre  eux  {Bradypus euculliger  Wagler)  ont  la  face  recouverte  de  poils  courts,  ce qui  a  pu  leur  faire  donner  par  Linné  (1766)  ce  qualificatif  de fades  nuda.  Auriculae  nullae  est  aussi   bien   en   rapport   avec LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    45 V Arctopithecus ,  dont  les  oreilles  sont  extrêmement  courtes,  et ne  peut  se  rapporter  au  Bradypus  torguatus  Illig,  qui,  ainsi qu'il  a  été  dit,  paraît  les  avoir  sensiblement  plus  longues. Enfin,  le  fait  d'avoir  les  ongles  égaux  est  aussi  un  caractère d' Arctopithecus  puisque,  ainsi  qu'il  a  été  dit  et  montré,  le Bradypus  torquatus  Illig.  a  l'ongle  IV  de  la  main  plus  réduit. Dans  ces  conditions  et  pour  se  conformer  aux  règles  de  la nomenclature  zoologique,  il  convient  d'attribuer  à  l'Arctopi- thecus  de  Gray  le  nom  de  Bradypus  L.,  rendant  ainsi  à  ce genre  sa  véritable  dénomination  linéenne. Il  y  a  donc  lieu,  par  conséquent,  de  donner  au  genre  carac- térisé par  des  ptérygoïdes  vésiculeux,  des  oreilles  plus  longues, une  perforation  sus-épitrochléenne  et  un  doigt  IV  réduit, un  autre  nom.  Quel  nom  choisirons-nous  f  Prendrons-nous celui  d' Arctopithecus,  nous  bornant  ainsi  à  une  simple  inter- version f  Ce  choix  ne  me  paraîtrait  pas  heureux.  En  effet,  ce nom  a  été  emprunté  par  Gray  (1849)  à  Gesner,  qui  l'employa pour  la  première  fois  en  1560  en  décrivant,  d'une  façon  bien vague  d'ailleurs,  un  Paresseux  à  trois  doigts  qu'il  prenait, au  surplus,  pour  un  Singe.  Ce  terme  d' Arctopithecus  indique en  effet  nettement  la  pensée  de  l'auteur.  De  plus,  en  appelant le  Bradypus  de  Gray  Arctopithecus,  et  son  Arctopithecus, Bradypus,  on  risquerait  d'amener  une  confusion.  Enfin,  on  peut admettre  que  les  genres  de  Gray  (1871)  sont  insuffisamment caractérisés,  puisqu'il  n'a  pas  tenu  compte,  dans  sa  diagnose, ni  des  caractères  de  l'humérus,  ni  de  ceux  de  la  main,  ni  de ceux  des  oreilles  externes  qui  sont  cependant  si  importants. Il  semble  donc,  pour  toutes  ces  raisons,  qu'il  y  ait  lieu  de rejeter  le  terme  Arctopithecus. Il  nous  a  semblé  en  outre  qu'il  n'y  avait  pas  Heu  de  tenir compte  davantage  du  terme  Scaeopus,  créé  par  Peters  (1865), pour  le  Bradypus  torquatus  Illig.  Ce  genre  Scaeopus  est  insuffisam- ment caractérisé.  Voici  ce  qu'en  dit  l'auteur  dans  une  note  en  bas <le  page  dans  laquelle  il  semble  pourtant  avoir  entrevu  la  vérité  : c(  In  den  meisten  Fâllen  bei  Bradypus  torquatus  fur  welchen. 46  R.  ANTHONY wenn  er  als  besondere  gattung  wegen  des  verschiedenen  Baus des  Schadels,  des  Zungenbeins  und  des  Oberarmsbeins  von  den anderen  Bradypus  Arten  abgetrennt  werden  sollte,  ich  der Namen  Scaeopus  vorschlagen  wurde,  da  der  Name.  Bradypus nach  LrNNÉ  und  Illiger  den  letzteren  bleiben  mufs.  » J'ai  préféré  introduire  un  nom  nouveau  dans  la  nomenclature générique  des  Bradypodidae,  et  j'ai  cru  devoir  faire  de  mon Paresseux  de  la  Station  physiologique  le  type  d'un  nouveau genre  que  j'ai  appelé  Hemibradypus. En  le  nommant  ainsi,  j'ai  voulu  simplement  indiquer  que  je le  considérais  comme  participant,  au  point  de  vue  morpholo- gique, à  la  fois  des  caractères  du  Choloepus  lUig.  et  de  ceux  du Bradypus  Linn.,  et  non  que  je  le  regardais  comme  une  forme intermédiaire  au  sens  phylogénique  du  mot  entre  le  Choloepus Illig.  et  le  Bradypus  Linn. Jj' Hemibradypus  nov.  gen.  se  rapproche  du  Choloepus  Illig. par  son  humérus,  par  sa  fourrure  et  ses  oreilles  externes.  En poussant  plus  loin  l'analyse  on  s'apercevrait  que,  par  la  cons- titution de  son  carpe  (1)  (voy.  fig.  2),  par  l'extrémité  antérieure de  sa  mandibule  et  par  ses  zygomes,  V Hemibradypus  nov.  gen. rappelle  encore  le  Choloepus  Illig. Il  se  rapproche  du  Bradypus  Linn,  surtout  par  sa  dentition, et  ce  fait  qu'il  possède  trois  doigts  complets  aux  extrémités antérieures. Quoi  qu'il  en  soit,  l'ensemble  des  caractères  morphologiques rapproche  davantage  \' Hemibradypus  nov.  gen.  du  Choloepus Illig.  que  du  Bradypus  Linn. Le  type  du  genre  Hemibradypus  sera  V Hemybradypus  Mareyi nov.  sp.  Je  dédie  cet  animal  à  la  mémoire  de  mon  maître  Marey, dans  le  laboratoire  duquel  j'ai  eu  la  chance  de  rencontrer  le premier  spécimen  du  genre. (1)  L'étude  détaillée  du  carpe  des  Bradypodidae  sera  faite  au  cours  de  mon  prochain  mémoire sur  les  Edentés.  D'ores  et  déjà  cependant,  nous  pouvons  dire  qu'abstraction  faite  du  trapèze, la  deuxième  rangée  carpienne  de  V Hcmibraduinis  nov.  gen.  comprend  trois  os  comme  celle du  Cholœpiis  Illig.  et  non  deux  seulement  comme  celle  du  Bradypus  Linn.  Nous  nous  sommes assurés  que  cette  différence  ne  pouvait  pas  tenir  à  l'état  jeune. LES  ÉDENTES  TARDIGUADES  ËT  GRAVIGRADËS    AI Oette  espèce  est  vraisemblablement  provisoire,  car,  en  me basant  sur  la  note  de  Peters  (1865),  il  me  semble  presque  cer- tain que,  lorsque  Ton  connaîtra  mieux  la  morphologie  du  Bra- dypus  torquatus,  Illig.  on  pourra  l'identifier  avec  VHemïbradypus Mareyi  Anth.,  qui  deviendra  alors  VHemïbradypus  torquatus lUig. IV Rapports  des   différents  genres  de  Bradypodidaè  entré  eux et  avec  les  formes   fossiles  du  Santacruzien. Parmi  les   différentes   formes   d'Edentés   trouvées   dans  les couches  santacruziennes  de  l'Amérique  du  Sud,   les   Hapalo- psidae  (1)  sont  de  beaucoup  les  mieux  connus,  et,  jusqu'à  plus ample  informé,   on  peut  les considérer    comme    donnant une  idée  très  rapprochée  de ce  qu'ont  dii  être,  au  début des     temps    tertiaires,     les formes  ancestrales  à  la  fois des  Gravigrades  disparus  et des  Bradypodidaè  actuels  (2). De    ces    formes,    deux    ra- meaux   divergents    seraient partis  :  l'un,  très  important, aurait  donné  l'ensemble  des Gravigrades,  animaux  gigan-  fig tesques  aux  formes  lourdes et    massives  ;   l'autre,    plus réduit,  évoluant  dans  le  sens de  l'adaptation  à  la  vie  arboricole,  aurait  donné,  en  passant 1.  Extrémité  antérieure  gauche  d'Hapalops longi-ceps  Scott  (d'après  Soott).  I,  premier  rayon digité  ;  II,  deuxième  rayon  ;  III,  troisième  rayon  ; IV,  quatrième  rayon  ;  V,  cinquième  rayon.  Non inclus  le  trapèze,  la  deuxième  rangée  carpienne comprend  trois  os  (trapézoïde,  grand  os,  os  crochu). (1)  Scott  (1903)  fait  rentrer  le  genre  Hapalops  dans  la  famille  des  Megalonychidae ;  mais il  me  semble  qu'en  raison  de  sa  distribution  géologiiiue  aussi  bien  qu'en  raison  de  ses  carac- tères anatomiques,  on  peut  sans  inconvénient  en  faire  le  type  d'une  famille  distincte  à  laquelle on  devra  vraisemblablement  rattacher  plus  tard  un  certain  nombre  de  formes  décrites  par Fl.  Ameghino. (2)  Le  Protobradys  décrit  par  Fl.  Ameghino  en  1902  dans  les  couches  à  Notostylops  et  qu'il considère  comme  la  souche  possible  des  Bradypoda  et  Gravigrada  est  trop  mal  connu  pour qu'il  puisse  en  être  question  ici. ARCH.    DE  ZOOL.    EXP.   ET   QÉN  .    !f   SÉKIE . T.    VI.    —    (il).  4 48 R.  ANTHONY peut-être  par  des  formes  analogues  au  Nothropus  priscus Burm.  (1)  des  couches  pampéennes,  les  Paresseux  actuels. Les  Hapalopsidae  que,  grâce  à  Scott  (1903),  nous  connais- sons aujourd'hui  d'une  façon  bien  suffisante,  étaient  des  Edentés probablement  demi-fouisseurs  et  d'une  taille  un  peu  supérieure à  celle  de  nos  Paresseux  actuels. Le  tableau  suivant,  qui  résume  quelques-uns  des  principaux caractères  ostéologiques  (2)  des  genres  Eapalops,  Hemibradypus, Choloepus  et  Bradypus,  permet  mieux  qu'une  longue  disser- tation de  se  rendre  compte  que  de  tous  les  Bradypodidae actuels,  V Hemibradypus  est  incontestablement  celui  qui  se  rap- proche le  plus  des  formes  santacruziennes  probablement  ances- trales. Hapalops Hrmidradvcus Chui.oepus Buadypus 1"  Perforation    sus -épi - Irociiléeiirie +  +     Pas  de  perforation. Pas  de  diaslème.  . . . arrière  de  la  l"dent. 3"  5  doiii^ts  complets  au membre  antérieur. . 3  doigts -  doigts 3  doigts. V  Réduction     transver- sale du  doigt  IV  .  . . +    I)oii;l  IV  disparu.  .  . Doigt    IV    égal   aux autres  doigts. 6'  3  os  à    la   2«  rangée du  carpe +    +    2  os. 0»  Pterygfoîdes  étroits.  . Plerygoides  buUeux. Pterygoïdes  bulleux -l-   Nota.  —  Les  croix  qui  se  trouvent  dans  les  2»,  3«  et  40  colonnes,  indiquent  chez  l'Hemi- bradi/piis,  le  Choloepus  et  le  Bradypus  la  présence  des  caractères  existant  chez  VHapalop». Nous  insisterons  plus  spécialement  sur  le  fait  de  la  réduction transversale  du  doigt  IV  ;  déjà  perceptible  chez  VHapalops,  elle est  très  nettement  marquée  chez  V Hemibradypus  et  n'existe  pas chez  le  Bradypus. Insistons  également  sur  la  présence  chez  V  Hemibradypus  et le  Choloepus  de  la  perforation  sus-épitrochléenne,  qui  existerait constamment  chez  tous  les  Hapalopsidae  du  Santacruzien  ;  c'est un  caractère  nettement  primitif,  et,  de  tous  les  Paresseux  actuels, (1)  Le  Nothropus  priscus  Burm.  n'est  connu  que  par  sa  mâchoire  inférieure;  il  est  donc bien  difficile  de  savoir  si  l'on  doit  ou  non  le  considérer  comme  un  précurseur  des  Bradypo- didae. (2)  Les  caractères  ostéologiques  de  genre  Eapalops  sont  donnés  d'après  les  descriptions de  Scott  (1003). LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES 49 le  Bradypus  est  le  seul  à  ne  plus  le  posséder.  Sa  disparitiou semble  bien  certainement  secondaire. La  présence  de  trois  /-r'TrYx       ®^  ^  ^^  deuxième  rangée carpienne       rapproche       ^^Ow^       encore  VHemihradypus et     le    Choloepus    des    {-"^ — V^iK      Hapalopsidae. Fia .  2 .  Extrémité  antérieure gauche  d'HéniibradypusMa- regi  Anth.  Même  légende que  la  figure  1.  Non  inclus le  trapèze  soudé  avec  le premier  rayon,  la  deuxième  ' rangée  carpienne  comprend trois  03. FiG.  3.  Extrémité  antérieure gauche  de  Choloepus  didac- tylus  Linn.  Même  légende que  la  figure  1.  Non  inclus le  trapèze  soudé  avec  le premier  rayon,  la  deuxième rangée  carpienne  comprend trois  os. FiG.  4.  Extrémité  antérieure gauche  de  Bradypus  cucul- liger  Wagler.  Même  légende que  la  figure  1.  Non  inclus le  trapèze  soudé  avec  !e premier  rayon,  la  deuxième rangée  carpienne  comprend trois  03. Chez  le  Bradypus,  le  nombre  de  ces  os  est  réduit  à  deux. Enfin  ajoutons  que,  par  la  forme  générale  de  l'ensemble  du corps  et  du  crâne,  l'Hemibradypus  et  le  Choloepus  se  rappro- chent infiniment  plus  que  le  Bradypus  des  Hapalopsidae. On  peut  donc  conclure  de  ceci  que  VHemihradypus  et  le Choloepus  se  rapprochent  plus  que  le  Bradypus  des  formes  ances- trales  santacruziennes. SO  R.  ANTHONY A  ces  dernières  ont  dû  faire  suite,  à  la  fin  des  temps  tertiaires, des  formes  commençant  à  s'adapter  à  la  vie  arboricole  par  la disparition  progressive  des  doigts  I  et  V  et  l'allongement  des rayons  persistant.  Peut-être  la  mâchoire  à  l'aide  de  laquelle BunMEiSTER  (1882)  a  établi  son  espèce  Nothropus  priscus  Burm., provient-elle  d'un  de  ces  Paresseux  disparus.  Désignons  sous  le nom  imprécis  de  Probradypodidae  ces  formes  hypothétiques postérieures  au  Santacruzieu.  Sans  rien  vouloir  préjuger  de leur  morphologie,  il  semble  rationnel  d'admettre  qu'elles  aient, en  s'adaptant  à  la  vie  arboricole,  conservé  leurs  caractères ancestraux  de  l'humérus,  du  carpe  et  du  doigt  IV. En  supposant  plus  accentuée  l'adaptation  à  l'existence  arbo- ricole, nous  passons  tout  naturellement  à  VHemihradypus  qui, soit  par  la  disparition  du  doigt  IV,  nous  conduit  au  Choloepus, soit  par  l'augmentation  du  diamètre  transversal  de  ce  même doigt  IV,  la  disparition  de  la  perforation  sus-épitrochléenne  et la  réduction  des  os  de  la  deuxième  rangée  du  carpe,  nous conduit  au  Bradypus.  Nous  pouvons  donc  écrire  la  série  de formes  suivantes,  s'enchaînant  morphologiquement  les  unes  les autres  : Hapalopsidae I Probradypes  (?) I Hemibradypus I Choloepus  ou  peut-être  Bradypus  ? Une  étude  anatomique  détaillée  pourra  seule  trancher  la question  des  affinités  réciproques  des  Bradypodidae  actuels parmi  lesquels  V Hemibradypus  reste,  en  somme,  au  point  de  vue anatomique,  le  plus  près  de  la  souche  santacruzienne. LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    51 Résumé  et  Conclusions. La  famille  des  Bradypodidae  peut  donc  se  diviser  de  la  façon suivante  : Hemihradypus  nov.  gen.  Extrémités  antérieures  et  posté- rieures munies  de  trois  doigts;  les  doigts  externes  (doigt  IV) des  membres  antérieurs  réduits  dans  le  sens  transversal. Molaires  toutes  semblables,  en  série  ininterrompue,  les antérieurs  petites.  Ptérygoïdes  renflés,  vésiculaires . Perforation  sus-épitrochléenue  à  rhumérus.  Trois  os  à la  deuxième  rangée  carpienne.  Fourrure  longue  de  teinte à  peu  près  uniforme  sans  tache  de  feu  à  poils  courts entre  les  deux  épaules.  Oreilles  longues.  Type  :  Hemi- bradypus  Mareyi  nov.  sp.  dont  les  caractères  ont  été donnés  au  cours  de  ce  travail.  [Ce  genre  est  vraisem- blablement l'équivalent  du  gemeBradypus  de  Gray  (1849) et  du  genre  Scaeopus  de  Petees  (1865)]. Choloepus  Illig.  Extrémités  antérieures  munies  de  deux doigts  ;  extrémités  postérieures  munies  de  trois  doigts. Molaires  antérieures  de  grande  taille  ayant  la  forme  de canines  séparées  des  autres  molaires  par  un  diastème. Ptérygoïdes  renflés,  sub vésiculaires .  Perforation  sus- épitrochléenne  à  l'humérus.  Trois  os  à  la  deuxième rangée  carpienne.  Fourrure  longue  de  couleur  foncée, sans  tache  de  feu  à  poils  courts  entre  les  deux  épaules, semblable  dans  les  deux  sexes,  d'après  Gray.  Oreilles externes  assez  longues.  Type-:  Choloepus  didactylus  Linn. Bradypus  Linné.  Extrémités  antérieures  et  postérieures munies  de  trois  doigts  égaux.  Molaires  toutes  semblables en  série  ininterrompue,  les  antérieures  petites.  Ptérygoïdes plats,  compacts,  en  forme  de  crêtes.  Pas  de  perforation sus-épitrochléenne  à  l'humérus.  Fourrure  plus  courte, d'un  ton  plus  clair,  présentant,  chez  les  mâles  du  moins. 52  R.  ANTHONY d'après  Gray,  une  tache  de  feu,  à  poils  courts  entre  les deux  épaules.  Oreilles  très  courtes.  Type  :  Bradypus nwulUger  Wagler.  [Ce  genre  est  l'équivalent  du  genre Arctopithecus  de  Gray  (1849).  Il  comprend,  à  part  le Bradypus  torquatus  Illig.,  qui  semble  devoir  rentrer dans  le  genre  Hemibradypus),  la  totalité  des  Paresseux à  trois  doigts]. La  synonymie  des  différents  genres  de  Bradypodidae  actuels peut  être  résumée  de  la  façon  suivante  : Hemibradypus  Anth.  =  Bradypus  Gray  ;  Scaeopus  Peters. (Jusqu'à  plus  ample  informé  cette  assimilation  restera simplement  probable). Choloepus  Linn. Bradypus  Linn.  =  Arctopithecus  Gray'. De  tous  les  Paresseux  actuels,  Y  Hemibradypus  est,  au  point de  vue  anatomique,  le  plus  près  des  formes  ancestrales  santa- cruziennes  (Hapalopsidae). {Laboratoire  d'Anatomie  comparée  du  Muséum  d'Histoire  naturelle.) INDEX  BIBLIOaRÂPHiqUE 1879-1882.     Alston    (Edw.   R.).    Mammalia  {Biologia    Centrali  Ame- ricana.) 1889.     Fl.  Ameghino.  Mamraiferos  fossiles  de  la  Republica  Argentina. Buenos-Ayres. 1894.     Fl.   Ameghino.   Enumer.  synopt.  des  Mammifères  Êocènes  de Patagonie.  Buenos- Ayres. 1902.     Fl.  Ameghino.     Notices    préliminaires    sur    des    Mammifères nouveaux  des  terrains   crétacés   de  Patagonie.     {Bol.  de   la Academia  nacional  de  Ciencias  Cordoba,  T.  XVII.) 1906.  R.  Anthony.  Les  coupures  génériques  de  la  famille  des  Brady- podidae (le  genre  Hemibradypus  nov.  g.).  (0.  B.  Acad.  Se, 29  janvier  1906.) 1907.  R.  Anthony.  Sur  les  affinités  des  Bradypodidae.  (G.  B.  Acad.  Se, séance  du  28  janvier  1907.) 1902.  Beddard.  Mammalia,  London. 1839-1864.     De  Blainville.  Ostéographie  des  Mammifère».  Paris. I.KS  ÉOENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    53 1874-1900.     Bronn's.  Thierreich.  (Le  volume  des  Edentés.) 1882.  BuKMEiSTER.  Nothropus  priscus,  eiu  bisher  unbekanntes  fos- siles Faulthier.  (Sitzungsh.  der  K.  Preuss.  Acad.  der  Wiss. Berlin.) 1817.     Gr.  CuviER.  Le  Règne  animal. 1825.     Ct.    Cuvier.    Recherches   sur   les   ossements   fossiles.     4^   édit., T.  Vin. 1825.     F.   Cuvier.   Des  dents  des  Mammifères.   Sjbraebourg  et  Paris. 1891.     Flower  et  Lydekker.  Mammals  living  and  extinct.  London. 1877.     P.  Gervais.  Rem.  ostéologiques  au  sujet  du  pied  des  Edentés. {Journ.  de  Zoologie.) Gesner.  Icônes  animalium. Gray.  Notes  on  the  genus  Bradypus  Linn.  {Proceed.  Zool.  Soc.) Gray.  Catal.  of  Carnivorous,  Pachydermatous    and    Edentate Mammalia  in  the  British  Muséum. Gray.   Notes  on   the  species  of  Bradypodidae  in  the  British Muséum  (Proceed.  Zool.  Soc.) C.   Grevé.   Die  fossilen  und    recenten    Edentaten    und  deren Verbreitung.    (Sitzungsh.    der    Naturf.    Oes.    bei    der    Univ. Jurjew.) Illiger.  Prodrom.  Syst.  Mamm.  et  Avium. Langkavel.    Aphorismen    ïiber   Faultiere.    (Der   Zool.    Garten. Frankfurt  a.  M.,  page   18.) 1766.     LiNNAEUS.  Systema  Naturae,   12^  édit. 1894.     Lydekker.  The  extinct  Edentates  of  Argentina.  (Annales  del Museo  de  la  Plata.)  III. 1866.     Owen.  On  the  Anatomy  of  Vertebrates,  London. 1904.     Palmer.  Index  generum  MammaUum.  (North  American  Fauna Washington.) 1865.     Peters.   Mon.  K.  Preuss.  ATcad.  Wiss.  Berlin,  pour  1864. 1852.     Rapp.  Anatomische  Untersuchungen  iiber  die  Edentaten.  Tu- bingen. 1880.  RÉROLLE.  Etude  sur  les  Mammifères  fossiles  des  dépôts  pam- péens  de  la  Plata.  (Mém.  Acad.  Se.  Belles-Lettres,  Arts  de Lyon.  ) 1903.  W.  B.  Scott.  MammaUa  of  the  Santa-Cruz  Beds  II.  Glypto- dontia  and  Gravigrada.  (Beports  of  the  Princeton  University Expéditions  to  Patagonia,  1896-1899.  Volume  V.  Palaeon- tologia.  ) 54  II.  ANTHONY 1898-99.     Trouessart.  Catalogua  Mammalium.  Berlin,  T.  II. 1905.     Trouessart.    Catalogua    Mammalium.   Quinquennale   Supple- mentum  1899-1904.  F.  IV.  Berlin. 1851-53.     TuRNER.  On  the  arrangement  of  the  Edentate  Mammalia. {Proeeed.  Zool.  Soc.) 1831.     Wagler.  Isis,  page  611. 1894.     ZiTTEL.  Traité  de  Paléontologie.  Partie  I,  T.  IV.  (Mammalia). Paris,  IV^unich  et  Leipzig. LEGENDE  DE  LA  PLANCHE  I Fio.    1.     Squelette  monté  de  jeune  Himibradupus  Mareyi  Anth.   (Collections  d'Anatoniie comparée  du  Muséum  d'Histoire  naturelle.  A,  n°  3117.) Sur  ce  squelette,  monté  d'ailleurs  dans  une  position  défectueuse,  on  voit  surtout la  réduction  très  marquée  du  doigt  IV  de  la  main. Fio.  2  et  3.  Humérus,  avant-bras  et  main  du  coté  droit  d'HrmibradinJus  Mareyi  Anth.  jeune. Vue  antérieure  destinée  à  montrer  le  foramen  sus-épitrochléen  dans  lequel  a été  introduite  une  épingle,  la  présence  de  trois  rayons  digités  à  la  main  et  la  réduc- tion très  marquée  du  doigt  IV.  (Spécimen  de  la  Station  physiologique  du  Collège de  France.) FiG.   4.     Humérus  gauche  de  Choloepus  didactylus  Linn.  adulte. Vue  antérieure  destinée  à  montrer    le    foramen    sus-épitrochléen.    (Collections d'Anatomie  comparée  du  Muséum  d'Histoire  naturelle.) Fio.   5.     Humérus  gauche  de  Brudypus  euculliger  Wagler  adulte. Vue  antérieure  destinée  à  montrer  l'absence  de  foramen  sus-épitrochléen.  (Rap- porté par  le  D'  Rivet,  médecin  de  la  Mission  gcodésique  française  de  l'Equateur.) FlQ.   0.     Main  de  Bradypus  sp.  ?  adulte  monté  en  peau. Cette  figure  est  destinée  à  montrer  l'égalité  à  peu  près  parfaite  des  trois  ongles. (Collections  de  Mammalogie  du  Muséum  d'Histoire  naturelle.) FiG.    7.     Main  de  Bradypus  (Hémibrndypus  t)  torguatus  lUig.  adulte  monté  en  peau. Cette  figure  est  destinée  à  montrer  la  réduction  sensible  de  l'ongle  du  doigt  IV (Collections  de  Mammalogie  du  MusC'um  d'Histoire  naturelle.) LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    55 II LES  ATTITUDES  ET  LA  LOCOMOTION DES PARESSEUX TABLE  DES  MATIERES I.  —  Etude  des  attitudes  des  Brad'jpodidae 5B II.  —  Etude  de  la  locomotion  des  Bradypodidae 62 III.  —  Résumé  et  conclusions 71 Index  bibliographique ....  71 Légende  de  la  planche  H 72 Dans  un  certain  nombre  de  mes  publications  et  notamment l'une  d'elles  qui,  ayant  été  écrite  en  langue  allemande  (1903), n'est  peut-être  pas  très  connue  en  France,  j'ai  montré  l'intérêt que  l'on  avait  en  Sciences  naturelles  à  appliquer  aussi  strictement que  possible  les  méthodes  de  reclierclies  usitées  dans  les  Sciences physiques  par  exemple.  J'ai  insisté  particulièrement  sur  ce point  que  les  faits  morphologiques  n'avaient  dans  leur  descrip- tion pure  et  simple  qu'un  petit  intérêt  par  rapport  à  celui  consi- dérable qu'ils  acquéraient  lorsqu'on  avait  pu  arriver  à  en  faire entrevoir  l'explication  rationnelle  possible. La  méthode  de  recherches  du  naturaliste  doit  donc,  à  mon  avis du  moins,  se  rapprocher  autant  que  possible  de  celle  du  physi- cien, et,  comme  elle,  comprendre  en  quelque  sorte  deux  étapes  : 1°  La  constatation  des  faits  en  eux-mêmes,  c'est-à-dire,  dans le  cas  particulier,  des  dispositions  morphologiques. 2°  L'explication  de  ces  faits,  c'est-à-dire  la  recherche  des  causes déterminantes  de  ces  mêmes  dispositions. Or  n'a-t-on  pas  actuellement  d'excellentes  raisons  de  croire 56  R.  ANTHONY que  ce  sont  les  agents  extérieurs  physiques,  comme  la  pesanteur, ou  chimiques  comme  le  degré  de  salure  d'un  milieu  aquatique par  exemple,  les  conditions  de  fonctionnement  dans  c^  qu'elles ont  de  plus  général,  qui  déterminent  les  dispositions  morpholo- giques. Pour  comprendre  la  morphologie  d'un  animal,  il  sera  donc indispensable  de  connaître  d'abord  les  conditions  dans lesquelles  il  vit,  son  genre  de  locomotion,  ses  attitudes  habi- tuelles, etc.,  etc. C'est  pour  me  conformer  à  ce  principe  que  j'ai  cru  bon  au  début d'une  série  d'études  sur  les  Edentés  de  la  famille  des  Paresseux de  donner  une  idée  de  leurs  attitudes  et  de  leur  locomotion.  Je considère  ce  court  mémoire  comme  une  sorte  de  préface  indis- pensable aux  ■  recherches  ultérieures  que  je  compte  publier  sur la  morphologie  et  la  morphogénie  de  ces  animaux. I Etude  des  attitudes  des  Bradypodidae. Les  Bradypodidae,  communément  appelés  Paresseux,  sont parmi  les  groupes  de  Mammifères  un  de  ceux  dont  les  attitudes sont  les  plus  spéciales  et  un  de  ceux  aussi  chez  lesquels  on  les connaît  peut-être  avec  le  moins  d'exactitude  et  de  précision. Dans  la  plupart  des  livres  anciens,  dans  Buppon,  notamment (voy.  fig.  1)  on  prête  à  ces  animaux  des  attitudes  absolument contre  nature,  et,  si  un  certain  nombre  d'auteurs  les  représentent actuellement,  même  dans  les  livres  de  vulgarisation  et  les  livres classiques,  dans  des  attitudes  physiologiques  et  exactes,  d'autres, encore  aujourd'hui  continuent  à  les  figurer  comme  les  natura- listes d'autrefois. Dans  les  Musées  de  même,  on  peut  encore  observer  à  côté de  Bradypodidae  montés  dans  des  attitudes  véritablement  phy- siologiques, un  certain  nombre  d'autres  de  ces  animaux  affec- tant des  positions  qu'ils  n'ont  certainement  jamais  prises  de  leur vivant. LES  EDENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES 57 Parfois  on  les  représente  soit  marchant  à  quatre  pattes  comme des  Chiens,  soit  assis  sur  leurs  ischions  comme  de  petits  Ours ou  grimpant  aux  branches  des  arbres  à  la  façon  des  Singes.  Or, FiG.   1.     Bradypiis  représenté  dans  une  attitude  défectueuse  (Buffon  et  Daubenton). d'après  les  voyageurs  qui  en  ont  observé  à  l'état  sauvage, aussi  bien  que  d'après  les  personnes  qui  en  ont  vu  en  Ménagerie, ils  ne  prennent  jamais  de  semblables  positions. 58 R.  ANTHONY Bien  plus,  en  admettant  qu'ils  puissent  désirer  se  tenir  de cette  façon,  il  leur  serait,  de  par  la  constitution  même  de  leurs membres,  aussi  difficile  de  le  faire  qu'il  le  serait  à  un  cheval  de FiG.    2.    Montage  en  peau  ancien  de  Bradypus  {Heniibradypus  ?)   torquatus  lUig. (attitude  défectueuse). monter  un  escalier  par  exemple.  Dans  cet  état  de  choses,  il  m'a semblé  utile  de  fixer  définitivement  la  question  des  attitudes  des Bradypodidae. Les  documents  vrais  et  précis  (et  les  documents  photogra- phiques sont  seuls  dans  ce  cas)  que  l'on  possède  à  ce  point  de vue  sur  les  Paresseux  sont  extrêmement  rares  ;  je  ne  connais LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    59 guère  que  la  clironophotographie  d'un  pas  de  Choloepus  par MuYBRiDGE  (1902),  clironophotographie  qui  nous  renseigne  à  la fois  sur  les  attitudes  et  la  locomotion  de  cet  animal. Ce  précieux  document  nous  montre  déjà  très  nettement  l'atti- tude du  Choloepus  qui  est,  comme  l'on  sait,  une  attitude  ren- versée par  rapport  à  celle  que  l'on  observe  chez  les  Primates ayant  un  genre  de  vie  comparable.  Le  Choloepus  progresse  sous les  branches  le  ventre  dirigé  en  haut  et  le  dos  en  bas. J'ai  eu  moi-même  l'occasion  de  pouvoir  étudier  en  grands détails  au  cours  du  printemps  de  1902,  à  la  Ménagerie  du  Muséum, les  différentes  attitudes  d'un  Choloepus  didactylus  Linn.  offert par  le  Gouverneur  de  la  Guyane  française  et  qu'on  ne  put conserver  vivant  qu'une  quinzaine  de  jours  environ. M'occupant  depuis  plusieurs  années  déjà  de  l'étude  des  carac- tères d'adaptation  des  Bradypodidae,  j'avais  demandé  à  M.  Sau- vinet.  Assistant  de  la  Ménagerie,  de  vouloir  bien  me  prévenir lorsqu'il  recevrait  un  de  ces  animaux  vivants.  L'occasion  se présenta  sans  trop  tarder  :  un  matin,  je  reçus  un  télégramme de  M.  Sauvinet.  Je  me  rendis  immédiatement  à  la  Ménagerie. Le  Choloepus  était  dans  une  cage  à  treillage  métallique  ;  mais je  fus  bientôt  vivement  désappointé  en  voyant  que  l'animal pour  lequel  j  "étais  venu  se  refusait  absolument  à  faire  quelque mouvement  que  ce  soit.  Il  était  roulé  en  boule  et  accroché,  à l'aide  de  ses  puissantes  griffes  tout  en  haut  du  grillage  de  sa cage,  figurant  une  sorte  de  masse  informe  couverte  de  poils, hors  de  laquelle  n'apparaissaient  ni  tête,  ni  membres  (voy.  flg.  1 de  la  Planche).  Sa  respiration  régulière  semblait  indiquer  qu'il dormait  profondément,  et,  aucun  des  moyens  que  nous  employâ- mes, M.  Sauvinet  et  moi,  ne  réussit  à  le  faire  sortir  de  sa  torpeur et  quitter  cette  position.  Au  bout  de  peu  de  temps,  nous  nous rendîmes  compte  que  mieux  valait  y  renoncer,  et,  réfléchissant que  les  Edentés  sont  en  général  des  animaux  de  mœurs  nocturnes, je  proposais  à  M.  Sauvinet  de  remettre  notre  visite  à  la  nuit  pro- chaine ;  après  avoir  pris  une  photographie  de  l'animal  dans  sa position  de  sommeil,  nous  nous  retirâmes. 60  tl.  ANTHONY Le  soir  même  à  11  heures,  nous  retournâmes  tous  deux  à  la Ménagerie,  accompagnés  de  M.  Noguès,  étudiant  en  médecine, attaché  au  laboratoire  du  professeur  Marey  et  habile  photo- graphe. Le  Choloepus  avait  quitté  la  position  qu'il  occupait  dans  la journée.  Cette  fois  il  reposait  sur  la  paille  qui  garnissait  le  fond de  sa  cage,  accroché  au  treillage  par  les  griffes  de  ses  quatre membres,  les  avant-bras  dans  leur  extension  maximum  (qui  est normalement  assez  peu  considérable)  et  la  tête  repliée  sur  la poitrine  (voy.  flg.  2  et  3  de  la  Planche).  Il  dormait  encore.  Après l'avoir  photographié  dans  cette  nouvelle  position,  nous  n'avons pas  eu  de  peine  cette  fois  à  le  réveiller  et  nous  pûmes  arriver  sans beaucoup  d'efforts  à  le  sortir  de  sa  cage.  Nous  le  déposâmes  alors sur  le  sol.  Le  pauvre  animal  s'y  montra  absolument  dépaysé,  ne sachant  que  faire  de  ses  longs  bras  qu'il  projetait  lentement  à droite,  à  gauche,  sans  prendre  jamais  aucune  position  stable. On  voyait  qu'il  n'était  pas  là  [dans  les  conditions  normales  de son  existence.  Nous  lui  présentâmes  alors  une  large  planche  tenue inclinée  à  45  degrés  environ  sur  le  sol.  Il  n'essaya  pas  de  la  gravir. Une  longue  branche  sèche  lui  fut  ensuite  présentée  dans  la  même position,  le  Choloepe  la  saisit  alors  de  ses  longs  bras  et  s'y  sus- pendit le  dos  tourné  vers  le  sol.  Nous  pûmes  alors  prendre  plu- sieurs photographies  représentant  l'animal  exécutant  l'ascension de  la  branche.  Nous  fîmes  varier  l'inclinaison  de  cette  dernière, lui  donnant  successivement  la  position  verticale,  la  position  hori- zontale et  toutes  les  positions  intermédiaires.  Lorsque  la  direc- tion de  la  branche  se  rapprochait  de  la  verticale,  l'animal  n'ar- rivait à  son  sommet  que  très  péniblement,  donnant,  par  les regards  qu'il  jetait  à  droite  et  à  gauche,  des  marques  évidentes du  trouble  dans  lequel  il  se  trouvait.  C'était  lorsque  la  branche était  horizontale  qu'il  paraissait  en  somme  le  plus  à  son  aise (voy.  fig.  4  et  5  de  la  Planche). Pendant  deux  heures,  nous  fîmes  ainsi  progresser  l'animal  le long  de  cette  branche,  prenant  de  nombreuses  photographies avec  l'aide  d'explosions  de  magnésium.  A  aucun  moment  il  ne LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    64 quitta  la  position  ci-dessus  décrite,  c'est-à-dire  qu'il  resta  tou- jours le  dos  tourné  vers  le  sol.  Ses  mouvements  étaient  lents, peu  amples,  et  ses  membres  semblaient  complètement  dépourvus de  souplesse,  La  tête  seule  se  mouvait  sans  cesse  et  avec  une •grande  rapidité.  De  temps  en  temps  il  s'arrêtait  et  prenait alors  une  position  de  repos  un  peu  bizarre,  rapprochant  les quatre  membres  et  laissant  paraître  entre  eux  sa  tête  (voy.  fig.  6 de  la  Planche). Pour  soutenir  et  récompenser  sa  bonne  volonté,  je  lui  offrais de  temps  en  temps  des  bananes  qu'il  saisissait  dans  la  paume d'une  de  ses  mains  en  repliant  par-dessus  ses  longues  griffes,  et qu'il  portait  ensuite  à  sa  bouche.  C'était  d'ailleurs,  paraît-il, d'après  le  dire  du  gardien  qui  le  soignait,  la  seule  nourriture  qu'il acceptât  avec  plaisir. Ces  documents  que  je  fournis  ici  sur  les  attitudes  du  Choloepns sont  donc  complètement  d'accord  avec  ceux  que  fournit  l'examen des  photographies  de  Muybridge.  Si  l'on  se  fie  aux  représen- tations que  donnent  actuellement  la  majorité  des  auteurs  aussi bien  des  Bradypes  que  des  Choloepes,  on  peut  estimer  qu'ils  le sont  également  avec  les  renseignements  qu'ont  pu  fournir  tous ceux  qui  ont  soigneusement  observé  ces  animaux  à  l'état sauvage  ou  en  ménagerie. Ce  qui  caractérise  en  somme  au  point  de  vue  de  l'attitude  les Bradypodidae,  c'est  qu'ils  sont  arboricoles  dans  toute  l'acception du  terme.  Bien  plus,  ils  le  sont  exclusivement,  en  ce  sens  qu'ils paraissent  ne  pouvoir  se  tenir  et  progresser  à  terre.  Ce  sont  les plus  arboricoles  de  tous  les  animaux.  Ils  doivent  naître  et mourir  dans  le  même  arbre,  et,  si  par  aventure  il  leur  arrive de  tomber  à  terre,  il  doit  leur  être  impossible  de  regagner  leur séjour  habituel,  et,  il  est  vraisemblable  qu'ils  meurent  alors  de faim  ou  deviennent  pour  les  animaux  féroces  une  proie  facile. Ce  qui  est  vrai  pour  le  Gholoepus  semble  l'être  a  priori  pour les  autres  animaux  de  la  famille  des  Bradypodidae  {Hemibra- dypus  et  Bradypus). Nous  verrons  au  cours  des  mémoires  ultérieui'S  quelles  sont 6â  R.  ANTHONY les  modifications  que  ce  genre  de  vie  si  spécial  a  produites  sur leur  organisme. II Etude  de  la  locomotion  des  Bradypodidae. Les  documents  que  j'utiliserai  pour  cette  étude  sont  de  deux ordres  : 10  Les  chronophotographies  de  Muybridge  (1902)  d'un  pas de   Choloepus. 2°  Les  observations  faites  par  moi-même  sur  le  Choloepus  de la  Ménagerie  du  Muséum  d'Histoire  naturelle  dont  il  vient  d'être question. Malheureusement,  comme  pour  la  question  des  attitudes,  je ne  puis  apporter  ici  aucune  contribution  à  la  locomotion  ni  du Bradypus  ni  de  VHemibradypus  ;  elle  semble  a  priori  devoir  être très  analogue  à  celle  du  Choloepus. MUYBRIDGE  (1902),  dans  son  atlas,  a  représenté,  obtenus  par son  procédé  chronophotograpique  spécial,  les  stades  successifs d'un  pas  complet  de  Choloepus,  c'est-à-dire  la  série  des  différents mouvements  qui  s'exécutent  entre  deux  positions  semblables de  l'animal  sur  une  branche.  Malheureusement  beaucoup  des photographies  de  Muybridge  (1902)  sont  extrêmement  floues. Il  en  résulte  que  dans  beaucoup  de  cas  on  ne  peut  savoir exactement  si,  par  exemple,  un  membre  est  soulevé  ou  appuyé. Un  certain  nombre  de  fois  nos  observations  personnelles  nous ont  permis  de  nous  fixer  ;  mais  dans  d'autres  cas  il  nous  a  été impossible  d'arriver  à  la  certitude.  Néanmoins,  et  comme  nos doutes  n'ont  porté  que  sur  des  points  de  détails,  l'exposé  que nous  donnons  du  mode  de  locomotion  du  Choloepus  peut  être considéré  comme  véritablement  exact. Muybridge  représente  (page  79)  12  positions  successives  du Choloepus,  nous  les  numéroterons  de  I  à  XII.  (Voir  fig.  3.) Position  I  :  L'animal  est  suspendu  à  la  branche  par  les ongles  puissants  de  ses  quatre  membres  ;  ceux  du  bipède  la- téral gauche  sont  rapprochés  l'un  de  l'autre,  l'antérieur  très LES  ÉDENTÉS  TARDLGRADES  ET  GKAVIGRADES  63 ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  —  4*  SÉRIE.  T.  VI.  —  (il) 64  R.  ANTHONY légèrement  projeté  en  arrière,  le  postérieur  très  légèrement projeté  en  avant,  ceux  du  bipède  latéral  droit  au  contraire,  sont éloignés  au  maximum  et  en  extension. Position  II  :  Elle  est  sensiblement  la  même  que  la  position  I  ; toutefois  l'animal  par  la  contraction  des  muscles  fléchisseurs de  son  membre  antérieur  droit  (on  voit  nettement  que  ce  der- nier tend  à  se  rapprocher  de  la  verticale)  et  des  muscles  exten- seurs de  son  membre  postérieur  gauche,  (j'ai  constaté,  ainsi qu'il  le  sera  dit  plus  loin  par  la  palpation,  la  réalité  de  ces contractions  musculaires)  tend  à  faire  progresser  son  corps  en avant.  En  même  femps  son  membre  antérieur  gauche,  et,  peut- être  aussi,  quoiqu'à  un  degré  moindre,  son  membre  postérieur droit  semblent  manifester  une  tendance  à  se  détacher  de  la branche. Position  III  :  La  progression  du  corps  en  avant  continue  par le  fait  des  mêmes  contractions  musculaires  que  précédemment. Le  membre  antérieur  gauche  est  maintenant  nettement  déta- ché de  la  branche  et  s'en  trouve  même  assez  éloigné  ;  quant  au postérieur  droit  il  semble  également  en  train  de  s'en  détacher à  son  tour.  La  photographie  de  Muybridge  floue  en  ce  point ne  permet  pas  de  s'exprimer  d'une  façon  plus  catégorique. Quoi  qu'il  eu  soit  et  si  même  le  membre  postérieur  droit  est vraiment  détaché  de  la  branche,  il  en  est  moins  éloigné  que l'antérieur  gauche,  ce  qui  exprime  nécessairement  qu'il  s'en détache  un  certain  temps  après  ce  dernier.  Sur  le  Choloepus  du Muséum  d'Histoire  naturelle,  je  me  suis  rendu  compte  du  retard de  courte  durée,  mais  indiscutable,  que  présente  dans  son soulèvement  le  membre  postérieur  sur  le  membre  antérieur diagonal. Position  IV  :  Continuation  par  le  même  mécanisme  du  même mouvement  de  progression  du  corps  en  avant.  Les  membres antérieurs  gauches  et  postérieurs  droits  sont  nettement  éloi- gnés de  la  branche.  Par  suite  de  la  progression  du  corps  le  pre- mier est  maintenant  en  avant  de  son  homologue  du  côté droit. LES  E DENTES  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    65 Position  V  :  Le  corps  a  encore  progressé  en  avant  ;  les  mem- bres antérieurs  droits  et  postérieur  gauche  agents  actifs  de  cette progression  sont  maintenant  dans  une  direction  perpendicu- laire à  celle  de  la  branche.  Le  membre  antérieur  gauche  s'est abattu  sur  la  branche  et  le  postérieur  droit  ne  va  pas  tarder à  retomber  à  son  tour.  Il  est  important  de  noter  cette  avance pour  l'appui  du  membre  antérieur  gauche  sur  le  postérieur  droit, elle  est  en  quelque  sorte  compensatrice  du  retard  pour  le  sou- lèvement du  membre  postérieur  droit  sur  l'antérieur  gauche. Cette  avance  et  ce  retard  ne  paraissent  pas  être  absolument égaux.  Il  semblerait  que  le  membre  antérieur  est  toujours  un peu  moins  longtemps  soulevé  que  le  postérieur  diagonal. Position  VI  :  Le  corps  a  encore  progressé  en  avant  par  le fait  de  la  contraction  des  muscles  fléchisseurs  du  membre  anté- rieur droit,  et  extenseurs  du  membre  postérieur  gauche.  Sur •la  silhouette  VI  on  se  rend  compte  que  ces  muscles  ne  sont  pas loin  d'être  à  bout  de  course.  En  même  temps  le  membre  posté- rieur s'est  abattu  à  son  tour  sur  la  branche  se  mettant  au  contact de  l'antérieur  droit.  L'animal  se  trouve  alors  dans  une  position très  voisine  de  la  position  I  avec  cette  dilïérence  que  ce  sont les  membres  du  côté  droit  qui  occupent  la  position  qu'occu- paient ceux  du  côté  gauche  et  inversement.  L'animal  a  accompli un  demi  pas. Positions  VII-VIII-IX-X-XI  :  Le  deuxième  demi-pas  s'ac- complit de  la  même  façon  que  le  premier,  mais  ce  sont  cette  fois les  membres  antérieur  droit  et  postérieur  gauche  qui  se  soulè- vent, pendant  que  les  membres  antérieur  gauche  et  postérieur droit  sont  les  agents  actifs  de  la  progression. Pendant  les  positions  VII  et  VIII  la  progression  du  corps  en avant  paraît  encore  se  continuer  par  le  fait  des  contractions  mus- culaires des  muscles  fléchisseurs  du  membre  antérieur  droit  et extenseurs  du  membre  postérieur  gauche.  Il  semble  que  ce  ne  soit qu'à  partir  de  la  position  VIII  que  ces  muscles  soient  à  bout  de course.  Ce  n'est  qu'à  partir  de  ce  moment  en  tous  cas  que  les  mem- bres antérieur  droit  et  postérieur  gauche  tendent  à  se  soulever. R.  ANTHONY Position  XII  :  L'animal  occupe  en  ce  moment  une  position voisine  de  celle  qu'il  occupait  en  I.  Le  membre  antérieur  droit s'est  abattu  sur  la  branche  ;  mais  le  postérieur  gauche  n'est  pas encore  à  son  contact.  C'est  le  retard  déjà  signalé  du  membre postérieur  à  l'appui  (voyez  position  V).  Si  l'auteur  avait  repré- senté une  treizième  photographie,  elle  aurait  certainement réalisé  d'une  façon  parfaite  la  position  I. Les  figures  4,   5,   6,   7,  représentent   le   déplacement  et  la trajectoire    de   chacun    ,       _....„ ^^ des   membres   pris    en particuHer. FlQ.    4. Positions  successives  occupées  par  le  membre  antérieur  droit  au  cours  d'un  paa complet  {Ckoloepus). Sur  cette  figure,  on  se  rend  compte  que  pendant  l'appui,  le  membre,  par  le  fait de  la  contraction  de  ses  muscles  fléchisseurs,  tourne  autour  d'un  point  fixe  pris sur  la  branche.  Lorsqu'il  est  arrivé  à  occuper  une  direction  à  peu  près  perpen- diculaire à  cette  dernière,  il  tourne  alors  autour  d'un  point  fixe  (lequel d'ailleurs,  par  le  fait  de  la  progression  du  corps  en  avant  déterminée  par  la contraction  des  fléchisseurs  de  l'antérieur  gauche  et  des  extenseurs  du  postérieur droit,  se.  déplace  d'arrière  en  avant),  situé  probablement  dans  l'articulation scapulo-  humérale  ou  dans  son  voisinage. Cette  figure,  ainsi  que  les  figures  5,  6,  7,  a  été  exécutée  d'après  la  chronophoto- graphie  de  Muybridge. ^ -  : - - .A7/. FiG.   5.   Positions  successives  occupées  par  le  membre  anté- rieur gauche  au  cours  d'un  pas  complet  {Choloepus). Mêmes  observations  qne  pour  la  figure  précédente. LES  EDENTuS  TARDIGRADeS  ET  GRAVIGRADES    67 m. FiG.   6.     Positions  successives  occupées  par  le  membre  postérieur  gauche  au  coiurs  d'un  pas complet  {Choloepus). Sur  cette  figure,  on  se  rend  compte  que  pendant  l'appui  le  membre  tourne,  par  le fait  de  la  contraction  de  ses  muscles  extenseurs,  autour  d'un  point  fixe  pris  sur  la branche.  Lorsqu'il  est  arrivé  à  occuper  une  direction  à  peu  près  perpendiculaire  à cette  dernière,  il  tourne  alors  autour  d'un  point  fixe  (lequel  d'ailleurs,  par  le  fait de  la  progression  du  corps  en  avant  déterminée  par  la  contraction  des  fléchisseurs de  l'antérieur  gauche  et  des  extensem:s  du  postérieur  droit,  se  déplace  d'arrière en  avant),  situé  probablement  dans  l'articulation  coxo  -  fémorale  ou  dans  son voisinage. t'iG.   7.     Positions  successives  occupées  par  le  membre  postérieur  droit  au  cours  d'un  pas complet  (Choloepus). Mêmes  observations  que  pour  la  figure  précédente. Malheureusement,  je  n'ai  pu  me  servir  pour  l'étude  que  j'ai faite  du  Oholoepus  de  la  Ménagerie  du  Muséum  de  la  méthode 68  R.  ANTHONY chronophotographique  :  les  locaux  ne  s'y  prêtaient  pas  ; de  plus  le  fait  que  l'animal  se  refusait  à  se  mouvoir  en  plein jour  rendait  également  l'exécution  de  la  chose  extrêmement difficile.  J'ai  dû  me  contenter  de  l'observation  pure  et  simple, qui,  dans  l'étude  de  la  locomotion  peut  parfois  être  si  féconde, surtout  lorsqu'il  s'agit  d'un  animal  dont  les  mouvements  sont aussi  lents  que  ceux  du  CJioloepus.  Par  ce  seul  procédé,  j'ai  pu constater  effectivement  que  l'animal  se  mouvait  à  peu  près toujours  de  la  façon  représentée  par  Muybridge  (1902)  et  pour ainsi  dire  jamais  différemment.  Je  reconnais  toutefois  qu'il  ne serait  pas  inutile  de  recommencer  les  expériences  de  Muybridge (1902),  et  je  compte  tenter  de  le  faire  à  la  prochaine  occasion. Au  cours  de  mes  observations,  j'ai  pu  me  rendre  compte  aussi que  la  progression  du  corps  en  avant  se  faisait  ainsi  qu'il  l'a  été annoncé,  non  seulement  par  la  contraction  des  extenseurs  du membre  postérieur  fixé,  mais  aussi  par  celle  des  fléchisseurs  du membre  antérieur.  La  simple  palpation  m'a  permis  de  me  rendre facilement  compte  de  l'action  de  ces  muscles  fléchisseurs  du membre  antérieur  laquelle  est  véritablement  très  puissante. On  sait  combien  a  été  discuté  ces  dernières  années  le  rôle des  membres  antérieurs  dans  la  propulsion  du  corps  chez  les animaux  à  attitude  normale,  le  cheval  notamment.  La  plupart des  auteurs,  en  effet,  admettent  que  chez  le  cheval  la  propulsion se  fait  par  l'intermédiaire  des  membres  postérieurs  seuls,  les membres  antérieurs  ne  jouant  simplement  le  rôle  que  de  co- lonnes de  soutien.  L'opinion  contraire  a  cependant  été  émise et  certains  pensent  que  les  membres  antérieurs  jouent  un  rôle actif  dans  la  propulsion  prenant  un  point  d'appui  sur  le  sol  et amenant  en  quelque  sorte  par  la  contraction  de  leurs  muscles fléchisseurs  le  corps  à  eux.  Le  lieu  n'est  point  ici  de  prendre parti  dans  cette  question.  Disons  seulement  qu'en  ce  qui  con- cerne le  Choloepus,  il  nous  a  semblé  que  les  membres  antérieurs jouaient  un  rôle  peu  important  dans  la  propulsion  du  corps lorsque  la  branche  sur  laquelle  se  déplaçait  l'animal  était  hori- zontale. Lorsque  la  branche  était  inclinée  et  que  l'animal  la LES  ÉDENTÉS  TARDIGRADES  ET  GRAVIGRADES    69 gravissait,  leur  rôle  était  indiscutable  et  très  important.  L'animal grimpe  alors  autant  qu'il  marche.  Lorsque  la  branche  était inclinée  en  sens  inverse  et  que  l'animal  descendait  la  pente,  il  ne contractait  plus  du  tout  les  fléchisseurs  de  ses  membres  antérieurs et  la  contraction  des  extenseurs  des  membres  postérieurs  était elle-même  très  diminuée.  Il  profitait  en  quelque  sorte  de  l'action de  la  pesanteur,  et  avait  plutôt  besoin  de  se  retenir  que  de  faire effort  pour  avancer.  Le  rôle  des  membres  antérieurs  était  alors nul.  Mais  le  paresseux  n'aime  guère  descendre  les  pentes,  d'autre part  les  branches  sont  rarement  horizontales.  Il  s'ensuit  qu'il est  le  plus  souvent  dans  les  conditions  où  les  fléchisseurs  de  ses membres  antérieurs  se  contractent,  de  telle  sorte  que  l'on  peut considérer  leur  contraction  comme  un  acte  normal  de  la  loco- motion de  cet  animal  qui  tient  à  la  fois  de  la  marche  et  du  grim- pement.  Les  membres  antérieurs  jouent  donc  en  somme  un  rôle important  dans  la  propulsion  du  corps  chez  les  Paresseux. D'après  la  méthode  de  Mârey  (1873)  on  peut  écrire  graphi- quement de  la  façon  suivante  le  pas  du  CJioloepus  chronopho- tographié  par  Muybridge  (1902).  J'ai  suivi  dans  cette  figure  aussi exactement  que  je  l'ai  pu  les  indications  de  l'auteur;  mais  le  flou de  certaines  photographies  a  souvent  rendu  ma  tâche  difiicile. 1 / //.    ///. //: /; 17. 17/. 17//. /r. ,t ,17. A7/. ~*    "  ' ... ■ i m ■ Or/ .  /^'/ |^^^^^^^^^^^^^^^^_^^_^^^^_ /'.// 'V. FiG.  8.  Notation  (d'après  la  méthode  de  Marey)  d'un  pas  de  Choloepus  d'après  la  chro- nophotographie  de  Muybridge.  ad,  membre  antérieur  droit  ;  ag,  membre  antérieur gauche  ;  pd,  membre  postérieur  droit  ;  pg,  membre  postérieur  gauche. 70  R.  ANTHONY De  ces  observations  sur  le  Choloepus  il  ressort  que  l'allure qu'aiïecte  cet  animal  est  une  allure  diagonale,  c'est-à-dire  que les  mouvements  des  membres  sont  associés  en  diagonale,  l'an- térieur droit  et  le  postérieur  gauche  d'une  part,  le  postérieur droit  et  l'antérieur  gauche  d'autre  part.  On  conçoit  d'ailleurs qu'il  serait  difficile  qu'il  en  fût  autrement.  Si  ces  animaux  à attitude  renversée  avaient  une  allure  latérale  analogue  à  l'amble du  cheval,  ils  risqueraient  de  rester  suspendus  par  leurs  deux membres  du  même  côté.  Pour  éviter  cette  occurrence  ils  devraient contracter  énergiquement  les  muscles  adducteurs  de  leurs  mem- bres de  l'autre  côté  afin  de  lutter  contre  l'influence  de  la  pesan- teur qui  tendrait  dans  le  cas  de  leur  attitude  spéciale  à  s'op- poser à  l'appui  qu'elle  favorise  au  contraire  dans  le  cas  de  la locomotion  d'un  animal  tel  que  le  cheval. Dans  cette  allure  du  Choloepus  il  n'y  a  pas  une  synergie strictement  absolue  entre  les  deux  bipèdes  diagonaux.  Cela  se voit  bien  dans  la  figure  3  :  ainsi  qu'il  l'a  été  dit  le  membre  anté- rieur se  met  en  contact  avec  la  branche  avant  que  le  membre postérieur  ne  l'ait  atteinte  (Position  V). Il  résulte  de  ceci  que  l'allure  renversée  du  Choloepus  est  une sorte  de  trot  décousu  dans  lequel  l'animal  ne  perdrait  jamais le  contact  avec  la  branche  sur  laquelle  il  progresse.  Non  seule- ment le  Choloepus  ne  perd  pas  contact  avec  la  branche  le  long de  laquelle  il  progresse  mais  encore  entre  chaque  demi  pas  il y  a  un  moment  oii  ses  quatre  membres  sont  en  contact  avec eUe. L'allure  de  cet  animal  peut  en  adoptant  la  notation  pro- posée par  Marey  (1873)  s'inscrire  de  la  façon  schématisée suivante  (voy.  fig.  9). no.    9-   Notation  simplifiée  et  schématisée  (d'après  la  méthode  de  Marey)  de  l'allare  du Choloepus.  Même  légende  que  la  figure  précédente. LES  ÉDENTÉS  TARDIGR4DES  ET  GRAVIGRADES    7i III Résumé  et  Conclusions. 10  Les  Bradypodidae  (Paresseux)  sont  des  animaux  essen- tiellement et  exclusivement  arboricoles. 2°  Leur  attitude  dans  les  arbres  est  toujours  renversée, c'est-à-dire  que  leur  dos  est  tourné  vers  le  sol. 30  Leur  locomotion  est  lente  et  ils  paraissent  affecter  d'une manière  constante  une  allure  diagonale  comparable  à  un  trot légèrement  décousu  dans  lequel  l'animal  ne  perdrait  jamais contact  avec  la  branche  sur  laquelle  il  progresse  et  dans  lequel entre  chaque  demi  pas  ses  quatre  membres  seraient  en  même temps  en  contact  avec  elle. INDEX  BIBLIOaRAPHiqUE 1903.  Anthony  (R.).  Die  Morphogenie  oder  Lehre  von  der  Enste- hung  der  Formen.  Wien. 1905.  Anthony  (R.).  Note  préliminaire  sur  les  attitudes  et  les  carac- tères d'adaptation  des  Edentés  de  la  famille  des  Bradypo- didae. {Bull.  Mus.  Hist.  nat,  liP  5,  p.  385.) 1902.     Beddard.  Mammalia.  London. 1868.  Brehm.  La  vie  des  animaux  illustrée.  Les  Mammifères.  Bail- lière,  Paris. 1765.  BuFFON  et  Daubenton.  Histoire  naturelle  générale  et  parti- culière avec  la  description  du  Cabinet  du  Roi,   vol.  XIII. 1904.  Demeny    (G.).    Mécanisme     et    éducation    des    mouvements. F.  Alcan,  Paris,  pp.  378-381. 1891.     Flower  et  Lydekker.  Mammals  living  and  extinct.  London. 1873.     Marey.  (E.  J.)  La  machine  animale.  Baillière,  Paris. MÉNÉGAUX  (A.)  Les  Mammifères  in  La  vie  des  animaux  illustrés. Paris,  J.-B.  Baillière. 1902.     MuYBRiDGE.  Animais  in  motion.  Chapmann  and  Hall.  London. 1889.     Seitz.  Zur  LebengescMchte  der  Faultiere  {Der  Zool.  Garten  XXX. 1 72  il.  ANTHONY LÉGENDE  DE  LA  PLAIS  CEE  II Fia.   1.     Choloepm  didactylus  Linn.  dormant  accroché  aux  parties  aupérieiires  de  sa  cag<?. (Cette  photographie  et  les  suivantes  ont  été  prises  à  la  Ménagerie  du  Muséum d'Histoire  naturelle  sur  un  seul  et  même  animal.) FlQ.   2.     Le  même  dormant  accroché  aux  parties  inférieures  du  grillage  de  sa  rage, FIG.   3.     Le  même  s'étirant  après  avoir  été  réveillé. FiG.   4-.5.  Le  même  progressant  le  long  d'une  branche  inclinée. FiG .    6 .      Le  même  suspendu  à  une  branche  dans  une  attitude  de  repos. ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IVe  Série,  Tome  VI,  p.  73  à  102,  pi.  III 25  Février  1907 L'ORIGINE  DES  NEMÂTOCYSTES DES ÉOLIDIENS PAR L.  CUÉNOT Professeui-  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Nancy. SOMMAIRE Etat  de  la  question 73 Les  Eolidiens  étudiés  et  leurs  proies 76 Identité  des  nématocystes  des  Eolidiens  avec  ceux  de  leurs  proies 77 Expériences   démontrant   l'origine   alimentaire   des   nématocystes   des   Eolidiens....  "9 Régénération  du  sac  cnidophore 83 Fonctionnement  du  sac  cnidophore  normal 84 Valeur  défensive  des  nématocystes  des  Eolidiens 85 Appendice.  —  I.  Structure  et  physiologie  du  nématocyste 89 II.  Ressemblance   mimétique   entre   Eolidiens   et  Coelentérés 94 III.  Détermination  des  Actinies  citées 95 Conclusions 99 Etat  de  la  question La  présence  de  nématocystes  chez  les  Eolidiens  a  été  inter- prétée de  deux  façons  différentes  :  pour  la  très  grande  majorité des  auteurs,  ces  organites  appartiennent  en  propre  au  Mollusque et  se  développent  dans  les  cellules  (cnidoblastes)  qui  tapissent intérieurement  les  sacs  enidophores  des  papilles  ;  la  ressem- blance complète,  l'identité  pour  mieux  dire,  qu'ils  présentent avec  les  nématocystes  des  Coelentérés  rentre  dans  la  catégorie (les  phénomènes  de  convergence. Arch.  de  zool.   exp.   et  gén.  —  iv  série.  —  t.  vi.  —  (m)  6 74  L.  CUENOT      - Mais,  d'autre  part,  on  sait  que  les  Eolidiens  à  nématocystes, sans  exception,  se  nourrissent  précisément  de  Ocelentérés,  Acti- nies ou  Hydraires  ;  frappé  par  ce  fait,  T.  Strethlll  Wright, dès  1858,  avait  pensé  que  les  nématocystes  des  Eolidiens  pour- raient bien  provenir  des  Cœlentérés  ingérés  ;  malgré  les  obser- vations et  expériences  assez  probantes  qu'il  avait  faites,  cette manière  de  voir  a  paru  sans  doute  par  trop  invraisemblable, et  ses  publications  ont  passé  tout  à  fait  inaperçues  ;  ce  n'est  que tout  récemment,  en  1903,  que  cette  idée  a  été  reprise  par  Glaser et  par  Grosvenor. Les  arguments  invoqués  à  l'appui  de  leur  thèse  par  Wright, Glaser  et  Grosvenor,  sont  d'ordre  varié  :  les  uns  relèvent d'observations,  les  autres  d'expériences.  On  peut  les  grouper de  la  façon  suivante,  en  ne  mentionnant  que  les  plus  frappants  : 1°  Diverses  espèces  d'Eolidiens,  pris  sur  diverses  espèces d'Hydraires,  ont  resx)ectivement  des  nématocystes  identiques  à ceux  de  ces  Hydraires  ;  de  même,  d'une  façon  générale,  les  Eoli- diens qui  dévorent  les  Actinies  ont  des  nématocystes  rappelant ceux  de  ces  Cœlentérés  (Wright,  Glaser,  Grosvenor). 2°  Les  nématocystes  trouvés  en  abondance  dans  les  excré- ments des  Eolidiens,  et  qui  proviennent  sans  aucun  doute  des Cœlentérés  ingérés,  sont  généralement  identiques  à  ceux  des sacs  cnidophores  (Grosvenor). 3''  Il  est  vrai  qu'il  y  a  d'assez  nombreux  Eolidiens  {Fiona, Glaucus,  Doto)  qui  se  nourrissent  de  Cœlentérés  et  qui  n'ont ni  sacs  cnidophores  ni  nématocystes,  mais  la  réciproque  n'est pas  vraie  :  les  Eolidiens  qui  mangent  autre  chose  que  des  Cœlen- térés, soit  des  Bryozoaires  {Janidœ),  soit  des  œufs  de  Poissons {Calma  glaucoides),  sont  toujours  dépourvus  de  sacs  cnido- phores et  de  nématocystes. 40  Les  divers  individus  d'une  même  espèce  d'Eolidien  n'ont pas  toujours  des  nématocystes  identiques  ;  il  peut  y  avoir  une assez  forte  variation,  qui  trouverait  une  explication  simple dans  un  changement  de  nourriture  (Grosvenor,  Abric). 50  Un  jeune  EoUs  aïba,  trouvé  dans  un  aquarium  où  il  s'est L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS  75 probablement  métamorphosé  (depuis  deux  mois  environ),  n'a sûrement  pas  eu  d'Hydraires  à  sa  disposition.  Il  ne  renferme pas  de  nématocystes  (Glaser). 6°  Eolis  Druîmnondi,  vivant  sur  Tubularia  indivisa,  a  des nématocystes  semblables  à  ceux  de  cet  Hydraire.  Après  un jeûne  prolongé,  VEolis  est  nourri  avec  des  Goryne  eximia  ;  le jour  suivant,  ses  papilles  et  son  tube  digestif  renferment  des nématocystes  de  Coryne  mélangés  à  ceux  de  Tubularia  (Wright). Des  RizzoUa  peregrina  ont  dans  les  sacs  cnidophores,  au moment  de  leur  capture,  de  petits  nématocystes  pyriformes d'Hydraires  (provenant  de  tentacules  à'Eudendrium  ?)  ;  ils  sont placés  dans  un  aquarium  renfermant  uniquement  l'Hydraire Pennaria  Cavolinii,  qui  a  des  nématocystes  ovoïdes,  grands  et petits.  Au  bout  de  neuf  jours,  on  trouve  dans  les  sacs  cnido- phores des  RizzoUa  un  mélange  des  nématocystes  originels  et de  ceux  de  Pennaria  ;  au  bout  d'un  mois,  les  premiers  ont  été presque  entièrement  remplacés  par  les  nématocystes  de  Pen- naria (Grosvenor). 70  Si  les  nématocystes  se  développaient  dans  les  cellules  des sacs,  on  devrait  trouver  tous  les  stades  de  développement, ce  qui  n'est  pas  ;  les  nématocystes  sont  toujours  parfaits,  quelle que  soit  leur  taille.  La  présence  d'un  canal  de  communication entre  le  diverticule  hépatique  et  le  sac  ne  se  comprend  guère que  si  les  nématocystes  arrivent  dans  ce  dernier  par  la  voie digestive. Assurément,  ces  arguments  et  ces  expériences,  surtout  pré- sentés en  masse,  sont  probants  ;  mais  le  fait  à  prouver  est  tel- lement extraordinaire,  tellement  invraisemblable,  peut-on  dire, que  de  nouvelles  recherches  à  ce  sujet  ne  paraîtront  peut-être pas  superflues.  Je  les  avais,  du  reste,  commencées  avec  la  con- viction, malgré  la  lecture  du  mémoire  de  Grosvenor,  que  les nématocystes  des  Eolidiens  leur  appartenaient  bien  en  propre, et  avec  l'idée  préconçue  qu'il  fallait  trouver  une  explication, influence  chimique  ou  autre,  de  la  ressemblance  indiscutable des  nématocystes  d'Eolidiens  avec  ceux  des  Cœlentérés  dont %  h.  CUÉNOT ils  se  nourrissent  habituellement.  Mes  expériences  m'ont  forcé de  changer  complètement  d'opinion  ;  j'espère  donc  qu'on  les trouvera  convaincantes. Les  Eolidiens  étudiés  et  leurs  proies J'ai  étudié  surtout  deux  Eolidiens  fréquents  dans  le  bassin d'Arcachon  pendant  les  mois  d'été  :  BergMa  cœrulescens  Lau- rillard,  parfaitement  conforme  à  l'excellente  description  donnée par  Teinchese  (1882),  et  Spurilla  neapolitana  Délie  Chiaje, bien  décrite  également  dans  les  travaux  de  Bergh,  Trinchese et  Vayssière.  Ces  deux  espèces  se  rencontrent  ensemble  dans les  parcs  à  Huîtres,  sous  les  collecteurs,  les  vieilles  caisses  aban- données et  les  pierres,  accompagnées  d'une  faune  assez  riche d'animaux  fixés.  Spongiaires,  Actinies,  Balanes  et  Tuniciers. Des  observations  préliminaires  m'ont  permis  de  préciser  les Coelentérés  dont  ils  se  nourrissent  :  BergMa  cœrulescens  s'attaque uniquement  à  une  petite  Actinie  du  groupe  des  Sagartiadées, VAiptasia  lacerata  Dalyell,  et  surtout,  peut-être  exclusivement, à  la  variété  a  à  tentacules  carminés,  qui  présente,  quand  on  la voit  en  place,  une  ressemblance  décevante  avec  l'Eolidien  (1). Spurilla  neapolitana  est  plus  éclectique  et  plus  vorace  :  elle attaque  surtout  des  Sagartiadées  :  Aiptasia  lacerata  Dal.  et Aiptasia  erythrochila  P.  Fischer,  Cylista  viduata  Miill.,  Heliactis bellis  Ellis,  et  une  espèce  de  la  famille  des  Phellidés,  Phellia elongata  Délie  Chiaje  (2).  Quand  la  colonne  est  peu  consistante, comme  c'est  le  cas  chez  les  Aiptasia,  les  Actinies  sont  dévorées entièrement,  sans  qu'il  reste  de  résidu  ;  si  la  colonne  est  coriace, la  Spurille,  quand  elle  a  réussi  à  l'entamer,  mange  le  contenu de  la  cavité  du  corps,  mése<ntéroïdes  et  organes  génitaux,  ainsi que  les  tentacules,  mais  laisse  intacte  la  plus  grande  partie  de la  colonne.  Je  n'ai  jamais  vu  les  Spurilles  tenter  d'attaques  sur (1)  Voir  à  V Appendice,  note  II,  quelques  remarques  sur  la  ressemblance  mimétique  entre Eolidiens  et  Cœlentérés. (2)  Voir  à  {'Appendice,  note  III,  des  références  au  sujet  de  la  détermination  des  Actinies citées  au  cours  de  ce  travail. L'ORIGINE  DES  NEMA  f  OCYSTES  DES  EOLIDIENS  77 Sagartia  troglodytes  Johnston  et  Bunodes  Balli  Cocks  ;  elles s'approchent  souvent  de  Sagartia  sphyrodeta  Gosse,  mais  comme cette  espèce  rejette  an  moindre  contact  des  quantités  d'aconties, les  Spurilles  sont  visiblement  incommodées  par  ces  organes  et s'écartent  d'un  animal  aussi  bien  défendu. Un  sens  très  délicat,  l'olfaction  sans  doute,  avertit  les  Eoli- diens  de  la  présence  d'une  proie  qui  leur  convient.  Bien  sou- vent, dans  des  aquariums  renfermant  des  Spurilles  immobiles, cachées  sous  des  pierres,  j'ai  laissé  tomber  des  Aiptasia,  qui sont  leur  mets  de  prédilection  ;  presque  aussitôt,  les  Eolidiens se  mettent  en  marche,  se  dirigeant  tout  droit  vers  l'Actinie  ; quand  ils  l'ont  rencontrée,  ils  tâtent  la  colonne  avec  leurs  rhi- nophores  et  commencent  à  la  ronger;  le  muffle  buccal  se  dilate d'une  façon  singulière,  et  son  extrémité  s'applique  étroitement, comme  une  ventouse,  sur  l'Actinie.  Les  particules  alimentaires passent  ainsi  dans  le  tube  digestif  de  TEolidien,  sans  subir  de contact  avec  l'eau  ambiante  ;  ce  qui  explique  que  les  némato- cystes  de  l'Actinie  parviennent  intacts,  non  déchargés,  dans les  diverticules  hépatiques  des  papilles. Identité  des  nématocystes  des  Eolidiens  avec  ceux  de  leurs  proies Les  nématocystes  trouvés  dans  les  sacs  cnidophores  sont incontestablement  identiques  à  ceux  des  Actinies  attaquées  or- dinairement par  Berghia  et  Spurilla,  et  cela  seul  permet  déjà d'afl&rmer  l'origine  actiniaire  des  premiers.  En  dehors  des  spiro- cystes  (qui  ne  se  rencontrent  jamais  dans  les  sacs  cnidophores), les  Sagartiadées  et  les  Phellia  ont  deux  types  principaux  de  néma- tocystes, que  je  qualifierai  de  forme  barbelée  et  de  forme  spiralée. La  première  (pi.  III,  fig.  5,  6;  figurés  I  et  III  du  texte,  page  88) a  une  capsule  allongée,  de  taille  variable,  qui  est  surmontée,  à l'état  de  dévagination,  par  un  tube  basilaire  sur  lequel  sont implantées  de  nombreuses  barbules  dirigées  vers  la  capsule  ;  ces barbules  sont  petites  et  rares  au  voisinage  de  celle-ci,  et  aug- mentent en  taille  et  en  nombre  à  mesure  qu'on  s'en  éloigne  ; le  tube  basilaire,  à  son  extrémité  distale,  porte  un  court  tronc 78  L.  CLTENOT      ' de  cône,  sans  barbules,  qui  se  prolonge  par  un  très  long  et  très mince  filament  creux  (1).  La  forme  spiralée  diffère  de  la  pré- cédente par  la  constitution  du  tube  basilaire  qui  ressemble (fig.  8)  à  une  vis  doublement  spiralée,  ne  portant  pas  de  bar- bules, mais  de  courts  piquants  à  peine  visibles  ;  le  filament  ter- minal est  souvent  d'une  longueur  considérable.  Chez  Aiptasia erytJirochila,  on  rencontre,  dans  les  tentacules  seulement,  une forme  de  grande  taille  (fig.  7),  modification  du  type  barbelé,  qui paraît  absolument  propre  à  cette  espèce  ;  je  ne  l'ai  vue  nulle part  ailleurs.  Elle  diffère  de  la  forme  habituelle  par  la  longueur inusitée  du  tube  basilaire  qui  décrit  (dans  l'état  invaginé)  une double  boucle  à  l'intérieur  de  la  capsule. Chez  Berghia,  qui  mange  uniquement  Aiptasia  lacerata,  on trouve  presque  exclusivement  de  grands  nématocystes  barbelés à  tube  basilaire  droit  ;  la  forme  spiralée  est  rare  et  petite.  Iden- tité parfaite  de  formes  et  de  dimensions  entre  les  nématocystes de  l'Actinie  et  de  l'Eolidien. Chez  Spurilla,  qui  a  un  régime  très  varié,  il  y  a  du  polymor- phisme dans  les  nématocystes  d'un  même  animal,  et  de  notables différences  entre  les  divers  individus  :  les  nématocystes  barbelés et  spirales  ont  des  tailles  très  variables,  et  parmi  eux  on  ren- contre fréquemment,  mais  pas  constamment,  le  nématocyste  à tube  basilaire  bouclé,  caractéristique  de  V Aiptasia  erythrochila. J'ai  isolé  dans  un  aquarium,  pendant  plusieurs  semaines,  des Spurilles  auxquelles  je  ne  donnais  en  pâture,  mais  à  profusion, que  cette  espèce  d' Aiptasia  ;  immanquablement,  j'ai  vu  dans les  sacs  cnidophores  le  nématocyste  caractéristique.  Dans  une même  cellule  de  sac  cnidophore,  on  peut  trouver  plusieurs  formes de  nématocystes,  comme  l'ont  déjà  constaté  Bedot  (1896)  et Abric  (1904-a). Il  est  presque  superflu  de  dire  que  les  nématocystes  libres dans  la  cavité  des  diverticules  hépatiques,  de  même  que  ceux inclus  dans  les  excréments,  sont  aussi  identiques  à  ceux  des  sacs (1)  Voir  à  V Appendice,  note  I,  une  description  détaillée  du  nématocyste  barbelé  et  de  son mode  de  fonctionnement. L'ORIGINE  DES  NEMATOGYSTES  DES  EOLIDIENS  79 cnidophores.  Je  mentionnerai  en  passant  que  l'on  trouve  dans les  excréments,  outre  des  nématocystes  non  déchargés,  de  très nombreux  spirocystes  intacts  ;  il  est  fréquent  d'en  voir  de  libres à  l'intérieur  des  diverticules  hépatiques  ;  et  cependant,  comme on  le  sait,  il  n'y  a  jamais  de  spirocystes  dans  les  sacs  cnidophores; mais  ce  n'est  pas  parce  qu'ils  sont  digérés  avant  d'y  arriver, comme  on  le  croyait. Chez  Aeolidiella  glauca  Aider  et  Hancock,  dont  je  n'ai  eu qu'un  exemplaire  entre  les  mains,  j'ai  trouvé  dans  les  sacs  cni- dophores les  deux  formes  habituelles  de  nématocystes,  spi- ralée  et  barbelée  ;  il  est  probable  que  cette  espèce  s'attaque  aussi à  des  Actinies  voisines  des  Sagartia,  mais  je  ne  l'ai  pas  constaté de  visu. Expériences  démontrant  l'origine  alimentaire  des  nématocystes des  Eolidiens J'ai  cherché  à  réaliser  une  expérience  cruciale,  dilïérente  de celles  de  Wright  et  Grosvenoe,  parce  que  la  substitution  d'une espèce  de  Cœlentéré  à  une  autre,  dans  le  régime  alimentaire des  Eolidiens,  donne  difficilement  des  résultats  démonstratifs; souvent,  tel  Eolidien  ne  mange  qu'une  seule  espèce  de  Cœlen- téré et  n'en  accepte  pas  d'autre  (par  exemple  BergMa)  ;  ou bien,  s'il  attaque  plusieurs  espèces,  celles-ci  sont  voisines  et  ont des  nématocystes  à  peu  près  identiques  (par  exemple  Spurilla). Mes  expériences  sont  faciles  à  refaire,  et  confirment  par  une autre  voie  celles  qui  sont  basées  sur  le  changement  de  nourriture. Avec  de  fins  ciseaux  coupant  très  bien,  je  sectionne  chez  des Berghia  et  des  Spurilla  toutes  les  extrémités  des  papilles,  de façon  à  enlever  les  sacs  cnidophores  ;  il  faut  une  certaine  patience pour  atteindre  toutes  les  papilles,  mais  ce  n'est  pas  impossible  ; d'ailleurs,  s'il  reste  sur  les  côtés  du  corps  quelques  petites  pa- pilles avec  sacs  intacts,  cela  ne  trouble  pas  l'expérience.  Les animaux  ne  paraissent  pas  souffrir  de  l'opération. Je  les  divise  ensuite  en  deux  lots,  qui  sont  placés  dans  les meilleures    conditions    d'existence    possibles    (eau    très    aérée. 80  L.  CUENOT pierres  pour  s'abriter).  Les  Eolidiens  du  premier  lot  ne  reçoivent absolument  aucune  nourriture  ;  ceux  du  second  sont  nourris abondamment  avec  une  seule  espèce  d'Actinie,  dont  on  étudie minutieusement  les  nématocystes. La  cicatrisation  des  papilles  coupées  se  fait  très  rapidement, et  elle  est  suivie  peu  après  de  la  régénération  de  nouveaux  sacs cnidophores  à  l'extrémité  distale  et  aux  dépens  du  diverticule hépatique  (fig.  1)  ;  ces  sacs  apparaissent,  suivant  les  lots,  de 7  à  10  jours  après  l'amputation.  A  partir  de  ce  moment,  il suffit  d'enlever  quelques  papilles  aux  Eolidiens  de  l'un  et  l'autre lots,  et  de  les  examiner  telles  quelles  au  microscope,  pour  se  faire une  opinion  sur  la  question.  Les  sacs  des  Eolidiens  abondamment nourris,  bien  que  très  petits,  à  peine  formés  (7  jours  après  ampu- tation), ont  leurs  cellules  internes  bourrées  de  nématocystes  adultes (fig.  1  et  2).  On  trouve  aussi  d'assez  nombreux  nématocystes libres  dans  la  cavité  des  diverticules  hépatiques.  Tous  ces  néma- tocystes, aussi  bien  les  libres  que  ceux  renfermés  dans  les  cel- lules des  sacs,  sont  identiques  dans  les  moindres  détails  à  ceux de  l'Actinie  donnée  comme  nourriture. Je  citerai  en  particulier  l'exemple  suivant  :  une  Spurille, amputée  depuis  7  jours,  a  mangé  durant  ce  temps  (le  6®  jour) une  seule  Aiptasia  erythrocMla,  de  grande  taille,  mais  sans toucher  à  la  couronne  tentaculaire  ;  les  cellules  des  sacs  cnido- phores sont  bourrées  des  nématocystes  de  V Aiptasia  ;  j'y  trouve trois  formes  de  nématocystes  barbelés,  une  grande  (cajjsule de  49  [x  environ  de  longueur),  une  moyenne  (28  (j^)  et  une  petite (13  fx),  et  une  forme  petite  et  effilée  de  nématocyste  spirale (capsule  de  11  ^  environ  de  longueur).  Or  les  nématocystes barbelés  petits  et  moyens,  ainsi  que  les  nématocystes  spirales, proviennent  des  mésentéroïdes  de  V  Aiptasia,  tandis  que  la grande  forme  des  nématocystes  barbelés  se  trouve  dans  les aconties.  Comme  la  Spurille  n'a  pas  touché  à  la  couronne tentaculaire,  qui  renferme  seule  le  nématocyste  barbelé  à  tube bas'laire  bouclé  (flg.  7),  cette  forme  ne  se  trouve  pas  dans  les sacs  cnidophores. L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES  DES  ÉOLIDIENS  81 Au  contraire,  chez  les  Eolidiens  laissés  à  jeun,  les  sacs,  bien  que parfaitement  développés  et  tapissés  intérieurement  de  grandes cellules  (flg.  3),  ne  renferment  pas  de  nématocystes,  même  18  jours après  Topération.  Les  cellules  des  sacs  ont  un  cytoplasme  va- cuolaire  renfermant  quelques  sphérules  jaunâtres,  mais  sans le  moindre  indice  de  nématocystes  en  voie  de  formation. La  conclusion  s'impose  :  puisqu'il  n'y  a  pas  de  nématocystes dans  les  sacs  régénérés  des  Eolidiens  à  jeun,  alors  que  ceux  des Eolidiens  bien  nourris  en  sont  bourrés,  c'est  que  ces  éléments proviennent  des  Cœlentérés  ingérés. Je  dois  dire  que  l'expérience  ne  donne  pas  toujours  des  résul- tats aussi  tranchés  ;  il  y  a  une  cause  d'erreur  à  peu  près  impos- sible à  éviter,  mais  dont  l'interprétation  est  facile.  Bien  que j'aie  pris  la  précaution  de  faire  jeûner  les  Eolidiens  pendant quelques  jours,  préalablement  à  l'amputation  des  sacs,  il  peut arriver  et  il  arrive  parfois  qu'il  reste  quelques  nématocystes libres  dans  les  cavités  compliquées  des  diverticules  hépatiques, provenant  du  dernier  repas  absorbé  avant  la  période  de  jeûne préalable.  Dès  que  les  sacs  sont  régénérés,  ces  nématocystes passent  par  le  canal  de  communication  et  se  logent  dans  les cellules  néoformées  ;  c'est  ainsi  que  de  temps  en  temps,  on  trouve quelques  nématocystes  adultes  dans  les  sacs  régénérés  des  Eoli- diens à  jeun  ;  il  n'y  en  a  qu'un  très  petit  nombre  par  sac,  de 1  à  6  par  exemple,  et  jamais  plus  d'un  dans  une  même  cellule (fig.  4),  ce  qui  contraste  avec  les  centaines  de  nématocystes renfermés  dans  les  sacs  régénérés  des  Eolidiens  bien  nourris. Par  exemple,  sur  une  Berghia  amputée  depuis  18  jours,  j'exa- mine successivement  12  papilles,  et  je  trouve  :  un  sac  renfermant trois  nématocystes,  trois  sacs  qui  en  contiennent  chacun  deux, un  sac  qui  présente  un  seul  nématocyste,  et  sept  sacs  n'en  con- tenant pas  un  seul.  Il|est  absolument  impossible  que  ces  rares nématocystes  se  soient  formés  dans  les  cellules  régénérées,  vu leur  distribution  capricieuse,  leur  petit  nombre,  et  surtout  le fait  qu'ils  sont  adultes  (fig.  4),  de  grande  taille,  et  qu'ils  ne  sont accompagnés  d'aucune  forme  jeune. f^'2  L.  CUENOT La  présence  accidentelle  de  ces  nématocystes  est  d'ailleurs heureuse,  car  elle  permet  de  réfuter  deux  critiques  que  l'on pourrait  faire  au  dispositif  expérimental  que  j'ai  adopté.  Sup- posons pour  un  instant  un  zoologiste  qui  continue  à  croire  que les  nématocystes  des  Eolidieus  se  forment  sur  place,  dans  les cnidoblîistes  des  sac«  :  il  pourrait  dire,  pour  expliquer  l'absence de  nématocystes  chez  les  amputés  laissés  à  jeiin.  que  les  cel- lules des  sacs  régénères  n'en  forment  pas  parce  qu'elles  n'ont plus  assez  de  réserves,  qu'elles  sont  dans  un  certain  état  d'ina- nition :  il  pourrait  objecter  aussi  que  la  formation  des  néma- tocystes par  les  cnidoblastes  exige  peut-être  la  présence  chez l'Eolidien  d'un  excitateiu-  chindque  particulier,  qu'il  ne  peut se  procurer  qu'en  mangeant  des  Cœlentérés  :  comme  il  est  à jeun,  il  ny  a  pas  d'excitateur  de  la  sécrétion,  et  il  ne  se  déve- loppe pas  de  nématocystes.  Or,  puisqu'on  trouve  de  temps  en temps  des  nématocystes  dans  les  sacs  des  amputés  laissés  à jeun,  ces  deux  critiques,  du  reste  spécieuses  et  hasardées, tombent  complètement  :  le  zoologiste  que  j'ai  supposé  serait forcé  de  reconnaître  que  les  Eolidieus  n'ont  pa^  besoin  d'un excitateur  pour  fabriquer  des  nématocystes.  et  que  les  cellules des  sacs  ne  sont  pas  non  plus  en  état  d'inanition.  Mais  si  elles ne  sont  pas  iuauitiées  et  si  l'excitant  spécifique  est  une  pure imagination,  comment  se  fait-il  que.  dans  les  expériences réussies,  il  n'y  ait  pas  du  tout  de  nématocystes  dans  les  sacs régénères  des  Eolidieus  privés  de  nourriture  f  Le  bon  sens repond  que  c'est  parce  qu'il  n'en  entre  point  dans  le  tube digestif. N'oublions  pas.  du  reste,  que  la  présence  ou  l'absence  de  néma- tocystes dans  les  sacs  régénérés,  suivant  que  l'Eolidien  mange des  Cœlentérés  ou  reste  à  jeun,  ne  constitue  qu'une  pai'tie  de la  démonstration  ;  le  fait  que  l'Eolidien  nourri  acquiert  cons- tamment des  nématocystes  i^eniique^  à  ceux  de  l'Actinie  qu'il mange,  et  surtout  l'absence  totale  de  stades  de  développement des  nématocystes,  dans  quelque  circonstance  que  ce  soit,  suffi- sent amplement  à  entraîner  la  conviction. L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES  DES  ÉOLIDIENS  83 Régénération   du  sac  cnidophore Lors  de  la  régénération,  le  sac  cnidophore  se  développe  exac- tement comme  dans  l'ontogénie  normale  (voir  Davenport, Hecht,  Krembzow)  ;  après  la  cicatrisation  de  la  papille,  le diverticule  hépatique,  très  ramifié  comme  on  sait,  est  fermé  à son  extrémité  distale  ;  c'est  la  branche  terminale,  celle  qui  est la  plus  voisine  de  l'épiderme  de  la  papille,  qui  donnera  le  sac cnidophore.  A  cet  effet,  elle  présente  un  étranglement  (fig.  2) qui  sépare  une  région  ovoïde  —  le  futur  sac  —  du  reste  du diverticule,  tandis  que  l'étranglement  deviendra  le  canal  de communication.  On  trouve  à  ce  moment  de  nombreuses  mitoses dans  l'épithélium  du  sac  cnidophore.  Le  mésenchyme  de  la papille  s'organise  autour  du  sac  et  produit  d'une  part  le  revê- tement musculaire  de  celui-ci,  d'autre  part  le  sphincter  qui  se développe  très  tôt  autour  du  canal  de  communication,  vers  la base  du  sac. L'épithélium  du  sac  cnidophore  régénéré  m'a  paru  être  vibra- tile  au  début  de  sa  formation  ;  plus  tard  je  n'ai  pu  apercevoir de  mouvements  vibrants.  Il  est  constitué  (fig.  3)  par  de  grandes cellules  en  forme  de  tronc  de  pyramide,  qui  présentent  un  noyau nucléole,  basilaire  ;  la  surface  libre  de  la  cellule  porte  souvent, à  ce  qu'il  m'a  semblé,  un  revêtement  de  très  courts  bâtonnets. Entre  les  grandes  cellules  fonctionnelles,  il  y  en  a  de  plus  petites, ou  plus  exactement  on  voit  entre  elles,  au  contact  de  la  basale, de  nombreux  noyaux  qui  sont  sans  aucun  doute  des  noyaux de  remplacement  {interstitial  cells  de  Grosvenor). Quand  les  cellules  commencent  à  englober  des  nématocystes, (ûg.  2),  ceux-ci  se  voient  seulement  dans  les  cellules  des  régions supérieure  et  moyenne  du  sac  ;  la  base  reste  .  onstituée  par  des cellules  non  différenciées  {embryonic  zone  de  Grosvenor),  pré- sentant des  mitoses,  qui  sont  évidemment  responsables  de  l'ac- croissement du  sac. On  a  remarqué  bien  des  fois,  lors  de  la  régénération  d'organes teutaculif ormes,  que  celle-ci  s'accompagnait  fréquemment  d  ano- 84  L.  CUENOT malies  ;  les  papilles  des  Eolidiens  ne  font  pas  exception  à  la règle  ;  il  est  très  commun,  après  régénération  du  bout  des  pa- pilles, de  trouver  deux  ou  même  trois  sacs  cnidophores  au  lieu d'un  seul  (fig.  1).  Il  semble  que  la  cause  déterminante  de  l'hyper- production  des  sacs  est  la  multiplicité  des  contacts  entre  l'épi- démie du  sommet  et  de  petites  branches  terminales  du  caecum hépatique. Fonctionnement  du  sac  cnidophore  normal Il  résulte  sans  conteste,  de  toutes  les  observations  et  expé- riences accumulées,  que  les  nématocystes  des  Eolidiens  pro- viennent bien  des  Cœlentérés  qu'ils  ont  ingérés.  Le  canal  de communication  entre  le  diverticule  hépatique  et  le  sac  cnido- phore joue  sans  doute  le  rôle  d'un  filtre,  arrêtant  certains  corps solides  pour  en  laisser  passer  d'autres.  Il  est  facile  de  constater, en  effet,  que  les  nématocystes  seuls  passent  dans  le  sac,  alors ((u'il  y  a  bien  d'autres  débris  dans  le  contenu  du  tube  hépatique  ; on  y  rencontre  très  fréquemment  des  spirocystes  intacts,  et aussi  des  Diatomées,  ayant  à  peu  près  la  forme  et  la  dimension de  nématocystes  allongés,  et  cependant  ni  Diatomées  ni  spi- rocystes ne  passent  dans  le  sac  cnidophore.  Le  canal  de  commu- nication est  revêtu  d'un  épithélium  vibratile  à  très  longs  cils  ; il  est  probable  que  ceux-ci  font  un  choix  parmi  les  corps  qui tendent  à  entrer  dans  le  canal,  soit  en  ne  laissant  passer  que  ceux qui  sont  particulièrement  lisses,  soit  en  commandant  par  voie réflexe  l'ouverture  du  sphincter  qui  est  à  la  base  du  sac  cnido- phore. Quant  à  la  capture  par  l'épithélium  interne  des  nématocystes entrés  dans  le  sac,  elle  est  impossible  à  constater  de  visu  ;  on peut  supposer  qu'elle  rentre  dans  le  cadre  des  phénomènes  de phagocytose.  En  tous  cas,  cette  phagocytose  présente  un  carac- tère bien  particulier  :  les  nématocystes  ne  sont  pas  ingérés  par n'importe  laquelle  de  leurs  extrémités  ;  comme  on  l'a  déjà remarqué,  tous,  sauf  de  rarissimes  exceptions,  sont  disposés  de L* ORIGINE  DES  NEMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS  80 la  même  façon  dans  la  cellule  englobante  (fig.  5)  ;  l'extrémité ouverte  par  laquelle  se  produit  la  sortie  de  l'appareil  interne est  toujours  du  côté  libre  de  la  cellule,  de  telle  sorte  que  la dévagination  peut  se  produire  (comme  cela  arrive  parfois  sous l'action  des  réactifs),  la  cellule  étant  encore  en  place.  C'est  ce fait  qui,  au  début  de  mes  recherches,  m'avait  incité  à  croire  que les  nématocystes  se  développaient  de  toutes  pièces  dans  les cellules  du  sac  cnidophore  ;  mais  puisqu'il  n'en  est  pas  ainsi,  il faut  que  quelque  tropisme  oriente  les  nématocystes  au  contact de  la  cellule  englobante,  de  façon  à  ce  que  l'extrémité  fermée de  ceux-ci  entre  la  première  dans  le  cytoplasme. Les  cellules  des  sacs  cnidophores  n'étant  pas  des  cnidoblastes, c'est-à-dire  des  cellules  formatrices  de  nématocystes,  doivent recevoir  un  nom  nouveau  rappelant  leur  mode  de  fonctionne- ment :  je  propose  de  les  appeler  des  némato'phages.  Ce  terme  me paraît  préférable  à  celui  de  cellules  agglutinantes  suggéré  par Abric  (19046). Les  nématocystes  des  Eolidiens  sont  parfaitement  fonct  on- nels,  exactement  comme  ceux  des  Cœlentérés  ;  je  n'ai  jamais remarqué  qu'ils  soient  modifiés  en  quelque  manière  par  le  cyto- plasme étranger  qui  les  englobe  ;  c'est  peut-être  là,  du  reste, le  point  le  plus  étonnant  de  leur  histoire. Valeur   défensive   des  nématocystes    des  Eolidiens Pour  achever  l'histoire  des  nématocystes,  reste  à  voir  si  ces organites,  empruntés  aux  Cœlentérés  et  devenus  partie  inté- grante de  l'organisme  des  Eolidiens,  jouent  un  rôle  quelconque dans  la  biologie  de  ceux-ci.  Chez  les  Cœlentérés,  les  némato- cystes ont  sans  aucun  doute  une  vaheur  défensive  ;  en  est-il  de même  chez  les  Eolidiens  f Lorsqu'on  touche  un  Eolidien  avec  une  baguette  de  verre, il  prend  aussitôt  une  attitude  particulière  ;  les  papilles  s'érigent, s'allongent  et  se  tournent  autant  que  possible  vers  le  point  lésé, comme  si  elles  s'orientaient  pour  cribler  l'ennemi  de  némato- cystes ;  mais  en  réalité,  comme  le  dit  très  justement  Grosvenor, 86  L.  CUENOT     " il  y  a  très  peu  ou  même  pas  du  tout  de  nématocystes  rejetés au  dehors  par  la  contraction  des  sacs.  Cette  attitude  est  donc purement  émotive,  et  n'a  pas  d'effet  défensif  direct.  Ce  n'est que  lorsqu'on  tracasse  violemment  l'animal,  ou  mieux  encore lorsque  les  papilles  sont  arrachées  et  comprimées,  qu'il  sort  des sacs  une  masse  de  cellules  nématophages  et  de  nématocystes, qui  explosent  aussitôt.  Il  y  a  de  très  bonnes  raisons,  tirées  du mode  de  fonctionnement  des  nématocystes,  pour  croire  que cette  explosion  non  dirigée  ne  peut  avoir  qu'un  effet  insigni- fiant (voir  à  I'Appendice,  note  I)  ;  mais  laissons  cela  et  essayons des  expériences. Si  un  Poisson,  par  exemple,  attaque  un  Eolidien,  il  mord  tout d'abord  les  papilles,  les  arrache,  et  reçoit  la  décharge  des  néma- tocystes dans  la  bouche  ;  paraît-il  en  éprouver  un  effet  quel- conque ?  Les  expériences  ont  donné  des  résultats  assez  contra- dictoires, mais  il  est  juste  de  dire  qu'elles  ont  porté  à  la  fois  sur des  Eolidiens  et  des  Poissons  différents. Herdman  et  Clubb  jettent  divers  Eolidiens  {Coryphella rufihrancMalis,  Galvina  picta  et  Facelina  coronata)  dans  des aquariums  renfermant  des  Blennius  pJiolis,  Gadus  morrhua, Cottus  buhalis  et  TracMnus  vipera  :  les  Poissons  nagent  vive- ment vers  les  Nudibranches,  et  les  avalent,  mais  pour  les  rejeter aussitôt  ;  ils  reviennent  parfois  à  la  charge,  mais  pour  les  rejeter encore  et  cette  fois  d'une  façon  définitive  ;  les  papilles  détachées par  le  choc  n'ont  attiré  aucun  Poisson.  Donc  incomestibilité complète  des  Eolidiens.  Garstang  {in  Poulton,  1890,  p.  200) obtient  des  résultats  analogues  :  il  jette  Galvina  tricolor  Forbes  (1), variété  orange,  dans  un  aquarium  contenant  de  jeunes  Gadus pollachius  ;  l'Eolidien  est  happé,  puis  rejeté  après  une  ou  deux secondes  par  deux  Gades,  qui  semblent  manifester  leur  sur- prise désagréable  par  des  mouvements  de  la  bouche  identiques à  ceux  qu'ils  effectuent  lorsqu'ils  ont  happé  des  tentacules d'Actinies.  De  plus,  Garstang  constate  que  cet  Eolidien  et d'autres  comme  Facelina  coronata,  Eolis  Alderi,  placés  sur  la (1)  Nom  correct,  synonyme  de  Cavolina  Farrani. L'ORIGINE  DES  NEMATOCYSTES  DES  ÉOLIDIENS  f^7 langue,   déterminent   une   sensation   piquante   très   nette,  qui varie  d'intensité  suivant  la  taille  du  Mollusque. Cependant,  la  non-comestibilité  des  Eolidiens  ne  peut  pas être  tenue  pour  générale  ;  Me  Intosh  (cité  par  Grosvenor)  a remarqué  que  la  Morue  {Gadus  morrhua)  mange  volontiers  des Eolis  papillosa  et  même  des  Actinies. J'ai  opéré  de  la  même  façon  avec  Spurilla  neapolitana  ;  je jette  des  Spurilles  venant  d'être  prises,  donc  en  parfait  état, dans  une  série  d'aquariums  renfermant  des  Poissons  carnassiers, bien  acclimatés,  mais  plutôt  affamés  :  Grondin  {Trigla  Mrundo Bloch),  Griset  [Cantharus  lineatus  Mont.),  Bar  {Labrax  lupus Cuv.),  Dorade  {Pagrus  auratus  L.),  Loche  {GoUus  niger  L.). Les  Trigles,  Grisets  et  Dorades  se  précipitent  sur  les  Spurilles et  les  avalent  ;  parfois  ils  les  rejettent  plusieurs  fois,  mais  revien- nent à  la  charge  en  poursuivant  même  les  papilles  détachées, et  dévorent  finalement  Spurilles  et  papilles.  Ils  se  comportent exactement  de  même  avec  de  petites  Actinies  de  taille  semblable à  celle  des  Eolidiens  {Aiptasia  lacerata).  Par  contre,  des  Poissons très  voraces,  comme  les  Dorades  et  les  Bars,  même  affamés, refusent  obstinément  de  manger  de  petites  Adamsia  Rondeleti  ; ils  les  mordent,  mais  évidemment  dégoiités  par  les  aconties, ils  s'en  écartent  définitivement  après  la  première  tentative.  La différence  de  comestibilité  entre  les  deux  Actinies  est  due  sans doute  au  rejet  plus  ou  moins  facile  des  aconties  :  Adamsia  les émet  en  quantité  au  moindre  attouchement,  tandis  qu'ils  sor- tent difficilement  et  en  petit  nombre  chez  V Aiptasia. Les  Gobius  niger  nagent  vivement  vers  les  Spurilles  qu'on leur  jette,  les  happent  quelquefois,  mais  les  rejettent  aussitôt et  s'écartent  définitivement  ;  si  on  leur  jette  de  nouvelles  Spu- rilles, ils  les  regardent  tomber  dans  l'aquarium,  semblent  les reconnaître,  puis  s'éloignent.  Ils  se  comportent  exactement  de même  avec  de  petites  Actinies  de  taille  analogue.  Les  Spurilles présentent  donc  des  défenses  efficaces  contre  les  Gobius,  qui abondent  du  reste  dans  les  stations  où  on  rencontre  ces  Eolidiens, mais  il  reste  à  savoir  si  les  Poissons  sont  repoussés  par  un  goût 88 L.  CUENOT i (Voir  l'explication  des  figiires  dans  le  texte.) capsule  du  nématocyste.  b,  tube  basilaire  invaginé  dans  la  capsule,  b',  tube  basilaire dévaginé,  hérissé  de  barbules.  c,  stylet  perforant  formé  par  les  barbules  accolées  eu pinceau,  d,  cône  distal  du  tube  basilaire.  e,  filament  terminal  invaginé.  e',  filament terminal  dévaginé.  o,  appareil  operculaire  fermant  l'orifice  de  dévagination.  o',  pièces operculaires  rejetées  sur  le  côté  après  la  sortie  du  tube  basilaire.  x,  trou  perforé  dans une  capsule  de  nématocyste  par  le  stylet  d'un  autre  nématocyste. L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS  89 désagréable  global,  ou  bien  seulement  par  les  nématocystes. J'ai  alors  offert  à  des  GoUus  une  Spurille  dont  j'avais  sectionné presque  tous  les  sacs  cnidophores  :  il  n'y  a  eu  aucune  différence  : les  Gohius  ont  happé  la  Spurille,  mais  l'ont  rejetée  aussitôt  et ne  l'ont  plus  attaquée.  Malheureusement  je  n'ai  fait  cette  expé- rience qu'une  seule  fois,  il  est  vrai  dans  de  très  bonnes  condi- tions ;  elle  paraît  démontrer  que  vis-à-vis  des  Poissons,  la  valeur défensive  des  nématocystes  des  Eolidiens  est  très  faible,  sinon tout  à  fait  nulle,  et  que  les  Eolidiens  sont  surtout  protégés  — quand  ils  le  sont  —  par  leur  revêtement  de  mucus  ou  leur  goût désagréable  global. H  serait  intéressant  d'expérimenter  avec  des  Crustacés,  qui paraissent  redouter  vivement  les  nématocystes,  et  de  leur  offrir des  Eolidiens  de  même  espèce,  les  uns  normaux,  les  autres  privés de  leurs  sacs  cnidophores. En  somme,  les  Eolidiens  ne  sont  pas  dédaignés  par  tous  les Po'ssons,  leurs  ennemis  naturels  ;  quelques  espèces  .tiennent ces  Mollusques  pour  comestibles,  mais  il  est  à  remarquer  que les  mêmes  peuvent  aussi  manger  des  Actinies  médiocrement armées,  ce  qui  indique  un  palais  assez  peu  susceptible.  D'autres Poissons  manifestent  un  franc  dégoût  pour  les  Eolidiens,  mais il  n'est  pas  du  tout  prouvé  que  ceux-ci  doivent  l'immunité  à leurs  nématocystes  d'emprunt.  Autant  qu'on  peut  en  juger d'après  des  expériences  incomplètes,  la  valeur  défensive  de ces  nématocystes  paraît  des  plus  réduites. APPENDICE I.   Structure  et  physiologie  du  nématocyste La  structure  des  nématocystes  est  certes  bien  connue  dans ses  grandes  lignes,  mais  néanmoins  on  a  beaucoup  de  peine  à trouver  dans  les  classiques  ou  ailleurs  des  renseignements  clairs et  précis  permettant  d'interpréter  les  détails  des  images  que l'on  a  sous  les  yeux.  Aussi,  bien  qu'il  n'y  ait  rien  de  très  nou- veau dans  l'exposé  qui  suit,  j'ai  cru  utile  de  décrire  la  structure ARCH.  DE  ZOOL.  F.XP.  ET  GÉN.  —  4«  SERIE.  T.  VI.  —  (lll)  7 90  L.  CTJENOt et  le  processus  de  dévagination  du  uématocyste  de  la  forme barbelée  ;  on  pourra  les  suivre  facilement  sur  les  figures  ci-jointes, à  peine  schématisées. Le  nématocyste  chargé,  adulte  (fig.  I  du  texte,  fig.  4  et  5  de la  planche  III),  est  constitué  par  une  capsule  oblongue,  limitée par  une  membrane  très  élastique  et  rigide.  Au  sommet  de  la capsule,  la  membrane  s'invagine  pour  constituer  le  tuhe  hasi- laire,  qui  présente  une  striation  en  spirale  extrêmement  serrée  ; à  son  extrémité  inférieure,  la  membrane  du  tube  basilaire  se replie  en  dedans  pour  constituer  le  cône  distal,  et  finalement celui-ci  se  continue,  à  son  sommet,  avec  un  tube  capillaire,  qui présente  vraisemblablement  un  très  fin  orifice  terminal.  La place  laissée  libre  dans  la  capsule  est  comblée  par  une  substance amorphe  et  transparente,  coagulable  par  le  formol,  qui  présente les  caractères  de  coloration  du  mucus,  et  qui  est  plus  ou  moins vénéneuse.  A  son  sommet,  la  capsule  est  fermée  par  un  petit appareil,  trop  petit  pour  qu'on  le  puisse  bien  comprendre,  mais qui  paraît  plus  compliqué  qu'un  simple  opercule. Lorsque  le  nématocyste  a  explosé  (fig.  III  du  texte),  on retrouve  facilement  les  parties  sus-indiquées  ;  la  capsule  est parfaitement  vide,  son  contenu  muqueux  ayant  disparu  ;  le tube  basilaire,  parcouru  par  une  spire  à  tours  beaucoup  plus écartés  que  dans  le  nématocyste  chargé,  est  hérissé  de  barbules souples,  très  petites  et  écartées  au  voisinage  de  la  capsule,  et devenant  de  plus  en  plus  grandes  et  serrées  à  mesure  qu'on s'en  éloigne.  Le  tube  basilaire  porte  à  son  sommet  le  cône  distal, qui  se  prolonge  par  le  fin  filament  terminal.  Dans  le  némato- cyste explosé,  on  voit  que  le  tube  basilaire  est  deux  ou  trois  fois plus  long  que  dans  le  nématocyste  chargé  ;  il  subit  donc  un  allon- gement propre.  Je  crois  qu'on  peut  le  comparer  à  un  ressort  à boudin,  fortement  serré  et  tendu  à  l'état  chargé,  et  tout  à  fait détendu  après  l'explosion. Lorsqu'on  tue  un  Eolidien  ou  une  Actinie  par  immersion dans  du  formol,  on  trouve  facilement  des  nématocystes  fixés par  le  réactif  à  divers  stades  de  la  dévagination,  comme  celui L'ORIGINE  DES  NEMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS  91 représenté  pi.  III,  ûg.^,  et  dans  le  schéma  II  du  texte  :  Tappareil de  fermeture  a  cédé  sous  la  pression  interne  et  se  rabat  au  pôle supérieur  de  la  capsule  sous  forme  de  deux  petits  opercules  (?); le  tube  basilaire  se  dévagine,  entraînant  le  cône  distal  et  le  fila- ment terminal  ;  dans  les  nématocystes  fixés,  dont  le  contenu capsulaire  muqueux  est  coagulé,  on  voit  très  bien  un  vide  cen- tral correspondant  à  la  place  occupée  par  le  tube  basilaire. A  mesure  que  ce  dernier  se  dévagine,  les  barbules  s'étalent. Pendant  toute  la  période  de  dévagination  du  tube  basilaire, l'extrémité  libre  de  celui-ci  porte  à  tout  instant  une  pointe excessivement  aiguë,  un  véritable  trocart  ;  je  pense  que  cette pointe  est  formée  par  les  barbules  internes  accolées,  à  la  façon des  poils  d'un  pinceau  qui  «  fait  la  pointe  ».  A  mesure  que  le cône  distal  cliemiue  dans  l'intérieur  du  tube  basilaire,  celui-ci se  détend  derrière  lui  ;  ce  n'est  que  lorsque  le  cône  apparaît au  sommet  du  tube,  que  ce  dernier  acquiert  sa  longueur  défi- nitive. Le  filament  terminal,  qui  se  trouvait  alors  engagé  dans le  tube  basilaire,  se  dévagine  à  son  tour,  mais  sans  que  sa  lon- gueur s'accroisse  bien  sensiblement.  C'est  pendant  ce  pTocessus de  dévagination  que  le  contenu  muqueux  de  la  capsule  disparaît; il  est  probable  qu'il  passe  dans  le  tube  basilaire  et  le  filament capillaire  pour  s'échapper  par  l'orifice  terminal  de  ce  dernier. L'explosion,  que  l'on  peut  provoquer  avec  certitude  en  ins- tillant de  l'acide  acétique  sous  une  préparation  de  nématocystes frais,  n'est  pas  rapide  comme  l'éclair;  elle  dure  un  temps  appré- ciable, une  seconde,  peut-être  un  peu  plus. La  figure  IV  du  texte,  due  à  un  hasard  heureux,  est  extrême- ment intéressante  par  les  renseignements  qu'elle  donne  sur  le fonctionnement  du  nématocyste  ;  des  nématocystes  de  Berghia, groupés  en  paquets,  ont  explosé  sous  l'action  du  formol,  et j'ai  pu,  parmi  eux,  trouver  nombre  d'images  analogues  à  celle que  j'ai  représentée  :  a  est  une  capsule  de  nématocyste  complè- tement explosé,  et  vide  par  conséquent  ;  un  nématocyste  voisin a  également  explosé,  et  trouvant  devant  lui  cette  capsule,  l'a perforée  avec  son  trocart  (en  œ),  et  a  continué  à  se  dévaginer  à 92  T..  CUKNOT Tintérieur,  en  vase  clos.  On  peut  en  déduire  :  1°  que  le  trocart a  une  puissance  perforante  précise  et  considérable,  pour  faire un  trou  comme  à  Temporte-pièce  dans  une  membrane  aussi solide  que  celle  d'une  capsule  ;  2»  que  le  tube  basilaire  n'est  pas très  rigide,  puisqu'il  peut  se  courber  à  angle  assez  brusque  ; 3°  que  les  barbules  latérales  sont  assez  souples,  car  on  les  voit s'infléchir  à  l'entrée  ;  4°  que  le  filament  terminal  est  également souple  et  incapable  de  perforer  des  tissus. Il  est  donc  évident  que  lorsque  des  nématocystes  explosent au  contact  d'un  animal,  proie  ou  ennemi,  ce  sont  les  trocarts  qui perforent  la  peau  de  celui-ci,  permettant  ainsi  à  la  dévagination de  se  continuer  dans  les  tissus  internes  de  l'étranger  ;  grâce  à leur  souplesse,  le  tube  basilaire  et  le  filament  terminal  peuvent se  glisser  entre  les  obstacles  et  se  déployer  dans  toute  leur  lon- gueur. Les  nématocystes  jouent  alors  d'une  façon  parfaite  leur rôle  d'appareils  inoculateurs  du  contenu  capsulaire. Mais,  pour  que  les  nématocystes  remplissent  efficacement leur  rôle,  il  faut  que  leur  attaque  soit  dirigée  à  peu  près  perpen- diculairement au  contact  étranger,  c'est-à-dire  qu'il  leur  est nécessaire  d'exploser  sans  quitter  les  cellules  oii  ils  sont  ren- fermés ;  c'est  ce  qui  se  produit  effectivement  pour  les  aconties et  les  tentacules  d'Actinies.  La  majorité  des  nématocystes explose  en  place,  quitte  à  tomber  plus  tard.  Au  contraire,  si les  nématocystes  sont  rejetés  librement  au  dehors,  par  paquets ou  isolément,  plus  ou  moins  englués  dans  du  mucus,  il  y  a  toutes sortes  de  chances  pour  que  les  dévaginations  se  produisent  dans des  directions  quelconques,  et  soient  parfaitement  inefficaces, soit  que  les  trocarts  n'entrent  pas  en  contact  avec  l'ennemi, soit  qu'ils  glissent  à  sa  surface  abordée  obliquement.  Or,  c'est précisément  le  cas  des  Eolidiens  ;  quand,  à  la  suite  d'une  irri- tation convenable,  le  sac  cnidophore  rejette  nématocystes  isolés ou  nématophages  entiers,  la  dévagination  ne  se  produit  qu'en dehors  de  l'Eolidien,  dans  tous  les  sens  possibles,  de  sorte  qu'un nombre  considérable  de  nématocystes  ne  peuvent  pas  agir  comme inoculateurs.  Je  ne  dis  pas  qu'ils  ne  servent  à  rien,  mais  enfin L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS  93 il  me  paraît  difficile  de  les  présenter  comme  des  armes  offen- sives aussi  efficaces  que  celles  des  Cœlentérés  ;  chez  l'Eolidien, leur  situation  dans  un  sac  interne  est  tout  à  fait  défectueuse au  point  de  vue  de  leur  utilisation. Quant  à  la  cause  déterminant  l'explosion  des  nématocystes, elle  n'est  pas  connue  avec  certitude  ;  on  sait  qu'elle  peut  agir sur  le  nématocyste  en  place,  enfermé  dans  une  cellule,  aussi bien  que  sur  un  nématocyste  parfaitement  libre.  La  théorie  la plus  en  vogue,  celle  d'IwANZOFF,  reprise  par  Grosvenor,  y voit  un  phénomène  d'osmose  :  la  capsule  renfermerait  un  corps très  avide  d'eau,  mais  qui  ne  peut  en  attirer  normalement, parce  que  le  nématocyste  en  place  est  entouré  d'une  solution hypertonique  (cytoplasma)  ;  lorsque  le  nématocyste  s'ouvre  au sommet,  ou  est  rejeté  dans  l'eau  ambiante,  il  entre  en  contact avec  une  solution  hypotonique  ;  l'eau  pénètre  à  l'intérieur  de la  capsule,  la  pression  interne  devient  considérable  et  l'explo- sion se  produit. Si  l'on  admet  que  le  contenu  intestinal  des  Eolidiens  est  une solution  hypertonique,  au  même  titre  que  les  liquides  tissu- laires  des  Actinies,  on  comprend  assez  bien,  dans  cette  théorie, que  les  nématocystes  avalés  par  ceux-là  ne  se  déchargent  pas durant  leur  long  trajet,  puisqu'ils  n'ont  point  de  contact  avec l'eau  de  mer  hypotonique.  Néanmoins  la  théorie  osmotique  sou- lève bien  des  difficultés,  et  je  crois,  avec  von  Lendenfeld  (1904), qu'elle  est  au  moins  incomplète.  Abric  (1904)  n'accepte  pas non  plus  que  la  dévagination  soit  due  à  l'action  de  l'eau  de  mer sur  la  gelée  interne  de  la  capsule  ;  il  pense,  sans  insister  d'ail- leurs, que  le  cnidoblaste  excité  produit  une  sécrétion  qui  agit sur  le  contenu  de  la  capsule  et  provoque  l'explosion  ;  cela  ne me  paraît  guère  vraisemblable,  puisqu'un  nématocyste  com- plètement isolé,  chargé,  peut  très  bien  exploser  sous  l'influence d'un  agent  externe.  La  question  est  à  reprendre  ;  des  expériences précises,  tenant  compte  des  phénomènes  d'ionisation,  ne  peuvent manquer  de  résoudre  le  problème. 94  L.  CUENOT II.   Ressemblance   mimétique   entre  Eolidiens  et  Coelentérés Il  y  a  parfois  une  ressemblance  vraiment  frappante  entre des  Eolidiens  et  les  Cœlentérés  dont  ils  se  nourrissent  habituel- lement :  GiARD  (1888)  remarque  qu'à  Wimereux,  VEoUs  papil- losa  L.  ressemble  à  s'y  méprendre  à  Sagartia  troglodytes  Johnst. à  demi  contractée,  et  se  trouve  fréquemment  sous  les  roches où  vit  cette  Actinie  ;  Gaestang  (1890),  tout  eu  émettant  des doutes  sur  l'observation  précédente,  cite  un  cas  analogue  :  à Plymouth,  YAeoUdiella  Alderi  Cocks  (1),  qui  se  nourrit  vrai- semblablement d'une  certaine  espèce  de  Sagartia  très  commune, la  mime  à  ce  point  qu'on  prend  fréquemment  pour  le  Nudi- branche  des  exemplaires  de  cette  Actinie  à  demi  enterrés  dans le  sable. A  Arcachon,  BergJiia  cœrulescens  rappelle  singulièrement VAiptasia  lacerata  à  tentacules  carminés  dont  il  se  nourrit presque  exclusivement,  et  qui  habite  les  mêmes  stations  que l'Eolidien  :  les  papilles  de  Berghia  présentent  vers  l'extrémité une  ceinture  d'un  rouge  vif  brillant,  et  quand  l'animal  est  immo- bile dans  une  petite  anfractuosité  du  substratum,  il  simule  tout à  fait  une  Aiptasia  à  demi  épanouie  ;  un  marin  qui  recueillait des  Berghia  avec  moi,  à  Arcachon,  s'y  trompait  constamment, et  je  dois  dire  que  moi-même,  bien  qu'averti,  j'avais  parfois une  certaine  hésitation  qui  ne  cessait  qu'en  provoquant  par  un contact  la  rétraction  de  l'Actinie.  Je  serais  très  disposé  à  ne  voir dans  ces  trois  exemples  que  des  coïncidences  sans  signification, qui  n'ont  en  tous  cas  aucun  effet  utile  pour  les  Nudibranches non  plus  que  pour  les  Actinies.  Il  n'y  a  rien  de  bien  étonnant  à ce  qu'un  Eolis  couvert  de  papilles  rappelle  une  Actinie  hérissée de  tentacules  et  de  dimensions  analogues  ;  la  ressemblance  de couleur  pourrait  bien  être  due  quelquefois  au  passage  du  pig- ment de  la  proie  dans  le  foie  et  les  tissus  du  Nudibranche,  c'est- à-dire  être  de  l'homochromie  nutriciale,  comme  dans  le  cas  d'Ar- chidoris  tuberculata  Cuv.,  Rostanga  coccinea  Forbes,  Cyeloporus (1)  Synoaym^ _d' AeolidieUa  glauca  Aid.  et  Hanc. L'ORIGINE  DES  NEMAÏOCYSTES  DES  EOLIDIENS  93 papiUosus  Lang,  Lamellaria  perspicua  L.,  qui  empruntent  leur couleur  aux  Eponges  ou  aux  Synascidies  dont  ils  se  nourrissent (voir  CuÉNOT,  1903). III.  Détermination   des   Actinies   citées Les  Actinies  comptent  parmi  les  animaux  les  plus  difiâciles à  déterminer,  tant  en  raison  de  leur  très  grande  variabilité  que de  Tabsence  d'organes  susceptibles  de  fournir  des  caractéris- tiques. Augsi,  j'ai  cru  utile  de  donner  quelques  références  au sujet  des  espèces  citées  au  cours  de  ce  travail,  que  j'ai  recueillies à  Arcaclion  (Bassin  et  large)  ;  je  les  ai  déterminées  surtout  avec les  ouvrages  classiques  de  Gosse  et  d'ANDRES,  qui  seraient excellents  s'ils  renfermaient  plus  de  figures  de  détail;  j'ai  con- sulté également  les  travaux  de  P.  Fischer  (1875,  1889),  qui a  justement  étudié  les  Actinies  d'Arcachon,  mais  ils  m'ont  rendu bien  peu  de  services,  vu  l'absence  de  figures  et  l'imprécision excessive  des  diagnoses. J'ai  trouvé  à  Arcachon  les  espèces  suivantes  d'Actimnœ  : AcTiNiDÉs  :  Actinia  equina  L.  ;  Anemonia  sulcata  Pennant. BuNODiDÉs  :  Bunodes  BalU  Cocks. Phellidés  :  Phellia  elongata  Délie  Chiaje. Sagartiadés  :  Heliactis  hellis  Ellis  ;  Cylista  viduata  O.  F.  Mill- ier ;  Adamsia  Rondeleti  Délie  Chiaje  ;  Adamsia  palliata  Bo- hadsch  ;  Aiptasia  erythrocJiila  P.  Fischer  ;  Aiptasia  lacerata Dalyell  ;  Sagartia  troglodytes  Johnston  ;  tiagartia  sphyrodeta Gosse. Parmi  ces  espèces,  il  en  est  quelques-unes,  tout  à  fait  con- formes aux  descriptions  de  Gosse  et  d'ANDRES,  qui  sont  très faciles  à  déterminer.  Mais  d'autres"  sont  vraiment  difficiles  à identifier,  comme  le  témoigne  leur  synonymie  embrouillée  ;  ce sera  sur  celles-là  seulement  que  je  donnerai  quelques  détails, permettant  de  les  reconnaître. Phellia  elongata  Délie  Chiaje.  —  Plusieurs  exemplaires  de petite  taille  fixés  sur  Avicula  hirundo  L.  Cycles  :  12,  12,  24... Le  disque  présente  des  lignes  blanches  opaques  qui  partent  de 96  L.  CUENOT la  base  des  tentacules  des  deux  premiers  cycles  ;  les  tentacules sont  colorés  en  brun  au  sommet  et  présentent  vers  leur  milieu une  paire  de  taches  brunes.  C'est  sûrement  une  Phellia,  mais ce  n'est  pas  sans  quelque  hésitation  que  je  rapporte  mes  échan- tillons à  l'espèce  elongata,  qui  présente  de  si  nombreuses  variétés, de  l'aveu  même  d'ANDRES,  qu'il  n'est  pas  possible  de  décrire une  forme  typique. Cylista  viduata  O.  F.  Millier.  —  Espèce  très  variable,  trouvée assez  souvent  dans  les  parcs  sur  des  coquilles,  des  collecteurs  : de  petits  exemplaires  sont  parfois  fixés  sur  des  3Iaia  squinado vivants.  La  colonne  opaque  est  parcourue  par  des  bandes  lon- gitudinales, plus  foncées  que  le  fond,  surtout  nettes  vers  hi base  de  la  colonne  et  plus  ou  moins  confuses  vers  le  haut.  Quand l'Actinie  est  contractée,  ou  aperçoit  vers  le  haut  de  la  colonne de  10  à  14  points  noirs,  disposés  assez  régulièrement,  qui  sont des  cinclides.  Tentacules  nombreux,  translucides,  se  contournant comme  des  serpents  ;  les  premiers  cycles  comprennent  12, 12,  24... tentacules  ;  ceux-ci  ont  le  plus  souvent  une  coloration  inté- rieure noirâtre,  qui  dessine  habituellement  deux  lignes  longi- tudinales. Disque  concave  avec  rayons  gonidiaux  jaunes  ou bordés  de  blanc.  La  coloration  générale  est  rose,  rougeâtre, brune,  verdâtre  ou  vert  olive.  Mes  échantillons  correspondent bien  aux  figures  et  descriptions  de  Gosse  et  d'ANDRES  ;  P.  Fis- cher a  dû  trouver  cette  espèce  à  Arcachon  ;  je  suppose  que  c'est sa  Sagartia  troglodytes,  forme  a  (1889). Aiptasia  erytkrochila  P.  Fischer.  —  Très  abondante  sur  les algues,  pierres,  piliers  de  débarcadères.  Espèce  peu  variable, d'un  rouge  saumon  uniforme,  avec  tentacules  d'un  ton  beau- coup plus  clair  ;  la  colonne  est  susceptible  d'un  grand  allonge- ment et  peut  atteindre  plusieurs  centimètres  de  long  ;  elle devient  alors  à  demi  translucide.  Les  rayons  gonidiaux  ont parfois  une  teinte  d'un  rouge  plus  foncé  que  le  reste  du  disque, mais  ce  n'est  pas  constant  ;  les  lèvres  buccales  sont  le  plus  sou- vent d'un  rouge  assez  vif.  Les  cinclides  forment  des  tubercules légèrement  saillants,  bien  visibles  sur  les  animaux  épanouis  ; L'ORIGINE  DES  NÉMATOCYSTES   DES  ÉOLIDIENS  97 ils  sont  alignés  en  séries  longitudinales,  mais  sont  épars  sur toute  la  hauteur  de  la  colonne  ;  les  aconties  sont  blancs  ;  ils sortent  surtout  par  les  cinclides,  plus  rarement  par  l'extrémité des  tentacules. Chez  de  jeunCvS  individus,  j'ai  compté  avec  certitude  pour les  premiers  cycles  :  6 ,  6 ,  12 . . .  tentacules  ;  mais  chez  les adultes,  les  cycles  sont  différents  ;    sur  un    grand  exemplaire bien  épanoui,  j'ai   compté  11,  11,  22 Les  tentacules  sont nombreux,  et  pas  très  rétractiles  ;  il  faut  irriter  assez  forte- ment l'animal  pour  que  le  corps  se  contracte  à  fond  et  que  les tentacules  disparaissent  complètement.  J'ai  trouvé  dans  les tentacules  seulement  une  forme  spéciale  de  nématocystes  (fig.  7), que  je  n'ai  vue  nulle  part  ailleurs,  et  qui  est  bien  reconnaissable par  les  boucles  décrites  par  le  tube  basilaire  à  l'intérieur  de  la capsule. C'est  P'.  Fischer  (1875)  qui  a  découvert  cette  espèce  à  Arca- chon,  et  qui  l'a  décrite,  du  reste  très  mal,  sous  le  nom  de  Sagartia erythrocMla  ;  par  l'ensemble  de  ses  caractères,  elle  doit  rentrer dans  le  genre  Aiptasia,  du  reste  très  voisin  ;  il  est  très  probable que  cette  forme  est  celle  qu'ANDRES  a  rencontrée  à  Naples  et décrite  sous  le  nom  à'Aiptasia  saxicola  (1884,  p.  162)  ;  en  tous cas,  le  nom  de  Fischer  a  la  priorité. Aiptasia  lacerata  Dalyell,  —  Très  abondante  sous  les  pierres, les  coquilles,  les  débris  de  vieilles  caisses  dans  les  parcs,  etc., en  compagnie  à'Aiptasia  erythrocMla.  Espèce  à  coloration  extrê- mement variable  ;  dans  la  forme  que  l'on  peut  regarder  comme typique,  la  colonne  est  jaunâtre  à  l'état  contracté,  à  peine colorée  et  transparente  à  l'état  d'extension,  permettant  de voir  facilement  le  tube  œsophagien,  les  mésentéroïdes,  les  organes génitaux  vivement  colorés  en  rouge  ;  l'animal  ne  dépasse  guère 15  à  20  millimètres  de  hauteur  totale.  Les  tentacules  sont  sou- vent d'un  rose  vif,  plus  intense  à  l'extrémité  distale  ;  il  y  a quatre  cycles  comprenant  respectivement  6,  6, 12,  24  tentacules  ; ceux-ci  sont  souvent  entourés  à  leur  base  par  un  mince  anneau brun.  Les  cinclides  sont  bordés  de  brun,  légèrement  saillants. 98  L.  CUENOT et  forment  environ  12  séries  verticales,  qui  comprennent  ctia- cune  de  1  à  4  cinclides.  Ce  qui  caractérise  bien  cette  espèce, c'est  la  présence  autour  de  la  bouche  d'un  pigment  blanchâtre, opaque,  dessinant  une  étoile  à  six  rayons,  parmi  lesquels  deux sont  des  rayons  gonidiaux  ;  ces  six  rayons  aboutissent  à  la  base des  tentacules  du  premier  cycle.  Quand  on  a  bien  reconnu  le type,  on  en  rapproche  facilement  les  variétés,  qui  se  distinguent par  des  changements  dans  le  dessin  péristomien,  la  couleur  des tentacules,  la  teinte  du  corps  qui  va  de  l'incolore  au  vert sombre,  etc. Cette  forme  est  certainement  identique  à  celle  de  Naples qu'ANDRES  appelle  Aiptasia  lacerata  Dalyell,  et  surtout  aux variétés  a  planifrons  et  [3  crucifrons  (1884,  p.  159).  P.  Fischer a  dû  la  trouver  à  Arcachon  ;  c'est  probablement  celle  qu'il  rap- porte à  Sagartia  pellucida  Hollard  ;  Andres,  ne  reconnaissant pas,  et  pour  cause,  l'identité  de  cette  8.  pellucida  et  de  sou A.  lacerata,  avait  donné  un  nom  nouveau  {Adamsia  Fischeri, puis  Sagartia  Fischeri)  à  la  forme  décrite  par  Fischer  ;  c'est un  nom  qui  doit  disparaître. Sagartia  troglodytes  Johnston.  —  Nombreux  exemplaires  dans la  coquille  de  Balanes  mortes  ;  répond  parfaitement  à  la  descrip- tion typique  de  Gosse  (1860,  p.  88).  Je  ne  sais  pourquoi  Andres, qui  paraît  ne  l'avoir  jamais  vue  à  l'état  vivant,  a  rangé  cette espèce  dans  le  genre  Cy lista  (sous  le  nom  de  C.  undata  Mûll.)  ; elle  est  aussi  diiïérente  que  possible  de  Cy  lista  viduata,  par exemple  ;  je  trouve  qu'elle  rappelle  beaucoup  plutôt  un Heliactis Sagartia  sphyrodeta  Gosse.  —  Plusieurs  exemplaires  à  Moul- leau,  près  d' Arcachon,  fixés  sur  des  Zostères  morts.  Variété entièrement  blanc  opaque  ;  sur  un  seul  individu,  j'ai  vu  nette- ment autour  de  la  base  des  tentacules  l'anneau  pourpre  dont parle  Gosse  ;  sauf  cette  variation,  cette  forme  répond  parfaite- ment à  la  description  de  Gosse  (variété  a  candida). L'ORIGINE  DES  NEMATOCYSTES  DES  EOIJDIENS  99 CONCLUSIONS Les  néraatocystes  des  sacs  cnidophores  des  Eolidiens  ne  leur appartiennent  pas  en  propre  ;  ils  ne  sont  pas  fabriqués  par  les cellules  qui  les  renferment.  Ils  proviennent  des  Cœlentérés,  dont les  Eolidiens  font  leur  nourriture  ;  les  nématocystes  des  pre- miers passent  intacts  dans  le  tube  digestif  de  l'Eolidien,  puis dans  les  diverticules  hépatiques  des  papilles  ;  ils  franchissent le  canal  de  communication  cilié,  qui  exerce  probablement  un choix  au  passage,  et  arrivent  dans  les  sacs  cnidophores.  Là, ils  entrent  dans  les  cellules  de  revêtement  (nématophages),  de façon  à  être  tous  orientés  dans  le  même  sens,  le  bout  par  lequel se  fait  la  décharge  étant  tourné  vers  la  surface  libre  de  la cellule. J'ai  ajouté  aux  expériences  et  observations  de  Wright,  Glaser et  Grosvenor  une  nouvelle  démonstration  expérimentale  :  on supprime  les  sacs  cnidophores  à  des  Eolidiens,  dont  les  uns sont  nourris  avec  une  espèce  précise  d'Actinie,  tandis  que  les autres  sont  laissés  à  jeun  ;  dans  les  deux  cas,  les  sacs  se  régé- nèrent rapidement  par  le  même  processus  que  dans  l'ontogénie normale  ;  les  Eolidiens  bien  nou^rris  ont  leurs  nématophages bourrés  des  nématocystes  de  l'Actinie  donnée  comme  aliment, tandis  que  les  Eolidiens   à  jeun   n'ont  point  de  nématocystes. Les  Eolidiens  ne  paraissent  pas  tirer  grand  parti  de  ces  armes offensives  d'emprunt,  rendues  peu  efl&caces  par  leur  situation dans  un  sac  intérieur  ;  beaucoup  de  Poissons,  il  est  vrai,  consi- dèrent les  Eolidiens  comme  non  comestibles,  mais  il  ne  semble pas  que  ce  soit  surtout  à  cause  de  leurs  nématocystes. Nancy,  le  15  Décembre  1906. 100  L.  CURNOT INDEX  BIBLIOaRAPHiqUE 1904.     Abric.   Sur  le  fonctionnement  des  nématocystes  des  Cœlen- térés. (C.  B.  Soc.  Biol.  Paris,  LVI,  p.   1008). 1904  a).     —     Sur  les  nématoblastes  et  les  nématocystes  des  Eolidicns {C.  R.  Soc.  Biol.  Paris,  LVII,  p.   7) 1904  b).     —     Les  cellules  agglutinantes  des  Eolidiens.  {C.  E.  Ac.  Se. Paris,  CXXXIX,  p.  611). 1884      Ancres.  Le  Attinie  (Fauna  und  Flora  des  Golfes  von  Neapel, IX  Monographie). 1896.     Bedot.   Note  sur  les  cellules  urticantes   {Bévue  Suisse  Zool., III,  p.  533). 1877.     Bergh  (R.).  Beitrâge  zur  Kenntniss  der  Aeolidiaden.  {Verhandl. der  K.  K.  zool.  bot.  Gesells.  Wien,  XXVI,  p.  758). 1903.     CuÉNOT.  Contributions  à  la  faune  du  bassin  d'Arcachon.   111. Doridiens.   {Bull.   Soc.  scient.  d'Arcachon,   1^  ann.,  p.    1). 1906.     —     Les  Eolidiens  empruntent  leurs  nématocystes  aux  Cœlen- térés dont  ils  se  nourrissent.  {C.  B.  Soc.  Biol.  Paris,  LXI, p.  541). 1893.     Davenport.  Studies  in  Morphogenesis.  1.  On  the  development of  the  cerata  in  Aeolis.  {Bull.  Mus.  compar.  Zool.  at  Harvard Collège,  XXIV,  p.  141). 1875.     Fischer  (P.).  Recherches  sur  les  Actinies  des  côtes  océaniques de  France.  {Nouvelles  Archives  du  Muséum  d'Hist.  nat.  Paris, X,  p.  193). 1875  a).     —     Anthozoaires   du   département    de   la    Gironde   et  des côtes  du  sud-ouest  de  la  France.  {Actes  Soc.  Linn.  Bordeaux, XXX,  p.   183). 1889.  —     Nouvelle  contribution  à  l'actinologie  française.  {Actes  Soc. Linn.  Bordeaux,  XLIII,  p.  251). 1890.  Gars  TAN  G.  A  complète  list  of  the  Opisthobranchiate  MoUusca fouud  at  Plymouth.  {Journal   Mar.  Biol.  Assoc,  1,  p.  399). 1888.     GiARD.  Le  laboratoire  de  Wimereux  en  1888.  Recherches  fau- niques.  {Bull,  scient.  France  et  Belgique,  XIX,  p.  492). 1903.     Glaser.    Nematocysts   of  Nudibranch   MoUusca.    {J.   HopTcins Univ.  Cire.  XXII,  p.  22). 1860.     Gosse.   A  history   of  the   British   Sea-Auemoues    and   Corals. {London). 1903.     Grosvenor.  On  the  Nematocysts  of  Ji^olids.  {Proc.  Boy.  Soc. London,  LXXII,  p.  462). L'ORIGINE  DES  NEMATOCYSTES  DES  EOLIDIENS        101 1895.     Hecht.  Contribution  à  l'étude  des  Nudibranches.  {Mém.  Soc. Zool.  France,  VIII,  p.  539.) 1890.     Herdman  et  Clubb.  Third  Report  upon  the  Nudibranchiata of  the  L.   M.   B.   C.   District.   (Proc.   and   Trans.   Liverpool Biol.  Soc,  IV,  p.   131.) 1902.     Krembzow.  Ueber  den  Bau  und  die  Entwickelung  der  Rucken- anhànge  der  Aeolidier.  {Arch.  fur  mikr.  Anat.,  LIX,  p.  181.) 1897.     Lendenfeld  (von).  Die  Nesselzellen  der  Cnidaria.  {Biol.  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EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE  III FlG.  1.  Extrémité  régénérée  d'une  papille  de  Spurilla  neapolitana,  7  jours  après  ampu- tation de  la  partie  terminale,  la  Spurille  étant  abondamment  nourrie  d'Actinies. Il  s'est  formé  deux  nouveaux  sacs  cnidophores  (c),  dont  les  cellules  internes sont  bourrées  de  nématocystes.  La  pression  du  couvre-objet  a  fait  sortir  de  chacun des  sacs  un  paquet  de  cellules  nématophages  et  de  nématocystes  ;  d,  diverticule hépatique.  Sur  le  frais  ;    x  45. FiG.  2.  Coupe  sagittale  d'une  papille  de  Spurilla  neapolitana,  8  jours  après  amputation de  l'extrémité  ;  la  Spurille  est  abondamment  munie  d'Actinies  (Aiptasia).  Le  sac cnidophore  est  en  voie  de  régénération  ;  il  est  encore  dépourvu  d'orifice  externe  ; on  voit  des  mitoses  dans  l'épithélium  de  la  moitié  inférieure  :  d,  diverticule  hépa- tique ;  e,  canal  cilié  de  communication  entre  le  diverticule  et  le  sac  cnidophore, entouré  d'un  sphincter  ;  m,  revêtement  mésenchyniateux,  qui  donnera  l'enve- loppe musculaire  du  sac  cnidophore  ;  n,  ^  cellules  nématophages,  bourrées  de nématocystes  d' Aiptasia  ;  n\  coupe  transverse  d'une  cellule  nématophage, montrant  la  section  des  nématocystes  qu'elle  renferme.  Fixation  au  sublimé  ; X  285. lOâ  L.  CUENOT FiG.  3.  Partie  d'une  coupe  transversale  de  sac  cnidophore  récemment  régénéré,  Bergfiia eœrulescens.  18  jours  après  amputation  de  l'extrémité  de  la  papille.  Depuis  l'opé- ration, la  Berghia  est  à  jeun  ;  les  cellules  du  sac  sont  absolument  dépourvues de  nématocystes  :  m,  fibres  musculaires  en  couche  circulaire  ;  m',  fibres  muscu- laires longitudinales  ;  n,  cellules  nématophages  ;  r,  cellule  intercalaire  de  rem- placement. Fixation  au  picro-formol  alcoolique  ;    x  880. FiG.  4.  Cellule  nématophage  isolée,  provenant  d'un  sac  cnidophore  récemment  régénéré. Berghia  cœrulescens,  18  jours  après  amputation  de  l'extrémité  des  papilles. Depuis  l'opération,  la  Berghia  est  k  jeun  ;  la  cellule  renferme  cependant  un  nén\a- tocyste  adulte  d'Aiptasia  lacerata,  qui  provient  sans  doute  du  dernier  repas antérieur  à  l'amputation  :  n,  noyau.  Sur  le  frais  ;    x  935. FiG.  5.  Cellule  nématophage  isolée,  provenant  d'un  sac  cnidophore  normal  de  Berghia cœrulescens  ;  elle  renferme  une  douzaine  de  nématocystes,  dont  huit  seulement sont  visibles  sur  la  figure  ;  ils  sont  de  taille  variée  et  d'orientation  constante  : n,  noyau.  Fixation  au  formol  ;    x  650. FiG.  6.  Nématocyste  provenant  d'un  sac  cnidophore  normal  de  Berghia  cœrulescens  ; forme  dite  barbelée,  fixée  par  le  formol  dans  un  état  de  demi-dévagination  : b',  tube  basilaire  en  voie  de  dévagination  ;  c,  pointe  aiguë,  agissant  comme  perfo- ratrice ;  d,  cône  distal  en  train  de  cheminer  dans  le  tube  basilaire  ;  e,  filament terminal,  encore  renfermé  dans  la  capsule,    x  880. FiQ.  7.  Nématocyste  provenant  d'un  sac  cnidophore  normal  de  Spurilla  neapolitana  ; c'est  une  forme  barbelée,  à  tube  basilaire  très  long,  formant  des  boucles  dans  la capsule.  Elle  provient  de  la  couronne  tentaculaire  de  VAiptasia  eryihrochila. Sur  le  frais  ;    x  1080. FiG .  8 .  iS'ématocyste  de  l'Actinie  Cylista  viduata  ;  forme  dite  spiralée,  dessinée  dans  un  état de  demi-dévagination  :  b',  tube  basilaire  complètement  dévaginé  portant  une double  spire  saillante  ;  e,  partie  du  filament  terminal  encore  renfermée  dans  la capsule  ;  e',  portion  dévaginée  du  filament  terminal.  Sur  le  frais. ARCraVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV^  Série,   Tome  VI,   p.  103  à  135. 15  Mars  1907. ESSAI SUR  LA  MALACOGRAPHIE DE  L'AFRIQUE  ÉQUÂTOHIÂLE LOUIS  GERMAIN Les  régions  visitées  pendant  ces  dernières  années  par  les expéditions  françaises  conduites  par  MM.  Foureau-Lamy,  A.  Che- valier, Lenfant,  etc.,  ont  comblé  les  grosses  lacunes  qui  subsis- taient encore  dans  la  connaissance  de  la  faune  malacologique de  l'Afrique  équatoriale.  Il  devient  dès  lors  possible  d'indiquer les  traits  essentiels  de  cette  faune  et  de  montrer  ses  affinités avec  celles  des  régions  voisines.  C'est  ce  que  je  vais  essayer  de faire  dans  les  pages  suivantes. En  1861,  le  baron  allemand  Cari  Glauss  rentrait  en  Europe après  une  longue  exploration  au  pays  des  Masaï.  Il  avait  pu faire  l'ascension  du  célèbre  pic  de  Kilima-N'djaro  et  rapportait une  petite  collection  de  Mollusques  qui  furent  étudiés  par  le Dr  E.  von  Martens  (1869).  Peu  après,  les  rares  matériaux  re- cueillis par  Speke  étaient  décrits  par  l'Anglais  Dokrn  (1864). Au  cours  de  sa  traversée  de  l'Afrique,  de  Tripoli  au  golfe  de ARCH.    DE  ZOOL.    EXP.    ET   GÉiN.  —  4«   SÉHIE.    —  ï.    VI.  —  (iv).  8 iÙA  LOUIS  GERMAIN Bénin  (1847-1867),  le  D^  Gerhard  EoWfs  séjourna  quelque  temps à  Kouka.  Il  y  récolta  les  premiers  Mollusques  du  lac  Tchad parvenus  en  Europe.  Le  D^'  E.  von  Martens  (1877)  nous  les lit  connaître  dans  une  note  trop  brève.  Nous  devons  au  même auteur  une  étude  sur  les  Mollusques  rapportés  du  pays  des  Niam- Niam  par  le  Dr  Schweinfurth  (1869-1874)  (Martens,  1873),  et ceux,  plus  nombreux  en  espèces,  trouvés  dans  TOukambi  et  aux environs  du  mont  Kénia  par  le  D^"  Hildebrandt  (Martens,  1878). A  la  même  époque,  le  D^  E.  A.  Smith  (1877),  du  British  Muséum, publiait  un  intéressant  travail  sur  les  Mollusques  du  centre  afri- cain provenant  des  récoltes  des  voyageurs  anglais  et  notamment de  Stanley,  sir  Samuel  Baker,  lieutenant  Verney  Howett  Came- ron,  T>^  Kirk  et  F.  A.  Simons. Mais  ces  explorateurs  ne  s'étant  guère  attachés  qu'à  l'étude géographique  des  contrées  traversées,  les  documents  zoologiques concernant  la  faunti  équatoriale  de  l'Afrique  restaient  peii  nom- breux. Il  en  est  tout  autrement  à  partir  de  1878,  date  de  la création  des  stations  scientifiques  établies  dans  la  région  des grands  lacs  sous  les  auspices  des  Etats  européens.  Tandis que  les  Belges  Oambier,  Dutrieux  et  Wauthier  (1)  fondent une  station  à  Karéma,  (2)  les  Anglais  Thomson,  Hore,  Hutley et  Mullens,  envoyés  par  la  «  London  Missionary  Society  »,  se fixent  à  Oudjiji  le  23  août  1878.  Ils  sont  bientôt  suivis  par  les Allemands  :  en  1880,  une  mission,  sous  les  ordres  de  la  société africaine  d'Allemagne,  et  composée  du  capitaine  von  Schôler, de  Bôhm,  Kayser  et  Reichard,  s'établit  à  l'extrémité  sud  du  lac Tanganika  au  moment  même  où  Flegel  explorait  le  cours  de  la Bénoué  et  les  régions  inconnues  de  l'Adamaoua. La  France  ne  reste  pas  étrangère  à  ce  grand  mouvement d'exploration.  Un  séminaire  des  Missions  d'Afrique  s'était  fondé à  Alger,  en  1876,  dans  le  but  de  préparer  rationnellement  des (1)  Plus  tard,  une  troisième  exp^^dition  belge,  composée  de  Beudo,   Roger,   Blandain  et Cadenhead  se  dirige  également  sur  Karéma  oïl  elle  arrive  en  avril  1880. (2)  Les  belges,  sous  la  direction  du  D''  Van  der  Heuvel  et  du  capitaine  Popelin  fondent  une seconde  station  à  Kouihara  dans  l'Ounyanyembé. LA  MALACOGRAPHTÉ  DE  L'AFRTOUE  EOUAK^RIALE     10^) missionnaires-explorateurs.  Il  en  part  bientôt  deux  missions  : l'une,  composée  de  cinq  personnes,  parvient  à  Kadjei,  sur  les rives  du  lac  Nyassa,  en  janvier  1879  ;  l'autre,  qui  gagne  le  lac Tanganika,  est  rejointe,  en  1881,  par  une  troisième  expédition comprenant,  cette  fois,  quinze  personnes.  La  plupart  des  récoltes malacologiques  de  ces  voyageurs  furent  étudiées  par  J.  E.  BouR- GUIGNAT  (1883).  Il  en  fut  de  même  des  matériaux  rapportés  par le  capitaine  Bloyet  qui,  parti  de  Zanzibar  le  11  juin  1880,  comme chef  de  la  station  française  d'Afrique  orientale,  parvient  à  Koudoa dans  l'Ousagara,  et  fonde  définitivement  la  station  à  Kwa- Mgoungou.  Enfin  Victor  Giraud  rapporte,  de  sa  longue  explo- ration à  la  région  des  grands  lacs,  la  majeure  partie  des  docu- ments qui  serviront  à  Botjrguignat  pour  écrire  son  Histoire malacologique  du  lac  Tanganika.  (Bourguignat,  1885,  1888, 1890.) Désormais  l'élan   est  donné.   Chaque  exi)édition   revient  en Europe  avec  un  matériel  zoologique  plus  ou  moins  considérable, mais  toujours  intéressant.   La  région  des  grands  lacs  semble surtout  le  i3oint  de  mire  des  explorateurs.  Les  Anglais  Thom- son (1883)  ;  O'Neiir  (1885)  ;  Weiss.  Jûhlke  et  le  D^  Hannigton (1883)  ;  le  célèbre  Stanley  (1887-1888)  ;  J.  T.  Last  (1885-1886)  ; Sharpe  (1890)  ;  H.-H.  Johnston  (1890,  puis  1896-1897)  ;  etc.  ; les  Allemands  Boehm,  Reichard  et  Kaiser  (1883-1884)  ;  Wiss- mann  (1885)  ;  Tf^  Junker  (1875-1886)  ;  le  D^  Oscar  Lenz  (1884- 1886)  ;  le  comte  Teleki  et  von  Hôhnel  (1887-1888)  ;  Baumann (1890)  ;  le  D^  Stuhlmann  (1890-1892),  etc.  ;  les  Français  F.  de Meuse,  Ed.  Foa  (Germain,  1907),  parcourut  en  tous  sens  les vastes  territoires  de  l'Afrique  orientale  compris  entre  le  Congo et  l'Océan  Indien.  Tandis  qu'en  Angleterre  le  D^  E.  A.  Smith fait  connaître,  dans  une  série  de  publications  (1),  les  découvertes de  ses  compatriotes,  le  D^"  E.  von  Martens  (1898)  résume,  dans (1)  Les  travaux  de  Smith  se  trouvent  disséminés  dans  les  Proceedings  of  the  zoological  society of  London  (1880.  pp.  344-352,  pi.  XXXI  ;  1881,  pp'.  276-300,  pi.  XXXII-XXXIV  ;  1888, pp.  52-56;  1890,  pp.  478-485,  pi.  XLVIII  ;  1890,  pp.  146-168,  pi.  V-VI,  etc..)  et  dans  les Annals  and  magaz.  of  natural  history  (5^  série,  VI,  1880,  pp.  425-430  ;  6^'  série,  IV,  1889,  pp.  173- 175  ;  VI,  1890,  pp.  93-96  ;  VIII,  1891,  pp.  317-324  ;  X,  1892,  pp.  121-128,  pi.  XII,  etc.). 106  LOUIS   GERMAIN Tin  excellent  omTage,  la  faune  malacologique  de  cette  partie de  TAfrique. A  mesure  qu'elle  semblait  mieux  connue,  la  faune  des  grands lacs  intéressait  de  plus  en  plus  les  zoologistes.  C'elle  du  Tanganika surtout,  par  son  étrangeté,  son  faciès  marin  ])lus  apparent  que réel,  fixait  l'attention  des  naturalistes.  Aussi  le  professeur  Ray, Lancaster  organise-t-il,  avec  le  concours  de  la  «  Boyal  Society  )>, une  première  expédition  au  lac  Tanganika  (1895-1896),  bientôt suivie  d'une  seconde  (1899-1900)  placée  sous  le  commandement de  J.  E.  S.  Moore  et  composée  de  sir  John  Kirck,  sir  William Thomson -Dyer,  D^"  Slater  et  M.  Boulenger.  Les  résultats  en furent  considérables  :  au  point  de  vue  malacologique,  Moore put  fixer  les  affinités  d'un  certain  nombre  de  Mollusques  {Ti- phohia,  Limnotrochus,  Bathanalia,  SpeMa,  etc.),  dont  il  fit  l'ana- tomie  (1903). Il  restait  à  compléter  ces  données  par  l'étude  de  la  faune  du lac  Rodolphe  et  des  nombreuses  masses  d'eau  voisines.  L'ex- pédition du  comte  Teleki  et  de  von  Hôhnel  (1892)  au  Kilima N'djaro,  au  Kenia,  aux  lacs  Baringo  et  Rodolphe  ne  nous  fournit que  de  trop  rares  documents  zoologiques.  Il  en  est  de  même  des voyages  entrepris  par  le  Français  J.  Borelli  et  par  les  Italiens Vannutelli  et  Citerni  (1899)  qui  complètent  seulement  au point  de  vue  géographique  les  découvertes  allemandes.  L'explo- ration, toute  récente  (1904)  de  M.Maurice  de  Rothschild  est, pour  nous,  autrement  importante.  J'aurai  à  revenir  plus  loin sur  les  intéressantes  publications  malacologiques  que  MM.  Neu- ville et  R.  Anthony  y  ont  consacrées  (1906). Pendant  que  se  multipliaient  les  voyages  dans  l'Afrique  orien- tale, les  régions  du  Tchad  et  du  Chari  étaient  parcourues  par des  explorateurs  qui,  là  du  moins,  sont  presque  tous  Français. Les  premiers  Mollusques  de  ces  régions  sont  recueillis  par  la mission  Foureau-Lamy  (Foiireau,  1904,  1905)  qui  quitte  Se- drata  le  23  octobre  1898.  Après  avoir,  au  prix  de  mille  fatigues, traversé  le  Sahara,  elle  débouche,  le  10  janvier  1900,  sur  les bords  de  la  rivière  Komadougou-Yobé  et  campe,  un  peu  au  delà LA  MAI.ACOGRAPHIE  DE  L'AFRIQUE  EQUATORL\LE     107 d'Arégué,  sur  les  rives  mêmes  du  Tchad.  J'ai  étudié  ailleurs  les iutéressantes  récoltes  malacologiques  de  M,  F.  Foureau  (Ger- main, 1905,  1905a)  et  celles,  j^lus  récentes,  de  M.  Lenfant,  dans le  lac  Tchad  (Geeml^in,  1906).  Mais  les  documents  fauniques  les plus  importants  que  nous  possédions  jusqulci  nous  ont  été  fournis par  la  belle  expédition  conduite  par  MM.  A.  Chevalier,  Decorse, Courtet  et  Martret,  qui  explorent,  non  seulement  le  lac  Tchad, mais  encore  les  bassins  du  Ohari  et  de  l'Oubangui  (Germain, 1904a,  1906).  Je  n'aurai  garde  d'oublier  ici  les  officiers  français, MM.  Lacoin,  Hardelet,  Duperthuis  et  Moll  qui,  au  cours  de leurs  travaux  de  reconnaissance,  ont  pris  soin  de  recueillir  des coquilles.  (Germain,  1906.) Enfin,  en  1902,  le  lieutenant  allemand  Glauning.  récoltait  à Kouka  quelques  Mollusques  qui  furent  décrits  par  le  regretté Dr  E.  von  Martens  (1903),  alors  directeur  du  Muséum  de  Berlin. II Dans  les  pages  suivantes,  je  distinguerai,  au  point  de  vue faunique,  trois  régions  peut-être  un  peu  artificielles  géograj)hi- quement.  La  première,  que  je  désigne  sous  le  nom  de  Bassin du  Congo,  correspond  sensiblement  à  toute  la  partie  de  l'Etat indépendant  située  au  sud  du  grand  fleuve  et  de  son  affluent, l'Arouhimi.  La  deuxième  comprend  les  pays  explorés  par  M.  A. Chevalier  au  cours  de  sa  dernière  mission,  c'est-à-dire  les  régions entourant  le  lac  Tchad  et  les  territoires  arrosés  par  le  Chari, l'Oubangui,  le  Gribuigui  et  leurs  tributaires.  Enfin  la  troisième s'étend  des  grands  lacs  à  la  côte  :  elle  rejoint,  au  nord,  le  pays des  Gallas  et  celui  des  Somalis  ;  elle  s'arrête,  au  sud,  au  cours du  Zambèze.  Elle  comprend  toute  l'Afrique  orientale  allemande et  anglaise  et  une  partie  de  l'Afrique  portugaise. Je  n'ai  rien  de  particulier  à  dire  de  la  première  région,  si  ce n'est  qu'une  notable  partie  de  son  étendue  est  couverte  par  la grande  forêt  équatoriale,  généralement  pauvre  au  point  de  vue faunique.  La  deuxième  est  maintenant  connue,  grâce  aux  explo- 108  LOUrS   GERMATN rations  françaises  de  F.  Fourean-Lamy,  A.  Chevalier,  Courtet, Decorse  et  Martret.  A  son  extrême  ouest  se  trouve  le  Tchad.  Ce lac,  situé  à  260  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  occupe  le fond  d'une  vaste  cuvette.  Il  affecte  sensiblement  la  forme  d'un triangle  rectangle  dont  les  côtés  droits  seraient  formés  par  ses rives  méridionale  et  occidentale.  D'une  surface  d'environ  20.000 kilomètres  carrés,  sa  longueur  atteint  près  de  200  kilomètres  et sa  largeur  maximum  180.  La  parti(^  la  plus  profonde  dn  Tchad est  la  poche  du  Bornou,  le  N'Ki  Boni  des  indigènes  (eaux  blanches et  libres).  La  partie  orientale  est,  par  contre,  fort  peu  profonde, parsemée  d'iles  dont  le  nombre  dépasse  trois  cents  et  qui  s'éten- dent, le  long  des  rives  du  Kanem,  à  une  distance  de  la  côte  va- riant entre  trois  et  cinq  kilomètres.  Beaucoup  de  ces  îles  sont boisées  et  servent  d'asile  à  une  faune  as^ez  riche  (1).  Les  eaux du  lac,  généralement  douces,  prennent  en  mai  et  juin  une  saveur légèrement  salée.  Enfin  le  Tchad  qui,  au  dire  des  voyageurs,  est en  voie  rapide  de  dessèchement,  n'a  que  des  rives  basses  et marécageuses.  Son  principal  tributaire  est  le  Chari,  grosse rivière  fort  large  et  d'environ  deux  mètres|de  profondeur  moyenne. Le  Chari  traverser  u  d'immenses  savanes  plates,  couvertes  de brousses  par  places  et  en  bouquets  épars  ».  (Foureau,  1905, I,  p.  210.) La  troisième  région,  beaucoup  plus  élevée,  généralement  mon- tagneuse, est  surtout  intéressante  par  la  présence  de  nombreux lacs,  souvent  très  étendus,  qui  occupent,  du  sud  au  nord  et  à des  altitudes  différentes,  le  fond  d'une  immense  faille.  Le  pre- mier de  ces  lacs  est  le  Nyassa,  qui  communique  avec  le  Zambèze par  la  rivière  Shiré.  Long  de  plus  de  600  kilomètres,  large  de 24  à  100  kilomètres,  sa  surface  atteint  30.000  kilomètres  carrés et  sa  profondeur,  en  certains  points,  dépasse  200  mètres.  Il  est situé  à  480  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  et  sa  côte orientale  est  bordée  par  les  monts  Livingstone.  Ses  eaux  sont très  pures,  d'une  limpidité  parfaite,  puisqu'elles  ne  laissent  aucune trace  de  sédiments  dans  les  chaudières.  A  environ  350  kilo- (1)  Les  grands  Limicolaires  y  sont,  nolaninient,  fort  abondants. LA  MALACOGRAPHIE  DE  I/AFRIOUE  EQUATORIAL       109 mètres  au  nord-ouest  s'étend  le  lac  Tanganika  situé,  entre  les 30  et  9°  de  latitude  sud,  à  une  altitude  de  830  mètres  au-dessus du  niveau  de  la  mer.  D'une  superficie  de  39.000  kilomètres  carrés, sa  longueur  maximum  est  de  600  kilomètres  et  sa  largeur  varie entre  50  et  90  kilomètres.  La  profondeur  du  Tanganika  est considérable  ;  ses  rives  sont  fort  accidentées  et,  sur  toute  la moitié  sud  notamment,  les  montagnes  tombent  à  pic  dans  Teau, ne  laissant  que,  de  loin  en  loin,  quelques  petits  intervalles  occupés par  des  plages.  Son  principal  affluent  est  le  Loukouga,  qui  le met  en  communication  avec  le  Loualaba,  c'est-à-dire  avec  le bassin  du  Congo.  vSes  eaux  sont  fort  agitées  et,  dit  le  voyageur français  Victor  Giraud  (1885,  p.  27),  comparables,  à  ce  point de  vue,  à  celles  de  l'Océan.  Bien  que  potabh^s  au  dire  des  habi- tants, elles  sont  souvent  «  troublées  et  dénaturées  par  de  forts dégagements  gazeux  chargés  de  matières  minérales,  dégagements provenant  du  fond  de  l'immense  faille  à  laquelle  est  due  cette mer  intérieure  ».  (Bourguignat,  1888,  ]).  79.)  Encore  plus  au nord,  et  souvent  réunis  entre  eux  par  des  rivières  plus  ou  moins importantes,  se  rencontrent  les  lacs  Kivu,  Albert-Edouard- Nyanza  et  Albert-Nyanza,  à  l'est  desquels  s'étend  le  vaste  lac Oukerewé  ou  Victoria -Nyanza,  qui  n'a  pas  moins  de  66.500  kilo- mètres carrés.  Ses  côtes  possèdent,  d'après  Stanley,  un  dévelop- pement total  de  plus  de  1.800  kilomètres.  Placé  sous  l'équateur, à  une  altitude  de  1.100  mètres,  il  communique,  au  nord,  avec le  lac  Albert-Xyanza.  directement  rattaché  au  bassin  du  Nil. Enfin,  beaucoup  plus  au  nord,  (vers  le  5°  de  latitude  nord) existe  toute  une  série  de  lacs  sans  écoulements  constituant autant  de  bassins  fermés.  Les  uns,  comme  le  Basso-Narok  (lac Noir)  ou  Rodolphe,  le  Baringo  et  lé  Naïwacha,  renferment  de l'eau  douce  ;  les  autres,  tels  que  le  Basso-Ebor  (lac  Blanc),  le Nakoura-Sekelaï,  le  Maou  et  le  Mangara,  ont  des  eaux  salées. Le  territoire  de  ces  lacs  est  bordé  d'une  chaîne  de  montagnes  qui l'isole  du  bassin  du  Nil  ;  une  autre  chaîne,  dominée  par  le  Kenia et  le  Kilima-N'djaro  sépare,  de  l'Océan  Indien,  le  bassin  des lacs  fermés  de  l'Afrique  orientale. 110  LOUIS   GERMAIN III I Nous  pouvons  essayer  maintenant  de  caractériser  la  faune malacologique  des  régions  équatoriales  de  l'Afrique.  Les  maté- riaux jusqu'ici  recueillis  dans  les  territoires  du  ( 'hari-Tcliad sont  beaucoup  moins  importants  que  ceux  de  l'Afrique  orien- tale ou  du  bassin  du  Congo.  Ils  sont  cependant  suffisants  pour établir,  entre  ces  diverses  contrées,  d'intéressantes  comparai- sons. Les  espèces  de  la  famille  des  Urocyclidœ  se  rencontrent  dans toute  l'Afrique  équatoriale.  Il  en  est  de  même  des  Helicarion et  des  Vitrines,  mais  leur  rareté  semble  d'autant  plus  grande que  l'on  s'éloigne  davantage  des  côtes.  C'est  ainsi  que  M.  A  Che- valier n'a  rapporté,  de  sa  dernière  mission,  qu'un  seul  échan- tillon de  Vitrine  d'ailleurs  en  trop  mauvais  état  de  conservation pour  être  déterminé  spécifiquement. Les  Thapsia  habitent  depuis  les  côtes  du  Sénégal  et  de  la Guinée,  jusqu'au  Mozambique,  au  Choa  et  en  Abyssinie.  Sur- tout répandues  dans  les  régions  côtières,  elles  se  trouvent  aussi dans  les  pays  de  l'intérieur  oii  elles  vivent  au  voisinage  des rivières,  sous  les  amas  de  feuilles  mortes,  au  pied  des  arbres  et, de  préférence,  dans  les  endroits  montagneux  (1).  On  en  connaît actuellement  un  grand  nombre  d'espèces  toutes  très  voisines les  unes  des  autres  (2), Le  genre  Sitala  H.  Adams  n'a,  jusqu'ici,  aucun  représentant dans  les  territoires  qui  nous  occupent.  Par  contre,  on  a  signalé, dans  les  régions  boisées  et  humides  du  N 'gourou,  (au  nord  de rOusaghara)   (Bourguignat,  1889,  p.   14),  et  dans  la  grande (1)  C'est  ainsi  rjuc  le  D''  E.-A.  Smith  (1899,  p.  583)  a  signalé  un  assez  grand  nombre  d'espèces de  Thapsia  {Thapsia  mixta  Smith,  Th.  masukuensU  Smith,  Th.  simulata  Smith,  Th.  npikana Smith.  Th.  decepta  Smith)  vivant  sur  les  plateaux  de  Nyika>  de  Zomba.  de  Chiradzulu  et  de Malosa,  situés  au  Nord  du  lac  Nyassa,  et  qui  atteignent  une  altitude  variant  entre  5.000  et 7.000  pieds  (1  520  et  2.l3u  mètres). (2)  M.  le  U'  Decorse  a  recueilli,  aux  environs  de  Krebedjc,  une  très  belle  espèce  de  Thapsia, remarquable  par  sa  spire  planorbique  et  sa  grande  taille.  Je  la  décrirai  prochainement  sous  le nom  de  Thapsia  Lamyi. LA  MALACOGRAPllIE  DE  L'AFRIQUE  ÉQUATORL\LE     IH forêt  équatoriale  (Dupuis  et  Putzeys,  1901,  \)\.  111),  quelques rares  espèces  appartenant  au  genre  Moaria,  créé  par  Ohaper (1885)  pour  des  coquilles  du  Gabon. Les  TrocJionanina,  dont  l'étude  descriptive  est  entièrement à  reprendre  peuvent,  au  point  de  vue  géographique,  se  répartir en  deux  séries.  La  première,  de  beaucoup  plus  nombreuse,  com- prend les  espèces  à  test  mince  et  fragile  qui,  comme  les  Trocho- nanina  mozambicensis  Mousson,  Troch.  ïbuensis  Martens,  Troch. percarinata  Martens,  etc.,  vivent  dans  les  régions  côtières.  La seconde  est  constituée  par  des  espèces  {TrocJionanina  mesogae Martens,  Troch.  permanens  Smith,  etc.)  au  test  épais,  beaucoup plus  solide,  ne  se  rencontrant  qu'à  l'intérieur  du  continent.  J'ai également  signalé  (Germain,  1907),  dans  le  bassin  du  Chari, la  présence  du  Trochonanina  Adansoniœ  Morelet,  espèce  qui n'était  connue  que  du  Gabon,  où  elle  vit  sur  les  troncs  de  Baobab (Morelet,  1858,  p.  13).  Une  forme  très  voisine,  le  Trochonanina percostulata  Dupuis  et  Putzeys,  habite  également  la  grande forêt  équatoriale,  dans  le  bassin  du  Congo  (Dupuis  et  Putzeys, 1901,  p.  LIV). Les  Ledoulxia  Bourguignat  sont  des  coquilles  à  test  solide  et opaque  qui  pénètrent  beaucoup  moins  avant  dans  les  terres que  les  Trochonanines.  Il  en  est  de  même  des  Bloyetia  Bourgui- gnat, grosses  espèces  globuleuses  aux  habitudes  nocturnes  (1) qui  paraissent  cantonnées  dans  les  contrées  arides  du  Somal, où  elles  représentent  les  Leticochroa  des  régions  méditerranéennes. Ou  n'en  connaît  pas  de  l'intérieur. Les  Enneidœ  se  rencontrent  partout  :  les  genres  Streptaxis Gray,  3Iarconia  Bourguignat,  Ptycotrema  Môrch,  Edentulina Pfeiffer,  etc.,  et  surtout  Ennea  Pfeiiïer,  fournissent  de  riches suites  d'espèces,  aussi  bien  dans  l'Afrique  orientale  que  dans le  bassin  du  Congo  et  la  région  des  lacs.  La  pauvreté  du  ter- ritoire du  Chari  —  où  je  n'ai  signalé  que  le  seul  Ennea  Gravieri (1)  Par  ses  caractères  anatomiciues,  le  genre  Bloyetia  se  rapproche  des  Hyalinia  d'Europe  ; la  mâchoire  et  le  ruban  lingual  ont  sensiblement  les  mêmes  dispositions;  l'appareil  génital dilfère  surtout  par  la  présence  d'un  long  flagellum  filiforme. 112  LOUIS  GERMAIN Germain  —  me  semble  plus  apparente  que  réelle  et  due  à  la difficulté  de  se  procurer  ces  animaux,  tous  de  très  petite  taille, (jui  doivent  vivre  en  colonies  plus  ou  moins  populeuses  le  long des  rives  boisées  de  l'Oubangui  et  du  Gribingui.  Les  genres Stenogyra  Shuttleworth,  Subuîina  Beck,  Opeas,  etc.,  n'offrent rien  de  particulier  quant  à  leurs  distributions,  les  mêmes  espèces habitant  partout  et  certaines,  comme  le  Subuîina  octona  Chem- nitz,  ayant  tendance  à  devenir  complètement  cosmopolites  (1). Les  Cyclostomidœ  sont,  en  Afrique,  des  coquilles  surtout  lit- torales. Le  bassin  du  Congo  et  le  î^yassaland  en  nourrissent quelques  rares  représentants  {Cyclophorus  rugosus  Putzeys, Cycloj)horus  intermedius  Martens.  Pomatias  nyassanufi  Smith, etc.).  On  n'en  connaît  pas  des  régions  du  Tchad  et  du  Ohari. Mais  c'est  avant  tout  la  famille  des  Avhatimdœ  qui  imprime, aussi  bien  par  la  taille  que  par  le  nombre  et,  fort  souvent,  par l'abondance  des  espèces,  le  caractère  particulier  à  la  faune  des contrées  que  nous  étudions.  Les  Achatines  décrites  par  les auteurs  sont  fort  nombreuses  et,  ainsi  que  l'a  déjà  remarqué Smith  (1899,  p.  579),  chaque  district  semble  produire  une  race spéciale,  modification  plus  ou  moins  importante  de  quelque type  voisin  bien  connu.  Communes  au  Gabon,  au  Sénégal,  dans la  région  des  grands  lacs,  le  Nyassaland,  etc.,  les  Achatines  sont encore  répandues  en  certains  points  du  bassin  du  Congo  oii pullulent  les  petites  espèces  comme  VAchatina  sylvatica  Dup. et  Putzeys.  Elles  sont  beaucoup  plus  rares  dans  les  territoires du  Tchad  et  du  Chari,  où  elles  sont  partiellement  remplacées par  les  Limicolaires. Les  Serpœa  Bourguignat  (  =Ganomidos  d'Ailly)  sont  des  Acha- tines à  test  mince  qui  se  cantonnent  principalement  autour  des grands  lacs  et,  notamment,  du  Tanganika.  On  en  connaît  aussi dans  le  Cameroon  (d'Ailly)  et  la  grande  forêt  équatoriale (I)upuis  et  Putzeys)  où  ils  vivent,  en  compagnie  des  Peridie- (1)  J'ai  reçu  dernièrement  une  grande  espèce  du  genre  Homorus  recueillie,  par  M.  le  D''  De- corse,  aux  environs  de  Krébedjè  (territoire  du  Chari).  Je  la  décrirai  prochainement,  dans  le Bulletin  du  Muséum,  sous  le  nom  d'Huniorun  Courteti. LA  MALACOGRAPRIE  DE  L'AFRIQUE  ÉQUATORIALE     113 ropsis,  sur  les  végétaux  croissant  au  bord  des  rivières.  Les Burtoa  Bourguignat  (  =Livinhacia  Grosse)  pénètrent  moins  à l'intérieur  du  continent.  Cependant,  le  Burtoa  Dupuisi  Putzeys liabite  le  bassin  du  Congo,  et  le  capitaine  Duperïhuis  a  recueilli dans  le  Kanem,  près  du  lac  Tchad,  le  Burtoa  nilotica  Pfeiffer d'Abyssinie. Enfin  les  Limicolaires  sont  partout  très  abondantes,  sauf dans  le  bassin  du  Congo  où  elles  sont,  en  grande  partie,  rem- placées par  les  Peridieropsis.  Les  espèces  actuellement  connues sont  tellement  nombreuses  et  si  voisines  les  unes  des  autres  qu'il est  à  peu  près  impossible  de  s'y  reconnaître.  Aussi  est-il  à  sou- haiter que  l'on  revise  sérieusement  le  groupe  entier,  en  excluant les  formes  insuffisamment  définies.  Les  espèces  du  Haut-Nil  se retrouvent  d'ailleurs  aussi  bien  dans  le  Kanem,  les  îles  du  Tchad et  le  territoire  du  Chari  que  dans  la  région  des  grands  lacs.  Elles sont  partout  remarquables  par  leur  très  grand  polymorphisme. En  résumé,  la  faune  terrestre  des  trois  contrées  que  nous étudions  est  remarquablement  homogène.  Elle  peut  se  carac- tériser rapidement  par  les  particularités  suivantes  : a)  Abondance  des  espèces  appartenant  à  la  fa,mille  des  En- neidce. h)  Les  Thapsia  et  les  Troclonanina,  signalées  partout,  ne sont  nulle  part  très  communes  ;  elles  sont  plus  répandues  dans les  régions  côtières  du  Mozambique  que  partout  ailleurs.  Quant aux  Ledoulxia  et  surtout  aux  Bloyetia,  ils  semblent  spéciaux aux  contrées  soraaliennes. c)  Les  Cyclostomidœ  sont  très  rares  dans  les  régions  équa- toriales  intérieures. d)  On  n'a,  jusqu'ici,  signalé  aucun  représentant  de  la  famille des  Bulimidœ  dans  les  territoires  du  Chari-Tchad.  Tl  existe cependant  des  espèces  du  genre  RacMs  dans  le  Nyassaland  et le  pays  des  Masaï. e)  Abondance  des  Achatinidœ.  Les  Achatines,  très  communes dans  les  régions  des  grands  lacs  et  du  Congo,  sont  rares  dans les  contrées  du  Chari-Tchad.  Les  Limicolaires,  très  abondantes 114  LOUIS  GERMAIN autour  des  grands  lacs  et  dans  les  territoires  du  Ohari-Tchad, sont  en  majeure  partie  remplacées,  dans  le  bassin  du  Congo, par  les  Peridieropsis. f)  Enfin  les  Mollusques  nus  de  la  famille  des  Limacidœ  sont  très rares  (genre  Phaneroporus  Simroth).  Par  contre,  les  Urocyelidœ fournissent  des  séries  assez  nombreuses  (genres  Urocyclus  Gray, Atoxon  Simroth,  Trichotoxon  Simroth,  BukoUa  Simroth,  Lep- tichinus  Simroth),  ainsi  que  les  Veronicellidœ  {  =V aginnlidœ auct.). La  faune  fluviatile  des  régions  équatoriales  de  l'Afrique  est, surtout  au  point  de  vue  de  l'abondance  des  espèces,  plus  riche que  la  faune  terrestre.  Elle  est  aussi  plus  homogène  :  la  plupart des  genres  se  rencontrent  dans  les  trois  régions  définies  précé- demment. Les  Pliyses,  les  Limnées,  les  Planorbes  sont  partout  communs ou  très  communs.  Dans  le  dernier  de  ces  genres,  on  remarque une  très  curieuse  analogie  entre  les  Planorbes  africains  de  la série  du  PI.  sudanicus  Mart.  (1)  et  les  Planorbes  américains  de la  série  du  PI.  guadalupensîs  Sow.  Il  existe  également  une  grande similitude  de  caractères  entre  le  Planorbis  choanompJialus  Mart. du  lac  Oukerewé  et  le  PI.  andecolus  d'Orb.  de  l'Amérique  du  Sud. Le  nom  seul  de  l'espèce  africaine  souligne,  en  outre,  les  rap])orts de  forme  qu'elle  possède  avec  les  Choanomphalus  du  lac  Baïkal. Les  Byihinia,  les  Gleopatra,  les  Ampuïlana  et  les  Lanistes n'offrent  rien  de  particulier,  les  mêmes  espèces  vivant  partout en  plus  ou  moins  grande  abondance.  Il  en  est  de  même  des (1)  Les  Planorbes  du  groupe  sudanicus  jusqu'ici  connus  sont  les  suivants  :  Planorbis  suda- nicus Martens,  PL  Boissyi  Potiez  et  Micliaud  ;  PI.  tetragonnstoma  Germain,  PL  tanganikanus Bourguignat,  PL  Bozasi  de  Rochebrune  et  Germain,  PL  Ruppelli  Dunker  et  PL  Herhini Bourguignat.  Ils  sont  tous  très  voisins  les  uns  des  autres  et  il  est  probable  qu'il  faudra,  lors- qu'on sera  en  possession  de  matériaux  suffisants,  réduire  considérablement  leur  nombre.  Il convient  également  de  faire  rentrer  daas  la  même  série  les  PL  Larigeriei  Bourguignat,  PL adoiuensis  Bourguignat  et  PL  Bridouxi.  ainsi  que  je  l'ai  montré  dans  une  note  antérieure (Germain  (Loris).  —  Sur  quelques  Mollusques  terrestres  et  fluviatiles  rapportés  pas  M.  Ch- Gravier  du  désert  Somali  ;  in  :  Bulletin  Muséum  hist.  nat.  Paris  ;  1904,  n"  6,  pp.  347  et  suiv.). LA  MALACOGRAPHIE  DE  L'AERIQUE  EQUATORIALE     H5 Vivipares  qui,  aussi  bien  dans  le  Tchad,  le  Chari,  le  Congo  ou les  grands  lacs,  dérivent  toutes  du  type  Vivipara  unicolor  Oliv. si  comnuin  dans  le  bassin  du  Nil, Les  Mélaniens  sont  plus  cantonn«%  :  dans  le  (^ongo  et  ses  tri- butaires habitent  d'assez  nombreuses  espèces  qui  lui  sont  jus- qu'ici spéciales.  Les  lacs  Tanganika  et  Oukéréwé  ont  chacun une  faune  mélanienne  particulière  ;  enfin,  dans  le  Haut-Nil,  les bassins  du  Chari  et  le  lac  Tchad,  ne  vit  que  le  très  polymorphe et  si  cosmopolite  Melania  tuberculata  Mûll. Les  Lamellibranches  sont  particulièrement  répandus  :  les Spatha  surtout,  très  nombreux  en  espèces,  doivent  vivre  en colonies  fort  populeuses  dans  presque  tous  les  cours  d'eau.  Ils présentent  d'ailleurs  une  aire  de  dispersion  considérable  et  c'est avec  raison  que  les  anciens  auteurs  indiquaient  à  la  fois  l'Egypte et  le  Sénégal  comme  patrie  au  Spatha  rubens.  Les  3Iutela  et  les MuteUna  sont  également  communs,  mais  le  nombre  de  leurs espèces  est  fort  restreint.  Par  contre,  les  Pliodous  du  sous-genre Cameronia  sont  principalement  répandus  dans  les  lacs  (1)  et le  bassin  du  Nil,  tandis  que  les  Pliodons  vrais  préfèrent  le  Congo et  le  Sénégal.  Le  curieux  genre  Chelidonopsis  Ancey  (  =CheU- âonura  de  Rochebrune)  est,  jusqu'ici,  spécial  au  Congo  ;  il  est probable  qu'il  se  retrouvera  ailleurs  et,  notamment,  dans  le Chari.  Les  Sphœrium,  les  Eupera  et  les  Corbicula,  peu  variés en  espèces,  vivent  partout  en  abondance.  Enfin  les  ^theries, dont  il  n'existe  qu'une  seule  espèce,  sont  très  rares  dans  les  lacs, mais  fort  communs  en  certains  points  du  Sénégal  et  du  Chari, où  elles  constituent  des  bancs  épais,  largement  exploités  par les  indigènes  pour  la  fabrication  de  la  chaux. §2    ^ Un  examen    comparatif  détaillé,   que  je  résumerai  dans  le tableau  suivant,  permettra  de  saisir  les  analogies  qui  existent entre  les  faunes  fluviatiles  des  bassins  du  Haut-Nil,  du  Chari  et du  Congo. (1)  Surtout  dans  le  lac  Tanganika  et  le  lac  Tchad. 41' LOUIS  GERMAIN BASSIN    DP   CHARI liASSIN    DU    CONGO Limnea  undusKtimoe  Mart. —  hnmerosa  Mart- Physa  Forskahli  Khr. —  Dunkeri  Germ. Planorbis  sudanicus  Mart. —  adowensis  Bourgt. —  Bridouzi  Bourgt. Vivipara  unicolor  Oliv. Cleopatra  bulimoldes  Oliv. —  cyclostomoîdes  K  dater . —  Mweruensis  Sniitli. Bythinia  Neumanni  Martens. Ampullaria  speciosa  Phil. —  Chevalieri  Germ. —  Wernei  Phil. —  ovata  Oliv. —  gradata  Smith. —  Rucheti  Billotte. —  chariensis  Germ. Lanistes  pronerus  Mart. —  ovum  Peters. —  ellipticus  Mart. —  gribinguiensis  Germ. Melania  tuberculata  Miill. Unio  œquatoria  Morelet. —  Chivoti  Germain. —  bangoranensis  Germain. —  Lacolni  (Jermain. —  -  œgyptiaca  de  Férusa. /Etherîa  elliptica  de  Lam. Spatha  rubens  Caill. —  rub.  var.  rotundata  Mart. —  rnb.va.T.CailliaudiMa,Tt. —  Chaiziana  Rang. —  cryptoradiata  Putzeys. —  Bourguignati  Ancey. —  divaricata  Martens. Mittela  angustata  Sow. —  Chevalieri  Germ. MiUelina  rostrata  Rang. —  eomplanata  Jouss. —  Joubini  Germain. Eupera  parasitica  Parr. Limnea  undussumœ  Mart —  humerosa  Mart. —  af ricana  Rupi)- Physa  Forskahli  Ehr. —  Dunkeri  Germ. Planorbis  sudanicus  Mart. Vivipara  unicolor  Oliv. Cleopatra  Mweruensis  Smith. —         Broecki  Putzeys. Bythinia  Neumanni  Martens. Ampullaria  speciosa  Phil. —  Wernei  Phil. —  leopoldvillensis  Putzeys. —  ovata  Oliv. Lanistes  procerus  Mart. —  ovum  Peters. —  ellipticus  Mart. Melania  tuberculata  MûU. Unio  œquatoria  Morelet. —     œgyptiaca  de  Féruss. /Etheria  elliptica  de  Lam. Spatha  rubens  Caill. —     rub.  var.  rotundata  Mart. —  cryptoradiata  Putzeys. — -       Bourguignati  Ancey. —  divaricata  Mart. Modela  angustata  Sow. Mutelina  rostrata  Rang. Chelidonopsis  arietina  Roch Eupera  parasitica  Parr. BASSIN    DU    HAUT-NIL Limnea  africana  Ruppell  . Physa  Forskahli  Ehr. —     Dunkeri  Germ. Planorbis  sudanicus  Mart. —  adowensis  Bourgt. —  Bridouxi  Bourgt. Vivipara  unicolor  Oliv. Cleopatra  bulimoldes  Oliv. —    cyclostomoîdes  K  iister Ampullaria  speciosa  Ph. —  Kordojana  Parr. —  lu£idu  Parr. —  ovata  Oliv. Lanistes  BoUenianus  Chemnitz. Melania  tuberculata  MOU. Unio  œgyptiaca  de  Férusa. .Etheria  elliptica  de  Lam. Spatha  rultens  Caill. —       rub.  var.  Cailliaxidi  M. —  Bourguignati  Ancey. Mutela  nilotica. —  angustata  Sow. Eupera  parasitica  Parr. La  malacographié  de  L'AFRIQUE  equatoriale    \\1  , On  voit,  par  le  simple  examen  de  ce  tableau,  que  les  analogies ne  s'arrêtent  pas  aux  genres,  mais  se  poursuivent  jusqu'aux espèces.  Les  Mollusques  qui,  jusqu'ici,  paraissent  spéciaux  à l'une  des  trois  régions  doivent  être,  en  général,  considérés  comme les  espèces  représentatives  des  formes  correspondantes  du  l)assin du  mi Enfin,  un  certain  nombre  d'espèces  du  bassin  du  Chari  se retrouvent,  soit  au  Gabon,  soit  surtout  au  Sénégal.  Telles  sont  : Physa  {Pyrgophysa)  DunTceri  Germain  (  =rhysa  scalaris  Dunker). Vivipara  unicolor  Oliv.  ;  Melania  tuherculata  Mull.  ;  Miheria elliptica  de  Lamarck  ;  Spatha  mhens  Cailliaud,  et  ses  nombreuses variétés,  ^Sp.  GMiziana  Eang,  ^2^.  Tawai  Eang,  8p.  Pjeifferi Bernardi  ;  Mutelina  rostrata  Rang,  MuteUna  coynplanata  Jous- seaume,  etc. §3 La  faune  fluviatile  des  grands  lacs  (Nyassa.  Tanganika,  Vic- toria-Nyanza,  Albert-Nyanza,  Rodolphe,  Tchad)  présente  la même  homogénéité.  Il  faut  pourtant  faire  une  exception  pour le  Tanganika,  dont  une  partie  de  la  population  malacologique est  spéciale.  I^es  premiers  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  la  ques- tion (1)  ont  en  effet  remarqué,  à  côté  de  Mollusques  fluviatiles normaux  par  leurs  caractères,  toute  une  série  d'espèces  présen- tant un  aspect  marin  parfois  remarquablement  accentué.  Ces espèces,  dites  thalassoïdes  par  Bourguignat  (1885a.  p.  9),  ont été  réunies  par  Moore  (1898a,  p,  166),  sous  le  nom  d'  «  halo- limnic  group  ».  On  possède  maintenant  des  données  assez  éten- dues sur  leur  anatomie  et  leurs  affinités.  Aussi  leur  classification peut-elle  être  résumée  de  la  manière  suivante  : Le  genre   SpeMa  Bourguignat,  appartient  à  la  famille  des Naticidœ  ; Le  genre  TanganiMa  Crosse,  à  celle  des  Planaxidœ  ; (1)  WOODWARD  (1859,  p.  349)  avait  déjà  remar.iué  l'aspect  marin  des  Paramelania  nassa et  Spekia  zonata. H8  LOUIS  GERMAIN Les  genres  Paramelania  Smith,  Lavigeria  Bourguignat  (  =Nas- sopsis  Smith)  et  Bythoceras  Moore,  rentrent  dans  la  famille  des Pu/rpurinidœ  ; Le  genre  Cliytra  Moore  est  le  seul  représentant  d'ean  douce, actuellement  connu,  de  la  famille  des  Xenophoridœ  ; Enfin  les  genres  TipJiobia  Smith  (  =nylacantîia  Ancey),  Batha- nalia  Moore  et  Lirmiotrochus  Smith,  constituant  la  nouvelle famille  des  TiphoUidœ  de  Moore  (1898,  p.  307). C'est  cette  classification  (1)  que  j'ai  suivie  dans  mon  étude sur  les  Mollusques  du  lac  Tanganika  recueillis  par  le  regretté voyageur  français  Ed.  Foa  (Germain,  1907). Le  faciès  marin  des  Mollusques,  ou  mieux  des  Prosobranches fluviatiles,  du  lac  Tanganika,  fit  naître,  surtout  en  Angleterre et  en  Allemagne,  des  hypothèses  assez  nombreuses.  On  pouvait tout  d'abord  considérer  le  groupe  halolimnique  comme  prove- nant d'une  modification,  due  au  milieu  de  la  faune  lacustre  ordi- naire. Il  était  également  possible  de  voir,  dans  les  Mollusques thalassoïdes,  les  représentants  d'une  ancienne  faune  lacustre  en voie  de  disparition.  Cette  opinion,  soutenue  par  Taush  (1884) en  Europe  et  par  White  (1882)  en  Amérique,  repose  principa- lement sur  la  ressemblance  des  Paramelania  du  Tanganika  et des  PyrguUfera  des  couches  lacustres  du  supra  crétacé.  Elle ne  saurait  soutenir  l'examen  puisqu'il  existe,  sur  les  bords  des lacs  Nyassa  et  Tanganika,  d'anciens  dépôts  lacustres  fossilifères dans  lesquels  on  trouve  abondamment  les  espèces  fluviatiles actuelles  à  l'exclusion  de  toute  forme  du  groupe  halolimnique (Moore,  1898a,  p.  174). On  a  enfin  supposé  que  le  lac  Tanganika,  autrefois  réuni  à l'Océan  Indien,  s'en  était  séparé  à  une  époque  relativement récente.  Il  se  peupla  peu  à  peu  d'animaux  d'eau  douce,  à  mesure que  la  salure  de  ses  eaux  diminuait,  mais  garda  une  partie  de (1)  Je  n'ai  pas  tenu  compte  ici  des  genres  Syrnolopsis  Smith  et  Oiraudia  Bourguignat  pour lesquols  BouROUiQNAT  (1890,  p.  139  et  p.  147)  a  créé  les  familles  des  Syrnolopsidœ  et  des Oiraudidœ.  On  ne  saurait  rien  préjuger  de  la  position  systématique  de  ces  genres  puisqu'on ne  possède  aucune  notion  sur  leur  anatomie. LA  MALAGOGRAPlItÉ  DE  L'AFRIQUE  K01IAT()RL\LE     H9 son  ancienne  faune  marine  aujourd'hui  représentée  par  le  groupe lialolininique.  Cette  théorie  fut  surtout  soutenue  par  Moore (1899).  Cet  auteur,  se  fondant  à  la  fois  sur  les  documents  géo- logiques qu'il  recueillit  au  cours  de  son  expédition  de  1899 et  sur  l'analogie  des  Prosobranches  du  Tanganika  avec  certains fossiles  nuirins,  fit  remonter  l'origine  de  la  faune  halolimnique à  la  période  jurassique.  Cette  liypothèse  prend  une  nouveHe force  par  suite  de  la  coexistence,  avec  les  Gastéropodes  thalas- soïdes,  d'une  Méduse  d'eau  douce  {Limnocnida  tanganicœ  Bôhm. et  d'un  Bryozoaire  gymnolème  auquel  Moore  (1903,  p.  295)  a donné  le  nom  de  Araehnoidia  Rey  Lcunhesteri  pour  rappeler  ses affinités  avec  le  genre  marin  Arachnidium.  Il  est,  en  effet,  impos- sible de  faire  dériver  de  tels  aninuiux  d'une  faune  purement lacustre.  Mais,  contrairement  à  l'opinion  de  Moore,  le  Tanganika n'est  pas  le  seul  hic  qui  ait  donné  lieu  à  des  découvertes  de  ce genre.  Ch,  Gravier  (1903,  p.  347)  a  fait  connaître  l'existence du  Limnocnida  tanganicœ  dans  le  lac  Victoria-Nyanza,  où  il  a été  recueilli,  sur  la  côte  orientale,  par  le  voyageur  français AUuaud.  J.  Kennel  (1890,  p.  282)  a  décrit  une  autre  Méduse d'eau  douce,  VHahnonises  lacustris,  qui  habite  les  rivières  de  la Trinité.  Le  lac  Baïkal  est  habité  par  quelques  animaux  marins. On  observe  enfin,  chez  certains  PolychèteS,  une  adaptation complète  à  la  vie  fluviatile.  C'est  ainsi  que  A.  Giard  (1893,  p.  473) a  décrit  un  Sabellide  {Gaohangia  Billeti)  vivant  sur  la  coquille d'une  Mélanie  commune  dans  les  rivières  du  Tonkin.  Tels  sont encore  les  Polychètes  d'eau  douce  découverts  à  la  Guyane française  par  Geay  et  si  bien  étudiés  par  Ch.  Gravier  (1901, 1905). Si  la  Méduse  des  grands  lacs  et  le  Bryozoaire  du  Tanganika sont  incontestablement  des  animaux  d'origine  marine,  les  Mol- lusques semblent,  à  ce  point  de  vue,  bien  différents.  Moore (1898,  p.  306-307)  rapproche,  de  la  manière  suivante,  les  Pro- sobranches du  Tanganika  d'un  certîiin  nombre  de  fossiles  du Jurassique  marin  : AaCH.   DE  ZOOL.  EXP.  ET    GÉN.  —  4*  SÉRIE.    —  T.    VI.  (IV).  9 i20  LOUIS  GERMAIN LAO   TANGANIKA JURASSIQUE    MAKIN Paratnelania  Damoni Purpurina  bellona Nassopsis  nassa  (1) Purpurina  inftata Bathanalia  Howesi Amberleya  sp Limnotrochus  Thom  soni Littorina  sulcata Chytra  Kirki Onustus  8p Spekia  zonatw Neridomus  sp Melania  admirabihs Cerithium  subscalariform e Tiphobia  sp' Purpuroidea  sp Eemarquons  tout  d'abord,  avec  Smith  (1904,  p.  79),  que ces  analogies  sont  beaucoup  plus  apparentes  que  réelles.  Ces coquilles  ont  bien,  si  l'on  veut,  un  «  air  de  famille  »,  mais  elles diffèrent  toutes  par  des  caractères  faciles  à  apprécier.  C'est ainsi,  par  exemple,  que  le  Bathanalia  Howesi  est  ombiliqué, tandis  que  les  Attiherleya  sont  imperforés  ;  que  les  Chytra  et les  Onustus  diffèrent  non  seulement  par  leur  sculpture,  mais encore  par  les  caractères  de  leur  opercule,  etc.  Il  est  donc  fort exagéré  de  dire,  avec  Moore  (1903,  p.  349),  que  les  Prosobranches thalassoïdes  du  Tanganika  sont  «  pratically  indistinguishable  » des  fossiles  jurassiques  correspondants. On  connaît  d'autre  part,  en  dehors  du  Tanganika,  de  très nombreux  Mollusques  à  faciès  marin.  Tous  les  Mélaniens  sont très  voisins  des  Cérithidées  non  seulement  par  leur  coquille, mais  encore,  ainsi  que  l'a  montré  Bouvier  (1887,  p.  362,  p.  386, p.  487,  etc.)  jiar  leur  organisation.  Le  Tiphohia  Horei  Smith du  lac  Tanganika  n'a  ])as  un  aspect  marin  plus  accentué  que  le Pleurocera  {lo)  spinosa  Lea  de  l'Amérique  du  Nord.  Les  Lacu- nopsis  du  Cambodge  ont  un  faciès  qui  se  rapproche  beaucoup de  celui  des  SpeMa.  La  famille  des  Littorinidées  elle-même  ren- ferme actuellement  deux  représentants  d'eau  douce  :  les  Cremno- conchus  Blanford  (  =Cremnobates  Blanford)  qui  vivent  sur  les rochers  mouillés  par  les  eaux  douces  de  la  chaîne  des  Gathes (Inde)   et  les  Pseudogibbula  décrits  par  Dautzenberg   (1890, (1)  (Jette  eoiiuille  n'eM.  pas  le  Pariimelania  nassa  île  WooDW.uiD  (1859,  p.  349,  pi.  XLVII flg.  4)  {Melania  nassa)  mais  bien  le  f.ariaena  coronata  de  Bourguignat  (1890,  p.  180,  pi.  XIIl[ ttg.  13.14). LA  MALACOGRAPHIP:   de  L'AFRIOUE  EOUATORIALE     121 p.  570,  pi.  I.  fig.  2-6).  Ces  derniers  Mollusques  qui,  par  leur  forme générale,  ressemblent  d'une  manière  surprenante  au  Gibhula tumida  Montagu  des  mers  d'Euro])e,  vivent  en  grand  nombre sur  les  rochers  de  gneiss  ampliibolique  qui  encombrent  le  cours du  Congo  aux  environs  de  Vivi. Comme  Moore  le  fait  lui-même  remarquer,  si  une  espèce unique  de  Mollusque  du  Tanganika  présentait  des  caractères thalassoïques,  le  fait  n'aurait  que  la  valeur  d'une  coïncidence curieuse.  Ce  qui  est  réellement  intéressant,  c'est  la  réunion,  en un   seul   point,   d'un   aussi   grand   nombre   de   Gastéropodes  à faciès  marin.  Cependant,  ce  cas  lui-même  n'est  pas  aussi  isolé qu'on  a  bien  voulu  le  croire.  Certaines  contrées  de  l'Amérique du  Nord,  où  les  Pleurocera  sont  si  nombreux  qu'ils  recouvrent presque  complètement  le  lit  des  rivières,  présentent  également ce  caractère.  Le  lac  Nyassa  nourrit  toute  une  faune  mélanienne dont  l'aspect  tlialassoïque  a  été  mis  en  relief  par  Bourgitignat (1889a).  Une  grande  partie  du  sud  de  l'Asie  orientale  (Inde, mais  surtout  Annam  et  Cocliinchine),  possède,  avec  ses  Lacu- nopsis,  ses  Jullienia,  ses  Pachydrohia  et  ses  Paludines  ornées toute  une  faune  malacologique  dont  le  faciès  marin  est  indé- niable. Mais  tous  ces  faits  s'expliquent  d'eux-mêmes  lorsqu'on examine  avec  attention  les  milieux  oii  vivent  ces    Mollusques spéciaux.  Il  ne  saurait  en  être  autrement  en  Afrique.  Le  Tan- ganika est  un  des  plus  grands  lacs  de  la  terre,  en  tout  compa- rable à  la  mer  :  ses  rivages  présentent  de  hautes  falaises  alter- nant avec  des  plages  plus  ou  moins  étendues  ;  ses  eaux,  fort agitées,   rendent  la   navigation   parfois   dangereuse   surtout   à répoque  où  ((  les  brises  du  sud,  qui  soufflent  pendant  six  mois de  Tannée,  prennent  le  lac  d'enfilade  et  y  soulèvent  des  lames que  je  comparerai  volontiers  à  celles  de  l'Océan  ».  (Giraud, 1885,  p.  27.)  Il  est,  dès  lors,  tout  naturel  que  les  Mollusques  se soient  adaptés  et  que,  par  un  phénomèiu^  de  convergence  remar- quable, ils  aient  pris  les  cara(;tères  des  Mollusques  marins  qui vivent  dans  un  milieu  analogue.  J'ajouterai,  pour  rendre  l'ana- logie plus  frappante,  que  tous  les  Gastéropodes  du  groupe  halo- 122  LOUIS  GERMAIN limnique  vivent  à  une  profondeur  considérable,  certains  même, comme  les  Tiphohia  et  les  Bathanalia  ne  se  rencontrent  qu'entre 250  et  400  mètres  (1),  et  qu'ils  sont  surtout  localisés,  d'après  le témoignage  des  voyageurs  (Pelseneer,  1886,  ]).  115)  dans  les endroits  où  les  eaux  sont  le  plus  agitées. En  ce  qui  concerne  les  Mollusques,  je  crois  donc  (|u'il  faut abandonner  la  tliéorie  de  Moore.  Bien  entendu,  comme  tous les  animaux,  les  Prosobranches  thalassoïdes  du  Tangaiiikti  déri- vent de  faunes  primitives  marines,  mais  seulement  au  même titre  que  les  autres  Gastéropodes  fluviatiles,  c'est-à-dire  que  leurs ancêtres  se  sont  détachés  d'une  souclie  marine  bien  avant  la formation  des  espèces  vivant  maintenant  dans  le  lac.  Quant  à leur  aspect  marin  actuel,  il  provient  uniquement  d'une  adap- tation que  les  conditions  de  milieu  expliquent  suffisamment. Les  Mollusques  des  grands  lacs  africains  ne  diffèrent  pas  sen- siblement de  ceux  qui  habitent  soit  le  Congo,  le  Chari  et  le  Haut- Nil,  soit  les  tributaires  de  ces  fleuves.  On  ne  peut  que  signaler quelques  particularités  intéressantes. Certains  groupes  d'Unionidœ,  surtout  répandus  dans  les  lacs Victoria-Nyanza  et  Tanganika,  présentent  un  faciès  particu- lier dii  à  la  sculpture  très  développée  de  leur  test.  C'est  pour  l'un de  ces  groupes  que  Bottrguignat  (1885,  p.  1)  a  créé  le  genre Grandidieria  que  l'on  ne  saurait  considérer  comme  distinct  du genre  Unio.  Plus  abondants  dans  le  Tanganika  que  partout ailleurs,  ces  Grandidieries  se  retrouvent  aussi  bien  dans  le Tchad  (2)  que  dans  le  Rodolphe  (3). (1)  .Fo  lionne  ces  indications'  d'après  Mooiif;  (1898  a,  p.  170).  Il  e.st  également  intéressant  de reniarciuer  ((ue,  parmi  les  .Mollus(|Ufs  non  tlialassoïdes,  ce  sont  les  MHaniens  qui  vivent  aux plus  grandes  profondeurs.  <  )u  les  rencontre  jumiu'à  100  mètres,  toujours  d'après  Moore  (1898  a, p.  170,  arapliifiue). (2)  M.\KTKNS  (1908,  p.  5)  a  décrit  VUnio  (Grandidieria)  tsadianuf^  qui  est  la  seule  espèce  dg ce  i;roupe  actuellement  connue  dans  le  lac  Tchad. (3)  Neuville  (H.)  et  Anthony  (R.)  (1906,  p.  408),  ont  signalé  deu.x  esjièces  de  ce  groupe dans  le  lac  Rodolphe,  les  :  Vnio  (Qrandidieria)  Ruthschildi  Xeuv.  et  Antli.  et  U.  (Grand.)  Chef- neuxi  Neuv.  et  Anth, LA  MALACOGRAPHTE  DE  L'AERIQUE  EQT-ATORIAI.R      123 Le  Victoria-Nyanza  est  remarquable,  eu  dehors  de  sa  faune mélanieune,  par  la  petite  taille  des  Mollusques  qui  y  vivent. Presque  toutes  les  espèces  y  constituent  des  variétés  minor  et les  Acéphales  eux-mêmes  n'y  atteignent  que  de  faibles  dimen- sions. Ce  fait  tient  uniquement  à  la  grande  crudité  des  eaux  du lac,  presque  dépourvues  de  calcaire. Le  lac  Tchad  est  habité  par  des  colonies  extrêmement  popu- leuses de  Physes,  de  Planorbes  de  Plauorbules  et  de  Vivipares. Les  Acéphales  y  atteignent  parfois  de  très  grandes  dimensions et  si  les  Unionidœ  sont  peu  nombreux,  si  les  Spatha  semblent absents,  on  y  trouve,  comme  dans  le  lac  Tanganika,  des  Pliodons appartenant  au  sous-geurc  Gameronia.  {Pliodon  {Cameronia) Hardeleti  Germain  ;  PL  {Cam.)  tchadiensis  Germain).  Bien  qu'on ne  connaisse  encore  que  très  peu  d'exemplaires  de  ces  derniers Lamellibranches,  ils  doivent  être  communs  dans  le  Tchad, puisque  les  indigènes  les  ont  baptisés  du  nom  de  Gofoui (Destenave,  1903,  p.  726). Les  tableaux  ci-après  résument,  en  les  précisant,  les  analo- gies et  les  diiîérences  qui  existent  entre  les  faunes  des  six  prin- cipaux lacs.  En  outre,  par  comparaison  avec  ceux  donnés  pré- cédemment, ils  montrent  que  toute  l'Afrique  équatoriale  appar- tient, en  ce  qui  concerne  la  population  fluviatile,  à  la  même province  malacologique. 124 LOUIS  GERMAIN LAC    NYASSA    (1) LAC   TANQANIKA    (2) LAC  ALBERT-NYANZA    (3) Limnea  natalcnais  Krauss. Limnea  natalensù  Krauss. —  uf ricana  Kuppell. —  Alexandrina  Bourgt. —  Debaizei  Bourgt. —  Jouberti  Bourgt. —  Laurenti  Boiu-gt. Planorbis  sp-  indel. Planorbis  sudanicus  Alarteus. Plnnorbix  adowensis  Bourgt. —         admrensis  Bourgt. —        apertus  Martens. —         Bridouxi  Bourgt. —        Foai  Germain. —        choanomphalus  Mart. Planurbida  tanganikana  Bourgt. Seqmentina  Chevalieri  (termain. Phym  nyassavn  Sniitli. Physa  Coulboisi  Bourgt. —    gucciiwkles  Smith. —    Randabeli  Bourgt. Phygopsis  afrkana  Krauss. Physopsis  tanganikana  Mart. Ancylus  sp.  ind. Vivipara  unicolor  Olivier. Vivipara  unicolor  Olivier. Vivipara  rnbicundu  Martens. —       capillata   Frauenfeld. —       costii/ata  Mart. —      Robertsoni  Frauenfeld. —  Fuai  Germain. —  Bridovxi  Bourgt. —  Brincatiana  Bourgt. Bythinia  Stanlfyi  Smith. Bythinia  multisulcata  Bourgt. Buthinia  A/berfi  Smith. —      Nyasmna  Bourgt. —       Walleri  Smith. —      humerosa  Mart. C'ieopatra  Guillemeti  Bourgt. Cleopatra  Pirothi  .Jickeli. —        trisulcata  Germain. Anipullmrin  fjradata  Smith. AnipuUuria  qradatn  Smith. —  ovata  Ohv. —  Bridouxi  Bourgt. AmpuUaria   Stuhlmanni   Mart. Latmteii  purpuieus  Jouas. Lanisti's  sinixtrorsux  Lea. —       affînis  Smith. —       cllipticm  Pfeitf. —       solidus  Smitii. —      Jouberti  Bourgt. —       nyassanus  Dolirn. —      ovum  Peters. (1)  Smith  (E.-A.)  (1877)  :  —  Bouuorir.xAT  (J.-B.)  (1889  a). (2)  Smith  (E.-A.)  (1880.  1881  et  1904)  ;  —  Bovkuukjn -t  i.J.-!i.)  il885  a.  1885  /'.  1888  et  1890  ; —  MooRE  (.J.-K.-S.)  (1903)  ;  —  Germain  (Louis)  |1907";.  On  trouvera,  dans  oe  dernier  mémoire. une  bibliographie  eomplète  du  sujet. (3)  Smith  (E.  A.)  (1888). LA  MALACOGRAPHÏE  DE  LAFRIOTE  EOTIATORIALE      125 LAC  VrCTORIA-NYANZA   (1) Limnea  nyanzœ  Marteus. Uebaizei  Bourst. Planorhis  sudanicus  Martens. —  choanomphalus  Mart. —  oictoriœ  Smith. Physa  triijona  Mart. —  strigosa  Mart. —  transversatis  Mart. —  Forsk-afili  Ehrenb. Physopgis  af ricana  Krauss. —      ovoidea  Bours- Ancyhix  stuhlmnnni  Martens. Vivipara  unicolor  Olivier. —  abyssinien  Martens. —  nibicunda  Martens. —  meta  Martens. —  repoîdes  Smith. —  constricta  Martens. —  phthinotroins  Martens. —  trorhhnris  Martens. —  fiagodella,  Martenu. Bythinia  Immerosa  Martens. CletiiHitra  (iiiilleinrli  liourgt. AinpiiUaria  f/radnta  Smith. —  ovata  Olivier. —  nyanzœ  Smith. —  Gordoni  Smith. —  Emini  Martens. Lanistes  Schweirifurthi  Ancey. LAC   RODOLPHE    (2) Planorhis  abyssiniens  Jickeli. Physa  tcliadiensis  Germain. LAC  TCHAD   (3) Bythinia  Setimanni  Martens. CleoiHitm  hnliiwûili's  Olivier. AmpuUaria  Bridouxi  Bourgt. Limnea  africana  Ruppell. —  exserta  Martens. —  tchadiensis  Germain. —  Chudeaui  Germain. Plannrbis  sudanicus  Martens. —  tetragonostonia  Germ. —  adowensis  Bourgt. —  Bridouxi  Bourgt. —  Chudeaui  Germain. Planorhula  tchadiensis  Gerra. Segmentinc  Chevalieri  Germain. Physa  trigona  Mart. —  truncata  de  Féruss. —  strigosa  Mart. —  tchadiensis  Germain. —  Rohlfsi  Clessin. —  Randabeli  Bourgt. —  Physa  Joubini  Germain» —  Dautzenbergi  Germain. Physopsis  Martcnsi  Germain. Vivipara  uniro/or  Olivier. et  var.  Lenfanti  G —      gracilior  Martens. Bythinia  Seumanni  Martens. —       np<Âhaumœformis  G. Cleopatra  cyclastomoides  Kûstcr. et  var.  tchadiensis   (iermain. AMpullaria  gradata  Smith. —  liucheti  Billotte. —  Chariensis  Germ. —  speciosa  Philippi. Lanistes  Vignoni  Bourgt. (1)  DoHUN  (H.)  (1864);  — MARTENS  (i:.  von)  11879,  1892  et  18981;—  BouuGViGN.vr  (.1.-1!.)  !l883, -  Smith  (E  -A.)  |1892]  ;  —  Germain  (Louis)  [1906]. (2)  Anthony  et  Neuville  (1906)  ;  —  Neuville  et  Anthony  (1906). (3)  GERMAIN  (LOUIS)  [1905,  1905  a,  1905  b.  1906  et  1907]  ;  —  Martens  (E.  von)  (1903) 126 LOriS  GERMAIN LAC    NYASSA   (1) LAC  TANGANIKA  (2) L.VC  ALUEltT-XYANZA  (3) Mtlania  Simonsi  Sjnith. Mflania  tangamcana  Smith. Me'ania  liricineta  Smith. —       nodicincta  Dolirii. —       admirabilis  Sniith. —       perqracilis  Mart. —       pvlymorpha  >Sniitli. —       turritispira  Smith  (4), etc. 1 —      tuberctilata  Mull. —       tiéerculata  Miill. ^Etheria  elliptica  de  Lamari'l«. —       tiibermlata  MiMler.    | Unio  nyassanus  Lea. Vnio  calathus  Bourgt. Unio  actiminatu.1  H.  Adams —     Liederi  Martciis —     Charhonnieri  Bomgt. —  Bakeri  H.  Adanis —     Lechaptoisi  Anoey. —     Dromauxi  Bourgt. —     Kirki  Lea. —    Bohmi  Martens,  etc. . . —    aferulus  Lea. —    hypsiprymmts  Martens. —     Borelli  Ancey. Unio  (Grandid.)  liurtoni  Wood. —  —  ThojHSoni  Smith. —  —  tanganicensis  Sniitli. —  —  rosira  lis  Martens. MvUltt  alnta  Bou)gt. Mutela  Jouberti  Bourgt. —  VysseH  Bourgt. —  soleniformis  Bourgt. Pseudopatha  tanganikana  Smitli. —          Livingstonin  Smith. Brazzœa  Aticeyi  Bourgt. Moncetia  Anceyi  Bourgt MuteUt  nilotirn  'le  Féruss. Spatha  nyaasaensis  Lea. —      Kirki  Ancey. Pliodon     {Cameronia)     Spekei Woodward  (5). Pliodon    (  Cameronia  )    (Hraudi Bourgt. PHodon    {Cameronia)    Vynckei Bourgt. Spkmrivm  gp. Corhirula  rndiatn  l'arr. Corhinihi  rndiatu   l'arr. Corbicnla  radiata  Parr. —         asfartina  Martens. —         Foai  Mabillc. (1,  2,  3).  Pour  les  notes,  voir  pageB  précédentes. (4)  Je  passe  ici  sous  silence  la  longue  suite  des  Mélanidécs  du  iar  Nyassa,  qui,  d'ailleurs  sont des  espèces  spéciales  à  ce  lac. (5)  Je  n'admets,  comme  j'espère  le  montrer  bientôt,  qu'une  seule  espèce  de  Brazznea  et  uns seule  espèce  de  Moncetia.  Quant  aux  Cameronia.  leur  nombre,  comme  celui  des  Grandidieria.  doit être  considérablement  réduit,  ainsi  que  je  le  montre  dans  mon  mémoire,  déjà  cité,  sur  les  Mollusques recueilUs  par  M.  Foa. LA  MAI.ACOGRXPFIIE  DE  L'AFRIQUE  ÉQUATORLVLE      127 LAC  VIOTOUIA-NYANZA  (1) LAO RODOLPHE  (2) LAC   TCHAD   (3) Melanin  tuhercninta  Mnllor. Melaiiia  t.i bernilat.a  MiiUor. Melanin  l.uherrulata  Millier. Mtheria  elliptica  Laniarck. jEtheria  elliptira  Lainarrk. Unio  acuminatus  Adaïus. Viiio  LacoUii  (ierniain. —     Hauttecœuri  Bourgt. —     muldcelnrmis  (ierniain. —     Lourdeli  Bourgt. —     mnlticolor  Martens. —     Ruellani  Bourgt. —     Monceti  Bourgt. Unio  (Gmndidieria)  Roth-schildi Viiio  {(irandidieria)  tchadienm Neuv et  Anthony. Martens. Unio   {Gmndidieria)   Chefneuxi Xeuv et  Anthony. Mxtela  sulHliapJiana  Bourtit. MiUeln  angmtata  Sowerby. —       Bourgiiignati  Ancey. et  var.  ponderosa  (Germain. Mutelinu  rostrata  Itang. Spniha.  trnpfzia  Martens. Spathu  JSotiri.iidgnati  Ancey. —       Boiirguignati  Ancfy. Pliodon  iCameronia)  tchadiemis Germain. Pliodon  (Camcronia)  Hardeleti Germain,     et    var.    Molli Germ. Sphœrmm  ^tuhlmanni  Martens. —         nywnzma  Smith. Eiipera  paragitica  Parreyss. Eupera  parasiiica  Parreyss. Cfirbirula  radiatu  Parreyss. CorbinUa flinniiJfilî^  Mûller. Corhicula  Lacoini  Germain. pufilla  Phil. —         tchadiensis  Martens. (1,  2.  3).  Pour  les  notes,  voir  pages  précédentes 128 LOUIS  GERMAIN ^  5 Il  en  est  (le  iiiomc  en  ce  qui  ('onceriir  la  l'aune  tencstre.  Mais ici,  nous  ne  pouvons  établir  de  comparaisons  précises  que  pour les  Acliatinida\  Les  représentants  de  cette  famille  sont,  en  effet, les  seuls  qui  aient  été  recueillis  en  nombre  à  la  fois  dans  h; bassin  du  Cliari  (MM.  Chevalier,  Decorse,  Courtet  et  Martret) et  dans  la  région  du  Tchad  (MM.  Dujjertliuis,  Lacoin)  (1). BASSIN    DU    ClIAKI IlÉCUON    DU   TCHAD RÉGION    DES    GRANDS    LACS ET    AFRIQUE    ORIENTALE Limicolaria  rectistrigatn  Sinitli. Limicolaria  rectistrigatu  Smith. Limicolaria  rectistrigata  Smith. —          connectens  Martens. —           connectais  Martens . —           Oharbonnieri   Bgt. —           Charbonnieri    Bgt. —          turris  Vt. —  turris  Pf. —  turris  var. Duperthuisi  (Jcnn. —          turris  Pf. —           furrifonnift  Miirt. —  turriformis  M  art. —  turriformis  var. obesa  (îoriiiaiii. —           turriformis  Mart. Achatina  maryinula  Sw. AchtiHua  Weynsi  Daiit/,.  var. Duperthuisi   (icnnaiii. Achatina  nmrijinata  8w. —       Schweinfurlhi  Mnrtrns —       Schweinfurthi  Martens var.  Foiireaui  Geriiiaiii. —       Scliircinfiirthi  Martens Jiiirtoa  nilotica  Pt'eitt. Burton  nilotica  Pfeiff. (l)  .l'ai  iiitroiluit  dans  les  iirôcédeuts  tableaux,  i(*  espéees  réeemnKMit  rapportées  par M.  R.  Chudeau.  de  son  voyage  au  lae  Tehad.  Cet  exi)loratpur  est,  .ju8(|u'iri.  le  seul  qui  ait recueilli  des  Suecinées  dans  ces  régions.  Comme  toutes  ces  espèces  sont  encore  inédites,  j'en donne  ici  une  très  courte  description  : Succinea  tchadiensis  Germain,  nov.  sp.  —  CoijuiHe  ovalaire  allongée;  spire  couiposéo  de 3  tours,  les  deux  premiers  très  petits,  le  troisième  formant  presiiue  toute  la  coquille;  sutures bien  maniuées  ;  ouverture  très  grande,  égalant  les  5,  C  de  la  hauteur  totiile.  Test  fragile,  sub- pellucide.  Haut.  :  11  mill.  ;  diam.  :  4  3  1  mill.  ;  haut.  ouv.  :  8  mill.  ;  diam.  :  4  mill.  Bords  du lac  Tchad,  à  N'Guigmi. Succinea  C'hudeaui  (iermain,  nov.  sp.  —  Spire  tordue,  composée  de  3  'i  tours  très  convexes séparés  par  des  sutures  profondes  ;  dernier  tour  un  peu  globuleux  ;  ouverture  ovale  atteignant les  2,  3  de  la  hauteur  totale.  Test  mince,  fragile,  finement  strié.  Haut.  :  8  li  mill.  ;  larg.  :  4  'z  mill-; haut.  ouv.  ;  5   %  mill.;  larg.  ;  3  \:,  mill.  ;  Bords  du  lac  Tchad,  à  N'Guigmi. Limnœa  Chudeaui  (Jermain,  7iov.  sp.  —  Coquille  allongée  ;  spire  composée  de  4  tours  à  crois- sance très  rapide  séparés  par  des  sutures  bien  marciuées  ;  dernier  tour  énorme,  ovalaire  allongé, très  peu  ventru  ;  ouverture  égale  aux  3/4  de  la  hauteur,  avec  un  bord  externe  suberctiligne. Test  assez  épais,  irrégulièrement  strié.  Haut.  :  12  mill.  ;  larg.  :  6  '/2  mill.  ;  haut.  ouv.  :  8  Yz  i»ill.  ; diam.  :  4  mill.  Bords  du  lac  Tchad,  à  Kouloua. Phi/sa  (Isodora)  Joubini  Germain,  nov.  sp.  —  Coquille  senestre,  très  ventrue  ;  sommet  com- primé ;  spire  composée  de  4-4  U  tours,  les  premiers  très  petits  et  assez  étages  ;  sutures  pro- fondes ;  dernier  tour  très  grand,  très  développé  en  largeiu:  ;  ouverture  subarrondie.  Test  un  peu solide,  irrégulièrement  strié.  Haut.  :  14  mill.  ;  larg.  :  13  mill.  :  haut.  ouv.  :  9  mill.  ;  larg.  :  7  mill. Bords  du  lac  Tchad,  à   Kouloua. Planorbis  Chudeaui  Germain,  uov.  sp.  —  Coquille  très  comprimée,  presque  plaue  eu  dessus, LA  MALACOGRAPHIE  DE  L'AFRIQUE  É0UATORL\LE     129 L(»s  (lovclop])«'nieuts  ]H'éeéd('iits  mv  pcriiK'itroiit  de  coiiclun' hrièvcnu-nt  eu  disant  que  toute  la  partie  de  l'Afrique  située entre  le  Sahara  d'une  part  et  le  bassin  du  Zanibèze  d'autre  part, appartient  à  la  même  province  malacologique.  Au  point  de  vue de  la  faune  terrestre,  on  peut  bien  noter  quelques  genres  spéciaux à  des  régions  déterminées  ;  mais  le  fait  n'a  rien  d'extraordinaire, les  Mollusques  terrestres  étant,  beaucoup  plus  que  ceux  qui habitent  la  mer  ou  les  eaux  douces,  soumis  à  des  influences variant  avec  la  nature  du  sol,  la  végétation,  le  climat,  etc. Malgré  ces  différences,  inhérentes  à  une  aussi  vaste  contrée que  celle  envisagée  dans,  cette  étude,  on  ne  saurait  nier  que  les grandes  lignes  de  la  faune  terrestre  ne  soient  partout  identiques. Quant  à  la  faune  fluviatile,  elle  présente  une  homogénéité ])lus  grande  encore  :  partout,  aussi  bien  dans  le  Tchad,  les  grands lacs,  le  Congo  ou  le  Chari  vivent  les  mêmes  espèces,  en  plus  ou Huuns  grande  abondance  suivant  les  localités.  Le  Nil  lui-même n'a  pas  de  faune  spéciale  :  il  est  habité  par  les  Mollusques  du centre  africain  qui  remontent  jusqu'à  son  embouchure.  L'Egypte présente  ainsi  ce  remarquable  caractère,  de  posséder  \uw  faun<'. malacologique  fluviatile  purement  africaine  et  une  faune  terrestre appartenant  au  systènu'  euro])éen  (1). Ce  fait,  tout  il'abord  mis  en  lumière  par  Boiirguignat  (1864, IT,  p.  304  ;  1866),  a  été  étudié  par  Jickeli  (1875.  p.  334-353) dans  un  intéressant  mémoire,  aujourd'liui  trop  oublié. subcoucave  eu  dessous  ;  spire  coiuposée  de  4  tours  à  croissance  lente  et  régulière  ;  sutures  assez profondes  ;  ouverture  oltlique,  ovalaire  arrondie,  garnie  d'un  fort  bourrelet  blanc  ;  test  peu épais,  finement  strié.  Diam.  max.  :  4  K  mill  ;  épaiss.  :  1  mill.  Bords  du  lac  Tchad,  à  N'Ouignii. (1)  Je  n'insiste  pas  ici  siu-  la  faune  malacologi(|i«-  du  Nord  de  l'Afrique  (Maroc,  Algérie, Tunisie,  Tripolitaine,  Egypte).  On  sait  parfaitement  aujourd'hui  que  ces  contrées  ne  sont peuplées  <|ue  d'espèces  européennes.  C'est  en  Abyssiiiio  que  se  fait  la  transition,  par  le  mélange d'espèces  européennes  et  d'espèces  africaines.  On  peut  donc,  au  point  de  vue  malacologique, diviser  l'Afrique  en  trois  provinces  distinctes  : a)  La  faune  du  Nord  |  Maroc,  Algérie,  Tunisie,  Tripolitaine,  Egypte  (Molluscjucs  terrestres seulement)  |  qui  se  rattaclie  au  système  européen  ; p)  La  faune  équatoriale  étudiée  dans  ce  mémoire  ;' y)  Enfin  la  faune  de  l'Afrique  australe  s'étendant  depuis  le  Zambèze,  et  suttisamment  dis- tincte des  précédentes. 130  LOTUS  GERMAIN Cette  homogénéité  de  la  faune  tluviatile  n'est  pas  spéciale aux  Mollusques.  Les  Poissons  présentent,  à  ce  point  de  vue,  le même  intérêt.  Les  travaux  de  M.  Pellegrtn  (1904,  p.  221  ; 1907),  sur  les  Poissons  du  Tchad  et  du  Chari,  ceux  de  M,  Bou- LENGER  (1898,  1898a,  1899)  sur  les  Poissons  des  grands  lacs, ont  montré  l'analogie  des  faunes  ichthyologiques  des  dilïérents bassins  fluviaux  de  l'Afrique  équatoriale,  où  abondent  surtout les  représentants  de  la  famille  des  Cichlidœ. De  telles  conclusions  montrent  le  danger  de  créer  des  espèces purement  géographiques  qui,  le  plus  souvent,  finissent  par tomber  en  synonymie,  encombrant  ainsi  inutilement  la  litté- rature. Le  nombre  des  espèces  à  grande  distribution  géogra- phique est,  en  effet,  de  plus  en  plus  grand  à  mesure  que  se  mul- tiplient les  expéditions  zoologiques.  M.  Ed.  Lamy  (1904,  p.  269), a  montré  qu'il  en  est  ainsi  pour  beaucoup  d'espèces  du  genre Arca.  M.  Ch.  Gravier  (1906,  p.  295)  a,  d'autre  part,  signalé l'énorme  extension  géographique  d'animaux  généralement  aussi sédentaires  que  les  Annélides  Polychètes  dont  certaines  espèces, comme  VOwenia  fusiformis  Délie  C-hiaje,  se  retrouvent  à  la.  fois dans  le  nord  de  l'Europe,  sur  les  côtes  de  France  et  sur  celles de  Madagascar,  du  Chili,  des  Philippines  et  du  Japon.  En  pré- sence de  tels  faits,  il  convient  d'étudier  avec  circonspection  la distribution  des  espèces  connues  avant  de  se  hasarder  à  eu décrire  de  nouvelles. INDEX  BIBLIO(}RAPHIQUE 1906.  Anthony  (R.)  et  Neuville  (H.).  Aperçu  sur  la  faune  mal.ico- logique  des  lacs  Rodolphe,  Stoplianie  et  Marguerite.  (Gomplcs Rendus  Paris,  2  juiUet.) 1898.  BouLENGEK  (G.  A.).  Report  on  the  collection  of  fishes  nuide by  Mr.  J.  E.  S.  Moore  in  lake  Tanganyika  during  his  expé- dition of  1895  and  1896.  {Transact.  zoolog.  Society,  XV.) 1898fl.  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ZOT.  fçi.  TlZ-iar:  -  19  fis.  <ittK  k>  «rxÉ^.!^ Sffi  »c».'.>a^^   ^.i.IZSS^  3àB>raS^  4KB.Z:_.     ^       "i»-   lvA«Mlll£.  3mAi</ «MâM  Jiwiiw.  f(L  UiS-UfLi) lOÊÊ.-     I^B'^'SB  «K  ^csBES?-  PnMiiimwii.  làt  < f«mi*»i.M  mm  Ar  FEaK  JMlëfgitoitt  ^aa  OigM!»t-  •  Jb— flw  M A»niiwwiff'>.jwr,  ■■iiiiilijiîiBi  .iVipijw,  XXXn.ffLU-LT: 9  Se.  ÔHS  JE'  jea-Mr- UM      FwHaa-T    r.  .  ~'  Ajsfa:  se  Oiw»  mt  ip  TsfeaA.  P^bk.  »-■*- 19B-      <^EEEXAi3K  '^I^^CEIU  3iûi6r  ^idnBBB ^JiK  T<&ai  <ft  Ig  liMiHH  ém.  dan.  jPJit  JFi IHEI.    «baacKAO^  iîSjSS^!^  $<iar  ïgss  X^flnHgBBt  flecHHBK  'par  les  : I-'t~^A.  JfBiifw  li«L  iMirtiiii'-  AviiL  fp.  âM»-âS3  «t  ffL  3^- rASâçK   fuLmiÉiiinriki     dJSWIdL   Mmiutm    OêL  «ter.  iWi^. PPl  J3-C1.  ffL  lilii-174^  fipL  2»S-3»r^  l(i  %*RS  «ijBS  le  Icexkc. IMS-  •^iSKso^  OLiOarB)..  EsnifE-  sa'  1b  Hfriha^acs  4e  rjUn^ae  «k- aole  frMiiii[Miii  ;:  «■  -  •Zwe.tjUIMM  tiA-l.  L^'Jkinqve  «eatra&e %TIwinr.  r.S«<»  fite«me.  2  fL  cK  «j^hb»  Ams  le  teste.} IStfSm.  vsKXtfs  CLiMnH-..  Ei^&ie  ar  1»  lUkafic»  irifiMi  fax M.  IL  F«a  «IH  fe  Iw  Twfe.wil  i  et  «s  carâMi.  Faû. LA  ÎL\LADl«aL\PmE  DE  LAUUOTE  BjCATOiRLaE     1» ms.     GiASXx  iA-\.  $mr  n  ihrpe  — hihiijum  «r  aJkcBsaut  tàt  M,  ffwiniilBr  ém Sabdfidee.  {Cumfâvv  rtmOm  mr.  Mtimfit^  ^  «ésie^  T. fu  «TX») {Bma^Om  ëft  la  «nr.  Jr  jpiayfiiii  4r  Pavm.  bP"  7-.fL|) Im  GwjraMP  fnmçwv  «  ^n-  lee    limwJliiBiiT.  fwifancftétee  <î«n dMML  iBmthi,  «Mââr  MiC  Mtar.  JImChk.  XTT.  fyu  ^SSt^r:?^ et  pfL  SSil-^tSs^  de  l^WK  «aK.l».  «ei:ie.!) 19M.     GsAnsK  i(Oa.  i  S«r  lai  Héiaee  4m  TlEÉ«Ksar-ST»Baai  «  la.  finiiwr âtKgnadek«»a£rîra^Sw((liB«lïfllMi  JVsiéHM  AiiiLMrif■pr.fWK,-- l£k£i»       -£jltx£K  (C^. i.  SiiT  ]kf«^  X<»vàâkBi5  «à'^atia  ^mmep  «c  «os-  mue'  ib«s- ISfi^      ^sj^TSXM  i(Cm.  \.  ^^XQ-  TOvrmJÊ  jmtà^mnmin^  ]>eakt  C&ùî»'  ««  sa  «fis»- tntMKtMai  jnewteraffcifB.   (JtaDML  Mmnémm  imaL  aMtaar.  fWàK. inS.     H«BX£L  i(L.  RnxEK  twkV  Zioft  fisA«^ik~Sw  qb»!  Swf&aBàf^S<«L haskcB  &une  Ainka  s;.   {Jfmlm^,  érr  étmgfnAim  wwJUIaaiwiiiy» Mhrr.  j|««.  JlwrfWBt.  IX.  fifL  â§(î^i;iL| 19M.     LjiMT  (£iik.)|.  Làst»  «kSi  JLKèMS;  iwaMsKiis  jor  M.  Clu  «bl^:i;Mr  à ISCr     Maktex?  (IL  TwaV  M«ilfai^»B  w  -  C^  -    Kciam  as  Ost~ AMka  ;  T«»L  111,  Nk  53^*6.  ïfc  1^>  ,  .i,  1-UI. 1ST4.     Makiexs,  <E-  TWfcV  Iwna—w^'TtwiWinijr  «iw  t«d  I>r-  <E5,  ^«fili^raàK. 1ST7      >Ui!iiac?  j(E,T»«V  X«i*sâasîiia>P^5iTïrie*sM^KQTK^ A:iluy«â  j«ràxM?  iMatiM  sût  wiY9i%«âtnM^  <ànr  AîaMèNunièn iViaiMk;a   *au?MSkrw«   K—         -   -iafcfÈh»  laiwi  ««nI  sUbs»- 187SL     IMaktrxs    (K,   v*«V    Rwy^n*    v\-œvi:.xiK-vïi   *»*  ^*aft    \i»-<ii<iin*» iU  LOUfS  GERMAIN 1892.     Martens  (E.  von).  Einige  neue  Arten  von  land  und  aiisswasser Mollusken    ans    Uganda    und    dem    Victoria-Nyanza.    (Sitz. ber.  der.  gesellseh.  naturf.  Berlin,  pp.    15-19.) 1898.     Martens  (E.  von).  Beschalte  Weichthiere  Ost-Afrikas.  Forme la  première  partie  du  tome  IV  des  Deutsch  Ost  Afrika  publiés sous   la  direction    du     Prof.    Dr.    Môbius,    V-380    pp.,    pi. I-VII. 1903.     Maktkn.s    (E.    von).    Siisswasser   conchylien    von    sudûfer    des Tsad-sees.    (Sits.     berieht.     der     gesellseh.     naturf.      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ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV"^  Série,  Tome  VI,   p.  137  à  332 'j  M((i  i'J07 VAHIATIONS  EXPÉlUMËÎVTAr.ES ÉTUDES SUR  SIX  GÉNÉRATIONS DE POULES   CARNIVORES FREDERIC  liOLISSAY Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences, Délégué  à  l'Efole  Normale  Supérieure  rie  l'Université  de  J^ari INTRODUCTION LA   VARIATION SOMUAIRE.  —  Evolution  et  variation.  —  L'ontogénie  est  une  étude  des  variations  dans  la forme.  —  Continuités  ou  discontinuités  dans  l'ontogénie.  —  Coinple.\ité  du  problème total  de  l'évolution.  —  Recherche  de  ses  équations  différentielles.  —  Les  courbes  rameuses de  continuité.  —  Travaux  de  Quételet.  —  La  bioniétrique  statique  et  cinématique.  — Le  problème  de  la  causalité.  —  Recherches  qui  font  entrevoir  une  solution  possible.  — Données  qui  manquent  pour  la  poursuivre.  —  Nécessité  de  l'expérimentation. Après  un  demi-siècle  de  débats,  d'abord  tumultueux,  puis insensiblement  apaisés,  la  théorie  de  l'évolution  a  fini  par  être acceptée  de  tous,  au  moins  en  ce  qu'elle  a  de  plus  général  et  ne rencontre  plus  à  l'heure  actuelle  aucun  contradicteur. Les  documents  paléontologiques,  chaque  jour  plus  abondants, nous  enseignent  avec  évidence  que  les  flores  et  les  faunes  ont  été différentes  aux  diverses  époques  de  la  terre  ;  elles  ont  été  chan- ARCU.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉ.N.  —  4'  SEME.  --  T.  VI.  —   v).  It 138  F.   HOUSSAY gées  au  cours  du  temps  ;  ce  qui  est  aujourd'hui  n'a  pas  toujours existé  et  des  formes  animales  ou  végétales  qui  recouvraient autrefois  ou  peuplaient  les  continents  et  les  mers  ont  complète- ment disparu.  Il  n'est  pas  vrai  que  le  monde  des  vivants  en  une fois  donné,  ou  brusquement  créé,  s'est  perpétué  immuable  depuis son  origine.  On  se  trouve  en  présence  d'un  fait  que  personne ne  songe  plus  à  contester  ;  il  faut  maintenant  que  toutes  les théories  ou  tous  les  dogmes  en  tiennent  compte  et  s'y  adaptent. Les  études  embryologiques  apprennent  d'autre  part  que  tout être  vivant,  si  compliquée  que  puisse  être  sa  forme,  débute  par un  œuf,  simple  cellule,  petite  masse  de  protoplasme,  dont  la structure,  la  composition  chimique  et  les  réactions  ne  diôèreut pas  sensiblement  de  ce  qu'on  peut  obtenir  avec  d'autres  colloïdes organiques  ou  métalliques.  L'œuf,  comme  résultat  de  ses  actions diastasiques  et  de  ses  acquisitions  par  osmose,  grandit,  se  divise, produit  un  massif  de  cellules,  d'abord  toutes  semblables  entre elles,  qui  peu  à  peu  se  différencient  suivant  les  positions  qu'elles occupent,  se  groupent,  constituent  des  organes  de  plus  en  plus nombreux  et  complexes  à  mesure  que  le  temps  s'écoule.  Le développement  embryogénique  d'un  être  donné,  son  ontogénie, est  une  succession  de  formes  incessamment  diversifiées,  dans  la continuité  desquelles  on  peut  cependant  reconnaître  des  étapes et  dénomm<'r  des  stades.  Une  ontogénie  est  le  plus  banal  en  même temps  que  le  plus  magnifique  exemple  d'une  série  de  variations. L'embryologie,  par  suite,  est  l'étude  des  variations  de  la forme  et  non  pas  d'une  petite  variation,  changeant  de  si  faible façon  la  grandeur  d'une  qualité  qu'il  faut  de  minutieuses  me- sures pour  la  reconnaître,  ni  d'une  variation  relative  à  quelques organes  accessoires,  ni  d'une  variation  singulière  existant  sui' un  animal  choisi  dans  quelque  localité  spéciale,  mais  bien  de variations  sans  nombre,  amenant  la  forme  de  rien,  ou  presque rien,  à  tout  ce  qu'elle  peut  être,  portant  sur  tous  les  organes, chez  tous  les  animaux  et  dans  tous  les  lieux. Les  phénomènes  ontogéniques  sont  donc  par  leur  ensemble les  plus  capables  de  nous  suggérer  une  image  intelligible  de  ce VARIATIONS    EXPERIMENTALES  ^39 qui  a  pu  se  passer  depuis  l'origine  du  monde  pour  les  change- ments successifs  des  flores  et  des  faunes.  Il  y  a  même  entre  les deux  sortes  de  données  des  concordances  objectives  ;  les  stades ontogéniques  répètent  souvent  dans  le  même  ordre  les  étapes paléontologiques.  Ceci  nous  amène  à  penser  que  Timage  évolu- tive est  plus  qu'une  simple  suggestion  et  qu'elle  est  le  reflet d'une  réalité  que  nous  ne  saisissons  pas  encore  avec  précision dans  toute  son  étendue.  Si  l'on  trouvait  en  tous  cas  concordance, le  problème  serait  résolu  et  il  y  aui'ait  preuve  définitive  ;  mais cela  n'est  pas  intégralement,  peut-être  par  suite  de  lacunes dans  les  séries  que  la  fossilisation  n'a  pas  conservées  toutes, peut-être  aussi  pour  d'autres  raisons  moins  simples. En  chercliant  au  surplus  à  transposer  les  données  de  l'évolu- tion ontogénique  pour  reconstruire  avec  elles  l'histoire  passée des  espèces  et  des  classes,  on  n'est  obligé  à  l'exclusion  d'aucun point  de  vue.  Si  la  continuité  est  un  phénomène  ordinaire  en embryologie,  la  discontinuité  n'y  est  cependant  point  rare,  telle celle  qui  coupe  en  stades  distincts  le  développement  larvaire d'un  crustacé,  ou  mieux  encore  celle  qui  tranche  la  vie  d'un insecte  métabole  en  trois  tronçons  séparés  :  larve,  nymphe, imago. J'ai  d'ailleurs  montré  (1)  que  les  métamorphoses  ou  métabolies sont  beaucoup  plus  fréquentes  et  plus  répandues  qu'on  ne  le  dit usuellement  et  qu'il  y  a  en  somme  d'innombrables  transitions de  toutes  grandem-s  entre  la  discontinuité  qu'elles  créent  et  la continuité. Au  surplus,  si  les  embryons  évoluent  de  telle  sorte  que  chacun répète,  de  génération  en  génération,  une  succession  fixée  de phénomènes,  ce  n'est  pas  à  dire  que  l'être  vivant  possède  en lui-même  un  déterminisme  rigoureux,  ramenant  sur  un  rythme nécessaire  des  apparences  matérielles  identiques,  car  de  légers changements  du  milieu  amènent  des  modifications  dans  les formes.  D'importantes  études  ont  été  entreprises  sur  ces  sujets  ; il  y  a  place  pour  bien  d'autres  encore.  Et,  par  les  faciles  traus- (1)  HorSïAY.  —  La  forme  et  la  vie  (Paris,  Schleicher,  1900) 140  V.   IIOUSSAY formations  des  embryons,  on  peut  arriver  à  concevoir sans  peine  que  les  espèces  se  soient  changées  avec  les milieux. Mais,  concevoir  en  gros  comme  possible  une  certaine  marche des  phénomènes  n'est  plus  ce  qui  suffit  à  la  science  contempo- raine ;  elle  veut  préciser  davantage  afin  de  mieux  apprécier  la valeur  de  ses  principes  et  de  ses  conclusions.  La  biologie  cherche à  pénétrer  dans  la  voie  qu'ouvrent  les  méthodes  mathématiques  ; elle  voudrait  poser  les  équations  différentielles  du  problème  de l'évolution  et  le  résoudre  en  son  entier  par  leur  intégration  si elle  est  possible,  ou  se  rendre  compte,  eu  tous  cas,  de  ce  qui entrave  la  solution. Or,  x^oser  les  équations  différentielles  du  problème  c'est  recher- cher pendant  un  temps  très  court  les  lois  de  la  variation,  c'est- à-dire  essayer  d'établir  des  relations  capables  de  s'exprimer  par une  formule  ou  par  une  courbe  entre  le  temps,  la  grandeur mesurable  des  éléments  en  lesquels  se  décompose  la  forme  ani- male et  la  grandeur  de  certaines  actions  ambiantes,  ou  de  toutes les  actions  ambiantes,  dont  on  sait  par  expérience  qu'elles  sont ►susceptibles  de  modifier  les  êtres  vivants. La  question,  on  le  voit,  est  des  plus  difficiles  et  n'est  pas  même voisine  de  la  maturité  ;  elle  est  à  la  phase  préparatoire,  dans  la- quelle il  s'agit  encore  de  distinguer,  d'établir  et  de  mesurer  des phénomènes,  loin  qu'il  soit  déjà  temps  de  les  grouper  et  d'en extraire  des  relations  générales  et  complètes.  Cependant  il  est utile  de  savoir  à  quoi  peuvent  servir  les  faits  que  l'on  étudie  ; c'est  le  meilleur  guide  pour  leur  recherche  et  pour  leur  décou- verte. ]S^ous  venons  d'indiquer  que  le  problème  comporte  à  tout  le moins  la  combinaison  de  trois  sortes  de  données  :  1°  le  temps, 2°  la  variation  du  vivant,  3°  les  facteurs  du  milieu  ambiant. C'est  déjà  une  simplification  considérable  et  une  intervention énorme  de  notre  part  que  de  décomposer  ainsi  le  Cosmos  par notre  analyse  et  d'y  distinguer  l'être  vivant  de  toute  son  am- biance à  laquelle  il  est  en  fait  lié  d'une  façon  nécessaire  et  per- VARIATIONS    EXPERIMENTALES  141 manente  (1).  Mais,  il  faudrait  se  tenir  à  ce  minimum  de  com- plexité et  ne  consentir  aucune  simplification  supplémentaire  si ce  n'est  d'une  façon  provisoire,  pour  la  commodité  du  travail, en  sachant  bien  qu'on  ne  traite  plus  le  problème  entier,  et  que seulement  on  le  prépare,  qu'on  tourne  alentour,  qu'on  se  tient en  un  mot  dans  les  préliminaires. Ce  n'est  pas  à  dire  que  toutes  les  études  faites  de  la  sorte soient  méprisables  ou  inutiles.  Loin  de  nous  cette  pensée  ridicule, mais  il  ne  faut  pas  s'illusionner  sur  leur  valeur  réelle.  Cette  der- nière est  suffisante  dans  son  vrai,  sans  que  l'on  cherche  fausse- ment à  lui  en  substituer  une  autre. De  là  résulte  que  pour  l'étude  de  la  variation,  aussi  bien  que pour  tout  autre,  on  doit  éviter  de  ne  voir  qu'une  catégorie,  de se  placer  à  un  point  de  vue  exclusif  et  d'être  jjartisan  soit  de la  discontinuité,  soit  de  la  continuité,  soit  d'un  déterminisme extrinsèque,  soit  d'une  cause  intrinsèque  ;  il  faut  se  garder  de limiter  ses  recherches  aux  variations  durables  en  méconnaissant les  fugitives.  Tous  ces  phénomènes  existent  et  doivent  par  suite être  pris  en  considération.  Plus  encore,  ils  ne  sont  pas  séparés et  distincts  ;  ce  sont  des  termes  parfaitement  sériables  d'un unique  ensemble. La  vision  nette  de  la  complexité  du  problème  permet  de  se rendre  un  compte  précis  de  ce  qui  uuinque  à  chaque  discipline, ou  à  chaque  manière  d'étudier,  pour  le  traiter  entièrement  ;  elle permet  par  suite  de  distinguer  la  valeur  juste  de  chaque  caté- gorie de  données  et  la  façon  dont  il  est  possible  de  les  combiner ensemble  et  de  les  compléter  les  unes  par  les  autres,  loin  de chercher  à  les  exclure  les  unes  par  les  autres. L'embryologie  par  exemple,  puisque  nous  en  avons  d'abord parlé,  à  la  considérer  dans  son  ensemble  et  dans  ce  qu'elle  a  de classique,  étudie  en  fonction  du  temps  la  plupart  des  variations et  les  plus  importantes  dont  est  susceptible  la  forme  animale. Mais  elle  tient  à  peine  compte,  ou  même  pas  du  tout,  de  l'action (1)  HousSAY.—  Une  étude  des  sciences  naturelles  {Revue  scientifique,  1904).  —  L'abstrac- tion dans  les  sciences  naturelles  {Revue  des  Idées,  décembre  1905). 142  F.    HOUSSAY des  facteurs  extérieurs  à  Tanimal.  Ses  résultats  néanmoins,  bien qu'incomplets,  combinés  avec  ceux  que  la  zoologie  retire  de  la considération  des  formes  adultes  actuelles,  ont  pu  servir  à  tracer ces  courbes  rameuses  de  continuité  entre  les  formes,  appelées autrefois  arbres  généalogiques,  et  dont  on  a  cru  avec  excès  qu'elles apportaient  la  solution  complète  du  problème  de  l'évolution.  Il ne  faudrait  pas  maintenant,  par  une  réaction  exagérée,  les  con- sidérer comme  nulles  et  non  avenues.  Elles  relient  solidement et  simplement  des  faits  très  nombreux  ;  elles  sont  de  bons  sym- boles et  à  ce  titre  doivent  être  retenues  et  utilisées. Les  variations  ontogéniques  ou  les  changements  de  forme embryonnaires,  pour  abondants  et  importants  qu'ils  soient, n'ont  au  reste  de  valeur  que  comme  image  ou  comme  représen- tation de  ce  qu'a  pu  être  l'évolution.  Car,  si  on  les  considère  au point  de  vue  du  résultat  qu'ils  amènent  en  réalité,  on  ne  voit pas  immédiatement  que,  même  amplifié,  ce  résultat  puisse  être une  évolution  des  espèces.  Dans  la  longueur  d'une  vie  humaine, en  eiïet,  ou  dans  toute  la  durée  de  l'expérience  humaine,  il semble,  et  à  défaut  de  mesures  minutieuses,  que  ces  variations ontogéniques  ont  pour  terme  final  une  permanence.  Les  abou- tissants des  ontogénies  successives,  les  adultes  d'une  même espèce,  se  ressemblent  constamment  entre  eux. Cette  permanence  apparente  est  en  contradiction  avec  l'idée d'évolution.  D'où  la  nécessité,  pour  résoudre  le  conflit,  d'étudier les  variations  qui  peuvent  se  manifester  entre  les  formes  adultes et,  pour  limiter  d'abord  le  problème,  entre  les  formes  adultes d'un  de  ces  groupes  (j[ue  l'on  appelle  espèce. * * Dès  que  la  notion  d'espèce  a  été  introduite  dans  la  science avec  quelque  netteté,  la  notion  de  variations  ou  de  différences légères  entre  les  individus  ne  s'est  pas  moins  rapidement  imposée. BuFFON,  Lamarck,  puis  CuviER  (1)  et  enfin  Darwin,  plus  copieu- (1)  CuviER.  —  Révolutions  du  globe  (Firmin-Didot,  Paris,  1877,  P-  77). VARIATIONS    EXPÉRIMENTALES  143 sèment  mais  non  d'une  façon  différente,  ont  mis  en  évidence  de pareils  écarts  entre  les  formes  dans  une  espèce,  pour  en  retirer il  est  vrai  des  conclusions  opposées.  Les  observations  de  cette sorte,  tant  qu'elles  sont  effectuées  d'une  façon  discontinue  et, pour  ainsi  dire,  au  hasard  des  rencontres,  laissent  trop  de  place à  l'interprétation  arbitraire.  Il  y  avait  lieu  d'instituer  méthodi- quement des  mesures  nombreuses  et  précises. QuÉTELET,  dans  plusieurs  travaux  (1)  très  remarquables  et très  suggestifs,  a  donné  complètement  la  méthode  que  l'on  com- mence à  appliquer  pour  l'étude  de  la  variation  dans  les  sciences biologiques. Si  un  observateur  cherche  à  obtenir  à  plusieurs  reprises  et avec  précision  une  même  mesure,  par  exemple  la  taille  d'un homme  ou  la  longueur  de  n'importe  quel  objet,  il  ne  trouve  ja- mais deux  fois  le  même  résultat.  En  multipliant  suffisamment les  épreuves  on  obtient  une  série  de  nombres  tantôt  trop  grands tantôt  trop  petits  qui  se  répartissent  autour  d'un  nombre  moyen. Si  l'on  cherche  à  grouper  en  lots  les  diverses  mesures  obtenues, on  reconnaît  qu'un  lot  très  nombreux  est  formé  par  celles  qui diffèrent  le  moins  de  la  moyenne.  Les  autres  lots  sont  d'autant plus  petits,  c'est-à-dire  contiennent  d'autant  moins  de  mesures, qu'ils  sont  plus  écartés  de  la  moyenne.  Comptant  en  abscisses positivement  et  négativement  les  écarts  d'avec  la  moyenne  et en  ordonnées  le  nombre  d'opérations  ayant  correspondu  à  chaque écart,  on  obtient  une  courbe  symétrique  dite  courbe  d'erreur, ou  courbe  en  cloche,  ou  courbe  de  Quételet. Il  est  fort  remarquable  que  si,  au  Ueu  de  mesurer  n  fois  le même  objet,  on  mesure  une  seule  fois  la  même  qualité  sur  n objets  pratiqueynent  considérés  comme  semblables,  c'est-à-dire désignés  par  un  seul  nom,  on  trouve  encore  une  courbe  en  cloche. Quételet  avait  formellement  établi  ce  résultat  par  de  nom- breuses mensurations  relatives  à  l'homme.  Galton  (2),  dans  un (1)  Quételet.  —  Physique  sociale  (Paris,  1835).  —  Lettres  sur  la  théorie  des  probabilités appliquée  aux  Sciences  morales  et  politiques  (Bruxelles,  1846).  —  Sur  le  calcul  des  probabilités appliqué  à  la  science  de  l'homme  {Bull.  Acad.  Royale  de  Belgique,  1873). (2)  Galton.  —  Natural  inheritance JLondon  1889). 144  F.   HOUSSAY ouvrage  rempli  d'autre  part  de  considérations  intéressantes,  a confirmé  par  des  mensurations  nouvelles  les  conclusions  de  QuÉ- TELET  et  a  eu  la  bonne  fortune  d'y  intéresser  les  biologistes,  en raison  peut-être  du  titre  qu'il  avait  su  choisir  pour  son  livre. Divers  résultats  aujourd'hui  publiés  montrent  qu'il  en  est  de même  si  l'on  mesure  une  qualité  quelconque  sur  de  nombreux individus  d'une  espèce  animale  ou  végétale,  qu'il  s'agisse  de  la longueur  du  corps,  de  celle  d'une  antenne,  d'un  fruit  ou  de  tout autre  organe,  ou  encore  du  nombre  des  parties  qui  se  répètent telles  que  les  taches  pigmentées,  tubercules,  etc.,  dont  la  quan- tité semble  caractériser  une  espèce  ou  une  race. Bateson,  Davenport,  Pearson,  Weldon,  Kellogg  se  si- gnalent parmi  d'autres  auteurs  par  les  contributions  qu'ils  ont apportées  à  ce  sujet.  La  construction  des  courbes  de  fréquence est  d'usage  courant  au  laboratoire  de  Svalof  (Suède)  pour  la sélection  des  graines  de  céréales. En  se  répétant  toujours  symétriques  et  semblables  à  elles- mêmes,  quel  enseignement  théorique,  en  outre  de  leur  importance pratique,  peuvent  nous  apporter  les  courbes  1  Laissant  de  côté d'autres  considérations  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure,  elles nous  apprennent  d'abord  que  notre  notion  de  type  ne  correspond pas  à  quelque  chose  d'absolu  et  d'immuable  ;  c'est  seulement le  maximum  d'une  série,  et  son  seul  fondement  est  la  fréquence. Cette  conclusion  est  intéressante  certainement,  mais  elle  peut être  aussi  bien  utilisée  par  les  partisans  de  la  fixité  des  espèces que  par  les  évolutionnistes. Et  même,  en  y  réfléchissant,  de  Blainville  n'était-il  pas arrivé  à  un  résultat  apparenté  au  précédent,  à  la  fois  moins précis  et  plus  général,  lorsqu'il  distribuait,  dans  chaque  ordre de  mammifères,  les  diverses  tribus  de  part  et  d'autre  d'une  fa- mille centrale  qui  présentait  au  maximum  les  caractères  les  plus typiques  de  l'ordre,  lesquels  caractères  allaient  en  décroissant successivement  dans  les  tribus  à  mesure  qu'elles  s'écartaient du  type  ?  Et,  groupant  de  la  même  façon  les  ordres  dans  les classes,  et  les  classes  dans  les  embranchements,  ne  retrouverions- VARIATIONS  EXPÉRIMENTALES  145 nous  pas  de  la  sorte  un  schème  nouveau  pour  l'unité  de  plan de  composition  °? En  outre  du  cas  ordinaire  où  la  courbe  symétrique  offre  un seul  maximum,  il  arrive  parfois  qu'en  mesurant  une  certaine qualité  dans  un  groupe  appartenant  à  une  espèce  donnée,  on trouve  deux  ou  plusieurs  maxima  au  lieu  d'un,  La  seule conclusion  rigoureuse  est  qu'il  y  a  deux  ou  trois  types  dans  un ensemble  oii  l'on  avait  d'abord  cru  en  voir  un.  Ayant  d'autre part  l'idée  d'évolution,  on  est  aussi  tenté  de  considérer  ce résultat  comme  l'expression  arithmétique  du  fait  que  l'espèce est  en  train  de  varier,  de  se  dédoubler  ou  de  se  fragmenter davantage. Cela  peut  être  vrai  souvent,  mais  ne  l'est  pas  nécessairement, ni  toujours.  Il  est  bien  sûr  par  exemple  que  la  courbe  à  deux maxima,  obtenue  par  Galton  avec  la  couleur  des  yeux  humains, ne  veut  pas  dire  qu'à  notre  époque  l'espèce  humaine  en  Angle- terre est  aujourd'hui  en  train  de  se  séparer  en  deux  races  dis- tinctes à  ce  point  de  vue. La  multiplicité  des  maxima  ne  signifie  une  séparation  de l'espèce  en  deux  ou  plusieurs  autres  que  si,  en  plusieurs générations  successives,  on  a  vu  peu  à  peu  pointer  deux  maxima, d'abord  rapprochés  puis  espacés  de  plus  en  plus,  ainsi  que  par exemple  l'a  établi  Hugo  de  Vries  dans  ses  belles  recherches  sur la  mutation,  notamment  dans  le  dénombrement,  effectué  plu- sieurs années  de  suite,  des  languettes  visibles  autour  du  capitule de  Chrysanthemum  segetum  (1). Pour  aborder  le  problème  de  l'évolution,  il  faut  toujours,  en effet,  qu'il  soit  question  du  temps.  Je  l'ai  fait  déjà  remarquer  il y  a  plusieurs  années  (2)  en  montrant  que  la  courbe  en  cloche ne  donnait  une  relation  qu'entre  la  fréquence  (tp)  d'une  qualité et  la  grandeur  (a)  de  celle-ci  : (1)  Hugo  de  Vries.  —  Die  Mutationstheorie  (Leipzig,  1901-1903). (2)  HousSAY.  —  La  forme  et  la  vie,  p.  256. 146  F.    HOUSSAY Dans  l'ospècp,  la  fonction  /  est  une  exponentielle  de  la  forme /.'   -  «' 9   =    Ae ainsi  que  l'a  établi  Quételet  (1).  C'est  une  relation  statique. Le  procédé  de  mensuration  ne  donnerait  de  renseignements sur  l'évolution  qu'en  introduisant  le  temps  (ô),  ce  qui  reviendrait à  construire  une  surface  : FIG.  1.  Surface  exprimant  la  fréquence  d'une  qualité  en  fonction  du  temps. Un  de  mes  élèves,  X.  Roques,  me  fit  remarquer  récemment que,  malgré  la  difficulté  qu'il  y  aurait  à  écrire  l'équation  d'une pareille  surface,  on  peut  tout  de  même  se  faire  une  idée  de  la forme  qu'elle  présenterait. Prenons  trois  axes  de  coordonnées  rectangulaires  :  Oa,  O'^;.  ()G (fig.  1),  l'un  pour  la  grandeur  de  la  qualité  mesurable  que  l'on (1)  Quételet.  —  Lettres  sur  la  théorie  des  probabilités,  etc.,  p.  386. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  147 considère,  l'autre  pour  la  fréquence,  le  troisième  pour  le  temps que  nous  ferons  croître  par  générations  successives  et  non  d'une façon  continue,  ce  qui  compliquerait  le  problème  de  toute  la variation  ontogénique. A  l'origine  des  temps,  les  mensurations  nous  donneront  dans le  plan  aOçp  une  première  courbe  de  fréquence.  De  génération  en génération  nous  aurons  des  courbes  analogues  dans  une  série de  plans  : e=  1 etc..  Nous  pourrons  à  de  certains  monunits  voir  les  courber,  pré- senter deux  maxima  et  se  dédoubler  ultérieurement.  L'ensemble finalement  donnera  un  aspect  analogue  à  celui  d'une  chaîne  de montagnes. Si  l'on  regarde  cette  surface  de  loin  avec  tout  son  relief  ou  si l'on  se  borne  à  relever  la  i^rojection  de  sa  ligne  de  faîte,  on retombera  en  tous  cas  sur  une  des  courbes  rameuses  que  les biologistes,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  les  H^ckel,  les  Ray-Lan- KESTER,  les  GiARD,  etc...  avaient  tracées  d'intuition. La  ligne  de  faîte  n'est  pas  rigoureusement  une  courbe  de descendance,  c'est-à-dire  ne  joint  pas  entre  eux  des  individus effectivement  descendus  par  génération  les  uns  des  autres  ;  une vraie  courbe  de  descendance  (en  pointillé  sur  la  figure)  oscillerait autour  de  la  précédente,  sans  toutefois  passer  d'une  crête  sur l'autre,  du  moins  aussitôt  que  celles-ci  se  trouvent  suffisamment distantes. Donc,  en  se  bornant  à  mesurer,  et  à  enregistrer  la  grandeur des  variations  visibles  de  génération  en  génération,  on  pourrait arriver  à  une  intéressante  sériation  des  effets,  à  une  étude  ciné- matique du  sujet.  Mais,  en  outre  de  cela,  il  est  un  résultat  de première  importance  que  Quételet  a  signalé  dans  ses  écrits  et pour  lequel  il  n'a  été  dépassé  ni  même  suivi  par  personne.  Je veux    parler    des    indications    que    les    courbes    de    fréquence 148  F.    HOUSSAY donnent  relativement  à  la  causalité  et  de  la  façon  dont  elles posent  les  problèmes  dynamiques. La  circonstance,  en  effet,  qu'une  qualité  donnée  se  répartit dans  un  type  suivant  une  courbe  qui  règle  aussi  les  probabilités, les  chances  ou  le  hasard,  ne  signifie  pas  que  les  variations  de la  qualité  se  présentent  sans  cause,  mais  au  contraire  qu'elles sont  déterminées  par  trop  de  causes.  A  un  examen  superficiel, les  deux  alternatives  paraissent  revenir  au  même  relativement à  la  connaissance  que  nous  en  pouvons  avoir;  il  n'en  est  cepen- dant point  ainsi  au  fond.  Si  la  variation  n'a  aucune  cause,  il n'est  pas  même  à  dire  que  le  problème  est  insoluble  ;  il  n'y  a pas  de  problème  du  tout  et  il  est  superflu  de  s'en  préoccuper. Si  au  contraire  la  variation  admet  un  déterminisme  trop  com- pliqué, il  y  a  problème,  très  difficile  certainement,  insoluble peut-être  ;  mais  on  ne  peut  renoncer  à  son  étude  qu'après  de multiples  essais  totalement  infructueux,  et  encore  doit-on  y revenir  à  chaque  fois  qu'une  découverte  nouvelle  laisse  espérer que  son  application  donnerait  un  résultat,  si  faible  fût-il. Or,  les  rares  essais  entrepris  sont  bien  loin  d'être  découra- geants. Comment  d'abord  les  courbes  de  fréquence  peuvent  elles  con- duire à  la  causalité  ? 1°  Quand  elles  sont  symétriques  et  à  un  seul  maximum,  elles signalent  un  type  et  ne  révèlent  rien  par  elles-mêmes. 2°  Quand  les  courbes  restent  avec  un  seul  maximum  mais que  celui-ci  est  déplacé  à  droite  ou  à  gauche  de  l'ordonnée  mé- diane entre  les  deux  limites,  ce  fait  arithmétique  accuse  l'exis- tence d'une  cause  prépondérante  (1).  Elle  se  tire  en  quelque sorte  de  l'ensemble  confus  et  indiscernable  qui  serait  le  hasard. En  ce  cas  donc  existe  une  cause  spéciale  et  définie,  cela  est  sûr, mais,  sur  la  nature  de  cette  cause,  la  courbe  ne  peut  rien  ensei- gner. C'est  beaucoup  cependant  d'apprendre  ainsi  qu'il  y  a quelque  chose  à  chercher. 3°  Si  la  courbe  de  fréquence  porte  deux  ou  plusieurs  maxima, (1)  QuÉtBLET.  —  Lettres  sur  le  calcul  des  probabilités,  etc.,  p.  177. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  149 ce  dont  Bravais  (1)  le  premier  a  signalé  la  possibilité,  alors deux  on  plusieurs  causes  témoignent  leur  prépondérance  ;  et  la différence  de  leurs  effets  est  une  donnée  qui  peut  mettre  sur  la voie  pour  les  trouver. Seulement,  à  l'heure  actuelle,  pour  interpréter  la  nature  de la  cause  d'après  les  changements  qu'elle  amène,  nous  manquons presque  totalement  d'indications  expérimentales  sur  le  déter- minisme des  variations.  Il  faut  que  quelques-uns  s'attachent d'abord  à  en  recueillir. Au  reste,  la  façon  même  dont  se  construisent  les  premières courbes  de  fréquence  tend  à  masquer  les  déterminismes  et  la causalité.  Etant  donné  qu'il  y  a  d'abord  tant  à  compter  et  tant de  faits  à  relever,  on  s'adresse,  comme  il  est  naturel,  à  ceux  que l'animal  révèle  tout  de  suite  et  sans  dissection  longue.  On examine  les  pinces  chez  le  forficule,  les  tubercules  sur  les  ailes d'un  coléoptère,  les  nervures  chitineuses  d'une  aile  d'abeille,  les taches  pigmentaires  d'une  aile  de  papillon,  etc..  Or,  les  modi- fications du  tégument,  pigmentaires  ou  autres,  sont  peut-être celles  dont  les  liaisons  avec  la  nutrition  de  l'être  nous  échappent le  plus  aujourd'hui. Et  nous  sommes  certains  cependant  que  ces  liaisons  existent. Sans  parler  des  indications  que  la  médecine  pourrait  fournir  à ce  propos  pour  l'espèce  humaine,  les  belles  expériences  de  E. Fischer  (2)  sur  les  Vanesses  prouvent  que,  par  des  changements de  température  au  cours  du  développement,  surviennent  des changements  de  variété  traduits  précisément  par  des  trans- formations du  pigment.  Les  classiques  recherches  de ScHiviANKEWiTCH  sur  Ics  Artemia  montrent  que  le  degré de  salure  des  eaux  transforme  le  telson  et  les  poils  qui s'y  insèrent  de  façon  à  ce  que  l'on  passe  d'une  espèce  à  une autre. Tel  est  le  type  de  recherches  qu'il  faudrait  multiplier  à  l'heure (1)  QUÉTELET.  —  Loc.  cit.,  p.  412 (2)  E.  Fischer.  —     Transmutation  der  Schmetterlinge  in  Folge  von  TemperaturaïuUrung (BerUn,  1895)- i5Ô  h\    IlOUSSAY actuelle  pour  compléter  et  interpréter  les  données  de  la  biouié- trique  naissante. Avant  de  clore  cet  aperçu  général  ajoutons  que,  parmi  les biologistes,  on  pourrait  signaler  deux  orientations  principales tendant  à  concevoir  la  variation  comme  résultat  soit  d'un déterminisme  intrinsèque  soit  d'un  déterminisme  extrinsèque. Dans  tous  les  cas,  même  si  l'on  emploie  le  nom  de  variation spontanée  comme  pour  écarter  toute  causalité,  il  parait  difficile de  ne  pas  admettre  à  la  réflexion  un  déterminisme  toujours antécédent  à  la  variation  et  un  déterminisme  physico -chimique. Seulement,  pour  les  uns,  la  variation  proviendra  surtout  des combinaisons  physico -chimiques  qui  surviennent  dans  l'être  lui- même,  soit  tout  à  tait  nouvellement,  soit  par  légères  modifica- tions dans  l'amplitude  de  ce  qui  existait  déjà,  et  cela,  sans  que rien  n'ait  été  modifié  dans  les  agents  extérieurs. D'autres,  attentifs  à  ce  qu'un  animal  ne  doit  jamais  être  en réalité  considéré  en  soi  et  dépouillé  de  ses  rapports  permanents avec  le  dehors,  regardent  comme  difficile  que  les  réactions  phy- sico-chimiques internes  puissent  être  modifiées  si  ce  n'est  comme contre -coup  d'un  changement  dans  l'ambiance,  même  léger, même  fugitif,  antérieur  au  phénomène  de  variation. Il  y  a  dans  le  monde  extérieur  aux  vivants  tant  de  facteurs capables  d'amener  des  variations  dans  le  protoplasme  que  l'on est  noyé  dans  leur  multiplicité,  sans  attention  pour  leur  faible grandeur  et  que  l'on  trouve  plus  simple  de  considérer  la  variation comme  une  propriété  des  êtres  vivants,  susceptible  de  se  mani- fester par  hasard,  c'est-à-dire  à  la  suite  d'un  déterminisme  si compliqué  qu'on  renonce  à  le  connaître. Une  telle  renonciation  est  provisoirement  acceptable,  si  l'on se  borne  à  étudier  la  suite  du  problème  et  à  rechercher  ce  qui résulte  d'une  variation  donnée,  étude  tout  à  fait  légitime  d'ailleurs et  fructueuse.  Mais  la  renonciation  ne  peut  être  définitive  si  l'on veut  connaître  le  commencement  de  la  question. J'entends  bien  que  les  données  actuelles  de  la  science rendent  presqu'inaccessible  la  question  de  déterminisme  et  je VARIATIONS   EXPERIMENTALES  4^1 dis  seulement  qu'il  faut  penser  à  rassembler  des  données  en vue  de  l'aborder  plus  tard. Les  biologistes  se  laisseraient  aisément  convaincre  de  chercher les  diverses  causes  des  différentes  variations  s'ils  espéraient obtenir  des  modifications  qui  fussent  durables  et  s'ils  n'avaient observé  que  trop  souvent  «  sublatâ  causa,  tollitur  effectus  ». D'abord,  on  a  découvert  des  modifications  durables.  De  Vries en  a  signalé  sur  les  Œnothera  sous  le  nom  de  mutations,  et  sans doute  leur  déterminisme  est  inconnu.  Mais  Blaringhem  a  repro- duit sur  le  maïs  à  l'aide  de  traumatismes  des  modifications  ana- logues par  leur  soudaineté  et  leur  perpétuité.  Il  y  a  dans  ce  cas un  déterminisme  extérieur  parfaitement  net  et,  si  le  mécanisme interne  de  son  action  échappe  encore,  il  demeure  vrai  que  le problème  est  touché  dans  toute  son  étendue  :  cause  extérieure appréciable,  variation  consécutive,  transmission  de  celle-ci,  évo- lution possible. D'autre  part,  si  une  action  extérieure  est  durable  et  si  les êtres  vivants  qui  y  sont  soumis  varient  sous  son  influence,  ils ne  feront  pas  retour  à  la  forme  antérieure  à  moins  d'échapper à  la  cause  modificatrice,  ce  qui  sera  impossible  en  des  cas  nom- breux. Et  de  plus,  entre  les  variations  durables  et  les  fugitives  il  y  a probablement  tous  les  intermédiaires  possibles  ou,  pour  mieux dire,  ce  sont  des  aspects  différents  d'un  même  phénomène  essen- tiel. Si  l'on  est  convaincu  que  la  variation  résulte  de  modifications dans  les  actions  physico- chimiques  internes  —  originellement internes  ou  devenues  telles  après  un  point  de  départ  extérieur, il  n'importe  —  il  faut  y  voir  l'aboutissant  des  grands  facteurs vitaux  :  hydratations,  déshydratations,  oxydations,  réductions, surnutrition  ou  inanition  au  sens  le  plus  large,  c'est-à-dire  en solides,  en  liquides  ou  en  gaz,  actions  diastasiques,  actions  de toxines. Pour  les  intoxications  en  particulier,  nous  savons  que  certaines d'entre  elles,  capables  même  d'amener  des  désordres  importants 152  F.   HOUSSAY et  graves,  s'éliminent  si  l'on  n'entretient  pas  la  toxine.  D'autres qui  amènent  des  modifications  parfois  moins  apparentes  ne s'éliminent  pas  ou  s'éliminent  lentement. Il  paraît  y  avoir  une  dilïérence  analogue  entre  la  variation durable  et  la  variation  fugitive.  L'étude  de  l'une  quelconque  de celles-ci  peut  éclairer  le  problème  théorique. Nous  avons  tenu  à  montrer  comment,  loin  de  s'exclure,  les diverses  questions  s'enchaînent,  afin  d'indiquer  les  préoccupa- tions auxquelles  répondent  les  recherches  dont  l'exposé  va suivre.  Et  nous  avons  assez  présenté  toute  l'ampleur  du  problème pour  n'avoir  pas  besoin  de  dire  que  notre  prétention  n'est  pas de  le  résoudre  tout.  Nous  apportons  une  contribution,  dont  il ne  nous  appartient  pas  au  reste  d'évaluer  l'utilité  ou  l'impor- tance. CHAPITRE  I UNE  EXPÉRIENCE  SUR  LE  DÉTERMINISME  DE  LA  VARIATION PAR  LE  RÉGIME  ALIMENTAIRE SIX  GÉNÉRATIONS  DE  POULES  CARNIVORES RÉSULTATS  GÉNÉRAUX Sommaire.  —  Choix  de  l'animal  en  expérience.  —  Etudes  antérieures  sur  le  gésier.  —  Exten- sion des  recherches  à  tous  les  organes  et  à  plusieurs  générations.  —  Précautions  initiales relatives  aux  variations  de  race.  —  Généalogie  des  sujets  étudiés.  —  Accroissement  pro- gressif de  la  taille  et  du  poids.  —  Impossibilité  de  comparer  les  organes  en  grandeur absolue.  —  Rapports  au  poids  total  et  au  poids  actif.  —  Poids  total  étalon.  —  Organes et  fonctions  qui  ont  varié. Les  considérations  exposées  plus  haut  me  décidèrent  à  entre- prendre des  recherches  sur  le  rôle  que  pouvait  jouer,  dans  le  déter- minisme de  la  forme,  quelque  facteur  biologique  suffisamment important  et  suffisamment  défini.  Je  résolus  d'essayer  ce  que produirait  un  changement  complet  de  régime  alimentaire. Le  choix  de  l'animal  à  mettre  en  expérience  était  une  ques- tion de  premier  ordre.  Il  fallait  que  le  régime  normal  fût  très bien  fixé  et  connu  et  cependant  pas  tellement  rigoureux  qu'un changement  pût  amener  la  mort.  Je  pensais  et  je  pense  encore que  des  transformations  importantes  auraient  été  obtenues  sur VARIATIONS   EXPERIMENTALES  483 divers  invertébrés  :  planaires,  insectes  ou  d'autres,  mais  pour une  première  recherche  la  question  se  serait  compliquée  d'une difficulté  sérieuse  à  reconnaître  l'état  de  leur  santé  au  cours de  l'expérience,  ce  qui  devait  laisser  échapper  bien  des  observa- tions. J'arrêtai  donc  mon  choix  sur  un  vertébré,  dont  la  biologie nous  est  mieux  connue  et  dont  les  réactions  nous  sont  plus familières.  Hésitant  entre  les  mammifères  et  les  oiseaux,  j'opérai d'abord  sur  les  deux  ;  mais,  mes  expériences  sur  les  mammifères, plusieurs  fois  renouvelées,  se  terminèrent  rapidement  par  des insuccès,  instructifs  d'ailleurs  et  dont  je  parlerai  plus  loin. Parmi  les  oiseaux  j'avais  choisi  des  poules  en  raison  du  fait que,  typiquement  granivores,  ces  oiseaux  ont  une  certaine avidité  pour  la  viande  et  mangent  spontanément  tous  les  insectes ou  tous  les  débris  dont  ils  peuvent  s'emparer  ;  j'espérais,  en  con- séquence, les  adapter  facilement  au  régime  carné  exclusif. La  moi-phologie  organique  des  oiseaux  est  très  uniforme  et les  différences  que  l'on  reconnaît  entre  eux  sont  en  rapport  avec l'éthologie  actuelle  de  ces  animaux.  Les  ordres  d'oiseaux,  arrêtés par  des  caractères  anatomiques,  sont  à  peu  près  des  groupes fondés  en  même  temps  sur  des  genres  de  vie  spéciaux.  L'ana- tomie  comparée  avait  de  la  sorte  appelé  de  tout  temps  l'atten- tion sur  la  grande  différence  qui  existe  entre  le  gésier  des  Eapaces, nourris  de  chair,  et  celui  des  autres  oiseaux,  notamment  de ceux  qui  absorbent  exclusivement  des  graines. On  a  ainsi  été  déjà  conduit  à  chercher  si,  dans  un  temps rapide,  le  changement  de  régime  pourrait  modifier  cet  organe qui  semble  en  rapport  manifeste  avec  la  sorte  d'alimentation. Les  indications  fournies  par  les  divers  auteurs  sont,  il  est  vrai, contradictoires. Les  uns  ont  essayé  d'accroître  le  gésier  d'un  oiseau  Carnivore en  le  soumettant  au  régime  granivore.  C'est  ce  qu'ont  réalisé HUNTER,  qui  a  rendu  par  cette  alimentation  le  gésier  d'un goéland  {Larus  tridactylus)  comparable  à  celui  d'un  pigeon,  et MÉNÉTRIÉ,  qui  a  atteint  le  même  résultat  sur  l'effraie  {Strix grallaria).  D'après  Edmond stone,    la  structure  de   l'estomac, ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  4'  SÉRIE.  —  T.  VI.  —  (v).  13 154  F.   HOIJSSAY chez  Larus  tridac'ylus,  change  même  spontanément  dans  la nature,  suivant  son  ahmentation  saisonnière.  Aux  îles  Shetland, le  gésier  de  ces  oiseaux  s'accroît  et  diminue  périodiquement chaque  année  suivant  qu'ils  se  nourrissent  des  graines  de  céréales pendant  la  belle  saison  ou  de  poissons  pendant  l'hiver. Les  auteurs  précédents  sont  cités  par  (\  iSEMPER  (1),  qui  admet leurs  conclusions  sans  avoir  refait  d'expériences.  G.  Brandes  (2) fait  la  critique  de  ces  travaux  en  remontant  aux  sources  et montre  qu'ils  ont  effectivement  très  peu  de  précision. HoLMGREN  dit  aussi  avoir  changé  l'estomac  d'un  pigeon  de façon  à  le  rendre  comparable  à  celui  d'un  oiseau  Carnivore. Plus  récemment,  G.  Brandes  a  repris  cette  question.  Après avoir  nourri  un  pigeon  pendant  sept  mois  avec  de  la  viande,  il compara  l'épaisseur  des  parois  musculaires  de  son  gésier  avec l'épaisseur  des  parois  chez  un  oiseau  de  proie  et  reconnut  que la  différence  entre  les  deux  demeurait  considérable.  L'observa- tion est  certainement  exacte,  mais  l'auteur  a  eu  le  tort  de  con- clure qu'il  n'y  avait  aucune  variation,  car  la  réduction  en  volume ne  commence  pas  nécessairement  par  une  réduction  en  section. C'est  le  poids  qui  peut  seul  renseigner  sur  la  variation  d'en- semble. Y.  Delage  (3)  rapporte  qu'il  a  alimenté  une  poule  pendant trois  ans  avec  de  la  viande  et  estime  que  la  vérité  est  entre  les deux  affirmations  antérieures.  Le  gésier  de  son  animal  était bien  d'après  lui  un  gésier  de  granivore,  mais  son  revêtement interne  et  sa  musculature  étaient  beaucoup  diminués.  Cette poule  eut  des  abcès  aux  pattes  et  le  pus,  riche  en  acide  urique, montra  la  nature  goutteuse  de  l'affection.  Traité  à  la  pipérazine, l'animal  mourut  sur-le-champ. Toutes  ces  contradictions  demandaient  de  nouvelles  recher- ches.  En  même  temps  que  moi  et  d'une  façon  indépendante, (1)  C.  SEMPER.  —  Die  ExMtenzhedingungen  der  Tiere  (1880). (2)  G.  Bkandes.  —  Ueber  den  veriiieiiitlioliPii  Eiiifluss  veranderter  E'-nahrung  auf  die Structur  des  Vogelniagens  (Biot.  Centralblatt.  1896.  T.  XVI.  825-83.i.  Aus.si  d:,iis  Leopuhlina 1896). (3)  Y.  Delaqe.  —  Année  biologique  pour  1896. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  i5.^ Weiss  (1)  opéra  sur  des  canards.  Deux  de  ces  animaux  furent nourris  pendant  quatre  mois  et  demi  avec  des  graines  de  blé  et de  maïs  ;  deux  autres,  pendant  le  même  temps,  reçurent  de  la viande  de  cheval. La  taille  des  carnivores  était  supérieure  d'un  tiers  environ à  celle  des  granivores  et  il  faut  bien  dire  que  dans  la  circons- tance, le  régime  de  ces  derniers  était  inusité  et  presque  anormal pour  l'espèce.  En  outre,  les  canards  carnivores  avaient  un  plu- mage moins  beau  et  moins  fourni  ;  vu  la  faible  durée  de  l'expé- rience, je  suis  porté  à  croire  que  c'est  un  effet  de  la  toxicité spéciale  de  la  viande  de  cheval,  dont  Weiss  lui-même  critique d'ailleurs  l'emploi  ainsi  que  Pfluger  l'avait  déjà  fait. Weiss  n'a  pas  trouvé  de  différences  appréciables  sur  les gésiers,  ou  plutôt  il  note  des  écarts  irréguliers,  sans,  du  reste, indiquer  le  sexe  des  animaux  oii  serait  peut-être  l'explication de  l'irrégularité.  En  revanche,  il  signale  d'importantes  transfor- mations anatomiques  et  histologiques  dans  le  ventricule  succen- turié  et  c  est  un  résultat  positif  intéressant. Mes  expériences  ont  commencé  au  mois  de  novembre  1900, Je  me  suis  proposé,  relativement  au  gésier,  organe  en  discus- sion, de  procéder  par  des  mesures  précises  afin  d'évaluer  la variation.  Si  elle  est  de  faible  grandeur,  celle-ci  doit  en  effet  néces- sairement échapper  quand  on  se  borne  à  comparer  l'organe  varié à  un  type  dont  nous  n'avons,  au  surplus,  aucune  connaissance mesarée.  Même  de  grande  amplitude,  la  variation  ne  peut  être appréciée  exactement  parce  que  nous  n'avons  du  type  de  gésier granivore  qu'une  notion  très  générale. En  outre,  j'ai  pensé  que  le  gésier  était  bien  loin  d'être  seul en  cause  et  qu'un  pareil  changement  de  vie  devait  avoir  un retentissement  considérable  sur  tout  l'organisme,  qu'il  s'agissait par  suite  d'examiner,  avec  une  attention  précise,  toutes  les modifications  possibles  sur  tous  les  organes  et,  autant  qu'il  se pouvait,  sur  toutes  les  fonctions.  Les  résultats  n'ont  pas  trompé cette  attente. (1)  Weiss  (C.  R.  Société  Bioloyie,  1901). i66  F.   HOUSSAY Il  m'a  semblé  aussi  que  l'étude  n'aurait  de  portée  qu'en  étant suivie  dans  un  grand  nombre  de  générations.  J'ai  pu  continuer cette  recherche  pendant  six  années  et  j'eusse  été  plus  loin  encore, si  une  des  modifications  obtenues  sur  l'espèce  n'eût  été  la  sté- rilité qui  a  mis  fin  à  l'expérience  en  me  privant  de  sujets.  Le résultat  d'ailleurs  était  important  en  lui-même  et  la  variation, au  surplus,  avait  été  assez  longtemps  relevée  pour  qu'il  soit aisé  maintenant  de  prévoir  ce  qu'elle  eût  donné  en  se  prolon- geant. J'ai  fait  connaître  au  fur  et  à  mesure  quelques-uns  des  résultats les  plus  saillants,  ceux  surtout  qui  pouvaient  être  isolés,  mais il  en  reste  beaucoup  qui  sont  inédits.  D'ailleurs,  l'intérêt  prin- cipal de  ces  recherches  de  longue  durée  est  dans  la  comparaison finale  entre  toutes  les  données  et  dans  leur  combinaison  en  vue d'une  conclusion  d'ensemble.  Les  principales  étapes  de  mon travail  sont  marquées  par  diverses  notes  publiées  aux  comptes rendus  des  séances  de  l'Académie  des  sciences  (1). Ayant  fait  remarquer  la  difiîculté  de  comparer  les  organes  des animaux  que  l'on  étudie  expérimentalement  avec  ceux  d'un type  abstrait,  je  résolus  de  fixer  une  origine  à  mes  expériences et  de  prendre  d'abord  des  mesures  initiales  sur  des  poules  vrai- ment granivores.  Ces  oiseaux,  tels  qu'on  les  trouve  dans  la  demi- liberté  des  fermes,  sont  surtout  granivores,  cela  est  certain,  mais (1)  HousSAY.  —  Morphologie  expérimentale.   Variations  organiques  en  fonction  de  l'ali- mentation chez  la  Poule  (C.  R.  Ac.  Se,  9  décembre  1901). —  Morphologie  expérimentale.   Sur  l'excrétion  et  sur  la  variation  du  rein chez  les  Poules  nourries  avec  de  la  viande   {Ibid.,  24  décembre  1901). —  Comparaison  de  la  ponte  chez  des  Poules  carnivores  et  chez  des  Poules granivores  (Ibid.,  17  février  1902). —  Croissance  et  auto-intoxication  (Ibid-,  26  mai  1902). —  Morphologie  expérimentale.  Sur  la  mue,  l'excrétion  et  la  variation  du rein  chez  des  Poules  carnivores   de  seconde  génération  (Ibid..  8  dé- cembre 1902). —  Variations  organiques  chez  des  Poules  carnivores  de  seconde  génération (Ibid.,  29  décembre  1902). —  Le  dimorphisme  sexuel  organique  chez  les  Gallinacés  et  sa  variation  avec le  régime  alimentaire  (Ibid..  12  janvier  1903). —  Sur  un  Poulet  ayant  vécu  7  jours  après  l'éclosion  avec  un  second  jaune inclus  dans  l'abdomen  (Ibid.,  29  juin  1903). —  Sur  la  ponte,   la  fécondité  et  la  sexualité  chez  des   Poules  carnivores (Ibid.,  décembre  1903). VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  157 ils  compliquent  leur  régime  par  une  quantité  d'aliments  qui  les rendent  presque  omnivores.  Je  pris  donc  un  coq  et  deux  poules et  les  nourris  pendant  une  année  entière  avec  des  graines,  prin- cipalement de  blé  noir,  pour  avoir  un  terme  de  comparaison précis. Dans  le  même  temps  je  soumettais  au  régime  exclusif  de  la viande  crue  trois  autres  animaux,  également  un  coq  et  deux poules. Les  six  oiseaux  en  observation,  achetés  le  même  jour  aux halles,  faisaient  partie  d'un  même  arrivage  et  avaient  été  élevés ensemble  dans  la  Vienne.  Ils  n'avaient  pas  atteint  tout  leur développement,  étant  âgés  d'environ  quatre  à  cinq  mois,  sans que  je  puisse  davantage  préciser  ce  point.  Ils  n'étaient  pas  de race  pure  et  je  m'attachai  à  les  répartir  également  dans  chaque lot  suivant  les  similitudes  extérieures  que  je  pouvais  distinguer. Ainsi,  deux  des  poules  avaient  cinq  doigts  aux  pattes,  et  l'une possédait  même  une  petite  huppe  de  plumes,  caractères  qui  me semblaient  provenir  d'un  ancêtre  de  race  Houdan  ;  j'en  mis une  de  chaque  côté.  Deux  autres  poules  plus  volumineuses  avec, aux  pattes,  quatre  doigts  seulement,  furent  également  classées de  part  et  d'autre. La  suite  de  l'expérience  me  montra  que  ces  précautions  étaient indispensables  et,  sans  elles,  aucune  conclusion  n'était  possible. Désignant  par  l'indice  ,  les  animaux  granivores,  j'avais  un coq  I„,  une  poule  à  cinq  doigts  IIo,  une  poule  à  quatre  doigts  III.,. D'autre  part,  les  animaux  carnivores  de  la  première  génération étant  désignés  par  l'indice  ,,  j'avais  un  coq  comparable  au  pré- cédent I„  une  poule  à  cinq  doigts  II,,  et  une  poule  à  quatre doigts  III,. Après  une  année  de  régime  carné  exclusif,  la  poule  III,,  com- parée à  la  poule  II„  m'aurait  montré  un  gésier  plus  gros  que la  poule  granivore,  résultat  évidemment  paradoxal,  tandis  que, comparée  à  la  poule  III^,  sa  semblable,  elle  montrait  une  réduc- tion notable. Il  fallait  donc  des  mesures  à  la  fois  précises  et  critiquées  ; 158 F.    HOUSSAY toute  comparaison  vague  avee  un  type  général  et  abstrait  étant aléatoire. Ces  précautions  seraient  moins  utiles  si  Ton  opérait  sur  de très  grands  nombres,  les  erreurs  en  plus  ou  en  moins  devant  se fondre  dans  les  moyennes.  J'espérais  que  mes  trois  animaux carnivores  successivement  .multipliés  me  fourniraient  d'abon- dants sujets  d'observations  ;  je  fus  déçu  dans  ce  calcul  pour  la Gi'Aiilvores K             )[                            III^ 0                                      o                                                                     ° 1     Uivnivorcj K         II                   m, À     C^mx'.'OreS I'''  11     ]|(     IV    V        VK     Y!l      VIH ^     Cat-i  vivo  1-e.:) /    i                                     /        \ 1°'  If    III   Y  VJ  Vil       \X  VJK, If     Uliaivore^' Yi            I  n  m  IV  Y  vii^ 5'"'"CAniu'orti I     IL   m  IV 1  5          ^5              ?        +î^ 1 b    Carnivore +■  fc Fie.   2.  Tableau  de  (lesceiulaiiee  îles  aiiiiiia\ix  étudiés. raison  de  la  fécondité  décroissante  que  j'ai  déjà  dite.  Cepeiuiant j'eus  un  nombre  de  sujets  suifisant  pour  être  assuré,  étant  don- nées les  distinctions  faites  à  l'origine,  de  n'avoir  pas  commis  de lourdes  erreurs,  et  je  ne  crois  pas  qu'aucune  de  mes  conclusions puisse  être  infirmée  par  des  études  faites  sur  de  plus  nombreux animaux. Le  tableau  ci-dessns  (fig.  2)  résume  la  similitude  d'abord,  puis la  descendance  réelle  des  animaux  que  j'ai  étudiés. VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  459 Coiiinu'  je  supposais  que,  par  lui-même,  le  réginu'  Carnivore devait  introduire  dans  l'organisme  des  déchets  plus  abondants et  moins  éliminables,  être  en  un  mot  xjIus  toxique  pour  ces animaux  que  leur  régime  normal,  je  m'attachai  à  ne  rien  faire qui  pût  accroître  cette  toxicité.  Je  donnai  aux  animaux  de  la viande  fraîche,  prise  chaque  jour  dans  les  rognures  de  boucherie, débarrassées  ensuite  soigneusement  de  toutes  les  parties  tendi- neuses ou  aponévrotiques  de  digestion  difficile.  C'était  en  somme une  alimentation  carnée  de  premier  choix,  certainement  moins toxique  que  les  résidus  d'abattoirs  ou  d'équarrissage  avec  les- quels sont  nourries  bien  des  poules  que  l'on  vend  au  maiX'hé. Les  animaux  étaient,  au  reste,  placés  dans  une  vaste  volière, close  d'un  grillage  et  par  suite  largement  aérée,  oii  ils  pouvaient circuler,  gratter  le  sol,  voleter  et  percher  ;  le  défaut  d'exercice  est donc  hors  de  cause  dans  les  résultats  que  nous  exposerons.  Le sol  était  nettoyé  aussi  minutieusement  que  possible  et  les  con- ditions hygiéniques  étaient  des  plus  favorables. D'ailleurs  les  animaux  qui  parvenaient  à  l'état  adulte  n'avaient aucunement  l'air  chétif  ou  réduit  et  le  poids  allait  toujours  eu augmentant  ainsi  que  l'on  peut  s'en  convaincre  par  les  moyennes suivantes  relatives  aux  générations  successives. 1938  gr.  —  2118  gr.  —  2307  gr.  —  2360  gr.  —  3057  gr.  —  3037  gr. Il  s'agit  de  poules  n'ayant  qu'un  an  de  vie  et  les  derniers nombres  atteints  sont  extrêmenuMit  forts. Il  est  bien  évident  d'autre  part  qu'avec  de  pareilles  variations de  poids,  s'élevant  à  plus  de  30  %,  toute  comparaison  en  valetir absolue  des  dimensions  ou  des  poids  d'organes  serait  tout  à  fait illusoire.  Il  a  fallu  considérer  en  tous  cas  le  rapport  de  chaque organe  au  poids  de  l'animal  dans^  lequel  il  se  trouvait  pris  et n'établir  de  comparaisons  qu'entre  ces  rapports  seulement. La  durée  de  chaque  génération  était  réglée  de  la  façon  sui- vante. Le  début,  naturellement  fixé  à  la  naissance,  sauf  pour les  premiers  animaux  mis  en  expérieuQc,  l'époque  de  la  fin  était choisie  après  une  première  manifestation  complète  de  la  vie adulte,    c'est-à-dire  après  l'achèvement  de  la  mue  qui  suit  la 460  F.    HOUSSAY première  ponte,  événement  traduit  par  une  reprise  accentuée de  poids  suivant  une  grande  baisse.  Comme  les  couvées  suc- cessives n'éclosaient  pas  exactement  à  la  même  date,  je  repérai toutes  les  observations  ou  pesées  faites  sur  le  vivant  d'après le  nombre  des  jours  de  vie  écoulés. Ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  le  poids  des  poules  subit,  au moment  de  la  mue,  d'énormes  variations;  j'aurais  pu,  en  éta- blissant les  rapports  des  organes  au  poids  total,  trouver  des nombres  très  peu  comparables  si  je  n'avais  sacrifié  les  animaux exactement  au  même  état  physiologique.  Cela  était  difficile  à obtenir  à  coup  sûr  ;  aussi ,  pour  éviter  cette  cause  d'erreur , ai-je  toujours  pris  pour  tous  les  animaux  comme  poids  total  étalon le  poids  qui  précédait  immédiatement  la  baisse  de  la  mue. J'ai  considéré  également  une  autre  catégorie  de  rapports, les  rapports  des  organes  au  poids  actif  et  cela  peut  être  de quelque  intérêt,  spécialement  pour  les  organes  d'excrétion.  Le poids  actif  était  moins  sujet  à  caution  et  s'obtenait  facilement en  prenant  le  poids  total  du  jour  de  la  mort  et  en  le  diminuant de  la  somme  des  poids  de  la  graisse,  des  plumes,  du  squelette, préparé  après  chaque  dissection. Ces  séries  de  nombres  comparés  entre  eux,  soit  par  les  moyennes prises  dans  chaque  génération,  soit  en  suivant  des  couples  effec- tivement descendus  les  uns  des  autres,  m'ont  donné  les  résul- tats que  je  vais  exposer  dans  les  chapitres  suivants. Les  variations  relevées  ont  trait  à  la  modalité  de  la  crois- sance, à  l'excrétion  urinaire  et  à  l'organe  rénal,  au  tube  digestif considéré  spécialement  pour  la  variation  de  sa  longueur  totale, pour  celle  du  gésier,  du  jabot,  des  caecums,  au  squelette,  à  la ponte,  à  la  fécondité,  à  la  sexualité,  au  dimorphisme  sexuel. Enfin  j'apporterai  quelques  contributions  à  la  question  si importante  de  la  transmission  des  caractères  acquis  J'ai  dû, sur  ce  dernier  sujet,  limiter  mes  projets  par  l'impossibilité  où j'étais  de  sacrifier  beaucoup  de  jeunes  à  différents  âges,  mais, vu  la  pénurie  des  documents  que  nous  possédons  sur  la  question, les  moindres  indications  sont  fort  utiles. CHAPITRE  II CROISSANCE   ET   AUTO-INTOXICATION Sommaire.  —  Courbes  de  croissance  pendant  les  générations  successives. —  Données  et  échelles- —  Essai  théorique  de  J.-J.  Deschamps  sur  les  organismes  unicellulaires.  —  Les  courbes de  croissance  à  point  d'inflexion  chez  les  Métazoaires.  —  Conclusions  sur  l' auto-intoxica- tion permanente.  —  Généralité  du  résultat.  —  Déplacement  du  point  d'inflexion  vers l'origine  dans  les  générations  successives  de  poules  carnivores.  —  La  place  du  point  d'in- flexion critérium  du  degré  d'intoxication. Avant  de  contrôler  la  variation  dans  le  détail  de  chaque  organe, il  est  intéressant  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  l'ensemble  des  mani- festations vitales  pendant  les  générations  successives  et  la  con- sidération du  poids  est  un  premier  renseignement  mesurable,  qui traduit  avec  une  grande  fidélité  l'état  physiologique  ou  patho- logique. Si  le  régime  Carnivore  agit  avec  une  toxicité  plus  grande on  doit  trouver  la  trace  de  ce  phénomène  dans  la  marche  de  la croissance. A  ne  considérer  que  les  poids  maxima  auxquels  atteignent les  animaux  qui  parviennent  à  l'âge  adulte  et  qui,  par  suite, résistent  le  mieux,  aucun  résultat  fâcheux  ne  se  manifeste.  Il semble  même,  comme  je  le  disais  au  chapitre  précédent,  qu'il y  ait  bénéfice  constant  dans  l'acquisition.  C'est  ce  qui  parait découler  du  tableau  suivant. GÉNÉRATIONS                    O                          I                       II  III                     IV                        ^' Poids  maxim.  moyen..  .938  g.  2.118  g.  2.307  g.  2.360  g.  3.057g.  5  3.037g.  5 —  maxim.  des  mâles..  2.544  2.458  2.852  2.900  3.650  3.650 —  maxim.  des  femelles  1.635  1.933  1.944  2.001  2.465  2.425 Une  conclusion  pareille  à  la  précédente  serait  évidemment trompeuse  puisqu'elle  ne  tiendrait  a-ucun  compte  ni  des  maladies survenues  en  cours  de  vie,  ni  des  morts  précoces,  ni  des  arrêts de  développement  et  qu'elle  ne  laisserait  en  rien  prévoir  l'extinc- tion finale  par  stérilité.  Il  faut  donc,  si  l'on  veut  retirer  des phénomènes  de  croissance  quelques  documents  significatifs,  en étudier  la  marche  avec  une  tout  autre  précision. Ayant  suivi  le  développement  de  plusieurs  couvées  de  poulets, 162 F.   HOUSSW j'ai  recueilli  leurs  poids,  tous  les  deux  jours  dans  leurs  premières semaines  de  vie,  puis  deux  fois  par  semaine  pendant  une  seconde période,  et  enfin  seulement  une  fois  par  semaine.  Les  nombreuses données  numériques  fournies  par  ces  pesées  sont  réunies  dans V Appendice  qui  termine  ce  mémoire. Avec  les  nombres  obtenus,  il  m'a  été  facile  de  construire  des courbes.  Pour  la  précision,  je  les  ai  d'abord  faites  à  très  grande échelle,  comptant  sur  les  abscisses  3  '"„,  pour  un  jour  de  vie  et pour  les  ordonnées  5  %  pour  10  grammes  de  poids.  Les  figures données  dans  les  pages  suivantes  sont  des  réductions  photo- graphiques, toutes  à  la  même  échelle  des  courbes  originales. FiG.  3.  t'ourbe  théorique  de  croissance  (J.-J.  Deschamps) On  comprendra  mieux  leur  étude  détaillée  si  d'abord  jo  r;i])- pelle  que,  dans  un  très  intéressant  essai,  J.-J.  Deschamps  (1) a  tentt'  de  prévoir  par  le  calcul  l'évolution  d'une  espèce  cellu- laire unique  dans  un  milieu  restreint  où  s'accumulent  les  pro- duits de  désassimilation.  Les  équations  qu'il  pose  le  conduisent, entre  autres  résultats,  à  représenter  la  nutrition  limitée  par l'inanition  ou  par  l'auto-intoxication  ou  par  les  deux  phéno- mènes à  la  fois  à  l'aide  de  la  courbe  ci-dessus. La  courbe  est  comprise  entre  deux  asymptotes  horizontales et  possède  un  point  d'inflexion  à  mi-hauteur  entre  les  deux  ;  la (1)  \r  .I.-J.  Deschamps.  —  Etude  analytique  du  phénomène  de  l'auto-intoxication  {Bulletin d€  la  Société  des  gens  de  Science,  15  janvier  1902)- VARIATIONS    F.XPERIMEXTALES  463 concavité  est  supérieure  au  début,  inférieure  à  la  fin.  DanvS  les données  de  fait,  on  trouve  déjà  de  semblables  tracés  pour  l'ac- croissement de  la  levure  de  bière  anaérobie  ou  normale.  (Du- CLAUX,  d'Arsonval  et  Gariel.) La  forme  de  ces  courbes  assimile  la  vie  d'un  ])rotozoaire  ou d'un  protophyte  à  l'un  quelconque  des  phénomènes  qui  se limitent  eux-niêmes  par  l'état  qu'ils  créent,  par  exemple  à  celui de  la  dissolution. Je  me  suis  demandé  dans  quelle  mesure  ce  graphique  est applicable  à  la  vie  d'un  métazoaire.  A  priori,  le  problème  est embarrassant  ;  car,  en  même  temps  que  se  réalise  la  croissance par  la  multiplication  cellulaire,  une  dilierenciatiou  s'eiïectue aussi  et  l'on  se  rend  difiacilement  compte  de  la  façon  dont  ce dernier  phénomène  peut  influer  sur  le  poids,  qui  serait  une  bonne traduction  du  premier.  Un  œuf  de  poule  n'augmente  pas  de poids  pendant  rincubation  et  subit  au  contraire  une  légère  dimi- nution progressive,  comme  le  montrent  les  données  inscrites  à l'appendice,  ce  qui  est  en  partie  dû  à  la  perte  par  évaporation. Il  semble  donc  que,  toute  seule,  la  ditïéren dation  ne  se  traduise pas  à  part  par  un  poids.  Je  crois  cette  conclusion  exacte  pour la  différenciation  continue  et  progressive  ;  mais  elle  est  en  défaut dans  le  cas  d'une  différenciation  brusque,  d'une  crise  sexuelle par  exemple. Les  courbes  successives  que  j'ai  obtenues  sont  disposées  dans les  pages  suivantes  (fig.  4,5,  6,  7,  8,  9  et  10).  La  première  et  la troisième,  relatives  à  la  génération  granivore  originelle  et  à  la  pre- mière Carnivore,  ne  sont  pas  complètes  puisque  j'ai  mis  en expérience  des  poulets  achetés  au  marché  et  dont  j'ignorais l'âge  exact.  Dans  ces  deux  courbes  l'axe  ox  est  placé  avec  certi- tude, mais  l'axe  oy  pourrait  être  transporté  à  droite  ou  à  gauche de  la  position  que  je  lui  ai  assignée.  Aussi  pour  augmenter  les données  que  je  possédais,  en  même  temps  que  pour  les  contrôler. y  ai-je  adjoint  celles  que  Oh.  Féré  a  publiées.  L'auteur  en question  a  pris  des  pesées  tous  les  jours,  ce  qui  introduit  de nombreux  accidents  de  détail,  traduits  sur  les  courbes  à  gi-ande 164 F.   HOUSSAY échelle  par  un  tremblottement  dans  le  trait,  lequel  au  reste disparaît  presque  sur  les  courbes  réduites.  Inutile  de  dire  que j'ai  construit  ces  courbes  à  la  même  échelle  que  les  miennes  et qu'elles  ont  subi  la  même  réduction  (1). /  ; / A,  a; FlG.  4.  Courbes  de  croissance  des  poules  granivores. Relativement  ^  tous  ces  tracés,  j'avais  des  documents  suffi- sants pour  les  pousser  plus  loin  vers  la  droite  ;  mais  l'inconvé- nient de  trop  réduire  les  figures,  afin  de  les  faire  tenir  dans  une page,  m'a  conduit  à  supprimer  les  parties  oti  le  poids  ne  fait (1)  Ch.  FéRé.  —  Note  sur  la  croissance  des  Poulets  (Journal  de  l' Anatomie  et  de  la  Phytio- logie,  1901). Variations  expérimentales 168 plus  qu'osciller  suivant  les  circonstances,  pontes,  mues,  etc., et  gagne  insensiblement  une  limite  horizontale  qu'il  ne  dépasse pas. Par  leur  allure  générale  les  divers  graphiques  sont  rigoureu- 0  101^  114.5  A     Al FiG.  5.  Courbes  de  croissance  de  poules  ordinaires  d'après  les  nombres  de  G.  Féré. sèment  comparables.  Débarrassées  des  accidents  régionaux,  qui ont  aussi  une  signification  et  dont  nous  parlerons  en  temps  utile, les  courbes  sont  conformes  à  celles  que  Deschamps  a  calculées pour  la  croissance  d'un  être  unicellulaire  en  inanition  ou  in- toxiqué. Le  métazoaire,  de  son  côté,  étant  un  être  de  taille  limitée. 466 l<\    ffOI  SSAY peut  être  conçu,  différenciation  à  part,  comme  un  protozoaire qui  se  développe  dans  un  espace  restreint  et  la  multiplication cellulaire,  l'accroissement  de  substance,  s'effectue  dans  un  cas et  dans  l'autre  suivant  la  même  loi.  Or  les  courbes  de  Deschamps A.  a: FiQ.  6.  Courbes  de  croissance  de  la  première  génération  Carnivore. pouvaient  traduire  soit  l'inanition,  soit  l'intoxication,  soit  les deux.  Laquelle  de  cc!s  deux  circonstances  joue  le  rôle  capital et  se  traduit  dans  la  forme  des  courbes  que  nous  avon^ tracées  '? Pour  les  animaux   que  nous  avons    étudiés  en  particulier, abondamment  nourris,  il  ne  saurait  être  question  d'inanition  et. VARIATIONS    EXPERIMENTALES 467 pour  les  animaux  eu  général,    l'inanition   est  un  phénomène aceiclentel,  on  peut  presque  dire  rare.  Tl  en  est  tout  autrement iM'î 0  00      110      A  Al FiG.  7.  Courbes  de  croissance  de  la  seconde  génération  Carnivore, de  l'auto -intoxication.  Non  seulement,  comme  le  dit  Bou- chard, qui  a  tiré  de  cette  notion  un  si  grand  parti,  l'auto - intoxication  est  toujours  imminente,  mais  elle  est  permanente  ; i6S  F.  HOUSSAV elle  est  non  seulement  humaine,   mais  universelle.   C'est  une d AIOT       A'  A. A"  a; PiG.  8.  Courbes  de  croissance  de  la  troisième  génération  Carnivore. condition  de  la  vie  chez  les  métazoaires  ;  c'est  elle  qui,  avec  la VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  1(39 pesanteur  et  plus  que  celle-ci  sans  doute,  limite  leur  croissance. 0  69      100         A  Al FiG.  9.  Courbes  de  croissance  de  la  quatrième  génération  Carnivore. AKCH,     IJE  ZOOL.     EXP.    ET    GÉN.    4"     SERIE.    —    T.    VI.      -    (V|.  l3 170  F.   HOUSSAY Elle  doit  être  comptée  comme  une  cause  primordiale,  toujoiTrs 61.       ^5     A FiG.  10.  Courbes  de  croissance  de  la  cinquième  génération  Carnivore. VARIATIONS    EXPERIMENTALES 171 présente,  non  seulement  dans  les  états  pathologiques,  mais  dans tous  les  phénomènes  physiologiques  et  morphologiques. Je  voudrais  insister  pour  éviter  une  équivoque.  Il  ne  s'agit pas  seulement  ici  d'une  eonelusion  valable  pour  Tau to -intoxica- tion particulièrement  accentuée  des  animaux  déterminés  que  j'ai soumis  à  un  régime  spécial.  Je  dis  que  la  forme  des  courbes  de croissance  ainsi  définie  «  concavité  d'abord  supérieure,  point d'inflexion,  concavité  inférieure,  tendance  terminale  à  l'hori- zontale »  est  applicable  à  tous  les  animaux  et  qu'elle  a  pour  dé- terminisme l'auto -intoxication  universelle. FlG.  11.  Positions  possibles  de  l'origine  sur  la  courbe  générale  de  croissance. La  seule  chose  qui  puisse  varier  sur  la  courbe  est  le  point d'origine  et  ceci,  sans  doute,  est  capable  de  donner  des  résultats qui  paraissent  tellement  diiïérents  que  l'on  ne  songerait  aucune- ment à  les  relier  a  posteriori  si  l'on  n'avait  d'abord  la  vision  d'en- semble a  priori. Suivant  en  effet  que  l'origine  est  en  0,  0'  ou  0"  (flg.  11)  les mesures  directes  donneraient  les  ^trois  courbes  représentées à  la  page  suivante. Spécialement  la  dernière  (flg.  14),  avec  une  seule  courbure  et qui  s'applique  à  la  croissance  de  l'homme,  pourrait  paraître  sans rapport  avec  les  deux  précédentes.  La  seule  différence  qu'il  y  ait entre  elles  est  cependant  que  le  point  d'inflexion  est  de  plus  en plus  rapproché  de  l'origine  et  i)asse  même  au  delà.  Or,  les  courbes 172 F.   HOUSSAV que  j'ai  construites  dans  diverses  générations  successives  mon- trent avec  précision  qu'une  pareille  indication  graphique  signifie seulement  un  accroissement  particulier  de  l'auto-intoxication universelle. Etablissons  successivement  les  diverses  propositions  que  nous venons  d'énoncer. Les  courbes,  dans  leur  allure  générale,  ne  s'appliquent  pas seulement  aux  poules  carnivores,  puisque  celles  que  j'ai  cons- truites avec  les  nombres  de  Féré  relatives  à  des  poules  com- munes ne  présentent  avec  les  miennes  aucune  différence. FIG.   12.  FIG.  13.  FIG.   14. Formes  particulières  des  courbes  île  croissance  dues  aux  positions  diverses du  point  d'inflexion  par  rapport  à  l'origine. Les  courbes  ne  s'appliquent  pas  seulement  aux  poules,  ni même  aux  oiseaux.  Par  exemple  des  mesures  faites  en  mer  avec méthode  et  ingéniosité  ont  permis  de  tracer  pour  la  croissance de  la  plie  {Pleuronectes  platessa),  qui  est  un  poisson  pleuronecte, des  courbes  exactement  semblables  (1). Chez  certains  mammifères  peu  ditîérenciés,  il  en  va  de  même tout  à  fait.  Mlle  Stéfanowska  (2)  a  obtenu  pour  la  souris  des courbes  semblables  aux  miennes,  mais  à  point  d'inflexion  rela- (1)  A.  Cligny.  —  Croissance  de  la  Plie  (Annales  de  la  Station  aquicole  de  Bnulogne-sur- Mer.  Nouv.  série,  T.  I,  1905,  p.  115). (2)  Stéfaxowska.  —  Xote  sur  la  croissance  de  la  Souris  blanche  (C.  R.  Ac.  Se.,  1003). VAI{I.\TI()NS   EXHERIMRNTxVLES  17:i tivement  précoce.  La  croissance  de  l'homme  se  fait  suivant  une courbe  à  concavité  toujours  inférieure.  Le  point  d'inflexion  est en  deçà  de  Torigine  et  paraît,  d'après  les  données  que  l'on  pos- sède sur  les  poids  du  fœtus,  se  placer  au  septième  mois  de  la vie  utérine  (1). Et  non  seulement  la  loi  se  vérifie  pour  les  formes  entières mais  aussi  pour  la  croissance  des  organes  étudiés  séparément, ainsi  que  le  montrent  les  graphiques  construits  par  Muhlmann  (2) avec  des  moyennes  et  s'étendant,  pour  l'espèce  humaine,  depuis la  naissance  jusqu'à  90  ans. Sur  les  animaux  inférieurs,  je  ne  connais  pas  de  documents  ; mais  je  suis  convaincu  que  la  croissance  doit  s'accomplir  d'une façon  identique.  Si  toutefois  des  exceptions  graves,  autres  que des  flexions  de  diflérenciation,  analogues  à  celles  dont  je  vais parler  tout  à  l'heure,  venaient  à  se  présenter,  elles  pose- raient certainement  de  curieux  problèmes  en  physiologie  com- parée. S'il  est  bien  vrai,  comme  nous  en  avons  émis  l'idée,  que  la forme  des  courbes  de  croissance  n'est  que  la  traduction  de l'intoxication  normale  des  organismes  métazoaires,  tout  accrois- sement de  l'intoxication  doit  avoir  un  retentissement  sur  les coordonnées  du  point  d'inflexion,  qui  est  la  plus  manifeste  ca- ractéristique de  ces  courbes.  C'est  exactement  en  effet  ce  qui  se produit  ainsi  qu'en  témoigne  le  tableau  suivant. POINT  d'inflexion       l'OINT  d'iNKLEXION DES  MALES  DES  FEMELLES Génération  granivore US^  jour  104^  jour pe  Carnivore '>                               " 2e  Carnivore no^  }oxu                   90    joiu- 3<'  Carnivore lOS*'    —  79     — 4^  Carnivore lOO"    —  69     — 5e  Carnivore 95«    —  64^    — (1)  Voir  les  graphiques  de  C.  Henry  et  L.  Bastien  {Assoc.  franc,  pour  l'avancement  de» Sciences.  Congrès  de  Grenoble  1904,  p.  798). (-2)  MUHLMANN.  —  Das  Wachstum  und  das  Alter  {Biolog.  Centralhlatt,  1901,  p.  814). 174  F.    HOUSSAY Je  n'ai  pu  utiliser  pour  cet  objet  mes  deux  premières  courbes (fig.  4  et  6)  dont  la  courbure  initiale  est  tracée  après  coup,  sans prétendre  à  aucune  précision  et  seulement  pour  inspirer  le  sen- timent de  la  forme  générale.  J'ai  donc  pris  pour  la  génération granivore  le  point  d'inflexion  sur  la  courbe  construite  avec  les pesées  de  Féré  ;  tous  les  autres  nombres  viennent  des  courbes faites  sur  mes  données. Ces  résultats  sont  hautement  démonstratifs  et  ne  laissent  pas la  moindre  place  au  doute. Cependant,  avant  de  retirer  une  conclusion  de  cette  importance il  faut  être  bien  certain  qu'il  ne  saurait  y  avoir  aucune  hésita- tion sur  la  place  du  point  d'inflexion. Il  est  d'abord  tout  à  fait  remarquable  que  ce  point  trouve place  rigoureusement  au  même  jour  pour  tous  les  mâles  d'une même  génération  et,  pour  les  femelles,  à  un  autre  jour  qui  est aussi  le  même  pour  elles  toutes. Pour  les  mâles,  on  peut  voir  (fig,  7)  les  courbes  qui  fig\irent la  croissance  de  trois  de  ces  animaux  présenter  toutes  un  petit plateau  au  110^  jour.  Sans  doute,  chacune  montre  çà  ou  là  un autre  plateau  ou  même  une  petite  dépression  ;  mais  c'est  le  seul endroit  où  le  fait  se  manifeste  à  la  fois,  c'est-à-dire  sur  une  même ordonnée  pour  les  trois  courbes.  Et  comme  d'autre  part  ces plateaux  sont  dans  la  région  que  le  sentiment  de  la  continuité désigne  pour  contenir  le  point  d'inflexion,  les  deux  circonstances déterminent  celui-ci  d'une  façon  parfaite. Il  en  est  de  même  (fig.  8)  oii  les  courbes  de  deux  coqs  pré- sentent toutes  deux  un  accident  net  dans  la  région  du  point d'inflexion. Les  indications  précises  ne  sont  pas  toujours  aussi  complètes et,  par  exemple  (fig.  9)  deux  coqs  seulement  sur  trois  montrent avec  évidence  le  point  d'inflexion,  sans  du  reste  que  la  troisième courbe  y  contredise.  Il  en  est  encore  ainsi  (fig.  10)  ou  un  coq sur  deux  accuse  nettement  un  point  d'inflexion,  qui  satisfait aussi  à  la  deuxième  courbe. Pour  les  femelles,  il  est  un  peu  plus  diflicile  de  dégager  la VARIATIONS   EXPERIMENTALES  175 continuité  d'ensemble  des  petites  flexions  accidentelles.  Il  con- vient de  mettre  d'abord  hors  de  cause  un  grand  relèvement marqué  AB,  A,,  B,,  sur  les  courbes  de  femelles.  On  le  voit sur  toutes  sans  exception,  mais  il  n'est  pas  rigoureusement fixé  à  une  date  unique  pour  toutes  les  femelles  d'une  même génération  ;  il  y  a  de  légères  variations  individuelles.  Quoi  qu'il en  soit,  ce  relèvement  général  qui  détermine  deux  points  d'in- flexion accessoires  traduit  la  préparation  de  la  ponte. Avant  qu'il  ne  se  produise,  la  courbe  a  déjà  une  concavité inférieure.  Le  point  d'inflexion  principal  de  la  croissance  est  donc déjà  franchi  ;  il  faut  le  chercher  plus  à  gauche  et  faire  abstraction en  ce  moment  de  la  déformation  due  à  la  différenciation  brusque et  considérable  d'une  ponte  exagérée  progressivement  depuis des  siècles  par  la  domestication.  Nous  reviendrons  ultérieure- ment sur  cette  question  de  la  ponte  et  n'en  parlons  ici  que  dans la  mesure  convenable  pour  en  dégager  les  phénomènes  normaux de  la  croissance. Ces  précautions  prises,  on  arrive  à  trouver  le  point  d'inflexion des  femelles  avec  autant  de  sûreté  que  celui  des  mâles  et  on rencontre  facilement  parmi  les  accidents  qui  appellent  l'atten- tion celui  qui  convient  à  toutes  les  courbes  à  la  fois. Résumons  brièvement  nos  conclusions  les  plus  générales  : Les  courbes  de  croissance  typiques  contiennent  un  point  d'in- flexion remarquable  et  leur  forme  est  due  à  l'auto-intoxication absolument  générale  chez  les  organismes  métazoaires. Une  auto -intoxication  plus  accentuée  a  pour  effet,  ainsi  que le  montrent  avec  précision  les  mesures,  de  rapprocher  le  point d'inflexion  de  l'origine. On  peut  raisonnablement  conclure  qu'un  point  d'inflexion tout  près  de  l'origine,  ou  à  l'origine  même  et,  a  fortiori,  en  deçà de  l'origine,  indique  une  auto-intoxication  plus  accentuée encore.  Celle-ci  se  traduit  sur  la  croissance,  dans  le  cas  ultime, par  une  courbe  à  concavité  toujours  inférieure.  Un  chapitre ultérieur  nous  apportera  des  concordances  avec  cette  pré- vision. CHAPITRE  III VARIATIONS  DE  L'EXCRÉTION  URINAIRE  ET  DU  REIN VARIATIONS  DU  FOIE  ET  PRODUCTION  DE  MÉLANINE Sommaire.  —  L'excrétion  urinaire  chez  les  oiseaux.  —  L'azote  des  excréta  solubles  pris comme  signe  de  la  fonction.  —  Croissance  progressive  puis  décroissance  de  ces  produits. —  Courbes  de  variation  des  excréta  azotés  solubles  aux  diverses  générations.  —  Carac- tères généraux  de  ces  courbes  ;  modification  de  ceux-ci.  —  Variation  de  l'organe  rénal.  — Croissance  et  régression.  —  La  loi  de  croissance  poursuivie  conduit  au  type  Carnivore.  — Variation  du  foie  identique  à  celle  du  rein.  —  Les  réserves  graisseuses.  —  Production de  mélanine  dans  le  péritoine  et  variation  de  ce  pigment.  —  Continuité  ou  discontinuité de  l'évolution.  —  Intoxication  expérimentale,  résistance  des  espèces  dans  la  nature. Nous  avons  admis,  conformément  au  reste  à  l'opinion  cou- rante, qu'un  régime  Carnivore  substitué  à  un  régime  granivore accroit  l'auto-intoxication.  Nous  allons  maintenant  en  donner des  preuves  directes. Dans  une  expérience  portant  sur  un  changement  de  régime, l'étude  de  l'excrétion  doit  certainement  être  au  premier  plan. Bien  que  mon  but  fiit  surtout  de  recherclier  les  variations  mor- phologiques capables  de  faire  comprendre  les  changements  de forme  dont  l'ensemble  a  constitué  l'évolution,  je  n'ai  pas  pu me  désintéresser  de  la  modification  des  fonctions. L'étude  de  l'excrétion  urinaire  chez  les  oiseaux  est  particu- lièrement difficile  et  ne  peut  être  faite  avec  une  entière  précision que  par  un  physiologiste  professionnel  doublé  d'un  chimiste. Aussi  n'ai-je  pas  songé  à  traiter  intégralement  le  sujet.  J'ai voulu  seulement  suivre  un  phénomène  facile  à  mesurer  et  qui fût  comme  un  signe  de  la  fonction,  assez  semblable  à  lui-même d'ailleurs  pour  traduire  suffisamment,  quoique  partiellement, l'état  de  l'organisme  au  point  de  vue  excréteur. L'urine  des  oiseaux,  émise  avec  les  excréments,  est,  comme  on le  sait,  très  riche  en  acide  urique  et  en  urates  ;  elle  contient  en revanche  très  peu  d'urée  et  de  sels  ammoniacaux.  S'il  est  facile de  déceler  l'acide  urique  et  les  urates,  il  est  long  et  difficile  de les  doser  avec  certitude  et  je  ne  pouvais  guère  songer  à  l'analyse de  ces  produits  surtout  pour  la  répéter  160  fois,  ce  qui  est  le nombre  des  mesures  que  j'ai  effectuées  sur  l'excrétion. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  177 Pour  suivre  la  variation  il  s'agissait  moins,  en  eilet,  d'avoir des  analyses  complètes  que  des  analyses  nombreuses,  à  la  con- dition bien  entendu  que  la  partie  choisie  pour  l'analyse  demeurât comparable  à  elle-même. J'ai  opéré  de  la  façon  suivante.  Les  poules  étant  le  soir  remon- tées sur  leur  perchoir,  je  faisais  disposer  au-dessous  de  larges plaques  de  verre  bien  horizontales.  Les  excréments  de  la  nuit s'y  accumulaient  ;  très  secs  pour  les  x^oules  granivores  et  ne laissant  couler  aucune  goutte  du  liquide  qui  les  imbibait,  ils étaient  beaucoup  moins  consistants  chez  les  oiseaux  carnivores et  s'entouraient  d'une  zone  liquide,  d'un  jaune  doré,  qui  souvent même  coulait  en  rigoles.  Les  substances  reprises  sur  chaque plaque  par  200  ce.  d'eau  distillée  étaient  remuées  puis  filtrées. On  recueillait  un  liquide  jaune  ressemblant  pour  la  pigmentation à  l'urine  des  mammifères  et  d'ailleurs  plus  foncé  chez  les  carni- vores que  chez  les  granivores. J'obtenais  ainsi  les  produits  solubles  et  filtrables  et,  parmi eux,  l'urée  qui  pouvait  exister  et  les  sels  ammoniacaux,  très peu  d'acide  urique,  en  raison  de  la  faible  solubilité  de  celui-ci. Je  faisais  ensuite  agir  sur  la  solution  l'hypobromite  de  soude  qui décomposait  l'urée  certainement  et  les  sels  ammoniacaux  dissous en  même  temps.  Le  dosage  de  l'azote  donnait  une  mesure  des produits  excrétés  solubles  ;  c'est  la  variation  de  cette  mesure que  j'ai  suivie.  La  faible  quantité  d'acide  urique  dissous,  si toutefois  elle  intervient  pour  donner  un  peu  d'azote,  est  une constante  dont  il  n'y  a  pas  à  se  préoccuper  dans  une  étude  de variation  ;  il  s'agit  toujours  en  effet  de  la  même  xjetite  quantité capable  de  saturer  à  froid  200  ce.  d'eau.  Les  albuminoïdes  prove- nant des  résidus  du  tube  digestif  ne  cédaient  pas  leur  azote  par l'hypobromite  et  ne  troublaient  pas  les  mesures  malgré  leur .présence  probable. Les  analyses  étaient  faites  d'abord  de  temps  en  temps,  sans régularité  ;  puis,  quand  je  m'aperçus  des  larges  variations  dont était  susceptible  l'émission  de  ces  produits  azotés  solubles  chez un  même  groupe  d'animaux,  suivant  l'époque  de  la  vie,  je  les 178 F.    HOUSSAY effectuai  régulièrement  tous  les  15  jours.  Les  nombres  mesurés se  trouvent  réunis  en  tableaux  à  l'appendice  ;  j'en  extrais  pour  le moment  les  résultats  généraux  suivants. AZOTE    DES    EXCRETA ÉQUIVALENCE ^^JJJMATTV SOLUBLES EN    GRAMMES   d'uRÉE en  centimètres  cubes par jour par  jour  et  par  kilogramme et  par  kilogramme Génération  Granivore. 22  ce.   76 OgT 061 pe         » Carnivore. 57  ce.  97 -  ^ Ogr 161 6 Ogr.  168 2e           » » 57  ce.  72        62  ce. 63 Ogr.  155 3e           » » 55  ce .  72        62  ce . 95 0  gr.  149 0  gr.  169 4e           » » 78  ce. 38 OgT.  210 5e           » » 57  ce. 03 Ogr.  153 Les  nombres  inscrits  dans  ce  tableau  représentent  les  moyennes obtenues  à  la  fin  de  chaque  génération,  à  l'aide  de  toutes  les données  mesurées  pendant  l'année.  On  peut  de  là  retirer  plu- sieurs enseignements. Considérons  seulement  d'abord  la  colonne  exprimant  l'azote en  centimètres  cubes.  Le  premier  fait  à  retenir  est  que  le  brusque changement  de  régime  a  augmenté  considérablement  et  presque triplé  d'un  seul  coup  l'excrétion  des  produits  azotés  solubles. C'est  le  même  résultat  qui  se  produirait  chez  les  mammifères relativement  à  l'urée.  Nous  verrons  aussi  pour  beaucoup  d'or- ganes la  variation  morphologique  se  présenter  presqu'avec toute  son  ampleur  au  moment  précis  oii  l'on  introduit  la  cause modificatrice. Dans  la  seconde  et  la  troisième  générations  carnivores  il  y  a deux  groupes  d'animaux,  descendant  respectivement  des  deux femelles  de  la  génération  précédente  et  ayant  d'ailleurs  un  père commun.  Dans  le  groupe  a,  situé  à  gauche,  l'excrétion  des  pro- duits azotés  solubles  non  seulement  ne  continue  pas  à  croître VARIATIONS    EXPERIMENTALES  179 mais  même  régresse  légèrement.  Aussi  cette  lignée  s'éteint  rapi- dement, non  par  mort  des  individus,  mais  par  stérilité  des  œufs. La  lignée  [3,  dont  les  mesures  sont  inscrites  à  droite  des  pré- cédentes, continue  à  progresser  pendant  les  2^,  3^  et  4^  générations. Arrivée  à  ce  terme,  elle  régresse  aussi  à  la  5^  génération  et,  dès lors,  les  œufs  ne  se  développent  plus. Ce  résultat  très  remarquable  nous  montre  donc  que  si  les oiseaux  adaptés  au  régime  Carnivore  diffèrent  des  granivores par  des  traits  qui  ont  frappé  tout  d'abord  et  relatifs  au  bec,  aux serres,  au  gésier,  etc.,  la  véritable  caractéristique  de  leur  évolu- tion n'a  pourtant  été  rien  de  cela  qui  devait  se  faire  très  facile- ment ;  mais  elle  a  consisté  surtout  en  une  résistance  rénale particulièrement  développée,  progressivement  acquise  sans doute  par  un  passage  gradué  d'un  régime  à  l'autre  et  non  par une  saute  brusque  comme  celle  que  j'ai  réalisée.  Nous  vérifierons au  reste  cette  conclusion  en  étudiant  un  peu  plus  loin  les  varia- tions du  rein  lui-même. Dans  la  seconde  colonne  du  tableau  précédent,  j'ai  inscrit l'équivalence  de  l'azote  mesurée  en  grammes  d'urée.  Sans  pré- tendre que  tous  les  produits  azotés  solubles  soient  exclusivement de  l'urée,  ce  calcul  nous  permet  une  comparaison  approximative avec  les  mammifères  dont  l'excrétion  soluble  est  en  majeure partie  de  l'urée.  L'azote  fourni  par  les  poules  ordinaires  équi- vaudrait en  moyenne  à  0  gr.  06  d'urée  par  jour  et  par  kilogramme d'animal,  c'est-à-dire  à  une  quantité  dix  fois  moindre  que  celle attribuée  à  l'homme  dans  les  mêmes  conditions.  Nos  mesures sont  donc  bien  comparables  à  celles  qui  ont  été  déjà  données pour  les  oiseaux  et  qui  accusent  une  très  faible  quantité  d'urée. Le  régime  carné  qui  augmente  notablement  la  production  des excréta  azotés  solubles  n'amène  jamais  ceux-ci,  même  à  leur maximum,  à  être  équivalents  à  la  quantité  contenue  dans l'urée  des  mammifères.  Le  maximum  en  effet,  à  la  4^  génération, correspondrait  à  0  gr.  2  d'urée  par  jour  et  par  kilogramme  et serait  encore  trois  fois  moindre  que  la  production  de  l'homme normal. 480  F.   HOUSSAY Les  mesures  que  nous  avons  effectuées  varient,  comme  nous 900 3oo ItOO 500 100 300 3  00 ioo •  500 100 300 300 400 500 FiG.  15.  Variations  de  l'azote  des  excréta  solubles  au  cours  de  l'année  pour  la  génération granivore  et  les  deux  premières  carnivores. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  181 le  verrons,  dans  le  même  sens  que  toutes  les  variations  suivies A 4 M J ^           A ù B \ %i p% -,  ^  m 1         1 200 300 1(00 ÎO'O C  100  200  300  /tOO  500 FIG.   16.  Variations  de  l'azote  des  excréta  solubles  au  cours  de  l'année  pour  les  troisième, Quatrième  et  cinquième  générations  carnivores  (série  p). 18-2  F.    IKITJSSAY d'autre  part  et  nous  donnent  une  série  intéressante  dans  son ensemble.  L'étude  du  phénomène  dans  son  détail  nous  montre mieux  encore  qu'il  traduit  un  aspect  de  la  vitalité  générale, aspect  remarquablciiicnt  uniforme  dans  ses  grandes  lignes  et dont  les  modifications  secondaires  correspondent  justement  aux variations  (juc  les  organismes  subissent  au  cours  de  cette  longue expérience. J'ai  construit  en  effet,  à  cluKiiU'  génération,  une  courbe  pour figurer  l:i  (luantité  d'azote  contenne  dans  les  produits  excrétés solubles.  Le  temps  compté  sur  les  lignes  horizontales  est  repré- senté par  1  %  pour  2  jours  de  vie  ;  les  quantités  d'azote  sont I)ortées  en  ordonnées  de  longueur  proportionnelle  aux  nombres d(^  centimètres  cubes.  Pour  préciser,  j'ai  compté  1  %  pour chaque  quantité  d'a,zote  correspondante  à  un  centigramme d'urée  par  kilogramme  d'animal  au  jour  de  la  mesure. On  comprend  sans  peine  que  cette  figuration  en  urée  ne  pré- juge en  rien  que  l'excrétion  soit  vraiment  toute  de  l'urée  et,  si cela  n'était  pas,  la  courbe  n'en  serait  en  rien  modifiée.  Ce  n'est qu'une  question  d'échelle  et,  comme  celle-ci  est  arbitraire,  il n'y  a  pas  de  question  du  tout.  Les  courbes  qui  sont  représentées fig.  15,  16,  17  ont  toutes  subi  la  même  réduction  photogra- phique. Les  points  directement  relevés  sur  un  papier  quadrillé  ont  été joints  deux  à  deux  par  les  traits  continus  qu'on  voit  sur  les dessins.  On  a  obtenu  ainsi  un  graphique  extrêmement  oscillant qui  prouve  que  l'excrétion  des  produits  solubles  est  susceptible d'assez  grandes  variations  journalières.  Cependant  ces  tracés, malgré  leurs  irrégularités  de  détail,  ofïrent  des  oscillations  de plus  grande  amplitude  qui  sont  comparables  entre  elles. Pour  s'en  rendre  compte,  il  faut  simplifier  les  graphiques,  non d'une  façon  arbitraire,  bien  entendu,  mais  de  la  manière  sui- vante. Joignons  dans  chaque  courbe  tous  les  maxima  par  un trait  que  le  sentiment  de  la  continuité  impose  et  faisons  de  même pour  tous  les  minima.  Nous  obtenons  sur  chaque  figure  deux nouvelles  courbes  dessinées  en  traits  interrompus.  L'aire  com- VARÏATIONS   FA'PRH ÏMENTALES 183 prise  entre  ces  deux  courbes  et  couverte  d'une  demi-teinte représente  très  exactement  rexcrétion  des  produits  azotés  so- lubles.  Les  points  déterminés  par  des  mesures  aussi  fréquentes que  possible,  journalières  par  exemple,  tomberaient  dans  son intérieur.  C'est  l'aire  mininui  qui  peut  les  contenir  tous. 1  ^  ^  '  \ 300 400 500 0  lOO  200 FiG.  17.  Variations  de  l'azote  des  excréta  solubles  au  cours  de  r  année  pour  la  seconde  et  la troisième  générations  carnivores  (série  a). Relativement  aux  deux  premières  générations,  les  mesures ont  été  commencées  plus  tardivement  que  pour  les  autres  ;  Taire a  été  néanmoins  poursuivie  à  gauche  telle  que  l'indiquait  la continuité  et  aussi  cette  circonstance,  connue  et  d'ailleurs  vérifiée par  mes  recherches,  que  l'azote  excrété  dans  la  période  de  jeu- nesse est  proportionnellement  plus  abondant  que  dans  l'âge adulte.    De  plus,  la  première    génération    carnivore  ayant  été 184 F.   HOUSSAY granivore  dans  son  jeune  âge,  il  convenait  de  poursuivre  la  courbe en  lui  faisant  gagner  le  niveau  indiqué  par  la  génération  précé- dente à  l'âge  correspondant. Cela  étant,  comparons  les  aires  entre  elles  ;  ce  sera  beaucoup plus  facile  à  réaliser  que  sur  les  courbes  initiales  à  multiples oscillations. On  est  d'abord  frappé  de  ceci  que  l'aire  relative  à  l'excrétion des  produits  azotés  solubles  chez  la  génération  granivore  s'op- pose à  l'ensemble  de  toutes  les  aires  semblables  des  générations carnivores  ;  elle  est  en  eiïet  peu  élevée,  peu  accidentée  et  presque horizontale  chez  les  granivores,  à  tout  le  moins  relativement aux  autres. Cependant,  pour  les  présenter  à  un  moindre  degré,  cette  aire montre  les  mêmes  accidents  généraux  que  toutes  les  autres,  à savoir  :  deux  grandes  vallées  marquées  A  et  B  sur  les  figures, séparées  l'une  de  l'autre  par  un  maximum  important  M. La  première  génération  Carnivore  oiîre  ces  accidents  généraux à  un  degré  extraordinairement  accentué  et  plus  fortement  que toutes  les  générations  suivantes.  C'est  encore  une  marque  du bouleversement  fonctionnel  qui  se  traduit  aussi  par  d'impor- tants changements  organiques. Le  point  M  correspond  à  l'établissement  régulier  de  la  ponte chez  les  femelles  et  se  place  à  peu  près  au  1/4  de  la  durée  de cette  fonction.  A  titre  de  repères,  nous  avons  figuré  à  chaque génération  le  premier  et  le  dernier  œuf  par  un  point  assez  gros, placé  à  'a  date  qui  lui  correspond  exactement  s'il  n'y  a  qu'une femelle,  d'après  la  moyenne,  s'il  y  en  a  deux  qui  ont  commencé leur  ponte  à  des  jours  différents.  Le  maximum  que  nous  consi- dérons existe  donc  à  l'époque  de  la  pleine  maturité  adulte. Vo P. I\. P. P^ P5 Jour  de  vie  correspon- dant   au     maximum M 325e 250e ([3)268e (a) 292e (p)270e (a)  312e 278e 2986 VARIATIONS    EXPEKIMRNTALES  185 La  date  à  laquelle  tombe  le  maximum  est  intéressante  à  con- sidérer. Soient  Po,  Fi,  P3,  etc.  les  générations  successives,  on établit  relativement  à  cette  donnée  le  tableau  qui  précède. Dans  la  génération  granivore,  le  maximum  considéré  est  très tardif  relativement  aux  carnivores  ;  mais,  comme  les  oscillations sont  en  ce  cas  de  faible  amplitude,  il  n'y  a  pas  de  comparaison bien  nette  à  établir  entre  les  deux  séries.  Comparons  seulement les  carnivores  entre  eux.  Il  est  en  ce  cas  évident  que  la  date pour  le  maximum  relatif  à  Fazote  des  produits  excrétés  solubles recule  à  une  époque  de  plus  en  plus  tardive  de  la  vie.  Nous  pou- vons d'autant  mieux  penser  que  ce  recul  est  un  témoignage d'intoxication  croissante  que,  dans  les  générations  Ps  et  Pa,  les groupes  a,  plus  intoxiqués  et  devenus  stériles  deux  générations plus  tôt  que  les  autres  sont,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  en retard  très  marqué  sur  les  générations  [3  contemporaines. Il  semble  toutefois  y  avoir  une  contradiction  entre  l'époque tardive  du  maximum  dans  la  génération  normale  et  la  fâcheuse indication  de  son  retard  croissant  chez  les  générations  intoxi- quées. On  peut  néanmoins  se  rendre  compte  que,  dans  la  géné- ration granivore,  l'organisme,  à  peu  près  régulièrement  débar- rassé des  déchets  qu'il  fabrique,  ne  ressent  que  faiblement  et tardivement  l'excitation  toxique  qui  pousse  au  maximum  d'éli- mination. Chez  les  carnivores  au  contraire,  la  poussée  élimina- toire doit  se  faire  plus  vive  et  plus  prompte  et,  si  elle  tarde,  c'est fatigue  et  paresse  du  rein  et  non  pas  retour  à  un  équilibre  pri- mitif vers  lequel  l'organisme  ne  doit  plus  tendre  puisque  tout est  changé. L'intérêt  de  cette  remarque  ne  pourra  entièrement  ressortir qu'avec  l'étude  d'autres  fonctions,  •  en  particulier  de  la  ponte  ; pour  le  moment  contentons-nous  de  noter  le  phénomène  avec sa  précision. Nous  venons  de  parler  des  deux  vallées  A  et  B  et  du  point  M qui  les  sépare  ;  il  est  temps  de  dire  qu'elles  ne  se  présentent  pas avec  la  même  évidente  net 'été  chez  toutes  les  générations.  En particulier  la  vallée  B  arrive  à  être  retaillée  en  deux  vallées ARCH.    t)E   ZOOL.    EXF.    ET  GÉN.    4'    SÉ.UÉ.    T.    VI.    '—    (v).  l4 186  F.    HOUSSAY secondaires  h  et  h'  et  A  en  deux  autres  a  et  a'.  Cette  dernière indication  n'est  réalisée  qu'à  la  fin  de  l'évolution  quand  la variation  ne  peut  plus  se  poursuivre  ;  mais  h  se  montre  progres- sivement, d'abord  très  faible  et  bien  moins  accusée  que  la dépression  b'  puis  finissant  par  être  à  égalité  avec  celle-ci. Au  dernier  moment,  Ps,  la  surface  symbole  de  l'excrétion  des produits  azotés  solubles  a  pris  une  allure  plus  uniformément horizontale  ;  elle  est  aussi  uniformément  plus  épaisse,  ce  qui indique  dans  l'excrétion  des  oscillations  plus  fréquentes  et  plus amples,  ainsi  qu'on  le  voit  en  suivant  la  courbe  des  traits  pleins. Si  Ton  regarde  maintenant,  au  point  de  vue  de  cette  dernière manifestation  graphiqiie,  la  série  des  surfaces  représentées  fig. 15  et  16,  on  s'aperçoit  que  les  phénomènes  traduits  par  cette suite  d'images  ne  se  sont  pas  poursuivis  avec  une  parfaite  conti- nuité. A  la  génération  Ps  la  surface  semblait  déjà  se  régulariser; puis  à  la  suivante,  F^,  le  maximum  M  a  repris  un  grand  pointe- ment.  La  troisième  génération  offre  donc  une  singularité  ;  il  se passe  pendant  sa  durée  quelque  chose  de  spécial. En  examinant  maintenant  la  variation  de  l'organe  rénal  lui- même,  on  voit  en  effet  qu'il  a  d'abord  crû  régulièrement  jusqu'à cette  troisième  génération  et  qu'à  partir  de  là  il  a  régressé.  Dans les  données  réunies  à  l'appendice  on  trouvera  pour  le  rein,  comme pour  tous  les  organes,  le  poids  absolu  qu'il  a  présenté  chez  tous les  animaux,  puis  le  rapport  de  ce  poids  à  100  grammes  de  poids actif  et  le  même  rapport  à  100  grammes  de  poids  total.  Si  l'on construisait  les  courbes  relatives  à  ces  diverses  données,  elles seraient  très  comparables  les  unes  avec  les  autres.  Il  n'est  pas utile  de  multiplier  indéfiniment  ces  représentations  ;  nous  pren- drons donc  seulement  le  rapport  du  poids  du  rein  à  100  grammes de  poids  actif.  Afin  d'apporter  la  plus  grande  précision  possible dans  l'unique  graphique  que  nous  allons  donner,  il  faut  observer que  le  rein  est,  parmi  les  organes,  un  dv  ceux  sur  lesquels  h' dimorphisme  sexuel  porte  le  plus  fortement  :  \e  rein  est  nota- blement plus  important  chez  les  femelles  que  chez  les  mâles.  On ne  peut  alors  comparer  rigoureusement  entre  eux  que  des  nom- VARIATIONS   EXPERIMENTALES 1«7 bres  relatifs  à  des  lots  d'animaux  contenant  la  même  quantité de  mâles  et  de  femelles.  Or,  les  générations  P;  et  Pr,  n'ont  eu qu'une  seule  femelle,  il  importe  donc  d'envisager  dans  toutes 4 Xi 3,60 Xko 3.50 3 2.U 2,60 Uo t% 2 1^0 i.ùO i.ko ■i.H i 0.U o.6o oM 0.2o 0 ! 1 -X ;                 •              F  ; --/ «• ^       ' / V         ;         ___; i /: \     ;             ;             1 / \^      i \_ ^^ >s.      :            L .^^^^^^yr,-- ;     ^Sf; L -y<            ! -f T --- ;            !         R'  : ..*-i.:T...i L -        1 _      p           _ 't^'               i p ,_     T--         1 "i FiG.  18.  Courbes  de  la  variation  en  poids  du  foie  et  du  rein  dans  les  5  générations  successives. —  Rapports  à  100  gr.  de  poids  actif  dans  des  couples  efifectivement  descendus  les  uns des  autres. les  générations  un  seul  couple  et  tout  naturellement  nous  choi- sirons les  couples  effectivement  descendus  les  uns  des  autres. Pour  construire  la  courbe,  je  compte  en  abscisses  le  temps,  à 188  F.   HOUSSAV raison  de  2  %,  5  pour  la  durée  d'une  génération  et  en  ordonnées le  poids  relatif  du  rein  à  raison  de  5  'y  pour  0  gr.  1  de  rein  par 100  grammes  de  poids  actif.  On  a  pour  les  diverses  générations les  nombres  suivants  : P.,  Pi  Po  P3  P4  P. 0,54  0,74  0,'.)0  1.13  0.92  0,75 Cette  série  de  nombres  aussi  bien  que  la  courbe  réelle,  tracée en  traits  pleins,  RR  (flg.  18)  montrent  ce  que  nous  annoncions à  l'instant  :  la  croissance  jusqu'à  la  troisième  génération  suivie de  régression. Par  hypothèse,  cherchons  à  nous  représenter  ce  qui  se  serait passé  dans  le  cas  d'une  évolution  régulièrement  poursuivie.  Nous savons  bien  que  le  poids  relatif  du  rein  n'aurait  pas  continué  à croître  indéfiniment  et  que  le  tracé  évolutif,  commençant  avec une  légère  courbure  à  concavité  supérieure,  n'aurait  pas  tardé à  prendre  une  courbure  à  concavité  inférieure  pour  atteindre l'horizontale,  quand  l'adai^tation  complète  eiit  été  pleinement réalisée.  Entre  les  deux  courbures,  un  point  d'inflexion  se  fiit trouvé.  Admettons  que  le  point  d'inflexion  eût  été  précisément à  cette  troisième  génération,  dont  la  situation  critique  indique suffisamment  une  singularité  et  continuons  en  traits  interrompus (RR';  flg.  18)  la  courbe  comme  elle  aurait  dû  être.  Elle  nous conduit  vers  la  6^  génération,  non  réalisée,  au  niveau  de  1  gr.  45 de  rein  pour  100  grammes  de  poids  actif,  ce  qui  est  exactement le  nombre  que  j'ai  directement  trouvé  en  disséquant  un  oiseau naturellement  Carnivore,  une  Hulotte  femelle  {Syrninm  aluco). Donc,  au  cours  d'une  évolution  régulière  qui,  de  génération en  génération,  détermine  la  croissance  d'un  organe,  celui-ci  aug- mente suivant  la  même  loi,  suivant  la  même  courbe,  que  celle par  laquelle  est  réglée  la  croissance  individuelle  d'un  complexe organique,  c'est-à-dire  d'un  animal  entier.  La  croissance  phfylo- génique  suit  la  même  loi  que  la  croissance  ontogénique. De  plus,  si  la  croissance  ne  se  poursuit  pas,  s'il  doit  y  avoir régression  et  mort  de  l'espèce,  le  phénomène  est  provoqué  par une  baisse  brusque  de  la  courbe,  'postérieure  au  point  d'inflexion VARIATIONS    EXPERIMENTALES  189 et  fort  analogue  à  celles  qu'ont  produites  sur  nos  courbes  de croissance  les  animaux  qui  sont  morts  avant  l'état  adulte. Il  est  extrêmement  remarquable  de  voir  la  croissance  du  foie suivre  une  courbe  tout  à  fait  identique  à  la  précédente.  Je  l'ai construite  à  la  même  échelle  que  celle-ci  et  sur  les  mêmes  couples effectivement  descendus  les  uns  des  autres.  Le  trait  plein  (FF, fig.  18)  représente  la  variation  réelle  donnée  aussi  par  les  nombres suivants  : Po  P,  P2  P3  Pi  Ps 2  2,23  2,47  3.25  2,56  2,29 Si  l'on  considère  en  gros  le  résultat,  composé  de  croissances et  de  décroissances,  il  ne  semble  pas  que  le  cliangement  de  régime ait  amené  sur  le  foie  une  variation  de  sens  bien  nette.  C'est  ainsi que  ces  données  ne  m'avaient  pas  d'abord  paru  confirmer  celles de  Maurel  (1)  établissant  que  chez  les  carnivores  le  poids  relatif du  foie  est  toujours  supérieur  à  ce  qu'il  est  chez  les  herbivores. Cette  conclusion  est  pourtant  tout  à  fait  exacte. En  raisonnant  pour  le  foie  comme  nous  l'avons  fait  pour  le rein  et  en  poursuivant  par  des  traits  interrompus  (FF',  fig.  18) la  courbe  évolutive  conformément  à  son  début,  elle  nous  conduit à  la  6^  génération  à  la  cote  3  gr,  47  de  foie  pour  100  grammes  de poids  actif.  J'ai  directement  trouvé  sur  la  Hulotte  3  gr.  43  :  la concordance  est  absolue. La  couleur  et  la  consistance  de  la  graisse  chez  les  animaux  en expérience  me  paraît  aussi  en  rapport  avec  les  modifications hépatiques  plus  qu'avec  la.  nature  des  graisses  directement  ab- sorbées dans  les  aliments.  Tout  le  monde  connaît  la  couleur jaune  de  la  graisse  des  poules  et  sa  faible  consistance  ;  elle  est composée  de  corps  dont  le  point.de  fusion  est  peu  élevé.  La graisse  des  poules  carnivores  est  au  contraire  dure,  blanche, son  point  de  fusion  est  bien  plus  élevé  ;  elle  ressemble  beaucoup au  suif  des  mammifères  et  cela  est  d'ailleurs  ainsi  chez  la  Hulotte que  j'ai  disséquée.  Je  ne  sais  si  c'est  vrai  de  tous  les  oiseaux  de proie. (1)  Maubel  (C.  R.  Ac.  Se,  décembre  1902). 190  F.   HOUSSAY Sur  27  poules  carnivores  dont  j'ai  fait  l'anatomie,  deux  seule- ment avaient  repris  la  graisse  jaune,  à  la  3^  génération  (Illt  et VlIIi),  la  première  très  franchement,  elle  n'a  pas  eu  de  postérité, la  seconde  d'une  façon  moins  accentuée,  elle  a  donné  quelques œufs  féconds.  Ce  sont  justement  ces  deux  exceptions  qui  me font  rapporter  la  modification  de  la  graisse  à  une  réaction  géné- rale de  l'organisme  susceptible  de  quelques  changements,  plutôt qu'à  un  simple  emmagasinement  d'une  graisse  donnée,  la  même pour  tous,  qui  serait  constante. Une  autre  transformation  paraît  plus  nettement  encore  en rapport  avec  la  suractivité  du  foie  suivie  de  surmeyiage,  c'est l'apparition,  dans  le  péritoine  de  mes  animaux,  d'un  pigment noir  analogue  à  celui  que  l'on  trouve  dans  le  péritoine  des  Am- phibiens  et  des  Reptiles,  puis  la  disparition  de  ce  pigment  dans les  dernières  générations.  Je  considère  ce  pigment  comme  de  la mélanine.  Il  est  à  noter  qu'on  ne  le  rencontre  jamais  chez  aucun mâle  et  le  fonctionnement  du  foie  ainsi  que  la  taille  de  cet  organe y  sont  incomparablement  plus  faibles  que  chez  les  femelles  {voir chapitre  VIII). Comment  évaluer  cette  quantité  de  mélanine  pour  en  avoir une  mesure  au  moins  approximative.  Sur  mes  feuilles  de  dissec- tion je  trouve  des  notations  telles  que  les  suivantes  : Pas  de  mélanine 0 Traces  de  mélanine l Un  peu  de  mélanine 3 Mélanine 4 Plus  chargé  de  mélanine 5 Nous  pouvons  remplacer  ces  indications  un  peu  longues  par les  chiffres  qui  leur  font  face  et  qui  correspondent  à  peu  près  à l'importance  du  produit  observé,  qui  lui  donnent  une  note.  Les observations  se  groupent  alors  dans  le  tableau  suivant  où  les caractères  gras  représentent  des  mâles. Nos  connaissances  sur  la  production  et  la  signification  du pigment  sont  trop  peu  avancées  pour  qu'on  puisse  dès  mainte- nant apprécier  tout  le  sens  de  ces  modifications.  Il  importe  en VARIATIONS    EXPERIMENTALES 191 tous  cas  de  les  noter  pour  le  jour  où  elles  pourront  être  plus complètement  utilisées.  Nous  en  redirons  quelques  mots  au chapitre  IV,  a.u  cours  duquel  ils  seront  mieux  compris. Avant  de  clore  ce  chapitre,  retenons  les  deux  grandes  indica- tions suivantes.  Les  modifications  obtenues  sur  le  rein  et  le  foie et  relatives  à  l'importance  de  ces  organes  dans  l'organisme  entier tendent  vers  l'état  qui  est  celui  des  oiseaux  carnivores.  Si  l'évo- GÉNÉRATIONS Pa p. P2 P. Pi Po Indications < individuelles 1 lo      O Ile  ;  0 IIIo      0 I.      o II>  ;    1 m,    1 l2 II2 III2 IV3 V2 VI2 Vlh VII I2 0 4 0 4 0 0 4 5 I3      0 \h  \    3 III3      0 IV3     0 V3  1    0 VII3    0 VIII3     1 I4 II4 IV4 V4 VII4 0 0 0 0 0 u II5 III5 IV5 4 0 0 0 Moyennes  générales. 0 0,66 2,12 0,57 0 1 Moyennes  des  femelles 0 1 4, 25 2 c 1 A l lution  s'était  continuée  conformément  à  son  début,  il  eût  suffi de  six  générations  pour  réaliser  la  transformation.  C'est  très  peu et,  par  rapport  au  temps  total,  c'est  même  une  durée  si  courte qu'eyi  se  plaçant  à  ce  point  de  vue  l'évolution  semble  procéder par  saccades,  être  discontinue. Mais,  si  l'on  envisage  comme  mesure  du  temps  la  durée  d'une génération,  on  compte  jusqu'à  six  moments  distincts  et  à  cet autre  point  de  vue,  le  phénomène  apparaît  avec  une  continuité qui  se  figure  par  une  courbe. 192  F.    HOUSSAY Nous  pouvons  dès  maintenant  dire  que  notre  expérience  a été  arrêtée  par  l'intoxication  contre  laquelle  l'organisme  ne s'est  pas  défendu  jusqu'au  bout.  Comment  se  fait-il  qu'une  telle impossibilité  ne  se  soit  pas  présentée  dans  la  nature?  On  en  aper- çoit plusieurs  raisons.  D'abord  tout  porte  à  croire  que  les  trans- formations de  cette  sorte  sont  plus  progressives  que  celle  par nous  tentée  et  ce  qui  subsiste  du  régime  végétal  non  seule- ment n'augmente  pas  l'intoxication,  mais  aide  à  l'élimination. C'est  ainsi  par  exemple  que  l'on  voit  encore  les  chats  mâcher des  tiges  de  valériane. D'autre  part  les  femelles  résistent  mieux  que  les  mâles.  Mais nous  avons  toujours  eu  des  couples  de  même  génération.  Dans la  nature,  les  mâles  de  deuxième  année  sont  en  pleine  vigueur et  ce  sont  eux  surtout  les  reproducteurs  ;  ils  apportent  ainsi  un retard  d'une  année  dans  la  plus  forte  intoxication  et  il  n'en  faut peut-être  pas  plus  pour  franchir  le  point  critique,  le  point  d'in- flexion des  courbes  et  gagner  ainsi  l'adaptation  organique. CHAPITEE  IV LA  RATION   DE   VIANDE   ET  LA  RATION  DE  GRAINES Sommaire.  —  L'énergétique  et  la  ration  alimentaire.  ■ —  Le  pouvoir  therniogène  n'est  pas  le seul  critère  de  la  valeur  d'une  ration.  —  Ration  de  croissance  et  ration  d'entretien.  — Réglage  spontané  de  leur  ration  par  les  oiseaux.  —  Rapport  du  poids  à  la  ration  jour- nalière. —  Variations  de  ce  rapport  avec  l'âge  et  avec  le  régime.  —  Courbe  de  la  variation. —  Influence  de  la  pression  barométrique  sur  l'appétit  chez  les  poules.  —  Supériorité  de la  viande  pour  la  croissance,  du  grain  poiu-  l'entretien.  —  Valeur  plastique,  valeiu"  ther- niogène et  toxicité  d'une  ration  donnée. Les  études  d'énergétique  animale  ont  rendu,  depuis  ces  der- nières années,  très  importante  la  connaissance  précise  de  la ration  alimentaire  pour  un  animal  donné.  Afin  de  dégrossir  en premier  lieu  le  sujet,  les  physiologistes  se  sont  occupés  presque exclusivement  de  la  ration  d'entretien,  c'est-à-dire  de  celle  qui est  nécessaire  à  un  animal  adulte,  accomplissant  un  travail  très modéré,  pour  maintenir  son  poids  constant  pendant  une  assez VARiATIONS    EXPERIMENTALES  193 longue  période.  Certains  cependant,  comme  Ohauveau,  ont cherché  (quelles  substances  alimentaires  fournissent  le  meilleur rendement  en  travail  produit. Les  diverses  sortes  d'aliments,  ou  les  diverses  proportions dans  lesquelles  on  les  peut  mélanger,  ont  été  examinées  à  ce point  de  vue  et  l'on  a  déterminé  en  calories  leur  valeur  thermo- gène, identifiée  à  leur  valeur  alimentaire,  puisque  les  besoins de  l'animal  adulte  sont  surtout  conditionnés  par  des  dépenses tle  chaleur  ou  des  dépenses  en  travail  que  l'on  y  fait équivaloir. On  voit  bien  d'ailleurs  que  ces  procédés  de  mesure,  aussi  inté- ressants que  précis,  ne  sont  raisonnablement  applicables  qu'à l'intérieur  de  catégories  déjà  faites,  et  qu'ils  permettent  des comparaisons  seulement  entre  substances  déjà  définies  comme aliments  par  les  effets  que  leur  ingestion  prolongée  détermine dans  l'organisme.  La  valeur  thermogène  de  la  houille,  du  pétrole ou  de  l'acide  cyanhydrique  ne  donne  aucune  idée  de  leur  valeur alimentaire.  Pour  les  substances  à  propos  desquelles  le  doute persiste,  par  exemple  pour  l'alcool,  ce  n'est  pas  le  calorimètre qui  doit  répondre,  puisqu'il  n'a  la  parole  qu'en  second  lieu,  mais d'abord  l'observation  longuement  poursuivie  des  effets  que  dé- termine sur  l'organisme  l'abstinence  du  produit  ou  l'ingestion journalière  de  telle,  telle  ou  telle  quantité. Il  y  a  donc  à  propos  de  la  valeur  alimentaire  d'une  substance donnée  bien  autre  chose  à  considérer  que  la  capacité  à  fournir des  calories  en  se  détruisant.  Cela  est  notamment  certain  à propos  de  la  ration  de  croissance,  dont  on  ne  voit  guère  a  priori comment  identifier,  d'une  façon  simple,  la  valeur  avec  le  pouvoir thermogène.  Pour  cette  question  très  importante,  très  compli- quée et  très  loin  de  la  solution,  toutes  les  données  sont  bonnes à  recueillir.  C'est  pourquoi  je  crois  utile  de  publier  celles  que  je possède  à  ce  sujet. D'après  Maurel,  tous  les  animaux  se  suralimentent  quand ils  ont  la  nourriture  à  discrétion  et  il  est  indispensable,  pour obtenu"  une  fixité  approximative  de  leur  poids,  de  régler  leur 194  F.    HOIJSSAY régime  et  leur  ration.  Larguier  des  Bancels  (1),  qui  rapporte l'o]tiuioii  précédente,  a  observé  que  les  pigeons  se  comportent autrement  et  que,  alimeutés  librenu'ut,  ils  règlent  eux-mêmes leur  consommation  avec  une  précision  très  grande,  qui  suffit pour  conserver  au  corps  son  poids  initial  x)endant  plusieurs  mois. Les  petites  variations  que  l'oiseau  fait  lui-même  subir  à  sa  ration, sont,  d'après  cet  auteur,  en  rapport  exact  avec  les  variations de  la  température  extérieure. Je  ne  puis  apporter  une  précision  de  cet  ordre,  mais  en  revanche mes  données  s'étendent  sur  une  ])ériode  beaucoup  plus  longue et  comprennent  la  croissance  et  l'entretien  de  trois  générations successives  :  une  nourrie  au  grain  et  les  deux  suivantes  à  la viande. Il  est  certain  que  les  oiscHiUx  nourris  surabondamment  règlent eux-mêmes  leur  consommation.  Larguier  des  Bancels  a  eu raison  d'exprimer  et  de  mesurer  le  fait,  mais  déjà  la  connais- sance banale  en  avait  fait  un  principe  d'action.  Tous  les  oiseaux conservés  en  cage  •:  tourterelles,  canaris,  chardonnerets,  etc., ont  toujours  des  graines  à  discrétion  et,  pendant  des  années, leur  taille  et  leur  agilité  ne  changent  pas.  C'est  sur  cette  obser- vation que  j'avais  tablé  pour  déterminer  la  ration  nécessaire  à mes  poules.  Je  la  leur  faisais  verser  deux  fois  par  jour  soit  en graines,  soit  en  viande  et  de  tel  poids  que  tout  fût  consommé avec  un  petit  reste  aussi  faible  que  posvsible.  Aussitôt  qu'il  ne restait  ni  un  grain,  ni  un  morceau  de  viande,  on  augmentait légèrement  pour  les  jours  suivants,  on  diminuait  au  contraire si  le  reste  devenait  appréciable. Pour  une  seule  génération,  j'ai  pris  les  pesées  de  rations depuis  la  naissance,  mais  les  premières  données  ne  peuvent  être utilisées,  parce  qu'avec  les  poussins  se  trouvait  la  poule  cou- veuse et  nourricière  et  qu'il  est  impossible  de  démêler  ce  qui revient  à  l'une  et  aux  autres. Dans  la  construction  des  courbes  qui  vont  suivre  (fig.  19), (1)  Larguier  des  Bancels.  —  De  l'influence  de  la  température  extérieure  sur  l'alimentation (Thèae  de  l'Université  de  Paris  ;  Masson  1903). VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  195 j'ai  cousidéré  le  rapport  du  poids  total  (P)  de  tous  les  animaux d'un  même  lot  au  poids  (p)  de  la  ration  (qu'ils  mangeaient  en commun. (le 165 175 192 205 206 208 211 212 213 218 219 222 223 229 231 232 235 245 247 265 283 304 325 346 367, 388 409 430 451 461 464 478 Po Ralinii Poids des /' Animaux P 400 4.340 400 4.530 350 4.490 350 4.707 300 4.688 260 4.692 280 4  709 280 4.710 300 4.713 300 4.815 360 4.954 200 5.078 240 5.087 340 5.120 340 5.188 280 5.180 340 5.172 300 5.201 300 5.182 300 5.087 300 5.091 300 » 300 4.858 300 5.068 300 5.107 300 5.334 300 5.474 260 5.585 340 5.617 Rapport P 10,  85 11,  32 10.  82 13,  45 15,  60 18,  04 16,  82 16,  82 15,  71 16,  05 13,  76 25,  39 21,  19 15,  05 15,  25 18,  50 15,  21 17,  33 17,  27 16,  96 16,  97 16,  19 16,  89 17,  02 17,  71 18,  25 21,  48 16,  52 Iblioti P 300 400 350 350 300 260 300 340 300 340 200 240 340 360 280 360 360 360 360 360 360 360 360 360 360 360 300 320 360 Poifls des .\iiimaiix P 3.750 4.160 4.887 5.377 5.398 5.432 5.533 5.540 5.380 5.471 5.669 5.600 5.590 6.579 5.790 5.800 5.901 5.954 5.639 5.831 5.913 5.803 5.732 6.005 5.815 6.188 6.105 5.952 5.799 Rapport P P 12,  5 10,  4 13,  96 15.36 17,  99 20,  89 18,61 16.29 17,  93 16,  09 28,  34 23,  33 16,  44 15,  49 20,  67 16,  11 16,  39 16,  54 15,  67 16,  19 16,  42 16,  11 15,  92 16,  68 16,  15 17,  19 20,  35 18,  60 16,  10 Jours de 36 40 45 49 52 56 61 66 71 76 82 91 101 103 109 113 122 127 143 152 162 167 184 191 212 233 247 252 273 294 316 336 357 378 399 420 Katloii P 460 510 530 600 650 670 700 740 740 740 800 840 880 960 880 650 640 640 600 660 680 720 720 720 720 720 720 800 800 800 800 800 800 800 800 800 Poids des Animaux P 2.904  (1) 3.068 3.754 4.206 4 .  469 4.918 5.478 6.271 6.761 7.390 8.207 9.397 10.341 10.577 11.232 8.710  (2) 9.111 9.393 10.107 10.415 10.791 11.141 11.902 12.326 12.911 13.214 13.319 13.329 13.253 13.391 13.288 13.354 13.558 13.279 13.032 13.134 Rapport P P 6,  31 6,  01 7,  08 7,  01 6,  87 7,  34 7,  82 8,  47 9,  13 9,  98 10,25 11,  18 11,  75 11,  02 12,  76 13,  40 14,  23 14,  67 16,  84 15,  77 15,  86 15,  47 16,53 17,  11 17,93 18,  35 18,  50 16,  66 16,  56 16,  74 16.  61 16,  69 16,  95 16,  59 16,29 16,42 (1)  8  animaux. (2)  6  animaux. de  la  ration  ;  flus  il  est  grand, meilleure  est  la  ration,  soit  que  la  ration  faiblisse  pour  maintenir Ce  rapport     exprime  la  valeur V 196  F.    MOUSSA  Y un  inôuu^  poids,  soit  que  le  poids  croisse  avec  une  même  ration. V On  considère  d'autre  part  assez  volontiers  le  rapport  mverse  -, à  savoir  la  quantité  d'aliments  (lu'il  faut  à  un  kilogramme d'animal  pour  se  maintenir  et  plus  cette  quantité  est  petite,  meil- leure est  la  ration.  Il  est  évident  que  la  variation  de  ces  deux  rap- ports avec  l'âge  ne  donne  pas  du  tout  la  niôme  forme  des  courbes. J'ai  construit  les  miennes  en  considérant  -,  mais  ceux  qui  prefe- p reraieut  le  rapport  inverse  pourraient  construire  les  courbes  de sa  variation  avec  les  données  numériques  recuellies  à  ce  sujet et  reproduites  dans  le  tableau  composé  à  la  page  précé- dente. J'ai   établi   pour   chacune   des   générations    considérées   une P  .         ,    ,       . courbe  de  la  variation  du  rapport       aux  divers  âges  de  la  vie. P Pour  construire  cette  courbe,  je  compte  en  abscisses  le  temps  à raison  de  1  %  pour  2  jours  de  vie  et  en  ordonnées  les  valeurs P correspondantes  de  -  en  prenant  1   "'    pour  chaque  unité  du p rapport  :  par  exemple  le  rapport  17,93  =  18  '^^  le  rapport 16,09    =  16   Z'  etc. Les  trois  courbes  obtenues  sont  reproduites  par  réduction photographique  (flg.  19).  Il  importe  d'abord  de  dégager  leur étude  générale  de  trois  pointements  singuliers  a,  a',  a",  qui  se trouvent  aux  générations  Po  et  P,. Or,  la  génération  P,,,  pour  parler  d'elle  en  premier  lieu,  est composée  de  poules  granivores,  c'est-à-dire  normales  ;  les  dates de  ces  pointements  sont  les  suivantes  : a     —  208    jour  de  vie 18  février  1901. a'    —  229e  —  10  mars  1901. a"  —  245<^  —         26  mars  1901. Sur  mes  cahiers  d'expérience,  j'avais  inscrit  «  tombée  de  neige  » le  11  mars  1901  qui  correspond  au  plus  grand  pointement  ;  ceci VARIA TI(>NS   EXPERIMENTALES 19^ naturellement  ne  va  pas  sans  une  grande  baisse  barométrique. Pour  les  deux  autres  pointements,  je  n'avais  rien  noté.  J'ai demandé  rétrospeotivonipiit  (avril  1906)  à  mon  ami  J.  Mascart. FiG.  19.  Courbes  des  rapports  du  poids  à  la  ration  dans  trois  générations  dont  une  granivore et  deux  carnivores astronome  à  l'Observatoire  de  Paris,  de  me  renseigner  sur  l'état météorologique  des  journées  indiquées  et  voici  ce  qu'il  me  com- ^nuniqué  : 198  F.    HOUSSAY DATES  BAROMÈTRE  ETAT    MÉTÉOROLOGKJUE  POINTERENT Parc  St-Maur 1901.  Février  17.  .  .      759,6     Couvert  neige  et  grésil. —  18...      765,3     Un  peu  de  neig^e  à  8  h.  et  9  h.  a —  19...      765,3     Très   nuageux,  petite  neige à  22  h. —  27-..      747,7     Couvert,     quelquefois     des '  gouttes entre  a  et  a* Mars  10   .  .  759,5  Couvert.                                                  a —  11...  752,2  Id.   Pluie,   neige  et  grésil. —  26.  .  .  756,1  Xei^e  jusqu'à  -1  h.  du  matin puis  à  15  h.  et  à  16  h.  45.  a" —  27...      751.9     Couvert    de    6  h.  à    19  h., pluie  et  neige. —  28...      752.4     Grains    de    neige.    Grésil  à 17  h. Donc,  si  d'après  Larguier  des  Ba>'Cels  la  température  règle d'une  façon  précise  les  petites  variations  de  la  ration,  la  pression barométrique  en  détermine  de  très  grandes,  au  moins  chez  les poules.  S'il  s'agissait  d'un  réglage  du  poids  en  prévision  de  la légèreté  requise  par  le  vol,  il  serait  tout  naturel  que  la  pression barométrique  intervint  en  premier  lieu.  Le  fait  est-il  général chez  tous  les  oiseaux  ?  Je  n'ai  pas  de  données  à  ce  sujet  mais je  ne  crois  pas  à  sa  généralité,  du  moins  avec  autant  d'amplitude. Je  le  crois  exact  seulement  pour  les  oiseaux  déjà  lourds  à  vol difficile,  les  autres,  en  cas  de  dépression,  se  contentent  de  voler moins  haut  comme  les  hirondelles. Au  surplus,  il  doit  bien  y  avoir  quelque  particularité  dans  la pratique  de  l'abstinence  par  les  poulets  en  présence  d'une  dé- pression barométrique,  puisqu'elle  est  indiquée  déjà  par  Théo- PHRASTE  comme  un  des  signes  du  mauvais  temps  et  que  cette observation,  avec  quelques  autres  du  même  ordre,  était  le  fon- dement objectif  de  l'art  des  auspices. La  génération  P,,  élevée  d'une  façon  normale  jusqu'au  150^ jour  de  sa  vie.  n'a  été  mise  à  la  viande  qu'ensuite  ;  elle  conserve encore,  au  point  de  vue  de  la  réaction  à  la  pression,  l'instinct VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  199 ordinaire   des  poulets   et   aeeuse  les   mêmes  pointements  aux mêmes  joiu'S, Il  n'en  est  pins  ainsi  à  la  génération  P,  nourrie  à  la  viande depuis  son  éclosion.  Certainement,  dans  le  cours  de  sa  vie  de grandes  baisses  barométriques  sont  survenues  aussi,  mais  elles n'ont  pas  été  accusées,  d'une  façon  sensible  tout  au  moins. Un  instinct  très  curieux  s'est  trouvé  perdu. Abstraction  faite  maintenant  de  ces  pointements  singuliers, nos  trois  courbes  se  divisent  en  deux  grandes  sections  :  l'une,  de la  naissance  au  250^  jour  environ,  pendant  laquelle  les  ordonnées croissent,  l'autre,  à  partir  du  250^  joar, pendant  laquelle  les  ordon- nées sont  sensiblement  constantes,  sauf  pour  un  dernier  poin- tement  h  postérieur  à  la  mue  et  moins  brusque  que  les  précédents. Ces  courbes  répètent,  en  gros,  l'allure  des  courbes  de  croissance  ; c'est  vers  le  250^  jour  en  effet  que,  dans  les  trois  générations  consi- dérées, les  poules  ont  achevé  la  différenciation  de  leurs  œufs  et que  toutes  les  courbes  de  croissance  sont  à  peu  près  horizontales. Pour  revenir  à  nos  courbes  de  ration,  l'époque  du  250^  jour sépare  donc  deux  zones  :  à  gauche  la  zone  des  rations  de  crois- sance, à  droite  la  zone  des  rations  d'entretien.  Nous  pouvons immédiatement  faire  plusieurs  constatations. D'abord,  la  courbe  de  ration  granivore  est  au-dessous  des deux  autres  dans  la  région  de  croissance,  au-dessus  dans  la région  adulte,  ce  qui  paraît  indiquer  que  la  viande  est  une ration  supérieure  pour  les  animaux  qui  croissent  ;  les  graines sont  au  contraire  supérieures  pour  les  animaux  adultes.  Remar- quons bien  qu'il  ne  s'agit  pas  seulement,  pour  la  ration  albu- minoïde,  d'une  plus  grande  puissance  plastique,  c'est-à-dire créatrice  de  tissus  et  de  cellules,  eh  quoi  consisterait  tout  natu- rellement la  différence  ;  car  nos  animaux  adultes,  par  le  fait  de la  ponte,  fabriquent  journellement  plus  d' alhuminoïdes  que  pen- dant leur  croissance  et  tout  de  même,  dans  cette  période,  les graines  constituent  un  aliment  supérieur  pour  l'individu,  c'est- à-dire  pour  la  quantité  de  matière  usuellement  distinguée  à à  part  et  dénommée  «  une  poule  ». 200  F.    HOtlSSAY On  pourrait  se  demander  s'il  n'y  avait  pas  lieu  de  considérer, dans  la  période  adulte,  les  individus  plus  la  ponte  qu'ils  ont produite  ;  celle-ci,  étant  supérieure  dans  les  premières  généra- tions carnivores,  contribuerait  à  relever  la  valeur  de  la  ration carnée.  Mais  si  l'on  ajoute  au  poids  de  l'animal  celui  des  germes qu'il  a  produits  depuis  la  dernière  pesée,  il  faut  y  joindre  égale- ment la  somme  des  excréta  solides,  liquides  et  gazeux  qu'il  a émis,  aussi  bien  que  la  chaleur  ou  le  travail  qu'il  a  fournis  et  en retrancher  la  somme  des  rations  qu'il  a  mangées,  bues  ou  res- pii  ées.  Ce  serait  une  tout  autre  expérience  sur  le  bilan  organique, analogue  à  celle  de  Benedict  et  Attwater,  dans  laquelle  l'indi- vidualité animale  s'efface  et  que  je  n'ai  nullement  songé  à  faire malgré  son  intérêt  évident,  philosophiquement  supérieur  mais pratiquement  moindre. Je  compare  seulement  un  individu  d'une  espèce  définie,  tel que  le  donne  à  un  certain  moment  toute  sa  vie  antérieure  avec une  certaine  ration,  à  un  autre  individu  de  la  même  espèce,  au même  moment  mais  avec  une  autre  ration.  L'avantage  est  dans ces  conditions,  qui  sont  celles  oii  l'on  se  placerait  pour  apprécier la  bonne  santé  d'un  homme,  à  la  viande  pour  la  croissance,  aux graines  pour  l'entretien. Nous  devons  remarquer  aussi,  en  comparant  entre  elles  les deux  courbes  d'animaux  carnivores,  que  celle  de  la  génération  Pg est  notablement  au-dessus  de  celle  de  P,  dans  la  région  de  crois- sance et  un  peu  au-dessus  dans  la  période  adulte.  C'est  la  marque d'une  adaptation,  d'une  meilleure  assimilation  de  l'aliment, ainsi  que  d'une  meilleure  élimination  des  déchets  qu'il  donne. C'est  un  fait  net  d'hérédité  des  caractères  acquis  ;  nous  y  re- viendrons. En  dernier  lieu  il  est  visible  que  la  ration  quelle  qu'elle  soit est  plus  mauvaise  dans  le  jeune  âge  que  dans  l'âge  adulte,  c'est- à-dire  qu'il  faut  proportionnellement  plus  d'un  même  aliment à  un  jeune  qu'à  un  adulte.  Le  fait  est  connu.  Est-ce  seulement que  le  jeune  animal,  à  surface  proportionnellement  plus  grande, perd  plus  de  chaleur  f  Cela  entre  en  ligne  de  compte  à  coup  sûr. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  204 mais  pour  une  part  seulement  ;  car,  parmi  toutes  les  rations, la  meilleure  à  cet  âge  est  la  plus  albuminoïde,  c'est-à-dire  la moins  thermogène. Au  surplus,  pour  apprécier  la  valeur  alimentaire  d'une  subs- tance donnée,  il  faut  bien  s'entendre  sur  la  réaction  que  l'on demande  à  l'organisme  de  manifester,  comme  marque  du  succès de  son  alimentation.  Veut-on  qu'il  soit  plus  grand,  plus  robuste, c'est-à-dire  capable  de  fournir  une  plus  grande  quantité  de travail,  ou  désire-t-on  au  contraire  sacrifier  quelque  chose  des qualités  précédentes  pour  que  l'organisme  dure  plus  longtemps  ? Il  faut  alors  faire  intervenir  en  ligne  de  compte  l'usure  organique par  les  divers  régimes,  qui  est  en  raison  de  leur  toxicité  et  de la  quantité  des  déchets  accumulés. Or,  cette  toxicité  plus  grande  du  régime  carné  est  surabon- damment prouvée  par  notre  longue  expérience.  C'est  le  défaut qui  contrebalance  les  incontestables  qualités  de  cet  aliment. Dans  le  jeune  âge,  la  quantité  de  rein,  la  grandeur  de  l'élimi- nation sont  proportionnellement  plus  fortes,  les  qualités  de  la ration  se  montrent  alors  sans  être  atténuées  par  leur  inconvé- nient. Plus  tard,  avec  une  élimination  moindre,  l'inconvénient contrebalance  l'avantage  et  même  le  surpasse. Il  y  a  donc  lieu,  en  pratique,  de  peser  et  d'évaluer  des  séries d'indications  contradictoires  et  la  règle  qui  me  paraît  ressortir aussi  bien  de  ces  expériences  que  des  observations,  valables  pour l'homme,  faites  sur  moi  et  autour  de  moi,  est  l'usage  de  la  viande pendant  la  croissance  et  l'abstinence  de  cet  aliment  passé  l'âge adulte. AHCll.    DE   ZOOL.    EXP.    ET    GEN.    If'    SÉBIE.    —   T.    VI.     -     (v] CHAPITEE  V VARIATIONS   DU   TUBE   DIGESTIF L  INTESTIN  ET  LES  C2ECUMS   —   LE  JABOT  ET  LE  GÉSIER Sommaire.  —  Précautions  à  prendre  pour  les  mesures.  —  Echelle  des  courbes  de  variation.  — Décroissance  des  organes  digestifs  suivant  des  arcs  d'hyperbole  équilatère.  —  Les  écarts dans  les  dernières  générations  dus  à  l'insuffisance  du  poids  total.  —  Nouvelle  marque d'intoxication.  —  Réduction  de  l'intestin  et  du  cœcum.  —  Jauge  du  jabot  ;  réduction du  volume  et  de  l'extensibilité.  —  Réduction  dans  l'action  du  gésier  ;  les  cailloux  ordi- nairement ingérés  deviennent  progressivement  plus  petits  ;  ce  sont  des  grains  de  sable aux  dernières  générations.  —  Représentation  par  le  dessin  de  l'estomac,  en  valeur  relative, sur  12  animaux  composant  des  couples  descendus  les  uns  des  autres.  —  Dimorphisnie sexuel.  —  Autres  séries  de  dessins  sur  des  poules  devenues  plus  précocement  stériles et  BUT  des  coqs  tuberculeux.  —  Dans  les  cas  anormaux,  la  réduction  relative  est  moins accentuée  ou  transformée  en  accroissement.  —  La  réduction  accentuée  est  la  règle. Les  seules  modifications,  dues  au  changement  de  régime  ali- mentaire chez  les  oiseaux,  étudiées  jusqu'ici  ont  été,  comme nous  l'avons  dit,  celles  qui  sont  relatives  au  gésier.  Nous  avons des  données  qui  s'étendent  en  outre  à  d'autres  parties  dvi  tube digestif  :  intestin,  caecum  et  jabot. Des  mesures  effectuées  sur  le  tube  digestif  risquent  de  laisser place  à  un  certain  aléa  en  raison  de  l'élasticité  des  organes  si l'on  n'opère  pas  toujours  exactement  de  la  même  façon  et  si, notamment,  l'on  tire  plus  ou  moins  sur  le  tube  digestif  en  mesu- rant sa  longueur  avec  une  règle  graduée.  J'ai  toujours  eu  soin d'appliquer  l'organe  sur  la  règle  sans   exercer  aucune  traction. J'opérais  de  même  sur  les  caecums.  On  sait  que,  chez  les  oiseaux, ces  organes  sont  au  nombre  de  deux,  symétriquement  disposés  ; chez  la  poule,  en  particulier,  ils  sont  rarement  de  la  même  lon- gueur :  une  différence  qui  peut  aller  jusqu'à  15  "„  existe  tou- jours entre  eux  ;  je  prenais  la  moyenne  entre  les  deux  pour longueur  du  cœcum.  Le  volume  du  jabot  doit  aussi  être  évalué avec  quelques  précautions  que  j'indiquerai  plus  loin. Pour  la  variation  de  ces  organes  comme  pour  les  autres,  j'ai considéré  le  rapport  de  leur  longueur,  de  leur  volume  ou  de  leur poids  au  poids  total  et  au  poids  actif  des  animaux  étudiés.  J'ai VARIATIONS   EXPEIUMENTALES  203 construit  les  courbes  de  variation  en  ces  différentes  circons- tances et  eu  considérant  soit  les  moyennes  de  tous  les  animaux d'une  génération,  soit,  pour  éviter  les  effets  variables  du  dimor- pliisme  sexuel,  en  comparant  les  rapports  dans  des  couples  effec- tivement descendus  les  uns  des  autres.  Ces  manières  diverses d'envisager  le  phénomène  me  donnent  les  mêmes  indications  et les  mêmes  courbes,  avec  seulement  un  peu  plus  ou  un  peu  moins d'accentuation  ;    les    différences    secondaires    sont    même    très r? P. Fio.20.  Courbes  montrant  la  réduction  de  l'intestin  ( __)  et  du  caecum  ( )  dans  des  couples effectivement    descendus  les  uns  des  autres    pendant  cinq  générations  successives.  — Rapports  de  la  longueur  des  organes  à  100  gr.  de  poids  total. faibles.  Afin  d'avoir  des  graphiques  qui  se  puissent  comparer avec  ceux  que  j'ai  déjà  fournis  pour  le  rein  et  le  foie,  je  les construis  également  avec  les  données  relatives  aux  couples  des- cendant les  uns  des  autres. Dans  tontes  les  courbes  dont  il  va  être  question,  j'ai  pris ])our  abscisses  le  temps,  en  portant  sur  l'axe  horizontal  25  ^ pour  la  durée  d'une  génération  et  ijpur  ordonnées  les  valeurs du  rapport  de  chaque  organe  au  poids  total  des  animaux  et  cela suivant  les  échelles  suivantes  : 204  F.   MOUSSAY CcBcums  ....      ordonnées  1    %  par  millimètre  de  caecum  pour  100  gr. de  poids  total. Intestin   ....  —         1    %  P^'i"  centimètre  d'intestin  pour  100  gr. de  poids  total. Jahot —         1    %  par  centimètre  cube  de  jabot  pour  100  gr. de  poids  total. Oésier —         1    %  P^^r  décigrammé  de  gésier  pour  100  gT, de  poids  total. On  voit  d'après  cela  que  réehelle  qui  représente  la  variation du  gésier  et  du  csecum  est  10  fois  plus  forte  que  celle  employée pour  l'intestin  et  le  jabot  ;  ceci  n'a  d'autre  importance  que  de trouver  pratiquement  une  visibilité  suffisante  pour  toutes  les variations.  Les  courbes  ont  ensuite  subi  la  même  réduction photographique. Avant  de  parler  de  chaque  organe  en  son  particulier,  il  con- vient de  relever  les  indications  qui  s'appliquent  à  tous.  D'abord, tous  ces  organes  décroissent  manifestement.  Mais  cette  décrois- sance, au  début  très  sensible,  s'atténue  et,  après  la  3^  génération, se  transforme  en  une  petite  remontée.  Que  signifie  cette  allure de  courbe  ? Tenons  compte  de  ce  fait,  imposé  par  le  simple  bon  sens,  que la  diminution,  même  régulièrement  poursuivie,  n'aurait  pas continué  indéfiniment  et  qu'il  fût  survenu  une  époque  où  les courbes  auraient  tendu  vers  l'horizontale.  Guidés  par  cette  indi- cation certaine  et  suivant  d'autre  part  la  continuité  des  phéno- mènes à  leur  début,  nous  sommes  conduits  à  rectifier  le  tracé  de nos  courbes  d'une  façon  presque  nécessaire.  Nous  l'avons  fait en  traits  interrompus  pour  obtenir  l'image  de  ce  qu'aurait  dû être  la  variation  régressive. Ces  courbes  nouvelles,  toutes  semblables  entre  elles,  sont  des hyperboles  équilatères  avec  une  asymptote  horizontale  et  une verticale.  Elles  répondent  à  l'équation  générale  : i.v-^a){y  -  b)=K et  ne  sont  utilisables  pour  le  problème  soumis  à  notre  étude  que dans  la  région  des  x  positifs. Il  est  tout  à  fait  intéressant  de  trouver  deux  catégories  de VARIATIONS   EXPERIMENTALES 205 R  R FiG.  21.    Courbes  montrant  la  réduction  du   jabot.  J,  et   du  gésier.  G,  dans   des   couples effectivement  descendus   les  uns  des  autres  pendant   cinq  générations  successives. Rapports  du  volume  (jabot)  ou  du  poids  des   organes  à  100  gr.  de  poids  total.   Pour  le jabot,  les  jauges  à  l'eau  {_)  et  celles  au  mercure  ( )  sout  représentées. 206  F.  HOUSSAY courbes  si  dissemblables,  l'une,  dont  nous  avons  déjà  parlé, comprise  entre  deux  asymptotes  horizontales  avec  un  point d'inflexion  entre  les  deux  :  c'est  à  la  fois  la  courbe  de  croissance et  d'hypertrophie,  l'autre,  que  nous  rencontrons  maintenant, l'hyperbole  équilatère  est  la  courbe  de  décroissance  et  d'atrophie. Les  deux  catégories  de  phénomènes  sont  biologiquement  très distinctes  ;  il  est  naturel  que  deux  courbes  fort  diiïérentes  les symbolisent.  Ce  résultat  est  susceptible  d'une  large  généralisa- tion mais  nous  ne  pouvons  pas  en  entreprendre  l'exposé  de peur  d'être  entraînés  trop  loin. Je  voudrais  pourtant  faire  remarquer  que  le  passage  de l'évolution  continue  à  l'évolution  discontinue,  ou  de  la  trans- formation progressive  à  la  mutation,  devient,  s'il  s'agit  d'une décroissance  d'organe,  une  conception  exactement  représentée par  la  transformation  d'une  hyperbole  équilatère  en  deux droites  rectangulaires.  Cette  conception,  si  familière  aux  géo- mètres, nous  rend  aisé  de  comprendre  que,  dans  une  transfor- mation par  croissance  organique,  notre  courbe  à  deux  conca- vités sera,  en  cas  de  mutation,  remplacée  par  deux  sections de  droites  parallèles  réunies  par  un  trait  vertical,  deviendra une  marche  d'escalier,  suivant  une  image  employée  par  Giard. Nous  avons  vu  au  chapitre  II  qu'à  partir  de  la  3^  génération le  rein  et  le  foie  ont  commencé  à  fléchir  ;  pour  les  organes  qui nous  occupent  maintenant,  tous  abandonnent  une  génération plus  tôt  leur  courbe  type.  A  partir  de  la  2^  génération,  en  effet, nos  données  expérimentales  sont  toujours  au-dessus  de  ce  qu'elles devraient  être  d'après  leur  début.  Il  y  a  là  deux  points  à  éclaircir. 1°  Pourquoi  l'atrophie  est-elle  plus  faible  que  ce  qu'on  atten- dait •?  2»  Pourquoi  l'atrophie  digestive  s'arrête-t-elle  une  géné- ration plus  tôt  que  l'hypertrophie  hépatique  et  rénale  ? Et  d'abord  peut-on  dire  que  l'atrophie  digestive  s'arrête  ? Eemarquons  que  nos  courbes  ne  nous  renseignent  que  sur  une atrophie  relative,  leurs  points  étant  fixés  par  des  valeurs  du rapport  d'un  organe  au  poids  total  de  l'animal.  Cependant, comme  les  valeurs  absolues  nous  renseigneraient  bien  moins \  AI{IATH)NS    EXPERIMENTALES  207 encore,  il  faut  analyser  tant  qu'il  se  peut  les  valeurs  relatives pour  bien  saisir  le  sens  de  leur  variation. Soit  w  la  longueur,  le  volume  ou  le  poids  d'un  certain  organe et  P.  le  poids  total  d'animal  correspondant,  nous  observons  que le  rapport  -  n  a  pas  décru  autant  que  nous  l'attendions.  Mais cela  a  pu  survenir  pour  deux  raisons,  ou  bien  w  n'a  pas  décru (ou  n'a  pas  arrêté  sa  croissance)  comme  il  fallait,  ou  bien  P  n'a pas  crû  autant  qu'il  l'aurait  dû  pour  se  tenir  dans  l'équilibre régulier  avec  w. C'est,  je  crois,  cette  dernière  alternative  qui  est  la  véritable. Bien  que  le  poids  des  animaux  ait  toujours  été  en  croissant,  il  ne l'a  pas  encore  été  suffisamment.  Or,  l'intoxication,  dont  nous avons  relevé  la  manifeste  existence,  a  pour  effet  certain,  rapide et  constant  l'abaissement  du  poids,  comme  perte  de  l'acquit ou  comme  manque  à  gagner  ce  qui  devrait  l'être. Si  nous  sommes  dans  le  vrai,  si  c'est  bien  un  manque  d'accrois- sement du  poids  total  qui  relève  les  points  de  nos  courbes,  le phénomène  fonctionne  nettement  aussitôt  après  la  seconde génération,  comme  le  montrent  simultanément  tous  les  organes digestifs  en  régression.  Donc,  la  3^  génération  subissait,  en  ne croissant  pas  assez,  une  nouvelle  et  très  sensible  marque  d'in- toxication. Bien  que  le  rein  et  le  foie  y  aient  encore  crû,  ils n'ont  pas  suffi  à  Texcrétion  ;  de  là  leur  surmenage  et  leur  régres- sion à  la  génération  suivante. Ces  concordances  parfaites  nous  montrent  que  la  correction de  nos  courbes  en  hyperboles  équilatères  est  absolument  légi- time et,  malgré  son  insuccès  final,  notre  expérience  nous  donne, pour  la  marche  de  la  variation,  une  indication  aussi  sûre  qu'une adaptation  réalisée. Il  est  également  important  de  remarquer  que  les  hyperboles équilatères  eussent  atteint  sensiblement  l'horizontale  à  partir de  la  6^  génération,  ce  que  nous  a  déjà  indiqué  exactement  la variation  hépatique  et  rénale. De  plus,  il  faut  noter  que  le  surmenage  des  organes  excréteurs 208  F.   HOUSSAY à  la  2^  génération,  précédant  leur  insuffisance  anatomiqiie  qui se  traduit  seulement  à  la  3^,  nous  avait  été  déjà  signalée  par l'abondance  de  la  mélanine  à  cette  même  2^  génération  où  elle présente  son  maximum  (1). Eelevons  encore  quelques  observations  pour  chaque  organe en  particulier.  Sur  l'intestin  j'ajouterai  peu  de  choses  ;  sa  réduc- tion en  longueur  par  le  régime  carné  est  conforme  à  toutes  les observations  déjà  faites  en  anatomie  comparée.  Le  fait  nouveau, d'ailleurs  important,  est  la  réalisation  expérimentale  rapide de  ce  raccourcissement.  Il  convient  de  remarquer  en  outre  que l'aspect  de  la  paroi  intestinale  est  changé  ;  elle  devient  plus épaisse  et  perd  toute  transparence.  Ceci  correspond  sans  aucun doute  à  de  graves  modifications  histologiques  ;  mais  mou  atten- tion a  été  trop  tardivement  appelée  sur  ce  sujet  pour  que  j'y aie  pu  exécuter  des  recherches  méthodiques.  Au  surplus,  j'ai peu  poussé  mon  travail  du  côté  histologique  qui,  à  lui  seul,  eût fourni  la  matière  à  des  investigations  aussi  étendues  que  celles dont  j'ai  pu  retirer  des  conclusions.  Je  donnerai  çà  et  là  quel- ques indications  relevées  à  ce  sujet  afin  surtout  d'encourager ceux  qui  voudraient  en  compléter  l'étude. La  réduction  du  caecum  nettement  réalisée  par  le  régime  Car- nivore est  un  résultat  que  l'on  pouvait  aussi  escompter.  J'ai même  donné  une  trop  faible  idée  de  la  régression  de  cet  or- gane en  évaluant  celle-ci  par  la  réduction  de  la  longueur.  Eu jaugeant  le  volume,  on  aurait  certainement  constaté  une  bien plus  forte  diminution  ;  car  les  csecums  deviennent  non  seule- ment moins  longs  mais  beaucoup  plus  étroits,  leur  calibre  se réduit. Il  ne  faudrait  pas  conclure  hâtivement  de  cette  observation que,  chez  l'homme,  la  réduction  du  csecum  et  la  formation  de l'appendice  vermicnlaire  sont  une  conséquence  certaine  du  pas- sage d'un  régime  originel  exclusivement  frugivore  à  un  régime fortement  carné,  car  certains  singes  possèdent  aussi  cet  appen- dice vermicnlaire.  En  général  les  carnivores  ont  le  csecum  bien (1)  Voir  p.  191. VARIATIONS    EXPERIMENTALES  209 moins  développé  que  les  herbivores  ;  l'action  de  ki  viande  n'est pas  douteuse,  mais  le  même  résultat  pourrait  être  atteint  autre- ment puisqu'on  ne  trouve  pas  de  caecum  chez  des  phytophages comme  l'Unau  et  l'Ai  [Bradypus)  ou  chez  certains  rongeurs comme  le  Loir  {Myoxus). De  tous  les  organes,  le  jabot  est  celui  qui  a  montré  la  réduction la  plus  prompte  et  la  plus  considérable.  Afin  d'apprécier  son volume,  je  l'ai  jaugé  en  le  remplissant  d'eau  toujours  dans  les mêmes  conditions.  Après  avoir  détaché  le  jabot,  l'avoir  vidé quand  il  y  avait  lieu  et  nettoyé  par  un  courant  d'eau,  je  posais une  ligature  sur  son  extrémité  inférieure  ;  j'introduisais  ensuite dans  l'œsophage  un  petit  entonnoir  de  verre,  toujours  le  même, de  façon  que  son  extrémité  vînt  affleurer  à' l'entrée  du  jabot. Puis,  tout  étant  suspendu,  je  versais  de  l'eau  jusqu'à  ce  que l'entonnoir  restât  plein.  Le  remplissage  avait  ainsi  toujours  lieu sous  la  même  pression  d'une  colonne  d'eau  d'environ  5  %  de hauteur.  Ceci  fait,  je  comprimais  entre  deux  doigts  l'entrée  du jabot  et  je  rejetais  l'eau  restant  dans  l'œsophage  et  l'entonnoir  ; juiis  je  mesurais  dans  une  éprouvette  gTaduée  l'eau  contenue  dans le  jabot.  Ces  mesures  étaient  toujours  parfaitement  comparables entre  elles  et  c'est  avec  leurs  variations  que  j'ai  construit  mes courbes. J'ai  voulu  aussi  pratiquer  la  jauge  au  mercure  pour  avoir quelque  idée  sur  l'extensibilité  de  l'organe  et  sur  la  façon  dont elle  pouvait  varier.  Les  mesures  sont  beaucoup  moins  précises que  les  précédentes;  celles-ci  peuvent  être  répétées  par  n'importe qui  à  la  condition  de  prendre  la  même  pression  d'eau  ;  les jauges  au  mercure  doivent  être  pratiquées  par  une  même  per- sonne pour  demeurer  comparables.^ Il  ne  pouvait  plus  être  question  de  suspendre  l'organe  qui  se fût  indéfiniment  distendu  et  eût  enfin  crevé  sous  la  pression  du mercure  ;  je  le  posais,  muni  de  sa  ligature  inférieure,  sur  une cuvette  de  porcelaine  à  fond  plat,  puis  je  vidais  aussi  rapide- ment que  possible  le  mercure.  Le  jabot  s'étalait  et  en  même temps  se   gonflait.    On   aurait  pu  verser   du   mercure  jusqu'à 210  K.    HOUSSAY rupture,  mais  j'avais  soin  de  marquer  d'avance,  à  l'aide  d'une épingle  par  exemple,  l'orifice  supérieur  du  jabot,  parce  que  la turgescence  poursuivie  de  l'organe  aurait  fini  par  incorporer tout  l'oesopliage  dans  le  jabot  et,  aussitôt  que  le  mercure  attei- gnait ce  niveau,  je  cessais  de  verser. C'est  justement  le  moment  auquel  il  convient  de  s'arrêter qui  demeure  indécis  et  il  reste  \ine  part  d'ai)pré('iation  person- nelle inévitable.  Sans  exagérer  donc  l'importance  de  ces  dernières mesures  ni  leur  précision,  je  puis  dire  qu'en  opérant,  tant  que je  l'ai  pu,  dans  les  mêmes  conditions,  j'ai  obtenu  les  indications suivantes. La  jauge  au  mercure  du  jabot  soutenu  est  toujours  plus  grande que  la  jauge  à  l'eau  du  jabot  suspendît  ;  dans  les  mêmes  condi- tions pour  l'organe  le  résultat  était  évident  d'avance,  dans  des conditions  différentes  il  ne  l'était  pas.  L'écart  entre  les  deux mesures,  très  grand  dans  les  premières  générations,  s'atténue ensuite  pour  devenir  insignifiant.  Ceci  veut  dire  que  non  seule- ment le  jabot  se  réduit  mais  que  son  extensibilité  diminue  et nous  apprend  que  l'organe  ne  reste  pas  semblable  à  lui-même en  plus  petit.  Sa  structure  change. Les  glandes  de  l'oesophage  et  du  jabot  sont  considérées  comme ne  fournissant  qu'un  mucus  lubréfiant.  Toutefois  mon  élève Camoin  a  pu  démontrer  que,  chez  les  poules,  ces  glandes  pro- dui  ent  une  diastase  transformant  l'amidon  en  glucose  ;  il  a nettement  établi  ce  résultat  tant  par  des  nuicérations  de  jabots que  par  une  fistule  habilement  pratiquée.  Sur  une  poule  soumise au  régime  de  la  viande  depuis  18  mois,  Camoin  a  reconnu,  à l'aide  d'une  fistule,  que  la  sécrétion  du  jabot  n'intervertit  plus l'amidon  qu'avec  une  intensité  trois  fois  moindre  que  chez  les poules  granivores.  La  poide  en  (juestion  a  succombé  trop  t^t pour  permettre  de  voir  si,  par  contre,  la  production  glandulaue n'attaquerait  pas  les  albuminoïdes  ;  elle  s'est  montrée  sans  action sur  le  blanc  d'oeuf  dur.  Ce  résultat  négatif  n'est  pas  péremp- toire,  vu  la  résistance  particulière  de  cette  albumine  coagulée  et vu  les  commencements  manifestes  de  digestion  sur  la  viande VARIATIONS   EXPERIMTNTALES  211 crue  dont  je  trouvais  des  fragments  dans  le  jabot  des  nombreux sujets  que  j'ai  sacrifiés. Quant  au  gésier,  le  poids,  que  j'ai  pris  comme  signe  de  la variation,  s'est  considérablement  réduit.  On  s'en  rendait  compte du  reste  rien  qu'à  regarder  l'organe  ;  il  paraissait  vraiment moins  important  dans  l'ensemble  des  viscères  que  chez  les  poules normales.  Si  l'on  y  pratiquait  une  coupe  par  son  plus  grand plan  diamétral,  on  voyait  tout  de  suite  que  la  cavité  était  beau- coup moindre.  Le  revêtement  corné,  d'abord  très  épais  et  très dur,  devenait  de  moins  en  moins  résistant  et,  dans  les  dernières générations,  il  formait  une  simple  peau  qui  adhérait  à  peine aux  tissus  sous-jacents  et  ne  présentait  que  très  peu  de  dureté. Cependant,  sur  sa  tranche,  la  paroi  musculaire  a  montré  jusqu'au bout  la  même  épaisseur  absolue  ;  c'est-à-dire  que  tout  de  même elle  a  beaucoup  diminué  d'imijortance  dans  l'ensemble  de  l'or- ganisme, puisque  celui-ci  est  devenu  beaucoup  j^lus  gros.  Les muscles  d'ailleurs  s'étaient  plus  encore  réduits  eu  longueur. On  sait  que  les  oiseaux  granivores  ont  l'habitude  d'ingérer d'assez  volumineux  cailloux  qui  font,  sous  l'action  des  muscles du  gésier,  l'ofBce  de  mtmles  pour  triturer  les  graines.  Mes  ani- maux, placés  sur  un  sol  fait  de  sable  et  de  graviers,  ne  manquaient pas  à  cette  pratique.  A  la  première  génération  granivore,  les cailloux  recueillis  à  l'autopsie  étaient  à  peu  près  en  moyenne de  la  grosseur  d'un  pois  ou  d'un  haricot,  quelques-uns  même plus  gi'os.  Insensiblement,  les  cailloux  ingérés  diminuèrent, devinrent  plus  petits  et,  à  l'avant-dernière  et  à  la  dernière  géné- ration, on  ne  trouvait  plus  que  des  grains  de  sable,  gros  comme la  tête  d'une  épingle  ordinaire. Le  gésier  servait  donc  encore  d'estomac  triturant  pour  achever la  séparation  des  fibres  de  la  viande  ;  mais  ce  rôle  était  moins diflicile  que  dans  le  cas  des  graines,  exigeait  moins  d'eiïorts  et se  restreignait  de  lui-même.  J'aurais  pu,  en  plaçant  mes  ani- maux par  exemple  sur  un  sol  de  bitume  ou  d'asphalte,  empêcher totalement  l'ingestion  de  tout  corps  solide  et  obtenir  très  proba- blement une  plus  forte  réduction  du  gésier  ;  mais  je  n'ai  pas 212  F.    HOUSSAY voulu  les  obliger  à  agir  autrement  qu'ils  ne  l'eussent  fait  d'eux- mêmes  dans  la  nature.  Au  surplus,  la  vie  sur  un  sol  artificiel variatîons  expérimentales 213 eût  amené  des  modifications  particulières  sur  les  ongles  que  je tenais  à  observer  dans  les  conditions  normales. ■a  2 •3  1 ■2  S Ayant  pris  aussi  des  séries  de  pesées  sur  l'estomac  entier, c'est-à-dire  gésier  et  ventricule  succenturié  ensemble,  j'ai  obtenu 214  F.    HOUSSAY une  seconde  courbe  exactement  parallèle  à  celle  du  gésier  seul, c'est-à-dire  toujours  équidistante  de  celle-ci.  Cela  prouve  que le  ventricule  succenturié  apporte  à  toute  génération  un  poids relatif  constant,  qu'il  ne  varie  pas  en  poids  par  rapport  au  reste de  l'organisme. L'étude  de  la  variation  des  organes  par  les  courbes,  que  j'ai tracées  et  reproduites,  est  la  plus  claire  et  la  plus  démonstrative pour  certains  esprits,  pour  ceux  notamment  qui  ont  été  formés par  la  culture  mathématique.  D'autres  esprits,  non  pas  inférieurs mais  différents,  se  représentent  avec  peine  les  rapports  exacts entre  cette  symbolique  et  la  réalité  dont  elle  sort.  Ils  auraient plus  de  satisfaction  à  voir  la  série  même  des  pièces  anatomiques ou  tout  au  moins  à  en  examiner  des  dessins  fidèles.  La  repré- sentation par  dessins  il  est  vrai,  n'étant  que  la  projection  sur un  plan,  n'intéresse  que  deux  dimensions  des  organes  et,  pour ceux  en  particulier  dont  j'ai,  d'autre  part,  évalué  la  variation par  le  volume  ou  le  poids,  c'est-à-dire  par  trois  dimensions,  il peut  ne  pas  y  avoir  rigoureuse  concordance  entre  les  deux  sortes de  représentations.  En  outre  le  dessin  fait  sur  chaque  animal est  individuel  et  se  dégage  moins  des  accidents  personnels  que les  coiirbes  faites  avec  des  moyennes,  tout  au  moins  avec  celles d'un  couple. Néanmoins,  il  y  a  accord  dans  l'ensemble  et  comme,  au  sur- plus, l'examen  de  la  forme  est  du  plus  haut  intérêt,  j'ai  repré- senté la  variation  réalisée  par  une  série  de  dessins  (fig.  22,  23,  24 et  25). En  disséquant  chacun  des  animaux  en  expérience  j'avais  pris relativement  au  tube  digestif,  depuis  l'entrée  du  jabot  jusqu'au gésier  compris,  un  croquis  grandeur  nature  et  tout  à  fait  exact quant  aux  dimensions.  L'examen  ultérieur  et  la  comparaison de  tous  ces  dessins  montre,  avec  une  parfaite  netteté,  la  réduc- tion du  jabot  et  du  gésier  dont  nous  avons  parlé  ;  mais,  vu  la différence  de  taille  et  de  poids  des  divers  animaux,  elle  ne  permet pas  d'avoir  une  mesure  juste  du  phénomène. Le  régime  Carnivore  a  dans  l'ensemble  augmenté  le  poids. VARIATIONS    EXPERIMENTALES  215 comme  je  Tai  déjà  dit,  et  fait  croître  les  animaux.  Si  ce  résultat avait  été  le  seul,  s'il  y  avait  eu  simple  accroissement  homothé- tique  de  tous  les  organes,  saris  changement  de  la  forme  animale, les  réductions  de  tous  les  dessins,  elïectuées  proportionnellement aux  poids  des  animaux  correspondants,  devraient  toutes  coïn- cider, être  un  seul  dessin. Une  preuve  objective  peut  en  être  donnée  par  la  comparaison des  deux  poules  II„  et  III,,  de  la  génération  granivore  initiale. Elles  différaient,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,'non  seule- ment par  la  taille  mais  par  la  race  ;  elles  étaient  toutefois  de  la même  espèce  et  représentaient  le  même  complexe  organique défini.  A  la  fin  de  l'expérience  III.,  pesait  1917  grammes  et  11^ 1354  grammes  soit  29  %  de  moins.  En  augmentant  de  29  %  le dessin  exécuté  sur  II„  on  obtient  identiquement  le  même  gésier que  celui  de  III,,  grandeur  nature  (flg.  22  et  24). Si  les  dessins,  agrandis  ou  réduits  de  façon  à  correspondre à  un  animal  toujours  de  même  poids,  ne  sont  pas  identiques, leur  différence  traduira  exactement  le  déséquilibre  organique, c'est-à-dire  le  changement  de  forme. Des  changements  de  forme  définis  de  la  sorte  peuvent  être et  ont  été  constatés  entre  les  jeunes  et  les  adultes  de  la  même esiîèce,  ou  entre  les  mâles  et  les  femelles,  ou  entre  animaux  de même  type  mais  de  taille  très  différente  à  l'état  adulte,  comme le  sont  par  exemple  un  moineau  et  un  vautour  ou  mieux  encore un  chat  et  un  tigre.  Dans  le  cas  que  nous  envisageons,  il  s'agit d'adultes  de  la  même  espèce,  du  même  sexe  et  du  même  âge, lîi  différence  de  forme,  si  elle  existe,  résulte  donc  exclusivement de  la  différence  du  régime  alimentaire,  la  seule  variable  intro- duite. Examinons  d'abord  une  série  de  dessins  provenaût  des  femelles comprises  dans  des  couples  descendant  les  uns  des  autres.  Le tableau  suivant  donne  l'échelle  des  réductions  (signe  — )  ou  des accroissements  (signe  +)  qu'ont  subis  les  dessins  en  prenant pour  unité  le  poids  d'une  des  poules. 2d6 F.  HOUSSAY POULES POIDS  TOTAL VALEUR MODIFICATION AU  DESSIN IIIo 1917 1 0 III, 1959 1,02 -  2  % VU. 1905 0,99 !   1  % V11I3 2243 1,17 —  17  % V4 2465  • 1,28 —  28  % I5 2425 1,26 —  26  % Les  modifications  ci-dessus  ont  été  effectuées  avec  le  compas de  réduction,  dont  les  de^ix  branches  étaient  réglées  à  chaque opération  sur  une  échelle  divisée  en  millimètres.  Les  divers dessins  fixés  côte  à  côte  ont  ensuite  été  tous  uniformément réduits  par  la  photographie. La  série  de  la  figure  22  met  sous  les  yeux  d'une  manière  frap- pante la  réduction  organique  poursuivie  pendant  six  générations. Ce  procédé  d'évaluation  me  semble  rigoureusement  exact,  mais, pour  ceux  qui  en  douteraient,  ajoutons  qu'il  nous  donne  seule- ment une  mesure  plus  juste  du  phénomène  et  que  ce  dernier  appa- raîtrait sans  cela.  Par  exemple  les  organes  de  la  dernière  poule ont  été  réduits  de  26  %,  soit  environ  1/4;  si  même  ou  leur  rendait ce  quart,  encore  seraient-ils  bien  au-dessous  des  organes  de  la première  poule  qui  en  sont  presque  le  double.  Autrement  dit,  il  y a  non  seulement  réduction  relative,  mais  aussi  réduction  absolue. Nous  avons  fait  la  même  opération  pour  les  mâles  de  ces couples  suivant  le  tableau  ci-dessous  qui  rapporte  leurs  poids à  celui  de  la  poule  Illy  précédemment  choisie  pour  unité. MODIFICATION COQS POIDS  TOTAL VALEUR AU  DESSIN lo 2544 1,32 —  32  % I. 2458 1,28 —  28  % VI, 2905 1,51 -  51  % IV, 3100 1,61 —  61  % VIL 3650 1,90 —  90  % III5 3650 1,90 —  90  % Variations  expérimentales  217 La  série  des  figures  établit  toujours  la  même  suite  de  réduc- 3  .2 .g    ^ ■a   a 5     o a -a tions,  très  sensibles  dans  les  premières  générations,  moins  dans ARCU.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉ.N.  l\'   SÉRIE.  —  T.  VI.  —  (v). i6 218  F.   HOUSSAY les   suivantes  ;   c'est  une  représentation   concordante   avec   ce que  nous  avons  déjà  obtenu  par  le  tracé  des  courbes. La  comparaison  des  figures  22  et  23  montre  d'une  façon  sai- sissante la  faiblesse  relative  des  organes  alimentaires  chez  les mâles.  Ces  animaux  considérés,  ainsi  que  nous  l'avons  fait,  comme ne  pesant  pas  plus  qu'une  femelle  ont  un  tube  digestif  beaucoup plus  faible  que  celle-ci.  C'est  l'expression  d'un  cas  du  dimor- phisme  sexuel,  phénomène  dont  je  me  projiose  de  suivre  la variation  avec  le  régime  dans  un  autre  chapitre Fjq.  25.  Dessins  exécutés  d'après  nature,  puis  réduits  pour  correspondre  à  des  animaux de  même  poids,  chez  quatre  coqs  plus  ou  moins  malades. Les  couples  qui  se  sont  reproduits  cinq  générations  de  suite et  dont,  au  résumé,  la  stérilité  est  le  plus  tardivement  survenue sont  formés  des  animaux  qui  ont  le  mieux  résisté  à  l'intoxica- tion du  nouveau  régime,  qui  se  sont  le  mieux  prêtés  à  l'élimina- tion nécessaire,  qui  se  sont,  en  un  mot,  le  mieux  adaptés.  Leur variation  est  donc  la  plus  rapprochée  de  la  règle  et,  si  elle  s'écarte un  peu  de  celle-ci,  puisque  la  règle  exacte  serait  l'hyperbole équilatère  qu'ils  ne  suivent  pas  tout  à  fait,  ce  sont  eux  qui  s'en VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  âlÔ écartent  encore  le  moins.  C'est  une  nouvelle  raison  de  croire bien  établie  notre  loi  de  régression  que  de  voir  les  animaux  les plus  normaux  s'en  rapprocher  le  plus. Considérons  en  effet  une  série  de  six  autres  poules  apparte- nant aux  premières  générations  (flg.  24).  Voici  l'échelle  de réduction  des  dessins  : MODIFICATIONS POULES POIDS    TOTAL VALEUR AUX   DESSINS IIo 1354 0,71 +    29  % IIi 1907 0,99 +       1    % IL 1912 1 0 IV, 2014 1,05 -     5  0/^ III3 1900 0,99 +      1    % II3 1860 0,97 +      3   % Les  dessins  montrent  encore  une  réduction,  mais  moins  fran- chement poursuivie  que  dans  le  cas  précédent.  Ces  poules,  qui s'écartent  de  la  normale  par  une  stérilité  plus  précoce,  s'en écartent  aussi  par  une  moindre  réduction  relative  du  gésier  et du  Jabot.  Ceci  tient  à  ce  que,  étant  plus  intoxiquées  que  les autres,  leur  poids  a  faibli  davantage  et  se  trouve  moins  près de  ce  qu'il  devrait  être  ;  par  suite  les  rapports  des  organes  aux ])oids  deviennent  trop  forts  dans  les  dernières  générations. Puisqu'il  s'agit  d'arguments  détaillés  pour  renforcer  la  con- clusion par  laquelle  nous  avons  légitimé  l'hyperbole  équilatère comme  expression  de  la  loi  de  réduction  organique  dans  l'adap- tation, je  vais  encore  mettre  sous  les  yeux  les  organes  digestifs de  quatre  coqs  empruntés  à  trois  générations  successives. Les  dessins  (fig.  25)  sont  à  l'échelle  de  réduction  suivante  : COQS POIDS    TOTAL VALEUR MODIFICATIONS AUX    DESSINS h II4 2800 2700 2735 2127 1,46 1,41 1,42 1,11 —  46  % -  41  % —  42  % -  11  % â2Ô  F.  HOUSSAY Ces  coqs  sont  parvenus  à  l'état  adulte,  ont  parcouru  leur année  de  vie  presque  entière,  manifestement  toutefois  leurs poids  sont  trop  faibles.  C'est  l'explication  de  la  série  paradoxale de  leurs  dessins  qui  montre  un  accroissement  du  tube  digestif sous  l'influence  du  régime  carné.  Tel  est  en  eiïet  le  fait  brut,  il demande  une  interprétation  et  une  critique. En  examinant  les  notes  individuelles  de  ces  animaux  on trouve  : I,  :  normal. I3  :  mort  spontanément  le  17  octobre  1903,  après  un  jour  de malaise,  péritonite  tuberculeuse,  tubercules  dans  le  foie,  tumeur d'un  testicule,  etc.. II4  :  sacrifié  le  11  mars  1904  —  tuberculose  intestinale  avec envahissement  du  mésentère,  trois  petits  tubercules  dans  le poumon  —  castration  parasitaire  (deux  testicules  =  1  gr.  9)  — obstruction  intestinale  et  dilatation  consécutive  du  jabot,  etc.. I^  :  sacrifié  le  31  mai  1904.  —  Obstruction  intestinale,  trou- bles nerveux,  péritoine  épais,  résistant,  fibreux,  pleine  activité génitale  (testicules  40  gr.  75)  —  début  de  tuberculose  qui  a peut-être  déjà  envahi  les  centres  nerveux. La  faiblesse  des  poids  n'est  pas  douteuse  non  plus  que  sa cause  ;  de  là  vient  une  moindre  réduction  relative  des  organes digestifs.  Il  est  en  eiïet  visible  que,  dans  —  c  est    P     qui     est trop  faible  et  qui  donne  au  rapport  une  valeur  trop  grande. C'est  la  cause  même  que  j'ai  invoquée  dès  le  début  et  que  je répète.  Si  la  réduction  ne  suit  pas  pour  finir  la  marche  indiquée par  son  commencement,  c'est  que  le  poids  ne  croît  plus  assez, tantôt  brutalement  comme  dans  les  cas  de  maladies  avérées, tantôt  insidieusement  par  l'auto-intoxication  du  régime  qui montre  par  ailleurs  tant  d'autres  manifestations Les  indications  convenablement  critiquées  de  ces  vingt-deux animaux  nous  conduisent  donc  toutes  au  même  terme  ;  elles sont  aussi  instructives  et  même  plus  que  celles  d'une  adaptation qui  se  fût  poursuivie  sans  arrêt.  Les  autres  animaux  observés VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  221 sont  morts  ou  trop  jeunes,  ou  trop  manifestement  malades  pour qu'il  soit  utile  de  mettre  leurs  organes  en  parallèle  avee  les autres. CHAPITRE  VI VARIATIONS    DU    CŒUR,    DU    SANG ET  DES  GLOBULES  SANGUINS Sommaire.  —  Les  variations  du  cœur  et  de  la  quantité  de  sang  sont  peu  appréciables.  — Courbes  de  ces  variations.  —  Numération  de  globules  dans  une  génération  granivore et  une  Carnivore.  —  Variations  de  ces  nombres  au  cours  de  la  vie.  —  Construction  de courbes  comparatives  pour  les  mâles.  —  Les  mêmes  courbes  pour  les  femelles  groupées en  deux  races.  —  Courbes  rythmiques  à  deux  dépressions.  —  Etude  du  rapport  de  ce  phé- nomène avec  l'activité  génitale.  —  Le  régime  carné  combat  efficacement  l'anémie  résul- tant de  la  dépense  génitale  mâle.  —  Comparaison  du  rythme  de  l'anémie  et  du  rythme de  la  ponte.  —  L'anémie  correspond  à  la  préparation  des  œufs  et  non  à  leur  émission. —  Le  régime  carné  tend  à.  rendre  les  deux  phénomènes  contemporains,  c'est-à-dire  à accélérer  la  ponte. Le  cœur  étant  un  des  organes  sur  lesquels  le  dimorphisme sexuel  s'accuse  avec  le  plus  d'importance  et  la  quantité  de sang  étant  dans  le  même  cas,  il  est  absolument  nécessaire  de n'instituer  à  leur  égard  de  comparaisons  que  dans  des  couples successifs,  pour  chacun  desquels  on  prend  la  moyenne  des  valeurs chez  le  mâle  et  chez  la  femelle. La  quantité  de  sang  a  été  évaluée  de  la  façon  suivante  :  les animaux  ont  toujours  été  sacrifiés  par  saignée  pratiquée  eu sectionnant,  suivant  l'usage  banal,  les  veines  du  palais  et  de l'arrière-bouche  ;  le  sang  était  recueilli  dans  une  capsule  de  por- celaine de  poids  connu  et  pesé  aussitôt. Le  cœur  était  pesé  seul,  c'est-à-dire  débarrassé  des  gros  troncs artériels  et  veineux,  coupés  dès  leur  naissance,  ainsi  que  de  la graisse  qui  s'accumule  facilement  dans  le  sillon  entre  les  oreil- lettes et  les  ventricules. Les  résultats  de  ces  diverses  mesures  rapportées  à  cent  grammes de  poids  total  avant  la  mue  sont  rassemblés  ci-dessous  : 222  F.    HOUSSAY GÉNÉBATIONS  SANG  CŒUR Po 3,59  0,43 P, 3,90  0,46 P, 3,63  0,42 P, 3,87  0,37 Pj 4,31  0,43 P, 4,31  0,40 La  courbe  exprimant  cette  variation  est  construite  de  la  façon suivante.  Le  temps  est  porté  en  abscisses  en  comptant  25  '"^ pour  la  durée  d'une  génération  et,  sur  les  ordonnées,  on compte  1  '"/  -pshv  décigramme  de  sang  pour  cent  grammes  de poids  total  et  1  %  par  centigramme  de  cœur  dans  les  mêmes conditions.  La  variation  de  ce  dernier  organe  est  donc  figurée par  une  échelle  verticale  dix  fois  plus  grande  que  celle  du  sang, dans  le  seul  but  pratique  de  rendre  les  deux  variations  également visibles. \ (K> - «• - S -1*0 :: 1 — -1 — ■ — . -'<sr^=^' iC 30 - îo - 10 - 0 p r  0 R P. P3 P. p. FlG.  26.  Courbes  de  la  variation  du  sang  et.  du  cœur  dans  les  f^énérations  successives. Rapports  du  poids  à  100  gr.  du  poids  total. L'examen  des  courbes  montre  qu'il  n'y  a  aucun  changement dont  on  puisse  faire  état  avec  certitude.  Si  même  on  observe que  les  derniers  rapports  devraient  être  un  peu  baissés,  comme je  l'ai  longuement  expliqué  précédemment,  on  trouve  que  la quantité  de  sang  est  demeurée  tout  à  fait  constante,  tandis  que le  poids  du  cœur  a  subi  une  petite  baisse  ;  celle-ci  est  bien  nette mais  trop  faible  pour  que  l'on  puisse  y  attacher  une  grande importance. VARIATIONS   EXPERIMENTALES 223 Après  avoir  enregistré  cette  constance  qui  n'est  pas  sans  intérêt, il  faut,  à  l'égard  du  sang,  relever  d'autres  observations  qui  sont fort  curieuses. Pendant  les  deux  premières  générations,  j'ai  effectué,  environ chaque  quinzaine,  un  comptage  de  globules  sur  une  goutte  de sang,  prise  par  piqûre  à  la  crête  des  animaux.  Voici  d'abord  les données  numériques  relevées  avec  le  compte-globules  Malassez  ; elles  s'entendent  par  centimètre  cube  de  sang  à  la  condition d'ajouter  quatre  zéros  à  la  droite  de  chacun  des  nombres  ins- crits dans  les  colonnes  de  notre  tableau. DATES 31  déc.        1900 7  janvier   1901 14  — 21  — 28  — 4  février 11  — 18  — 25  — 4  Mars 18  — 1"  avril 15  — 29  — 15  mai 3  juin 8  juillet 2  septembre 26  — 2  novembre Totaux  . Moyennes .  . Jours de vie 160 167 174 181 188 195 202 209 216 223 237 251 265 279 295 314 349 405 429 465 coq 304 226 342 441 370 327 389 399 334 280 352 264 289 349 304 299 160 247 342 250 183 151 3.466.666  2.586.666 111,1 349 242 163 287 306 265 217 218 couve 218 382 251 II coq 205 265 245 289 325 333 287 350 402 365 433 323 421 4.243 296 352 314 283 265 240 210 168 287 178 249 230 304 301 204 252 204 170 216 294 276 213 328 178 319 2.506.923 Tout  d'abord,  si  l'on  se  borne  à  considérer  les  totaux  et  les moyennes,  ces  dernières  obtenues  en  divisant  chaque  total  par le  nombre  des  opérations  qui  l'ont  fourni,  on  remarque  que  les animaux  nourris  au  grain  ont  tous  régTiIièrement  un  sang  plus riche  en  globules  que  les  animaux  nourris  à  la  viande,  à  la  con- dition seule  de  comparer  entre  eux  les  mâles  et  entre  elles  les 224 F.   HOUSSAY femelles.  Ce  résultat  est  de  quelque  intérêt,  mais  il  est  difficile de  s'en  contenter. Le  nombre  des  globules  sanguins  est,  en  effet,  bien  loin  d'être une  donnée  constante  pour  chaque  animal  dans  le  cours  d'une vie  ;  il  peut  même  varier  plus  que  du  simple  au  double,  si  l'on considère  les  nombres  extrêmes.  Chaque  animal  subit  une  alter- nance d'anémies  et  d'hyperhémies  relatives.  Les  oscillations que  nous  apercevons  sont-elles  dues  au  hasard,  c'est-à-dire  à des  causes  complexes  qui  doivent  nous  demeurer  inconnues, ou  bien  suivent-elles  un  rythme  commun  avec  quelqu'une  des grandes  manifestations  physiologiques  de  l'état  adulte  ?  —  avec la  ponte,  notamment,  qui,  elle  aussi,  subit  des  fluctuations. Pour  le  savoir,  j'ai  construit  les  courbes  des  variations  dans  le nombre  des  globules  sanguins. ^^°  3S0  4ç, Fia.  27.  Variation  dans  le  nombre  des  globules  sanguins,  au  cours  d'une  année  de  vie chez  deux  coqs,  l'un  granivore,  l'autre  Carnivore. Je  prends  pour  abscisses    les    temps  à  raison  de  1    X  pour deux  jours  de  vie  et  pour    ordonnées    le  nombre  des  globules VARIATIONS    EXPERIMENTALES 225 (sans  les  quatre  zéros)  à  raison  dt^  1  "„;  pour  quatre  unités,  par exemple  une  ordonnée  de  60  %  correspond  au  nombre  240 pour  les  globules  ou  à  2.400.000  globules  par  centimètre  cube de  sang. ISo  ^^0  ^^° FiG.  28.  Variation  dans  le  nombre  des  globules  sanguins,  au  cours  d'une  année  de  vie. chez  deux  poules,  groupées  d'après  les  qualités  de  race  ;  ce  groupe  contenant  un  animal granivore  II lo  et  un  Carnivore  IIli. En  construisant  ces  courbes  on  fait  de  suite  plusieurs  remar- ques : lo  —  D'abord  il  y  a  des  oscillations  de  détail  et  des  oscilla- tions d'ensemble.  Pour  conserver  les  unes  et  les  autres,  toutes les  courbes  comprennent  des  traits  pleins  joignant  directement les  divers  points  obtenus,  puis  des  traits  interrompus  qui  réu- nissent, en  suivant  la  continuité,  les  minima  et  les  maxima  des tracés  précédents.  Chaque  courbe  fournit  deux  de  ces  lignes en  traits  interrompus  ;  elles  enferment  une  surface  plane  qui a  été  couverte  de  hachures  horizontales  s'il  s'agit  d'un  animal Carnivore,  verticales  s'il  s'agit  d'un  granivore.  Les  ondulations 226 F.   HOUSSAY de  la  surface  représenteut  les  oscillations  générales  de  l'anémie et  de  l'hyperhémie. 20  —  On  s'aperçoit  encore  que  les  courbes  relatives  aux mâles  et  celles  relatives  aux  femelles  ont  des  allures  très  diffé- reutey.  La  figure  27  représente  les  courbes  des  deux  mâles mises  à  part. 3  —  Parmi  les  quatre  femelles  les  courbes  se  groupent  deux à  deux,  non  d'après  un  même  régime  mais  d'après  les  caractères de  race  que  nous  avons  signalés  dès  le  début  (1).  D'oii  une figure  (fig.  29)  pour  la  variation  des  globules  sanguins  chez  IIq et  II,  et  une  autre  pour  111^  et  III,  (fig.  28). f7o| . î« - hh 4(* - Me !iLC - fSg  ,    .^<jb 5;;  1' K. - nx ,                1 1.0. - — ^ .    1 iï» - J«  ^                     30%,   \ ?6< - 1                            1   ' %U /-fl^JjTi. ■:    aÛ ii« - - E7 mn-lf| - ''=^=;4 V    1 ')• r— V #     ^^ Ko . ' W          ^ '4. ■ Il» ■ %<, r.o tu - Ml 4/(.  ,    (.'fi Fig.  29.  Variation  dans  le  nombre  des  globules  sanguins,  au  cours  d'une  année  d-^  vie, chez  deux  poules  groupées  d'après  les  qualités  de  race  ;  ce  groupe  contient  un  animal granivore  II o  et  un  Carnivore  lli. 40  —  Enfin,  ces  courbes,  malgré  leurs  dissemblances  de détail,  offrent  toutes  le  caractère  commun  d'être  des  courbes à  deux  vallées,  c'est-à-dire  qu'elles  présentent  deux  minima  m, et  w.,  séparés  par  un  maximum  M,.  Avant  de  se  creuser  en  la première  vallée  m,,  elles  ont  toutes  un  premier  maximum  M,,. (1)  Voir  p.  167. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  227 Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  nous  voyons  ainsi  la  vie annuelle  d'une  poule  manifester  un  rythme  oscillatoire  à  deux ondes  ;  nous  l'avons  déjà  remarqué  à  propos  de  l'excrétion  des produits  azotés  solubles  ;  nous  le  verrons  plus  tard  pour  la ponte.  Essayons  d'analyser  d'un  peu  près  la  manifestation  qui s'offre  actuellement  à  nous,  celle  relative  à  la  richesse  du  sang  en hématies  et,  pour  cela,  examinons  d'abord  les  courbes  des  mâles. Elles  sont  aussi  à  deux  vallées  avec  deux  maxima  M^  et  M, et  deux  minima  w,  et  m^.  Le  premier  maximum  marque  l'ar- rivée en  santé  à  l'état  adulte,  avant  toute  activité  génitale  et il  est  important  de  constater  que,  chez  le  coq  nourri  au  grain,  ce maximum  est  à  la  fois  plus  précoce  et  plus  élevé  que  pour  le coq  nourri  à  la  viande. Cependant  suivons  individuellement  chacun  des  deux  ani- maux et  commençons  par  le  granivore  !„.  Les  diverses  fonctions ayant  les  unes  sur  les  autres  un  profond  retentissement,  nous sommes  obligés  d'anticiper  ici  sur  la  question  de  la  ponte,  que nous  traiterons  plus  au  long,  chapitre  VII,  p.  233,  en  donnant les  courbes  relatives  à  cette  fonction. Le  premier  maximum  Mo  a  lieu  au  209®  jour.  Or  les  deux poules  qui  sont  avec  le  coq  I^  ont  commencé  à  pondre  :  IIo,  le 184^  jour  et  III^  le  247^  jour.  La  date  du  maximum  en  question correspond  donc  au  début  de  l'activité  génitale,  époque  à  par- tir de  laquelle  l'exercice  de  la  fonction  va  faire  baisser  cons- tamment le  nombre  des  globules  chez  le  mâle.  Ce  nombre  atteint un  premier  minimum  m,  au  252^  jour,  moment  auquel  le  coq féconde  pleinement  ses  deux  poules,  dont  le  premier  maximum de  ponte  est  le  290®  jour. Après  cela,  l'anémie  cesse  peu  à  peu  et  l'amélioration  maxima M,  a  lieu  au  318®  jour  qui  correspond  à  un  répit  génital,  dû  à  la mise  en  incubation  d'une  des  poules  (IIIo)  et  à  la  baisse  homo- logue dans  la  ponte  de  l'autre  (Ho). Enfin,  nouvelle  baisse  et  nouveau  minimum  au  426®  jour  cor- respondant au  deuxième  maximum  dans  la  ponte  des  deux femelles  atteint  le  420®  jour. 228  F.  HOUSSAY Il  n'est  donc  pas  douteux  que,  chez  le  coq,  l'oscillation  de l'anémie  et  de  l'hyperliéinie  ne  suive  la  suractivité  ou  le  repos génital. Voyons  maintenant  le  deuxième  mâle,  I,.  Sa  courbe  est  aussi à  deux  vallées  ou  à  deux  flexions,  mais  son  allure  générale  est en  remontant  tandis  que  la  précédente  allait  en  baissant.  Donc, si  ce  coq  Carnivore  ressent  encore  l'anémie  de  la  suractivité génitale,  c'est  à  un  moindre  degré  :  le  régime  carné  est  plus favorable  que  le  régime  des  grains  pour  combattre  cette  dépres- sion précise.  Le  régime  de  la  viande  paraît  supérieur  pour  réagir contre  la  fatigue  organique,  spécialement  l'anémie,  provenant  de la  suractivité  génitale  chez  le  mâle. Est-il  encore  vrai  que  les  maxima  et  les  minima  même  légers de  cette  courbe  ascendante  traduisent  les  variations  de  la  fonc- tion génitale  ? Le  maximum  M^  est  au  239^,  jour  suivant  de  près  l'établis- sement de  la  ponte  chez  les  femelles  (202^  et  218®  jours).  Un premier  minimum  m^  assez  faible  apparaît  au  262^  jour  quand les  deux  poules  à  la  fois  pondent  régulièrement,  le  maximum de  leur  ponte  étant  au  300^  jour.  La  courbe  de  globules  du  coq traverse  un  nouveau  maximum  M,  le  369^  jour,  accusant  un répit  de  la  fonction  qui  coïncide  exactement  avec  le  minimum de  ponte  chez  les  femelles  inscrit  le  370^  jour.  Enfin  un  deuxième minimum  w,,  assez  peu  marqué  d'ailleurs,  survient  au  440^  jour et  tombe  dans  la  seconde  reprise  de  ponte,  du  370^  au  470^  jour, avec  maximum  au  390^  jour. Si  nous  examinons  maintenant  les  courbes  des  femelles, groupées  deux  par  deux  suivant  les  affinités  de  race  (fig.  28  et  29), nous  y  constatons  d'abord,  en  tous  cas,  les  deux  vallées  comme nous  l'avons  déjà  dit.  Nous  pouvons  voir  en  plus  dans  chaque groupe  que  le  régime  carné  repousse  dans  le  temps  les  points  w, et  M,  et  avance  m,  ;  autrement  dit,  il  concentre  les  phénomènes dans  une  plus  brève  durée. Mais  quel  rapport  tout  cela  peut-il  avoir  avec  la  ponte  i  J'ai eu  les  plus  grandes  difficultés  pour  trouver  une  relation  quel- VARÎATÎONS  EXPÉRIMENTALES 22^ conque  et  je  finissais  par  croire  qu'il  n'y  en  avait  aucune,  quand j'ai  enfin  reconnu  dans  les  phénomènes  une  certaine  sériation qu'il  est  intéressant  de  signaler. Les  courbes  de  ponte  que  je  donne  au  chapitre  VII  sont  faites avec  les  moyennes  de  toutes  les  poules  vivant  avec  un  même coq  ;  j'ai  dii  construire  des  courbes  individuelles  pour  les  quatre femelles  étudiées  ici,  puisque  j'avais  des  courbes  individuelles pour  la  variation  des  globules.  Ces  courbes  individuelles  de ponte  ressemblent  fort  aux  courbes  moyennes,  aussi  n'est-il pas  utile  de  les  reproduire  ;  prenons  simplement  note  de  leurs points  remarquables. FEMELLES IIIo IIIl II„ II, DEBUT    DE LA  PONTE 250e  jour 210e  — 190e  — 220e   — MAXIMUM 290"  jour sio*-  — 290e  — 305e  — MINIMUM (Incubât.) 370e  jovu- 360e  — 380e  — 360e   _ MAXIMUM 420e  jour 390e  — 420e    — 390e    — FIN   DE LA  PONTE 480e  jour 470e  — 480e  — 470e  — Pour  comparer  entre  elles  les  courbes  de  pontes  et  les  courbes de  globules,  il  faut  simplifier  les  données  trop  abondantes  du problème  et  retenir  seulement  qu'il  s'agit  de  deux  phénomènes oscillatoires  dont  nous  voulons  confronter  les  rythmes.  A  cet effet  il  convient  de  conserver  rigoureusement  les  rythmes,  c'est- à-dire  de  pointer  exactement  en  abscisses  les  temps  auxquels surviennent  les  divers  maxima  et  minima  dans  les  deux  cas. Mais  il  n'est  aucunement  utile  de  conserver  les  amplitudes  des oscillations,  puisqu'il  s'agit  de  deux  phénomènes  différents,  la ponte  et  le  nombre  de  globules,  qui  ne  sont  pas  comparables  en gi'andeur.  Nous  simplifierons  singulièrement  les  tracés  et  les rendrons  plus  lisibles  en  adoptant  une  amplitude  constante, c'est-à-dire  en  mettant,  pour  chaque  poule,  tous  les  minima  de ponte  ou  de  globules  sur  une  même  ligne  horizontale  et  tous les  maxima  de  ponte  et  de  globules  sur  une  autre  ligne.  Cela fait,  nous  joindrons  entre  eux  les  maxima  et  les  minima  de  ponte et  entre  eux  les  maxima  et  les  minima  de  globules.  Nous  aurons 230 F.   HOUSSAY !5o  3To iSo II, 5So FiQ.  30.  Comparaison  chez  quatre  poules,  deux  granivores  et  deux  carnivores,  des  rythmes de  la  ponte  —  et  de  l'anémie VARIATIONS  EXPERIMENTALES  ^31 alors  deux  coiirbes  dont  les  rythmes  oscillatoires  seront  faciles à  confronter. La  figure  30  représente  ces  diverses  opérations  graphiques faites  successivement  sur  les  quatre  femelles  ;  les  courbes  en traits  pleins  figurent  les  oscillations  de  la  ponte,  les  courbes en  traits  interrompus,  celles  de  la  richesse  du  sang  en  hématies. Il  faut,  en  premier  lieu,  remarquer  sur  la  série  qui  va  de  haut en  bas  dans  notre  dessin,  que  les  deux  courbes  sont  d'abord successives,  c'est-à-dire  représentent  des  oscillations  semblables qui  se  suivent  dans  le  temps  ;  puis  que,  par  recul  de  la  courbe des  globules  dans  le  temps,  équivalant  à  un  déplacement vers  la  droite,  en  même  temps  que  par  avancement  de  la  ponte et  par  déplacement  de  sa  courbe  vers  la  gauche,  les  deux  tracés finissent  par  empiéter  l'un  sur  l'autre,  de  telle  sorte  qu'enfin les  minima  d'une  courbe  correspondent  aux  maxima  de  l'autre. Si  Ton  considère  comme  expression  de  la  ponte  l'émission des  œufs,  phénomène  que  nous  avons  suivi  et  mesuré,  les  rap- ports de  l'anémie  et  de  la  ponte  semblent  d'après  ces  courbes incertains  et  contradictoires.  La  contradiction  disparaîtrait  si l'on  cherchait  une  concordance  entre  la  richesse  en  globules  et la  préparation  des  œufs,  large  diiïérenciation  qui  représente pour  l'organisme  le  vrai  travail,  l'expulsion  de  l'œuf  n'étant plus  que  la  terminaison  plus  ou  moins  prompte  d'un  événement alors  accompli  dans  son  principal. Un  fait  de  connaissance  banale  nous  dirige  vers  cette  inter- prétation. Les  aviculteurs  et  les  fermières  savent  qu'une  poule annonce  sa  ponte,  plus  ou  moins  prochaine,  par  la  rougeur  des ouïes  et  de  la  crête  ;  c'est  l'hyperglobulie  qui  se  traduit  par notre  maximum  M„.  Dans  la  race  à  laquelle  appartient  III,,  cette rougeur  prémonitrice  précède  de  beaucoup  l'émission  du  premier œuf,  elle  le  précède  de  85  jours,  c'est-à-dire  de  près  de  trois mois.  Dans  la  race  de  II,  (issue  de  Houdan)  la  rougeur  et  le début  de  la  ponte  sont  des  phénomènes  presque  contemporains  ; cette  race  est  considérée  comme  bonne  pondeuse.  Observons même  que  pour  III^,  une  deuxième  rougeur,  presque   contem- â3^  F.  HOUSSAY poraine  du  premier  œuf,  a  le  temps  de  se  manifester  ;  c'est elle  qui  passe  banalement  pour  prémonitrice  du  premier  œuf, elle  correspond  en  réalité  à  la  préparation  de  la  seconde  ponte pendant  que  s'effectue  la  première. Si  maintenant  nous  envisageons  l'hypothèse  que  l'hyper- globulie,  phénomène  important,  correspond  en  tous  cas  au début  du  travail  de  la  différenciation  des  œufs  et  l'anémie consécutive  à  la  réalisation  de  ce  travail  organique,  nous  serons conduits  à  penser  que  dans  le  type  Ho  il  y  a  émission  sans  retard, au  fur  et  à  mesure  de  la  différenciation,  c'est  en  cela  que  con- siste le  fait  d'être  bonne  pondeuse,  tandis  que  dans  le  type  IHo il  y  a  une  sorte  de  mise  en  charge  dans  l'ovaire,  une  différen- ciation étendue  avant  le  départ  du  premier  œuf. Chaque  section  de  ponte  ascendante  reflète  une  différencia- tion, antérieure  ou  contemporaine,  avec  section  descendante  dans la  courbe  des  globules.  Le  régime  de  la  viande  a  pour  effet, dans  chaque  race,  de  rapprocher  dans  le  temps  les  deux  sections correspondantes,  de  rendre  contemporain  ce  qui  était  suc- cessif, de  réduire  la  mise  en  charge,  d'activer  en  un  mot  la fabrication  des  albuminoïdes  et  de  supprimer  pour  ces  sub- stances une  longue  élaboration  avec  production  de  réserves durables. Il  est,  semble-t-il,  fort  intéressant  de  suivre  ainsi  le  retentis- sement profond  du  changement  de  régime  sur  toutes  les  fonc- tions ;  on  en  retire  cette  conséquence  de  la  dépendance  étroite, intime,  de  l'organisme  et  du  monde  ambiant.  Et  la  modifica- tion dans  le  travail  ovarien  ne  peut  être  évidemment  sans atteindre  aussi  le  résultat  même  de  ce  travail,  c'est-à-dire  la substance  de  l'œuf. CHAPITRE  VII VARIATIONS   DE  LA   PONTE Sommaire.  —  Importance  de  la  ponte  comme  fait  biologique.  —  Variations  clans  le  nombre et  dans  le  poids  des  œufs.  —  Grand  accroissement  suivi  de  baisse.  —  Œufs  à  deux  jaunes, œufs  sans  coquille.  —  Accroissement  de  leur  fréquence.  —  Poules  mangeuses  d'œufs.  — Développement  progressif  de  l'instinct  germicide.  —  Vitesse  de  ponte  à  chaque  généra- tion. —  Distinction  de  deux  pontes  successives  chez  les  poules.  —  Le  régime  carné  accroît la  seconde  ponte.  —  Variations  dans  l'importance  des  mues.  —  Parallélisme  avec  la variation  hépatique  et  rénale. La  ponte,  fort  abondante  chez  les  Gallinacés  sauvages,  est devenue,  chez  la  poule  domestique,  tellement  considérable qu'elle  représente  une  fabrication  d'albuminoïdes  de  trois  à six  fois  plus  importante  que  celle  à  laquelle  l'animal  doit  pour- voir pour  la  construction  de  son  propre  corps. C'est  donc  une  fonction  capitale  dont  l'étude  détaillée  s'im- pose. J'ai  pris  soin  de  faire  recueillir  tous  les  œufs  pondus  et de  les  faire  peser  le  jour  même  de  la  ponte  ;  l'œuf,  en  effet,  subit ensuite  et  sans  doute  par  évaporation  une  perte  de  poids  qui peut  aller  jusqu'à  plusieurs  grammes.  Les  oeufs  pondus  ont été  ainsi  presque  tous  directement  pesés.  Pour  quelques-uns, cependant,  cela  n'a  pas  été  possible,  soit  parce  qu'ils  étaient pondus  sans  coquille,  soit  parce  que,  malgré  les  précautions prises,  ils  étaient  mangés  par  les  poules. On  verra  à  l'appendice  le  décompte  exact  de  ces  cas  ;  j'ai attribué  à  chacun  des  œufs  écrasés  ou  mangés  et  reconnu  à  ses débris,  le  poids  moyen  de  l'œuf  à  la  génération  courante,  cal- culé à  la  fin  de  la  saison.  L'erreur,  s'il  peut  en  résulter  de  ce fait,  est  parfaitement  insignifiante. Je  réunis  en  tableaux  les  nombres  et  les  poids  d'œufs  pro- duits en  distinguant  les  descendantes  des  deux  premières  poules mises  en  expérience. ABCH.    DE   ZOOb.    EXP.    ET   GÈS.   —    4°  SÉHIE     T.    VI.    (v).  I7 234 F.  HOUSSAY NOMBRE NOMBRE POIDS POIDS POIDS POULES DES   ŒUFS I)ar MOYEN des DE  LA  PONTE MOYEN  DE MOYEN POULE ŒUFS PAR  POULE LA    PONTE DE   l'œuf IIo 127 127 6k.  671 6  k.  671 52  gr.  5 II, 176 176 10        195 10        195 57          9 II. 163 10       529 IV., 164 163.5 9      965 10       247 62         5 II..  (1) 139 7       616 III3 151 146 9       614 8          615 59          4 Le  second  tableau  est  relatif  à  la  descendance  de  III,,,  moins bonne  pondeuse,  mais  dont  la  race  s'est  perpétuée  plus  long- temps. POULES NOMBRE     DES ŒUFS POIDS   DES ŒUFS POIDS    MOYEN DE    l'œuf IIIo  (2) 67 4  k .  049 60  gr.   4 III, 121 7         154 59           1 VII, 174 10        270 59           » VIII, 145 8        048 55           5 V4 122 8        432 69           1 I5 96 6         101 63           5 L'examen  de  ces  tableaux  fait  voir  que  dans  tous  les  cas le  changement  de  régime  a  beaucoup  augmenté  la  production des  œufs  tant  pour  le  nombre  de  ceux-ci  que  pour  le  poids  pro- duit. Il  s'agit,  je  le  répète,  de  poules  dans  leur  première  année et  les  nombres  d'œufs  pondus  sont,  dans  ces  conditions,  très élevés.  A  la  vérité,  cet  accroissement  ne  continue  pas  longtemps avec  la  même  vitesse.  Pour  la  série  II„  une  décroissance  se  mani- feste dès  la  seconde  génération  Carnivore  et  pour  la  série  IIIo dès  la  troisième.  Le  résultat  total  reste  toujours  supérieur  à celui  que  produisent  les  poules  granivores,  mais  la  prolongation du  régime  n'amène  pas  une  amélioration  indéfiniment  pour- suivie, au  contraire,  il  y  a  un  maximum  vite  atteint. (1)  La  poule  11^  a  couvé. (2)  La  poule  IIIo  a  couvé. Variations  expérimentales 235 Les  deux   courbes  ci-jointes  rendent  sensible  la  marche  du phénomène. Po  P.  Pi  Pi  P^  Ps FiG.  31.  Variations  en  nombre  et  en  poids  des  œufs  produits dans  les  générations  successives. On  conçoit  que  cette  indication  présente  un  intérêt  pratique considérable  et,  dès  leur  publication,  mes  premiers  résultats furent  mentionnés  et  commentés  par  tous  les  journaux  agri- coles. J'avais  fait  notamment  remarquer  que  le  goût  des  œufs ne  semblait  pas  modifié  d'une  façon  sensible  non  plus  que  celui de  la  chair  des  animaux  en  expérience.  Il  en  serait  tout  autre- ment, paraît-il,  relativement  à  la  chair  et  aux  œufs  de  poules nourries  avec  les  débris  d'équarrissage.  Cela,  je  le  crois  sans peine,  eu  égard  à  la  toxicité  spéciale  et  bien  connue  de  la  viande de  cheval,  et  surtout  de  vieux  cheval,  et  encore  après  que  les débris  ont  fermenté  un  temps  plus  ou  moins  long  avant  d'être absorbés  par  les  poules.  Je  me  suis  placé  dans  le  cas  tout  diffé- rent où  mes  animaux  ont  reçu  chaque  jour  des  débris  de  viande de  boucherie  fraîche  et  je  parle  de  ce  cas  seulement. Maintenant,  même  dans  ce  cas,  s'il  est  parfaitement  juste que  les  œufs  ne  m'avaient  révélé  aucun  goût  particulier  dans les  premières  générations  et  jusqu'à  la  troisième,  cela  n'était plus  exact  pour  les  dernières  et  l'on  percevait  un  léger  goût difficile  à  définir  mais  que  l'on  pourrait  traduire  x>ar  l'expression ((  un  goût  fort  ». 236  F.  HOUSSAY Le  «  goût  fort  »  est  l'épitliète  que  l'on  appliquerait  aussi  au fromage,  au  beurre  rance,  au  gibier,  etc.,  d'une  façon  générale à  tout  objet  fermenté  et  riche  en  toxines.  Les  œufs  auraient donc  fini  par  participer  à  l'intoxication  organique.  D'autres preuves  en  seront  données  au  chapitre  suivant. En  résumé,  la  pratique  usitée  par  les  aviculteurs  de  donner aux  poules  de  la  poudre  de  viande  pour  les  faire  pondre  est parfaitement  justifiée  ;  on  pourrait  même  aller,  toute  question d'économie  à  part,  jusqu'à  les  nourrir  exclusivement  ainsi.  Mais il  n'y  a  pas  intérêt  à  continuer  le  «  forçage  »  plusieurs  généra- tions de  suite  et  il  vaut  mieux  prendre  comme  pondeuses  pour les  «  forcer  »  des  poules  dont  les  mères  n'ont  pas  été  «  forcées  » elles-mêmes. Le  poids  moyen  de  l'œuf  subit  des  variations  qui  sont  ins- crites à  la  dernière  colonne  des  tableaux.  Dans  tous  les  cas,  il atteint  un  maximum  à  l'avant  dernière  génération,  ce  qui  revient à  dire  que,  lorsque  l'œuf  a  dépassé  son  maximum,  la  stérilité survient,  puisque,  dans  ces  cas,  les  œufs  ne  se  développent  plus quoique  fécondés.  Dans  les  deux  cas  considérés,  le  maximum n'a  pas  été  atteint  semblablement  ;  dans  le  premier  cas  (série  II„) le  maximum  a  été  atteint  par  ascension  régulière  ;  dans  le deuxième  (série  Illg)  il  s'est  produit  d'abord  une  baisse  lente suivie  d'une  brusque  ascension. Il  arrive  parfois,  assez  rarement  il  est  vrai,  que  les  poules domestiques  pondent  de  gros  œufs  dont  le  poids  varie  entre  75, 90  et  même  100  grammes  ;  on  ne  sait  rien  des  conditions  qui déterminent  ces  pontes  anormales.  Exceptionnellement,  du moins  je  Tai  constaté  une  fois,  la  grosseur  de  ces  œufs  n'est  due qu'à  une  surcharge  en  albumine,  mais  le  plus  souvent  il  y  a deux  jaunes  inclus  dans  la  coquille,  parfois  même  c'est  un  œuf tout  entier  avec  son  jaune,  son  albumine  et  sa  coquille  qui  est inclus  dans  un  second.  Le  fait  a  été  signalé  notamment par    Barnes,   Philippi,   Fritsch,    Schumacher,   Herrick    et FÉRÉ. Bécemment  la  question  des  œufs  à  deux  jaunes  a  été  traitée VARIATIONS   EXPERIMENTALES 237 par  G.  H.  Parker  (1),  (j[iii  (loiine  une  bibliographie  assez  étendue du  sujet  ;  je  me  borne  à  y  renvoyer  le  lecteur.  Je  veux  seule- ment montrer  la  façon  dont  varie  la  production  de  ces  œufs monstrueux  avec  la  prolongation  du  régime  carné. GÉNÉRATIONS ŒUFS A    2    JAUNES NOMBRE    TOTAL DES    ŒUFS POURCENTAGE Po 0 194 0 P. 7 297 2,35 P, 0 551 0 P3 9 435 2,06 P4 42 122 34,42 Pn 14 96 14,58 Un  autre  phénomène  relatif  à  la  ponte  est  la  production d'œufs  sans  coquille.  Au  cours  de  notre  expérience  le  phéno- mène a  crû  constamment,  toutes  choses  égales  d'ailleurs  et  les poules  ayant  à  leur  disposition  des  débris  de  coquilles,  qu'elles avalent  volontiers,  dans  tous  les  cas  et  surtout  quand  la  ponte sans  coquille  faisait  son  apparition.  Voici  les  nombres  obtenus sur  ce  sujet. ŒUFS NOMBRE    TOTAL GÉNÉRATIONS POURCENTAGE SANS  COQUILLES DES    ŒUFS Po 0 194 0 Pi 2 297 0,67 Pc 0 551 0 P3 3 435 0,68 P4 9 122 7,37 Po 18 96 18,75 J'ai  construit  deux  courbes  do  la  façon  suivante  :  les  temps sont  portés  en  abscisses  à  raison  de  25  "^  pour  la  durée  d'une génération,  et  les  pourcentages  en  ordonnées  à  raison  de  3  % pour  1  %.  On  voit  d'après  les  courbes  que,  pour  ces  phénomènes comme  pour  beaucoup  d'autres,  la  première  génération  soumise (1)  G. -H.  Parker 1906). Double  Heus'  Eggs  {American  Natiiraiist,  V.>1.    XL,  n°  469  ;  janvier 238 F.    HOUSSAY au  régime  carné  accuse  une  vive  réaction  qui  ne  se  poursuit pas  tout  de  suite  et  reprend  seulement  son  cours  à  la  3^  géné- ration. L'émission  exagérée  des  œufs  à  deux  jaunes  et  des  œufs sans  coquille  traduit,  de  son  côté,  la  précipitation  de  la  ponte, la  moindre  durée  des  réserves  albuminoïdes  et  la  moindre  mise en  charge  dans  Tovaire  dont  j'ai  montré  l'existence  au  chapitre précédent. P.  P,  P.  Pb  p. FiG.  32.  Variation  dans  le  nombre  des  œufs  à  2  jaunes  ( )  et  des  œufs  sans  coquille  (- produits  aux  générations  successives. Dans  les  exploitations  d'aviculture  ou  dans  les  fermes,  il arrive  parfois  que  des  poules  se  mettent  à  manger  leurs  œufs ou  ceux  des  autres  et  causent  ainsi  des  dégâts  considérables. J'ai  assisté  au  développement  progressif  de  cet  instinct,  que l'on  pourrait  appeler  germicide.  Ni  les  poules  granivores,  ni  les carnivores  de  première  génération  ne  l'ont  jamais  montré,  il  est donc  né  sans  qu'aucune  hérédité  antérieure  puisse  être  mise  en cause. A  la  seconde  génération,  la  poule  VII.  commence  par  casser les  œufs  de  sa  compagne  VIII,  et  pas  d'abord  les  siens  propres ou  du  moins  pas  immédiatement  et  seulement  si  on  les  laisse  à VARIATIONS    EXPERIMENTALES  239 sa  disposition  plusieurs  heures.  Elle  attaque  au  contraire  tout de  suite  ceux  de  l'autre  poule  et  dès  le  début  de  la  ponte  (février- mars)  ;  même  elle  ne  tarde  pas  à  montrer  plus  d'impatience  et à  piquer  à  coup  de  bec  le  cloaque  de  sa  compagne,  dès  que  celle-ci se  baisse  pour  pondre  ;  elle  la  poursuit  de  ses  coups  et  détermine à  la  longue  au  cloaque  de  VIII,  une  inflammation  qui  se  propage, arrête  la  ponte  dès  le  mois  de  mai,  par  rétention  des  œufs  et cause  la  mort,  en  septembre,  d'une  tumeur  de  Toviducte  que révèle  l'autopsie. Entre  temps,  la  poule  VII.  se  prit  à  manger  ses  propres  œufs. Puis  les  deux  poules  II.  et  IV.,  placées  dans  l'enclos  voisin  et séparées  des  précédentes  par  un  grillage,  influencées  par  le fâcheux  exemple  qu'elles  recevaient,  se  mirent  aussi  vers  le 15  mai  au  saccage  des  œufs,  bien  qu'elles  n'y  eussent  aucune- ment touché  jusque  là.  Aussitôt  qu'un  œuf  était  pondu,  le  coq encourageait  les  deux  poules  par  ses  appels  et  les  invitait  à  un petit  repas  de  famille. Afin  d'éviter  ces  ravages  qui  devenaient  inquiétants  pour  la suite  de  l'expérience,  on  prenait  soin,  connaissant  approxima- tivement les  heures  de  ponte  de  chaque  poule,  de  les  enfermer à  l'avance  et  une  à  une  dans  un  petit  réduit  obscur  où  elles  ne touchaient  plus  aux  œufs  pondus. Aux  deux  générations  suivantes,  la  troisième  et  la  quatrième, on  continua  cette  pratique  d'isolement  toujours  indispensable  ; car  si  l'on  arrivait  quelque  peu  en  retard,  ou  si  la  poule  devan- çait l'heure  prévue  pour  sa  ponte,  on  trouvait  invariablement l'œuf  mangé.  La  dernière  poule,  I„  nous  montra  l'instinct  à  un degré  plus  impérieux  encore  puisqu'elle  se  mit  à  manger  ses propres  œufs  seule  et  dans  l'obscurité.  Il  fallut  alors  non  seule- ment  l'isoler  dans  le  réduit  obscur,  mais  encore  la  museler,  ce à  quoi  on  parvint  avec  un  petit  bout  de  tuyau  à  gaz  en  caout- chouc, dans  lequel  on  introduisait  le  bec  de  la  poule  et  qu'on laissait  débordant  le  bout  de  celui-ci. La  ponte  des  poules  n'est  pas  un  phénomène  qui  se  déroule d'une  façon  uniforme  depuis  son  début  jusqu'à  sa  terminaison. 240 F.    HOUSSAY Tantôt,  comme  cela  est  bien  connu,  il  s'accélère  et  tantôt  il  se ralentit  pour  s'arrêter  et  reprendre.  Désirant  avoir  une  mesure de  ces  variations,  j'ai  essayé  d'évaluer  ce  qu'on  pourrait  appeler la  vitesse  de  la  ponte. (00 FlG. 3oo  ^P  1^-00 33.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  génération  granivore. La  ponte  étant  mesurée  par  le  poids  des  œufs,  la  vitesse  de la  ponte  est  le  poids  d'œufs  produit  dans  l'unité  de  temps.  J'ai pris  pour  unité  de  temps  dix  jours.  Autrement  dit,  j'ai  divisé le  temps  total  de  ponte  en  tranches  de  dix  jours  et  j'ai  calculé le  poids  d'œufs  produits  dans  chaque  dizaine.  Cela  était  facile, lîuisque  j'avais  les  poids  de  tous  les  œufs  avec  leurs  dates. Lorsqu'il  y  avait  plusieurs  poules  de  la  même  catégorie,  je  divi- VARIATIONS   EXPERIMENTALES 241 sais  le  poids  total  de  leurs  œufs  en  10  jours  par  le  nombre  de poules,  ce  qui  donnait  un  résultat  moyen. Avec  ces  nombres,  j'ai  construit  les  courbes  ci-jointes.  Les FiG.  34.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  première  génération  Carnivore. abscisses  représentent  le  temps  à  raison  de  5  %  pour  10  jours et  les  ordonnées  les  poids  d'œufs  produits  en  10  jours  à  raison de  5  %  pour  10  gTammes  d'œufs.  Les  courbes  ainsi  obtenues ont  toutes  subi  la  même  réduction  photographique. 242 F.   HOUSSAY Le  tracé  originel  en  traits  pleins  montre  des  oscillations  de détail  et  des  oscillations  d'ensemble  ;  pour  conserver  celles-ci rot  700  3oo  372.       400 FiG.  35.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  seconde  génération  Carnivore  (série  p). seulement,  j'ai  opéré  comme  en  plusieurs  autres  circonstances, joignant  les  maxima  entre  eux  et  les  minima  entre  eux  par  des lignes  en  traits  interrompus,  qui  limitent  une  surface  couverte d'une  demi-teinte. VARIATIONS  EXPÉRIMENTALES 243 Les  divers  graphiques  présentent,  dans  leur  allure  générale, une  remarquable  uniformité.  Ils  sont  tous  à  deux  sommets  sépa- ^00 iOO  300  570         hOO FiG.  36.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  troisième  génération  Carnivore  (série  R). rés  l'un  de  l'autre  par  un  minimum,  partout  marqué  M.  Le minimum  en  question  correspond  au  temps  de  l'incubation  pour les  poules  qui  couvent  et  se  retrouve  aussi,  au  moins  comme 244  F.    HOUSSAY baisse  de  ponte,  chez  les  poules  qui  ne  couvent  pas.  C'est  donc FiG.  37.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  quatrième  génération  Carnivore. VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES 245 un  point  qui    fixe  un  relai    fort    important    dans    la    vie    des femeUes. 60  o Pi", 5'io 5oo_ 41 0 Uoo }("- 3^o 3^0 P-S. 3m  Q i2o llfa no 100 za ioo  200  500     J30  400 Fia.  38.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  cinquième  génération  carnlvore. UQ  F.    HOUSSAY Chez  les  oiseaux  sauvages,  le  temps  de  l'incubation  marque ordinairement  la  fin  de  la  ponte.  Dans  des  années  exception- nelles, au  moins  dans  nos  pays,  certains  oiseaux  font  une  seconde ponte  et  une  seconde  couvée.  C'est  cette  disposition  exception- nelle qui  a  été  développée  par  la  domestication,  avec  le  moindre exercice  et  la  meilleure  alimentation  qu'elle  comporte.  La  ponte des  poules  domestiques  est,  en  effet,  composée  de  deux  pontes séparées  par  une  incubation,  ou  tout  au  moins  par  une  baisse qui  la  rappelle  et  la  seconde,  d'abord  rare,  a  été  développée jusqu'à  devenir  normale. Il  est  fort  curieux  de  constater,  en  accord  tout  à  fait  avec cette  évolution  supposée,  que  notre  surnutrition  expérimentale a  encore  développé  la  seconde  ponte  plus  qu'elle  ne  l'était  déjà et  l'a  même  rendue,  à  la  5^  génération,  plus  importante  que  la première,  comme  durée  et  comme  poids. Au  point  de  vue  de  la  durée,  on  peut  se  rendre  compte,  rien qu'en  considérant  les  croquis  successifs,  que  le  minimum  M  se déplace  de  plus  en  plus  vers  la  gauche,  aussi  bien  sur  les  courbes de  la  race  p  que  sur  celles  de  la  race  a,  mises  à  part  et  cependant reproduites  pour  montrer  une  incubation  de  plus  en  concor- dance avec  le  minimum  considéré. Si  l'on  veut  une  précision  supplémentaire,  il  faut  noter  exacte- ment les  poids  d'œufs  produits  pendant  les  deux  périodes  en question  à  chaque  génération  et  le  tableau  suivant  donne  ces ndications  rapportées  en  tout  cas  à  une  poule. . SÉRIE  a SÉRIE  [3 o ce •5 Poids 1-  1 de  la loiite Poids  de  la ■l<^  ponte [la()port  de  la 'i«  |)Oiile  au poids    total Poids de  la onte Poids  de  la :;i'  ]>onte Rapport  de  la ie  ponte  au poids   total Po 6  k. 122 0  k.  488 0,073 2  k 723 1  k.  326 0,327 p. 6 848 3        347 0,328 5 510 1        644 0,229 P.1 6 649 3        598 0,  351 6 181 4       090 0.  398 V, 5 204 3        911 0.  482 4 759 3       288 0,408 P4 » » 4 249 4       183 0,496 P5 " » 1 823 4        378 0.717 VAIUATIONS  ÉXPERtM  ENTA  LES â47 '2CV La  dernière  colonne  de  chaque  série  nous  apprend  avec  évi- dence que,  dans  tous  les  cas.  l'importance  relative  de  la  seconde foo_ 46o 4  4o Wi-o 4oo 3»o Î60 •(4o ilo ÎOo 2.Ï.C ^60 Z'K. 2.ZO 2.0^ I  »o y  60 ^4°  _ IZo      . lOû t.0 Uo 100 aoo 300 3Ï0     400 \  \ *  \ \  \ M \    \ 1    \ \    \  i \  \  / '   M M    , 1                ^¥ 1                  @ 1                  ' 1 1 '                    1 1                    1 '                     1 1                     1 ,                     1 1 1 1 1 1        1 FiG.  39.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  seconde  génération  Carnivore  (série  a). SCO ponte,  c'est-à-dire  son  rapport  au  poids  total  des  œufs,  croît constamment.  Il  semble  cependant,  sur  les  dix  résultats  signalés, qu'une  exception  se  montre  dans  la  génération  Pi  (série  p)  où f>48 P.   HOUSSAY le  rapport  en  question  e.st  de  0,229  seulement,  indiquant  un recul  sur  le  précédent,  0,327,  au  lieu  d'une  avance. ^00  3oo  5ijo   liOO FiG.  40.  Vitesse  de  la  ponte  à  la  troisième  génération  Carnivore  (série  a). 5oo L'examen  de  cette  apparente  exception  nous  révèle  un  fait nouveau  de  quelque  intérêt.  Les  deux  poules  granivores  mises en  expérience  à  l'origine,  différentes  par  leurs  caractères  exté- VARIATIONS   EXPERIMEiNTALËS  249 rieurs,  comme  nous  Favons  dit,  différaient  aussi  pour  la  ponte. La  race  a  (issue  de  Houdan)  bonne  pondeuse  et  mauvaise  cou- veuse a  normalement  une  seconde  ponte  très  faible  et  une  pre- mière très  forte.  La  première  s'accroît  à  peine  par  le  nouveau régime,  comme  si  l'élevage  antérieur,  sélection  ou  nourriture, avait  déjà  saturé  la  race  à  ce  point  de  vue.  C'est  la  seconde  ponte seuh^  qui  tout  de  suite  se   met  à  croître  beaucoup. La  race  [3,  au  contraire,  restée  assez  plastique  comme  son évolution  l'a  prouvé,  pouvait  supporter  un  accroissement  de  sa première  ponte.  C'est  d'abord  ce  qui  s'est  produit,  la  seconde ])oiite  croissaiil  peu  ;  d'où  la  faiblesse  signalée  du  rapport  0,229. Puis,  la  première  ponte  ayant  atteint  à  peu  près  le  maximum qu'elle  pouvait,  la  deuxième  s'est  mise  à  croître  régulièrement jusqu'à  la  fin. Le  phénomène  de  la  7nue  chez  les  poules,  bien  connu  des éleveurs,  a  subi  une  évolution  assez  remarquable  dans  notre expérience.  Cet  état,  consécutif  à  l'arrêt  de  la  ponte,  consiste, comme  on  le  sait,  en  une  perte  de  plumes  avec  amaigrissement suivie  d'une  restauration  du  plumage  et  d'un  engraissement. Comparativement  aux  femelles,  les  mâles  éprouvent  à  un  faible degré  la  mue  qui  se  limite  chez  eux  à  la  perte  des  plumes  de  la queue,  sans  grande  baisse  de  poids. J'avais  remarqué  dans  les  premières  générations  étudiées  un accroissement  notable  de  cette  réaction  organique  chez  les femelles  ;  mais  dans  les  dernières  générations  je  ne  voyais  plus rien  d'aussi  marqué.  Pour  ne  pas  se  borner  à  une  impression qui  peut  tromper  d'une  année  à  l'autre,  il  faut  trouver  une quantité  mesurable  qui  traduise  l'événement.  La  baisse  de poids  pendant  la  mue  offre  une  semblable  mesure,  restant  com- parable à  elle-même  à  chaque  génération. Le  tableau  suivant  est  composé  avec  les  nombres  relevés  sur mes  cahiers  de  pesées,  en  prenant  les  moyennes  pour  les  poules de  chaque  génération.  Les  deux  séries  a  et  p  sont  séparées comme  à  l'ordinaire  pour  être  suivies  à  part. ARCH.    DE   ZOOL.    EXP.   ET    ClÉN.    —    /('    SERIE.  T.    VI.    —    (v).  lO âsô F.   HOUSSAY SÉRIE  a SÉRIE  p ,o PEUTE RAPl'OHT PERTE RAPPORT c A Al    l'OIlJS  TOTAL A AU  POIDS  TOTAL o LA  MUE DES   FEMELLES LA  MIE DES   FEMELLES Pu 159    ^V. 11,7  i 224  4^r. 11, (JS Pi 389  .^T. 20,39 228  gr. 11, (>4 p.. 439  ^r. 22,02 295  gr. 15,48 Ps 424  gr. 22,02 431    g-r. 19,21 P4 » )) 471  ^l•. 18,54 P5 » » 140  ^r. 4,UÎ Dans  l'une  et  dans  l'autre  série  on  voit  une  croissance  qui s'arrête,  pour  être  même  suivie  d'une  régression  si  le  phénomène dure  assez  longtemps  (série  [3). Si  l'on  considère  en  particulier  la  série  [i,  plus  complète,  pour la  comparer  à  l'évolution  du  foie  et  du  rein  (1)  on  constate  que les  deux  catégories  varient  ensemble,  avec  un  maximum  à  la 3^  génération  Carnivore  suivi  d'une  baisse  qui  s'accélère. La  mue  étant  en  relation  indéniable  avec  la  résorption  des œufs  non  pondus,  ce  rapport  est  du  plus  haut  intérêt  et,  sans qu'il  soit  possible  de  préciser  davantage  pour  le  moment,  on  y saisit  un  nouveau  moyen  d'aborder  les  phénomènes  phagocy- taires  de  grande  extension,  qui  graduellement  nous  conduisent jusqu'aux  renouvellements  organiques  par  métamorphoses,  sur lesquels  les  études  histologiques  semblent  avoir  dit  leur  dernier mot,  provisoirement  au  moins. 'D  Voir  p.  187. CHAPITEE  VIll FÉCONDITÉ    ET   SEXUALITÉ OMMAIRE.  —  Existence  et  vitalité  des  spermatozoïdes.  —  Insuccès  croissants  des  incubations dans  les  générations  successives.  —  L'intoxication  passe  du  soma  au  germen-  —  Accrois- sement progressif  des  morts  précoces.  —  Leur  fréquence  exagérée  chez  les  mâles.  —  Nais- sances masculines  excessives.  —  Réduction  de  la  combativité  chez  les  mâles.  —  Polyandrie résultant  du  régime  alimentaire.  —  Dimorphisme  sexuel  organique.  —  Sa  mesure  et  sa décroissance. Le  nombre  des  œufs  produits  n'est  aucunement  une  mesure de  la  fécondité  d'une  race  ;  c'est  la  possibilité  du  développement qui  importe.  Aussi  pour  intéressante  que  soit  la  question  de  la ponte  elle  l'est  moins,  au  point  de  vue  biologique,  que  celle  du résultat  des  incubations. Un  premier  sujet  à  mettre  tout  de  suite  hors  de  conteste, c'est  la  fécondation  des  femelles  par  les  mâles.  Jusqu'à  la  fin de  l'expérience,  les  mâles  ont  fourni  des  coïts  fréquents  et  l'état de  leurs  testicules  et  de  leur  sperme,  riche  en  spermatozoïdes vivants,  ne  laisse  aucun  doute  que  la  fécondation,  c'est-à-dire la  fusion  des  germes,  n'ait  été  opérée  en  tous  cas. Les  échecs  croissants  dans  les  développements  essayés  deman- dent une  autre  explication  qui  réside  certainement  dans  l'intoxi- cation prolongée,  laquelle  passe  sans  aucun  doute  du  soma  au germen,  par  simple  osmose  de  produits  solubles  et  sans  qu'il  y ait  à  chercher  la  moindre  interprétation  mystérieuse. Exposons  d'abord  les  faits.  Lorsque  j'ai  publié  mes  premiers résultats  sur  ce  sujet  (1)  j'ai  présenté  un  résumé  global  ;  il  est plus  intéressant  de  distinguer  entre:,  les  deux  races  de  poules observées  puisqu'aussi  bien  les  phénomènes,  quoique  semblables, offrent  une  différence  dans  leur  rapidité. Les  données  sont  rassemblées  dans  le  tableau  suivant.  Toutes les  incubations  dont  il  y  est  fait  mention  ont  été  effectuées  à l'aide  d'une  poule  couveuse,   ta.ntôt  l'une  de  celles  qui  suivaient (1)  C,  R.  Ac.  Se,  décembre  1908 252 F.   HOUSSAY le  régime  expérimental  et  qui  manifestait  l'instinct  d'incuba- tion, plus  souvent  une  poule  quelconque  achetée  à  cet  eiïet  et qu'on  mettait  au  régime  carné,  pour  lui  permettre  de  conduire à  la  nourriture  les  jeunes  dès  qu'ils  seraient  éclos La  race  II,„  II,,  aussi  désignée  comme  série  a  s'est  éteinte très  brusquement.  J'ai  déjà  fait  remarquer  (1)  l'insuffisance dans  l'excrétion  des  produits  azotés  solubles  qui  frappe  cette race  dès  la  seconde  génération  Carnivore  et  s'accroît  à  la  troi- sième, indiquant  une  insuffisance  rénale  et  faisant  préjuger d'une  plus  forte  intoxication  par  le  régime. z SÉRIE ? SÉRIE X DATES (lu  (léinil  (le rincuhalioM S J <3 o. Q. ©■^ > •o  5 5 c o 5  £ 'ÛÏ' o*— •o .  u ■QJ    ~ ~  S II o  - Q. Pl' 21  juin  1901 6 3 » 3 » 6 0 0 6 100 P:t 2  juin  1902. 6 0       1      0 6 100 6 1      1    0 5 83,  4 Pi 4  mai  1903 8 5 3 0(-') 6 5 1 0(  =  ) 23  — 7 4 0 3 6 6 0 0 2  juin C 4 0 2 6 5 0 1 17    - 6 5 0 1 6 6 1 0 1"  juillet 6 5 1 0 18.  2 10 10 0 0 0.03 33 23 4 6 34 31 2 1 P3 13  mai  1904 7  juin 24  — 12  juillet 13 6 9 8 4 5 6 1 0 0 3 4 3 1 0 2  août 8 6 2 0 18,6 43 29 6 8 Pe 22  mars  1905 24  avril 16  mai 3  juin 27     — 25  juillet 11 11 8 7 10 12 7 8 6 4 7 12 1 3 2 3 0 0 0 1 0 0 15  août 4 4 0 0 6,35 j 63 48 11 4 (1)  Voir  p.  178 (2)  Abandonnés  par  la  poule. VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  253 La  race  III,,,  III i  (série  p)  mieux  pourvue  du  côté  excréteur, poursuit  aussi  plus  loin  sa  descendance.  La  proportion  des  œufs qui  se  développent,  pour  100  œufs  mis  eu  incubation,  décroît néanmoins  de  la  façon  suivante  : 100  18.2  18,0  ,  0,3.5 La  régularité  du  phénomène  semble  subir  une  atteinte  entre la  3e  et  la  4^  génération.  Mais  il  faut  observer  que  la  première incubation  réalisée  pour  obtenir  Pj  a  subi  un  accident  unique dans  l'expérience.  La  poule  couveuse  a  quitté  les  œufs  pour  ne plus  les  reprendre.  Dans  ces  conditions,  on  peut  et  on  doit  ap- porter une  rectification.  Les  trois  développements  commencés, appartenant  à  la  première  incubation  de  l'année,  auraient  cer- tainement, vu  les  résultats  des  incubations  suivantes  de  la même  génération  et  de  la  même  série,  été  conduits  à  terme sans  l'accident  précité.  Si  l'on  compte  à  cette  génération  trois éclosions  de  plus,  le  pourcentage  correspondant  devient  27,2  et la  série  régi'essive  se  change  en  la  suivante  : 100  27,2  18,0      '       0,35 II  est  tout  à  fait  important  de  remarquer  que,  dam  une  même année,  la  proportion  des  succès  au  nombre  total  des  œufs  va  en faiblissant  de  semaine  en  semaine  jusqu'à  devenir  tout  à  fait nulle  quoi  qu'on  fasse.  Or,  à  mesure  que  .s'avance  sa  vie,  l'or- ganisme de  la  femelle  pondeuse  est  davantage  intoxiqué  ;  les œufs  qu'il  produit  le  sont  aussi  et  sont  de  moins  en  moins  sus- ceptibles de  suivi-e  une  évolution  rt^gulière. Phisalix  (1)  de  son  côté  a  obtenu  des  résultats  qui  lui  ont paru  concorder  avec  les  miens.  Les  œufs  du  Crapaud  et  de  la Vipère,  aussi  bien  que  ceux  des  Abeilles,  contiennent  les  mêmes substances  toxiques  que  le  venin  lui-même.  D'autre  part  Char- RiN  et  Gley  (2)  avaient  antérieurement  établi  l'hérédité  des intoxications  morbides.  Mes  recherches  ne  laissent  pas  de  doute sur  le  fait  que  les  intoxications  d'origine  alimentaire  ne  puissent (1)  C.  R.  Ac.  Se,  décembre  1903  et  juin  1905. (2)  C.  R.  Ac.  Se,  1895.  —  Archives  de  Physiologie  1893-1894. 254 F.   HOUSSAY aussi  entraver  l'évolution  des  œufs  et,  par  suite,  passer  dans  la substance  de  ceux-ci. HoLMGRÉN  (1)  dans  son  expérience  sur  des  pigeons  nourris pendant  plusieurs  années  à  la  viande  avait  relevé  une  observa- tion susceptible  d'être  interijrétée  de  la  même  manière  ;  au reste,  il  n'en  avait  tiré  aucun  parti.  Ses  pigeons  pondirent, couvèrent,  mais  les  petits  ne  sortirent  pas  des  œufs  au  bout  de 21  jours. GÉNÉRATIONS Nombre d'Eclosions Nombi'e d'Adultes Pourcentage des  Adultes Date des   morts précoces Sexe  des Morts 3«  jour. ni:',  le. Pa 9 6 66,6 142«    — 147«    — m.lle. mâle. Eiiosiou. inconnu. Eclosion. inconnu . Pa 11 ô 45:4 Eclosion . 70"  jour. 115"    — inconnu  (2). mâle. femelle. 122"    — mâle. 13«  jour. mâle Pi 6 2 33,3 149«    — 270"    — 345e.  — mâle mâle, mâle. Eclosion. femelle   (3). Eclosion. mâle. Ps 8 2 25 Eclosion. 2"  jour. 138"    — 157"    — mâle, mâle, mâle, mâle. Eclosion. mâle. Ph 4 0 0 Eclosion. mâle. Eclosion . mâle. 17"  jour. mâle. Totaux. 38 15 » » 23 (1)  F.  HOLMGRÉN. —  Om  Kôttâtande  dufvor  (Aftnjck  ur  Upsala  Lakdre-j ôrenings  Fôrhand- lingar,  Upsala,  1872). (2)  Ces  3  poulets  sont  morts  accidentellement  d'hémorrliagie  causée  par  l'ouverture  de  la coquille  destinée  à  faciliter  leur  éclosicn,  ouverture  qui  fut  prématurée. (3)  Cette  femelle  est  morte  accidentellement  écrasée  par  la  poule  couveuse. VARIATIONS    EXPERIMENTALES  255 Non  seulement  dans  notre  expérience  prolongée  les  œufs  se développent  de  moins  en  moins,  mais  en  outre  les  poulets  éclos ont  moins  de  vitalité.  Le  nombre  des  animaux  qui  n'atteignent pas  l'état  adulte  va  en  croissant  et  la  date  des  morts  prématu- rées est  de  plus  en  plus  précoce. Le  tableau  précédent  montre  la  progression  du  phénomène. De  ce  tableau  résulte  que  non  seulement  le  nombre  des  éclo- sions  va  en  diminuant  mais  encore,  sur  les  éclosions  réalisées, le  nombre  d'adultes  décroît  constamment  suivant  la  série. 66,6  45,4  33,3  25  0 On  a  reconnu  le  sexe  de  20  individus  sur  les  23  qui  sont morts  prématurément.  Sur  ces  20  cas,  18  sont  des  mâles  et  deux seulement  des  femelles.   Encore,  sur  les  deux  femelles,  une  de celles-ci  est  morte  à  l'éclosion  d'un   accident,  écrasée  par  la .    ,     2  1 poule  couveuse.    Conservons  néanmoins  ce  rapport  de  .--  ou  - lo  «7 pour  nous  tenir  plutôt  au-dessous  qu'au-dessus  de  la  vérité. Le  rapport  en  question  exprime  qu'il  meurt  prématurément 9  mâles  pour  une  seule  femelle. Si  les  morts  prématurées  étaient  uniquement  dues  au  hasard la  mort  de  deux  coqs  seulement  devrait  survenir  contre  celle d'une  femelle  ;  car  de  mes  38  animaux  éclos  j'ai  connu  au  total le  sexe  de  35,  sur  lesquels  24  étaient  mâles  et  11  femelles. Donc,  l'ensemble  des  conditions  qui  règlent  la  sexualité  mâle comporte  une  majoration  au  moins  du  quadruple  sur  les  déter- minations moyennes  de  mort  prématurée.  Chez  nos  oiseaux carnivores,  les  mâles  sont  quatre  fois  plus  fragiles  que  les  femelles. Et,  comme  en  ce  cas  fragilité  ou  moindre  résistance  veut  dire intoxication  plus  grande,  les  mâles  sont  des  êtres  plus  intoxiqués que  les  femelles.  C'est  d'ailleurs  une  notion  qui  tend  à  se  ré- pandre et  que  nos  expériences  ont  mise  en  lumière Il  est  au  surplus  important  de  noter  que  si  l'intoxication rend  les  mâles  plus  fragiles  elle  détermine  en  même  temps  leur production  car,  à  mesure  que  l'expérience  marche,   les  nais- -256 F.  HOUSSAY sances  de  mâles  angmeutent  manifestement.   Cela  ressort  du tableau  suivant. GÉNÉRATIONS ÉCLOSIONS MALES FEMELLES INCONNUS p. S) 5 4 U P^ 11 4 4 3 P4 6 5 1 0 P., 8 G 2 0 Ps 4 4 0 0 Nous  n'avons  pas  l'intention  de  traiter  en  entier  le  gros  pro- blème de  la  détermination  du  sexe  que  nous  rencontrons  sur notre  chemin,  ni  de  rapporter  tout  ce  qui  a  été  écrit  à  ce  sujet. Les  derniers  expérimentateurs,  E.  Yung,  Kellog  et  Bell, étudiant  l'action  de  la  quantité  d'aliments,  Maupas,  celle  de  la température,  E.  Hertwig,  l'effet  de  la  faible  ou  de  la  forte maturation  des  œufs,  ont  certainement  entamé  la  question, mais  il  reste  à  faire  de  nombreux  travaux  avant  qu'elle  soit entièrement  résolue.  Je  me  permets  d'y  apporter  une  suggestion directement  retirée  de  l'expérience  et  relative  à  l'action  des toxines,  poisons,  substances  solubles  diverses,  qu'il  est  relati- vement facile  d'expérimenter  et  dont  l'étude  déblaiera  le  sujet et  rendra  la  solution  plus  prochaine. En  méditant  en  eft'et  sur  les  données  que  j'apporte,  on  arrive à  se  demander  si  l'intoxication  ne  joue  pas  un  très  grand  rôle dans  ces  phénomènes  et  si,  par  exemple,  chez  les  animaux  fixés et  parasites,  la  surnutrition,  la  faible  dépense  et  l'intoxication résultante  des  adultes  et  des  germes  ne  sont  pas  parmi  les  rai- sons qui  déterminent  la  pluralité  des  mâles  et  l'arrêt  ordinaire de  leur  développement,  leur  pygméisme.  Ces  êtres  présentent, avec  la  polyandrie,  un  renversement  du  dimorphisme  sexuel normal,  c'est-à-dire  le  plus  fréquent.  Leur  cas  dépasse  Vherma- phroditisme,  de  l'autre  côté  duquel  on  trouverait  successivement la  monogamie,  avec  égalité  numérique  des  mâles  et  des  femelles et  dimorphisme  réduit,  puis  la  polygamie,  avec  pluralité  des femelles  et  dimorphisme  sexuel  inverse  du  premier. VARIATIONS    EXPÉRIMENTALES  237 Or,  normalement,  les  Gallinacés  pratiquent  la  polygamie  et sont  doués  du  dimorpliisme  sexuel  correspondant,  qui  consiste en  la  supériorité  de  force  musculaire  et  de  taille  chez  le  mâle, en  un  plumage  plus  abondant  et  plus  éclatant,  une  crête  plus développée,  la  possession  d'un  ergot,  etc.  Il  existe  en  outre  une différence  très  considérable  dans  le  rapport  des  organes  internes au  poids  total  chez  les  mâles  et  chez  les  femelles,  établissant  un dimorphisme  sexuel  organique  ;  nous  traiterons  un  peu  plus loin  de  ce  sujet  particulier. Je  ne  sais  si,  dans  la  nature,  les  mâles  gallinacés  naissent moins  nombreux  que  les  femelles,  mais  je  le  crois  volontiers, eu  tous  cas  leur  nombre  est  rapidement  réduit  par  les  luttes sexuelles.  La  combativité  des  mâles  est  en  eiïet  l'un  des  instincts essentiels  des  animaux  à  dimorphisme  sexuel  polygame  et,  au moins  au  premier  examen,  cet  instinct  paraît  vif  surtout  chez les  végétariens  :  granivores,  herbivores,  frugivores.  Les  carni- vores semblent  combattre  plutôt  pour  une  place  ou  pour  une proie  que  pour  une  femelle.  Rien  n'est  paisible  comme  une assemblée  de  chiens  à  la  porte  d'une  chienne  en  chaleur. Le  premier  pas  dans  la  marche  de  la  polygamie  à  la  polyan- drie serait  donc  la  réduction  de  la  combativité  chez  les  mâles. Si  notre  idée  est  exacte,  le  régime  seul,  c'est-à-dire  une  action  du monde  ambiant  et  l'état  physique  qu'elle  détermine  doivent  y conduire  l'animal,  malgré  la  réduction  dans  le  nombre  des femelles  qui  devrait  rendre  la  concurrence  plus  âpre,  si  celle-ci était  vraiment  un  facteur  initial  et  non  un  résultat,  si  elle  était une  cause  de  sélection  et  non  un  effet  d'évolution  antérieurement et  autrement  déterminé. Or,  dans  mon  expérience,  j'ai  ^précisément  assisté  à  une  in- croyable réduction  de  la  combativité  chez  les  mâles. Au  début,  les  deux  mâles  mis  en  expérience  avaient  l'instinct en  question  aussi  développé  que  leurs  congénères.  Je  m'en  suis assuré  par  l'expérience  suivante  faite  le  11  avril  1901. I.  Le  coq  Carnivore  (I,)  est  mis  dans  la  cage  où  le  granivore (I,)  se  trouve  avec  ses  poules.  Ce  dernier  saute  instantanément 258  F.   HOUSSAY sur  l'intrus  et  lui  arrache  une  poignée  de  plumes.  Le  Carnivore se  laisse  battre,  on  les  sépare. II.  L'événement  avait  été  si  prompt  qu'il  ne  fallait  pas  trop rapidement  conclure  à  la  lâcheté  Carnivore.  On  remit  le  coq Carnivore  dans  la  cage  du  granivore,  après  avoir,  au  préalable, lié  les  pattes  de  celui-ci.  Le  Carnivore  montra  l'instinct  de  pro- vocation en  se  dirigeant  vers  l'auge  aux  grains  et  en  invitant les  femelles  à  manger  ;  c'est  le  prélude  de  la  lutte  des  mâles. Les  poules,  dont  le  repas  était  fini  depuis  longtemps  et  qui  ne mangeaient  plus,  acceptent  cependant  par  politesse  et  tous  les trois  mangent  avidement.  Le  coq  granivore  ne  pouvant  bouger, on  arrête  l'épreuve. III.  On  introduit  le  coq  granivore  dans  la  cage  du  Carnivore, les  deux  animaux  étant  libres,  expérience  inverse  de  la  première. Le  Carnivore  ne  saute  pas  immédiatement  sur  son  antagoniste comme  celui-ci  l'avait  fait  en  circonstance  analogue.  Le  grani- vore avise  un  morceau  de  viande  et  invite  les  poules  à  manger  ; celles-ci  s'approchent.  Mais,  à  cette  provocation  précise,  le  coq Carnivore  se  décide  à  marcher  au  combat,  saute  du  perchoir  et bondit  en  face  de  son  agresseur.  Une  lutte  acharnée  s'engage, on  ne  la  laisse  pas  durer  mais  déjà  les  crêtes  et  les  joues  sont déchirées  et  le  sang  ruisselle.  —  Séparation  des  combattants, points  de  suture. Le  Carnivore,  quoiqu'un  peu  moins  batailleur  que  l'autre,  est donc  encore  capable  de  répondre  à  une  provocation  nettement exprimée  et  de  soutenir  un  combat  sans  faiblir.  On  pourrait  se contenter  de  dire  que  son  empressement  un  peu  moindre  est une  simple  caractéristique  personnelle,  une  variation  individuelle et  cette  nomenclature,  car  ce  n'est  pas  autre  chose,  éviterait  de réfléchir  à  la  causalité.  Mais  la  suite  de  l'expérience  montre  bien que  l'aliment  est,  pour  ces  phénomènes,  un  déterminisme  causal et  qu'il  ne  suffit  pas,  pour  les  interpréter,  d'invoquer  des  i)ro- priétés  intrinsèques  ou  des  qualités  de  l'animal. Les  poulets  de  2^  et  de  3^  générations  conservaient  encore l'instinct  batailleur  et,  dès  la  3*^  semaine,  ils  commençaient  à VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  259 s'entr'attaquer.  Les  combats  étaient  encore  assez  sérieux  puisque l'un  des  coqs  (V.)  reçut  sur  la  tête  de  tels  coups  de  bec  qu'il eut  les  pattes  postérieures  complètement  paralysées  pendant 15  jours.  Aucune  expérience  méthodique  ne  permit  de  dire  si l'instinct,  toujours  manifeste,  était  ou  non  en  décroissance. A  la  4e  génération,  sur  six  éclosions,  il  y  eut  cinq  coqs  et  une poule.  Un  coq  mourut  très  jeune  et  quatre  mâles  demeurèrent auprès  de  l'unique  femelle  jusqu'au  mois  de  novembre.  Ces animaux,  âgés  de  5  mois,  vivaient  en  paix  complète  ;  des  coqs ordinaires  se  seraient  depuis  longtemps  entre-tués.  Un  des  coqs mourut,  trois  restèrent  et,  vers  la  fin  de  décembre,  ils  couraient après  la  poule,  la  saisissaient  par  la  crête,  prélude  des  approches sexuelles  pour  lesquelles  ils  n'étaient  pas  encore  mûrs.  Ils  se livraient  à  ces  jeux  chacun  à  leur  tour  et  sans  aucun  combat. L'époque  du  coït  arrivée,  ils  se  partagèrent  la  femelle  unique, sans  que  l'excitation  génitale  augmentât  leur  combativité.  En mars,  un  second  coq  fut  supprimé.  Les  deux  restant  continuèrent à  vivre  en  paix,  jusqu'au  moment  où  l'un  d'eux  prenant  l'aspect maladif  fut  écarté  de  la  reproduction  en  vue  de  meilleurs  pro- duits. A  la  génération  suivante,  restaient  en  présence  après  les  morts très  précoces,  3  coqs  et  une  poule.  Ces  quatre  animaux  n'étaient pas  de  la  même  couvée.  La  poule  et  les  coqs  II.^  et  III5  étaient nés  le  même  jour  (3  juin),  IV5  était  né  le  15  juillet.  Tout  d'abord II3  et  III;;  vécurent  sans  trouble  avec  la  femelle  jusqu'en  octobre, bien  que  Ilg  fût  tout  à  fait  faible,  ce  qui  est  une  raison  ordinaire pour  être  plus  battu.  On  n'osait  pas  mettre  avec  eux  le  coq  IV5 beaucoup  plus  petit. En  août  cependant,  comme  il  prenait  de  la  taille,  on  se  risqua à  l'introduire  dans  la  cage  des  autres,  qui  le  houspillèrent  de concert  avec  la  poule.  La  participation  de  celle-ci  me  fit  croire qu'ils  le  battaient  moins  comme  mâle  que  comme  étranger  ve- nant prendre  sa  part  des  repas. En  octobre,  je  fis  renouveler  l'expérience,  elle  eut  le  même résultat.  Alors  je  tentai  de  faire  entrer  les  deux  grands  coqs  et 260  F.    HOUSSAY la  poule  dans  la  cage  du  petit,  renversant  les  rapports  de  pro- priété. Le  petit  coq  IV,  très  craintif  fuyait  partout  et  se  cachait  ; mais  les  autres  ne  le  poursuivaient  pas.  Ils  s'habituèrent  rapi- dement ensemble  et  firent  un  bon  consortium  polyandrique jusqu'à  fin  novembre  où  deux  coqs  furent  sacrifiés  pour  maladie. Le  dimorphisme  sexuel,  atteint  si  fortement  dans  les  instincts, ne  paraissait  pas  l'être  sensiblement  dans  les  caractères  sexuels secondaires  :  crête,  ergots,  plumage.  Cependant  la  dernière  poule 1.  prit  dans  le  cours  de  son  année  de  vie  un  ergot  très  accentué. Le  fait  n'est  pas  absolument  rare  chez  de  vieilles  poules,  mais en  ce  cas  il  s'agit  d'une  poule  très  jeune,  dans  sa  première  année. Le  dimorphisme  sexuel  organique,  au  contraire,  a  beaucoup varié.  Afin  d'évaluer  par  des  nombres  le  dimorphisme  pour  un organe  donné,  je  calcule  d'abord  le  rapport  du  poids  de  cet organe  à  100  grammes  de  poids  actif  chez  les  femelles  et  j'elïectue la  même  opération  chez  les  mâles,  à  chaque  génération,  en  pre- nant la  moyenne  des  femelles  et  la  moyenne  des  mâles  quand il  y  a  plusieurs  animaux  du  même  sexe.  Cela  fait,  je  divise  le nombre  relatif  à  l'organe  chez  les  femelles  par  le  nombre  relatif au  même  organe  chez  les  mâles  ;  j'obtiens  ainsi  un  nouveau rapport  qui  traduit  le  dimorphisme  sexuel.  Le  rapport  est  supé- rieur à  l'unité  pour  les  organes  qui  sont  plus  importants  chez les  femelles,  inférieur  à  l'unité  pour  les  organes  qui  sont  plus importants  dans  le  sexe  mâle. D'une  façon  générale  les  organes  se  rangent  de  la  façon  sui- vante :     . Organes  supérieurs  chez  les  femelles     Organes  supérieurs  chez  les  mâles Intestin.  Cœur. Gésier.  Poumon. Caecum.  Muscles. Pancréas. Foie- Rate. Mais  la  valeur  du  rapport  de  dimorphisme  sexuel  organique subit  des  variations  assez  grandes  suivant  les  générations.  J'ai VARIATIONS   EXPEUIMENTALRS 261 fait  les  calculs  en  distinguant    entre  les  deux  séries  a  et  [3  et voici  les  résultats  obtenus. RAPPORTS     DE     DIMORPHISME     SEXUEL     ORGANIOUE (Série   ^) (GENERATIONS Intestin  . Gésier  .  . Caecum  . Pancréas Foie  . .  .  . Eein  .  .  .  . Rate Cœur  .  .  . Poumon Po P. 1,  14 1,  40 1,  12 2,  74 1,05 1,46 0,95 2,45 1,  40 1,  60 0,80 1,  59 0,  80 1,33 0,60 1,01 0,79 0,98 1,  35 1,  65 1,  61 1,43 1,25 1,  90 1,27 0,92 0,  76 1.26 1,05 1,09 0,91 1,  14 1.  13 1,41 0,88 0,96 1,  44 1,56 1,53 1,  15 1,  31 1,  53 1,26 0,  93    I    0,  87 0,  66    I    0,  63 Ps 1,  52 1,01 1,  30 1,53 1,42 1,  30 1,  60 •r-- :. -\, "~  V  Os \    •# Po FiG.  41.  Courbes  de  la  variation  du  dimorpliisme  sexuel  organique  aux  diverses  génération? (série  R) Ra,  rate  ;  P,  pancréas;;  /,  intestin  ;  F.  foie  ;  R,  rein;  C,  cœcum  ;  0,  gésier;  C'œ,.cœur, Po,  poumons. 4^^' "X •'--'iF ^^ :-<-' ^^R.c * tr y^ ,'  G u  _  _ "- \ ----Je* 1  Po !  a :Pr 26â  F.   HOltSSAY Un  second  tableau  groupe  les  mêmes  données  relatives  à  la série  a,  mais  s'étend  seulement  sur  quatre  générations  par  suite de  l'extinction  plus  précoce  de  la  race. RAPPORTS    DE    DIMORPHISME    SEXUEL   ORGANIQUE {Série  a) GÉNÉRATIONS Po Pi P. P3 Intestin      1,76 1,26 1,56 1,  35 2,  12 1,33 0,90 0,82 )) 1,32 1,45 1,79 1,91 1,80 2,01 1,08 1,01 )) 1,  64 1,55 1,46 1,  18 1,71 2,25 1,41 0,79 1,02 1,  68 Gésier 1,86 Csecum 1,58 Pancréas      0,91 Foie      0,  86 Kein Rate 0,80 2 Cœur    0,  73 Poumon 0,  48 p.  :  Ps Fia.  42.  Courbes  de  la  variation  du  dimorpliisme  sexuel  organique  aux  diverses  générations (série  a). Mêmes  lettres  que  flg.  41. Avec  ces  nombres  j'ai  tracé  deux  séries  de  courbes  en  prenant pour  abscisses  les  temps  à  raison  de  25  %  pour  la  durée  d'une VARIATIONS   EXPERIMENTALES  263 génération  et  pour  ordonnées  les  valeurs  du  rapport  de  dimor- phisnie  à  raison  de  1  %  pour  un  changement  de  0,01  dans  la valeur  du  rapport.  Aussi  les  valeurs  1,50  et  1,60  sont  séparées par  10  ";^  en  hauteur  ;  1,48  et  1,50,  par  2  %,  etc. L'axe  horizontal,  tracé  à  la  valeur  du  rapport  égal  à  l'unité, représente  un  dimorphisme  nul  ;  les  organes  comparés  étant égaux  puisque  leur  rapport  est  1. Les  courbes,  ayant  subi  la  même  réduction  photographique, montrent  de  curieuses  variations,  différentes  dans  la  race  qui s'éteint  vite  et  dans  celle  qui  persiste  davantage.  Pour  bien comprendre  dans  son  détail  la  signification  des  deux  courbes, il  faudrait  une  étude  particulière  et  approfondie  de  ce  sujet spécial  et  sans  doute  mériterait-elle  d'être  faite.  Nous  allons  pour le  moment  nous  contenter  de  quelques  indications  générales. Au  début,  la  race  a,  meilleure  pondeuse,  a  un  dimorphisme sexuel  organique  plus  accentué  que  la  race  p.  Dans  cette  race  a, le  rein  seul  et  le  pancréas  manifestent  un  accroissement  du  di- morphisme dès  que  le  régime  change  ;  mais  l'accroissement  ne persiste  pas  et  est  suivi  d'une  régression  rapide  qui  amène,  à  la 3e  génération,  l'inversion  du  rapport,  à  laquelle  arrive  aussi  un autre  organe  essentiel  :  le  foie.  Le  dimoi-phisme  de  la  rate  aug- mente de  plus  en  plus,  ce  qui  est  sans  doute  un  symptôme  d'in- toxication chez  les  femelles,  à  foie  et  à  rein  insuffisants  pour  leur sexe. Pour  la  race  p,  le  changement  de  régime  accroît  brusquement le  dimorphisme  de  tous  les  organes  à  supériorité  femelle  ;  mais bientôt  le  dimorphisme  baisse  pour  atteindre  un  fort  minimum à  la  3e  génération,  où  toutes  les  courbes  se  resserrent  autour  de l'axe  1. Dans  l'évolution  de  nos  animaux,  là  est  le  point  critique  que nous  avons  signalé  partout.  Une  seule  femelle  laisse  des  descen- dants et  le  petit  relèvement  des  dimorphismes  à  la  génération  P^ est  un  jeu  de  sélection.  Son  effet,  d'ailleurs,  ne  dure  pas  et  dès la  génération  suivante  toutes  les  courbes  se  réinclinent  plus  ou moins  vers  l'axe  d'unité  à  dimorphisme  nul. 264  K.    IlOnsSAY Il  est  encore  à  observer  que,  dans  cette  race,  la  courbe  qui figure  le  diniorpliisme  de  la  rate  a  des  pointeinents  inverses  de ceux  des  autres  organes,  notamment  de  ceux  des  reins  et  du foie  ;  les  courbes  oscillent  en  sens  contraire,  montrant  en  quelque sorte  la  suppléance  tentée  par  la  rate  pour  réagir  à  l'intoxication quand  le  foie  et  le  rein  faiblissent  chez  les  femelles  ou  Tengor- gement  (qu'elle  subit  de  ce  chef. Au  résumé,  la  réduction  du  dimorphisme  st^vuel  (pie  faisait soupçonner  la  perte  de  l'instinct  de  combativité  chez  les  mâles est  une  réalité  profonde  et  organique  et  la  réduction  est  consé- cutive à  un  changement  de  régime  alimentaire. CHAPITEE  IX VARIATIONS   DU   BEC   ET   DES   ONGLES Sommaire.  —  Adaptations  du  bec  et  des  ongles  chez  les  Rapaces.  —  Interprétations  de  ces phénomènes.  —  Accroissement  des  ongles  et  balafres  (jue  subissent  les  poules  dans  le coït.  —  Données  sur  l'accroissement  manifeste  du  bec  et  des  ongles.  —  Adaptations  de non-granivores  plutôt  que  de  carnivores. L'ensemble  des  recherches  précédemment  exposées  permet  de conclure  que  l'évolution  d'un  oiseau  granivore  en  oiseau  Carni- vore consiste  surtout  dans  une  adaptation  digestive,  hépatique et  rénale. Cependant  ce  ne  sont  pas  les  adaptations  qui  ont  été  remar- quées de  prime  abord  et  l'on  a  vu  plutôt  le  caractère  distinctif des  oiseaux  carnivores  dans  la  forme  spéciale  de  leur  bec  recourbé, à  mâchoire  supérieure  débordant  de  beaucoup  l'inférieure  et dans  leurs  ongles  très  développés,  incurvés,  tranchants,  auxquels on  applique  le  nom  spécial  de  serres. Ces  dispositions  anatomiques  sont  diversement  comprises  par les  zoologistes.  Pour  les  uns,  bien  que  cette  opinion  perde  chaque jour  du  terrain,  le  bec  tranchant  et  les  serres  rapaces  sont  les caractères  primordiaux  et  nécessaires,  les  propriétés  d'avance dévolues  aux  oiseaux  qui  doivent  se  nourrir  de  chair,  a-fin  qu'ils VARIATIONS    EXPERIMENTALES  265 puissent  saisir  et  retenir  leurs  proies  aussi  bieu  que  les  dépecer après  capture. Pour  les  autres,  ces  qualités  de  forme,  étant  avantageuses dans  la  capture  et  le  dépeçage  des  proies,  ont  dii  se  développer et  se  fixer  par  la  sélection,  pour  peu  que  certains  individus aient  bien  voulu,  par  hasard,  en  montrer  le  début. Pour  d'autres  enfin,  l'usage  de  saisir  et  de  déchirer  une  proie, réalisé  d'abord  péniblement  avec  un  bec  et  des  ongles  quel- conques, a  peu  à  peu  acéré  les  organes  préhenseurs  par  le  résultat seul  des  tractions  et  des  compressions  qu'ils  supportaient  — d'une  façon  que  d'ailleurs  il  faudrait  bien  préciser  un  peu  plus. Je  dois  avouer  que  j'ai  d'abord  été  victime  de  cette  dernière manière  de  voir.  Malgré  qu'HoLMGRÉN  eût  déjà  dit  que,  chez ses  pigeons  nourris  plusieurs  années  à  la  viande,  le  bec  se  trans- formait par  débordement  de  la  mâchoire  supérieure  sur  l'infé- rieure, je  n'attendais  rien  de  pareil.  Car  je  donnais  à  mes  poules des  morceaux  de  viande  tout  coupés  ;  elles  se  contentaient  de les  déglutir  sans  les  déchirer,  et  je  ne  voyais  pas  comment  une semblable  manière  de  faire  pouvait  modifier  les  ongles  et  le  bec. vJ'étais  abusé  par  l'aphorisme  «  La  fonction  crée  l'organe  ». S'il  est  bien  vrai  que  toujours  c'est  une  fonction,  ou  une  manière de  se  comporter,  qui  a  fait  un  organe,  ce  n'est  pas  toujours  la fonction  qu'il  exerce  aujourd'hui  sous  nos  yeux.  Et,  si  l'on examine  seulement  un  rapport  actuel  d'organe  et  de  fonction, il  se  peut  très  bien  que  la  forme  de  l'organe,  antérieurement  et pour  d'autres  raisons  acquises,  ait  fait  surgir  la  fonction  d'au- jourd'hui. Lucrèce  (1)  déjà  avait  exprimé  cette  maxime  d'anatomie comparée,  Dohrn  a  tiré  grand  parti  de  la  notion  fort  analogue des  «  changements  de  fonction  »  et  nous  allons  en  faire  l'appli- cation au  bec  et  aux  serres  des  oiseaux  de  proie. Mal  engagé,  comme  je  l'ai  dit,  par  une  fausse  interprétation. (1)   De  Natura  rerum,  IV,  832. Nil  ideo  quoniam  natum  est  incorpore,  ut  uti Possemus  ;  sed,  quod  natum  est,  id  procréât  usum. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  4*  SEHIE.  T.  VI.  —  (v).  IÇ) â66 F.  HOUSSAY je  u'ai  pas  dès  le  début  recueilli  autant  de  matériaux  que  je l'aurais  pu.  Ceux  que  je  possède  constituent  cependant  une série  très  démonstrative. Je  ne  tardai  pas  à  m'apercevoir,  dès  la  seconde  génération Carnivore,  que  les  ongles  de  mes  animaux  devenaient  plus  tran- chants parce  que,  pendant  les  coïts,  les  poules  avaient  le  dos déchiré  par  de  longues  et  profondes  balafres.  Ces  blessures  de- vinrent si  importantes  qu'il  fut  impossible  de  laisser  les  femelles sans  protection  à  la  disposition  des  mâles.  On  fut  obligé  de  leur placer  sur  le  dos  un  tampon  de  coton  bien  assujetti  par  une large  bande  de  toile,  cousue  autour  du  corps.  Elles  s'en  accom- modaient fort  bien,  ainsi  que  les  coqs.  Si  même,  chez  les  Rapaces, les  femelles  sont  saisies  de  la  même  manière  que  chez  les  Galli- nacés, les  coïts,  moins  renouvelés  et  pendant  moins  longtemps que  sur  les  poules  domestiques,  où  ils  durent  8  mois  par  an, n'offrent  pas  les  mêmes  inconvénients. Cela  me  porta  à  examiner  aussi  les  becs.  D'une  année  à  l'autre, je  ne  distinguais  pas  de  changement  appréciable.  Mais  le  rap- prochement des  mesures  scrupuleusement  prises  laisse  voir  une véritable  transformation. Le  tableau  suivant  donne  quelques  mesures  relatives  à  ces organes. GENERATIONS Poule    ordinaire. ^-       (  VI2  . .  .  . DEBOUUEMENT de  la mâchoire  supérieure à  soti  extrémité LONGUEUR  DES  ONGLES Pouce Doit"!  médian 3%5 6^'  (23) 11 12% 15% P3      I3 » 8  % 21% (I4 P4      II4 (vu..... 4% 5% 5% 13% )) 18% 21% » 20  % P5      III5  .... 1% 19% 20% VARIATIONS   EXPERIMENTALES  26*/ Examiuons  en  premier  lieu  la  question  du  bec.  La  façon  pro- gressive dont  la  mâchoire  supérieure  déborde  l'inférieure  est très  bien  suivie  jusqu'à  la  dernière  génération,  à  laquelle  le phénomène  paraît  s'arrêter  et  même  régresser.  En  vérité,  il n'en  est  rien. Disons  d'abord  que,  par  la  cessation  du  régime  granivore,  le bec  ne  frappe  plus  à  coups  répétés  le  sol  ou  tout  objet  dur,  pour y  piquer  les  graines  et  qu'ainsi  il  ne  s'use  plus  et  s'allonge.  Le bord  chitineux  s'agrandit,  s'infléchit  et  commence  à  prendre l'aspect  tranchant  et  recourbé  que  l'on  observe  sur  les  oiseaux de  proie,  chez  lesquels  justement  rien  dans  ce  qu'ils  font  n'arrête la  croissance  des  bords  cornés  du  bec.  Que  ce  développement puisse  ensuite  être  utile  pour  mieux  saisir  et  déchirer  la  proie, c'est  possible,  en  tous  cas  ce  n'est  pas  sûr  et  de  plus  c'est  sans conséquence,  puisque  c'est  le  dernier  terme  de  l'évolution,  déter- miné par  tout  ce  qui  précède  et  ne  déterminant  plus  rien  à  la suite.  Ce  n'est  pas  même  au  sens  rigoureux  du  mot  une  adaptation de  Carnivore,  c'est  une  adaptation  de  non  granivore  et  on  la  trouve nettement  chez  les  Perroquets,  plutôt  mangeurs  de  fruits  ou  de grosses  graines  qu'alors  ils  épluchent  avec  des  précautions  spé- ciales. Le  dernier  animal,  III-,  semble  montrer  un  arrêt  dans  cette évolution.  La  vérité  est  que,  chez  lui,  la  mâchoire  inférieure  a également  subi  un  accroissement  marginal  de  son  bord  corné, accroissement  qui  par  son  extrémité  antérieure  la  met  moins  en retrait  sur  la  mâchoire  supérieure.  De  plus  et  surtout  elle  est élargie  par  côté  et,  de  ce  fait,  entre  moins  facilement  et  moins profondément  sous  la  supérieure.  Le  résultat  de  l'accroissement latéral  en  question,  serait,  s'il  continuait  à  durer,  un  élargisse- ment subséquent  de  la  mâchoire  supérieure,  dans  sa  partie osseuse.  La  mâchoire  inférieure,  en  effet,  élargie  mais  passant toujours  dans  la  supérieure  quoique  moins  bien,  distend  celle-ci par  le  seul  jeu  des  muscles,  pratique  ce  que  les  dentistes appellent  un  écartement.  De  telle  sorte  qu'on  observerait  en fin  de  compte  non  seulement  l'aquilinité  du  bec,  déjà  manifeste 26g  F.  HOUSSAY sur  les  dessins  ci-joints  (fig.  43),  mais  encore  l'élargissement  de celui-ci,  ce  qui  est  aussi  un  caractère  des  oiseaux  de  proie. t'iG.  43.  Variation  du  bec  chez  des  coqs  carnivores  de  diverses  gônérationâ. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  269 Voici  quelques  mesures  comparant  les  dimensions  de  la  mâ- choire inférieure  du  dernier  coq  décrit  à  celles  de  trois  autres. Longueur  de  la  mâchoire  inférieure  depuis  Illr,         28""^ l'insertion    des    bajoues    jusqu'au  point antérieur  où  elle  disparaît  sous  la  supé- rieure            (li,  IL,  VIL)  23'"^ Différence 5% Longueur  de  la  mâchoire  inférieure  depuis  III;,         38% la  commissure  jusqu'au  même  point  en  l^ — 35   j avant IL — «^2  >     33  % VU*— 32  ) Différence 5  % Si  nous  ajoutions  ces  5  "l^,  trouvés  de  deux  façons,  à  1  %  de débordement  inscrit  au  tableau,  nous  trouverions  6  %,  ce  qui accuserait  une  nouvelle  progression  et  non  pas  un  retrait.  L'appa- rence de  celui-ci  est  dû  à  la  croissance  de  la  mâchoire  inférieure. Observons  bien  que  cette  mandibule  ne  s'est  pas  effective- ment allongée  de  5  %,  ce  qui  serait  beaucoup  trop.  Mais,  par un  moindre  enfoncement  sous  la  mâchoire  supérieure,  son  point antérieur  de  disparition  est  reporté  de  5  "„,  en  avant. La  croissance  des  ongles  a  été  plus  manifeste  encore  que  celle du  bec,  ou  du  moins  traduite  par  des  nombres  plus  forts,  et encore  notre  tableau  offre  une  série  inférieure  à  la  vérité.  Nos mesures  en  effet  sont  toujours  prises  au  compas  et  en  droite ligne  depuis  la  pointe  de  l'ongle  jusqu'au  milieu  de  sa  base  du côté  dorsal  ;  mais  en  outre  de  l'allongement  s'accuse  une  cour- bure de  plus  en  plus  marquée,  dont  notre  mesure  ne  tient  pas compte. La  croissance  des  ongles  est  tout  aussi  explicable  que  celle du  bec.  Le  premier  coq  observé,  I,,  avait  2  pouces  (fig.  44)  : l'un  qui  reposait  sur  le  sol  avec  un  ongle  de  6  "'^,  l'autre  qui  ne touchait  jamais  le  sol  avec  un  ongle  recourbé  de  23  "„,  longueur qu'aucun  autre  ongle  n'a  atteinte.  Donc,  en  ne  frottant  pas  à terre,  les  ongles  s'allongent  et  se  recourbent.  Nos  animaux,  qui ne  sont  plus  granivores,  perdent  progressivement  l'instinct  de 270  F.  HOUSSAY gratter  incessamment,  leurs  ongles  se  développent,  se  recourbent, lils FiQ.  44.  Variations  des  ongles  chez  des  coqs  carnivores  de  diverses  généra  ions. VARIATIONS    EXPERIMENTALES  271 deviennent  capables  de  faire  les  redoutables  balafres  dont  nous avons  parlé.  Une  série  de  dessins  rigoureusement  relevés  sur nature  et  tous  réduits  de  la  même  façon  rend  sensible  cet  accrois- sement progressif  des  ongles. CHAPITRE  X HÉRÉDITÉ    DES    CARACTÈRES    ACQUIS SOMMAIRE.  —  Rareté  des  documents  sur  le  sujet.  —  Caractères  apparus  et  caractères  acquis. —  La  progression  dans  la  variation  par  le  régime  prouve  l'hérédité.  —  Mesures  directes sur  de  très  jeunes  animaux  appartenant  à  diverses  générations.  —  Avant  toute  action du  régime,  la  variation  est  la  même  que  chez  les  adultes.  —  Hérédité  des  caractères  acquis. —  Extinction  d'une  polydactylie  originelle.  —  Apparition  d'une  autre  polydactylie.  — Mutation.  —  Rapports  possibles  des  malformations  polydactyles  et  de  l'intoxication. Il  est  peu  de  questions  ayant  soulevé  des  discussions  plus abondantes  que  celle  de  l'hérédité  des  caractères  acquis.  Il  en est  peu  également  qui  aient"  été  discutées  d'une  façon  aussi exclusivement  théorique  et  aussi  dépourvue  de  documentation. Quelques  rares  faits,  toujours  les  mêmes,  sont  mis  en  avant  ; tels,  le  cas  des  cobayes  épileptiques  de  Brown-Séquard  par  les partisans  de  la  transmission  des  caractères,  ou  celui  des  chats sans  queue  de  l'île  de  Man  par  ceux  qui  contestent  cette  sorte d'hérédité. Les  belles  recherches  d'HuGO  de  Vries  sur  la  mutation auraient,  à  ce  qu'il  me  semble,  dû  trancher  la  question.  Une mutation,  caractère  nouveau,  est  essentiellement  transmissible  par hérédité.  Je  sais  bien  que,  pour  beaucoup  de  biologistes,  caractère nouveau  ou  nouvellement  ajrparu  n'est  pas  caractère  acquis  — acquis,  c'est-à-dire  résultant  d'une  modification  connue  qui change  la  vie  de  l'être  soit  dans  son  chimisme  interne,  soit  dans les  échanges  entre  sa  substance  et  le  milieu  extérieur,  soit  dans les  deux  catégories  à  la  fois. Pour  ma  part,  je  ne  puis  concevoir  qu'un  caractère  nouveau se  montre  s'il  n'a  été  acquis,  c'est-à-dire  déterminé  par  quelque modification  antécédente  dans  l'être  qui  le  porte,  ou  dans  ses 272  F.  HOUSSAY procréateurs,  modification  qui  a  son  origine  dans  quelque  chan- gement de  l'ambiance,  ou  dans  quelque  changement  des  rap- ports entre  l'être  et  l'ambiance.  Et  le  fait  que  ce  changement  ne nous  est  pas  toujours  précisément  connu  ne  me  semble  pas uue  raison  pour  le  nier,  mais  bien  pour  le  chercher. Que  si  cette  façon  de  raisonner  peut  être  prise  pour  le  produit subjectif  d'une  mentalité  spéciale,  il  ne  faut  pas  oublier  tout de  même  que  le  raisonnement  inverse  s'appuie  sur  un  résultat négatif  d'observation,  sur  une  ignorance  momentanée,  tandis que  le  précédent  repose  sur  des  faits  positifs.  Les  mutations héréditaires  produites  par  Blaringhem  (1)  sur  des  pieds  de maïs  sectionnés  se  présentent  avec  une  parfaite  netteté  comme des  caractères  acquis  à  la  suite  d'un  traumatisme,  qui  a  certai- nement changé  quelque  chose  dans  la'^plante  et  dans  ses  rap- ports avec  le  milieu. Parmi  les  données  de  mon  expérience  à  déterminisme  défini, on  peut  et  on  doit  chercher  à  démêler  les  arguments  qu'elle apporte  pour  ou  contre  l'hérédité  des  modifications  survenues. Afin  de  préciser,  attachons-nous  à  la  variation  d'un  seul  organe  : le  gésier  par  exemple.  Dans  la  série  complète  des  couples  qui  se sont  reproduits  jusqu'au  bout  avec  la  moindre  intoxication  et la  meilleure  santé,  on  voit  cet  organe  aller  en  diminuant  de  plus en  plus  (2).  Donc  le  caractère,  résultat  du  régime  changé,  n'est pas  valable  seulement  pour  la  génération  qui  subit  le  change- ment et  n'est  pas  tel  que  tout  soit  à  recommencer  à  chaque génération,  sans  quoi  la  variation  demeurerait  constante  et n'irait  pas  en  croissant.  Il  y  a  quelque  chose  qui  est  transmis d'une  génération  à  la  suivante,  en  raison  de  quoi  celle-ci  pousse la  variation  plus  loin. Prenons  un  organe  d'un  autre  type  :  le  foie  par  exemple.  Il  a été  en  croissant  constamment  pendant  les  quatre  générations  : 0,  1,  2,  3.  Si  j'avais  arrêté  là  mon  expérience  et  personne  ne pouvait  me  le  reprocher,  puisqu'aussi  bien  elle  eût  encore  été (1)  Blaringhem,  Bull.  Scient,  de  la  France  et  de  la  Belgique,  1907. (2)  Voir  p.  212. VARIATIONS   EXPERIMENTALES  273 une  des  plus  longues  réalisées  chez  les  animaux,  j'étais  en  droit de  conclure,  comme  pour  le  gésier,  à  la  transmission  des  carac- tères acquis. En  persévérant,  j'ai  constaté  la  régression  du  foie.  Est-ce  à dire  que  le  caractère  acquis  ne  se  transmet  plus  "?  que  le  foie revient  à  sou  état  primitif  f  En  aucune  façon.  Les  foies  réduits de  la  fln  de  l'expérience  ne  sont  pas  les  petits  foies  du  début. Ces  derniers  avaient  un  faible  volume  par  la  raison  d'un  régime peu  toxique  et  d'une  assimilation  aisée  ;  les  autres  sont petits  par  cachexie,  résultat  du  surmenage  et  de  l'empoison- nement. Le  caractère  acquis  est  au  total  une  hausse  suivie  d'une  baisse. La  hausse  continuée  nous  menait  à  l'adaptation  Carnivore, comme  je  l'ai  montré;  arrêtée,  elle  aboutissait  à  la  mort  de l'espèce. Au  surplus  s'il  est  vrai  que  la  transformation  réalisée  des races  est  une  face  du  problème  de  l'évolution,  leur  extinction n'en  est  elle  pas  une  autre,  plus  large  peut-être.  La  paléontologie est-elle  faite  d'autre  chose  que  de  l'extinction  des  races,  des espèces  et  des  classes  "?  et  cette  extinction  n'est-elle  pas  un manque  d'adaptation  à  des  conditions  changées  ? Le  caractère  acquis  dans  vson  entier  est,  ai-je  dit,  pour  cer- tains organes  la  baisse  continue,  pour  certains  autres  la  hausse suivie  de  baisse.  Or,  c'est  cette  transmission  même,  telle  quelle, que  l'on  retrouve  si  l'on  compare  entre  eux  de  très  jeunes  ani- maux appartenant  aux  diverses  générations. L'étude  de  l'hérédité  des  caractères  sur  les  jeunes  animaux demande  qvielques  précautions.  On  sait  en  effet  que  INLviirel a  appelé  l'attention  sur  ce  fait  que  le  rapport  des  organes  nu- tritifs au  poids  total  est  beaucoup  plus  élevé  chez  les  animaux de  petite  taille  que  chez  les  animaux  de  grande  taille  et,  dans une  même  espèce,  chez  les  jeunes  que  chez  les  adultes.  Dans  ce dernier  cas,  la  variation  est  bien  loin  d'être  négligeable  ;  il faut  donc  s'astreindre,  si  l'on  veut  comparer  un  jeune  d'une certaine  génération  avec  un  jeune  d'une  autre  génération,  à  ce 274 F.  HOTÎSSAY que  les  animaux  soient  aussi  voisins  comme  âge  que  cela  est possible. En  présence  des  difficultés  croissantes  pour  mener  à  bien  les incubations,  je  me  suis  gardé  de  sacrifier  volontairement  des jeunes  et  n'ai  pas  pu,  en  conséquence,  être  maître  de  les  avoir  ri- goureusement au  même  âge  ;  par  rigoureusement  j'entends  ayant juste  le  même  nombre  de  jours.  Dans  les  morts  qui  se  sont produites,  je  ne  puis  donc  utiliser  que  les  lots  formés  d'animaux qui  se  trouvent  à  peu  près  comparables  ;  cela  réduit  la  quantité de  mes  données  mais  rend  démonstratives  celles  qui  restent  et cela  vaut  mieux. Le  tableau  suivant  donne  les  rapports  des  principaux  organes à  100  grammes  du  poids  total.  Les  poulets  étudiés  ont  respec- tivement 12,  7,  11  et  17  jours  et  sont  donc  d'âges  assez  voisins pour  qu'on  ne  soit  pas  abusé  par  la  variation  ontogénique.  De plus,  ces  poulets  sont  morts  après  de  brefs  malaises  de  24  ou  48 heures  qui  ne  les  ont  pas  amaigris,  ce  qui  eût  changé  tous  les rapports  par  faiblesse  du  poids  total.  Ils  appartiennent  comme on  le  voit  à  trois  générations  distinctes  :  un  poulet  granivore, deux  de  la  4^  génération  Carnivore  et  un  de  la  G^. ORGANES GUANIVOUE CARNIVORES de    4c    génération CARNIVORE de 6o  g-énération li  jours nu 7  jours vil 1 1    JKurs Ir, 17  jours Poide   total 85  gr.  30 18         7 1 5 0          1 114         97 0  57 6         92 5         69 9         58 1  31 1         70 50  gT . 11          2 1  30 6         4 0       08 118 0         40 5         78 4          10 10         40 2  72 0         49 74gr.3 8         61 1         34 5          18 0         09 86         81 0  47 .5         11 3         63 7         26 1  95 1         61 100  gr. Jabot  jaugé  à  l'eau.  .  . Poids  du  cœur —  du  foie —  de  la  rate Longueur  de  l'intestin  . Poids  du  pancréas Poids  de  l'estomac  total —  du  gésier Longueur  d'un  caecum. Poids  des  2  reins —  des  2  poumons. 3         8 0         41 2  98 0         53 99 0  46 3  76 2         97 6         50 1  21 0         38 Si  l'on  compare  entre  eux,  sur  ces  jeunes  sujets,  les  organes VAH[ATIONS    EXPERIMENTALES  275 qui  nous  ont  donné  de  larges  et  incontestables  modifications dans  la  série  des  adultes  :  le  jabot,  l'estomac,  le  gésier,  les  caecums, on  voit  qu'ils  décroissent  de  même  constamment  dans  la  série des  jeunes. Le  foie  et  les  reins,  après  avoir  augmenté,  décroissent  ;  le caractère  complet  avec  toute  sa  variation  se  trouve  reproduit. L'importance  de  la  rate  est  à  noter  chez  le  dernier  poulet comme  un  signe  de  l'intoxication  héritée,  ses  uretères  au  surplus étaient  gorgées  de  cristaux  qui  semblaient  être  de  l'urate  de soude  et  fournissaient  énergiquement  la  réaction  de  la  muréxide. Puisque  ces  jeunes  sujets  présentent  toutes  les  modifications que  nous  avons  suivies  chez  les  adultes  comme  effet  du  change- ment de  régime  et  puisque  ce  régime  n'a  pas  eu  le  temps  d'agir personnellement  sur  eux  pendant  leur  courte  vie,  il  faut  bien conclure  que  les  modifications  leur  ont  été  transmises  par  héré- dité. Une  autre  série  intéressante  est  formée  par  deux  animaux  qui ne  peuvent  être  comparés  avec  les  précédents  parce  qu'ils  sont plus  jeunes  (3  jours  et  2  jours).  De  plus,  n'ayant  pas  été  dissé- qués immédiatement,  ils  ont  été  conservés  dans  du  formol  à 4%  puis  plongés  l'un  et  l'autre  20  heures  dans  de  l'eau  renouvelée afin  de  rendre  à  leurs  organes  une  certaine  souplesse.  Ce  dernier résultat  médiocrement  atteint  n'a  pas  permis  d'évaluer  la  jauge du  jabot  ;  on  a  comparé  par  leurs  poids  ces  organes,  séparés  du tube  digestif  par  deux  coups  de  ciseaux  nets  au-dessus  et  au- dessous  de  la  dilatation  œsophagienne  qu'ils  forment.  De  plus, la  longueur  du  tube  digestif  a  été  contrôlée  par  son  poids.  En tous  cas  les  deux  poulets,  ayant  été  traités  l'un  et  l'autre  exacte- ment de  la  même  façon,  sont  parfaitement  comparables  entre eux.  L'un  appartient  à  la  2^  génération  Carnivore,  l'autre  à  la Q^.  Ce  sont  deux  jeunes  mâles. On  voit  encore,  par  les  rapports  de  leurs  organes  au  poids total,  que  le  premier  de  ces  poulets  appartient  aux  générations à  rein  et  à  foie  croissants,  tandis  que  le  second  appartient  aux générations  oii  ces  organes  régressent. 276  F.  HOTÎSSAY or(;anks  rapcouts  a  100  an.  de  poids  total P.  P« Poids  total  sans  vitellus 33()r.lO  31(]r.78 Cœur 1     05  0     85 Foio 5     10  3     74 Longueur  du  tube  digestif 83     08  69       5 Poids  du  tube  digestif 16     31  10     54 —  du  jabot 1     06  0     22 —  du  gésier 5     86  2     92 —  des  poumons 0    ^6  0     81 —  des  reins 1      14  0     85 Le  tube  digestif,  le  jabot  et  le  gésier  marquent  la  rédnction que  nous  avons  rencontrée  chez  les  adultes  et  avec  la  même intensité. J'aurais  encore  pu  faire  un  lot  de  4  coqs  :  deux  appartenant à  la  2e  génération  Carnivore,  un  à  la  4^  et  un  à  la  5^  ;  ils  étaient respectivement  âgés  de  142,  147,  149  et  138  jours  et  par  suite bien  comparables  à  ce  point  de  vue.  Mais  les  deux  premiers avaient  été  sacrifiés  dès  le  début  de  leur  maladie  ;  les  deux  der- niers, au  contraire,  avaient  été  conservés  jusqu'à  leur  mort spontanée,  ils  étaient  pour  leur  âge  très  chétifs  et  de  faible poids.  La  considération  des  rapports  de  leurs  organes  au  poids total  est  sans  intérêt.  En  supposant  qu'ils  aient  pu  atteindre avec  les  mêmes  organes  internes  le  même  poids  que  leurs  frères bien  portants  de  la  même  génération  et  du  même  âge,  et  en calculant  dans  ce  cas  les  rapports  organiques  on  obtient  une série  tout  aussi  démonstrative  que  la  précédente.  Cependant  je ne  veux  point  en  faire  état,  n'étant  pas  sûr  d'avoir  le  droit d'augmenter  le  poids  total  sans  augmenter  aussi  les  organes, c'est-à-dire  ne  croyant  pas  pouvoir  faire  l'hypothèse  que  la réduction  a  porté  exclusivement  sur  la  graisse,  sur  le  squelette et  sur  les  masses  musculaires.  Il  est  bien  vrai  qu'elle  s'est  ainsi réalisée  d'abord  et  surtout,  mais  il  resterait  de  l'aléa. Dans  cette  question  controversée,  il  ne  faut  apporter  que  des données  incontestables. VARIATIONS   EXPF:RiMÉNTALES  211 Je  veux  appeler  maintenant  l'attention  sur  une  curieuse  va- riation qui  s'est  produite  sans  que  l'on  puisse,  en  l'état  actuel  de nos  connaissances ,  la  rattacher  logiquement  au  changement  de régime.  Beaucoup  de  biologistes  l'appelleraient,  en  cette  cii'- constance,  variation  spontanée  et,  comme  elle  se  répète  trois générations  de  suite,  elle  répond  même  à  la  définition  de  la mutation.  En  fait,  elle  apparaît  au  cours  d'une  expérience  sur le  changement  de  régime  ou,  si  l'on  veut  généraliser,  au  cours d'une  intoxication  poursuivie  dans  une  race. Voici  ce  dont  il  s'agit.  Deux  races  ont  été  mises  en  expérience, représentées  par  deux  femelles  et  un  seul  mâle,  soit  un  couple pour  chaque  race,  le  coq  unique  figurant  deux  fois  comme  il  le fait  réellement  dans  la  reproduction. Dans  l'une  des  lignées  ([3)  le  coq  aussi  bien  que  la  poule  ont quatre  doigts  à  chaque  patte,  ce  qui  est  la  norme  ;  dans  l'autre (a),  le  coq  ayant  quatre  doigts,  la  poule  en  a  cinq  auœ  deux  'pattes. Or,  à  la  seconde  génération  Carnivore,  ce  dernier  couple  donne 2  poulets  avec  5  doigts  aux  deux  pattes  et  4  avec  4  doigts  :  le caractère  régresse  donc  devenant  1/3  au  lieu  de  1/2.  A  la  géné- ration d'après  (P3)  il  est  tout  à  fait  perdu. Dans  la  série  P,  les  sujets  restent  avec  4  doigts  aux  deux pattes  3  générations  de  suite  (P^,  P.,  P-J  puis  à  la  suivante  (PJ on  voit  les  5  doigts  apparaître  et,  notons  bien  le  fait,  dans  une série  où  l'hérédité  n'y  est  pour  rien  du  tout,  puisque  le  caractère ne  s'est  jamais  montré  sur  les  ascendants.  Il  apparaît  tout  de suite  avec  une  grande  fréquence. Le  caractère  nouveau  n'est  pas  au  reste  exactement  le  même que  celui  qui  a  été  perdu  depuis  deux  générations  déjà  par  la série  voisine  (a).  Ce  dernier  conâistait  exclusivement  en  5  doigts aux  deux  pattes,  celui  que  nous  voyons  apparaître  consiste parfois  aussi  en  5  doigts  aux  deux  pattes,  mais  plus  souvent  en 5  doigts  à  une  seule  patte,  et  tous  les  doigts  supplémentaires  ne sont  pas  égaux  entre  eux  ;  il  y  a  des  degrés  dans  leur  importance. Le  seul  titre  commun  aux  deux  cas  est  donc  la  polydactylie sans  qu'elle  soit  rigoureusement  de  même  sorte. â78  F.  HOtiSSAY Une  génération  de  plus  le  caractère  se  maintient  et  la  fré- quence des  5  doigts  aux  deux  pattes  aug- mente, bien  que  la  polydactylie  à  une seule  patte  se  retrouve  encore.  Enfin  le seul  poulet  éclos  de  la  6^  génération  avait 5  doigts  à  une  patte.  J'insiste  sur  ce  que cette  malformation  n'est  pas  identique  à celle  du  début  dans  l'autre  série.  11  y  a même  certains  animaux  comme  V^  pour lesquels  on  eût  aussi  bien  pu  parler  de 6  doigts  que  de  5 (flg.  45). Le  tableau  suivant montre  les  variations de  la  polydactylie dans  les  générations FIO.  45. Patte  d'un  poulet  polydactyle  (Vi). successives. O SÉRIE a SÉRIE p 71 o i£          S tn ^         >< H s: ■w ■w o 5    X o    s ~     w t  s A    a a  < g '5 > X G '5 'S T3 (U "3 '5    .=     s "      *      rt «     J     § i     g-    p O      3 ^      § S  < o   -a X  -S  1 >       CO eu a V. d ce S '5 -a CO a. 5 1    2    1 —     p     « iJi a  â  ^ .5       3       = ce ■< ■s 5    3    o ?^ « -« -^  ■'-  g. P« 2 1 0 100 2 0 0 0 P> 2 1 0 100 2 0 0 0 P-. 6 2 0 66,  6 3 0 0 0 Pa 6 0 0 0 2 0 0 0 Pi 1 0 0 0 6 1 3 85 Ps 12(1) 3 2 66,  6 Pc .5(2) 0 2 40 A  vrai  dire,  le  caractère  nouveau  de  la  série  p  ne  peut  d'une façon  satisfaisante  être  étudié  comme  mutation  quant  à  sa fréquence.  Il  y  a  trop  peu  d'animaux  en  expérience  et  les  grands 1)  Ce  nonilire  12comprend  les  8  éclosions  réalisées  plus  4  développements  assez  avancés iur  lesquels  le  caractère  en  question  a  été  examiné. 2)  Mfime  remarque. VARIAïiONS   EXPÉRIMENTALES  279 nombres  deviennent  indispensables  lorsque  le  déterminisme  est incertain.  Jo  tenais  seulement  à  signaler  l'existence  d'un  phéno- mène de  ce  genre  et  son  apparition  si  curieuse. Bien  que  j'ignore  les  relations  qui  peuvent  exister  entre  l'appa- rition de  la  polydactylie  et  la  nutrition  en  général  et  plus  spé- cialement l'intoxication  et  l'insuffisance  de  l'excrétion,  je  suis tenté  de  croire  à  l'existence  d'un  rapport  entre  les  deux  phéno- mènes. Rappelons  à  ce  sujet  qu'à  la  génération  P^,  à  laquelle  le caractère  survient,  la  baisse  du  foie  et  du  rein  se  manifeste  éga- lement. C'est  en  tous  cas  une  question  qui  vaut  la  peine  d'être examinée  de  près. On  ne  peut  se  laisser  arrêter  par  l'objection  que  la  polydactylie se  montre  spontanément  dans  la  nature,  d'abord  parce  que  per- sonne ne  sait  si  c'est  vraiment  spontanément.  Le  seul  fait  cer- tain est  qu'on  n'a  pas  encore  saisi  de  rapprochement  entre  ce phénomène  et  d'autres  ;  cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  n'y  en  a point  et  qu'il  n'y  en  aura  jamais  à  faire. En  outre,  si  l'on  parle  spécialement  de  la  race  des  poules Soudan  qui  ont  régulièrement  5  doigts  aux  deux  pattes,  on sait  que  ces  animaux  réputés  pour  l'abondance  de  leur  ponte, sont,  d'autre  part,  tenus  en  suspicion  comme  n'étant  pas  assez rustiques  et  comme  difficiles  à  élever.  Tout  cela  ne  serait-il  pas la  marque  d'une  faiblesse  excrétrice,  voisine  de  l'insuffisance, qui  du  moins  s'est  révélée  dans  nos  recherches  par  l'incapacité tout  de  suite  atteinte  de  faire  croître  cette  fonction  et  les organes  qui  l'assurent. CHAPITEE  XI ANOMALIES   —   PATHOLOGIE Sommaire.  —  Etude  limitée  aux  états  résultant  du  régime.  —  Retard  dans  l'enclosion  et  la résorption  de  la  vésicule  vitelline.  —  Cause  des  échecs  à  l'éclosion  et  des  morts  très  pré- coces. —  Un  poulet  avec  un  second  jaune  enclos  dans  l'abdomen.  —  Arthrites  doulou- reuses et  déformantes  de  l'articulation  tibio-tarsienne.  —  Leur  guérison  rapide  par  le régime  végétarien.  —  Réactions  peaussières  sur  les  pattes.  —  Poussées  supplémentaires de  plumes.  —  Interprétation  de  la  plume  et  du  poil  comme  phénomène  excréteur.  ^ Utérus  et  oviducte. Je  n'ai  pas  l'intentiou  de  faire  en  ce  chapitre  un  relevé  de toutes  les  manifestations  pathologiques  que  j'ai  observées,  telles que  diarrhées  épidémiques  survenues  sans  que  j'en  ai  pu  perce- voir la  cause  et  que  j'ai  néanmoins  notées  parce  qu'elles  se  tra- duisaient dans  les  courbes  de  croissance  par  une  petite  baisse ou  un  petit  plateau.  Les  renseignements  de  cet  ordre  m'ont ensuite  été  fort  utiles  pour  éliminer  avec  certitude  les  accidents qni  auraient  pu  rendre  douteuse  la  place  du  point  d'inflexion principal  dont  j'ai  signalé  l'importance  au  chapitre  II. Egalement  je  parlerai  à  peine  d'une  affection  de  la  langue assez  généralisée  chez  les  poules  de  3^  génération.  Elle  consistait en  un  boursouflement  et  un  décollement  de  tout  l'épiderme  de la  langue,  qui  pouvait  s'enlever  d'un  seul  coup  comme  dans  la maladie  de  la  pépie.  Mais  il  y  avait  cette  différence  importante que,  dans  la  pépie,  on  enlève  un  étui  d'aspect  corné,  tandis qu'en  ce  cas  il  s'agissait  d'un  manchon  mou,  flasque  et  de  couleur jaune.  Il  était  au  surplus  bourré  de  bactéries  banales,  principa- lement de  sarcines.  Je  laisse  également  de  côté  des  manifesta- tions de  tuberculose  intestinale  malgré  l'importance  et  la  fré- quence qu'elles  prirent  spécialement  à  la  4^  génération.  Elles me  parurent  dues  aux  poussières  du  sol,  sur  lequel  les  aliments traînaient  parfois  et  disparurent  effectivement  après  que  j'eus fait  renouveler  le  sable  et  le  gravier. Je  parlerai  surtout  des  états  pathologiques  en  rapport  certain Variations  expérimentales â8i avec  le  régime,  simples  exagérations  des  phénomènes  généraux rencontrés  chez  tous  les  animaux  qui  le  subissent,  même  chez ceux  que  l'on  n'est  pas  tenté  de  déclarer  malades. En  premier  lieu,  la  résorption  de  la  vésicule  vitelline  est  fort entravée.  On  sait  qu'environ  20  heures  avant  l'éclosion  ce  qui reste  de  la  vésicule  vitelline  est  enclos  dans  la  cavité  abdominale du  poulet  et  se  résorbe  en  quelques  jours.  Bien  que  Dubuisson  (1) fasse  remarquer  qu'il  y  a  d'assez  grandes  différences  quant  au degré  de  résorption  entre  deux  poulets  du  même  âge,  les  écarts que  je  veux  signaler  sont  tellement  amples  qu'ils  traduisent certainement   un   grand  retard   dans  l'élimination  du  vitellus. Voici,  en  regard  des  nombres  que  donne  H.  Virchow  (2)  pour les  poulets  ordinaires  jusqu'au  7^  jour,  ceux  que  j'ai  pu  observer sur  les  poulets  carnivores  et  sur  un  poulet  ordinaire  du  12«^  jour. GRANIVORES CARNIVORES AGE des  Poulets Poids du Poussin Poids de  la  vésicule vitelline Poids du Poussin Poids de  la  vésicule vitelline 12  heures 37  or.  2 5  OT.  34 36       — 35          33 3          24 3  jours 33          75 2          50 3-4    — 36          93 0          60 38gr.85(^2egéii,) 5gT.  75 6-7     — 39          54 0          43 5-6    — 43          66 0          05 7        — 11  — 12  — 85          30 0 50          (4«gén.) 74            (4«géll.) 15 1          75 17     — 100        (Segen,) 0         05 Pour  son  reste  de  vésicule  vitelline,  mon  poulet  de  17  jours est  comparable  à  un  poulet  normal  de  5  à  6  jours,  c'est-à-dire trois  fois  moins  âgé  ;  mon  poussin  de  11  jours  est  comme  celui de  3  à  4  jours  environ,  ce  qui  donne  à  peu  près  le  même  rajjport du  triple  au  simple. Le  poulet  de  7  jours  que  j'ai  noté  avec  sa  vésicule  vitelline  de 15  grammes  est  tout  à  fait  à  part  et  mérite  une  mention  spéciale. (1)  Dubuisson.  —  Contribution  à  l'étude  du  vitellus,  1906. (2)  Hans  Virchow.  —  Der  Dottersaek  des  Hûnchens,  1892. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  4°  SERIE.  T.  VI.  — â8â  ^-  HOTTSSAY Je  n'en  ai  pas  tenu  compte  dans  les  éclosions  pour  rechercher  hi quotité  des  mâles  en  raison  de  son  cas  un  peu  particulier. Ce  poussin  provient  en  effet  d'un  œuf  qui  pesait  80  grammes et  qui  presque  certainement  contenait  deux  jaunes.  En  pareil cas,  MiTROPHANOW  a  signalé  en  1898  l'existence  de  deux  cica- tricules  et,  la  même  année,  Féré  a  décrit  après  72  heures  d'incu- bation soit  deux  débuts  d'évolution,  soit  un  seul,  soit  aucun. Je  laissai  l'œuf  aller  jusqu'à  réclosion.  Il  en  sortit  un  seul poulet  bien  conformé  ;  toutefois  celui-ci  avait  subi  un  retard de  12  heures  et  tenait  difficilement  sur  pieds.  Le  lendemain  il allait  bien  et,  pendant  7  jours  1/2 ,  vécut  avec  ses  frères,  puis fut  trouvé  mort.  Notons  que  c'était  un  jeune  mâle. Son  ombilic  était  encore  apparent  par  une  croûte  cicatricielle et,  au-dessous,  tangent  intérieurement  se  trouvait  un  ombilic vitellin,  obturé  seulement  parce  qu'il  reposait  sur  la  cicatrice ectodermique.  Une  masse  vitelline  pesant  15  grammes,  c'est-à- dire  presque  autant  qu'un  jaune  entier  (19  grammes),  était enfermée  dans  une  poche  endodermique,  rattachée  au  tube digestif  par  le  diverticule  de  Meckel  qui  devient  chez  l'adulte le  3e  caecum.  Le  diverticule  communiquait  encore,  mais  faible- ment, avec  cette  poche  du  jaune  par  une  petite  lumière  oii  ne passait  pas  une  tête  de  une  épingle  mais  que  traversait  un  crin de  brosse. Sur  ce  poulet  la  veine  coccygéo-mésentérique,  dont  les  rami- fications peaussières  forment  des  plaques  sous-cutanées  conges- tives,  envoie  à  la  partie  inférieure  de  la  poche  endodermique une  branche  qui  se  ramifie  et  se  diffuse  en  plaques  sanguines autour  de  l'ombilic  vitellin.  Ce  territoire  sanguin  communique avec  un  second,  duquel  part  un  filet  qui,  réuni  aux  diverses veines  mésentériques,  se  rend  à  la  veine  porte. Le  jaune  examiné  ne  porte  aucune  trace  d'évolution  embryon- naire ni  d'altération  putride  ;  son  aspect  est  caséeux. La  reconstitution  probable  de  cette  ontogénie  est  la  suivante. Il  y  avait  deux  jaunes  plus  ou  moins  adhérents  ensemble.  L'un d'eux  a  seul  évolué  en  embryon  et  le  second  a  été  englobé  par VARIATIONS   EXPERIMENTALES 28:5 le  développement  de  l'endoderme,  qui  s'est  poursuivi  sur  lui. Depuis  le  19"  jour  de  l'incubation,  auquel  s'est  faite  l'enclosion du  sac  vitellin  dans  la  paroi  du  corps,  jusqu'à  la  mort,  le  premier jaune  a  été  presque  tout  résorbé  et  il  n'est  resté  que  le  second à  peu  près  entier. Indépendamment  de  ce  cas  singulier,  la  dif&culté  de  résorption pour  la  vésicule  vitel- line  a  joué  un  très grand  rôle  dans  les échecs  à  l'éclosion,  que nous  avons  subis,  ou dans  les  morts  très  pré- coces survenues  aux premiers  jours  de  vie.  tl L'incubation  chez  la poule  dure,  on  le  sait, 21  jours  presque  exac- tement ,  plutôt  avec une  légère  avance  ; quand  les  21  jours  sont révolus  presque  tous les  poussins  d'une  cou- vée sont  éclos  et  les premiers  sortis  ont  Sou 4  heures  d'avance  sur ce  terme.  Il  en  était ainsi  aux  premières  in- cubations que  j'ai  réalisées  pour  obtenir  ma  seconde  et  ma troisième  génération  Carnivore. A  la  naissance  de  la  4®,  on  observait  à  l'éclosion  un  retard  sen- sible. Une  couvée  mise  le  matin  du  23  mai  1903  a  éclos  seule- ment le  14  juin  au  matin  soit  après  22  jours  pleins.  Aux  géné- rations  suivantes,  presque   toutes   les  éclosions   ont   demandé 22  jours  et  quand  vers  la  fin  du  2F  jour  sortait  un  poulet  plus précoce,  la  povile  suivant  son  instinct  cherchait  à  aider  les  autres FiG.  46.  Anatoiuie  d'un  poulet  de  7  jours  avec  un  second jaune  inclus  dans  rabdomen. F  P,    veine  porte  ;    cce.  capcum  ;    vmri,  veine  coccygéo- mésentérique ;  ov,  ombilic  vitellin;  tl.  territoire  lacunaire; R,  rein. â8i  ^.  HOUSSAY éclosions  possibles.  La  plupart  ne  se  faisaient  pas  et  l'on  trovivait des  poulets  qui  semblaient  être  du  19^  ou  du  20^  jour,  c'est-à- dire  dont  la  vésicule  vitelline  n'était  pas  enclose  dans  l'abdomen. Ils  n'ont  pas  été  comptés*  comme  éclosions  mais  seulement comme  «  développements  »  dans  le  tableau  de  la  page  252. On  est  amené  à  penser  que  le  manque  de  résorption  est  dû aux  toxines  alimentaires  passées  dans  l'œuf  ;  elles  engourdissent, en  quelque  manière,  les  phagocytes  qui  absorbent  le  vitellus, ou  arrêtent  la  sécrétion  des  diastases  qui,  à  un  certain  moment, jouent,  d'après  Dubuisson,  un  rôle  important. Diverses  sortes  de  manifestations  arthritiques  se  sont  mon- trées au  cours  de  cette  expérience  et,  incontestablement,  de tous  les  phénomènes  pathologiques,  elles  étaient  les  plus  atten- dues. La  forme  la  plus  caractérisée  et  la  plus  visible  a  été  l'arthrite douloureuse  avec  gonflement  et  déformation  des  jarrets,  c'est- à-dire  des  articulations  tibio -tarsiennes  ;  elle  s'est  montrée  pro- gressivement. Chez  les  poules  granivores  initiales  et  chez  les  premières  car- nivores on  n'avait  rien  remarqué  de  semblable,  malgré  l'attention apportée  à  observer  les  animaux  en  expérience. A  la  seconde  génération  Carnivore,  la  poule  IV.  accusa,  le 225^  jour  de  sa  vie,  à  l'articulation  en  question,  une  douleur  qui la  faisait  boiter  et  se  tenir  accroupie  sur  les  jarrets  ;  puis  le mal  disparut  spontanément.  Il  est  intéressant  de  noter  que  cette affection  toxique  fut  guérie  par  suite  de  sa  coïncidence  avec  le début  de  la  ponte,  amenant  une  forte  évacuation  d'albumine. Ce  dérivatif  empêcha  l'accumulation  des  déchets  dus  à  l'excès des  albuminoïdes.  On  peut  voir  en  effet  à  l'appendice  que  cette poule,  ayant  émis  au  210^  jour  un  œuf  isolé,  se  prit  à  pondre régulièrement  au  237^. Plusieurs  poulets  de  la  génération  suivante,  la  troisième  Car- nivore, montrèrent  la  maladie  d'une  façon  beaucoup  plus  pré- coce, plus  énergique  et  même  ils  moururent  rapidement  du malaise  général  dont  elle  était  le  signe.  Le  coq  VI,  prit  une arthrite  des  deux  jarrets  le  23^  jour  de  sa  vie  ;  il  mourut  au  70®  ; VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  285 la  poule  VII;,  fut  atteinte  de  la  même  façon  le  49^  jour  et  mourut le  115e  ;  le  coq  V,  eut  une  arthrite  d'une  seule  patte  au  59^  jour et  mourut  le  122e. Les  arthrites  de  ces  trois  animaux  semblaient  très  doulou- reuses ;  ils  ne  pouvaient  se  tenir  debout  et  reposaient  toujours sur  le  ventre  ou  sur  le  côté.  Bientôt  l'articulation  tibio -tarsienne enfla  et  le  pied  en  entier  fut  déjeté  extérieurement.  L'examen des  poids  donnés  à  l'appendice  montre  que  la  croissance  fut régulière  jusqu'au  moment  oii  le  symptôme  se  montra  ;  la  baisse du  poids  ou  plutôt  la  moindre  hausse  le  précède  d'un  temps  qui varie  entre  2  et  15  jours. Les  poulets  de  la  4^  génération  présentèrent  les  mêmes  symp- tômes ;  mais,  inquiété  par  les  difficultés  de  l'élevage  et  désormais flxé  sur  les  suites  possibles  de  Taffection  si  on  la  laissait  évoluer, je  résolus  de  la  soigner.  En  septembre  1903,  vers  leur  90^  jour, les  coqs  I;  et  II.  commencèrent  à  fléchir  sur  les  jarrets  et  à  se tenir  difficilement  debout.  Je  les  fis  isoler  et  nourrir  pendant huit  jours  avec  de  la  bouillie  de  farine  mélangée  de  son  et  de feuilles  hachées  de  laitue  crue.  Ils  guérirent  complètement  ; c'était  une  nouvelle  façon  de  prouver  que  la  cause  du  mal  était bien  le  régime. A  la  5®  génération,  le  coq  11^  commença  à  prendre,  au  54^  jour de  sa  vie,  une  allure  maladive  qui  me  porta  à  le  mettre  au  régime végétal,  pain  et  salade  ;  mais  il  ne  l'accepta  pas  et  ses  compa- gnons non  plus.  L'évolution  des  instincts  et  des  appétits  commen- çait à  se  faire  ;  pas  encore  cependant  d'une  façon  irréductible. Car  les  trois  animaux  L,  II,  et  III,  laissés  en  présence  de  pain trempé  pour  toute  nourriture  se  décidèrent  à  le  manger.  A  ce régime  le  coq  II,  se  remit  complètement  mais  au  bout  de  8  jours, lui  et  les  autres  refusèrent  à  nouveau  l'aliment.  Comme  le  but poursuivi  était  atteint,  je  n'insistai  pas. Le  fait  a  un  double  intérêt  :  la  guérison  par  le  régime  végé- tarien et  la  répugnance  qu'éprouvent  pour  lui  des  animaux chez  lesquels  il  était  normal  quelques  générations  plus  tôt  et dont  les  parents  l'acceptaient  encore  à  l'occasion.  Les  apôtres 286  F.  HOUSSAY du  végétarianisme  rencontrent  dans  leur  propagande  des  cir- constances de  ce  genre. En  outre  des  arthrites  douloureuses  et  déformantes  dont  nous venons  de  parler,  beaucoup  des  animaux  étudiés,  surtout  dans les  dernières  générations,  montrèrent  sur  les  pattes  une  réaction cutanée  assez  curieuse.  La  peau  se  boursouflait,  soulevant  les écailles,  prenait  un  aspect  dartreux  et  produisait  une  desqua- mation furfurale  assez  abondante.  Cette  affection,  une  fois déclarée,  ne  régressait  jamais  ;  je  dois  dire  que  jamais  non  plus je  n'ai,  à  cause  d'elle,  interrompu  le  régime. Les  premières  générations  de  mes  animaux,  mis  jeunes  en expérience,  ne  la  montrèrent  pas.  J'en  ai  au  contraire  observé le  développement  rapide  chez  un  grand  nombre,  au  moiiLs  les 2/3, des  poules  déjà  âgées  que  j'achetais  pour  faire  des  incubations et  que  je  mettais  au  régime  de  la  viande,  afin  qu'elles  pussent tout  de  suite  conduire  à  cet  aliment  les  jeunes  poussins  qu'elles auraient  à  élever.  J'ai  parfois  remarqué,  sur  les  poules  élevées dans  les  fermes  des  environs  de  Paris,  une  affection  semblable, moins  étendue  toutefois  et  ordinairement  limitée  à  la  base  de la  patte.  Il  faut  ajouter  qu'en  raison  de  la  vente  facile  de  leurs œufs  les  animaux  en  question  sont  copieusement  nourris  et même  suruourris  avec  diverses  préparations  à  base  de  poudre de  viande. Dans  la  mesure  où  il  est  permis  d'identifier  les  processus pathologiques  chez  des  êtres  aussi  éloignés  que  les  oiseaux  et l'homme,  je  comparerais  assez  volontiers  la  manifestation  que je  viens  de  décrire  à  une  poussée  herpétique  ou  eczémateuse. Mon  attention  a  de  plus  été  appelée  sur  le  développement assez  important  de  plumes  sur  les  pattes,  entre  les  écailles.  Je sais  qu'il  existe  des  races  de  poules  chez  lesquelles  les  pattes sont  normalement  couvertes  de  plumes  ;  mais  je  ne  puis  dire si  ce  caractère,  aujourd'hui  fixé  dans  la  race,  a  eu  pour  appa- raître un  déterminisme  comparable  à  celui  que  j'ai  observé. Quoi  qu'il  en  soit,  les  plumes  qui  ont  poussé  sur  les  pattes  de mes  poules  n'étaient  visiblement  annoncées  par  aucune  hérédité. p VARIATIONS    KXPEIUMENTALES  2H7 Tous  k's  sujets  mis  en  expérience  à  l'origine  avaient  les  pattes parfaitement  lisses.  Ce  fut  à  la  2*^  et  i)lus  encore  à  la  3^  géné- ration dans  la  série  a,  à  la  4^  et  à  la  5^  dans  la  série  [3,  que  le caractère  prit  une  sérieuse  importance. Cette  observation  paraît  nous  montrer  la  plume  comme  une réaction  excrétrice  supplémentaire,  ayant  une  poussée  nouvelle quand  les  organes  normaux  d'excrétion  (foie  et  rein)  restent  en dessous  de  la  tâche  qu'ils  doivent  accomplir.  On  la  voit  tout de  suite  en  concordance  avec  de  nombreux  autres  faits  et  l'accord suggère  une  hypothèse  que  je  ne  puis  m'empêcher  d'exprimer, car  elle  répond  à  la  bonne  caractéristique  de  l'hypothèse  :  à savoir  qu'elle  est  susceptible  d'appeler  la  recherche  et  l'expé- rience. Si  la  formation  de  la  plume  (et  du  poil  évidemment)  se  montre comme  une  réaction  excrétrice  parce  qu'elle  est  capable  de s'exagérer  quand  les  besoins  excréteurs  augmentent,  il  faut  aussi la  considérer  comme  normalement  excrétrice  et  non  plus  seule- ment comme  une  protection  ou  une  parure  pour  l'animal.  Dans ce  cas  alors,  nous  comprendrions  de  quelle  façon  les  organismes mâles  que  nous  avons  montrés  plus  intoxiqués  que  les  femelles sont  en  même  temps  les  plus  garnis  de  plumes  et  de  poils,  sans qu'il  y  ait  pour  nous  lieu  d'invoquer  le  désir  ou  le  besoin  de plaire  aux  femelles  et  pas  davantage  la  sélection  des  plus  beaux. Ces  phénomènes  ne  seraient  plus  à  considérer  comme  des  causes mais  seulement  comme  des  effets  ultérieurs  et  accessoires. Nous  comprendrions  encore  comment,  l'intoxication  orga- nique croissant  avec  l'âge,  les  poussées  de  plumes  et  de  poils  la suivent,  comment,  dans  l'espèce  humaine  par  exemple,  après  les cheveux  se  montrent  les  poils  pubiens  et  axilaires,  comment, plus  tard,  la  barbe,  plus  tard  encore  les  poils  de  la  poitrine  chez les  mâles  qui  ne  les  ont  pas  acquis  vers  la  puberté,  comment enfin  surgit  la  dernière  poussée  qui  consiste  dans  l'allongement et  l'épaississement  des  sourcils.  Ces  trois  dernières  réactions excrétrices  n'atteignent  pas  les  femelles,  mieux  pourvues  en  foie et  en  rein,  ou  en  tous  cas  les  atteignent  peu  et  ordinairement 288 F.  HOUSSAY tard.  La  perte  des  cheveux  ou  leur  blanchissement  que  l'âge amène  aussi  sont  des  phénomènes  d'autre  sorte  et  ne  portent pas  plus  atteinte  aux  conclusions  précédentes  que  les  maladies du  rein  n'empêchent  de  considérer  cet  organe  comme  norma- lement excréteur. D'autre  part,  l'abaissement  de  la  température  ralentit  certai- nement les  échanges  nutritifs  et croître  les  poussées mateuses  chez  ceux Si  la  production est  une  ma sorte,  il l'on  voit,  en  hiver, herpétiques  ou  eczé- qui  en  sont  atteints, du  poil  et  de  la  plume nifestation  de  même est  naturel  qu'elle s'exagère  au  froid, qu'il  y  ait  des  four- rures d'hiver,  qu'il y  ait  des  fourrures  po- laires. Et  nous  attein- drions de  la  sorte  à  de véritables  explications  où n'interviendraient  plus  ja- mais l'intérêt  ou  l'avantage, le  désir  ou  la  volonté  de  l'animal. J'ai  eu  déjà  occasion  de  signaler comment  le  régime  carné  avait développé  l'instinct  germicide  et comment  une  des  inouïes,  VIII,, ayant  le  cloaque  piqué  par  le  bec de  sa  compagne,  qui  cherchait  à atteindre  son  œuf  aussitôt  que possible,  en  vint  à  contracter  une tumeur  par  suite  de  la  rétention des  œufs  avant  qu'ils  ne  fussent  recouverts  de  leur  coquille. Plusieurs  œufs,  5  ou  6  autant  que  j'ai  pu  l'apprécier  par leurs  restes  plus  ou  moins  informes,  demeurèrent  ainsi  sans être  évacués  et  dégénérèrent  dans  l'oviducte.     Ce   dernier   en FiG.  47.    Oviducte  dilaté  en  faux  utérus par  rétention  de  la  ponte. VARIATIONS   EXPÉRIMENTALES  289 fut  dilaté  de  la  façon  que  je  reproduis  dans  le  dessin  ci-joint (flg.  47). Je  n'insisterais  pas  autrement  sur  cette  circonstance  patho- logique, si  elle  ne  nous  permettait  de  concevoir  la  facilité  avec laquelle  peut  se  développer  une  véritable  dilatation  utérine  sur un  oviducte  qui  normalement  n'en  comporte  pas.  Et  ceci  n'est pas  sans  intérêt  pour  nous  faire  comprendre  que,  même  d'une façon  rapide,  le  Reptile  ovipare  put  devenir  le  Mammifère vivipare. CHAPITRE  XII QUELQUES    COMPARAISONS   AVEC   LES   MAMMIFÈRES Sommaire.  —  Expériences  de  divers  auteurs  sur  les  niammifères.  —  Haute  toxicité  probable du  régime  insectivore.  —  L'excrétion  supplémentaire  par  les  carapaces  et  par  les  co(|Uilles —  Echecs  de  mes  tentatives  pour  adapter  des  souris  au  régime  carné.  —  Les  mammifères semblent  plus  saturés  d'intoxications  et  moins  capables  d'en  supporter  de  nouvelles  que les  oiseaux.  —  Rapprochements  avec  les  courbes  de  croissance.  —  Causes  originelles d'intoxication  chez  les  mammifères.  —  Vie  utérine,  vie  lactée.  —  L'excrétion  en  urée et  l'excrétion  en  acide  urique.  —  Conclusions. Il  n'a  point  été  fait  sur  les  mammifères  d'expérience  qui  puisse être  entièrement  comparée  aux  miennes,  c'est-à-dire  qui  porte sur  les  modifications  dues  à  un  changement  de  régime  poursuivi pendant  plusieurs  générations. Quelques  recherches  plus  courtes  donnent  cependant  des résultats  qui,  fort  importants  pour  la  physiologie  et  la  patho- logie, peuvent  être  utilement  confrontés  avec  les  miens. Maub-el  a  alimenté  pendant  plusieurs  mois  des  lapins  avec du  fromage  et  a  constaté  un  développement  inusité  de  leur  foie. C'est  au  reste  cet  auteur  qui  a  le  premier  montré  que,  d'une façon  générale,  les  carnivores  ont  une  quantité  relative  de  foie plus  élevée  que  les  herbivores. J.  NoÉ  (1)  a  nourri  assez  longtemps  des  hérissons  exclusive- ment avec  de  la  viande  crue  de  cheval.  Son  expérience  me semble  inverse  des  autres,   c'est-à-dire   qu'au  lieu  d'être  une (1)  C.  s.  Soc.  Biolog.  du  23  nov.  1901  au  26  juillet  1802. 290  F.   HOUSSAY étude  d'intoxication  accrue  elle  est  une  étude  de  désintoxication et  n'est  pas,  d'ailleurs,  moins  intéressante  pour  cela.  Le  hérisson, en  elïet,  est  normalement  insectivore  et,  bien  que  la  viande  de cheval  soit  plus  toxique  que  celle  des  animaux  ordinaires  de boucherie,  elle  l'est  moins,  je  crois,  que  la  chair  des  insectes. Il  n'y  a  pas  à  cet  égard  de  données  formelles  ;  mais,  en  raison de  ce  que  j'ai  dit  au  chapitre  précédent  de  la  plume  et  du  poil, je  suis  très  porté  à  considérer  les  insectes,  gros  excréteurs  de chitine,  comme  fortement  intoxiqués,  aussi  bien  d'ailleurs  que les  crustacés,  excréteurs  de  lourdes  carapaces,  ou  les  mollusques, excréteurs  de  pesantes  coquilles. Je  fais  remarquer  en  passant  que  j'assimile  à  des  excrétions supplémentaires  les  organes  ordinairement  appelés  protecteurs de  l'animal  ;  c'est  moins  finaliste  certainement,  plus  scientifique et  plus  fécond  pour  les  recherches  qui  peuvent  être  entreprises avec  ce  point  de  départ  entièrement  changé. Comme  conséquence  de  cette  manière  de  voir,  le  hérisson  en passant  de  la  chair  d'insectes  à  la  viande  de  cheval  se  désin- toxique. Un  fait  qui  concorderait  exactement  avec  ce  point  de vue  c'est  que  sa  production  d'urée  diminue  d'une  façon  régu- lière ;  elle  passe  d'après  les  données  de  J.  NoÉ  de  6  gr.925  par kilogramme  au  mois  de  mai  1901  à  2  gr.  808  au  mois  de  mai  1902. L'auteur  en  question  conclut  que  le  régime  carné  exclusif  dimi- nue énormément  l'urée.  Le  résultat  ainsi  exprimé  est  extrême- ment paradoxal,  unique  en  son  genre,  et  même  il  risque  d'induire en  erreur.  Comme,  d'autre  part,  absolument  rien  n'autorise  à réputer  inexactes  des  mesures  qui  semblent  au  contraire  soi- gneuses, l'interprétation  véritable  m'en  paraît  celle  que  je  pro- pose, à  savoir  :  que  le  passage  de  l'aliment  chair  d'insecte  à l'aliment  chair  de  mammifère  est  une  désintoxication. C'est  pour  cela  sans  doute  que  l'expérience  de  îsToÉ  a  duré  sans peine  plus  longtemps  que  les  autres  expériences  sur  les  mammi- fères, chiens  ou  souris,  qui  étaient  de  véritables  surintoxications alimentaires. J.  NoÉ  compare  eu  outre  le  rapport  de  certains  organes  au VARIATIONS    EXPÉRIMENTALES  291 poids  total  chez  les  hérissons  normaux  et  chez  deux  animaux de  cette  espèce  qui  sont  morts,  l'un  après  8  mois  l'autre  après 11  mois  du  régime  à  la  viande  de  cheval.  Les  reins  ont  très  peu varié  tandis  que  le  foie  a  augmenté  d'une  façon  notable.  Mais l'augmentation  de  ce  seul  organe,  sans  concordance  avec  les autres  données  relatives  à  l'excrétion,  ne  permet  pas  de  conclure à  une  intoxication.  Il  se  peut  fort  bien  que  l'organe  soit  surmené non  de  son  côté  excréteur  mais  de  son  côté  assimilateur,  qu'il éprouve  seulement  plus  de  peine  à  transformer  en  glycogène des  albuminoïdes  inaccoutumés.  L'augmentation  de  poids,  en un  mot,  peut  venir  du  foie  glycogénique  plutôt  que  du  foie  hépa- tique :  l'observation  micrographique  seule  serait  propre  à  lever ce  doute.  Et  c'est  une  occasion  nouvelle  de  dire  combien  des recherches  de  cette  sorte  seraient  utiles  pour  compléter  les  men- surations, spécialement  chez  les  mammifères. De  son  côté,  E.  Dufourt  (1)  a  expérimenté  en  mettant  des chiens  au  régime  carné  exclusif,  toujours  à  la  viande  de  cheval. Il  a  reconnu,  comme  il  était  naturel,  un  important  accroisse- ment de  l'urée.  De  son  expérience  je  retiendrai  surtout  qu'elle n'a  pas  pu  continuer  longtemps.  Les  animaux  fortement  in- toxiqués perdaient  leurs  poils,  se  recouvraient  d'eczéma,  mai- grissaient et  mouraient  en  quelques  semaines.. Weiss  (2)  dont  j'ai  signalé  déjà  les  expériences  sur  les  canards avait  essayé  de  les  réaliser  aussi  avec  des  souris.  A  plusieurs reprises  il  a  échoué  ;  les  souris  qu'il  élevait  au  grain  vivaient très  bien  ;  celles  qu'il  nourrissait  à  la  viande  de  cheval  mou- raient au  bout  de  2  ou  3  mois. En  1901  et  1902  j'ai  moi-même  échoué  dans  plusieurs  tenta- tives analogues  ;  cependant  je  fîiisais  vivre  mes  souris  carni- vores 5  à  6  mois  et  ce  meilleur  résultat  tient,  je  le  suppose,  uni- quement à  ce  que  je  leur  donnais  de  la  viande  fraîche  d'animaux de  boucherie  et  non  de  la  viande  de  cheval. Il  n'est  pas  utile  de  s'étendre  longuement  sur  les  données (1)  D'  E.  DUFOTIRT.  —  Journal  de  Physiologie  et  de  Pathologie  générales,  mai  1902. (2)  G.  WEISS.  —  C.  R.  Soc.  Biologie,  26  octobre  1901. 292  F.   HOUSSAY recueillies  au  cours  de  ces  expériences  manquées  ;  notons  seule- ment que,  comme  E.  Dufourt  et  conformément  aux  résultats classiques,  j'ai  toujours  obtenu  beaucoup  plus  d'urée  du  côté Carnivore  que  du  côté  gTanivore.  Je  veux  toutefois  signaler  que, chez  plusieurs  des  animaux  qui  sont  morts  de  ce  régime,  le foie  avait  subi  une  véritable  dégénérescence  graisseuse,  dont  le processus  serait  relativement  facile  à  suivre  et  sûrement  inté- ressant pour  la  pathologie  de  l'organe. De  ces  divers  essais  il  faut  conclure  à  la  difficulté  grande, pour  ne  pas  dire  à  l'impossibilité,  de  faire  brusquement  passer un  mammifère  végétarien  ou  peu  Carnivore  à  un  régime  tout  à fait  Carnivore.  Le  fait  est  au  contraire  possible  chez  les  oiseaux et  le  changement  ne  manifeste  d'inconvénients  qu'après  plu- sieurs générations. Une  conclusion  qui  se  présente  tout  de  suite  à  l'esprit  est  la suivante  :  les  mammifères  ne  supportent  pas  de  surintoxication parce  qu'ils  sont  déjà  arrivés,  même  jeunes,  à  une  intoxication qui  ne  peut  guère  être  dépassée  sans  péril.  Ce  résultat  est  tout  à fait  d'accord  avec  celui  que  j'ai  déjà  mis  en  évidence  au  cha- pitre II  à  propos  des  courbes  de  croissance. Si  l'on  se  demande  maintenant  quelles  raisons  rendent  ainsi le  mammifère  particulièrement  saturé  de  toxines,  on  peut  les apercevoir  dans  ce  fait  que,  véritablement,  c'est  de  tous  les  Ver- tébrés celui  qui  a  le  moins  de  jeunesse.  Il  n'entreprend  pas  dès l'état  d'œuf  une  vie  nouvelle  et  des  échanges  nouveaux  avec  le monde  ambiant.  Dans  l'utérus  maternel,  sa  vie  se  réalise  par l'intermédiaire  d'un  organisme  ayant  déjà  longuement  vécu, déjà  âgé  et  déjà  chargé  des  intoxications  vitales.  Après,  c'est l'alimentation  lactée  qui  lui  passe  encore  des  produits  élaborés par  un  organisme  dont  la  vie  s'avance.  Le  mammifère  est  d'abord, comme  le  fait  remarquer  Giard,  un  parasite  interne  puis  un parasite  externe  avant  de  mener  une  vie  libre. Pour  terminer  ce  parallèle  des  mammifères  et  des  oiseaux,  il n'est  pas  sans  intérêt  de  rappeler  une  remarque  de  Metch- NiKOFF    sur  la  longévité  relative  de   ces  derniers  et  sur   leur Variations  expérimentales  '}\)•^ verte  vieillesse  comparée  à  la  décrépitude  rapide  des  mammi- fères. Il  faut  en  outre  observer  que  les  mammifères,  saturés  d'in- toxication, excrètent  principalement  en  urée  et  les  oiseaux  en acide  urique.  Nos  expériences  paraissent  apporter  une  certaine contradiction  à  ces  résultats  classiques  en  montrant  les  oiseaux tout  de  même  plus  plastiques  du  côté  excréteur.  Un  mammifère, en  effet,  dont  la  production  d'acide  urique  augmente  est  consi- déré comme  ayant  une  excrétion  moins  parfaite  et  même  insuffi- sante, et  la  conclusion  sans  doute  est  valable  pour  la  compa- raison entre  divers  états  d'un  même  mammifère  ou  entre  divers mammifères.  Mais  elle  ne  paraît  pas  se  prêter  à  une  générali- sation nécessaire.  En  d'autres  termes,  il  ne  semble  pas  absolu- ment vrai  que  la  dépuration  en  urée  soit  supérieure  à  la  dépu- ration en  acide  urique  quel  que  soit  l'organisme.  Il  y  a  là  en tous  cas  une  question  d'une  certaine  importance. En  présence  des  difficultés  d'adaptation  au  régime  carné,  on peut  se  demander  comment  il  y  a  des  carnivores  dans  la  nature. Remarquons  que  l'expérience  par  nous  réalisée  a  été  particu lièrement  brutale  et  a  mis  du  jour  au  lendemain  une  race  gTa- nivore  en  face  d'un  régime  carné  exclusif.  Scientifiquement  il le  fallait  pour  l'étude  rigoureuse  d'un  déterminisme  ;  mais  natu- rellement les  choses  ne  se  sont  jamais  passées  ainsi. Les  guérisons  d'arthrites  que  j'ai  obtenues,  rien  que  par  un retour  de  8  jours  au  régime  végétarien,  montrent  suffisamment que,  tout  au  moins  chez  les  oiseaux,  un  régime  mixte  progres- sivement poussé  vers  la  consommation  en  viande  aurait  eu chance  d'aboutir  et  dans  un  temps  relativement  faible. En  terminant,  qu'il  me  soit  periïiis  de  faire  remarquer  que  si j'ai  apporté  quelques  données  précises  et  résolu  quelques  pro- blèmes, j'en  ai  soulevé  plus  encore  et  de  cette  manière  indiqué, je  pense,  combien  de  semblables  recherches  étendues  et  pour, suivies  pourraient  être  fructueuses. A  une  époque  encore  peu  éloignée  de  nous.  Cl.  Bernard  et DE  Lacaze-Duthiers  discutaient  sur  les  limites  de  la  physio- ^9i  F.   IIOUSSAY logie  et  de  la  zoologie,  posaient  la  question  de  savoir  à  laquelle des  deux  disciplines  appartient  la  prépondérance  et  la  résolvaient chacun  à  sa  manière.  Je  crois,  pour  ma  part,  que  le  temps  de ces  querelles  est  passé,  que  la  collaboration  seule  est  efficace, et  que  l'on  doit  chercher  à  résoudre  les  problèmes  que  la  zoologie pose,  et  qu'il  faut  d'abord  connaître,  avec  les  méthodes  que  la physiologie  donne,  ou,  pour  employer  des  termes  que  je  trouve commodes  et  plus  généraux  :  la  statique  et  la  cinématique  ne se  peuvent  achever  que  dans  la  dynamique. POST-SCRIPTUM En  achevant  de  corriger  mes  épreuves  je  prends  connaissance d'un  mémoire  de  Schepelmann  intitulé  Ueher  die  gestaUende Wirhung  verscMedener  Emahrung  auf  die  Organe  der  Gans. (Archiv.  fur  Entwicklungsmechanik  ;  l^e  partie,  t.  XXI,  1900  ; 2e  partie,  t.  XXIII,  1907.)  Ce  travail  contient  d'intéressants renseignements.  Relativement  aux  organes  que  nous  avons étudiés  l'un  et  l'autre,  Schepelmann  se  trouve  d'accord  avec moi  pour  la  variation  du  rein  et  de  la  rate. Il  constate  une  opposition  relativement  au  foie  entre  les données  de  Maurbl,  les  siennes  propres  et  une  indication  que j'avais  publiée  dans  une  de  mes  notes  préliminaires  par  laquelle je  ne  reconnaissais  à  cet  égard  aucune  différence  sensible  entre les  poules  granivores  et  les  carnivores.  Le  présent  mémoire complétant  et  rectifiant  mes  données  primitives  rétablit  l'ac- cord. Schepelmann  signale  un  contraste  entre  l'exagération  de  la ponte  que  j'ai  indiquée  à  mes  premières  générations  carnivores et  le  fait  qu'il  a  trouvé  les  testicules  des  oies  carnivores  peu développés  et  stériles.    Le  contraste   ne  subsiste  pas  avec  les VARIATIONS  EXPERIMENTALES  295 faits  de  stérilité  progressive  que  j'ai  publiés  dès  1903  et  qui sont  plus  accusés  encore  dans  le  présent  mémoire. Une  contradiction  formelle  demeure  entre  ses  résultats  rela- tifs au  tube  digestif  :  longueur  intestinale,  longueur  du  caecum, poids  du  gésier,  qu'il  trouve  accrus  par  le  régime  carné  et  les miens  qui  indiquent  une  réduction.  Les  écarts  que  nous  men- tionnons l'un  et  l'autre  sont  tout  à  fait  hors  de  comparaison avec  les  petites  erreurs  possibles  sur  la  mesure.  Il  faut  conclure à  l'opposition  objective  à  ce  point  de  vue  entre  l'oie  et  la  poule. A  ce  propos  je  dois  dire  que  la  hulotte  dont  j'ai  pris  les  men- surations anatomiques  et  dont  le  foie,  le  rein,  le  gésier,  s'accor- daient avec  mes  expériences,  m'a  au  contraire  présenté  une longueur  intestinale  tout  à  fait  en  discordance.  Son  rapport anatomique  est  331  '"^  d'intestin  pour  100  gr.  de  poids  total, c'est-à-dire  trois  fois  plus  que  chez  une  poule  ordinaire. Mon  Rapace  sans  doute  était  un  jeune  animal  de  160  gr. seulement  et  de  ce  fait  avait  droit  à  une  majoration  d'intestin  ; mais  pas  aussi  forte,  je  pense.  Je  me  proposais  d'étudier  à  nou- veau la  question  soulevée  par  ce  fait,  si  peu  conforme  aux  données classiques  de  l'anatomie  comparée.  En  le  rapprochant  du  résultat expérimental  de  Schepelmann,  on  doit  conclure  que  le  pro- blème de  l'adaptation  des  organes  à  l'aliment  est  un  peu  moins simple  qu'il  n'a  d'abord  paru  et  qu'il  faut  encore  un  certain nombre  de  données  étendues  et  approfondies  pour  en  tenir  la solution  totale. ç>i)f\  F.  HOlISSAY APPENDICE DONNÉES  NUMÉRIQUES Nous  disposons  ici  toutes  les  mesures  qui  ont  servi  à  cons- truire les  courbes  utilisées  dans  les  divers  chapitres  et  qui  parfois s'étendent  même  au-delà.  Ces  données  peuvent  être  intéressantes tant  pour  contrôler  nos  calculs  et  nos  conclusions  que  pour servir  de  comparaison  à  quelque  autre  recherche  sur  différents sujets. VARIATIONS   EXPERIMENTALES 297 Appendice  au  Chapitre  II POIDS    DE    LA    GENERATION    GRANIVORE    ET    DE    LA    PREMIERE GÉNÉRATION    CARNIVORE ï GHANIVOUES CAKNIVORES DATjio =3 lo "o III, I. II. III gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1900.    21   décemh       | 150 1.516 1 .  053 928 888 934 928 28 — 157 1.780 1.178 1.070 1.038 1.030 1.258 1901 .      4   ] anvier.  . 164 1.758 1 .  244 1 .  248 1.260 1.281 1.180 11 — 171 1.804 1.274 1.320 1.322 1.400 1.341 18 — 178 1.888 1.368 1.410 1.407 1.486 1.396 25 — 185 1.814 1.389 1.388 1.470 1.534 1.525 1er février. 192 1.844 1.291 1.355 1.646 1.596 1.645 8 — 199 1.957 1.405 1.385 1.722 1.700 1.836 15 — 206 1.933 1.381 1.374 1.832 1.779 1.787 22 — 213 1.966 1.373 1.374 1.834 1.896 1.827 1«' mars.. . 220 1.930 1.376 1 .  549 1.809 1.930 1.632 8 — 227 2.025 1.390 1.655 1.865 2.062 1.779 15 — 234 1.986 1.393 1.797 1.883 1.965 1.731 22 — 241 2.022 1.394 1.838 1.912 1.948 1.729 29 — 248 1.965 1.398 1.805 1.953 2.050 1  812 5 avril .... 255 1.991 1.427 1.796 1.962 2.022 1.891 12 — 262 2.000 1.480 1.818 1.972 2.021 1.870 19 — 269 2.051 1.454 1.667 2.008 2.020 1.898 26 — 276 2.054 1.442 1.745 2.016 2.126 1.839 3 mai 283 2.084 1.421 1.677 2.000 2.054 1.900 10 — 290 2.067 1.421 1..589 1.995 1.961 1.877 17 — 297 2.067 1.485 1.513 2.000 1.988 1.818 24 — 304 2.125 1.455 1.507 2.009 1.882 1.748 31 — 311 2.090 1.514 1.757 2.020 2.032 1.780 7 juin  .... 318 2.070 1.397 M.  696 2.062 2.050 1.797 U — 325 2.067 1.337 1.687 2.076 2.021 1.734 21 — 332 2.122 1 .  293 1.724 2.064 1.996 1.776 28 — 339 2.174 1.333 couve 2.075 2.045 1.862 5 juillet. . . 346 2.119 1 .  340 » 2.074 1.990 1.849 12 — 353 2.105 1.237 1,398 2.037 1 .  922 1.748 19 — 360 2.132 1.164 1.491 2.031 1.991 1.788 25 — 367 2.125 1 .  093 1.640 2.088 2.045 1.670 (  )  Pour  ces  générations  le  nombre  des  jours  de  vie  n'est  donné  qu'approximativenient il  est  donné  exactement  pour  les  suivantes  que  nous  avons  fait  éclore. ARCH.   DE   ZOOL.   EXP.    ET  GÉN.     —  4°  SÉRIE.    —    T. -(V). 298 F.  HOTïSSAY •s GRANIVORES CARNIVORES r_ -- lo "o III, It ". IIIl gr. gr. gr. gr. gr. gr- 2  août 374 2.138 1.216 1 .  692 2.088 1.884 1.661 9       — 381 2.162 1.124 1   664 2.145 1.925 1.630 16       — 388 2.157 1.160 1.751 2.125 1.900 1.707 23        — 395 2.116 1.215 1.835 2.152 1.890 1.712 30       — 402 2.307 1 .  382 1.917 2.277 1.950 1.937. 6  septemb. 409 2.200 1.162 1.745 2.215 1.930 1.860 13       — 416 2.275 1.202 1.699 2.252 1.942 1.825 20       — 423 2.215 1 .  284 1.746 2.  228 1.862 1.752 27       — 430 2.250 1.354 1.730 2.257 1.812 1.746 4  octobre  .  . 437 2.310 1.240 1.693 2.330 1.867 1.857 11       — 444 2.311 1.195 1.879 2.350 1.895 1.795 18       — 451 2.365 1.207 1 .  902 2.379 1.850 1.959 25        — 458 2.402 1.202 1.964 2.420 1.907 1.927 1»^  novemb. 464 2.400 1.227 1.990 2.442 1.685 1.825 8        — 471 2.402 1.282 2.076 2.457 1.595 1.773 15       — 478 2.433 1.300 2.146 2.482 1 .  586 1.731 22       — 485 2.544 2.340 2.458 1.522 1.775 POIDS    DE   LA    SECONDE    GENERATION    CARNIVORE DATES 1 Is Ils gr. m. IVa Vs VI. Vils VIIIj gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1901.    15  juillet. 4 55 49,  6 53 52,5 53 51 45 45 17     — 6 69,5 61 67 66 66 66,5 55 54 19     — 8 83 72 77 76 76,  5 81 63 68 21     — 10 100,  5 85 95,5 84,  5 90 98 77 79.5 23     — 12 113,  5 94 107 97 96 109,5 83 88,5 25     — 14 137 110 130 116 118 131 102,  5 105 27     — 16 162,5 132 155 136 140 159 122 125 29     — 18 186,  5 150,  5 180 157 155,  5 182 145 142,5 31      — 20 211 171 199 181,5 182,  5 201,5 156 162 2  août  . 22 240 198 232 198,5 209 233-5 177,5 184 4     — 24 255 210 250 215 231 264.5 189 195 6     — 26 278 226,5 269 228,5 243 282 194,5 202 8     — 28 330 256 300 270 285 310,5 231,5 235,5 10     — 30 366,5 280,5 340 298 317 335 244,5 259 12     — 32 375 296 341,5 302 320,5 332,,  5 245 250 14     — 34 405 315 381 340,5 364 340 261 270 16      — 36 440 345 425 359 380 .380 285 290 18      — 38 455 350 432 372 395 389,  5 275 277 20  août.. 40 498 380 454,  5 402 365,  5 354,5 300 314 22     — 42 544 418,5 493 435 361 364 315 348 24     — 44 595 447 550 487 364 428 322,5 414 26     — 46 615 483 561 500,5 354 458 345 438 28     — 48 650 490 581 527 357 484 350 445 30     — 50 700 546 609 560 380 526 387.5 498 VARIATIONS    EXPERIMENTALES 299 DATES 1"'  sept . 3  — 5  — 7  — 9  — 11  — 13  — 15  — 17  — 20  — 24  — 27  — 1"  oet . . 4  — 8  — 11  — 15   — 18  — 22  25  — 29  — 1«'  nov. 5  — 8  — 12  — 15  — 22  29  — fl  déc . . . 13  — 20  — 27  3  janv .  . 10  — 17  — 24  — 31   — 7  février 14  — 21  — 28  — 7  mars.. 14  — 21  — 28  — 4  avril  . 10  — 17  — 24  — 1"'  mai  . 7  — 103 106 110 113 117 120 124 127 134 141 148 155 162 169 176 183 190 197 204 211 218 225 232 239 246 253 260 267 273 280 287 294 300 gr. 754 804 864 907 917 970 1.032 1.077 1.120 1.170 1.240 1.298 1.368 1.389 1.477 1.510 1.577 1.624 II. IVj ,698 ,730 .802 .880 1 1 1 1 1.896 1.946 2.025 2.060 2.185 2.244 2.342 2.374 2.420 2.535 2.566 2.637 2.662 2.647 2.640 2.622 2.649 2.673 2.709 2.700 2.704 2.715 2.680 2.605 2.648 2.642 2.670 2.625 gr. 560 590 630 647 652 687 734 768 800 831 880 909 965 997 1.031 1.068 1.102 1.130 1.164 1.198 1.189 1.201 1.220 1 .  237 1.277 1.285 1.322 1 .  365 1 .  382 1.407 1.413 1 .  428 1.446 1.497 1.558 1.577 1.589 1.639 1.747 1.910 1.929 1.870 1.893 1.836 1.820 1.800 1.895 1.912 1.861 1.935 1.982 gr. 641 727 740 770 832 832 814 871 924 996 1.069 1 .  103 1.137 1.205 1.280 1.332 1.389 1.427 1.520 1.550 1.557 1.558 1.600 1.619 1.735 1.745 gr. 585 605 645 677 674 644 702 762 769 785 795 814 861 912 963 1.004 1.065 1.065 1.097 1.167 1.217 1.245 1.285 1.301 1.329 1.351 1.383 1 .  422 1.467 1.490 1.548 1.610 1.687 1.751 1.849 1.956 2.095 2.040 2.032 1.979 1.1^54 1.940 1.898 1 .  982 2.020 2.051 2.007 2.074 2 .  095 2.092 2.080 gr. 390 405 431 469 470 502 570 600 627 700 725 797 842 910 943 998 1.064 1.074 1.150 1.179 1.212 1.257 1.282 1.305 1,390 1.430 1.510 1.530 gr. 547 556 614 665 701 712 790 842 824 895 958 1.050 1.177 1.230 1.309 1.367 1.442 1.519 1.585 1.646 1.725 1.755 1.777 1.783 1.776 1.795 1.905 2.035 2.261 2.185 2.310 2.459 2 .  526 2.565 2.657 2.625 2.655 2.690 2.728 2.705 2.587 2.764 2.772 2.728 2.725 2.715 2.723 2.713 2.700 2.675 2.630 Vils gr. 398 419 447 470 482 509 522 598 604 664 722 789 860 944 007 050 117 127 195 .243 .271 .282 .332 .337 .387 .395 .442 .492 ^ .487 1.481 1.515 1 .  592 1.637 1 .  727 1.759 1.857 1.887 1.970 1.995 2.008 2.090 1.990 2.048 2.002 2.015 2 .  026 1.980 2.019 1.952 2.022 1.940 VlIIj gr. 532 554 595 645 637 684 727 792 801 845 909 974 1.065 1.104 1.135 1.195 1.210 1.234 1.299 1.330 1.350 1.372 1.415 1 .  395 1.459 1.472 1.517 1.540 1.477 1 ,  562 1.585 1.630 1.650 1.725 1.841 1.946 2.019 1.950 2.000 2.005 2.045 2 .  045 2.004 2.066 2.050 2.014 2.000 2 .  065 2 .  090 2 .  042 1.955 300 F.  iinrs.^AY DATES 307 h II, m. IVj v. Vis viu VIlIj 14  mai . . gr. 2.625 gr. 1.918 gr. 2.085 gr. 2.705 gr. 1.929 gr. 1.821 22     — 315 2.665 1.948 2.077 2.658 1.905 2.035 29     — 322 2.660 1.940 2.045 2.705 1.877 2.150 5  juin  . . 329 2.630 1.915 1.952 2.675 1.877 2.165 12     — 336 2.622 1.910 2.004 2.688 1.943 2.185 19     — 343 2.624 1.894 1.955 2.663 1.953 2.182 26     — 350 2.619 1.945 2.020 2.722 1.912 2.218 3  juillet. 357 2.644 1.919 2.012 2.772 1.996 2.215 10     — 364 2.621 1.922 1.948 2.755 1.925 2.137 17     — 371 2.637 1.996 2.000 2.768 1.948 2.168 24     — 378 2.660 1.885 2.057 2.737 1.918 2.022 31     — 385 2.664 1.960 2.085 2.750 1.880 2.012 V  août . . 392 2.690 1.791 2.072 2.729 1.905 2.119 14     — 399 2.604 1.822 2.079 2.660 1.775 2.092 21     — 406 2.620 1.839 2.062 2.715 1.785 2.108 28     — 413 2.635 1.820 2.045 2.804 1.812 2.112 4  sept.  . 420 2.650 1.812 2.080 2.635 1.745 2  212 11     — 427 2.692 1.912 1.943 2.700 1.837 2.079 18     — 434 2.675 1.874 1 .  993 2.670 1.868 1.895 25     — 441 2.685 1.883 1.944 2.759 1.835 2octob. 448 2.752 1.860 2.002 2.760 1.830 9     — 455 2.802 1.833 2.003 2.780 1.860 16     — 462 2.815 1.900 2.014 2.865 1.761 23     — 469 2.834 1.807 1.944 2.838 1.655 31     — 476 2 .  865 1.640 1.800 2.905 1.610 0  nov., . 483 2 .  798 1.568 1.585 1.615 POIDS   DE   LA   TROISIEME    GENERATION    CARNIVORE bATES 1 h II3 III3 IV3 y. VI3 VII:, VIII;, 1902.    24  juin  .. gr. 46 gr. 44 gr. 39 gr. 36,  5 gr. 38,  5 gr. 37 gr. 41 gr. 43 26     — 3 54,  5 47,  5 46 47,  5 40,  5 46,  5 48,5 49,5 28     — 5 67 57 51,  5 58 61 60 59,  5 60 30     — 7 82 68 63 70 74,5 74 68 73 2  juillet. 9 96 80 70 81 93 88 83 88 1     — 11 112 93 81 96 104 104 95 105 6      — 13 127 106 89 110 115 120 109 120 8     — 15 144 120 101 117 124 132 119 134 10     — 17 161 133 111 126 135 147 128 151 12     — 19 184 149 134 142 150 166 141 172 14     — 21 208 165 152 160 168 182 151 195 16     — 23 230 169 169 184 180 196      1 165 212 18     — 25 256 195 183 198 206 201      ' 187 238 20     — 27 279 210 206 215 242 178 203 264 22     29 327 247 229 250 277 178 231 305 24     — 31 346 261 246 256 288 198      ■ 238 325 26     — 33; 370 283 265 295 307 209       ; 267 3.58 VARTATIONS    EXFÉRIME.XTALRS 301 1903 302 F.  HOUSSAY DATES 9  avril. 16     — 23     — 30     — 7  mai..  . 34     — 21     — 28     — 4  juin . . 11  — 18  — 25  — 2  juillet. 9     _ 16  — 23  — 30     — 6  août. . 13     — 20     — 27     — 3  sept . . 10     — 17  — 24  — '  oct.   . 8  — 15  — 22  — 29     — 5  nov. . 12  — 19  — 26  — 3  déc.  . 290 297 304 311 318 325 332 339 346 353 360 367 374 381 388 395 402 409 416 423 430 437 444 451 458 465 472 479 486 493 500 507 514 521 528 gr. 2.788 2.760 2.737 2.690 2.730 2.725 2.727 2.746 2 .  769 2.765 2.760 2.738 2.745 2.752 2.749 2.776 2.755 2.757 2.762 2.778 2.740 2.762 2.760 2.700 2.675 2.690 2.545 2.432 gr. 2.007 2.006 2 .  000 1.963 2.045 2.065 2.046 2.000 1.917 couve 1.290 1 .  242 1.215 1.225 1.376 1.494 1.649 1.640 1.637 1.795 1.838 1.850 1.812 1.844 1.892 1.900 1.752 1.631 1.565 1.522 1.498 1.440 III3 gr. 1.959 1.956 1.945 1.889 1.912 1.910 1.882 1.860 1.835 1.790 1.883 1.845 1.860 1.932 1.945 1.872 1.890 1.846 1.747 1.819 1.800 1.782 1.755 1.796 1.860 1.818 1.724 1.670 1.528 1.524 1.506 1.582 1.492 gr. 3.066 3.040 3.030 3.083 3.078 3.096 3.033 3 .  022 3.016 3.009 3.050 3.096 3.118 3.132 2.995 3.102 3.147 3.111 3.100 3.078 3 .  062 3.074 3.038 2.960 2.885 2.845 2.800 2.655 2.586 Vb VI-, Vil, POIDS    DE    LA    QUATRIÈME    GÉNÉRATION    CARNIVORE (3  Eclosions) DATES 1903.  18  juin 20  — 22  — 24  — 26     — 30     — 2  juillet Jour.; lie vie II IIi Jours de vie IV4 V4 Jour.s de vie 1 «■"•■ 52 49 R-'-- «••• 3 61 56 5 69 66 7 95 85 1 40,5 37 9 110 101 3 49 45 11 130 122 5 61 53 13 152 140 7 72 63 15 180 168 9 87 88 VARIATIONS    EXPKlilMENTALES 303 DATES Joiir-s fie vie II Ils Jouis de vie IV; Vi Jours de vie VII4 1903.   1.  juillet.... 17 213 Cl'. 196 1 11 ar. 104 109 1 39 6   —   .  .  . 19 233 225 13 117 123 3 49 8   —   ..  . 21 249 257 15 129 137 5 60 10   —   .  .  . 23 282 273 17 145 146 7 73 12   —   ... 25 310 306 19 166 171 9 89 14   —   ... 27 340 339 21 184 198 11 107 16   —  .  .  . 29 360 370 23 210 224 13 143 18   —   ... 31 398 423 25 224 255 15 159 20   —   .  .  . 33 424 454 27 242 274 17 182 22   —   .  .  . 35 478 503 29 273 308 19 220 24   —   .  .  . 37 513 550 31 302 337 21 250 26   —   .  .  . 39 585 590 33 325 374 23 289 28   —   .  .  . 41 637 665 35 346 402 25 324 30   —   .  .  . 43 650 694 37 373 423 27 346 1"   août. .  . . 45 705 730 39 393 467 29 389 3   —  ... 47 750 769 41 420 494 31 417 5   —  ..  . 49 785 820 43 448 532 33 462 7   —   ... 51 808 887 45 488 572 35 510 9   —   .  . 53 861 934 47 531 602 37 555 11   —   ... 55 904 972 49 551 614 39 598 13   —   .  .  . 57 970 1 .  040 51 585 675 41 659 15   —   .  .  . 59 1.005 946 53 603 695 43 654 17   —   .  .  . 61 1.035 1.003 55 661 710 45 688 19   —   .  .  . 63 1.102 1.073 57 660 643 47 720 21   —   ... 65 1.092 1.120 59 591 660 49 755 23   —  .  . 67 1.107 1.211 61 680 705 51 823 25   —   .  .  . 69 1.135 1.260 63 716 739 53 890 27   —   .  .  . 71 1.130 1.319 65 745 758 55 890 29   —   .  .  . 73 1.150 1.331 67 750 780 57 941 31   —   .  .  . 75 1.180 1.400 69 768 757 59 950 3  septembre 78 1.177 1 .  400 72 810 832 62 1.040 7   —  ... 82 1.274 1.493 76 865 940 66 1.148 10   —  ... 85 1.379 1.604 79 945 1.025 69 1.264 14   —  ... 89 1.485 1.682 83 1.043 1.112 73 1.371 17   —  ... 92 1.568 1.765 86 1.115 1.175 76 1.402 21   —  .  .  . 96 1.665 1.852 90 1.157 1.205 80 1.500 24   —  .  .  . 99 1.698 1.800 93 1.218 1.290 83 1.530 28   —   .  .  . 103 1.702 1.894 97 1.233 1.327 87 1.583 1"   octobre  . 106 1.706 1 .  921 100 1.275 1.325 90 1.615 5   —  ... 110 1.873 1.942 104 1.340 1.402 94 1.817 8   —   .  .  . 113 1.917 2.132 107 1.358 1.470 97 1.885 12   —   .  .  . 117 1.989 2.204 111 1.415 1.498 101 1.978 15   —   ... 120 2.015 2.348 114 1.450 1.570 104 2.089 19   —   ... 124 2.098 2.321 118 1.425 1.552 108 2.134 22   —   .  .  . 127 2.213 2.377 121 1.505 1.598 111 2.244 29   —   .  .  . 134 2.380 2.456 128 1.545 1.638 118 2.391 5  novembre. 141 2.479 2.538 135 1.570 1.700 125 2.559 12   —  ... 148 2.535 2.536 142 1.675 1.772 132 2.744 19   —  .  .  . 155 2.633 2.536 149 1.750 139 2.798 26   —  .  . . 162 2.722 2.677 156 1.819 146 2.971 3  décembre. 169 2.717 2.755 163 1.832 153 2.969 10   —  .  .  . 176 2.760 2.820 170 1.881 160 3.113 304 F.  HOUSSAY DATES Jours flr vie I4 II4 Jours de vie IVi V4 Jours de vie VIT, 17  dccciiibrc 183 2.795 g'-- 2.818 177 1,944 167 «r. 3.209 24       —     .  . . 190 2 .  782 2.852 184 2.015 174 3.274 31  ■    —     ... 197 2.815 2.839 191 2.014 181 3.267 1904.      TTjanvier... 14       —      ... 204 211 2.925 3 .  033 2.942 3.040 198 205 2.082 2.139 188 195 3.311 3.401 21       —      .  .  . 218 2.940 3.031 212 2.118 202 3.489 28       —      ... 225 2.964 2.775 219 2.130 209 3.402 4  février  . .  . 232 3.051 2.885 226 2 .  322 216 3.459 11       —      ... 239 3.137 2.900 233 2 .  460 223 3.548 18       —      ... 246 3.071 2.920 240 2.417 230 3.505 25       —      .  . . 253 3.095 2 .  820 247 2.412 237 3.422 3  mars 260 3.131 2.680 254 2.410 244 3.370 10       —      . . . 267 3.062 2.230 261 2.424 251 3.420 17       —      ... 274 3.080 268 2.579 258 3.435 24       —      . .  . 281 3.037 275 2.548 265 3.412 31       —      ... 288 3.078 282 2.430 272 3.452 7  avril 295 3.072 289 2.315 279 3.420 14       —      ... 302 3.040 296 2.339 286 3.443 21       —      . .  . 309 3.088 303 2.307 293 3.425 28       —      .  .  . 316 2.954 310 2.362 300 3.450 5  mai 323 2.932 317 2.520 307 3.540 12       —      ... 330 2.875 324 2.505 314 3.445 19       —      ... 337 2.890 331 2.340 321 3.439 26       —      .  .  . 343 2  894 338 2.515 328 3 .  440 2  juin  345 2.432 335 3.493 9       —      ... 352 2.442 342 3.492 16       —      ... 359 2.530 349 3.398 23       —      ... 366 2.520 356 3.531 30       —      ... 373 2.479 363 3.485 7  juillet 14       —      ... 380 387 2.325 2.318 370 377 3.516 3.577 21       —      .  .  . 394 2.540 384 3.567 28       —      .  .  , 401 2.454 391 3 .  623 4  août  408 2.528 398 3.624 11       —      .  .  . 415 2.420 405 3.627 19       —      .  .  . 423 2.381 413 3.621 25       —      .  .  . ■129 2.465 419 3.650 1^'  septenib. 8       —      .  .  . 436 443 2.367 2.360 426 433 3.545 3.598 15       —      ... 450 2.190 440 3.608 22       —      .  . . 457 2.122 447 3.612 29       —      .  .  . 464 2.089 454 3.621 6  octolirp  . . . 471 2.119 461 3.739 13       —      ... 478 2.069 1      468 3.698 20       —     . . . \      475 3.732 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 305 POIDS   DE   LA   OINQtJIÈME   GÉNÉRATION    CARNIVORE (2  Eclosions) DATES Jours de vie I5 ll.r, III5 Jours de vie I\'.s 1904.      6  juin 3 5 7 9 11 13  _ 15* 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 -  66 69 73 77 80 83 87 90 97 104 111 118 125 132 139 146 153 g-r- 45 53 68 78 90 104 113 130 147 166 181 206 235 271 294 314 355 390 415 445 485 503 530 572 600 628 681 715 712 825 760 872 1.003 1.040 1.105 1.160 1.220 1.285 1.377 1.506 1.596 1.605 1.635 1.687 1.710 1.743 1.762 49 57,  5 69 75 80 90 112 134 147 160 178 198 224 244 281 285 304 333 360 388 400 398 403 451 489 532 583 624 589 670 600 777 720 788 82S 812 870 920 1.022 1.107 1.056 1.063 1.138 1.097 50 53,5 62 68 64 57 76 88 107 123 143 165 199 243 264 281 315 340 367 417 458 508 515 569 602 ■637 723 771 756 900 828 956 1.027 1.152 1.209 1.288 1.354 1.483 1.640 1.852 2.005 2.130 2.330 2  448 2.570 2.619 2.679 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 26 29 33 37 40 43 47 50 57 64 71 78 85 92 99 106 113 i^r. 8     —        10     —        12     —        14     —          16     —        18     —        20     — 22     —        24     —        26     —        28     —        30     —        2  juillet    4     —        fi     —        8     —        10     —        12     —        14     —        16     —        43 18     —        51 20     —        66 22     —        24     —        83 97 26     —        112 28     —        113 30     —          153 l«f  août    165 3     —       213 8     —        272 11     —        323 15     —        382 19     —        440 22     —        500 25     —        570 29     — l*'  septembre 8     —        635 702 867 15     —        1.070 22     —        1.262 29     —        1.410 6  octobre 1.630 13     —       1.847 20     —        1.916 27     —       2.047 3  novembre 2.170 306 F.  HOUSSAY DATES 1901. 1905. 10  novembre  . 17        — 24  — 1^''  décembre. 15  — 22  — 29  — 5  janvier 12  — 19  — 26  — 2  février 9  — 17   — 23  — 2  mars.  . avril 16 23 30 6 13  —  .. 20  —  .. 27  —  .. l  mai.  .  . 11  —  ..  . 18  —  ... 25  —  . .  . 1"   juin  . 8  —  . 15  —  . 22  —  . 29  — 6  juillet. août 13 20 27 3 10  —  17  —  25  —  30  —  7  septembre 14    —    21    —    30    —    5  octobre 12   —   19   —   26  —  2  novembre Jours (le vie 160 167 174 181 188 195 202 209 216 223 230 237 244 251 259 265 272 279 286 293 300 307 314 321 328 335 342 349 356 363 370 377 384 391 398 405 412 419 426 433 440 448 453 461 468 475 484 489 496 503 510 517 1.718 1.831 1.830 1.876 2.007 2.062 2.135 2.122 2.156 2.189 2.275 2.290 2.336 2.410 2.414 2.441 2.342 2.385 2.340 2.309 2.413 2.381 2.320 2.331 2.524 2.332 2 .  352 2.363 2.500 2.462 2.445 2.360 2 .  3î>7 2.279 2.363 2.425 2.345 2.425 .172 .187 .212 .176 .210 2.233 2.227 2.195 2.180 2.182 2.243 .677 .735 .780 .994 155 111 133 057 118 150 193 197 324 436 431 322 307 250 222 320 266 210 188 185 292 268 297 200 277 369 377 315 337 333 360 300 282 295 274 327 275 310 324 305 270 220 348 407 505 642 503 Jours (le vie 120 127 134 141 148 155 2.157 2.286 2.420 2.146 2.056 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 307 Appendice  au  Chapitre  III DOSAGE   DE   L  AZOTE   DES   EXCRETA    SOLUBLES DATES Jours  de  vie CEXTLMÉTRES    CIBES    D'AZOTE par  jour  et  par  kilog'. Granivores Premières  Carnivores 1901.      4  avril  19     —     254 269 290 314 342 371 384 405 419 434 483 22  ce  69 23  06 10       41 27       90 15       25 23       43 13       39 21       95 20       70 33       48 36       08 43  ce  24 74       40 53       57 3  juin 1"  juillet 29        —      12  août 37  57 31       99 7       81 38  31 2  septembre 16       —           1"  octobre  19  novembre 59       15 46       50 178       19 66       96 EXCRETA   DE   LA    SECONDE   GÉNÉRATION    CARNIVORE    (1) CENTIMÈTRES  CUBES   D'AZOTE Jours  de  vie par  jour  et  par  kilog DATES Série  ce Série  p 1901.      2  septembre 53 5S  ce  03 58  ce  03 16       —            67 85       19 85       19 !"■  octobre 82 58       79 58       79 19  novembre 131 86       30 86       30 18  décembre 160 69       19 78       49 31         —         173 59       89 77       75 1902.    14  janvier 187 52'       45 67       33 27       —       200 215 54       31 45       38 70       31 11  lévrier 59       15 25       —      229 52       84 66       22 244 257 55       06 57       29 68       82 25     —     51       71 8  avril 271 62       12 55       80 22     —     285 55       43 67       33 (1)  Jusqu'au  19  novembre,  tous  les  poulets  étaient  ensemble  et  on  n"a  pas  distinj^ué  entre leurs  excréta. 308 F.  HOUSSAY ■ CENTIMÉTUES    CURP^S    D'AZOTE par  jour  et  par  kiloff DATES Jours  de  vie ~ Série  OC Série  [3 6  niai  300 314 328 62       87 40       18 45        38 53       20 20    —    38       69 3  juin  52       08 18             343 356 52        08 49       10 50       22 1"'  juillet 40       55 16        —      371 384 398 409 42       04 52       45 45       01 68       45 35       34 29        —      43       52 12  août 43       52 23     —     59       89 12  septembre 429 72       54 66        96 30          —        447 76        63 76       63 14  octobre 461 53       20 87       79 30       —       476 47       62 87       79 EXCRETA   DE  LA   TROISIÈME   GÉNÉRATION    CARNIVORE CENTIMÈTRES  < l'BES  D' AZOTE Jours  de  vie par  jour  e par  kilog' DATES Série  OC Série  p 1902.    19  novembre 149 63  ce  61 59  ce  36 25          —         155 57       29 60        64 3  décembre 163 79       61 83        70 1903 .     2  janvier 193 42       41 58        03 15       —     206 220 68       82 66       22 78        12 29       —     75       89 12  février 234 51       71 71       80 25       —       247 46       50 43        90 263 277 291 304 52       46 49       4S 57       29 60       26 84        82 27     —     84        07 10  avril 61        01 23      —    55        06 319 333 347 59       52 54       31 37       20 72       17 22    —    70       31 5  juin  50       59 19    —    361 55       06 72       17 3  iuillpt 375 59       52 63       98 16      —      388 403 57       66 50       22 60       26 31      —      39       80 14  août 417 431 445 26       41 59       89 44       27 33       11 28     —     45       38 11  ««eptembre 66        59 25          —        459 50       59 63       24 9  octobre  473 82       21 56       92 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 3Ô9 EXCRETA   DE   LA    QUATRIÈME   GÉNÉRATION    CARNIVORE CENTIMÈTRES CUBES    DAZÛTE DATES Jours  de  vie  (1) par  joui-  et par  kilo^. 1903.   29  octobre  128 101  ce  18 13  novembre 143 80 72 27          —        157 127 22 10  décembre 170 82 58 24         —         184 92 26 1904.      7  janvier 198 69 19 21       —       212 226 241 261 67 82 67 90 70 96 19       —     70 10  mars 40 24     —     274 288 115 82 32 7  avril 21 21    —    302 316 103 79 42 5  mai 24 19    —    330 341 88 58 54 3  juin  40 17    —    355 368 382 68 71 56 45 30    —    05 14  juillet       92 28      —      396 410 423 437 55 40 09 56 80 11  août 92 25     — 94 8  septembre 17 22          —        451 99 70 6  octobre  465 51 71 (1)  Les  animaux  n'étant  pas  nés  le  même  jour,  ces  nombres  représentent  l'âge  moyen  des animaux  vivants  au  jour  de  l'expérience.  —  L'écart  maximum  est  de  5  jours. 310 F.  HOUSSAY EXCRETA   DE   LA    CINQUIÈME   GÉNÉRATION    CARNIVORE DATES 27  octobre  . . 11  novembre 25         — 9  décembre 23         — 6  janvier 20  — 3  février 17       — 3  mars  . 17     —     . 1"  avril 14        — 28  — 12  mai  . . .26    —    . . 9  juin  .  . 23    —    . 6  juillet 21  — août. . septembre 4 18 1' 15  — 29  — 12  octobre Jours  de  vie 146 161 175 189 203 217 231 245 259 273 287 301 315 329 343 357 371 385 398 413 427 441 455 469 483 496 CENTIMÈTRES    CUBES    D'AZOTE par  jour  et  par  Itilog'. 85  ce 93 53 57 75 14 82 21 55 43 67 70 64 36 27 53 66 96 42 04 58 78 79 98 48 36 42 04 69 94 75 89 50 59 34 97 31 25 47 99 58 40 53 57 50 22 48 36 50 96 60 64 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 3H Appendice  à  divers  Chapitres DONNÉES    ANATOMIQUES •  MESURES  ORGANIQUES  DE  LA  GÉNÉRATION  GRANIVORE ET  DE  LA  PREMIÈRE  GÉNÉRATION  CARNIVORE Désignation  des  Animaux lo Ho lllo I. III 111. Ag'e  en  Jours 189 4IS5 488 490 491 492 Sexe Mâle Femelle Femelle Mâle Femelle Femelle Poids  le  jour  de  la  mort 2.485  g. 1.411  g. 2.246  g. 2.405  g. 1.483g. 1.790g. 85       5 82 73       53 93 64 79 Plumes 167       5 93       2 127 167       5 97       5 110       5 Graisse 203 56  ";„ 176        75 92       10 54  ";„ 200 45  ""„ 36       2 35  ™; 175 Longueur  du  JABOT.  . . 35  "1;, Largeur               — 55 " 47 39 35 30 Jauge  à  l'eau       — 261  ce " 275  ce 98  ce 46  ce 84  ce —  au  mercure    — 354 » 354 130 112 135 Poids  du  CŒUR 12  g.  45 5g.  5 7  g.  3 11  g.  8 8  g.  54 8  g.  8 —    du  FOIE 33       15 38        2 45        18 33       1 39       65 38       85 —    de  la  RATE 2       07 1 1        7 2         31 1        76 2        3 Long.  (Dde  l'INTESTIN 1  780  ";„ 1 .  700  ";„ 1.980  ";, 1 .  560  ■"„ 1.370  "■„, 1.600  ";„ —     du  PANCRÉAS.. 125 110 130 125 112 123 Largeur  du  PANCRÉAS . 10 9 8 7 8 8 Poids               — 4  g.  05 2  g.  95 3  g.  73 2g.  15 2  g.  69 3g.  85 Poids  de  l'ESTOMAC... 59        35 43        5 66        6 27       07 28        35 52       85 —    du  GÉSIER 54        45 37       26 59       3 21       85 21        15 43        9 Grand  axe  du  GÉSIER. 64  ";„ 60  ";„ 73  ";„ 49  ";„ 50  ";„ 61  ";„ Petit  axe                — 48 50 55 44 41 48 Epaisseur               — 25 21 38 21 » 19 Longueur  d'un  GjECUM. 195 165 200 122 145 130 Poids  lies  2  TESTICULES 13  g.  75 » » 13  g.  75 » » —    de  l'OVAIRE  .  .  .r » 24  g.  7 43  g.  7 » 6  g.  93 20  g.  2 Longueur  du  REIN  .... 78  "•„, 62  "'„, 70  '"„; 70  ■"„; 78  ■"„, 78  "■„ Largeur          —         12 16 15 14 16 16 Poids  des  2      —         .... 11  g.  95 8  g.  65 9  g.  25 11g.  1 14  g.  75 12  g.  9 —    des  2  POUMONS  . 8       70 » 6       76 10 » 7        13 SQUELETTE  130        25 67       02 101       60 126        11 66        3 85        3 PONTE  6k.  671 4  k.  049 10  k.  195 7  k    154 (1)  Cette  longueur  est  toujours  prise  au-dessous  du  Jabot. 31^ V\  IIOUSSAY to o <o tH m O     rH <M a. ■>»>    to I> ce 00 1^   m ^ 1        1^ biD èf o ci à^ ci à  8 ^ ^ à~5        ci ri -■t Ê o o ut   >n o o m   c<5 IM ■o     'l" (M M    1-. !D O    M    te    O CD   in   t^   ce "     ,M K> oj ce ^ ^ <N iO    ^ 50 00 •* t~   o> IM m   ■*    l-H   co t^     ri     rH     1-1 CO b 00 (M in rn    o ^_^ t- O CD in . M œ   co a r-i S^ CO lO    t~ O _ \£ o .  c E^ ,  „ t~ œ 4J si E  "^ o ci S en - ci E^             Mi 0^ > «* S ■■ji t^ Oi «o O     ■* <o <N œ   i^ l-H O   ^- O ce    00 o ce    îo   CD   in ce tO    !>•    \ri    ro X    -^ V Oï œ m lO     'Jl ce    05 ce ce in    -^   c-i   ei t^     rH     rH b U5 r-t ■o o 1 lO ~ m   o -* in CO   in ce      l-H >o t~    ce >o -* co    os ^ c- — •à g  E c o en E  = ci P  E si ^ B^              ci ^ f^ •c; t~ œ t~ c C    O GO rH -i>   o ei O   ic o ce    00 o -*   in    ■*   O 0-1 O   in    m    ^ o M o ■M r~ t   ■* cd o   c ce co in    ■*    O)   ce 00     i-H     i-H     r-< 00 '-' OX rH «-i Oi     r-i rH IM ^' lO irt co •*   in «5 t— 1 œ   ce «» CD o    00 -^ ci «M tC O o ci o>   ce 0-1 E« r- ci IM    o ce E^ 00    CO    O    ce ci o = È^        ci lO     ce     ce     !•* in <X> -* co    « œ '^ ce O     (M ■* m   ■*   oi   0-1 co .o     iD to  o o in rH     C m * œ   M -* in   00 I— 1 00 lO    r» CD - c ;^  3 V    g V     c o> ^'^ or si =  - o Clj ai 6^ ^ 6r a  -          Qc 2 E 0. t>- lO t~ O eo    o ,—1 t^ lO     lO 0-1 O   ce i> (M     t^ (M O     00    O     0-1 ,_, 00    00   o    lO ea   ■^ l-H 50 Cl to -*    i" <o O -t 00    o C-1 C-l m    CO   0-1   0^ t^      1-H      (>) X   os b. in •n*     rH ■*     lO ^ „ ~ lO m m   iM o 5-1   œ 0-1 t^ t^    :d •! •Cl M g  E u ci E  ^ ci è^ ci ^ E^            ei J_ 0-. -* os o i-H    (M -t o c     Uî co o    t- 00 ce    00 0-1 00   ce   o    o o O    t^    00    C: o O «o « ce   •r 03 05      rH co ce m   ^   0-1   -*• 00     i-H     ri l>- iH     O ■* m in 0-1     CO OJ m t~     ■^ 00 e-l     rn m ■* O    ce 05 , ,, bc ÈS ci g  E ci e  = su H^          M 0^ m 2 E t- m « œ ^   a> r- ,_( ■o   t~ ,-^ O    o t^ IN     O ce o    t^    Ci    o ,_, m    m    in    co X      J l>  -* V 50 i> IN ce co    co ■T" X o    ce 0-1 in    ce   0-1   (N u. 'l* tO     rt o m   oî •^ Ol     Jî ift Ol    t~ o    00 r^ t^     -* œ CD «ji   i^ >r. 0, M .  E bc E^ ci eS U H^         si -/- ^ ^ o œ m r^    o >n œ (M    ce ■M O     O t^ ce    ce xi tc    in    0»   o in   in   ■*   o o -M o t^ œ œ " f-H      -* o    « co 0-1 m    ••♦    0^    m X    rt     ^     rt 0-1 f- C > ce c C E H •^ 2^ il 1 1     < 55 c ce U ^ •    t/2 7i2 'J _a <      1 1 CL ce tL. l i    J; ce 7 1 ■W     1      1    î - "    i    s    a ■a   ™    «    3 ^ K S     5B >■ c — 9. -s •5 1  â -3 3    S Ë 5 .S s o  u. 3    a -    f ce s di 1 ::-  al «      3 =        1 c ig-eur ids -     de  l'ESTr •C '■e C "C ^  1  S2 ■o            'îl    »l -      .        «      (U ll'l  1 H E- b H ■c CJ '5 5   « a n o     ' o X o u    a;    (i   c o 'c o      M      o       ' Oi  O < 73 — nJ -] -ï "^ a. ^ ^ eu « a. ■w 0. 0. J a. ce 0. VARIATIONS   EXPERIMENTALES 313 MESURES    ORGANIQUES   DE   LA    TROISIÈME GÉNÉRATION    CARNIVORE Désig'iiation  des  Animaux Ag'e  en  Jours. Sexe . Poids  le  jour  de  la  mort. . .  . Sang Plumes Graisse Longueur  du  JABOT Largeur  —     Jauge  à  l'eau        —     —  au  mercure     —     Poids  du  CŒUR —  FOIE —  de  la  RATE Longueur  de  l'INTESTIN. —  du  PANCRÉAS Largeur  • — Poids  — —  del'ESTOMAC —  du  GÉSIER Grand  axe  du  GÉSIER    . . Petit  axe  — Epaisseur  — Longueur  d'u"  C^CUM.  . . Poids  des  2  TESTICULES. —  del'OVAIRE Longueur  du  REIN Largeur  —     Poids  des  2         —     —         POUMONS SQUELErTB: PONTE    Mâle .885  g. 32 105 0 50    /m 52 88  ce 114 10g. 50 1 .220  "■„, 24  g. 18 49  ";„ 41 15 100 3g. 90  ■"„, 15 21g. 18 162 Femelle .395  g. 54 108 14       85 38  % 33 51  ce 67 5  g- 32 llh Femelle .480  ";„ 102 10 3  g.  3 30       61 24       58 50  ";,. 40 26 122 Ig.  32 70  "L, 13 ^  12  g.  40 7       28 SI 7  k.  616 IVs .437  g. 51 116 29 34  "'„ 34 51  ce 65 5  g.  65 39        54 2        19 .570  ";„ 120 2  g.  54 33       28 26 50  ";, 45 28 113 2g 72  '", 15 13  g.  60 6  18 77 9  k.  614 .500  g. 124 133 0 60  '"„, 48 85  ce 107 12g. 66 2 .060  ";„ 155 14 5  g. 53 41 55  "„; 50 30 170 4g. 92  Z 20 23  g. 12 179 Femelle 67 1.706g. 84 122 12 37  "i. 36 94  ce 115 7  g.  70 51        65 2  66 1 .  770  ""ii 112 10 3  g.  27 36        95 29        94 54  "L, 42 30 126 2  g.  33 82  "V 15 17  g.  90 7       91 101 8  k,048 AHCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  4^  SERIE.  —  T.  VI. (V). 314 F.  HOLÎSSAY MESURES    ORGANIQUES    DE    LA    QUATRIÈME GÉNÉRATION    CARNIVORE Désignation  des  Animaux  , Açe  en  Jours. Sexe Poids  le  jour  de  la  mort 2 , Sang Plumes Graisse Longueur  du  JABOT Largeur  —         Jauge  à  l'eau    —         Jauge  au  mercure  du  JABOT. .  .  . Poids  du  CŒUB —  du  FOIE —  de  la  BATE Longueur  de  ITNTESTIN —         du  PANCBÉAS Largeur  —  Poids  —  —  de  l'ESTOMAC —  du  GÉSIEB Grand  axe  du  GÉSIEB Petit  axe  —  Epaisseur  —  Longueur  d'un  C^CUM Poids  des  2  TESTICULES —  del'OVAIRE Longueur  du  BEIN Largeur  —         Poids  des  2      —         —  des  2  POUMONS SQUELETTE PONTE  Mâle 735  g. 167 118 0 43  "■„ 42 67  ce 81 15  g.  59 60        30 4  60 930  "'„, 137 15 5  g.  97 59        15 52        07 64  "•„, 50 30 40  g.  75 85  ?„ 15 18  g.  75 10       60 180 Ih Mâle .127g. 93 147 0 80  '■;„ 65 157  ce 160 8  g.  58 62        44 3       23 .600  "'„ 135 8 3  g.  48 37  76 30       05 55    rin 45 Ig    9 18  I 8 185 iVi 148 Mâle 1.592g. 54 117 0 63  ■"„ 63 133  ce 140 9g. 40 59 90 1 94 2.000  Z 120 12 5g. 34 43 36 15 53  Z 48 30 160 Og. 40 92% 10 18p. 20 8 03 93 5 \i 478 Femel e 1.942g. 98 149 35 42 50  Z 45 88  ce 90 9g. 42 48 17 3 14 1.840  ™ 115 11 3  g. 76 43 72 35 79 63  Z 45 35 150 Ig. 75 85  Z 23 18  g. 62 9 41 107 8  k.  432  1 Vlli 478 Mâle 3.561g. 17 2U 89       55 55  Z 55 139  ce 140 18  g.  07 67        85 4  83 2.350  Z 167 10 5  g.  88 52  63 42        19 60  Z 45 30 180 16  g.  76 85% 15 22  g.  49 26       25 206 VARIATIONS   EXPÈRIMEiNTALËS 315 MESURES    ORGANIQUES   DE   LA   CINQUIÈME GÉNÉRATION   CARNIVORE Désig-aation  des  Animaux. Age  en  Jours. Poids  le  jour  de  la  mort Sang Plumes Graisse Longueur  du  JABOT Largeur  —         Jauge  à  l'eau    —         Jauge  an  mercure  du  JABOT . Poids  du  CŒUR '■    —    du  FOIE —  de  la  RATE Longueur  de  l'INTESTIN  . . —       du  PANCRÉAS Largeur  —  •  ■  •  ■ Poids  —  •  •  ■  • —  de  l'ESTOMAC —  du  GÉSIER Grand  axe  du  GÉSIER Petit  axe  —  Epaisseur  —  Longueur  d'un  CAECUM Poids  des  2  TESTICULES.  .  . —  del'OVAIRE Longueur  du   REIN Largeur  —         Poids  des  2        —        —  des  2  POUMONS SQUELETTE PONTE  Femelle 2.190g. 100 116 125 42  "■„ 46 90  ce 90 9g.  14 49        70 3 l."910  '"„, 125 15 4  g.  33 46  41 37 58 45 26 145 40 2g 28 » 80  :"„ » 15 ..) 15  g 80 10  g 7 74 7 19 53 6  k. 101 » -Mâle 1.059  g. 42 51 0 43  % 43 81  ce 86 7  g.  38 32       24 0       67 1.310  "i. 90 10 2  g.  35 34  60 29 52  ■", 45 28 125 Og 17 11I& .Mâle 3.416g. 165 231 183 55  X 45 191  ce 210 15  g.  87 53        80 3       01 1  .920"'„; 118 10 4g.  2 65       80 56  65 75  ""„; 52 32 170 8  g.  25 1 85  Z 15 17  g.  77 18  65 177 IV.  (1, Mâle 1.965  g. 85 136 0 50 95  ce 109 14  g.  10 140       10 6       39 2.450  Z 160 15 5  g.  80 55       68 45       04 55  Z 50 205 0  g.  53 > 100  z 25 35  g.  48 12       94 132 I     •     (1)  Cet  animal  est  mort  d'hypertrophie  du  foie  avec  dégénérescence  graisseuse.  Le  dévelop- pement de  tous  ses  organes  digestifs  et  de  ses  reins  est  extraordinaire. 316 F.  IIOUSSAY RAPPORTS     ORGANIQUES     A    100    GR.     DE    POIDS    TOTAL DANS    LA    GÉNÉRATION    GRANIVORE ET  LA   PREMIÈRE   GÉNÉRATION    CARNIVORE ORGANES lo Ilo Illo II IIi llli Poids  avant  la  mue  .... 2.544  gr. 1.354  S' !■■ 1.917  g-i-. 2.458  g'' 1 .  907  «'■ 1.959«i'- 3,36 10.26 6.05 3,83 14,34 3,78 3,99 3,35 2,41 4.03 Jabot  jaugé  à  l'eau 4.28 —    jaugé  au   mercure 13,91 » 18.46 5,29 5.87 6,89 Cœur 0,49 0.40 0.  38 0,48 0.45 0,45 Foie 1,30 2,82 2.35 1,34 2,08 1,  98 Rate 0,08 0,07 0,  09 0,09 0,09 0,  12 Long.  Intestin 69,97 125.55 103.03 63.  46 71,84 81,67 Pancréas 0.  16 0.  21 0.  19 0.09 0,  14 0,  19 Gésier 2,  14 2,75 3.09 0.89 1,  11 2,  24 Cœcum 7,66 12,  18 10.  43 4.96 7,60 6,63 2  Reins              0,47 0,  34 0,63 0.48 0,  35 0,  45 0,40 0,  77 0,  66 2  Poumons 0.  36 RAPPORTS     ORGANIQLTES    A    100    GR.    DE    POIDS    TOTAL DANS   LA    SECONDE    GÉNÉRATION    CARNIVORE ORGANES Poids  avant  la  mue  .... Sang Jabot  jaugé  à  l'eau  .... —    jaugé  au  mercure Cœur Foie R  ate Long,  intestin Pancréas Gésier Csecum 2  Reins 2  Poumons 2.800  gr 3,57 2,32 4,85 0,  43 1.57 0,09 60.71 0,  13 0,91 5,36 0,51 0.  38 1.912S 3,92 2,45 4,  23 0,35 1,95 0.09 83.  68 0.  11 1,  23 6,27 0,78 0,  33 IV2 2.014gT. 3,  22 3,  02 5,31 0,  28 2,24 0,  12 73.  48 0.  13 1.09 6,  08 1,  02 0,28 \U 905  gr ,75 68 ,  51 49 72 .08 40 13 05 ,  47 ,  53 ,51 Vlh 1.905  ^,'1'. 3,51 3,  99 5,87 0,  35 1.95 0.  10 80,  31 0,  16 1,  58 6,  32 0,  81 0.  35 (') 0,  39 3.  09 0.  19 90.  42 0,  16 1.  19 9,  22 1.  25 0,95 (1)  Poule  malade  morte  d'une  tumeur  de  l'oviducte. VARIATIONS   EXPERIMENTALES 317 RAPPORTS     ORGANIQUES    A    100    GR.    DE    POIDS     TOTAL DANS  LA  TROISIÈME   GÉNÉRATION   CARNIVORE ORGANES i, 'I:. III, IV., VIII3 Poids  avant  la  mue 2 .  700  ■■^r. 3,  26 4.22 0.  38 2.07 0,05 45,  18 0,  68 3,70 0,80 0,69 i.yooyr. 2,  84 2,68 3,52 0,29 1,  71 0,  11 77,89 0,  17 1,29 6,44 0,65 0,38 1.860!?'r. 2,  76 2,74 3,  49 0.30 2,  12 0,  11 84,40 0,  13 1,  43 6,07 0,  73 0,33 3.100RT. 4 2,  74 3,  45 0,  41 2,  14 0,09 66,  45 0,17 1.34 5,  48 0,75 0,39 2.243  i;r. Sang 3,  74 Jabot  jaugé  à  l'eau 4,  19 —    jaugé  au  mercure Cœur 5,  12 0,  34 Foie 2,  30 Rate 0.  11 Long,  intestin Pancréas Gésier 78,91 0,  14 1.  33 Caecum 2  Reins 5,61 0,  79 2  Poumons 0,35 RAPPORTS    ORGANIQUES    A    100    GR.    DE    POIDS    TOTAL    DANS    LES QUATRIÈME    ET    CINQUIÈME    GÉNÉRATIONS    CARNIVORES. ORGANES Poids  avant  la  mue .... Sang Jabot  jaugé  à  l'eau  .... —     jaugé  au  mercure. Cœur Rate Foie Long,  intestin Pancréas Gésier Caecum.   2  Reins 2  Poumons I', "'. 2.735gT. 2.127i;i- 6.10 4,35 2,45 7,38 2.96 7,52 0,57 0.40 2,  20 2,  93 0,17 0,  16 70,  56 75,22 0,21 0,16 1,90 1,41 0,68 0,87 0,38 0,69 3.650i;r. 4,52 5,  23 5,75 0,  43 1,  46 0,08 52,  60 0,32 1,55 4,  65 0,  48 0,  51 3i8 F.  HOUSSAY RAPPORTS  ORGANIQUES  A  100  GR.  DE  POIDS  ACTIF DANS  LA  GÉNÉRATION  GRANIVORE  ET  LA  PREMIÈRE  CARNIVORE ORGANES Poids  actif Sang Jabot  jaugé  à    l'eau. .  .  . —    jaugé  au  mercure Cœur Foie Rate Long,  intestin Pancréas  Gésier Caecum 2  Reins 2  Poumons 984  g-r. 31 15 84 62 67 10 71 20 74 83 60 44 IIo 1.074! 7,63 0.51 3,55 0,09 158,28 0,27 3,47 15.36 0.80 IIlo 1.925S-I 3.82 14,28 18,  39 0,  38 2,34 0,08 102,  85 0,19 3,08 10.  39 0.48 0,35 1 .  935  «■' 4,80 5,06 6,  71 0,61 1,  71 0,  12 80,62 0,11 1,13 6,30 0,  57 0,51 Ih 1 . 283  ni 4,  98 3,58 8,73 0,  66 3,09 0,  13 106,  78 0,21 1,64 11,30 1,15 llll 1.412KT. 5,59 3,26 7,93 0,62 2,75 0,  16 113,31 0,27 3,10 9,20 0,91 0,50 RAPPORTS     ORGANIQUES    A    100    GR.     DE    POIDS    ACTIF DANS  LA  SECONDE  GÉNÉRATION   CARNIVORE OHGANES Poids  actif Sang Jabot  jaugé  à  l'eau .  .  .  . —     jaugé  au  mercure Cœur Foie Rate Long,  intestin Pancréas Gésier Caecum 2  Reins   2  Poumons 30  Kl' 48 91 10 54 96 12 23 16 19 72 64 II 2 1.226j;i- 6,  11 3,  83 6,  60 0,  54 3,  05 0,  15 130,  50 0,  18 1,  91 9.  78 1,22 0,  52 1V2 1.2 5. 4, 8. 0. 3, 0, 120, 0, 1, 9. 1. 0 33  y  1' 27 94 67 46 66 19 03 20 79 93 66 46 2.280  1; 4.  78 3,44 5.74 0.  62 2.  20 0.  11 83,  33 0.  16 1.34 5,  70 0,67 0,65 Vils i.356y:i-. 4,  94 5.  60 8.  26 0,  49 2,75 0.  14 12,  83 0,23 2,22 9.  22 1.  14 0,  50 VI1I2 0,43 3,48 0,22 102 0,18 1,34 10,  40 1,41 VAR I ATIONS    EXPERIMKNTA LES 319 RAPPORTS     ORGANIQUES     A     100    GR.     DE     POIDS     ACTIF DANS  LA  TROISIÈME   GÉNÉRATION    CARNIVORE ORGANES I3 Ils 1113 IV3 VIII3 Poids  actif 1.618çr. 5,43 7,04 0,  63 3,46 0,  09 75,40 1,14 6,  18 1,34 1,  16 1.191  «T. 4,  53 4,28 5,62 0,46 2,  73 0,  18 124,  26 0,  27 2,06 10,28 1,04 0,61 1.214gr. 4,  24 4,20 5,  35 0.46 3,  25 0,  18 129,  32 0,  21 2,  19 9,30 1,  12 0,51 2.188err. 5,  66 3,88 4,89 0,58 3,03 0,  12 94,  15 0,  24 1,90 7,  77 1,06 0,  55 1.483gT. 5,  66 Jabot  jaugé  à  l'eau —    jaugé  au  mercure 6,  33 7.80 0,5 Foie 3,  18 Rate                       0,  17 119,35 0,  22 Gésier 2.01 8.49 1,20 0,53 RAPPORTS     ORGANIQUES    A    100  GR.     DE    POIDS    ACTIF DANS   LES   QUATRIÈME    ET   CINQUIÈME  GÉNÉRATIONS   CARNIVORES ORGANES Poids  actif Sang Jabot  jaugé  à  l'eau  . . . . —     jaugé  au  mercure. Cœur Foie Rate Long,  intestin Pancréas Gésier Caecum . . .  . 2  Reins 2  Poumons 2.437  8r 6,85 2,75 3,  32 0,64 2,47 0,19 79,  19 0,24 2,  13 0,77 0,  43 Ht 1.795  8 5,  17 8,  74 8,  91 0,  47 3,  48 0,  18 89,  13 0,  19 1,70 1,03 0,  48 \l 1.651  e:r 5,  99 5,33 5,  45 0,57 2,91 0,  19 111,  44 0,22 2,  16 9,08 1,  12 0,57 VII  t 3048  gr 5,  58 4,56 4,  59 0,  59 2  22 0,  15 77,  10 0,  19 1,  38 5,  90 0,  73 0,86 l5 III5 i.ssggT 2.819gT. 5,43 5.85 4,89 6,  77 4,89 7.44 0,49 0.56 2,70 1,  89 0,  16 0   10 103,  86 68,  10 0,23 0  15 2,03 2,01 7,88 6.03 0,86 0,63 0,42 0,66 320 F.  HOUSSAY Appendice  aux  Chapitres  VI  et  VII DATES  ET  POIDS   DES  ŒUFS  DANS  LA   GÉNÉRATION   GRANIVORE  ET LA   PREMIÈRE    CARNIVORE    (1) DATES -? Un IIIo içr. IIi llli gr. DATES 226 Ilo gr- IIIo gr- IIl gr- 57 Illi 1901 gr. 7 mars  • gr 54,7 24  janvier 184 44 8 —  227 52 26   —   185 47 9 —  228 50 56,  4 56,2 26   —   186 - 10 —  229 27   —   187 11 —  230 53,5 54.2 56,  1 28   —   188 44 12 —  231 53 29   —   189 13 —  232 55,3 30   —   190 46,  5 14 —  233 51 47,5 31   —   191 46 15 —  234 51 1"  février 192 16 —  235 55,9 51 2   —  193 46 17 —  236 52,  5 51 3   —  194 18 -^    237 53,3 4    —   195 47 19 —  238 54.8 76 5    —   196 20 —  239 52,  1 48 6    —   197 46,  5 21 —  240 7    —   198 22 —  241 54 8    —   199 47 23 —  242 53,3 9    —   200 24 —  243 53,8 51.5 54,  5 10   -  201 25 —  244 54,8 11    —   202 48,7 49 26 —  245 55,  7 57 12    —   203 49 50 27 —  246 54,  4 13    —   204 28 —  247 59,  5 53 14    —   205 49,  4 29 —  248 55,  5 58.  8 15    —   206 49 54,5 30 —  249 52,6 57 57 16    —   207 50 31 —  250 56,  5 57.5 17    —   208 1« avril 251 56,  3 58.5 57 18    —   209 50,8 2 —  252 53 19    —   210 3 —  253 58,5 20    —   211 4 —  254 54 55.5 58,6 21    —   212 51,  3 mou 5 —  255 66 52,7 22    —   213 6 —  256 60,  5 59.9 23    —   214 51,8 mou 7 —  257 65,7 59,5 54 55 24    —   215 49,  9 8 —  258 54 57,3 25    —   216 52,5 9 —  259 56,2 57 26    —   217 51,5 10 —  260 54,9 ô*»,  2 57,5 58,  7 27    —   218 50,5 11 —  261 60,  5 28    —   219 50,7 53,7 12 —  262 67,1 61,4 60 54,8 1'^  mars   220 51,  7 50.9 13 — 263 56,2 62,2 2   —    221 52,  4 14 —  264 53.8 51,5 55,2 3   —    222 52,2 51,9 15 —  265 57,5 4   —    223 52 51,  9 16 —  266 57,5 58,5 59,5 56 5   —    224 55,  1 17 —  267 54 60,5 6   —    225 49,9 56 54 18 -  268 60,5 (0  Dans  tous  les  tableaux  suivants,    le  signe   X  représente    un  œuf    mangé,    l'indication  mou s'applique  à  un  œuf  sans  coquille. VARIATIONS  EXPÉRIMENTALES 321 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 gr. 57,5 53 56 54,5 58 53,  2 55 55 53 54.2 52 55,  3 53,5 52 56,  5 53,5 55,  5 56,5 54,  5 56,  5 54,  5 56 53.  3 52,5 57 53,  5 57 55 54 56 51,2 50 56,8 53 50 57,  5 56,8 57,  5 53.5 56,5 58,5 58,5 61,5 58 57,5 61 60 60 57,  5 64 61,5 61 57 61 60,5 61,  5 60,  5 57,5 m, 58 57,9 57 58 59.8 58,5 57 57,2 56,2 58,8 91,4 57 57 56,2 50 57 56,5 59,  5 55,5 55,5 55,5 56,  5 58,  5 59,5 58,5 56,  5 58,  5 61,2 59 57 57 54.  5 60.  3 56,  5 57 60 61 58.8 56,8 55,8 60 61,8 gr- 50.  5 80.  5 55 55 61,3 55 89 57,5 56 58 58 43 56,7 57 57,2 40 88 56 59 58,0 58 55 53,  5 61 54,  5 57,5 55 63 64,  8 56 58,5 62 62,3 DATKS juillet. 10  juin 11  — 12  — 13  — 14  — 15  — 16  — 17  — 18  — 19  — 20  — 21  — 22  — 23  — 24  — 25  — 26  — 27  — 28  — 29  — 30  — 1" 2 3 4 5 6 7 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 gr. 52 53,2 50,2 50,5 50,  7 50,  7 50 50,5 54 49,3 51 50,  5 5:i,  5 54 54,  3 55 50 51 53,  3 52 52 51,  5 47 in„ 57.7 gr. 58.  4 56,5 59,2 57,7 58,5 62,6 59,2 58 58,3 58,8 56,5 58,  5 53,8 56 57,7 58,3 61,  3 60 53 52 m 60,  2 91,5 57,3 60,  3 63,2 58,2 58,  4 56,2 62,  5 63,5 56,  5 56,5 56,5 56.3 52,2 57,7 60 58 57 55 60 58,5 56 57,5 60 58.3 61,3 56,5 62 61,  3 64,5 63,5 59,8 60 58 57 60,5 58,5 60,  5 58,5 322 F.  HOUSSAY DATES Ilo       lllo        111 1"  août 373 2   —  374 3   —  375 4   —  376 5   —  377 6   —  378 7   —  379 S   —  380 9   —  381 10   —  382 11   —  383 12   —  384 13   —  385 14   —  386 15   —  387 16   —  388 17   —  389 18   —  390 19   —  391 20   —  392 21   —  393 22   —  394 23   —  395 24   —  396 25   —  397 26   —  398 27   —  399 28   —  400 29   —  401 30   —  402 31   —  403 1*'  septembre  . . 404 2    — 405 3    — 406 4     — 407 5     — 408 6    — 409 7    — 410 8     — 411 9    — 412 10     — 413 11     — 414 12    — 415 13    — 416 14     — 417 15    — 418 16     — 419 17     — 420 56.5 58,  7 58 62 50,  3  60 49,  3  57,  3 58,2 56,8 61 59 57,8 58,  7 56,8 62,  5 58,  3 56,  3 56,  3 57,  5 57,5 59 58 50 55,  8 60 49, 5  57 57 67,  5 59,5 60 50,  5  59,  5 64 63,  8 60 59 58 61 58,  5 58 60,  3 67 58.5 UIl gr. 62 64,5 64,8 60 60 60 58 DATES 61,  3 60,5 63,  8 60,  5 octobre . 18  septembre. . 19  — 20  — 21  — 22  — 23  — 24  — 25  — 26  — 27  — 28  — 29  — 30  — 1= lIo.  —  127  œufs  =  6  k.  671 IIIo.  —  67  œufs  =  4  k.  049 RÉSUm II,.  - III, .  - Ilo lllo novembre  , 53 56,5 54,7 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 440 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 176  œufs  =  10  k.  195 121  œufs  =  7  k.  154 gr- os, 8 64 62,  7 66 55.5 63,  5 65,5 65,5 62,  5 60 60,  3 58 54,5 55, 58 59 58, 60,2 57,8 58 58 58 61 61,5 58,8 61,5 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 323 DATES   ET   POIDS    DES   ŒUFS    DE    LA    SECONDE    GENERATION GARNI  VOEE DATES 190i 28  janvier 29  — 30  — 31  — jer  février 2  — 3  — 4  — 5  — 6  — 7  — 8  — 9  — 10  — 11  — 12  — 13  — 14  — 16  — 16  — 17  — 18  — 19  — 20  — 21  — 22  — 23  — 24  — 25  — 26  — 27  — 28  — 1"  mars . . 2  —  .. 3  —  .. 4  —  .. 5  —  .. 6  —  .. 7  —  .. 8  —  .. 9  —  .. 10  —  .  . 11  —  .. 12  —  .  . 13  —  .. 14  —  .. 15  —  .. 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 IV2 50,5 51,8 52 52,  5 53,8 56,  7 59,5 56,  3 56,5 68,5 gr. 49 52,3 60,8 57,5 58,5 54 55,  5 55 59,  5 58,  7 60,5 Vllj Vllh 52 54,5 57 50,  7 50,5 56,8 55 54,  7 58 56,  7 58 59 55 53,7 57 61,  3 58,5 avril . 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 58 60 57,8 57 58 60 61,3 60 58,3 57 57 57,5 60 64 58,5 58 58 64,8 64 63,  3 64 64 63,  3 67,5 67 67 67 62,5 67,  7 65,5 64 gr 55 60,  5 56,5 56 58 61 59 61 60,5 59 62 59 65 62 59 57,5 60,  7 57 62 55,8 59 56 56 55,5 X 55,5 62 60 X 62,7 60 65,  5 60.5 60,  3 X 60,  5 X 59,8 57,7 59 59,8 X 59 58 64,  7 60 X X 59 63 59 59,8 X 57.5 59,8 58 mou 62,8 57,3 65,  5 58 58,3 63,  7 57 61,7 63 58 57,3 58,5 56 67,  5 59 X 59 60 61 63,  7 57,  5 54,  5 60 60,  7 62 65,  3 62.  5 324 V.   HOUSSAY DATES 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1er 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 lis 66 65 62,  3 65,5 66,7 68,8 65 68,  7 67 67 gr. 58 59 57 58 57,8 57,8 \3Z,    i 60 9,5 70 69,  5 66,8 69 68 66,8 66 67,8 66,8 69,  3 67,8 64,5 64,  3 62,  3 62,5 60 60,  7 Vlh gr. «0,  5 60 57,3 58,  3 57 60 60 60,  7 59 58 59,3 57.  7 64.  3 62,  8 59.  3 57 Vllh DATES 63 62 57 58,  5 61,  3 60 62,5 58,  5 60,5 59 59,  8 60 62,  5 61 60 60 60,  8 58,  5 57,  5 57,  3 64,3 62 62 54 54 56 58 63,  5 59 59.  3 59,8 64 60.  7 62,  5 61 56,3 56,  8 61.  5 57 59,5 24 25 26 27 28 29 30 je) 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 1er 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 juillet. août. 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 Ih 64.  5 67 63.  5 66.  5 63.  5 65 65 65,  7 65,5 65,  7 68 71,5 67,  5 65 64,  7 64, 63 63,7 62,  5 61,  5 67,  5 62 63, 64 68,  5 69.  5 64,  3 IV'î 59 64,  5 64 81 61 59,  5 61 61 62 61,  7 59 58,  5 56,  5 59 57,5 60 60,  5 60,  3 63 64,  3 65.  5 63,  3 VII ^  , C'. 59 55, 8 57 59 62. 5 59 56 62 57 60 61 56 57 52. 5 57 60 56 66 57, 7 58, 3 57, 3 55, 7 60 54 62, 3 56, 5 63 62, 5 57, 3 56 60 57 5 Vllh 64,  7 59,5 VARIATIONS   EXPERIMENTALES â25 DATES 15  août 16  — 17  — 18  — 19  — 20  — 21  — 22      23  — 24  — 25  — 26  — 28  — 29  — 30  — 31  — 1"  septembre 2  3  — 4  — 5  — 10 11 12 13 14 15 16 1 Il2 IVs VII2 VlIIi •^  . 64 400 i>r. 66,5 SI-. 57,7 e-i-- 401 65,  7 62 58,3 402 63 403 66,  3 66,3 62 404 61 65,  3 60,5 405 62 57 406 67,5 62,5 407 65 61,5 408 65 409 64 62 410 X 62 411 65 63 64 412 67 55 413 62 57 414 66 64 60 415 64 64 55 416 63 57 417 62 59 418 67 54 419 60 65 62 420 62 65 60 421 65 60 422 70 60 423 68 424 62 60 425 68 58 426 67 67 427 66,3 59,3 428 69 65,  5 59 429 65.  5 60 430 67 61 64 431 64 432 65,  7 66 55 17  septembre 18  — 19  — 20  — 21  — 22  23  — 24  — 25  — 26  — 27  — 28  — 29  — 30  — l^'  octobre    . 2  3  — 4  — .2^ Il2 IV2 Vlli 433 64,5 g-i'- 63 gr- 434 67 60,5 435 63 436 72,5 X 61 437 68 67 60 438 65 64 56 439 68 440 64 62,  3 441 68 62,  5 61 442 61 58 443 67,3 444 60 445 71 66,  V 446 66 64 447 66 448 67,7 65,7 57 449 69.5 64 450 62 451 69 60 452 67,  7 67 453 63,  7 454 73 66 58 455 68 456 68 62,7 457 65,7 62 458 66,8 459 66,5 67 460 62.  3 461 69 462 67 65 463 464 69 68 465 66 VIII2 II.2  —  Œufs  pesés . . Œufs  mangés I Va  —  Œufs  pesés . . Œufs  mangés y  11-2  —  Œufs  pesés. . Œufs  mangés VlIIg  —  Œufs  pesés.. Œufs  mangés 34   =   2  k.  116    ] ,^         .  ,     .,>„    ■      3  k.  112  (ponte  arrêtée    tumeur  de  l'oviduete) ID    =    0  K.   996     \ 326 P.  HOUSSAY DATES   ET  POIDS   DES    ŒUFS   DE   LA   TROISIÈME   GÉNÉRATION CARNIVORE Jours DATEi; de vie 1902 21 décembi e  .  .  .  181 22 — ....   182 23 — 183 24 — 184 26 — ....   185 26 — 186 27 — ....   187 28 — ....   188 29 — 189 30 — 190 31 — 191 1" janvier 1903  192 2 — 193 3 — 194 4 — ....   195 5 — ....   196 6 — ....   197 7 — 198 8 — ....   199 9 — ....   200 10 — 201 11 — 202 12 — ....   203 13 — ....   204 14 — 205 15 — ....   206 16 — ....   207 17 — ....   208 18 — 209 19 — ....   210 20 — ....   211 21 — ....   212 22 — ....   213 23 — ....   214 24 — ....   215 25 — 216 26 — ....   217 27 — ....   218 28 — 219 29 — 220 30 — 221 31 — ....   222 1" février ....   223 2 — ....   224 3 — ....   225 4 — ....   226 5 — 227 6 — ....   228 lia Ill3 48,  3 50,  5 Villa G4 68,  3 40 44, 48 45,  3 50.  5 46,7 IJATES 7  février Jours de vie 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 276 276 277 Ha g-r. 49,  5 51 52 52,7 58 53,  5 55,7 54 52 51,7 54 53,  3 54 53 55  5 55 64 53 54 52.7 51,  5 51,3 50 51 54 52 50 49.5 Illa VIIIs 60,7 64 60 51 62,5 54,  7 55 66,6 64,7 57,5 83,5 66 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 327 DATES Jours de vie II3 III3 VIII3 DATES Jours de vie I'. m, VII, 28  mars  278 gr. 51,5 g-'-- 54,5 19  mai 330 52,5 gr- 61 gr- 29   —  279 59 55 20   —  331 61 62 62 30   —  280 58 53 21   —  332 51,5 61,5 31   —  281 55,5 60,3 60,6 22   —  333 X 82 1"  avril 282 55 57,  5 23   —  334 54,5 51,6 2   —  283 54,  5 61 51,  5 24   —  335 59 64 52.7 3   —  284 54,5 63 25   —  336 55,5 61 53,5 4   —  285 54,5 64 79 26   —  337 53 5   —  286 55,3 52,5 27   —  338 63.6 6   —  287 44,7 66 28   —  339   1 52 66 81 7   —  288 52,5 65 58,  5 29   —  340   1 53,6 64 8   —  289 54,  5 63,7 58,  5 30   —  341 62.5 57 9   —  290 51 63,5 60,7 31   —  342 63,5 52 10   —  291 51,  3 1*''  juin 343 53,5 60 55 11   —  292 65 2   —  344 54 62,5 55 12   —  293 54 63 3   —  345 63,5 55,5 13   —  294 52,5 63 4   —  346 52 64.  5 54 14   —  295 53 62 54,3 5   —  347 51 58 55 15   —  296 52,5 65 48,5 6   —  348 52 16   —  297 51 55,5 7   —  349 60 65 17   —  298 51 62,3 52 8   —  350 47 18   —  299 53 52,  5 9   —  351 63 57 19   —  300 52 57,  3 10   —  352 53 20   —  301 11   —  353 63 52 21   —  302 54,  3 62 55,5 12   —  354 X 53 22   —  303 54,5 64,5 13   —  355 62,  5 52,5 23   —  304 51,7 62 55 14   —  356 65,  5 68,6 24   —  305 53 15   —  357 25   —  306 64 16   —  358 70,  5 26   —  307 51,5 62,  7 54,7 17   —  359 70 66 27   —  308 54 62 18   —  • 360 67,5 55,  7 28   —  309 54 64,7 19   -   361 X 29   —  310 54 66 20   —  362 67 30   —  311 55 47 21   —  363 65 62 l"'mai 312 52,  5 64 22   —   364 c 63,7 38 2   —  313 53 65 54 23   —  365 0 65 3   —  314 54 65 24   —  366 M 63 54,3 4   —  315 52,5 87 25   —  367 0 5   —  316 52,5 64 59 26   —  368 - 65,  5 54,5 6   —  317 62,5 53 27   —   369 66 7   —  318 57 64 28   —   370 60 8   —  319 65,  5 55,5 29   —  371 63 51 9   —  320 53,  5 59 30   —  372 63,5 10   —  321 52,  3 68,  5 58,5 1"  juillet 373 X 57 11   —  322 53 60 2   —  .  ...• 374 55,  5 12   —  323 X 59,5 50,3 3   —  375 X 82 13   —  324 54 mou 4   —  376 67,5 53 14   —  325 51,7 65,  5 50 5   —  377 X 50 15   —  326 51 62,  3 54,5 6    —   .... 378 X 55,5 16   —  327 55 7    —    ... 379 X 50 17   —  328 54,  5 67,  5 8    —   .... 380 18   —  329 55 61 86 9    -  .... 381 67 4 3â8 F.  HOUSSAY Jours Jours DATES de vie Il;i Uh \I1I:) DATES de vie Ih 1II3 Vil  h gl-- yr. i;r. KI-. g>- gl-- 10  juillet 382 64 54.5 31 août 434 57,  7 11   —   383 61 1er septembre . . 435 55,5 12   —   384 63 57 2 — 436 59.5 65 53.5 13   —   385 54 3 — 437 57.5 65 51+52 14   —   386 X 4 — 438 55 X 52.  5 15   —  387 65,5 60 5 — 439 54,5 59 49 16   —   388 53 6 — 440 54.5 17   —   389 62 57,5 7 — 441 60 18   —   390 X 8 — 442 57 68 19   —   391 53 9 — 443 57 54.5 20   —   392 62 55 10 — 444 21   —   393 55 11 — 445 60,5 64 55.5 22   —   394 62,  5 50 12 — 446 58 65 23   —   395 67 53,5 13 — 447 56,  3 65 24   —   396 68 57 14 — 448 25   —   397 65,5 50 15 — 449 59,5 68,7 26   —   398 50,5 16 — 450 57.5 27   —   399 65 53 17 — 451 57 71,7 28   —   400 18 — 452 58 70.  5 29   —  401 59 57 19 — 453 30   —   402 56,5 55 20 — 454 59 65,5 31   —   403 52 21 — 455 60,5 l'^août 404 62,5 51,5 22 — 456 60 58 2  405 65 23 — 457 61,7 67 3  —   406 65 55 24 — 458 4  —    407 55 25 — 459 56.5 5  —   408 67,5 26 — 460 57 X 6  —    409 67.  5 mou 27 — 461 70 7  —   410 68,  5 53,  5 28 — 462 61,  3 65,  7 8  —   411 29 — 463 57 65,  7 9  —   412 69 01 30 — 464 56.5 10  —    413 69 54 1er octobre .... 465 59.5 69.5 11  —   414 64,5 54 2 — 466 12  —   415 66 58 3 — 467 60,5 X 13  —   416 X 52.5 i — 468 59.5 67 14  —   417 56 5 — 469 65,  5 15  —   418 63,  5 54 6 — 470 59,5 16  —   419 64 56 7 — 471 57 68,5 17  —   420 55 8 — 472 18  —   421 66 52.5 9 — 473 60,  5 19  —   422 54,5 63.5 49 10 — 474 59 20  —   423 51.5 55 11 — 475 21  —   424 53 66 12 — 476 58 22  —   425 56 X 86 13 — 477 23  —    426 58,5 63 49.5 14 - 478 60 24  —   427 59,  5 62,  5 63 15 — 479 57.5 25  —   428 53 16 — 480 26  —   429 63 64 52 17 — 481 62 27  —   430 60 70 mou 18 — 482 28  —   431 57 65,5 19 — 483 61 29  —   * 432 58,5 20 — 484 30  —   433 57,7 58 21 — 485 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 329 DATES Jours de vie lia IIl3 Villa DATES Jours de vie Il3 IIIs VIII3 22  octobre 2;-!      —      24      —      486 487 488 ST. 60,5 gr- çr. 25  octobre 26  —        .... 27  —        irr. 489 490 491 trr. 58 57 gr. ?■■• RÉSUMÉ Il3_   —  Œufs  pesés 138   =   7  k.  561                   7  k.  616 Œuf  cassé 1    =  0  k.     54,8  j III3     —  Œufs  pesés 137    =   8  k.   723  )         9  k.  614 Œufs  mous  ou  mangés  .  14    =   0  k.  891  ) VIII3.   —  Œufs  pesés 142   =   7  k.  881  j         g  k.  048 Œufs  sans  coquille 3   =   0  k.  167  ) AUCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  —  4*  SERIE.  —  T.  VI.  —  [V). 330 F.  HOUSSaY DATES   ET   POIDS   DES   ŒUFS  DE  LA   QUATRIÈME  GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie V'r 1904 gr. 12 février.  . . . 234 60 14 —  236 55,5 16 —  238 54 18 —  240 59 22 —  244 mou 27 —  249 60 29 —  251 60,5 1er mars 252 61 3 —  254 65 5 —  256 60 6 —  257 64,5 10 -»  261 X 13 —  264 60 14 —  265 59 15 —  266 60,5 17 —  268 66,5 18 —  269 95 20 —  271 63,7 21 —  272 64 23 —  274 60 24 —  275 66,5 25 —  276 65 27 —  278 mou 30 — 281 mou 2 avril 284 60 3 —  285 61.5 5 — 287 65,7 6 — 288 62,5 7 —  289 64 8 —  290 62,5 10 —  292 61 12 —  294 56,5 14 — 296 83,5 15 —  297 38,5 17 —  299 X 18 —  300 87,5 20 —  302 95 21 —  303 63 22 —  304 67,7 23 —  305 65 DATES 24  avril 26  — 27  — 30     — 3  mai. 4  — 6     — 11  — 12  — 14  — 15  — 16  — 17  — 19  — 20  — 22  23  — 24  — 27  — 28  — 29  — 31  — 8  juin. . . 10  — 12  — 13  — 14  — 17  — 18  — 20  — 21  — 23  — 24  — 25  — 26  — 29  — 30  — 3  juillet. 5  — Jours (Je V4 vie S'''. 306 62,5 308 54.5 309 mou 312 48 ] 315 100 316 62,5 318 102 319 65 323 65,5 324 73 326 69 327 101.3 328 63 329 95,5 331 98,5 332 X 334 62,5 335 25 336 60 339 66 340 67,5 341 95,5 343 94 351 65 353 61.5 355 X 356 64,7 357 70,5 360 mou 361 mou 363 69 364 mou 366 110 367 65,5 368 64,7 369 65,5 372 69 373 64,5 376 101 378 67,3 379 66.5 DATES 7  juillet. . . . 8  — 9  — 10  — 11  — 12  — 13  — 14  — 15  — 17  — 19  — 22     23  — 24  — 25  — 27  — 29  — 31  — 2  août 3  — 5  — 6  — 8  — 9  — 10  — 11  — 12  — 13  — 14  — 16  — 17  — 18  — 19  — 21  — 22  — 23  — 24  — 25  — 27  — 28  — 5  septembre Jours de vie 380 381 382 383 384 385 386 387 388 390 392 395 396 397 398 400 402 404 406 407 409 410 412 413 414 415 416 417 418 420 421 422 423 425 426 427 428 429 431 432 440 Vi 104 65 98,5 63,5 51 59,5 93 mou 63 67 mou 69 64.5 68,3 68 72,5 59 68 67,5 96,5 68 65,5 68,5 62,5 62.5 98 45,5 66 67,5 66,5 64 70 70,5 74 104,5 49 68 69,7 71.3 V4 .  —  Œufa  pesés Œufs  sans  coquille. Œufs  mangés RÉSUMÉ 108  =  7  k.  465 9  =  0  k.  622 5  =  0  k.  345 k   .    432 VARIATIONS   EXPERIMENTALES 331 DATES   ET   POIDS   DES   ŒUFS   DE   LA   CINQUIÈME   GÉNÉRATION CARNIVORE DATES 1905 27  février . 1«'  mars. 2        4        —   . 11  —    . 13  —   . 14  —    . 16  —    . 17  —    . 18  —   . 20  —    . 21  —    . 26  —    . 27  —    . 29  —    . 30  —  . 1^'  avril. 4       —    . 6  —  . 7  —  . 12  —  . 13  —  . 15  —    . 16  —    . 18  —    . 19  —   . 20  —    . 23  —   . 24  —  . 1"'  mai   . 325 332 Jours  ! 1 de Ir. vie gT. 269 54 271 54,5 272 84.5 274 52 277 55 281 55 283 49,5 284 56,5 286 58 287 59 288 59 290 91 291 59,7 296 60,7 297 60 299 59,5 300 89 302 mou 305 X 307 50 308 54,7 313 60 314 55 316 57 317 48 319 86,5 320 52 321 55 324 58 DATES mou 52 Jours de vie 333 334 335 338 339 340 343 344 345 347 348 350 351 353 354 357 358 359 360 362 364 366 367 368 370 371 372 373 375 376 378 379 52 54 87,5 39 62.7 mou 95,5 61,5 53 63 101 62,5 62 93.5 mou mou mou 59,5 2  mous ^  mous 60,5 2  mous X 60,5 55,5 67,5 mou 93 92 mou 57,5 60,5 DATES 18  juin 19  — 20  — 21  — 22  — 24  — 25  — 26  — 27  — 28  — 1"  juillet. 10 12 13 14 15 16 18 19 20 21 22 23 25 26 28 29 30 le; 2       — 7       — Jours de vie août. 380 381 382 383 384 386 387 388 389 390 391 393 394 402 404 405 406 407 408 410 411 412 413 414 415 417 418 420 421 422 424 425 430 RÉSUMÉ I5.   —  Œufs  pesés 78  =  4  k.  958 Œufs  sans  coquille 15  =  0  k.  953 Œufs  mangés 3  =  0  k.  191 S'"'- 65 50,5 61 95.5 60 63 67 62 mou 55 44,5 63 95 61 62 mou 60 65 mou 62 66    ■ 40 62 61 mou 63 55 97,5 60,5 64 mou 60,5 58,5 6  k.  102 332  F.  HOUSSAY VARIATIONS  DU  POIDS DE   DEUX   ŒUFS   PENDANT  UNE  INCUBATION  CONDUITE  A    TERME AVEC     LA     COUVEUSE     D'ARSONVAL 1905.  9  mars  (soir) 10  —  (matin) 11  —    —   12  —    —   13  —    —   14  —    —   15  —    —  (1) 16  —    —   17  —    —   18  —    —   19  —    —   20  —    —   21  —    —   22  —    —   23  —    —   24  —    —   25  —    —   26  —    —   27  —    —   28  —    —   29  —    —   (1)  A  partir  de  cette  date,  une  éponge  humide  est  laissée  dans  la  couveuse  pour  maintenir l'atmosphère  saturée  de  vapeur  d'eau. 60  g.  15 » » 59 77 60  g ;.40 59 29 60 » 58 83 59 50 58 26 59 » 57 61 58 53 57 45 58 32 57 30 58 17 57 18 57 97 57 » 57 85 56 85 57 72 56 70 57 55 56 52 57 36 56 25 57 12 55 98 56 94 55 60 56 54 55 45 56 40 55 13 56 21 55 84 56 05 55 50 55 70 54 15 55 57 ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV«  Série,  Tome  VI,  p.  333  à  369,  pi.  IV. 10  Mai   1907. NOUVELLES  RECHERCHES SUR  LE   DÉVELOPPEMENT DU  PHARYNX  ET  DES  CLOISONS CHEZ  LES HEXACTINIES PAR L.  FAIJROT Docteur  es  sciences,    Docteur  en  médecine. TABLE  DES  MATIERES Pages Introduction 333 Blastula  ciliée  (plauula).  Gastrula.  Mésoderme 341 Développement  du  pharynx  et  des  quatre  couples  de  cloisons 348 Cause  de  l'orientation  des  muscles  unilatéraux  des  cloisons 354 Disque  oro-tentaculaire.  Stade  à  8  tentacules.  Origine  des  paires  de  cloisons. . .  .  3J5 Cycles  tentaculaires 359 Conclusions  (Développement) 361 Philogénie  des  Hexactinies.   Affinités 362 Index  bibliographique 368 Explication  de  la  Planche 369 INTRODUCTIOIf Cette  étude,  de  même  que  la  précédente  (1903),  a  été  faite sur  des  embryons  de  Sagartia  lyarasitica  et  ù'Adamsia  palliata. Depuis  qu'ont  été  publiés  le  travail  d'ANDRES  (1884)  et  celui de  Carus  (Prodrome  de  la  faune  de  la  Méditerranée),  on  réunit ces  deux  espèces  dans  le  même  genre  Adamsia,  en  désignant  la ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  4»  SÉRIE.  —  T.  VI.  —  (Vl)  M 334  L.   FATIROT première  :  Adamsia  Bondeleti.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  signalé (1903,  note  de  la  page  359),  c'est  à  tort  que  cette  réunion  a  été faite.  Je  reviens  encore  une  fois  sur  cette  question  de  nomen- clature au  sujet  de  laquelle  il  me  semble  ne  pas  avoir  suffisam- ment insisté. Les  désignations  de  Sagartia  et  de  parasitica  sont  de  Gosse (1860),  celle  d' Adamsia  est  de  Forbes  {Ann.  natur.  hist.,  vol.  183) et  c'est  Andres  qui  a  créé  l'espèce  Adamsia  palUata  Avant Andres,  Bohadsh  avait  décrit  la  même  espèce  sous  le  nom de  Médusa  palliata. Les  deux  espèces  ont  en  commun  les  caractères  suivants  : Base  très  adhérente.  Au  tiers  inférieur  de  la  colonne,  le  tégu- ment est  muni  de  verrues  percées  de  cinclides  et  disposées  en deux  ou  trois  rangées.  Chez  les  deux  espèces,  les  tentacules sont  complètement  rétractiles.  Une  particularité  importante  que j'ai  déjà  signalée  chez  Sagartia  parasitica  (1895),  doit  égale- ment exister,  à  mon  avis,  chez  les  autres  espèces  du  genre. Elle  consiste  en  ce  que  les  cinclides  s'ouvrent  directement  dans les  loges,  pas  ou  très  rarement  dans  les  interloges.  Il  y  a  à  noter, en  outre,  que  parmi  les  six  loges  de  premier  ordre,  deux  :  les deux  loges  de  direction,  sont  dépourvues  de  cinclides.  Aconties. Parmi  les  caractères  qui,  abstraction  faite  des  colorations, distinguent  les  deux  espèces,  les  plus  importants  et  les  plus visibles  sont  : Sagartia  parasitica  :  Colonne  cylindrique  haute.  La  base pédieuse  peu  déformée,  mais  étalée,  est  entièrement  fixée  sur les  coquilles  habitées  par  :  Pagurus  striatus,  Pag.  angulatus,  etc. Cette  base  sécrète  une  membrane  d'origine  muqueuse  toujours complètement  adhérente  aux  coquilles.  Disque  tentaculaire orienté  en  haut  ou  latéralement  par  rapport  au  pagure  (1). Nombre  et  disposition  des  cloisons  toujours  symétriques  et biradiales. Adamsia  palliata  :  colonne  très  courte.  La  base  pédieuse (1)  Les  cas  où  on  trouve  Sag.  parasitica  vivant  non  accompagné  d'un  Pagure,  doivent être  considérés  comme  exceptionnels. DEVELOPPEMENT    DES    HEXACTINIES  335 très  étalée  chez  l'adulte  a  une  surface  proportionnellement beaucoup  plus  grande  que  celle  de  la  colonne.  Cette  base  est déformée  et  le  plus  souvent  n'est  pas  entièrement  fixée  sur  les coqviilles.  Une  partie  de  cette  base  sert  à  envelopper  l'hôte intérieur  des  coquilles.  Cet  hôte  est  :  Eupagurus  Prideauxi,  à l'exclusion  de  tout  autre  pagure.  La  base  pédieuse  sécrète  une membrane  de  même  origine  que  celle  du  Sag.  parasitica,  mais elle  n'adhère  pas,  durant  toute  la  durée  de  son  développement, complètement  à  la  coquille.  Le  disque  tentaculaire  est  toujours placé  en  face  de  la  bouche  du  pagure  mutualiste.  Quoi  qu'en dise  Gosse,  Andres  et  Jourdan,  les  tentacules  bien  que  moins irritables  que  chez  Sag.  parasitica  sont  complètement  rétractiles. Le  nombre  des  cloisons  est  irrégulier,  leur  disposition  est asymétrique. On  sait  (1895,  pp.  195  à  199)  que  la  plupart  des  traits  carac- téristiques de  VAd.  palliata  résultent  d'une  déformation  pro- duite par  un  mutualisme  très  intime.  Je  reviendrai  sur  cette association  dans  un  autre  travail  ;  mais  dès  maintenant  on peut  voir  que,  même  en  tenant  compte  de  l'origine  de  ces  carac- tères, VAd.  palliata  diffère  trop  du  Sag.  parasitica,  pour  qu'il soit  possible  de  réunir  l'une  et  l'autre  espèce  dans  un  genre particulier. Cependant  Verill,  le  premier,  a  cru  devoir  séparer  du  groupe des  Sagartia  le  Sag.  parasitica  et  créer  pour  lui  le  genre  Cal- liactis,  en  raison  de  sa  base  étalée  et  de  la  présence  de  tubercules perforés  à  la  partie  inférieure  de  la  colonne.  C'est  en  se  servant de  ces  mêmes  caractères  que  Milne-Edwards  et  J.  Haime  ont fait  rentrer  le  Calliactis  dans  le  genre  Adamsia.  Andres  et Carus  les  ont  imités.  En  réalité  iL  n'y  a  pas  de  tubercules  chez Sag.  parasitica  ;  ce  que  l'on  a  décrit  pour  tels  sont  plutôt  des verrues,  des  voussures  produites  par  les  aconties  accumulés  et pressés  contre  les  cinclides.  Elles  sont  peu  ou  pas  apparentes au  niveau  des  cinclides  de  deuxième  et  troisième  ordres.  Chez Sag.  parasitica  et  Ad.  palliata,  les  verrues  sont  bien  percées  de cinclides,  mais  cela,  ainsi  que  leur  situation  vers  la  base  de  la 33(;  L.  KAIIUOT colonne,  constitue  devix  particularités  d'une  valeur  insuffisantes pour  justifier  la  création  d'un  nouveau  genre. Deux  autres  caractères  :  base  étalée  et  membrane  adhérente sécrétée  par  le  disque  pédieux  sont  également  considérés  comme étant  communs  au  Sag.  ijarasitica  et  à  VAd.  palliata.  Mais  chez la  première  de  ces  Actinies,  l'élargissement  de  la  base  n'est  pas constant  ;  il  ne  peut  se  produire  que  lorsque  les  individus  ne sont  pas  groupés  en  trop  grand  nombre  sur  une  même  coquille habitée  par  une  pagure  (leur  habitat  normal).  Quant  à  la  mem- brane sécrétée  par  le  disque  pédieux,  elle  ne  constitue  pas  une particularité  propre  ni  au  Sag.  parasitica,  ni  à  VAd.  palliata  ; je  l'ai  observé  chez  le  Chitonactis  coronata  et  elle  existe  proba- blement aussi  chez  toutes  les  espèces  qui  fixées  sur  des  corps durs  et  rugueux,  ne  se  déplacent  jamais  ou  seulement  à  de  très rares  intervalles.  Cette  membrane,  d'origine  muqueuse  et  résul- tant d'une  réaction  de  défense,  peut  être  sécrétée  non  seulement par  le  disque  pédieux,  mais  aussi  par  la  surface  même  de  la colonne  chez  certaines  espèces  absolument  sédentaires  et  vivant toujours  en  contact  avec  des  pierres  ou  avec  du  sable  vaseux  : Phellia,  Edwardsia. Chez  VAd.  palliata,  l'élargissement  et  la  déformation  consi dérable  de  la  base,  l'asymétrie  de  nombre  et  de  disposition  des cloisons  ainsi  que  son  Mutualisme  exclusif  à  l'égard  d'une  seule espèce  de  pagure,  constituent  trois  caractéristiques  importantes d'une  valeur  générique  au  moins  égale  à  celle  du  gTOupe  des Sagartia.  La  dénomination  à'Adamsia  Rondeleti  a  donc  été indûment  attribuée  au  Sagartia  parasitica  (1).  Il  n'existe cependant  aucune  différence  dans  l'embryogénie  des  deux espèc3S.  Les  embryons  sont  seulement  plus  petits  et  leur  déve- lopp.unent  est  moins  rapide  chez  Ad.  palliata.  Chez  cette  espèce aussi,  le  stade  à  huit  tentacules  et  à  huit  cloisons  présente une  plus  longue  durée  que  chez  Sag.  parasitica. (1)  Synonymie  ihi  Sagartia  paranitica  :  Actinia  effœta  Linné;  Actinia  parasitica  Couch  ; Sagurlia  effœta  V.  Fischer;  Adamsia  effœta  Alilne-Kclwards  ;  Calliactis  efjœta  P.  Fischer; Adamsia  Rondeleti  Délie  Chiaje  et  Andréa  ;  Calliactis  polypus  Klutziuger. DEVELOPPEMENT    DES    HEXACTINIES  337 Mon  but,  dans  ce  mémoire,  est  de  préciser  les  particularités embryogéniques  que  j'ai  exposées  dans  mon  précédent  travail (1903)  et  en  outre  de  les  compléter  et  d'en  étendre  les  conclu- sions. Ces  particularités  étant  en  grande  partie  en  contradiction avec  ce  qui  a  été  publié  sur  le  développement  des  Hexactiuies,- il  est  utile  que  je  revienne  de  nouveau  à  un  exposé  des  opinions antérieures  aux  miennes. Avant  le  travail  précité,  il  était  admis  que  le  pharynx  des Hexactinies  résultait  uniquement  de  l'invagination  du  pôle oral  d'une  planula,  et  d'après  la  plupart  des  auteurs,  le  blasto- pore  ne  formait  pas  la  bouche  mais  l'ouverture  inférieure  du pharynx.  Quant  à  la  bouche,  elle  était  délimitée  par  les  bords mêmes  de  l'invagination  ;  ou  encore,  comme  chez  les  Alcyon- naires,  l'ouverture  inférieure  du  pharynx  devait  son  origine  à la  perforation  du  pôle  invaginé  d'une  planula  sans  blastopore. E.  VanBeneden  (1897)  s'exprime  ainsi  :  «  Le  blastopore  devient entérostome  et  l'actinostome  est  un  orifice  de  nouvelle  forma- tion. La  bouche  des  Hexactinies  n'avait  donc  aucune  homologie avec  celle  des  Hydrozoaires  qui  d'ailleurs  n'ont  pas  de  pharynx. On  admettait  ainsi  que  le  pharynx  était  formé,  en  cas  de  gas- trula  antérieure,  par  une  nouvelle  invagination  comprenant  à la  fois  l'ectoderme  et  l'endoderme.  Quant  aux  quatre  premiers couples  (1)  de  cloisons,  les  uns,  comme  Lacaze  Duthiers, croyaient  que  leur  développement  était  successif  et  qu'il  n'avait aucun  rapport  immédiat  d'apparition  avec  le  pharynx.  Wilson et  Me  MuRRiCH  admettaient,  au  contraire,  que  la  formation  du premier  couple  était  en  relation  immédiate  avec  celle  du  pha- rynx alors  que  ce  dernier  s'éloigne  de  la  paroi  pour  devenir  peu à  peu  central.  Pour  Goette,  la  formation  des  quatre  couples (1)  Couple,  en  français,  se  dit  de  deux  choses  de  même  espèce  prises  ensemble  (Littré). Exemple  :  un  couple  d'œufs.  Ne  se  dit  pas  des  choses  nui  vont  nécessairement  ensemble  ; on  dit  alors  :  une  paire.  Les  cloisons  d'une  loge  vont  nécessairement  ensemble,  on  doit  donc dire  dans  ce  dernier  cas  seulement  :  une  paire  de  cloisons.  En  anglais,  les  significations  de couple  et  pair  ne  paraissent  pas  être  les  mêmes  qu'en  français.  Cette  terminologie,  d'ailleurs sujette  à  discussion,  n'a  été  employée  que  faute  d'une  meilleure. 338  L.  FAUROT est  non  seulement  indépendante  de  ce  dernier  organe  mais  elle est  même  ijostérieure  à  celle  des  loges.  Enfin  Appellof  consi- dère comme  inexacte  l'opinion  de  H.  V.  Wilson  et  de  Me  Mitr- RiCH  d'après  laquelle  il  y  aurait  à  l'origine  un  contact  intime entre  le  pharynx  et  la  paroi  du  corps.  D'après  lui,  le  pharynx  est, durant  le  processus  entier  de  son  introversion,  complètement entouré  par  l'endoderme,  bien  qu'il  soit  plus  rapproché  de  l'un des  côtés  du  corps  que  de  l'autre.  A  toutes  ces  affirmations contradictoires,  j'oppose  les  conclusions  suivantes  résultant  de mes  recherches  : La  formation  du  pharynx  ne  résulte  pas  de  l'invagination orale  d'une  planula  à  deux  feuillets,  ni  de  l'introversion  du stomodœum  d'une  gastrula.  Au  début  de  son  développement, cet  organe  présente  l'aspect  d'une  gouttière  faisant  partie  de l'un  des  côtés  de  la  paroi  du  corps  un  peu  au-dessous  de  la  bouche de  la  gastrula.  La  gouttière  pharyngienne  se  transforme  en  tube avec  la  formation  des  couples  2-2  ;  4-4  et  3-3.  C'est  en  même temps  que  la  gouttière  qu'api)araissent  le  premier  couple  d'abord et  ensuite  les  trois  autres,  par  un  processus  pouvant  donner lieu  à  des  interprétations  diiïérentes.  Ce  seraient  :  ou  quatre replis  de  la  paroi  du  pôle  oral  s'accroissant  de  ce  pôle  vers  le bas  ;  ou  bien  peut-être  les  intervalles  pleins  de  quatre  enfonce- ments homologues  à  ceux  que  Goette  soutient  avoir  observés chez  le  Scyphistome  ;  ou  bien  encore,  les  couples  pourraient résulter  de  plis  pénétrant  comme  des  fentes  dans  la  paroi  du corps,  fentes  rappelant  les  formations  schizocœliques. Les  embryons  très  nombreux  de  Sagartia  parasitica  et  d'Adam- sia  palliata  que  j'ai  examinés  pour  cette  nouvelle  étude,  soit  à l'état  vivant,  soit  à  l'aide  de  coupes,  provenaient  de  pontes  artifi- ciellement obtenues  par  un  procédé  que  j'avais  déjà  vu  utiliser par  M.  François,  au  Laboratoire  de  Banyuls  en  1890  (1).  11 consiste  à  placer  un  certain  nombre  d'Actinies,  quinze  à  vingt, dans  un  même  cristallisoir  rempli  d'eau  de  mer.  Au  bout  de (1)  La  Bianco  (1900.  Année  biologique)  a  également  provociué  la  ponte  des  Ophiotryx  en mettant  un  certain  nombre  de  ces  Echinodermeg  dans  un  litre  d'eau  de  mer. DEVELOPPEMENT    DES    HEXACTINIES  339 .  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures,  rarement  plus,  des  œufs segmentés  à  des  stades  plus  ou  moins  avancés  s'échappent  en grande  quantité  et  flottent  à  la  surface  de  Teau.  J'ai  remarqué que  cette  méthode  avait  plus  de  chances  de  réussir  lorsque  les Actinies  avaient  été  pêchées  récemment.  A  l'état  normal,  c'est- à-dire  dans  la  mer,  la  fécondation,  la  segmentation  et  la  forma- tion de  la  planula  se  passent  vraisemblablement  à  l'intérieur du  corps  ;  mais  dans  les  conditions  de  captivité,  les  pontes  se trouvent  hâtées  par  l'altération  de  l'eau  résultant  de  la  réunion d'un  grand  nombre  d'animaux  dans  un  petit  volume  d'eau  et aussi  par  l'élévation  de  la  température.  Les  pontes  se  produisent surtout  la  nuit  et  le  matin,  elles  sont  parfois  accompagnées  du rejet  de  fragments  d'entéroïdes  et  d'amas  d'œufs  non  fécondés encore  inclus  dans  des  portions  de  cloisons.  Ce  dernier  fait  montre bien  que  les  pontes  sont  anormales  sous  le  rapport  de  leur  ori- gine. Elles  sont  d'ailleurs  souvent  suivies  très  rapidement  par la  mort  et  la  décomposition  des  Actinies  qui  deviennent  flasques ou  s'aftaissent  en  état  de  contraction  incomplète.  Le  plus  souvent les  œufs  se  développent  normalement.  Dans  les  pontes  oit  il  en est  autrement,  le  développement  ne  se  continue  pas  au-delà du  stade  gastrula,  mais  avec  beaucoup  de  lenteur.  Très  peu d'embryons  même  y  parviennent. Chez  VAdanisia  palliata  de  même  que  chez  Sagartia  i)arasiUca les  œufs,  segmentés  ou  non,  provenant  d'une  même  ponte  sont, soit  blancs,  soit  de  couleur  rosée.  Ils  sont  toujours  très  opaques. J'ai  remarqué  que  ces  couleurs  conservées  par  les  embryons jusqu'à  l'état  de  planula  sont  aussi  celles  des  acontia  de  l'indi- vidu dont  les  œufs  sont  issus.  La  durée  des  premiers  stades  de développement  est  à  peu  près  la  même  pour  VAdamsia  palliata et  le  Sagartia  parasitica.  Cette  durée  pour  chaque  période  est sans  limite  bien  fixe. La  segmentation  se  fait  entre  six  et  dix  heures. La  blastulation  dure  de  dix  à  vingt  heures. La  formation  de  la  planula,  qui  à  vrai  dire  n'est  dans  ce développement  qu'une  blastula  ciliée,  et  sa  transformation  en 340  L.  FAUROT gastrula  se  fait  insensiblement  entre  la  quarantième  et  la  cin- quantième heure.  Vers  la  soixante-seizième  heure  environ,  les embryons  de  l'une  et  l'autre  Actinie  peuvent  déjà  se  fixer  et  lo plupart  de  ceux  qui  sont  maintenus  dans  de  l'eau  très  pure  se fixent  en  effet  au  cinquième  ou  sixième  jour.  D'autres  en  très grand  nombre  peuvent  continuer  à  nager  pendant  des  mois  et plus.  Il  est  vrai  que  beaucoup  d'entre  eux  qui  s'étaient  fixés  se détachent  et  errent  plus  ou  moins  longtemps  avant  de  se  fixer définitivement.  A  l'état  normal,  dans  la  mer,  la  période  de  vie libre  doit  être  très  prolongée,  car  à  toute  époque  de  l'année,  on peut  par  la  poche  pélagique  recueillir  des  larves  à  huit  cloisons. C'est  ainsi  qu'au  mois  de  décembre  j'ai  pu  en  observer  à  Nice. Chez  les  embryons  élevés  dans  les  cristallisoirs  les  premières cloisons  commencent  à  se  former  dans  la  larve  nageante  avant la  fixation.  Cette  fixation  pouvant  ne  pas  être  définitive,  la  larve nage  donc  souvent  avec  huit  cloisons  bien  développées,  sans tentacules.  Ou  bien,  au  lieu  de  nager,  la  larve  progresse  au  moyen de  ses  cils  tout  en  restant  en  contact  avec  le  fond  du  cristallisoir. Cette  progression  simule  une  reptation  mais  en  réalité  la  larv<' bien  que  s'appuyant  sur  une  surface  solide  se  sert  de  ses  cils comme  si  elle  se  trouvait  entre  deux  eaux.  L'allure  de  la  larve sans  cils  des  Lucernaires  n'est  donc  pas  comparable  avec  celle des  larves  d'Hexactinics  alors  que  celles-ci  sont  sur  le  point  de se  fixer. Tandis  que  chez  Adamsia  palUata  le  nombre  des  cloisons  et celui  des  tentacules  ne  s'accroît  pas  au-delà  de  huit  durant  un ou  deux  mois,  chez  Sagartia  parasitica  l'augmentation  du  nombre est  beaucoup  plus  rapide.  C'est  ainsi  qu'une  larve  de  cette  espèce, fixée  depuis  six  jours  peut  déjà  présejiter  douze  cloisons  et  douze tentacules.  Durant  toute  leur  vie  libre,  les  embryons  ne  parais- sent pas  s'alimenter  autrement  qu'au  moyen  de  leurs  réserves lécithiques.  C'est  ainsi  qu'ayant  conservé  vivante  toute  une ponte  d' Adamsia  palliata,  depuis  le  12  mai  jusqu'au  12  juin, je  trouvais  à  cette  dernière  date  les  embryons  à  peu  près  trans- lucides alors   qu'au   début  ils  étaient  complètement  opaques. DEVELOPPEMENT    DES    HEXACïINrES  341 La  partie  pharyngienne  de  leur  corps  était  vide  tandis  que  la partie  postérieure  aborale  contenait  encore  quelques  éléments graisseux  jaunâtres.  Cette  transparence  ainsi  causée  par  la résorption  de  la  plus  grande  partie  des  cellules  de  nutrition, coïncidait  avec  la  période  de  la  vie  libre. BLASTULA.  BLASTULA  CILIÉE  (Planula).  GASTRULA. MÉSODERME Les  segmentations  irrégulières  de  l'œuf  continuent  à  se  ]no- duire  dans  les  blastules  de  forme  irrégulière  et  très  variable  que j'ai  déjà  décrites  (1903,  p.  360).  C'est  par  erreur  que  j'ai  signalé la  formation  d'une  morule,  j'avais  été  trompé  par  l'aspect  sphé- rique  d'oeufs  en  segmentation  très  avancée.  Les  blastules  sont formées  de  cellules  non  déformées  par  la  compression  des  cel- lules voisines  et  dont  les  noyaux  sont  tous  en  karyokinèse.  Les segmentations  qui  continuent  à  se  produire  contribuent  à  com- bler leur  cavité  et  régularisent  probablement  ainsi  la  forme  de ces  blastules.  La  figure  4,  pi.  V,  représente  une  blastule  entière et  les  figures  2  et  3  les  coupes  de  deux  autres.  Aucune  règle  ne prévSide  à  la  distribution  des  blastomères;  c'est  à  peu  près  la «  Blastomerenanarcliie  »  signalée  par  Metchnikoff  dans  le  déve- loppement de  la  méduse  :  Oceania  armata.  Les  cellules  qui  rem- plissent les  blastules  m'ont  semblé  se  produire  au  début  par  la segmentation  des  superficielles  mais  il  se  peut  que  leur  multi- plication se  fasse  par  un  processus  semblable  à  celui  de  la  déli- mination.  C'est  l'opinion  que  j'avais  adoptée  dans  mon  travail de  1903,  opinion  conforme  à  celle  de  Wilson  dans  son  mémoire sur  Manicina  areolata  (1888).  Les  parois  des  blastules  sont  au début  rapprochées,  par  places,  jusqu'au  contact  ;  aussi  devien- nent-elles un  peu  translucides  durant  deux  à  trois  heures.  Cette translucidité  disparaît  bientôt  ainsi  que  l'irrégularité  de  toute la  surface  par  suite,  ai-je  dit,  du  comblement  de  leur  cavité par  les  cellules  nouvellement  formées  et  d'aspect  semblable  à celles  des  parois.  Dès  que  les  blastules  ont  pris  une  forme  S])hé- rique,  presque  ovale,  on  peut  les  désigner  sous  le  nom  de  planules. 3i-2  L.  FAUROT car  elles  se  couvrent  de  cils,  se  déplacent  d'abord  lentement puis  plus  rapidement  ;  elles  fuient  une  trop  grande  clarté.  La bouche  n'est  visible  à  l'extérieur  que  lorsque  l'invagination commence,  elle  est  presque  toujours  en  arrière  du  sens  de  la progression.  On  peut  expliquer  cette  particularité  par  un  mou- vement des  cils  plus  rapide  dans  le  sens  oro-aboral  ;  ou  bien la  planule  étant  moins  volumineuse  à  son  extrémité  aborale on  peut  admettre  que  les  cils,  agissant  avec  une  égale  force  dans les  deux  sens,  cette  extrémité  doit  offrir  moins  de  résistance  au déplacement  que  l'extrémité  opposée. Sur  les  coupes,  la  planula  bien  développée  (fig.  5,  pi.  V)  se présente  comme  formée  à  la  périphérie  par  une  couche  de  cel- lules allongées  vers  l'intérieur  de  la  cavité.  Dans  cette  cavité les  cellules  se  terminent  en  culs  de  sacs  sans  parois  distinctes  et à  contenu  formé  de  globules  de  graisse.  Leur  aspect  rappelle  un peu  celui  des  cellules  glandulaires  que  Ton  trouve  en  diverses parties  du  corps  chez  l'adulte. Cette  structure  ne  concorde  guère  avec  les  descriptions  clas- siques de  la  planula.  On  décrit  cette  dernière  comme  possédant deux  feuillets,  l'endoderme  étant  plus  ou  moins  distinct.  Pour Balfoue,  la  planula  ciliée  a  deux  couches;  elle  est  pourvue  d'une cavité  digestive  plus  ou  moins  rudimentaire  creusée  dans  le feuillet  interne.  Pour  Korschelt  et  Heider,  la  planula  est pourvue  d'un  ectoderme  cilié  et  d'une  masse  intérieure  endoder- mique  plus  ou  moins  compacte.  Cette  dernière  définition  tend à  enlever  à  l'endoderme  son  importance  comme  couche  distincte. Je  crois,  d'après  ce  qui  se  passe  chez  Ad.  palliata  et  Sag.  para- sitica,  devoir  aller  plus  loin  en  disant  que  la  planula  est  chez  les Hexactinies,  une  blastula  pleine  ciliée  pourvue  d'un  ectoderme et  d'une  masse  lécithique  intérieure  sans  trace  d'endoderme. Cette  dernière  couche,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  résulte d'une  invagination  typique.  Cependant,  à  la  période  du  dévelop- pement où  nous  en  sommes,  l'embryon  couvert  de  cils  et  menant une  vie  libre  représente  bien  la  phase  dénommée  planula.  Une autre  particularité  est  à  signaler  :  la  paroi  ectodermique  est DÉVELOPPEMENT   DES   HEXACTINIES  343 perforée  de  un  et  même  parfois  de  plusieurs  orifices  que  Toii retrouve  dans  les  périodes  ultérieures  du  développement.  Ce sont  souvent  des  perforations  s'ouvrant  directement  dans  la cavité  intérieure  mais  d'autres  fois,  les  orifices  se  prolongent plus  ou  moins  loin  dans  l'épaisseur  de  l'ectoderme  constituant ainsi  de  véritables  canaux  pins  ou  moins  parallèles  à  l'axe  du corps.  La  présence  de  ces  canaux  à  parois  revêtues  de  cellules semblables  à  celles  de  l'ectoderme  m'avait  fort  intrigué  et  la recherche  de  leur  origine  a  été  en  grande  partie  cause  du  long retard  que  j'ai  mis  à  l'achèvement  de  ce  travail.  Il  est  vrai- semblable que  lorsque  la  planula  est  pourvue  de  plusieurs  ori- fices, ceux-ci  ne  sont,  sauf  un  seul  qui  est  la  bouche,  que  le début  d'invaginations  anormales. S'il  est  encore  incertain  que  la  planula  soit  une  répétition d'une  forme  ancestrale  libre  attribuée  à  tous  les  Cœlentérés,  sa structure  chez  Sag.  parasitica  et  Ad.  palliata  indique  du  moins quel  est  son  rôle  durant  le  développement.  C'est,  en  effet,  durant cette  phase  planula  que  s'achève  l'organisation  des  cellules ectodermiques  par  l'apparition  du  revêtement  cilié  et  surtout par  la  séparation  complète  des  éléments  graisseux  qui,  s'isolant des  autres  substances  cellulaires,  rempliront  à  peu  près  complè- tement la  cavité  embryonnaire,  permettant  ainsi  à  la  larve  de vivre  jusqu'à  la  période  de  fixation  définitive  (1). Lorsque  cette  accumulation  de  substances  lécithiques  s'est produite,  une  véritable,  comiilète  invagination,  qui  probable- ment a  débuté  au  niveau  de  la  bouche  de  la  planula,  s'opère graduellement  dans  un  laps  de  temps  d'environ  douze  à  vingt heures.  Ce  n'est  qu'en  observant  ce  phénomène  depuis  le  début de  sa  formation  que  l'on  peut  cons-tater  qu'il  se  produit  réelle- ment. En  effet,  la  planula  étant  remplie  d'éléments  graisseux, (1)  WiLSON  (1888)  a  vu  la  formation  d'une  blastosphère  avec  une  très  large  cavité  se  rem- plissant par  délaniination  pour  former  une  planula  pleine.  La  figure  4  (ju'il  donne  de  cette  pla- nula ne  montre  aucune  trace  d'endoderme  distinct.  Ce  n'est  que  dans  la  suite  du  développement lorsque  la  niésoglée  se  forme  (Wilson,  flig.  5,  6)  et  que  l'endoderme  apparaît.  P.  M.  Murkich (1891)  chez  Actinoloba  (Metridium  marginatum)  affirme  que  la  couche  endoderniique  déla- minée est  très  difficile,  avant  l'ouverture  de  la  bouche,  à  distinguer  de  la  masse  nutritive. 344  L.  FAUROT on  est  tenté  de  croire,  en  observant  sans  transition  une  gastrula complètement  formée,  que  celle-ci  ne  provient  pas  d'une  intro- version ectodermique,  que  le  vide  de  sa  cavité  n'est  dû  qu'à  la résorption  des  globules  nutritifs  de  cette  planula,  et  qu'en  outre l'endoderme  s'est  produit  par  délamination. C'est  là  sans  doute  le  motif  qui  fait  que  la  plupart  des  recher- ches qui  ont  été  faites  sur  ce  sujet  ne  concordent  pas  et  que plusieurs  auteurs  n'admettent  pas  l'invagination  typique  chez les  Hexactinies  (1).  Cependant  Jourdan  (1879)  a  observé  une invagination  véritable  chez  Actinia  equina.  Il  note  que  la  cavité de  la  gastrula  est  complètement  vide  au  début.  Kowalesky  (1873) lui-même,  avait  vu  chez  une  Actinie  indéterminée,  qu'après  la formation  d'une  morula  ciliée  il  se  forme  une  véritable  invagi- nation, mais  il  ajoute  que  les  bords  de  l'ouverture  (endoderme  et ectoderme  compris)  de  la  gastrula  s'enfoncent  pour  former  le pharynx. La  gastrulation  de  VUrticina  (Tealia)  décrite  par  Appellof dériverait  directement  d'une  blastula  pleine.  Chez  cette  espèce il  existerait  à  la  fin  de  la  segmentation  un  blastocœle  avec  une fausse  (unechte)  cavité  de  segmentation  remplie  dès  le  début par  une  partie  de  la  substance  vitelline  non  segmentée.  Ce  ne serait  qu'au  bout  du  cinquième  ou  sixième  jour  qu'on  observe- rait l'invagination  de  la  blastula  et  c'est  seulement  sur  la  gas- trula que  les  cils  apparaîtraient.  A  la  fin  de  la  gastrulation,  dit- il,  l'endoderme  limite  une  cavité  relativement  spacieuse  qui  n'est cependant  jamais  vide  mais  remplie  d'une  masse  graisseuse  de nutrition.  Il  ajoute  :  «Es  ist  jetz  derselbe  Nahrungdotter,  welcher aus  der  Blastula  in  die  Gastrulahohle  iibertritt  ».  J'ai  moi-même (1)  Kowalesky  (1873),  chez  Actinia  parasUica  =  Sagartia  parasitica  a  vu  se  former  un amas  de  cellules  sans  formation  rie  cavité  de  segmentation.  Cet  amas  se  couvre  de  cils  après c|uc  la  segmentation  est  terminée.  Il  apparaît  alors  à  l'une  des  extrémités  un  petit  refoulement. Il  s'agit  là,  à  mon  avis,  d'une  blastula  pleine  conservant  encore  sa  forme  Irrégulière  durant son  passage  graduel  à  la  phase  de  planula.  Le  naturaliste  russe  ne  croit  pas  que  l'endoderme se  soit  formé  par  invagination,  mais  il  faut  dire  qu'il  n'a  pu  observer  les  stades  ultérieurs  du développement  du  Sag.  parasitica  et  que,  dit-il,  «même  par  le  moyen  des  coupes  on  ne  saurait obtenir  rien  de  bon  ».  Sur  Actinia  aurantiaca  (Grube),  Kowalesky  observa  des  embryons  à huit  cloisons  dont  la  cavité  était  remplie  de  vitellus  de  nutrition  «  de  sorte,  dit-il,  qu'évi- demment l'endoderme  ne  s'était  pas  formé  par  refoulement  ». DÉVELOPPEMENT    DES   TIEXACTINTES  345 observé  le  même  fait  chez  Ad.  palliata  et  8ag.  parasitica  Appellof (1900,  p.  22-23),  donne  deux  explications  de  cette  migration  de substances  lécithiques  :  ou  bien,  les  matières  grasses  de  la  blas- tula  ont  été  complètement  résorbées  par  les  cellules  invaginées pour  être  de  nouveau  rejetées  dans  la  cavité  delà  gastrula;  ou bien,  et  c'est  l'explication  qui  lui  paraît  la  plus  vraisemblable  : les  éléments  graisseux  se  sont  mélangés  par  pression  réciproque à  la  couche  de  cellules  endodermiques  et  ont  passé  à  travers. Mes  récentes  observations,  en  ce  qui  concerne  l'existence  de l'invagination,  concordent  avec  celles  que  je  viens  d'exposer (KowALESKY,  JouRDAN,  Appellof),  et  sout  à  opposcr  à  l'opi- nion la  plus  généralement  adoptée  au  sujet  de  la  forme  la  plus typique  du  développement  des  Hexactinies,  opinion  qui  est ainsi  résumée  par  MM.  Y.  Delage  et  Herouard  (1901,  p.  479)  : «  ...une  planula  se  forme  par  délamination.  Au  petit  bout  de la  larve  se  produit  une  invagination  modérément  profonde  qui est  le  stomodoeum  dont  le  fond  se  perce  d'un  orifice.  La  larve devient  par  là  en  tout  semblable  à  une  gastrula,  bien  que  son origine  soit  tout  autre  »   (1). J'ai  observé  que  la  blastula  pleine  se  recouvre  de  cils  et représente  ainsi  une  phase  planula  pleine  sans  feuillet  endoder. mique.  Cette  planula  subit  une  véritable  invagination.  Pendant que  se  forme  la  gastrula,  la  masse  interne  lécithique  se  résorbe mais  réapparaîtra  dans  la  cavité  de  cette  gastrula  ainsi  que  l'a observé  Appellof  sur  Tealia.  Le  stomodœum  se  transformera en  pharynx  non  pas  par  une  seconde  invagination,  mais,  ainsi que  je  l'exposerai  plus  loin,  par  un  plissement  circulaire  de  la couche  moyenne  se  produisant,  peut-être,  en  même  temps  que  le couple  1-1.  L'ectoderme  en  s'invagiiiant  forme  une  couche  bien distincte,  sans  discontinuité  et  sans  mélange  avec  la  masse  léci- thique qu'elle  refoule  tout  en  la  résorbant  complètement.  La cavité  de  la  gastrula,  je  le  répète,  est  vide.  Ce  n'est  que  plus tard,  lorsque  l'embryon  a  pris  une  forme  allongée  que  les  élé- (1)    i  Car  on  est  porté  à  attribuer  à  la  continuation  de  l'invagination  pharyngienne  la  for- mation de  la  couche  endoderniique  que  l'on  ne  voit  bien  que  lorsque  la  cavité  s'est  nettoyée.  " 346  L.  t'AUROT ments  graisiseux  réapparaissent  et  remplissent  cette  cavité. Appellof  (1900,  p.  86)  aurait  vu  cette  réapparition  s'opérer de  la  manière  suivante  :  «  Die  sicli  einstulpende  Entoderms- chiclit  drangt  sicli  ohne  ilire  epitheliall  Verbindung  aufzugeben zwischen  die  Dotterelemente  welche  auf  dièse  weise  in  die Gastralhôhle  gelangen  ».  Cette  citation  diffère  p(îu  de  l'inter- prétation faite  à  ce  sujet  par  le  même  auteur  et  que  j'ai  relatée à  la  page  précédente. La  formation  de  la  gastrula  se  fait  le  plus  souvent  avec  régu- larité, c'est-à-dire  que  l'ectoderme  iutroversé  forme  une  courbe à  peu  près  parallèle  à  l'ectoderme  extérieur,  mais  souvent,  ainsi qu'ApPELLôF  l'a  noté  et  figuré  (taf.  2,  flg.  12),  cette  courbe est  sinueuse  de  telle  façon  qu'une  proéminence  remplit  plus  ou moins  complètement  la  cavité  de  la  gastrula.  J'ai  même  vu  (piel- quefois  la  proéminence  très  longue  et  assez  mince  partager  cette cavité  en  deux  chambres.  Des  cas  semblables  ne  sont  pas  rares et  pourraient  donner  l'idée  d'un  plissement  normal  du  feuillet interne,  plissement  prenant  naissance  au  fond  de  la  cavité  gas- trulaire.  Ces  cas,  de  même  que  tous  ceux  où  la  gastrulation  ne se  fait  pas  régulièrement,  me  paraissent  causés  parunerésorption inégale  des  éléments  lécitliiques.  Cette  résorption  se  ferait  donc parfois  plus  rapidement  en  un  point  de  la  cavité  de  la  gastrula que  dans  les  autres. La  formation  de  la  couche  moyenne,  mésoglée,  mésoderme  ou mésenchyme  se  produit  alors  que  l'invagination  étant  terminée l'endoderme  se  trouve  en  contact  avec  la  paroi  ectodermique de  la  gastrula.  Dès  ce  moment,  l'embryon  devient  beaucoup plus  contractile  que  dans  la  période  antérieure.  Sa  forme  observée sur  le  même  individu  peut  passer  de  la  sphère  à  l'ovale  plus  ou moins  allongé.  On  ne  voit  cependant  aucune  trace  de  fibrilles musculaires  sur  les  surfaces  endo-  ou  ectodermiques  du  mésoderme que  l'on  persiste  à  considérer  chez  les  Cœlentérés,  comme  dépour- vu de  contractilité  propre.  Spengel  l'appelle  :  membrane  basale et  admet  qu'il  est  sécrété  à  la  fois  par  l'ectoderme  et  l'endoderme. Sa  destination  d'après  Hertwig  ne  serait  que  celle  d'une  mem- DÉVELOPPEMENT    DES    IIEXACTIN[ES  347 brane  de  soutien  (Stutzlamelle,  Stutzsubstanz)  et  il  ne  devien- drait contractile  que  par  rinimigration  d'éléments  musculaires endo-  ou  ectodermiques.  C'est  là  l'opinion  généralement  adoptée, opinion  que  la  grande  autorité  de  O.  Hertwig  a  fait  passer  à l'état  de  dogme. En  dehors  des  faits  qui  la  contredisent,  faits  que  j'ai  signalés en  1895  et  en  1903,  on  peut  encore  lui  opposer  d'autres  argu- ments. En  premier  lieu,  c'est  sans  observation  précise  et  très vaguement,  que  Ton  a  avancé  que  la  couche  moyenne  des Hydrozoaires  et  des  Scyphozoaires  était  un  produit  de  sécrétion. Les  Cténophores  ont  également  une  couche  de  même  nature gélatineuse  qui  est  un  mésoderme  bien  défini  et  quoique  cette dernière  constatation  n'ait  pas  encore  été  faite  chez  les  autres Cœlentérés,  on  ne  peut  cependant  considérer  comme  n'étant  pas soutenable  cette  proposition  exprimée  par  Bourne  (1900,  p.  10)  : «  It  must  be  duly  borne  in  mind  that  mesoblast  is  nothing  more than  an  embryological  ségrégation  of  those  cells  derivedinCœlen- terata  or  Diploblastica  animais  from  one  or  both  of  the  primary germ  layers  which  are  in  Cœlomata  destined  to  give  rise  to  the cœlom  and  the  tissues  of  its  walls  «  ;  et  cette  autre  de  Eay  Lan- KASTER  (1900,  p.  30)  :  «  I  think  that  we  are  bound  to  bring  into considération  the  existence  in  many  Cœlentera  of  a  tissue  resem- bling  the  mesenchyme  of  Cœlomocœla.  In  Scyphomedusœ,  in  Cte- nophora,  and  in  Anthozoa  branched,  fixed,and  wandering  cells  are found  in  the  mesoglœa  which  seem  to  be  the  same  thing  as  a  good deal  of  what  is  distinguished  as  a  mesemchyme  »  in  Cœlomocœla  ». D'un  autre  côté,  à  l'opinion  qui  n'accorde  qu'un  rôle  en quelque  sorte  passif  à  la  couche  moyenne,  ne  peut-on  pas  objecter le  mode  de  développement  de  cette  dernière  chez  les  Trachy- méduses  1  Durant  ce  développement,  le  déplacement  de  la  vési- cule endodermique,  la  formation  de  l'ombrelle,  du  manubrium, du  vélum,  des  tentacules,  les  modifications  de  forme  et  de  situa- tions successives  semblent  bien,  à  mon  avis,  avoir  la  mésoglée pour  origine.  S'il  en  était  autrement,  il  faudrait  admettre  que les  très  minces  revêtements  endo-  et  ectodermiques  sont  capables î^48  L.  FAUROT à  eux  seuls  de  refouler  et  comme  de  pétrir  la  très  épaisse masse  de  Stutzsubstauz  qui  constitue  la  presque  totalité  du corps  de  la  Méduse.  De  même  aussi  dans  la  formation  du nodule  médusaire  des  Leptolides,  ne  voit-on  pas  la  mésoglée faire  une  saillie,  se  creuser  en  coupe  pour  former  la  cavité  om- brellaire,  et  au  centre  de  cette  cavité  pousser  eu  protubérance pour  constituer  le  manubrium  ou  spadice  ? DÉVELOPPEMENT  DU  PHARYNX  ET  DES  QUATRE  COUPLES DE  CLOISONS Après  que  la  couche  moyenne  s'est  formée,  l'embryon  vers la  cinquantième  heure  de  son  développement  subit  des  modifi- cations importantes  qui  d'abord  ne  changent  en  rien  sa  forme extérieure,  laquelle  est  tantôt  ronde,  tantôt  ovale.  On  voit  seule- ment le  profil  de  la  bouche  s'accuser  à  divers  degrés  suivant  que les  contractions  sont  plus  ou  moins  fortes.  Sur  les  coupes  longi- tudinales on  voit  apparaître  un  peu  au-dessous  du  blastopore un  pli  circulaire  de  la  couche  mésodermique.  Ce  pli  ne  se  forme pas  au  moyen  d'une  invagination  du  stomodœum,  car  il  refoule seulement  devant  lui  la  couche  épithéliale  qui  dans  cette  région conserve  toujours  sa  structure  ectodermique  (fig.  7  et  8,  pi.  V). Il  résulte  de  la  formation  de  ce  pli  qui  est  la  première  indication du  pharynx  un  aspect  que  j'avais  interprété  (1903,  p.  371)  d'une manière  absolument  erronée.  Le  bord  supérieur  de  la  couche moyenne  entourant  le  blastopore  m'avait  paru  résulter  d'un allongement,  d'une  expansion  accidentelle  de  cette  couche  et ne  constituait  pas,  à  mon  avis,  une  particularité  anatomique. Mes  nouvelles  recherches  m'ont  montré,  au  contraire,  que  le blastopore  reste  entouré  par  ce  bord  supérieur  mésodermique et  qu'il  persiste  ainsi,  chez  l'embryon,  comme  ouverture  supé- rieure du  pharynx.  Dans  cette  région  stomodœale  la  couche moyenne  d'abord  simple  devient  donc  bifide  par  suite  de  la formation  d'un  pli  transversal.  Cet  aspect  bifide  ne  se  montre pas  sur  toutes  les  séries  de  coupes  longitudinales  ;  il  manque  en certaines  régions  et  sur  celles  qui  ne  sont  pas  pratiquées  suivant une  orientation  convenable. DEVELOPPEMENT   DES    HEXACTINIES  349 Sur  des  coupes  transversales,  on  remarque  qu'en  réalité  il existe  deux  plis,  un  à  droite  et  l'autre  à  gauche.  Ils  figurent  une gouttière  ouverte  du  côté  dorsal  (1). Plusieurs  coupes  transversales  ont  été  représentées  dans  le texte  de  mon  précédent  travail  (1903,  p.  372). Exactement  au  côté  ventral,  la  couche  mésodermique  de  cette gouttière  reste  en  partie  unie,  confondue  avec  la  paroi  stomo- dœale.  Ce  n'est  que  plus  tard,  alors  que  la  gouttière  se  sera formée  et  se  sera  transformée  en  véritable  pharynx  tubuleux, que  les  deux  parois  :  celle  du  pharynx  et  celle  du  stomodœum, s'isoleront  complètement  l'une  de  l'autre. La  gouttière  pharyngienne  étant  formée,  le  couple  ventro- latéral  (couple  1-1)  apparaît  probablement  après,  par  suite  de  la formation  de  deux  autres  plissements  ayant  une  direction  oblique de  haut  en  bas  et  d'arrière  en  avant  (c'est-à-dire  en  allant  du côté  dorsal  vers  les  côtés  latéraux),  direction  oblique  par  consé- quent à  celle  des  deux  premiers  plissements  que  nous  venons  de voir  donner  naissance  à  la  gouttière.  Mais  je  n'ai  aucune  certi- tude à  ce  sujet  et  j'admets  comme  possible  que  la  gouttière et  le  couple  1-1  se  soient  formés  en  même  temps  et  qu'ils  ne doivent  leur  origine  qu'à  deux  plissements  qui  leur  sont  com- muns, chacun  d'eux  :  le  droit  et  le  gauche  étant  transversal  pour la  gouttière  et  oblique  pour  le  couple  1-1.  Il  est  possible  que chaque  plissement  ait  débuté  en  formant  les  deux  lacunes  trian- gulaires que  j'ai  décrites  et  figurées  (1903). Je  continue  cependant  (ma  description  en  sera  plus  claire) à  supposer  que  le  couple  1-1  est  formé  par  deux  nouveaux  plis- sements obliques  à  ceux  qui  ont  formé  la  gouttière. (1)  Il  me  semble  qu'il  n'y  a  aucun  inconvénient  à  conserver  ces  expressions  :  ventral, dorsal,  bien  qu'il  n'y  ait  ni  dos  ni  ventre  chez  les  Actinies.  Elles  ont  été  employées  par  Kolliker pour  les  individus  de  Pennatules,  avec  la  même  signification  que  pour  les  fleurs  zygomorphes, c'est-à-dire  que  cet  auteur  nomme  ventral  le  côté  tourné  Vers  la  tige  et  dorsal  le  côté  opposé. Chez  les  Hexactinies  on  nomme  ventral  le  côté  qui  paraît  homologue  au  côté  ventral  d'un polype  d'Alcyonnaire,  c'est-à-dire  celui  vers  lequel  sont  tournés  les  muscles  unilatéraux  du plus  grand  nombre  (six  sur  huit)  des  premières  cloisons.  Les  termes  sulcus  et  sulculus  préférés par  Haddon  et  d'autres,  ne  peuvent  trouver  d'application  que  chez  les  Actinies  qui  ainsi  que le  Peachia  ou  le  Cerianthus  ont  un  syphonoglyphe  plus  développé  que  l'autre. AHCH.    DE    ZOÛL.    EXP.    ET    GEN.    4"    SÉlUE.    T.   VI.    —     (vi).  25 350  L.  FAtJROT Il  ne  m'a  pas  été  possible  même  à  l'aide  de  coupes  faites  sur de  très  nombreux  embryons,  de  déterminer  la  limite  supérieure de  ces  derniers  plissements,  car  si  vers  le  bas,  dans  la  cavité  du corps,  on  les  voit  se  terminer  par  deux  forts  bourrelets  quelque- fois visibles  de  l'extérieur  à  travers  les  parois  de  l'embryon,  il n'en  est  pas  de  même  en  haut,  où  l'extrémité  orale  de  celui-ci subit  une  déformation  remarquable  que  Wilson  (1888)  a  figurée sans  y  faire  aucune  allusion  dans  son  mémoire  et  dont  Appellop au  contraire  fait  mention  (1900).  Cette  déformation  résulte  de ce  que  la  région  supérieure  et  dorsale  de  la  cavité  du  corps  se soulève  et  surplombe  le  blastopore,  qui  de  central  devient  excen- trique en  étant  repoussé  du  côté  ventral.  Peut-être  s'agit-il  là d'un  refoulement  comparable  à  ceux  que  Goëtte  (1887-1897) dit  avoir  vu  se  produire  chez  Aurélia  aurita  et  qui  aboutissent à  la  formation  des  poches  stomacales  ?  En  tous  cas,  il  ne  me paraît  pas  invraisemblable  que  les  deux  nouveaux  plissements se  rapprochent  et  se  réunissent  pour  n'en  former  qu'un  seul situé  en  haut  et  en  avant  du  refoulement  dorsal.  Vers  le  bas, ils  se  dirigent  l'un  à  gauche  et  l'autre  à  droite  de  la  gouttière pharyngienne,  y  adhèrent  et  se  prolongent  inférieurement  pour constituer  les  deux  cloisons  ventro- latérales,  c'est-à-dire  le couple  1-1.  Ce  couple,  ainsi  que  l'a  remarqué  de  Lacaze- DuTHiERS,  partage  la  cavité  du  corps  en  deux  chambres  iné- gales. La  plus  grande  correspond  à  la  région  dorsale  dont  le sommet,  ai-je  dit,  s'est  exhaussé.  La  petite  chambre  correspond à  la  gouttière  et  à  la  bouche. En  examinant  des  séries  de  coupes  transversales  faites  sur  de très  jeunes  embryons,  la  direction  oblique  de  dehors  en  dedans et  d'arrière  en  avant  des  cloisons  1-1  est  manifeste.  Chez  l'em- bryon représenté  sur  la  planche  V,  figures  de  14  à  20,  une  seule de  ces  cloisons  est  apparue  (fig.  17),  l'autre  devant  apparaître plus  tardivement.  Cette  avance  dans  la  formation  de  l'une  des deux  premières  cloisons  est  très  fréquente  et  montre  qu'il  y  a une  indépendance  relative  dans  leur  formation.  Cette  indépen- dance   explique    l'erreur   de    H.  Wilson    qui   croyait    que    le DEVELOPPEMENT   DES    HEXACTINIES  331 pharynx  se  déplaçait  pour  la  formation  de  l'une  et  de  l'autre cloison  1. Sur  les  figures  11,  12,  13,  de  la  planche  V  les  cloisons  1-1 subissent  un  changement  d'orientation  ;  leur  obliquité  de  dehors eu  dedans  et  d'arrière  en  avant  diminue,  elles  tendent  à  prendre inférieurement  la  situation  transversale  et  radiale  qu'elles  auront chez  l'adulte.  Des  exemples  semblables  se  voient  dans  la  planche XIV.  figures  6-4,  63,  00  et  planche  XV,  figures  07,  08  de  mon précédent  travail  (1903). La  longueur  et  l'épaisseur  du  revêtement  endodermique (entéroïdes)  du  bord libre  de  ces  deux  pre- mières cloisons  pren- nent très  rapidement des  dimensions  relati- vement grandes.  C'est pourquoi  on  est  auto- risé à  croire  que  leur apparition  a  précédé celle  du  couple  dorso- latéral  (2-2)  et  celle  du couple  dorsal  (4-4),  bien que  des  traces  de  ces quatre  dernières  cloi- sons puissent  se  rencon-    PiG.  I.  Au  centre  :  Disposition  schématique  des  couples  au trer  sur  les  mêmes  liré-  ^^^^^^  '^^  ^^^^  développement.    Le  couple  3-3   n'est  visible '    A      ^  que  lorsque  la  gouttière  se  rapproche  du  centre.  A  la  péri- parationS       d'embryons  phéne  .■   l'orientation   des   muscles    unilatéraux  au  stade  8 ^         .                             .  (c'est-à-dire    la    période   où  ces  cloisons  sont  régularisées) t/ieS     jeunes.     IVlaiS     ces  ggj  gj^  rapport  avec  l'obliquité  de  ces  mêmes  cloisons  chez cloisons  2-2  et  4-4,  sont  l'embryon.      . au  début  si  petites  et  si  peu  distinctes  que  H.  Wilson  admet qu'elles  se  forment  d'une  tout  autre  façon  que  les  deu:^  pre- mières. Selon  cet  auteur,  tandis  que  le  couple  1-1  prend  nais- sance par  contact  du  pharynx  avec  les  parois  du  corps,  le deuxième  couple  «  appear  in  the  larger  chamber  as  longitu- dinal ridges  of  the  supporting  lamella,  which  cause  no  élévation 352  L.  FAri{()T of  the  eadoderm  »  (1888,  i).  209).  D'après  le  même  auteur, p.  207  (1888)  toutes  les  cloisons  qui  naissent  ultérieurement se  forment  de  la  même  manière  que  le  second  couple.  La  remarque qu'il  fait  que  les  «  ridges  of  supporting  lamella  »  ne  causent  pas d'élévation  de  l'endoderme  est  d'une  grande  importance.  On  en peut  déduire  que  les  cloisons  ne  se  forment  pas,  ainsi  qu'on l'admet  avec  O.  Hertwig,  par  un  repli  de  l'endoderme  entraî- nant avec  lui  une  lame  de  mésoderme.  Dans  la  planche  V, figure  13,  on  voit  un  exemple  du  fait  signalé  par  H.  Wilson. Les  deux  encoches  de  l'endoderme,  au  côté  ventral,  correspon- dent à  la  place  qui  sera  occupée  par  les  cloisons  3-3.  D'après l'opinion  que  je  viens  de  rappeler,  l'endoderme  en  ce  point devrait,  au  lieu  de  deux  encoches,  présenter  deux  saillies.  Dans la  planche  XIII,  figure  44  (1903)  j'ai  figuré  une  disposition semblable  qui  est  d'ailleurs  fréquente  (1), Aux  particularités  que  j'ai  déjà  signalées  (1903,  pp.  384  et  390) au  sujet  du  mode  de  formation  des  trois  couples  2-2  ;  4-4  et  3-3, j'ajouterai  que  leur  origine  semblable  à  celles  des  paires,  c'est- à-dire  causée  pour  chacun  de  ces  couples  par  une  fente  produite dans  le  mésoderme,  me  semble  pouvoir  être  interprétée  d'une façon  un  peu  différente.  Cette  fente  n'est  peut-être  qu'une  appa- rence due  à  un  plissement  très  oblique  n'intéressant  qu'une  faible épaisseur  de  la  couche  moyenne  de  la  paroi  et  pénétrant  graduel- lement (comme  une  fente)  dans  l'épaisseur  de  cette  couche.  Le mode  d'origine  des  couples  2-2  ;  3-3  ;  4-4  interprété  de  cette manière  peut  également  être  celui  du  couple  1-1.  D'autre part,  l'orientation  des  couples  2-2  et  4-4  par  rapport  à  l'axe dorso-ventral  de  l'embryon  est  au  début  parallèle  à  celle  du couple  1-1,  c'est-à-dire  que  ces  cloisons  sont  dirigées  oblique- ment de  haut  en  bas,  d'arrière  en  avant  et  de  dehors  en  dedans. Quant  aux  cloisons  ventrales  3-3  elles  sont  certainement,  parmi les  quatre  couples,  celles  qui  se  sont  formées  au  niveau  le  plus bas.  Tant  qu'elles  ne  se  sont  pas  montrées,  la  paroi  ventrale  du (1)  J.  PL.  Mo  MURRICH  (1891.  p.  127)  dit  :  «  the  lines  of  origin  of  the  other  paire  are  indi- cated  by  dépressions  of  the  endoderm  ». DÉVELOPPEMENT    DES   HEX ACTINIES  353 pharynx  demeure  confondue  avec  la  paroi  du  corps  de  l'em- bryon, la  bouche  reste  excentrique  et  la  région  dorsale  du  corps (c'est-à-dire  celle  qui  est  située  en  arrière  du  couple  1-1)  est plus  grande  que  la  région  ventrale  (c'est-à-dire  celle  qui  est située  en  avant  du  couple  1-1).  Leur  formation  fait  disparaître cette  inégalité  d'étendue  dans  les  deux  chambres  primitives  et  en même  temps  disparaît  l'obliquité  des  six  cloisons  apparues  anté- rieurement. C'est  alors  aussi  que  le  pharynx  d'abord  rapproché de  la  paroi  est,  par  suite  de  l'allongement  et  de  l'élargissement des  quatre  couples,  transporté  exactement  au  centre  de  la  cavité gastrique,  tandis  que  les  huit  cloisons  deviennent  géométrique- ment rayonnantes. D'après  ce  qui  précède,  il  est  normal  que  la  chambre  dorsale soit  en  même  temps  plus  large  et  plus  haute  que  la  chambre ventrale.  Cependant  sur  des  embryons  très  épanouis  dont  le pharynx  subit  un  commencement  d'extroversion,  il  n'y  a  pas de  différence  d'élévation  entre  les  deux  chambres  et  le  blasto- pore,  quoique  excentrique,  correspond  à  peu  près  au  sommet  du pôle  oral.  C'était  le  cas  pour  les  deux  embryons  figurés  dans  mon travail  de  1903,  planches  XII  et  XIII.  Des  embryons  con- tractés peuvent  aussi  présenter  des  déformations  qui  pourraient faire  croire  à  des  anomalies. J'ai  observé  un  cas  dans  lequel  les  couples  1-1  ;  2-2  ;  1-1,  tout en  présentant  l'obliquité  normale  montraient,  sur  des  coupes faites  de  haut  en  bas,  un  déplacement  vers  la  gauche,  de  telle sorte  que  la  cloison  1  de  gauche  se  rapprochait  de  sa  voisine  3 et  que  du  même  côté  le  couple  4-4  se  rapprochait  de  la  cloison  2 de  gauche.  Cette  dernière  se  terminait  à  la  base  près  de  la cloison  1  précédemment  désignée^  Les  cloisons  du  côté  droit suivaient  symétriquement  celles  du  côté  gauche.  Il  y  avait,  en somme,  une  torsion  senestre.  Je  ne  crois  pas  qu'il  s'agisse  là  d'une véritable  anomalie,  mais  seulement  d'une  exagération  dans  le retard  très  fréquent  qui  existe  dans  le  développement  d'un  côté sur  l'autre  côté.  Ce  fait  mérite  néanmoins  d'être  signalé  car  il montre  que  la  croissance  des  deux  côtés  peut  ne  pas  se  faire 354  L.  FAUROT en  même  temps.  Cette  indépendance  relative  dans  le  développe- ment des  cloisons  est  presque  normale  chez  certains  Anthozoaires adultes,  les  Zoanthes  par  exemple  chez  lesquels  le  nombre  des cloisons  est  le  plus  souvent  un  peu  plus  considérable  d'un  côté que  de  l'autre.  Chez  les  Oérianthes  où  les  cloisons,  ainsi  que  je l'ai  démontré  (1895),  sont  disposées  en  groupes  de  quatre  (quatro- sarcoseptes),  cette  inégalité  de  nombre  est  encore  plus  marquée que  chez  les  Zoanthes.  La  signification  comme  preuve  d'une indépendance  relative  de  croissance  était  des  plus  remarquable dans  un  spécimen  dans  lequel  j'ai  observé  que  tous  les  quatrosar- coseptes  du  côté  gauche  présentaient  une  disposition  absolument inverse  de  celle  de  tous  les  quatrosarcoseptes  de  l'autre  côté. La  majorité  des  véritables  cas  d'anomalie  que  j'ai  eu  l'occa- sion d'examiner  chez  8ag.  parasitica  et  Ad.  palliata,  consistait dans  les  dimensions  plus  grandes  que  prenait  la  chambre  ventrale par  rapport  à  celles  de  la  chambre  dorsale.  Dans  ces  cas,  le pharynx  était  situé,  suivant  la  règle,  dans  la  chambre  ventrale. Cause  de  rorientation  des  muscles  unilatéraux  des  cloisons. On  s'est  demandé  (1901,  p.  465)  quel  était  le  motif  de  la situation  symétrique  des  muscles  unilatéraux  (longitudinaux) des  cloisons.  Pour  les  paires,  la  cause  de  cette  disposition  s'ex- plique parfaitement  par  leur  mode  d'origine  (1903,  p.  390  ; fig.  XIV).  Pour  les  quatre  premiers  couples  il  est  très  remar- quable que  la  situation  des  muscles  unilatéraux  a  un  rapport précis  avec  la  direction  oblique  de  ces  couples  à  leur  origine (voir  p.  351,  fig.  I). D'autre  part,  l'orientation  des  muscles  unilatéraux  aussi bien  sur  les  couples  que  sur  les  paires,  ne  i)eut  avoir  aucune relation  avec  le  fonctionnement  de  ces  muscles.  Chez  Aure- liana,  j'ai  montré  (1895,  pi.  I,  fig.  1)  que  ces  muscles  peuvent prendre  une  situation  inverse  par  rapport  à  l'orientation  nor- male, et  même  comme  chez  Edwardsia  Adenensis  (1895,  fig.  8, p.  123),  cette  situation  peut  être  quelconque.  C'est  donc  seule- ment dans  leur  mode  de  développement  que  l'on  peut  trouver DÉVELOPPEMENT   DES   HEXACTINIES  335 la  cause  de  rorientation  des  muscles  unilatéraux.  Me  Murrich (1891)  a  émis  l'opinion  que  les  muscles  ont  déserté  la  face loculaire  des  cloisons  directrices,  la  loge  ayant  besoin  d'être large  en  raison  de  ses  rapports  avec  le  syplionoglyphe.  Cette opinion  singulière  est  contredite  par  le  résultat  de  mes  recher- ches, et  en  outre  elle  repose  sur  une  observation  inexacte,  car chez  le  Peachia  (1895,  pi.  IX,  fig.  1)  le  syphonoglyphe,  pourtant de  très  grande  dimension,  ne  se  loge  que  très  peu  entre  les cloisons  directrices. Disque  oro-tentaculaire.   Stade  à  8  tentacules.    Origine    des    paires de  cloisons. J'ai  exposé  (1903)  comment  le  disque  oro-tentaculaire  devait son  origine  uniquement  à  la  formation de  ces  appendices.   C'est  d'ailleurs    à  ,/■/'.•.'/' cette  origine  qu'il  doit  aussi  sa  struc- ture histologique    différente    de    celle     <■.  A       ^/j  )  \\ des    autres    parties   de    la    paroi    du  ..^"^Mfl corps.  J'ai  montré  en  outre  ici même,  qu'avant  cette  formation  du disque  oro-tentaculaire ,  la  bouche était  entourée  par  un  anneau  de mésoderme  et  que  le  pharynx  s'était formé  indépendamment  de  cet  orifice dans  la  partie  moyenne  du  stomo- dœum  (fig.  7  et  8,  pi.  V).  Chez  la  larve  à huit  tentacules  alors  que  le  disque  oro- tentaculaire  présente  déjà  une  assez grande  surface  et  à  plus  forte  raison  chez l'adulte,  on  ne  retrouve  plus  trace  de l'anneau  •  mésodermique.  En  même  temps  que  les  tentacules  se sont  montrés,  cet  anneau  a  été  divisé  et  comme  découpé  longitu- dinalement  en  autant  de  tranches  qu'il  y  avait  de  cloisons  et  ces tranches  ont  constitué  les  lobes  péristomiaux  terminant  la  base orale  des  tentacules.  Ces  lobes  ont  augmenté  en  nombre  égal  à FIG.  H.  Cône  buccal  et  formation  du disque  oro-tentaculaire  au  stade  8. —  A  gauche  ■'  côté  d'une  cloison avant  le  développement  des  tenta- cules ;  à  droite  ■'  côté  d'une  loge avec  tentacule  ;  c.  b.,  cône  buccal. 336  L.  FAUROT celui  des  nouvelles  cloisons.  Chez  les  Actinies  bien  épanouies  les cavités  de  ces  lobes  coniuiuniquent  les  unes  avec  les  autres  par les  orifices  cloisonnaires  (canal  péribuccal)  qui  existent  chez toutes  les  espèces  de  ce  groupe.  Il  me  i>araît  vraisemblable  que Texistence  de  ces  orifices  a  quelque  rapport  avec  la  formation des  lobes  péristomiaux  de  même  que  les  orifices  qui  forment  un second  canal  entre  les  muscles  unilatéraux  et  les  parois  du  corps (canal  périseptal)  doivent  avoir  une  relation  avec  la  formation du  disque  pédieux.  En  effet,  je  n'ai  pas  observé  de  canal  péri- septal chez  les  Actinies  dépourvues  de  disque  pédieux  :  Peachia, Ilyanthus,  etc.,  tandis  qu'il  en  existe  constamment  chez  toutes les  Actinies  non  pivotantes. Le  stade  à  huit  tentacules  durant  lequel  apparaît  le  disque oral  a  été  constaté  chez  toutes  les  Hexactinies  dont  on  a  suivi le  développement.  A  cette  période  dont  la  durée  peut  être  très courte,  quelques  jours  chez  Sag.  yarasitica  ou  très  longue,  un ou  deux  mois  chez  Adams.  palliata  l'embryon  ne  peut  être comparé  d'une  façon  absolue  à  une  Edwardsia  adulte  car  celle-ci a  toujours,  ainsi  que  je  l'ai  démontré,  au  moins  seize  cloisons dont  huit  rudimentaires  (1). S'il  ne  paraît  pas  douteux  que  l'apparition  des  huit  premiers tentacules  soit  une  conséquence  du  passage  de  la  vie  errante  à la  vie  fixée  de  l'embryon,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  l'aug- mentation du  nombre  des  cloisons  au-delà  de  huit.  Durant  la vie  pélagique  ce  nombre  pourrait  augmenter  jusqu'à  vingt- quatre  si  l'on  s'en  rapporte  au  mémoire  de  E.  van  Beneden (1897)  sur  les  Anthozoaires  de  la  Plankton-Expedition.  D'après cet  auteur,  les  larves  recueillies  étaient  toutes  totalement  dé- pourvues de  tentacules  et  avaient  de  huit  à  vingt-quatre  cloisons. Chez  les  larves  à  vingt-quatre  cloisons,  les  couples  5-5  et  6-G n'étaient  pas  encore  complètement  formés  et  les  six  paires  de (1)  J.  PL.  Me  MURRK'H  (1904.  p.  218)  rtit  très  inexactement  que  c'est  ANDRES  (1880)  qui  le premier  a  observé  la  présence  de  cloisons  rudimentaires  dans  une  Edwarsie.  ANDRES  n'a  observé que  huit  cloisons  et  d'après  la  légende  de  sa  figure  7  il  a  voulu  figurer  en  coupe  la  base  des seize  tentacules.  J.  PL.  Me  Murrich  lui-même  ne  se  serait  certainement  pas  hasardé  à  voir autre  chose  dans  cette  figure  s'il  n'avait  pas  pris  connaissance  de  mon  travail  de  1895,  p.  112. DÉVELOPPEMENT    DES    MEXACTINIES  357 deuxième  ordre  étaient  encore  plus  réduites.  L'absence  de  ten- tacules chez  des  larves  aussi  développées  ne  peut  être  attribuée au  peu  d'utilité  qu'auraient  ces  appendices  durant  la  vie  libre, puisque  on  en  trouve  chez  les  Méduses  et  aussi  chez  les  Arach- nactis.  La  vie  fixée  n'en  paraît  pas  moins  une  condition  beau- coup plus  favorable  à  leur  production  plus  nombreuse.  Chez certaines  Actinies  pivotantes  pouvant  véritablement  ramper  et s'enfoncer  de  nouveau  {Peachia,  Halcampa,  Ilyanthns),  les  ten- tacules et  les  cloisons  sont  en  effet  comparativement  moins nombreux  que  chez  la  plupart  des  Actinies  fixées. Il  est  vraisemblable  que  dans  la  vie  libre  nageante  des  Arach- nactis  ou  dans  la  vie  en  partie  rampante,  en  partie  fixée  du Peachia,  de  l'Halcampa  et  de  Y Ilianthus ,  les  tentacules  ne  servent qu'à  la  préhension  de  proies  mortes  ou  presque  dépourvues  de moyens  de  défense.  Des  cloisons  musculaires  très  nombreuses  et très  puissantes  ne  leur  sont  donc  pas  très  nécessaires.  Leurs cloisons  sont  d'ailleurs  dépourvues  de  muscles  pariéto-basilaires. Les  Actinies  fixées  bien  que  se  déplaçant  parfois  au  moyen  de leur  pied  adhésif,  possèdent  toujours  au  moyen  de  cet  organe un  point  d'appui  très  résistant,  durant  les  contractions  des muscles  pariéto-basilaires  et  unilatéraux  de  leurs  très  nom- breuses cloisons.  Le  fonctionnement  des .  tentacules  acquiert ainsi  chez  elles  une  plus  grande  importance  que  chez  les  Acti- nies pivotantes,  pour  la  préhension,  le  maintien  et  le  transport dans  le  pharynx  de  proies  volumineuses  et  se  défendant  vigou- reusement. J'ai  décrit  le  développement  des  paires  de  cloisons  (1903, p.  390,  393,  fig.  XI,  XII  et  XIV  du  texte).  J'y  reviens  encore une  fois  pour  ajouter  quelques  nouveaux  exemples  à  ceux  que j'ai  déjà  rapportés  et  aussi  pour  modifier  en  partie  l'interpréta- tion que  j'en  ai  donnée.  Ces  exemples  se  rapportent  à  un  PalytJioa, à  trois  Cérianthes  et  à  un  Madreporaire  ;  je  les  signale  ici,  parce qu'ils  ont  même  signification  que  ceux  que  j'ai  déjà  notés  chez les  Hexactinies.  Ils  viennent  confirmer  mon  opinion  qui  est  que  : les  deux  cloisons  constituant  une  paire  ne  se  forment  pas  indé. 358  L.  FAUROT pendammeiit  l'une  de  l'autre  ;  elles  sont  à  l'origine  réunies  en une  seule  lamelle  qui,  par  rapport  à  la  paroi  du  corps,  présente un  aspect  pouvant  se  comparer  à  la  corde  d'un  arc.  C'est  cette corde  qui  en  se  rompant  en  son  milieu  formera  la  paire  de  cloi- sons. Voici  ces  faits  qu'il  est  assez  rare  d'observer,  probable- ment par  suite  de  la  rétraction  habituelle  de  la  partie  du  corps (région  péripharyngienne)  oii  il  est  seulement  possible  de  les constater.  Cette  rétraction  est  difficile  à  éviter  malgré  toutes les  précautions  techniques. Chez  un  Palythoa,  G.  Muller  (1884,  fig.  3)  représente  une coupe  pratiquée  en  haut  de  la  région  pharyngienne.  On  y  voit une  paire  de  cloisons  microseptales  soudées  en  arc  par  leurs bords  qui  normalement  sont  libres.  Ce  genre  de  cloisons  n'at- teint jamais  le  pharynx.  E.  van  Beneden  (1897,  pi.  IV,  fig.  4 et  pi.  XIII,  flg.  2,  3,  4,  5  et  aussi  p.  129,  fig.  XXVI)  figure  des paires  soudées  en  arc  chez  des  Cérianthides  dont  les  points  de multiplication  étaient  multiples.  Chez  ces  spécimens,  à  mon avis,  la  formation  des  cloisons  s'est  trouvée  ralentie  par  suite de  la  multiplicité  de  ces  points,  de  telle  sorte  qu'elle  a  laissé trace  de  son  processus,  lequel  reste  inaperçu  dans  les  conditions ordinaires  du  développement.  Enfin  Duekjden  (1902,  fig.  6, p.  62)  a  représenté  deux  paires  de  cloisons  en  arc  chez  un  Madré- pore. En  outre  il  me  semble  probable  que  les  quatre  schémas  de la  figure  8,  page  63  du  même  travail,  représentant  des  coupes prises  à  diiïérents  niveaux  d'un  polype  isolé,  se  rapportent également  à  la  formation  d'une  paire  de  cloisons.  Il  s'agit  d'une cloison  qui  se  partage  en  deux  nouvelles  ;  au  sommet  de  la cavité  du  corps  elle  figurait  sans  doute  une  corde  dont  une portion  de  la  paroi  était  l'arc. J'avais  expliqué  (1903,  p.  391)  la  formation  de  la  petite  cavité comprise  entre  la  paroi  et  la  lamelle  mésodermique  formant  la corde  de  l'arc,  eu  présentant  cette  formation  comme  une  sorte de  schizoccele,  schizoccele  qui  plus  tard  se  serait  transformé  en loge.  Ce  que  j'ai  observé  chez  Bunodes  thallia,  Peachia  hastata Sag.  parasitica  et  Ad.  palUata  semble  indiquer  en  effet  que  le DEVELOPPEMENT    DES    HEXACTINIES  359 développement  des  pairevS  de  cloisons  s'est  passé  d'après  ce processus,  mais  comme  la  cavité  de  la  future  loge  se  trouvait toujours,  dans  ces  exemples,  ouverte  en  bas  et  quelquefois  en haut  de  la  colonne,  je  crois  pouvoir  donner  une  seconde  inter- prétation de  son  origine.  Cette  interprétation  est  d'ailleurs  la même  que  celle  que  j'ai  exposée  ici  même,  page  352  pour  les  cou- ples 2-2,  4-4,  3-3,  c'est-à-dire  que  la  fente  scliizocœlique  n'est peut-être  qu'une  apparence  due  à  un  plissement  très  oblique vers  le  haut,  n'intéressant  qu'une  faible  épaisseur  de  la  paroi mésodermique.  Ce  plissement  s'élargirait  aux  dépens  de  cette paroi  et  prendrait  les  dimensions  d'une  loge,  et  en  se  rompant du  côté  intérieur  formerait  une  paire  de  cloisons. Cycles  tentaculaires. La  formation  des  cycles  tentaculaires  à  partir  du  stade  12 a  été  présentée  comme  se  passant  d'après  de  nombreuses  lois compliquées  (1901).  En  réalité,  d'après  mes  conclusions  pour- tant déjà  anciennes  (1895),  cette  formation  se  produit  d'une manière  logique  et  assez  simple,  et  il  n'est  pas  nécessaire  pour l'exposer  de  traiter  le  sujet  algébriquement  comme  cela  a  été fait. Pour  la  comprendre  (1895,  p.  95,  fig.  6)  il  faut  se  rappeler  que les  paires  de  cloisons  arrivées  au  terme  de  leur  développement sont  disposées  d'après  leur  ordre  de  dimension  et  que  les  tenta- cules, les  uns  loculaires,  les  autres  interloculaires,  ont  toujours, au  terme  de  leur  développement,  des  longueurs  en  rapport  avec l'ordre  de  dimension  des  loges  et  interloges  dont  ils  sont  les  pro- longements. En  d'autres  mots  :  la  symétrie  radiaire  des  ordres de  paires  de  cloisons  sera  toujours  reproduite  par  les  prolonge- ments loculaires  et  interloculaires  des  loges  et  interloges  (1). Il  faut  se  rappeler  en  outre,  que  dans  le  développement  d'un nouveau  cycle  : a)  Les  nouvelles  paires  ne  naîtront  pas  au  milieu  des  inter- (1)  La  symétrie  biradiale  ne  sera  révélée  à  l'extérieur  que  par  les  deux  commissures  buc- cales. 360  L.  FATJROT loges  mais  sur  un  des  côtés  de  celles-ci,  chaque  paire  nouvelle divisant  une  interloge  du  stade  précédent  en  trois  parties  :  une loge  et  deux  interloges.  Le  tentacule  de  l'interloge  ainsi  divisé est  destiné  à  prolonger  l'une  des  deux  nouvelles  interloges.  Les deux  autres  parties  auront  donc  à  acquérir  chacune  un  tentacule (un  loculaire  et  un  interloculaire). h)  Les  tentacules  loculaires  tendent  toujours  à  prendre  une longueur  et  une  situation  en  rapport  avec  l'ordre  de  dimension des  loges  dont  ils  sont  les  prolongements. c)  Les  interloculaires  restent  toujours  plus  petits  que  les loculaires  nés  soit  avant,  soit  en  même  temps,  soit  après  eux. Leurs  dimensions,  plus  petites  que  celles  des  loculaires,  sont  en rapport  avec  les  dimensions  des  interloges,  dimensions  toutes plus  étroites  au  début,  que  celles  de  toutes  les  loges  surmontées de  tentacules.  Leur  situation  au  rang  le  plus  extérieur  des cycles  tentaculaires  régularisés  (Cycle  12  =  6  locul  +  6  interloc. Cycle  24  =  12  locul.  +  12  interl.  Cycle  48  =  24  locul  +  24  in- terl.,  etc.)  résulte  de  ce  que  les  interloges  sont  les  parties  du corps  où  l'accroissement  s'est  produit  en  dernier  lieu. Il  sera  maintenant  facile  de  comprendre  (1895,  p.  95,  fig.  6) en  se  reportant  aux  paragraphes  a,  b,  c  qui  précèdent,  que  pour la  formation  d'un  nouveau  stade  tentaculaire,  exemple  :  pour que  le  stade  6  loculaires  +  6  interloculaires  passe  au  stade 12  loculaires  +  12  interloculaires  : a)  Il  doit  apparaître  un  loculaire  et  un  interloculaire  à  côté de  chacun  des  six  interloculaires  du  stade  6  locul.   +  6  interl. b)  Les  six  loculaires  nouveaux,  en  grandissant,  acquerront une  longueur  et  une  situation  sur  le  disque  tentaculaire  en  rap- port avec  la  dimension  des  six  loges  de  deuxième  ordre  dont  ils sont  les  prolongements. c)  Les  six  interloculaires  nouveaux  en  grandissant,  ne  dépas- seront pas  la  longueur  des  interloculaires  anciens  et  seront  avec eux  relégués  au  dernier  rang,  rang  qui  est  en  rapport  avec  la dimension  des  interloges  toutes  plus  étroites  que  celles  des  loges surmontées  de  tentacules. DÉVELOPPEMENT    DES   HEXACTINIES  361 CONCLUSIONS  (Développement). La  segmentation  irrégulière  aboutit  à  une  blastula  remplie de  substance  lécitliique.  Cette  blastula,  d'abord  de  forme  irré- galière,  bosselée,  devient  sphérique,  se  couvi-e  de  cils  et  se  perce d'un  et  parfois  de  plusieurs  orifices.  Elle  présente  alors  l'aspect extérieur  d'une  planula.  Elle  ne  possède  cependant  que  l'ecto- derme  formé  de  cellules  se  confondant  à  l'intérieur  de  la  cavité avec  la  substance  lécithique.    Cette  planula  se  transforme  en gastrula   par  une   invagination   typique   ayant  pour  point   de départ  un   orifice   de  la  surface.   L'invagination  est  complète malgré  la  présence  de  la  masse  de  nutrition  intérieure.  Cette masse  réapparaît  plus  tard  dans  la  cavité  de  l'embryon.  Une couche  moyenne  contractile  se  forme  dès  que  la  gastrulation est  terminée  et  presque  eu  même  temps  le  pharynx  prend  nais- sance non  pas  par  invagination  du  blastopore,  mais  par  un plissement  de  la  couche  moyenne,  dans  la  région  médiane  du stomodœum.  Le  couple  1-1  apparaît,  peut-être  formé  par  le même  plissement,  peut-être  aussi  par  un  plissement  indépen- dant, oblique  de  haut  en  bas  et  d'arrière  en  avant.  La  formation de  ce  couple  1-1  peut  s'interpréter,  de  même  que  celle  des  cou- ples 2-2,  4-4  et  3-3.  comme  résultant  de  plissements  obliques  du mésoderme  de  la  paroi.  Ces  plissements,  à  leur  point  d'origine, pénétreraient  comme  des  fentes  dans  l'épaisseur  du  mésoderme. Le  couple  3-3  apparaît  un  peu  plus  bas  et,  semble-t-il,  plus  tar- divement que  les  trois  autres  couples.  Il  me  semble  probable  que la  formation  du  pharynx  n'est  pas  indépendante  de  celle  des  couples du  stade  8.  Ce  sont  peut-être  ces  cloisons  qui  l'ont  formé.  A  partir du  stade  12  les  paires  de  cloisons  se  forment  de  chaque  côté  de l'axe  commissural  par  des  processus  semblables  à  ceux  qui,  sur cet  axe,  ont  pu  donner  naissance  aux  quatre  couples  de  cloisons du  stade  8. 302  I-  PAUROT PHILOGÊNIE  DES  HEXACTINIES,    AFFINITÉS On  peut  imaginer  que  les  Autliozoaires  ont  eu  un  ancêtre pro-Edwardsia  (Bourne,  1900,  p.  55)  à  symétrie  bilatérale  et aussi  biradiale,  pourvu  seulement  de  huit  mésentères.  De  cette forme  serait  descendu  VEdwardsia  qui  avec  huit  cloisons  com- plètes a  toujours  au  moins  deux  paires  de  cloisons  de  second ordre  et  le  pro-Halcampa  qui  aurait  eu  six  paires  de  cloisons (stade  12).  Ces  deux  formes  auraient  donné  parallèlement  nais- sance, d'un  côté  aux  Héxactinies  régulières  par  VEalcampa,  et de  l'autre  côté  par  VEdwardsia  aux  genres  ne  présentant  pas la  symétrie  hexamérale,  tels  que  Gonactinia,  Ovactis,  etc.,  ainsi qu'au  genre  Scytophorus  et  Peachia  pourvus  d'un  syphonoglyphe ventral  très  développé.  Du  pro-Edwardsia  seraient  aussi  des- cendus les  Antipathaires,  les  Cérianthes,  les  Zoanthes.  Mais  quels sont  les  rapports  de  parenté,  c'est-à-dire  morphologiques,  des Héxactinies  avec  certains  autres  Cœlentérés  ?  Se  rattachent- elles  au  scyphistome,  à  l'Hydre  f  au  groupe  disparu  des  Tetra- corallia  f  Y  aurait-il  même  un  rapprochement  à  établir  entre elles  et  les  Annelés  et  Chordés  comme  le  suggèrent  A.  Sedgwick et  E.  VAN  Beneden  ?  En  traitant  ces  questions  je  ferai  mieux ressortir  les  conclusions  de  ce  travail,  et  ces  conclusions  elles- mêmes,  seront  amplifiées. Les  Acalèphes  qui  ont  en  commun  avec  les  Hydroméduses les  caractères  suivants  :  forme  polypoïde  et  une  forme  médusoïde avec  présence  d'un  manubrium  et  d'une  ombrelle  tentaculée, en  diftereraient  par  des  traits  importants  parmi  lesquels  :  la présence  chez  le  scyphistome  et  chez  la  méduse  ascrapède,  de quatre  poches  gastriques  avec  quatre  cordons  saillants  (colu- melles  et  tœnioles  chez  l'adulte).  Chez  le  Scyphistome,  il  y  aurait même  au  début,  d'après  Goëtte  (1897)  un  stomodœum  invaginé. Ce  dernier  caractère  surtout  a  fait  réunir  les  Acalèphes  aux Anthozoaires  dans  un  même  groupe  :  les  Scyphozoaires.  Mais, d'après  les  recherches  de  W.  Hein  (1900  et  1902),  Goëtte  se  serait DÉVELOPPEMENT   DES   HEXACTlNlES  303 trompé,  car  chez  la  larve  d'Anrelia  aurita  il  n'y  a  pas  de  pharynx ectodermal  et  le  blastopore  persiste  comme  bouche  définitive  ; et  après  la  formation  des  quatre  premiers  tentacules  il  apparaît quatre  enfoncements  interradiaux  auxquels  participe  la  Stutz- lamelle.  Ces  quatre  enfoncements  pénètrent  dans  la  cavité  gas- trique pour  former  les  cloisons.  Les  quatre  poches  gastriques du  Scyphistome  résultent  de  la  formation  de  ces  cloisons  et  par conséquent  elles  apparaissent  avec  ces  dernières.  Il  faut  ajouter que  Hein  (1902)  a  vu  que  chez  Cotylorhyza  tuberculata,  de  même que  chez  Aurélia  aurita,  "1  se  produisait  une  invagination  typique. Ces  faits  autorisent  à  rapprocher,  comme  le  suggère  Hein, les  Acalèphes  des  Hydroméduses. Si  nous  comparons  le  pharynx  de  THexactinie  adulte  avec ce  qui.  d'après  mes  conclusions,  lui  serait  homologue  chez  le Scyphistome,  c'est-à-dire  la  part'e  très  restreinte  limitée  par le  sommet  des  quatre  cloisons,  on  voit  que  chez  l'un  et  l'autre organisme,  le  pharynx  et  ce  qui  le  représente  chez  le  Scyph  s- tome  résultent  vraisemblablement  de  la  formation  des  cloisons. J'ai  dit,  en  effet,  page  361,  que  chez  les  Hexactinies  le  pharynx n'était  vraisemhlahlement  pas  une  formation  indépendante  de celle  des  quatre  premiers  couples.  Jusqu'à  quel  point, d'ailleurs,  peut-on  assimiler  ces  quatre  couples  avec  les  quatre cloisons  du  Scyphistome  ?  Chez  ce  dernier  les  cloisons  sont au  nombre  de  quatre,  disposées  en  croix,  radialement.  Chez les  embryons  d'Hexactinies,  les  quatre  couples  sont  au  contraire placés  à  la  suite  les  uns  des  autres  suivant  l'axe  qui  passe  entre les  cloisons  de  direction.  Bien  que  la  disposition  des  parties  soit totalement  différente,  il  y  a  cependant  similitude  entre  le  nombre et  le  mode  vraisemblable  de  formation  des  couples  et  ce  même nombre  et  cette  formation  chez  les  cloisons  du  Scyphistome  (1). C'est  aux  Hydrozoaires  d'où  dérivent  les  Acalèphes  que  nous (1)  Les  quatre  plissements  qui  forment  les  quatre  couples  peuvent  être  considérés  comme résultant  d'autant  d'enfoncements  du  pùle  oral.  Ce  qui,  vu  de  l'intérieur  de  la  cavité  gastrique apparaît  comme  plissement  saillant,  présentera  Taspect  d'un  enfoncement,  d'une  dépression si  on  l'examine  de  l'intérieur.  L'expression  :  plissement  me  parait  mieux  correspondre  à  ce qui  se  produit. 364  L.  FAUROT comparerons  maintenant  l'embryon  des  Héxactinies.  Chez Adamsia  palUata  et  Sagartia  parasitica,  le  blastopore  ne  s'inva- gine  pas,  et  avant  la  formation  du  disque  oro-tentaculaire,  avant même  la  formation  des  premières  cloisons,  ce  blastopore  reste placé  au-dessus  du  stomodœum  et  est  comparable  au  cône  buccal de  l'Hydre.  Je  dois  même  noter  que  Hein  a  observé  que  le blastopore  du  Cotylorhyza  est  le  plus  souvent  situé  sur  un  côté du  pôle  oral.  La  couche  épithéliale  qui  revêt  le  stomodœum  de l'embryon  d'Hexactinie  conserve,  il  est  vrai,  une  structure  ecto- dermique  que  ne  présenterait  pas  l'entrée  de  la  cavité  digestive de  l'Hydre.  Peut-être  ne  faut-il  pas  attacher  à  cette  différence  une très  grande  importance?  L'ectoderme  stomodœal  de  l'Hexactinie doit,  d'ailleurs,  son  origine  à  la  gastrulation  et  non  pas  à  une introversion  secondaire,  comme  on  le  croyait  jusqu'à  présent. Durant  leur  développement  les  Héxactinies  présentent  donc des  caractères  qui  leur  sont  communs  &'un  côté  avec  les  Acalèphes et  de  l'autre  avec  les  Hydroïdes.  Ainsi  que  les  premiers,  les  em- bryons à' Adamsia  palUata  et  de  Sagartia  parasitica  montrent quatre  plissements,  disposés  il  est  vrai,  très  différemment  dans l'un  et  l'autre  groupe.  Ainsi  que  les  Hydroïdes,  ces  mêmes embryons  sont  pourvus  d'un  hypostome  correspondant  morpho- logiquement au  manubrium  des  Ascrapèdes  et  à  celui  des  Cras- pédotes.  En  ce  qui  concerne  le  pharynx  des  Héxactinies  il  ne serait  pas,  d'après  ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  formé  indépen- damment des  couples  de  cloisons  et,  en  raison  de  son  origine, sa  présence  ne  constituerait  pas  une  distinction  importante entre  les  Anthozoaires  et  les  Acalèphes  adultes.  Quant  aux tentacules  des  Héxactinies,  leurs  bases  dont  l'ensemble  forme le  disque  oral,  s'étendent  jusqu'à  l'hypostome  et  le  découpent en  lobes  buccaux.  Chez  les  Hydroméduses  et  les  Acalèphes  les. couronnes  tentaculaires  se  forment  à  une  distance  plus  ou  moins grande  de  l'hypostome  et  du  manubrium,  indépendamment d'eux  et  sans  leur  envoyer  de  prolongements.  En  d'autres termes,  chez  les  Acalèphes,  de  même  que  les  bords  libres  des cloisons  ne  se  rapprochent  pas  à  un  degré  suffisant  pour  cons- DEVELOPPEMENT    DES    HEXACTINIES  365 tituer  un  pharynx  comparable  à  celui  des  Hexactinies,  de même  aussi  leurs  tentacules  restent  trop  distants  de  la  bouche pour  former  un  disque  oro-tentaculaire  semblable  à  celui  de ces  Anthozoaires.  Toutes  ces  considérations  notamment  :  la présence  chez  les  Hexactinies  d'nn  cône  buccal  et  celle  d'un pharynx  formé  par  un  processus  autre  que  celui  de  Tinvagina- tion  et  qui  paraît  concomitant  avec  la  formation  des  couples de  cloisons,  nous  conduisent  à  cette  nouvelle  conclusion  :  Le groupe  des  ScypJiozoaires  tel  que  le  décrivent  Guette  (1897)  et Delage  et  HÉROUARD  (1901)  doit  être  supprimé. Les  recherches  faites  sur  la  structure  des  Tétracorallia  n'ont pas  encore  permis  de  décider  si,  tout  à  fait  au  début  de  leur développement ,  ces  coraux  avaient  été  tétramères  ou  hexa- mères.  D'après  Ludwig  et  de  Pourtalès  (1871)  et  contraire- ment à  KuNTH  (1869),  la  disposition  tétramère  proviendrait  de la  transformation  d'un  arrangement  des  septes  primitivement au  nombre  de  six,  ce  qui  suppose  douze  sarcoseptes.  Duerden (1902)  partage  cette  opinion  et  montre  d'après  l'examen  qu'il a  fait  du  squelette  du  Lobophyllum  que  les  Tétracorallia  sont alliés  aux  Zoanthes  actuellement  vivants.  Chez  ces  derniers  les recherches  de  E.  van  Beneden  (1890)  et  de  Me  Murrich (1891)  auraient  établi  qu'antérieurement  au  stade  12,  l'em- bryon a  probablement  passé  par  une  phase  à  six  cloisons complètes.  J'ai  moi-même  (1895,  pi.  X  flg.  3,  4,  5)  figuré des  coupes  d'un  très  jeune  Polythoa  sulcata  montrant  à  la base  du  polype  deux  cloisons  qui  paraissent  être  homologues au  couple  1-1.  Le  même  embryon  était  pourvu  de  six  à  huit cloisons  à  des  niveaux  plus  rapprochés  du  pharynx  (1). (1)  En  se  reportant  à  ce  ijue  j'ai  exposé  au  sujet  de  l'orientation  oblique,  non  radiale des  premières  cloisons,  on  verra  (lue  les  figures  des  Traités  de  Zoologie  (1900,  flg.  23,  et  1901 page  655)  représentant  les  coupes  transversales  de  jeunes  Zoanthes,  sont  inexactes.  Ces' cloisons  y  sont  toutes  dirigées  radialement  vers  le  centre,  alors  que  le  couple  1-1  de  même que  le  couple  i>-2  doivent  avoir  une  même  inclinaison  oblique  sur  l'axe  commissural  comme dans  mon  schéma  I  page  351.  Les  figures  de  E.  Van  Beneden  (1890,  pi.  XV,  ftg.  1,  4)  et  les miennes  (1895,  pi.  X,  flg.  3)  faites  d'après  nature  montrent  bien  qu'il  doit  eu  être  ainsi.  La même  observation  s'applique  aux  flgures  de  ces  mêmes  Traités  représentant  la  disposition  de premiers  couples  chez  les  Hexactinies  (1901,  p.  481,  et  1900,  p.  42,  flg.  20) ARCH.  DK  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  4'  SERIE.  —  T.  VI.  —  (vl).  26 366  h.  FAUROt A  mon  avis,  le  peu  que  l'on  sait  de  l'embryogénie  des  Zoaû.- thes  et  de  la  structure  primitive  des  TetracoralUa  autorise, jusqu'à  présent,  à  conclure  que  le  début  de  leur  développement est  semblable  à  celui  des  Hexactinies.  Cette  conclusion  donne  un appui  aux  conjectures  que  j'ai  émises  au  sujet  de  la  formation des  premiers  septes  chez  les  TetracoralUa  (1903,  p.  381).  D'après ces  conjectures,  la  disposition  tétranière  est  primitive  chez  ces derniers. Il  reste  à  examiner  s'il  est  possible  d'établir  un  rapprochement entre  l'embryon  d'Hexactinie,  tel  qu'il  se  présente  avant  la  régu- larisation de  ses  quatre  premiers  couples  de  cloisons  (fig.  I,  p.  351) et  celui  d'un  organisme  annelé.  Je  rappelle  d'abord  que  A.  Sedg- wiCK  (1884)  a  émis  l'hypothèse  que  la  bouche  et  l'anus  des animaux  supérieurs  dériveraient  d'une  ouverture  en  fente allongée,  comparable  à  Toriflce  buccal  des  Anthozoaires,  l'une des  deux  extrémités  de  l'oriflce  servant  pour  l'entrée  de  l'eau  et l'autre  pour  sa  sortie.  Cette  différenciation  se  manifesterait  chez le  Peaehia  jusqu'à  constituer  deux  ouvertures  distinctes.  D'après le  même  auteur,  le  blastopore  et  une  partie  de  l'aire  d'accrois- sement des  embryons  du  Peripatus,  des  Aunélides  et  des Arthropodes  seraient  homologues  avec  la  bouche  des  Actinies. A.  Sedgwick  suppose  en  somme  que  le  disque  oro-tentacu- laire  des  Anthozoaires  est  comparable  avec  la  face  neurale  des Annelés.  E.  van  Beneden  (1891)  s'est  rallié  à  l'opinion  de A.  Sedwick  et  d'après  lui  les  diverticules  cœlomiques  se  for- ment par  paires  comme  les  loges  des  Cérianthides;  c'est  ainsi que  toute  nouvelle  paire  de  cloisons  apparaissant  chez  le Cérianthe  en  arrière  des  cloisons  nouvelles  peuvent  s'homologuer à  deux  cloisons  intersegmentaires  des  Artiozoaires.  En  1897, E.  VAN  Beneden  étend  la  comparaison  à  VAmphioœus. Les  Arachnactis  et  les  Cériauthes  sur  lesquels  sont  basées  les considérations  de  E.  van  Beneden  diffèrent  grandement  des Hexactinies,  bien  que  la  formation  de  leurs  cloisons  au  stade  8 paraisse  semblable,  ainsi  que  j'ai  tenté  de  le  démontrer  (1895) après  Me  Murrich  et  E.  van  Beneden  (1891).  En  outre,  ce DÉVELOPPEMENT    DES    H  EX  ACTINIES  367 que  l'on  sait  de  reinbryogénie  du  ]>lia.ryiix  des  Oériauthid(ss diffère  trop  de  ce  que  j'ai  observé  au  sujet  de  VAdavtsia  palliata et  du  Sagartia  parasitica,  pour  que  les  réflexions  qui  vont  suivre, et  qui  concernent  les  Hexactinies  puissent  leur  être  appliquées. Celles-ci  sont  remarquablement  représentées  à  ce  point  de vue  par  le  Peachia  dont  le  disque  oro-tentaculaire  a  été  com- paré par  A.  Sedgwick  au  blastopore  en  fente  du  Peripatus. Cette  Actinie  qui  possède  seulement  douze  cloisons  complètes et  un  syphonogiyplie  dont  les  dimensions  sont  singulièrement développées  (1895,  pi.  IX  et  pi.  XII),  et  lequel,  ainsi  que  je l'ai  exposé  (1903),  est  constitué  par  la  gouttière  ventrale  pri- mitive de  l'embryon,  me  paraît,  entre  toutes  les  Hexactinies, celle  dont  l'étude  embryogénique  permettrait  le  mieux  de résoudre  bien  des  faits  que  le  présent  travail  n'a  pu  éclaircir. Au  début  du  stade  8,  alors  que  la  région  dorsale  est  plus  dé- veloppée ([ue  la  région  ventrale  et  que  le  pharynx  est  encore  en contact  avec  la  paroi  du  corps,  la  symétrie  n'est  ni  radiaire,  ni biradiaire  ;  elle  est  uniquement  bi-latérale  comme  chez  les Artiozoaires.  Il  y  a  deux  côtés  distincts  l'un  de  l'autre  que  l'on peut  désigner  conventionnellement  sous  les  noms  de  gauche  et droit,  puisque  l'une  des  extrémités  de  l'axe  qui  passe  entre  les cloisons  de  direction  est  spécialisée  par  la  présence  du  pharynx excentrique.  En  outre,  non  seulement  les  couples  ne  rayonnent pas  autour  de  l'axe  longitudinal  du  corps,  mais  les  huit  cloi- sons ne  se  répètent  pas  toutes  exactement  à  la  même  hauteur le  long  de  cet  axe.  Deux  couples  1-1  et  3-3  se  montrent  à deux  niveaux  différents. Les  quatre  premiers  couples  sont  distribués  en  ligne,  les  uns à  la  suite  des  autres.  Il  y  aurait  là  peut-être  une  véritable  méta- mérisation,  si  on  admet  que  les  quatre  couples  résultent d'autant  de  plissements  du  mésoderme  ;  car  on  sait  (Ch.  Sedg- wick-Minot)  que  des  répétitions  sériales  d'organes  ectodermi ques  ou  endodermiques  sans  segments  mésodermaux  ne  consti tuent  pas,  morphologiquement,  une  métamérisation. 368  L.  FAUROT INDEX  BIBLIOaRAPHIQUE 1880.     Andres  (A.).  Iiitorno  aWEdwardsia  Claparedii.  {Atti  B.  Acad. lÂncei.)  Eoiiia. 1900.  Appellôf.  Studien  iiber  Aktinien-Entwicklung.  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XIII.) 1903.  —     Développement  du  pharynx,    des  couples,    des    paires  de cloisons.  [Arcli..  zool.  exp.  (4)  vol.  I,  p.  359-399,  pi.  XII-XV.) 1887.     Gœtte  (A.).  Entwicklungsgeschichte  der  Aurélia  aurita,  Coty- lorhyza tuberculata.  Leipzig. 1897.     —     Einiges  iiber  die  Entwicklung  'der  Scyphopolypen.  (Zeitsch fur  wiss  Zool.  Dd  LXIII.) 1879.     JouRDAN.    Recherches    anatomiques   et    histologiques    sur    les Zoanthaires. 1900.     Hein  (W.).   Untersuchung  iiber  die  Entwicklung  von  Aurélia aurita.  {Zeitsch.  fur  wiss  Zool.  Bd  LXVII.) 1902.     —     Bemerkungen  zur  Scyphomedusen.   (Zool.  auz.    Bd    XXV, p.   637-645.) 1873.     Kowalesky.   Extrait  des  observations  sur  l'embryogénie  des Cœlentérés.  Traduit  du  russe  par  Mari  on 1884.     —     Zur  Entwicklungsgeschichte  der    Lucernaria.    (Zool    anz. Bd  VII,  p.  712-717.) 1872.     Lacaze-Duthiers  (de).  Développement  des  Coralliaires.  (Arch. zool.  exp.,  vol.  I.) DEVELOPPEMENT    DES   HEXACTINIES  369 1884.  MuLLER  (G.).  Zur  morphologie  der  Scheidewande  bei  einigen Palythoa  und  Zoauthus.   Heidelberg. 1891.  MuRBiCH  (J.  Pl.  me).  Contributions  on  the  morphology  of  the Actinozoa.  Philogeny  of  the  Actinozoa.  (Journ.  of  Mor- phology, vol.   IV.) 1900.     Kay  Lankaster.  A  treatise  of  Zoology  Gœlenteraia.  London. 1884.  Sedgwick  (A.).  On  the  origin  of  metameric  segmentation.  Qua- terly.  Journal. 1888.  WiLSON  (H.-V.).  On  the  Development  of  Manicina  areolata. (Journ.  of  Morphology.  Vol.  II,  n"  2.) EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE  IV (Ces  figures  sont  faites  d'après  des  préparations  d'embryons  de  Sagartia  parasitica.  L'examen des  coupes  d'embryons  d'Adamsia  palliata  ne  m'a  montré  aucune  différence  embryogénique importante.) FiG.   1.  Segmentation  irrégulière. FlG.  2  et  3.  Coupes  à  travers  deux  blastula. FiG.  4.    Blastula  entière  à  la  même  période  (lue  2  et  3. FiG.    5.   Coupe  d'une  planula.    Les  prolongements  en  culs  de  sacs  n'ont  pas  de  parois  bien distinctes  comme  sur  cette  figure.  A  l'intérieur,  coupe  transversale  d'un  second orifice. FiG.   6.   Gastrula.  Les  globules  lécithiques  n'ont  pas  encore  été  absorbés  complètement. FiG.   7.    Formation  du  plissement  au-dessous  du  blastopore. FiG.   8.   Coupe  d'un  embryon  plus  âgé.  Les  cellules  lécithiques  réapparaissent  dans  la  cavité. Coupe  suivant  le  plan  dorso-ventral. FiG.   9  à  13.  Coupes  à  intervalles  espacés  entre  le  pôle  oral  et  le  pôle  aboral.  En  lu  une  des cloisons  du  couple  2-2.  En  11  une  des  cloisons  du  couple  1-1.  En  12  et  13,  couple  1-1. FiG.    14  à  20.   Coupes  eœdem.  Embryon  plus  jeune  que  le  précédent.  Une  seule  cloison  1  est apparue  en   17. ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV«  Série,  Tome  VI,  p.  371  à  488 15  Mai  1907 BIOSPÉOLOGICA ESSAI SUR  LES  PROBLÈMES  BIDSPÉOLOI]"^'"'^^' EMILE   r,.  UACOVITZA Sons-Dircrteiir  du   Laljnratoire  Araço  (B.Miiyiils-sur-Mer). TABLE  BES  MATIÈRES Pases Avant-Propos ^'- QrELQUES  CONSIDÉRATIONS  SUR  LES  PROBLÈMES  BIOSPÉOLOGIQUES 3*3 I.  Etendue  tlu  domaine  souterrain ^^'^ II.  Conditions  d'existence  que  présente  le  domaine  souterrain 390 III.  Influence  exercée  par  ces  conditions  d'existence  sur  les  Cavernicoles iOO IV.  Caractères  des  Cavernicoles '-'' V.  Rapports  de  la  faune  cavernicole  avec  les  autres  faunes ^27 VI.  Classification  des  Cavernicoles ,. ''^^ VII.  Composition  de  la  faune  et  de  la  flore  cavernicole 438 VIII.  Modalités  de  l'évolution  des  Cavernicoles ''^0 X.  Distribution  géographique  des  Cavernicoles '*''8 X.  Origine  des  Cavernicoles '"* XI.  Mode  de  peuplement  du  domaine  souterrain. ^"^^ XII.  Epoque  de  peuplement  du  domaine  souterrain   et   ancienneté   des  Caver- ,                                                                                                            .  't6l nicoles XIII.  Modification    et  destruction    du  domaine    souterrain    et   sort    des   Caver- nicoles         '"  ^ ISA AUTEURS  CITÉS ARCU.  DE   ZOOL.    EXP.    ET    GÉN. —    .'j"  SÉRIE.    —T.    VI.    —   (vn).  27 ;n-2  EMILE   G.  RACOMTZA AVANT-PROPOS En  1904,  le  v.ixx'ur  du  l:il)onitoire  Arago,  le  «  KoImikI  »,  cIToc- tuait  des  reeherclies  océanographiques  aux  Baléares  sons  la direction  de  M.  Pruvot  et  avec  le  concours  de  M.  Odon  de  Buen, professeur  à  l'Université  de  Barcelone.  Quelques  joins  devaient être  distraits  du  temps  consacré  aux  recherches  marines  pour l'exploration  des  célèbres  grottes  du  Drach,  de  Majorque. Effectivement,  le  15  juillet  le  bateau  mouillait  à  T*orto-(lristo et  le  lendemain  nous  étions  dans  la  Oieva  del  Drach.  Trois jours  de  chasse  me  fournirent  un  certain  nombre  de  Caverni- coles, aussi  bien  terrestres  que  d'eau  douce.  Parmi  ces  derniers, un  Isopode,  aveugle,  incolore,  pourvu  de  longs  appendices,  me frappa  surtout  par  sa  ressemblance  avec  des  formes  marines. Son  étude  approfondie  me  montra  qu'il  appartenait  à  la  famille des  Cirolanides  et  je  le  décrivis  (1905)  sous  le  nom  de  Typhlo- cirolana  Moraguesi.  n.  g.,  n.  sp. La  présence  de  ce  Crustacé  à  parents  marins  dans  les  eaux douces  de  la  grotte,  les  caractères  qui  le  différenciaient  des Cirolanes  lucicoles,  l'empreinte  si  forte  du  milieu  obscur  sur toute  son  organisation,  suscitèrent  dans  mon  esprit  nombre  de questions  qui  me  paraissaient  du  plus  haut  intérêt. Je  me  suis  mis  à  rechercher  leur  solution  dans  les  œuvres  de mes  confrères  et  je  me  suis  adressé  en  premier  lieu  aux  traités de  biogéographie.  J'ai  consulté  les  ouvrages  les  plus  nouveaux comme  les  plus  anciens  (Schmarda,  Heilprin,  Wallace, Trouessart,  Beddard,  Kirchhoff,  Jacoby,  Kobelt,  Eatzel, etc.)  et  j'ai  constaté,  avec  étonnement,  que  la  plupart  ne  men- tionnaient même  pas  les  êtres  cavernicoles  et  que  les  autres  s'en débarrassaient  en  peu  de  mots,  non  toutefois  sans  faire  ressortir l'insignifiance  de  cet  «  habitat  »  et  la  faible  importance  de  sa faune.  Une  phrase  de  Eatzel  (1902,  p.  588)  exprime  bien  cette manière  de  voir  qui  est  générale  chez  les  biogéographes  :  Zu LES   PROBLÈMES   BIOSPÉOLOGIOTiES  37:i den  Zersplitterten  iind  Zusammengesohrumpften  Lebensrâumen gehôreii  endlich  aiicli  die  Eelikteuseen und  die Hôhlentier nnd  Holilenpflanzeuwelt. Le  domaine  souterrain  serait  donc  aussi  insignifiant  par  le peu  d'espace  qu'il  occupe  sur  terre  que  par  le  faible  nombre des  êtres  qui  l'habitent  ;  ce  ne  serait  qu'une  sorte  de  «  bizarrerie  » de  la  nature.  Or,  il  n'est  pas  d'idée  plus  fausse  ! Revenu  bredouille  de  cette  chasse  aux  renseignements  dans les  traités,  je  me  suis  rabattu  sur  les  mémoires  des  spécialistes  ; d'abord,  naturellement,  sur  les  travaux  d'ensemble  (Packard, Hamman,  Viré,  Ohilton,  Joseph,  etc.)  puis  sur  les  travaux spéciaux.  Ce  fut  long,  car  les  publications  ne  manquent  pas  sur le  sujet  ;  et  je  m'arrêtai  non  point  faute  de  «  munitions  «  —  je suis  loin  d'avoir  consulté  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  Caver- nicoles —  mais  parce  que  je  suis  arrivé  à  la  conviction  que  je ne  trouverais  pas  de  réponse  précise  à  mes  questions  et  parce que  je  suis  sorti  de  ces  lectures  littéralement  affolé.  Dans  aucune des  questions  que  mes  études  professionnelles  m'ont  incité  à approfondir,  je  n'ai  encore  constaté  semblables  incertitudes  et contradictions,  pareil  enchevêtrement  de  faits  bien  observés, d'hypothèses  injustifiées,  de  suppositions  légitimes,  d'erreurs manifestes,  d'observations  non  contrôlées,  de  généralisations hâtives,  en  un  mot,  pareil  chaos  inextricable  de  faits,  de  théo- ries et  d'erreurs. Les  confrères  qui  ne  sont  pas  au  courant  de  ces  questions pourraient  me  taxer  d'exagération,  et  attribuer  mon  affolement à  une  cause  subjective  ;  je  vais  leur  démontrer  que  cette  cause est  objective  en  citant,  au  hasard  du  souvenir,  un  certain  nombre de  ces  opinions  contradictoires,  erïeurs  manifestes  et  théories justifiées  ou  non,  avec  le  manque  d'ordre  dans  lequel  elles  sont consignées  dans  les  mémoires  des  spécialistes. La  vie  à  l'obscurité  complète  produit  nécessairement  la  cécité (Packard).  La  cécité  n'est  pas  produite  nécessairement  par  la vie  à  l'obscurité  complète  (Semper).  Il  est  impossible  que  l'obs- curité soit  la  cause  efficiente  de  la  cécité  qui  doit  être  produite 374  EMILE    G.  RACOVITZA par  des  facteurs  inconnus  (Hamman).  Les  grottes  ne  sont  pas complètement  obscures,  ce  qui  explique  la  prévSence  de  Caver- nicoles jwurvus  d'yeux  (Hamman).  Il  règne  une  obscurité  com- plète dans  les  grottes  profondes  (Verhoeff). Les  Cavernicoles  actuellement  aveugles  ont  perdu  leurs  yeux après  leur  immigration  dans  les  grottes  (Packard,  Viré).  Les Cavernicoles  aveugles  descendent  de  formes  lucicoles  déjà aveugles  ou  à  yeux  rudimentaires  (Eigenmann).  L'œil  disparaît par  arrêt  de  développement  (Kohl),  par  dégénérescence  pliyle- tique  (Eigenmann),  par  atrophie  (Packard).  Les  caractères spéciaux  des  Cavernicoles  furent  acquis  par  évolution  lente (Darwin),  par  évolution  rapide  (Packard),  par  variations brusques  (Eigeniviann).  «  Dès  qu'un  animal  est  soumis  au régime  de  l'obscurité,  ses  organes  se  modifient,  et  cela  dès  la première  génération  »  (Viré,  1899,  p.  113,  lignes  11).  On  voit  les types  changer  peu  à  peu  «  par  une  suite  de  transitions  absolu- ment graduelles  »  (le  même  Viré,  1899,  p.  113,  ligne  20). La  lutte  pour  l'existence  est  nulle  dans  les  grottes  (Darwin, Packard)  ;  elle  est  très  violente  (Chilton,  Verhoeff,  etc.). L'adaptation  des  êtres  à  la  vie  cavernicole  est  due  à  l'hérédité des  caractères  acquis  par  usage  ou  non  usage  (Packard);  à  la sélection  naturelle  :  les  individus  à  mauvaise  vue  seuls  sont restés  dans  les  grottes,  les  autres  ont  regagné  les  espaces  éclairés (Lankester)  ;  à  la  panmixie  combinée  avec  la  sélection  natu- relle (Chilton);  à  la  sélection  économique  (lutte  des  parties  de l'organisme  de  Eoux)  (Lendenfeld). Le  milieu  biologique  des  cavernes  ne  diiïère  essentiellement du  milieu  biologique  de  la  surface  que  par  l'absence  de  lumière  » (Viré).  Il  en  diffère  par  la  température  constante,  par  l'humi- dité, par  le  manque  de  végétaux,  par  la  pénurie  de  nourriture et  par  l'absence  de  lutte  pour  la  vie  (Packard), La  faune  cavernicole  actuelle  est  d'origine  récente  (Packard, Peyerimhoff,  Chilton).  Elle  est  en  grande  partie  le  repré- sentant d'une  faune  antérieure  éteinte  ou  plus  cosmopolite (Lendenfeld).  Sauf  faibles  exceptions  il  n'est  «  pour  ainsi  dire LES   PROBLEMES   BrOSPEOLOGlOTÎES  375 aiicuiic  espèce  souterraine   qui   n'ait   à   la  surface  une   espèce analogue  »  (Viré). Faut -il  citer  encore  !  La  faune  cavernicole  est  très  pauvre (Packard,  Ohilton).  «  Il  n'est  pas  un  point  du  sous-sol  de notre  globe  qui.  à  l'égal  de  la  surface,  ne  soit  abondamment peuplé  d'une  faune  riche  et  variée  »  (Viré). La  nourritvire  est  rare  dans  les  grottes  et  l'on  se  demande souvent  comment  des  Cavernicoles  peuvent  y  trouver  leur subsistance  (le  même  Viré,  Packard,  Carpenter).  Les  ruis- seaux souterrains  entraînent  beaucoup  de  nourriture  (le  même Viré).  Les  Cavernicoles  ne  doivent  pas  avoir  plus  de  difficulté à  se  procurer  de  la  nourriture  que  les  lucicoles  (Hamman).  La famine  doit  être  la  condition  normale  de  la  vie  dans  les  grottes  ; peut-être  provoque-t-elle  une  sorte  de  sommeil  analogue  au sommeil  des  jeûneurs  (Verhoeff). «  Les  cavernicoles...  sont  les  descendants  modifiés  d'animaux de  la  surface  du  sol  entraînés  accidentellement  sous  terre  » (Viré).  Les  cavernicoles  actuels  sont  volontairement  entrés  dans les  grottes  (Garman,  Eigenmann).  La  faune  cavernicole  pro- vient d'individus  entraînés  accidentellement  de  la  surface  ou entrant  sous  terre  volontairement  par  de  grandes  ouvertures  » (le  même  Viré). Parmi  les  cavernicoles  il  n'y  a  pas  de  vrais  herbivores  (Pac- kard, etc.).  Le  tube  digestif  des  Niphargus  subit  des  transfor- mations qui  le  rapprochent  du  type  herbivore  (Viré).  La  lumière tue  les  Niphargus  cavernicoles  (Bâte  et  Westwood).  Ils  se portent  très  bien  à  la  lumière  (Viré),  etc.,  etc. Même  la  nonu^nclature  des  Cavernicoles  a  subi  les  îilteintes de  cette  anarchie.  Si  vous  vous  adressez  aux  Crustacés  vous apprendrez  que  SpJmeromides  Dollfus  n'est  pas  un  Sphaeromien mais  un  Cirolanide,  que  Gaecidotea  Packard  n'a  rien  à  voir  avec les  Idotées,  car  c'est  un  vulgaire  Aselle.  Vous  croyez  peut-être que  Palemonias  ïïay  est  une  honnête  Crevette  "?  Détrompez- vous,  c'est  un  Atyde. Savez-vous  pourquoi  furent  créés  les  noms  de  Gaecidotea  et 37fi  EMILE    G.  RACOVITZA Orconectes  ?  Le  premier  pour  séparer  deux  formes  vivant  au même  endroit,  et  souvent  ensemble,  qui  ne  dilïèrent  que  par la  longueur  du  corps  et  des  appendices  ;  le  second,  pour  distin- guer deux  vrais  Camharus  cavernicoles  de  Cambarus  lucicoles vivant  dans  la  même  région,  et  pour  réunir  ces  deux  formes  qui manifestement  dérivent  de  deux  Cambarus  superficiels  tout  à fait  différents.  Cela  parait  absurde  et  cependant  c'est  expliqué tout  au  long  dans  Packard  (1899,  p.  121  et  suiv.). Je  pense  que  ces  exemples  suffisent.  Les  amateurs  pourront d'ailleurs  puiser  à  pleines  mains  de  ces  «  crocodiles  »  dans  le marécage  biospéologi(iue  ;  je  n'ai  certes  pas  épuisé  le  gisement. A  ce  premier  sentiment,  donc  fort  légitime,  que  j'ai  qualifié plus  haut,  succéda  un  autre  aussi  justifié  mais  dont  l'aveu  est moins  honorable  !  J'eus  réellement  peur  de  la  biospéologie  et de  ses  effarantes  arcanes  ;  et  j'hésitai  longtemps  avant  de  me lancer  dans  une  mêlée  aussi  désordonnée  où  tant  de  confrères luttent  avec  ardeiir. La  peur  des  coups  est  le  commencement  de  la  sagesse,  dit-on, mais  l'occasion  s'offrit  à  moi  de  visiter  d'autres  cavernes,  de récolter  d'autres  êtres  cavernicoles  ;  de  plus  la  lecture  des  pas- sionnants récits  de  Martel  changea  ma  sage  prudence  en  folle témérité.  Me  voilà  donc  lancé  en  pleine  bataille,  et  s'il  m'arrive d'y  laisser  des  plumes,  comme  certains  biospéologistes  notoires, ce  ne  sera  pas  faute  d'avoir  ignoré  le  péril.  Je  ne  me  dissimule point  cette  circonstance  aggTavante. Il  faut  donc  se  mettre  à  l'œuvre  et  la  première  chose  à  faire est,  naturellement,  d'examiner  quelles  sont  les  raisons  de  cet état  anarchique  dans  lequel  se  trouve  la  biospéologie. Ces  raisons  sont  très  certainement  multiples. D'abord  les  difficultés  inhérentes  au  sujet.  L'accès  des  grottes et  leur  exploration  n'est  souvent  pas  facile  ;  il  faut,  en  bien  des cas,  réveiller  le  vieux  fond  d'hérédité  simiesque  qui  gît  en  nous pour  grimper  aux  parois  ou  descendre  le  long  d'une  corde.  Tout cela  ne  se  passe  pas  sans  perte  de  temps  et  sans  frais  considé- LES   PROBLEMES   BTOSPEOLOGIQUES  377 râbles.  De  plus,  la  chasse  aux  Cavernicoles  présente  des  diffi- cultés que  nos  confrères  qui  chassent  le  Lucicole  ignorent.  Et certes,  une  observation  faite  dans  les  grottes  devrait,  comme  les années  de  campagne,  compter  double. On  est  frappé  ensuite  du  faible  nombre  des  observations,  de la  pénurie  d'expériences  et  des  lacunes  considérables  qui  doi- vent exister  dans  nos  connaissances  sur  la  faune  et  la  flore souterraines.  Les  théories  nombreuses  et  contradictoires  ne sont,  d'ailleurs,  possibles  que  lorsqu'il  s'agit  d'un  sujet  peu étudié  ;  on  n'est  pas  arrêté  par  des  faits  gênants,  et  on  peut laisser  libre  cours  à  une  imagination  toujours  trop  fertile.  La même  chose  s'est  produite  pour  toutes  les  sciences  dans  leur commencement;  pour  rester  dans  le  voisinage  de  notre  sujet, citons  comme  exemple  la  spéologie  physique,  science  qui  sort à  peine  de  cet  état  nébuleux  propice  aux  théories.  Et  si  la  spéo- logie, toute  jeune  pourtant,  a  dépassé  ce  stade  embryonnaire, c'est  uniquement  à  cause  de  nombreux  faits  que  d'intrépides savants  ont  su  accumuler  en  un  laps  de  temps  étonnamment court.  Ces  faits,  groupés  en  ordre  logique,  ont  renversé  bien d'orgueilleuses  théories,  ont  limité  le  champ  des  hypothèses  et ont  permis  des  généralisations  légitimes  et  fructueuses. Nous  n'en  sommes  pas  encore  là  en  biospéologie  !  Un  faible stock  d'observations,  quelquefois  sujettes  à  caution,  souvent non  contrôlées,  la  plupart  datant  de  loin,  servent,  armes  fort ébréchées  et  toujours  les  mêmes,  dans  les  combats  des  théori- ciens. Ainsi  la  dramatique  histoire  de  la  poursuite  du  Lepto- derus  aveugle  par  un  Chernète  également  privé  d'yeux,  contée jadis  par  Khevenhueller,  est  fidèlement  rapportée  dans  les mémoires  les  plus  récents,  sans  que  personne  se  soit  donné  la peine  de  la  soumettre  au  contrôle  de  l'observation.  Car  enfin les  Leptoderus  sont  de  taille  à  se  défendre  contre  un  Chernète, fût -il  aveugle  ! L'expérimentation  est  tout  indiquée  dans  un  grand  nombre de  questions  biospéologiques.  Fort  peu  de  naturalistes  l'ont cependant  tentée.  C'est  un  des  mérites  de  Viré,  et  non  des  moin- 378  EMILE    G.  RACOVITZA cires,  d'avoir  fondé  le  premier  «  laboratoire  des  catacombes  »  et d'avoir  repris  les  expériences  plutôt  sommaires  de  Fries.  Jus- qu'à présent,  les  résultats  obtenus  ont  confirmé  ce  que  l'obser- vation permettait  de  prévoir,  mais  on  ignore  encore  ce  que pourrait  fournir  une  expérimentation  rigoureuse,  s'attaquant aux  détails  plus  intimes  des  transformations  biologiques. Tout  darwiniste  qui  se  respecte  consacre  un  chapitre  de l'exposé  de  sa  doctrine  aux  lacunes  que  présente  la  connais- sance des  faunes  fossiles.  Avec  combien  plus  de  raison  le  bios- péologiste  ne  ])ourra,it-il  pas  insérer  un  «  Chapitre  des  lacunes  », aussi  bien  fossiles  (qu'actuelles,  dans  l'exposé  de  son  embryon- naire science  !  On  ne  connaît  aucune  forme  fossile  qui  puisse passer  pour  cavernicole  (voir  pourtant  p.  472),  et  on  ne  connaît que  l'infime  partie  des  êtres  cavernicoles  actuels.  En  effet,  en dehors  de  l' Au  triche-Hongrie,  de  la  France,  de  l'Allemagne,  des Etats-Unis  d'Amérique,  de  la  Nouvelle-Zélande,  un  peu  de l'Espagne  et  un  peu  plus  de  l'Italie  et  de  la  Suisse,  quels  sont les  pays  explorés  à  ce  point  de  vue  f  Quelques  localités  isolées par-ci  par-là. On  sait  aussi  qu'il  suffit  de  fouiller  soigneusement  une  grotte pour  trouver  des  formes  nouvelles,  et  l'on  connaît  des  décou- vertes intéressantes  faites  en  ces  dernières  années  dans  les régions  les  plus  classiques.  Certains  groupes  d'animaux  ont  été complètement  négligés,  et  les  Coléoptères  seuls  sont  mieux connus,  grâce  aux  actives  recherches  des  spécialistes  très  nom- breux qui  collectionnent  ces  Insectes. De  plus,  l'étude  de  la  faune  des  eaux  souterraines  n'est  acti- vement menée  que  depuis  quelques  années  ! Il  est  donc  certain  que  l'inventaire  des  êtres  cavernicoles  est bien  incomplet. Aux  raisons  que  je  viens  d'énumérer  il  convient  d'en  ajouter d'autres  d'un  ordre  différent.  Les  auteurs  qui  se  sont  occupés de  la  question  se  sont  trop  hâtés  de  généraliser  et,  quelque  osée que  puisse  paraître  mon  affirmation,  ils  ne  se  sont  pas  toujours rendu  compte  de  la  différence  qu'il  y  a  entre  le  nom  qui  désigne LES   PROBLÈMES    BIOSPÉOLOGIOUES  379 une  chose  et  la  chose  elle-même.  Bien  souvent  on  a,  raisonné sur  les  mots  et  non  sur  ce  que  ces  mots  sont  censés  repré- senter. Un  exemple  fera  mieux  comprendre  ce  que  je  veux  dire. Prenons  le  mot  :  Cavernicole. Un  spécialiste  constate  que  les  Cavernicoles  de  son  groupe sont  incolores  ou  plus  pâles  que  leurs  proches  parents  lucicoles. Il  déclare  aussitôt  que  la  faune  cavernicole  se  distingue  de  la lucicole  par  la  décoloration  des  tégnments  due  à  la  disparition du  pigment  sous  l'influence  de  l'obscurité.  Mais  l'on  découvre d'autres  Cavernicoles  qui  sont  colorés  ;  immédiatement  on  se met  à  bâtir  des  théories  et  à  faire  des  suppositions  variées.  On suppose  que  les  grottes  ne  sont  pas  complètement  obscures  ;  on suppose  que  les  Cavernicoles  en  question  habitent  les  entrées des  grottes  ;  on  déclare  qu'ils  n'ont  point  adopté  la  vie  souter- raine depuis  assez  longtemps.  On  fait  intervenir  la  panmixie, etc.,  etc.  On  cherche  à  étayer  chacune  de  ces  suppositions  et théories,  par  des  observations  puisées  au  hasard  dans  les  auteurs, par  des  suppositions  nouvelles  et  par  d'autres  théories.  Cela donne  naissance  à  d'autres  centres  d'attraction  pour  de  nou- velles hypothèses  et  suppositions,  et  l'écheveau  s'embrouille inextricablement. Et  tout  cela  pour  ne  s'être  pas  rendu  compte  de  la  valeur réelle  des  mots  !  En  effet,  reprenons  la  chose  dès  le  commen- cement Que  signifie  le  mot  :  Cavernicoles  ?  Uniquement  ceci  :  êtres vivant  dans  le  domaine  souterrain.  La  seule  chose  que  ces  êtres ont  de  commun  entre  eux  c'est  leur  habitat.  La  faune  caver- nicole est,  en  effet,  un  mélange  absolument  hétérogène  de  formes très  différentes,  par  l'origine,  par  les  aptitudes  héréditaires,  par le  degré  d'organisation,  par  l'époque  d'immigration  dans  les cavernes,  etc.,  etc.  Par  conséquent,  on  doit  s'attendre  à  trouver une  diversité  et  non  une  uniformité  d'action  :  l'influence  de  la vie  obscuricole  doit  produire  des  effets  différents  sur  les  diffé- rentes unités  qui  composent  cette  faune.  Il  faut  donc  se  méfier. 380  EMILE    G.   RACOVTTZA a  priori,  des  généralisations,  étudier  chaque  espèce  en  parti- culier, et  ne  généraliser  qu'après  un  travail  coni])let  d'analyses minutieuses. Une  confusion  analogue  s'est  produite  à  piopos  du  mot  : coloration.  Qualifier  un  animal  de  coloré,  cela  signilie  simple- ment que  ses  téguments  exercent  une  influence  quelconque  sur les  rayons  lumineux,  cela  ne  donne  en  aucune  façon  la  raison de  cette  influence.  On  a  même  confondu  couleur  avec  pigment  ; or  l'on  sait  qu'il  y  a  des  colorations  non  pigmentaires.  Le  mot pigment,  à  sou  tour,  signifie  uniquement  substance  colorée  qui se  loge  dans  un  tissu.  IL  ne  signifie  nullement  que  ces  substances sont  chimiquement  et  physiquement  identiques.  On  sait,  au contraire,  que  les  pigments  sont  de  natures  très  diiïéreutes  et qu'ils  réagissent  très  diversement  sous  l'influence  des  agents physiques  et  chimiques. Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  certains  Cavernicoles  aient conservé  leur  coloration  ;  c'est  le  fait  contraire  qui  devrait ])lutôt  sembler  curieux.  Si  l'on  veut  serrer  la  question  de  près, il  faut  avant  tout  étudier  la  nature  de  cette  coloration,  si  elle peut  ou  non  de  par  sa  constitution  être  influencée  par  la  lumière. Or,  cette  étude  n'a  jamais  été  faite  pour  aucun  Cavernicole.  On a  préféré  se  lancer  dans  des  suppositions  hasardées  et  des  théo- ries nébuleuses. Ce  que  je  viens  de  dire  à  propos  de  la  coloration  s'applique aussi  aux  autres  questions  et  problèmes  que  soulève  la  biologie des  Cavernicoles  :  effet  de  l'obscurité  sur  les  yeux,  ancienneté des  Cavernicoles,  modifications  dans  les  organes  sensitifs,  etc. Trop  souvent  on  constate  une  généralisation  hâtive  de  déduc- tions basées  sur  la  ressemblance  des  mots  et  non  sur  la  vi'aie nature  des  choses  que  ces  mots  représentent. Voilà,  à  mon  avis,  les  raisons  qui  paraissent  expliquer  sufli- samment  l'état  dans  lequel  se  trouve  actuellement  la  biospéo- logie.  Cette  sommaire  enquête,  en  montrant  ces  raisons,  indique aussi  les  écueils  à  éviter  et  la  direction  qu'il  faut  donner  aux recherches  futures. LES   PROBLEMES   BIOSPEnLOGlQUES  381 Le  programme  de  ces  reclierches  peut  donc,  me  semble-t-il, se  formuler  ain.si  : Il  est  impossible  de  faire  œuvre  synthétique  actuellement; les  généralisations  trop  vastes  sont  prématurées,  et  ce  n'est point  faire  œuvre  utile  ({ue  de  bâtir  des  théories  générales. Il  faut  procéder  par  analyse,  c'est-à-dire  s'attacher  à  la  mono- graphie de  petits  groupes,  faire  leur  revision  systématique, étudier  leurs  affinités,  leurs  origines,  leur  biologie,  etc.,  afin d'avoir  des  points  d'appui  solides  pour  déterminer  leur  histoire spéologique. Il  faut  instituer  une  expérimentation  rigoureuse  avec  des sujets  d'expérience  bien  étudiés. Et,  avant  tout,  il  faut  fouiller  le  plus  de  grottes  possible, dans  les  régions  les  plus  diverses,  pour  combler  au  moins  en partie  les  lacunes  considérables  que  présente  la  connaissance de  la  faune  et  de  la  flore  cavernicole. Peu  de  mots  suffiront  pour  indiquer  comment  j'ai  essayé  de me  rendre  utile  dans  l'accomplissement  de  ce  vaste  programme, qui  demandera  de  longues  années  d'efforts  et  le  concours  d'un grand  nombre  de  naturalistes. Je  me  suis  d'abord  assuré  la  collaboration  d'un  jeune  et  actif naturaliste,  M.  René  Jeannel.  Tous  nos  moments  disponibles seront  consacrés  à  l'examen  des  grottes,  de  préférence  dans  les régions  encore  inexplorées  au  point  de  vue  biospéologique.  Le matériel  rapporté,  et  trié  par  nos  soins,  sera  confié  aux  spécia- listes. Les  résultats  de  ces  recherches  seront  publiés  dans  ces Archives,  par  séries,  sous  la  signature  de  leurs  auteurs,  mais sous  le  titre  commun  :  Biospéologica  (1).  Ce  titre  est  fort  peu Le  mot  :  Spéléologie,  créé  par  E.  Rivière,  est  généralement  employé  pour  désigner  la science  des  cavernes.  Martel  (1894)  l'adopte  et  il  ajoute  :  «  On  a  proposé  aussi  le  mot  plus simple  de  Spéologie  (L.  de  Nussac,  Essai  de  Spéologie,  Brive,  8»,  1892)  ;  plus  harmonieux,  il est  moins  exact,  car  les  Grecs  désignaient  par  Cïïéoç  les  ejccavations  artificielles  des  tombes  ou temples  égyptiens  ».  Il  me  semble  cependant  plus  avantageux  d'employer  un  mot  facile  et harmonieux  qu'un  mot  cacophonique,  même  si  le  premier  est  étymologiquement  moins  correct. Somme  toute,  la  nomenclature  a  un  but  pratique,  et  bien  rares  sont  les  noms  qui  définissent exactement  l'objet  d'une  science  ;  ce  n'est  d'ailleurs  pas  le  cas  pour  :  spéléologie,  car  si  cette science  s'occupe  des  cavernes  elle  s'occupe  aussi  des  choses  qui  ne  sont  pas  des  cavernes. J'adopte  donc  Spéologie. 382  EMILE    G.   RACOVITZA harmonieux,  j'en  conviens,  mais  comme  il  est  destiné  unique- ment à  montrer  que  les  différents  mémoires  font  partie  d'un même  ensemble  de  recherches,  je  l'ai  choisi  court  pour  faciliter les  notations  bibliographiques. Pour  permettre  l'apparition  rapide  des  résultats  de  ces  études, il  a  été  décidé  que  les  mémoires  des  spécialistes  seraient  publiés au  fur  et  à  mesure  de  leur  envoi  à  la  Direction  des  Archives, sans  qu'il  soit  tenu  compte  ni  de  la  date  à  laquelle  ont  été  effec- tuées les  récoltes  des  matériaux  qui  y  sont  décrits,  ni  de  l'ordre de  classification  zoologique  et  botanique. îsTous  publierons  de  temps  en  temps  l'énumération  des  grottes visitées,  avec  une  description  sommaire  de  chacune,  en  insistant surtout  sur  les  points  qui  peuvent  influencer  la  biologie  des Cavernicoles.  Nous  ramasserons,  dans  les  grottes,  tout  ce  que nous  pourrons  trouver,  sans  faire  de  choix,  car  il  est  utile  pour l'instant  de  faire  l'inventaire  aussi  complet  que  possible  du domaine  souterrain.  On  verra  ensuite  ce  qui  lui  appartient  en propre Certes,  les  recherches  suivies  faites  dans  la  même  grotte  sont très  utiles  ;  mais  dans  l'état  actuel  de  la  biospéologie,  les  recher- ches «  extensives  »  sont  plus  nécessaires  que  les  recherches  «  in- tensives »,  s'il  m'est  permis  d'employer  ces  termes  usités  en agriculture.  ISTous  visiterons  donc  le  plus  de  pays  possible. LES  PROBLÈMES  BIOSPEOLOGIQUES  383 QUFJ/jUES  CONSIDÉRATIONS  SUR  LES  PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES La  révision  complète  des  idées  qui  ont  été  émises  sur  la biologie  des  Cavernicoles  demanderait  beaucoup  de  travail, mais  il  résulte  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  que  le  profit  qu'on l)Ourrait  en  tirer  serait  médiocre.  Nous  avons  un  besoin  pressant de  l'echerches  de  détails  et,  pour  l'instant,  l'idée  <loit  céder  le pas  au  fait. Il  m'a  semblé  néanmoins  que,  si  l'on  ne  peut  encore  résoudre les  problèmes  biospéologiques,  il  est  utile  de  les  poser  clairement et  d'établir  de  l'ordre  dans  leur  exposé  ;  c'est  ce  que  j'ai  essayé de  faire  ])our  quelques-uns  dans  les  pages  suivantes. I.  —  L'étendue  du  domaine  souterrain. Le  domaine  (1)  souterrain,  en  tant  que  domaine  vital  ou lia])itat  des  Etres  cavernicoles  est-il  réellement  si  restreint  et insignifiant  que  le  disent  les  Biogéographes  *?  Je  pense  qu'il faut  très  résolument  répondre  d'une  façon  négative.  L'idée  qui règne  à  ce  sujet  dans  la  biogéographie  date  d'il  y  a  une  tren- taine d'années,  quand  la  Spéologie  physique  était  dans  l'enfance  ; c'est  un  héritage  qui  a  été  accepté  sans  bénéfice  d'inventaire. Examinons,  en  effet,  de  quoi  se  compose  le  domaine  souterrain qui  se  prête  aux  manifestations  de  la  vie. 1°  Les  grottes  accessibles  a  l'homme.  —  Ce  sont  les  pre- mières dont  on  ait  eu  connaissance  et  pendant  longtemps  ce furent  les  seules  qui  ont  été  prises  eh  considération.  Il  y  a  trente ans,  on  en  connaissait  fort  peu  ;  mais  il  n'en  est  plus  de  même (1)  On  peut  parler  de  «  l'habitat  »  d'une  espèce  et  même  d'un  groupe  plus  étendu  mais liomogène  d'êtresvivants  ;  il  ne  me  semble  pas  qu'on  puisse  désigner  par  ce  mot  l'ensemble  des régions  colonisées  par  les  membres  d'un  groupement  aussi  vaste  d'êtres  très  variés,  comme  les Cavernicoles,  les  Abyssaux,  les  Terrestres,  etc.  Je  vais  employer,  dans  ces  derniers  cas,  le mot  '<  domaine  ».  Donc,  le  domaine  souterrain  est  formé  par  la  somme  totale  des  habitats  par- ticuliers des  espèces  cavernicoles 38 i  EMTLE    G.  HACOVfTZA actuelleuient.  Il  suffit  de  consulter  les  traités  récents  de  Martel (1894  et  1900),  Kraus  (1894),  von  Knebel  (1906),  les  Bulle- tins (le  la  Société  de  Spéléologie,  etc.,  pour  acquérir  la  conviction que  les  cavités  souterraines  sont  extrêmement  nombreuses  et pour  se  persuader  que  ce  qui  reste  à  découvrir  dans  cet  ordre d'idées  doit  dépasser,  dans  des  proportions  considérables,  les découvertes  déjà  effectuées.  Fort  peu  de  régions,  en  effet,  ont été  explorées  jusqu'à  présent.  Dire  qu'actuellement  plus  de 500  kilomètres  de  galeries  ont  été  reconnues,  c'est  rester  en dessous  de  la  vérité  ;  cela  représente  au  moins  50  kilomètres carrés  de  surface  habitable.  Quelle  est  cette  surface  pour  toutes les  grottes  de  la  terre,  voilà  ce  qui  ne  peut  être  estimé  actuelle- ment ;  mais  elle  doit  avoir  certainement  plusieurs  centaines de  kilomètres  carrés. 20  Les  fentes  étroites  inaccessibles  a  l'homme.  —  Ma classification  pourrait  paraître  bizarre  et  l'on  pourrait  se  de- mander ce  que  l'homme  a  à  voir  là-dedans.  Cependant  l'histo- rique des  idées  biospéologiques  la  justifie  pleinement.  Aucun des  auteurs  un  peu  anciens  ne  parle  de  fentes  terrestres  étroites, et  actuellement  encore,  quand  on  parle  de  Cavernicoles,  on ne  pense  qu'aux  êtres  qui  habitent  les  larges  espaces  accessibles à  l'homme.  Comme  si  les  lilliputiens  habitants  du  domaine souterrain  se  souciaient  des  dômes  gigantesques,  des  vastes galeries,  des  majestueux  couloirs  !  Une  simple  fente  de  quelques millimètres  suffit  à  leur  bonheur  et  à  la  prospérité  de  leur famille. Or,  les  fissures  et  les  fentes  sont  innombrables  dans  certains terrains. Il  est  difficile  de  démontrer  par  l'observation  directe  que  les fentes  sont  habitées,  mais  beaucoup  de  faits  et  de  déductions tendent  à  le  prouver. En  creusant  des  tunnels  et  tranchées,  on  a  découvert  sou- vent des  grottes,  quelquefois  très  vastes,  sans  communication apparente  avec  l'extérieur,  où  cependant  vivaient  des  Caver- nicoles. Ces  animaux  n'ont  pu  y  pénétrer  que  par  les  fentes. LES  PROBLÈMES  BIOSPEGLOGIOURS  385 Il  existe  des  grottes  parcourues  par  des  ruisseaux  dont  les crues  font  monter  l'eau  jusqu'au  plafond.  Or,  ces  gi'ottes  sont habitées  par  des  Animaux  terrestres  comme  les  grottes  sèches  ; ces  animaux  ne  pourraient  s'y  maintenir  si,  pendant  les  crues, ils  ne  pouvaient  se  réfugier  dans  des  fentes  situées  au-dessus du  niveau  aquifère. Tous  les  chasseurs  de  Cavernicoles  savent  qu'il  n'est  pas possible  de  i-ecueillir  toute  la.  faune  d'niu'  grotte,  même  si  elle  est petite  et  si  elle  n'offre  pas  de  cachettes  apparentes  aux  animaux. A  chaque  visite  on  trouve  des  formes  nouvelles  qui  ne  peuvent être  venues  que  par  les  fentes  ;  la  migration  par  l'extérieur  doit être  tout  à  fait  exceptionnelle,  tous  les  Cavernicoles  vrais  étant lucifuges,  sténothermes  et  sensibles  aux  variations  hygromé- triques. Comme  on  le  verra  plus  loin,  la  voie  principale  d'immigration pour  la  plupart  des  Cavernicoles  a  été  la  fente  et  non  les  vastes entrées  des  cavernes  accessibles  à  l'homme. La  faible  taille  de  beaucoup  de  Cavernicoles  n'est  pas  due  le plus  souvent,  comme  on  Ta  prétendu,  à  la  dégénérescence  des formes  souches  causée  par  la  pénurie  de  nourriture  (voir  p.  395). Il  faut  faire  intervenir,  dans  la  plupart  des  cas,  une  sorte  de ({  tamisage  »  à  travers  les  fentes  étroites  ;  seules  les  petites espèces  superficielles  ayant  pu  pénétrer  dans  le  domaine  sou- terrain. La  forme  aplatie  et  allongée  de  beaucoup  de  Cavernicoles s'explique  aussi  par  la  nécessité  de  parcourir  des  fentes  étroites, quoique  le  ((  tamisage  »  primitif  ait  pu  aussi  jouer  son  rôle. L'aplatissement  et  l'allongement  peuvent  être  aussi  bien  des caractères  primitifs  qu'adaptatifs.  ^ Les  espèces  réputées  rares  sont  nombreuses  parmi  les  Caver- nicoles ;  or  l'expérience  a  montré  depuis  longtemps  que  la grande  majorité  des  espèces  «  rares  »  consiste  en  espèces  dont on  ne  connaît  pas  l'habitat  réel.  Dans  le  cas  des  Cavernicoles, cet  habitat  inconnu  ne  peut  être  que  la  fente. La  nourriture  doit  être  au  moins  aussi  abondante  dans  les 386  EMILE    G.  RACOVITZA fentes  que  dans  les  grottes.  L'eau  de  ruissellement  accumule  dans les  fentes  toutes  sortes  de  détritus  végétaux  et  animaux,  et  les pluies  rapides  doivent  entraîner  même  des  proies  vivantes. Tontes  ces  substances  alimentaires  doivent  se  coincer  dans  les fentes  qui  jouent  ainsi  un  rôle  de  filtre,  débarrassant  les  eaux qui  pénètrent  dans  les  grottes  proprement  dites  des  matières charriées  trop  volumineuses.  L'épais  et  nourrissant  potage  de  la surface  se  transforme  ainsi  en  claire  infusion  ;  à  ce  ])oint  de  vue la.  fente  est  plus  agréable  à  habiter  qu(^  la  grotte. Toutes  ces  considérations,  auxquelles  s'ajoute  ce  ([ue  je  dirai des  niveaux  d'eau,  me  semblent  démontrer  que  les  fentes  sont habitables  et  habitées Or  le  nombre  de  ces  fissures  est  énorme  dans  l'écorce  terrestre. Les  travaux  modernes  des  spéologistes  ont  montré  que  les massifs  calcaires  en  particulier,  quel  que  puisse  être  leur  âge, sont  traversés  en  tous  sens  par  des  diaclases,  joints  de  stratifi- cations, failles  et  cavités,  qui  font  de  ces  massifs  de  véritables «  éponges  ».  On  connaît  de  vastes  régions  calcaires  où  les  préci- pitations atmosphériques  n'ont  plus  d'écoulement  superficiel  ; toute  l'eau  est  absorbée  par  les  fentes,  et  tout  le  drainage  des eaux  se  fait  par  des  rivières  souterraines. Cette  fissuration  produit  donc  une  surface  habitable  pour  les Cavernicoles,  qui  est  infiniment  plus  vaste  que  celle  des  grottes accessibles  à  l'homme. J'incline  à  penser  que  beaucoup  de  Cavernicoles  ont  leur habitat  normal  dans  les  fentes  et  non  dans  les  grottes  ;  si  on les  rencontre  dans  ces  dernières,  c'est  par  hasard.  Il  doit  se passer,  dans  le  domaine  obscur  de  ces  formes,  ce  qui  se  passe dans  les  agglomérations  humaines.  Le  citadin  habite  les  rues étroites,  et  il  ne  se  rencontre  sur  les  boulevards  et  sur  les  places publiques  que  lorsqu'il  va  à  ses  plaisirs  ou  à  ses  aflaires.  Dans les  deux  cas,  la  majeure  partie  de  «  l'habitat  »  est  formée  par l'espace  étroit,  l'infime  portion  par  le  large  espace.  Comme  quoi la  parcimonie  des  municipalités  s'est  rencontrée  en  cette  occa- sion avec  les  caprices  de  dame  Nature  ! LKS   PROBLÈMES   RTOSPÉGLOGIOIIES  38? 30  Les  niveaux  d'eau  et  les  nappes  phréatiques.  —  On sait  que  dans  les  roches  compactes  ou  de  suintement  en  général, et  dans  les  massifs  calcaires  en  particulier,  la  circulation  des eaux  souterraines  se  fait,  comme  à  la  surface,  par  des  rigoles, ruisseaux  ou  rivières.  La  notion  classique  de  la  nappe  d'eau continue  ne  peut  être  admise  que  pour  les  terrains  perméables, comme  les  sables,  graviers,  etc.,  et  encore  non  sans  certaines restrictions.  On  croyait  antérieurement  que  l'eau  imbibe  ces terrains,  qu'elle  remplit  seulement  les  interstices  capillaires  qui séparent  les  fragments  solides  ;  on  pouvait  donc  conclure,  a priori,  que  les  nappes  phréatiques  et  niveaux  d'eau  ne  peu- vent pas  être  habités,  les  Animaux  ne  trouvant  pas  assez  d'eau libre  pour  y  vivre.  Or,  l'expérience  démontre  qu'il  n'en  est  pas ainsi.  Les  nombreuses  formes  cavernicoles  trouvées  dans  les puits  ne  peuvent  être  venues  d'ailleurs  que  des  nappes  phréa- tiques. En  Nouvelle-Zélande,  notamment,  dans  les  puits  de  la plaine  de  Canterbury,  Chilton  (1894)  a  découvert  une  dizaine de  Crustacés  et  d'Oligochètes,  de  taille  assez  grande,  présentant tous  les  caractères  d'adaption  à  la  vie  obscuricole.  La  plaine  est formée  par  une  cuvette  imperméable  comblée  par  d'épais  dé- pôts d'alluvions  fluviatiles.  Et  les  puits  sont  creusés  dans  ces dépôts.  Chilton  dit  avec  raison  que  la  découverte  de  ces animaux  démontre  que  l'eau  ne  circule  pas  seulement  entre les  particules  solides ,  mais  qu'elle  doit  former  de  véri- tables rivières  souterraines  ayant  creusé  leur  lit  dans  les graviers. Les  Animaux  de  grande  taille  rejetés  par  les  puits  artésiens d'Algérie,  et  ceux  tous  récemment  découverts  dans  les  mêmes conditions  au  Texas  {Palemonetes  dntrorum  Benedict,  Typhlo- molge  Rahthuni  Stejneger,  etc.),  indiquent  aussi  que  les  accu- mulations d'eau  libre  sont  fréquentes  dans  les  nappes  phréati- ques ou  artésiennes.  Ces  nappes  doivent  donc  être  annexées au  domaine  souterrain  habitable,  ce  qui  augmente  encore  nota- blement son  étendue,  quoique  le  réseau  des  canaux  d'eau  libre qui  parcourt  les  terrains  perméables  soit  nécessairement  beau- ARCH.  DE  ZOOL.  KXP.  ET  GÉH.   —  4«  SÉRIE  T.  VI.  —  (Vli).  28 388  EMILE   G.  RACOVIÏZA coup  moins  développé  que  celui  des  massifs  calcaires  et  des roches  de  suintement. 4°  Le  domaine  hypogé  (1).  —  On  connaît  déjà  beaucoup d'Animaux  qui  vivent  dans  la  terre,  soit  dans  l'humus,  soit dans  l'argile.  Ils  présentent  souvent  les  mêmes  caractères  adap- tatifs que  les  Cavernicoles;  quelques  espèces  paraissent  vivre indifféremment  dans  la  terre  et  dans  les  cavernes,  et  quelques genres  hypogés  ont  des  représentants  cavernicoles.  On  pourrait en  conclure  qu'il  faut  annexer  purement  et  simplement  le  do- maine hypogé  au  domaine  souterrain.  Ce  serait  une  erreur,  car, comme  on  le  verra  plus  loin  (voir  p.  428),  la  majorité  des  Ani- maux hypogés  ne  trouveraient  pas  dans  le  domaine  souterrain toutes  les  conditions  nécessaires  à  leur  existence,  et  il  en  est  de même  pour  les  Cavernicoles  dans  le  cas  inverse.  Cependant,  il n'est  pas  possible  d'établir  une  distinction  absolue  entre  les deux  domaines,  puisqu'un  certain  nombre  de  formes  sont  com- munes aux  deux  habitats  et  que,  dans  certains  cas,  très  rares il  est  vrai,  le  domaine  souterrain  offre  les  mêmes  conditions d'existence  que  l'hypogé. 50  Les  Microcavebnes.  —  En  dehors  des  cavités  naturelles énumérées  plus  haut,  il  existe  tout  un  monde  de  réduits  obs- curs, construits  ou  creusés  par  des  Animaux,  et  que  d'autres êtres  ont  choisi  comme  domicile.  Les  constructions  des  Hymé- noptères, des  Termites,  les  galeries  creusées  dans  le  bois  et  la terre  par  les  Insectes  adultes  ou  leurs  larves,  les  nids  et  les terriers  des  Eeptiles,  des  Oiseaux  et  des  Mammifères,  cojisti- tuent  des  cavernes  plus  ou  moins  considérables  pouvant  exercer (1)  Les  entomologistes  emploient  depuis  longtemps  le  mot  «  hypogé  »  pour  désigner  les animaux  qui  vivent  profondément  enfouis  dans  la  terre,  ceux  qui  composent  la  «  faune  de  la pierre  enfoncée  ».  On  oppose  donc  «  Hypogé  »  à  •<  Cavernicole  », J'adopte,  dans  ce  mémoire,  cette  interprétation  du  mot  Hypogé,  mais  non  sans  regret Il  vaudrait  mieux,  en  effet,  le  réserver  pour  le  sens  très  général  de  :  être  habitant  sous  la  sur- face de  la  terre  ;  ce  serait  d'ailleurs  plus  conforme  au  sens  que  lui  donnaient  les  Grecs,  et  on pourrait  l'opposer  au  mot  Bpigé  qui  désigne  tous  les  êtres  habitant  à  la  surface £1  faudrait  alors  créer  un  mot  nouveau  pour  les  anciens  hypogés  des  entomologistes  et mon  ami,  M.  Pruvot,  qui  a  attiré  mon  attention  sur  ce  point,  me  suggère  le  terme  de  «  Endogé  » que  je  considère  comme  excellent  et  qui  n'a  pas  besoin  d'autre  explication.  Les  Cavernicoles et  les  Endogés  seraient  donc  des  membres  de  la  faune  hypogée. LES  PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  389 sur  les  commensaux  comme  sur  les  hôtes  des  influences  sem- blables à  celles  constatées  dans  le  cas  des  cavernes  naturelles. Mais  comme  pour  l'habitat  hypogé,  et  même  plus  que  pour celui-ci,  l'annexion  pure  et  simple  du  domaine  des  microcavernes au  domaine  souterrain  constituerait  une  grave  erreur  que Verhoefp  (1898)  semble  avoir  commise,  si  j'ai  bien  compris  son mémoire.  J'examinerai  plus  loin  (voir  p.  429)  la  profonde  diffé- rence qu'il  faut  établir  entre  un  vrai  Cavernicole  et  un  vrai Xénophile  (1),  Il  me  suffit  pour  le  moment  d'indiquer  que,  si certains  caractères  adaptatifs  sont  les  mqmes  dans  les  deux sortes  d'Animaux,  il  y  en  a  d'autres  qui  manquent  complètement au  Cavernicole  et  qui  donnent  au  Xénophile  une  physionomie très  caractéristique. Mais  tous  les  habitants  des  Microcavernes  ne  sont  point  des Xénophiles  ;  il  y  en  a  qui  ne  dépendent  en  aucune  façon  du propriétaire  et  constructeur  de  la  caverne,  qui  ont  adopté  la vie  microcavernicole  uniquement  pour  ses  avantages  qui  sont ceux  qu'offre  aussi  le  domaine  cavernicole,  en  tout  ou  en partie.  Cette  catégorie  de  faux  Xénophiles  peut  être  annexée aux  vi'ais  Cavernicoles,  s'ils  présentent  les  caractères  adaptatifs de  ces  derniers. Ces  réserves  faites,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  dans  les domaines  voisins,  l'hypogé  et  le  microcavernicole,  on  peut recruter  un  certain  nombre  de  formes  pour  l'armée  des  Caver- nicoles, et  augmenter  de  beaucoup  la  surface  habitable  du  do- maine souterrain  proprement  dit. 6  Les  cavernes  artificielles.  —  J'entends  par  ces  mots toutes  les  cavités  :  galeries  de  mines,  catacombes,  tunnels,  etc., creusées  par  l'homme.  Leur  étendue  est  peu  considérable  si  on la  compare  aux  régions  précédentes  du  domaine  souterrain. D'autre  part,  elles  sont  trop  récentes  pour  avoir  pu  produire des  transformations  profondes  chez  les  êtres  qui  les  ont  choisies pour  domicile. On  ne  connaît  actuellement  aucune  espèce  réellement  caver- (1)  Je  propose  ce  mot  pour  désigner  tous  les  Animaux  termitophiles  et  mjTmecophiles- 390  EMILE   G.  RAG(^VITZA nicole,  qui  ait  pris  naissance  dans  ces  sortes  de  cavernes.  Les êtres  qu'on  rencontre  dans  les  souterrains  artificiels  les  plus profonds  sont  des  lucifuges  superficiels,  soit  identiques  à  leurs congénères  épigés,  soit,  dans  des  cas  très  rares,  légèrement  mo- difiés par  le  séjour  à  l'obscurité  ;  ces  modifications  sont  d'ailleurs de  celles  que  provoquent  brusquement,  ou  du  moins  rapide- ment, les  influences  directes  du  milieu  et  qui  ne  se  transmettent généralement  pas  aux  générations  suivantes. Somme  toute,  les  cavernes  artificielles  jouent  un  rôle  à  peu près  nul  en  biospéologie  ;  je  vais  donc  les  laisser  de  côté  dans  les considérations  qui  vont  suivre. Il  résulte  de  cette  rapide  enquête  que,  parmi  les  «  habitats  » que  le  biogéograplie  distingue,  l'habitat  cavernicole  doit  occuper un  bon  rang  par  la  grandeur  de  la  surface  qu'il  olîre  au  dévelop- pement de  la  vie.  Il  n'est  certes  ni  exceptionnel  ni  insignifiant  ; et  s'il  n'est  pas  possible  de  se  faire  une  idée  précise  de  son étendue  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  on  peut  prédire déjà  qu'il  sera  comparable  en  importance  à  l'habitat  désertique ou  à  l'habitat  alpestre. Ces  très  grandes  surfaces  habitables  qu'offre  le  domaine souterrain  sont-elles  partout  habitées  en  réalité  f  La  biospéo- logie est-elle  auss^i  importante  par  le  nombre  de  ses  sujets  que par  l'étendue  de  son  empire  romain  ?  C'est  ce  que  uous  allons examiner  dans  les  chapitres  suivants. IL  —  Les  conditions  d'existence  que  présente  le  domaine  souterrain. Les  êtres  cavernicoles  sont  d'origine  très  différente,  et  ils n'ont  de  commun  que  l'habitat.  Ils  ne  peuvent  donc  être  dé- finis que  par  les  transformations  qu'ils  ont  subies  sous  l'influence de  cet  habitat.  Il  convient  dàs  lors  d'examiner  en  premier  lieu au  moins  les  principaux  facteurs  pouvant  agir  dans  ces  trans- formations. 1°  L'obscurité.  —  Elle  est  certainement  comiilète  dans  les parties   profondes   du   domaine   souterrain  ;   néanmoins,   je   ne LES   PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  391 crois  pUiS  que  la  (léinoiistriition  oxpérimentiilc  en  ait  jamais  été tentée.  Les  plaques  photograpliiques  ne  se  voilent  pas  au  bout de  quelques  heures  -,  c'est  tout  ce  que  je  puis  dire  i)ar  expé- rience personnelle. Hamman  (1896),  pour  expliiiuer  l'existence  de  Cavernicoles pourvus  d'yeux,  suppose  que  l'obscurité  n'est  jamais  totale. Nous  verrons  plus  loin  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  faire  cette hypothèse,  toute  gratuite  d'ailleurs,  pour  expliquer  la  persis- tance des  yeux  chez  quelques  Cavernicoles. Les  entrées  des  grottes,  les  régions  les  plus  superficielles  des fentes,  beaucoup  de  microcavernes,  sont  plus  ou  moins  éclairées et  offrent  tous  les  passages  entre  la  lumière  du  jour  et  l'absence complète  de  lumière. 20  La  température.  —  Dans  les  grottes  profondes,  à  l'in- térieur des  massifs  fissurés,  dans  les  nappes  phréatiques  et les  niveaux  d'eau  profonds,  on  peut  admettre  que  la  tempéra- ture est  constante,  et  qu'elle  correspond,  en  général,  à  la  tem- pérature moyenne  annuelle  du  lieu. Certes,  des  météorologistes  armés  d'instruments  ultra-sensil)les découvriraient  sans  doute  des  variations  qui,  au  point  de  vue absolu,  pourraient  passer  pour  notables,  mais  au  point  de  vue relatif  oii  je  me  place,  de  leur  influence  sur  les  êtres  vivants, ces  variations  sont  tellement  inférieures  à  celles  qui  s'observent dans  le  domaine  superficiel  qu'il  convient  de  ne  pas  en  tenir compte.  Les  microcavernes  et  les  endroits  superficiels  sont  natu- rellement sujets  à  plus  de  variations. Des  circonstances  locales,  d'ailleurs  rarement  réalisées,  peu- vent produire  des  anomalies  et  des  variations  notables  aussi dans  les  cavernes.  Ainsi,  les  grottes  verticales,  s'ouvrant  par le  haut,  sont  plus  froides,  celles  fortement  inclinées,  s'ouvrant par  le  bas,  sont  plus  chaudes  que  les  horizontales.  D'autre  part, dans  la  même  grotte,  il  peut  y  avoir  des  salles  plus  chaudes que  d'autres.  Les  dispositions  topographiques  de  certaines cavités  ])rovo(iuent  des  courants  d'air  dont  le  sens  varie  selon les  saisons,  ce  qui  occasionne  aussi  des  perturbations,  etc. 392  EMILE    G.  RACOVITZA Quoi  qu'il  on  soit  de  ces  faits  exceptionnels,  on  innit  considérer le  domaine  souterrain  comme  un  habitat  à  température  cons. tante  et  basse,  mais  non  à  température  identique  dans  toute son  étendue,  car  chaque  grotte  possède  sa  température  propre, qui  dépend  de  causes  générales  :  latitude,  altitude  et  climat  de la  région  oii  elle  se  trouve  ;  mais  elle  dépend  aussi  de  causes spéciales  :  disposition  topographique,  épaisseur  des  plafonds, humidité,  etc. 30  Humidité.  —  L'humidité  est  toujouivs  notable  dans  le domaine  souterrain,  même  quand  certaines  cavernes  nous  ])a.- raissent  sèches.  Là  où  Teau  suinte,  où  il  y  a  des  bassins  lacustres ou  des  rivières,  et  où  il  n'y  a  pas  de  courants  d'air,  la  saturation de  l'air  est  complète.  L'humidité  qui  infiltre  les  parois  est presque  toujours  suffisante  pour  permettre  la  vie  aux  êtres les  moins  capables  de  réagir  contre  l'évaporation,  même  là  où il  n'y  a  pas  de  suintement  visible.  Ces  constatations  ne  sont pas  basées  sur  des  recherches  précises,  qui  n'ont  jamais  été tentées.  Elles  seraient  pourtant  utiles. 40  Dimensions  des  espaces  habitables.  —  Rappelons  seu- lement que  la  majeure  partie  de  l'espace  souterrain  est  formée par  des  fentes  étroites,  dans  les  massifs  calcaires  comme  dans les  nappes  phréatiques  ou  les  niveaux  d'eau. 50  Mouvements  de  l'air  et  de  l'eau.  —  La  circulation  de l'air  se  fait  dans  les  cavernes,  en  général,  si  lentenu'ut  qu'on  peut considérer  l'atmosphère  du  domaine  souterrain  comme  étant pratiquement  au  repos.  Mais  il  y  a  des  exceptions  à  signaler  ; ainsi  les  trous  à  vents  présentent  (quelquefois  des  courants  d'air d'une  violence  extrême,  mais  ces  courants,  produits  par  la  diffé- rence de  température  de  l'air  extérieur  et  de  l'air  intérieur, et  par  le  rétrécissement  des  galeries,  ne  se  font  plus  sentir  dès que  la  caverne  s'élargit.  D'autres  dispositions  topographiques peuvent  occasionner  aussi  des  courants  plus  ou  moins  forts  ; inutile  d'insister. Au  point  de  vue  du  mouvement  il  y  a  moins  de  différence entre  les  eaux  souterraines  et  les  eaux  superficielles  ;  dans  les LES   PROBLÈMES   BTOSPEOLOGIQUES  393 deux  cas,  on  rencontre  des  eaux  courantes  et  des  eaux  stagnantes qui  se  coni])ortent  à  peu  près  de  la  même  façon. 6°  Composition  de  l'air  et  de  l'eau.  —  Dans  les  grottes à  bonne  ventilation,  la  composition  de  l'air  doit  être  normale  ; il  paraît  en  être  de  même  dans  les  grottes  où  il  n'est  pas  possible de  constater  des  courants  aériens.  L'homme,  en  effet,  n'est  pas incommodé  par  le  séjour  dans  ces  cavités.  Très  rarement  on a  constaté  la  présence  de  gaz  délétères. Cette  question  n'a  d'ailleurs  pas  été  scientifiquement étudiée. Il  paraît  que  l'atmosphère  des  cavernes  est  très  bonne  conduc- trice d'électricité.  J'ignore  jusqu'à  quel  point  cette  propriété peut  influencer  les  êtres  cavernicoles. Les  grandes  rivières  qui  coulent  à  travers  les  grottes  ne doivent  pas  avoir  une  composition  bien  différente  des  eaux coulant  en  surface.  Il  en  est  autrement  des  petites,  à  écoulement lent,  et  des  bassins  formés  par  l'eau  d'infiltration  à  travers  les bancs  calcaires.  Cette  eau  doit  être  chargée  à  saturation  de  cal- caire, les  concrétions  variées  qu'on  trouve  dans  les  cavernes  et les  tufs  sont  là  pour  le  démontrer.  La  grande  teneur  en  calcaire est  donc  caractéristique  des  eaux  stagnantes  ou  peu  rapides  du domaine  souterrain.  Par  contre,  les  eaux  souterraines  sont  moins chargées  de  matières  organiques,  elles  sont  plus  pures.  Il  leur manque  aussi  une  source  d'oxygénation  ([ui  est  présente  dans les  eaux  superficielles  :  les  plantes  aquatiques.  L'aération  des eaux  souterraine^  est  donc  due  uniquement  aux  agents  phy- siques. 70  Les  eessources  alimentaires.  —  La  plupart  des  auteurs admettent  que  le  domaine  souterrain  offre  de  très  faibles  res- sources alimentaires  à  ses  habitants.  Packard  (1889)  se  de- mande même  ce  que  peuvent  bien  trouver  à  numger  les  Animaux aquatiques  des  grottes  du  Mammotli.  Verhoeff  (1898)  croit que  la  faim  sévit  normalement  parmi  les  êtres  cavernicoles.  Par contre  Hamman  (1896)  pense  que  les  Cavernicoles  n'ont  pas  plus de  difficultés  à  se  nourrir  qvuî  les  tîuperficiels. 394  EMILE   G.  RACOVITZA Viré  (1899)  soutient  même  les  deux  opinions  dans  le  même mémoire. Ces  opinions  contradietoires  s'expliquent  facilement  ;  on  n'a januiis  fait  d'études  sérieuses  sur  la  question,  et  ou  s'est  hâté de  généraliser  des  observations  isolées. Examinons  donc  comment  la  question  pourrait  être  envi- sagée, et  quelles  sont  les  données  nécessaires  pour  la résoudre. a.)  On  a  observé  plusieurs  fois  des  Cavernicoles  en  nombre considérable.  Call  (1897)  l'affirme  pour  deux  espèces  de  Crus- tacés de  la  Mammoth  Cave.  Eigenmann  (1900  a)  dit  aussi  que certains  Crustacés  sont  communs  dans  les  puits  artésiens  du Texas.  Viré  (1899)  déclare  que  les  Niphurgus  sont  très  nom- breux dans  certaines  rivières  souterraines  de  la  France.  Dollfus et  Viré  (1905)  disent  avoir  récolté  plus  de  2.000  Vireia  herim dans  une  seule  grotte.  Viré  (1899)  a  trouvé  un  très  grand  nombre de  Blanmlus  dans  une  grotte  pyrénéenne,  et  j'ai  rencontré aussi  un  grand  nombre  de  Cavernicoles  terrestres  dans  certaines grottes,  etc. Ces  exemples  suffisent  pour  arriver  à  une  première  con- clusion :  Il  n'est  pas  permis  de  dire  que  le  domaine  souter- rain est  toujours  pa,uvr(^  en  ressources  alinumtaires,  et que  l'état  normal  des  êtres  cavernicoles  est  l'état  d'ina- nition. b.)  Les  Plantes  à  chlorophylle  ne  peuvent  vivre  dans  le  do- maine souterrain  à  cause  de  l'absence  de  lumière.  Tous  les  êtres non  chlorophylliens  tirent  directement  ou  indirectement  (à  de faibles  exceptions  près,  quelques  Bactéries,  etc.)  leur  subsis- tance de  ces  Plantes  qui  sont  par  conséquent  l'unique  réservoir de  matières  organiques.  Mais  de  là  à  conclure  sans  autre preuve  que  la  nourriture  doit  manquer  dans  le  domaine  souter- rain, il  y  a  loin.  Le  domaine  abyssal  marin  ou  limnique  est aussi  dépourvu  de  Plantes  vertes,  et  cependant  il  est  fort  peuplé. La  seule  conclusion  qu'on  puisse  tirer  de  cette  absence  est  la suivante  :    Ne    peuvent    être    cavernicoles   que   les   Animaux LES   PROBLÊMES  BIOSPÉOLOGIQUES  395 carnivores  (1)  et  le.s  Êtres  sapro pliages  (2),   C'est   (;e  (|ue   l'on observe  en  etïet. c.)  La  faible  taille  des  Cavernicoles  serait  une  preuve  tle  la pénurie  de  la  nourriture,  selon  Packard  (1889).  Cette  propo- sition me  paraît  inexacte. La  question  de  la  taille  des  Cavernicoles,  pour  avoir  sa  signi- lication  précise  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  doit  être  posée  de la  façon  suivante  :  Les  Cavernicoles  sont-ils  plus  petits  que leurs  souches  ou  leurs  parents  lucicoles  1  La  réponse  qu'on l)eut  faire  ne  permet  aucune  conclusion,  car  s'il  en  existe  de plus  petits,  on  en  connaît  de  plus  grands.  Inutile  de  nous  encom- brer d'exemples. La  faune  des  Insectes  qui  vit  sur  les  fleurs  est  une  vraie  micro- faune  et  pourtant  ces  minuscules  Hyménoptères,  Coléoptères  ou Ehynchotes  vivent  dans  l'abondance.  L'Acarien  qui  vit  dans son  fromage  est  un  des  plus  petits  parmi  les  Acariens,  etc.,  etc. D'autre  part,  les  lieux  arides  et  les  déserts,  où  la  faim  sévit souvent,  ont  autant  de  gi-os  aninuiux  que  les  régions  fertiles. Il  ne  paraît  donc  pas  y  avoir  toujours  de  rapport  direct  entre la  taille  des  Animaux  et  les  ressources  alimentaires  dont  ils disposent.  Par  contre,  l'abondance  ou  l'absence  de  nourriture détermine  le  nombre  des  individus  et  influe  sur  leur  reproduc- tion ;  mais  c'est  un  autre  ordre  de  questions. Quant  aux  raisons  qui  expliquent  pourquoi  les  êtres  caver- nicoles sont  presque  tous  de  faible  taille,  tout  en  étant  souvent plus  grands  que  leur  souche,  on  les  trouvera  plus  loin.  Point n'est  besoin  de  faille  intervenir  l'inanition. d.)  La  rareté  des  Cavernicoles  est  aussi  un  indice  de  la  pénurie d'aliments,  d'après  Packard  (1899).  Cette  conclusion  n'est exacte  qu'en  partie.  J'ai  cité  plus  haut  des  observations  qui (1)  ViPÊ  (1899.  p.  56)  dit  avoir  constaté  que  le  tube  digestif  des  Niphargm  subit  des  trans- formations qui  le  rapprochent  du  <  type  des  animaux  herbivores  »  sans  indiquer  de  quelle  nature sont  ces  transformations.  Il  est  impossible,  d'autre  part,  de  les  deviner  ;  il  ne  reste  aux  carci- nologistes  qu'à  attendre,  avec  impatience,  les  détails  que  Viré  leur  doit  sur  cette  très  curieuse découverte (2)  C'est-à-dire  ceux  qui  se  nourrissent  de  matières  animales  ou  végétales  eu  décomposition. 396  EMILE   G.   RACOVTTZA mentionnent  nn  grand  nombre  de  Cavernicoles  rénnis  an  même endroit.  Mais  il  y  a  anssi  des  grottes  où  les  Cavernicoles  sont excessivement  rares,  et  cela  certainement  est  à  mettre  souvent sur  le  compte  de  la  pénurie  alimentaire.  On  doit  attribuer  à  la même  cause  la  difficulté  de  trouver  dans  ces  grottes  des  Animaux en  reproduction,  ou  des  pontes  et  des  larves.  Il  résulte  donc  de cela,  que  dans  le  domaine  souterrain  il  y  a  des  régions  à  nourri- ture abondante  et  des  régions  pauvres  en  ressources  alimen- taires, chose  qu'on  peut  constater  pour  tous  les  habitats.  Il faudrait  connaître,  ce  qui  n'est  pas  possible  actuellement,  la proportion  des  unes  et  des  autres  pour  décider  si  en  général  la nourriture  est  abondante  ou  non  dans  ce  domaine  ;  et  encore ce  résultat  serait  plutôt  piètre,  car  il  ne  permettrait  aucune conclusion  générale. e.)  La  facilité  avec  laquelle  les  Cavernicoles  supportent  la faim,  et  le  peu  de  nourriture  qu'ils  prennent  en  captivité,  sont la  preuve  (qu'ils  ont  dû  s'adapter  à  une  pauvreté  constante  de ressources  alimentaires. Je  suis  forcé  de  contester,  non  les  observations  ({ue  Packard (1889)  cite  à  l'appui  de  son  idée,  mais  les  conclusions  qu'il  en tire.  C'est  encore  avec  une  généralisation  illégitime  que  nous avons  affaire. A  l'indifférence  pour  la  nourriture  que  montrent  les  Gambariis et  les  Poissons  cavernicoles  de  Packard  il  suffit  d'opposer  la voracité  des  Crustacés  de  Viré  (1899),  et  la  loi  générale  du  pre- mier mord  la  poussière.  Ne  connait-on  pas  d'ailleurs  la  facilité avec  laquelle  on  capture  les  Cavernicoles  avec  des  pièges  amorcés de  viande,  fromage,  etc.  ? De  plus,  je  pourrais  citer  un  très  grand  nombre  d'exemples d'Animaux  lucicoles  supportant  la  faim  aussi  bien,  sinon  mieux, que  les  Protées,  Cambarus  ou  Amblyopsis,(^t  même  des  Animaux voisins  de  ceux-ci.  Tous  les  Animaux  à  sang  froid  se  passent facilement  de  nourriture  pendant  un  long  espace  de  temps  ;  ils se  contentent  de  ne  pas  augmenter  de  taille  et  de  ne  pas  se reproduire.  Les  exemples  de  Packard  ne  signifient  donc  rien. LES   PROBLÊMES   BIOSPÉGLOGIQUES  397 et  des  recherches  sur  hi  résistance  de  l'inanition  des  Cavernicoles comparée  à  celle  de  formes  voisines  lucicoles  n'ont  jamais  été tentées. /.)  On  connaît  des  grottes  où  il  est  absolument  impossible  de trouver  la  moindre  trace  de  substances  alimentaire  et  où  pour- tant on  trouve  des  Cavernicoles,  disent  certains  auteurs.  Ce fait  est  exact,  et  je  puis  le  confirmer.  Mais,  outre  que  ces  grottes sont  toujours  visitées  par  des  lucifuges  qui  fournissent  ainsi  des proies  vivantes  ou  des  cadavres  à  la  consommation  des  troglo- bies,  il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  gTottes  communiquent  avec tout  un  système  de  fentes  étroites  qui  peuvent  offrir  des  res- sources alimentaires. D'autre  part,  les  Crustacés  aquatiques,  {Asellus,  Nijyhargus, etc.)  qu'on  a  rencontrés  dans  de  petites  flaques  d'eau  absolu- ment pures,  peuvent  certainement  émigrer  à  volonté,  car  ils  ne craignent  pas  de  rester  à  sec  pendant  longtemps.  Ils  peuvent ainsi  se  soustraire  à  l'inanition. DES   SOURCES   DE   NOURRITURE   DU   DOMAINE   SOUTERRAIN Nous  avons  vu  qu'il  n'y  a  pas  d'arguments  sérieux  qui  puissent être  invoqués  à  l'appui  de  l'idée  que  les  Cavernicoles  souffrent d'inanition  chronique.  Il  nous  faut  maintenant  examiner  d'où peut  venir  la  nourriture.  Il  est  certain  que  son  origine  est  mul- tiple : a.)  Ce  sont  d'abord  les  détritus  organiques  variés,  et  même  les animaux  vivants,  que  les  eaux  de  ruissellement  et  les  rivières  à parcours  souterrain  entraînent  dans  les  fentes  et  dans  les  grottes. Des  masses  considérables  de  matières  utilisables  peuvent  être ainsi  entraînées.  Viré  (1899)  pense  avec  juste  raison  que  les Animaux  lucicoles,  entraînés  dans  les  cavernes,  sont  des  proies faciles  pour  les  Cavernicoles,  car  ils  ne  peuvent  lutter  dans  ce milieu,  qui  leur  est  contraire,  avec  des  Animaux  qui  y  sont  par- faitement adaptés. h.)  Viennent  ensuite  les  Animaux  lucifuges  qui  recherchent les  fentes  comme  cachettes  ou  lieux  de  reproduction,    et   ceux 398  EMILE   G.  RACOVITZA très  nombreux  (Moustiques,  Tinéides,  etc.)  ({u'ou  voit  sur  les parois,  à  l'entrée  des  grottes.  Ils  peuvent  soit  servir  de  proies vivantes  aux  carnivores,  soit  fournir  d'abondants  cadavres  aux sapropliages.  Cette  source  de  nourriture  est  si  constante  et  si abondante,  qu'elle  a  occasionné  l'envahissement  des  grottes  par les  Araignées  lucicoles,  qui  s'y  rencontrent  souvent  en  gTand nombre. c.)  Les  excréments  de  Chauves-Souris  constituent  une  source de  nourriture,  pas  très  fréquente  (il  y  a,  en  somme,  peu  de cavités  habitées  par  ces  Mammifères),  mais  très  recherchée  par les  Cavernicoles.  Les  grottes  habitées  par  un  grand  nombre  de Chéiroptères  sont  non  seulement  peuplées  par  de  nombreux Cavernicoles,  mais  envahies  par  tout  un  monde  de  Troglophiles et  même  de  Lucicoles  ordinaires.  Un  grand  dépôt  de  guano  frais olîre  le  spectacle  du  plus  extraordinaire  développement  de  vie qu'on  puisse  voir. d.)  De  plus  les  Animaux  sauvages  entraînent  dans  les  grottes leurs  proies  pour  les  dévorer,  et  les  miettes  de  leur  table  sont soigneusement  recueillies  par  les  Cavernicoles.  L'Homme  lui- même  contribue  au  ravitaillement  des  grottes  (lui  sont  aména- gées pour  les  touristes.  Call  (1897)  cite  un  endroit  de  la  grotte de  Mammoth,  oii  les  touristes  ont  l'habitude  de  déjeuner,  qui possède  une  faune  plus  abondante  à  cause  des  reliefs  de  ces festins.  On  devrait  même  essayer,  dans  une  grotte  bien  choisie, de  fournir  aux  Cavernicoles  une  nourriture  abondante  et  régu- lière ;  nul  doute  qu'ils  n'augmentent  en  nombre,  ce  qui  rendrait plus  facile  rinventaire  de  la  population  souterraine  et  la  décou- verte des  pontes  et  des  larves. e.)  Les  champignons  se  développent  souvent  en  abondance sur  les  matières  organiques,  entraînées  dans  les  grottes,  four- nissant ainsi  une  abondante  nourriture  à  certains  Caverni- coles. /.)  Dans  les  microcavernes,  l'aliment  est  fourni  tantôt  par  les déjections  de  l'architecte  et  les  réserves  qu'il  accumule,  tantôt par  le  matériel  même  qui  a  servi  à  bâtir  la  demeure. LES  PROBLÈMES   BIOSPEOLOGIOUES  :i99 Conclusion.  —  Il  me  semble  difficile  d'admettre  que  l'inani- tion est  une  condition  normale  d'existence  pour  les  Cavernicoles. Le  vaste  domaine  souterrain  oiïre  des  ressources  alimentaires dans  toute  son  étendue  ;  ces  ressources  sont  en  certains  endroits tellement  abondantes  qu'elles  provoquent  les  incursions  des Lucicoles  ;  en  d'autres  endroits  elles  sont  plus  rares,  et,  finale- ment, en  quelques  endroits  elles  yaraisseyit  absentes.  En  tous  cas, cet  état  de  choses  n'a  pu  avoir  d'influence  sur  la  taille  des  espèces cavernicoles  ;  tout  au  plus  s'est-elle  fait  sentir  sur  le  nombre  des individus.  La  disparition  accidentelle  et  seulement  temporaire des  victuailles  dans  une  portion  du  domaine  souterrain  n'en- traîne pas  forcément  la  mort  de  tous  les  habitants  ;  car,  d'une part  même  les  aquatiques  sont  capables,  en  général,  d'émigrer en  utilisant  la  terre  ferme  et,  d'autre  part,  les  Cavernicoles sont  capables  de  supporter,  comme  les  Lucicoles  voisins,  des jeûnes  prolongés. Toutes  les  théories  qui  reposent  sur  l'influence  de  la  pénurie de  nourriture  manquent  donc  de  base. 8°  La  lutte  pour  l'existence.  —  Darwin  (1859)  émit  l'idée que  la  lutte  pour  l'existence  devait  être  à  peu  près  nulle  dans les  cavernes  ;  Packard  (1889)  accepte  cette  opinion  et  considère l'absence  de  sélection  naturelle  comme  caractéristique  pour  le domaine  souterrain.  D'autres  auteurs  les  ont  suivis  dans  cette voie.  Il  est  pourtant  difficile  de  concilier  cette  hypothèse  avec la  croyance  dans  la  pénurie  de  nourriture  ;  où  la  nourriture est  pauvre,  la  concurrence  vitale  doit  être  très  violente. C'est  avec  raison  que  Chilton  (1894)  et  d'autres  ont  montré que  cette  idée  est  fausse.  La  concurrence  vitale  existe  entre individus  de  la  même  espèce,  la  lutte  est  âpre  entre  carnivores et  saprophages.  Il  est  certain  qu'on  ne  voit  pas  trop  qui  pourrait s'attaquer  avec  chance  de  réussite  aux  Protées,  Typhhmolge, Gamharus  et  Poissons  cavernicoles  adultes  ;  mais  les  larves  et les  pontes  doivent  avoir  nombre  d'ennemis.  Les  Gastéropodes sont  la  proie  des  Iftchyropsalis.  Les  gros  Myriapodes  et  surtout les  grosses  Ai'aignées  n'ont  probablement,  à  l'état  adulte,  que 400  EMILE    G.  RACOVITZA peu  ou  point  d'ennemis,  mais  les  jeunes  sont  aussi  exposés  que dans  le  monde  de  la  lumière. En  un  mot,  il  n'y  a  aucune  raison  de  croire  que  la  lutte  pour l'existence  et  la  concurrence  vitale  soient  beaucoup  moins actives  là  qu'ailleurs. Des  conditions  d'existence  que  présente  le  domaine  souterrain, l'obscurité,  la  température  constante  et  basse,  et  l'humidité,  sont générales  et  importantes  ;  les  autres  ont  une  action  plus  limitée ou  moins  continue.  Il  nous  faut  examiner  maintenant  quelle influence  elles  ont  exercée  sur  les  êtres  cavernicoles. III.  Influence  des  conditions  d'existence  que  présente  le  domaine souterrain  sur  les  Cavernicoles. 10   INFLITENCE    DE    L'OBSCURITÉ L'étude  de  cette  influence  a  donné  lieu  aux  travaux  les  plus nombreux  en  Biospéologie,  et  tous  les  spécialistes  anciens  et modernes  s'en  sont  occupés.  Il  n'en  est  pas  résulté  que  nous ayons  des  idées  claires  et  définitives  sur  le  sujet  ;  au  contraire  ! C'est  dans  cette  question  que  l'on  observe,  en  effet,  le  plus inextricable  enchevêtrement  de  faits  plus  ou  moins  bien  obser- vés, d'hypothèses  hardies  et  vaguement  justifiées,  et  de  généra- lisations hâtives.  Il  me  semble  que  cela  est  dii  surtout  au  fait que  le  problème  a  été  mal  posé  et  sa  solution  mal  abordée. Examinons,  en  effet,  les  points  les  plus  importants  de  la  ques- tion. A.)  Influence  de  l'obscurité  sur  la  coloration  des  Cavernicoles. La  coloration  des  êtres  vivants  est  due  à  plusieurs  causes  : a.)  Coloration  due  à  la  structure  des  téguments  ou  coloration optique.  Les  téguments  peuvent  être  absolument  incolores  et produire  par  réflexion,  interférence  ou  diffraction  des  rayons lumineux,  l'effet  des  couleurs  les  plus  vives.  L'influence  de  l'obs- curité sera  donc  nulle  sur  ces  colorations. LES  PROBLEMES  RIOSPEGLOGIQUES  40i h.)  Coloration  due  à  la  nature  chimique  des  téguments  (1). Certains  téguments  pourraient  être  colorés  pour  une  raison analogue  à  celle  qui  est  cause  que  l'acide  picrique  par  exemple est  jaune  ou  que  le  sulfate  de  cuivre  est  bleu  ;  la  couleur  dans ces  cas  est  une  propriété  physique  qui  dépend  de  la  constitution du  corps  et  ne  peut  être  modifiée  que  par  une  réaction  chimique qui  transforme  ce  corps  en  un  autre  chimiquement  différent. Les  colorations  qui  sont  dues  à  ces  causes  sont  donc  soustraites à  l'action  de  la  lumière. Il  est  possible  que  la  coloration  des  Coléoptères  cavernicoles, par  exemple,  puisse  rentrer  dans  cette  catégorie,  qu'elle  dépende par  conséquent  de  la  composition  chimique  de  la  chitine  qui forme  leurs  téguments.  Il  est  possible  aussi  que  leur  couleur  brune soit  due  à  une  substance  colorante  qui  imprègne  la  chitine.  Je ne  crois  pas  que  la  question  ait  été  scientifiquement  examinée. Chez  les  Coléoptères  qui  viennent  d'éclore,  la  chitine  est  brune et  translucide  ;  elle  a  le  même  aspect  que  la  chitine  des  Coléop- tères cavernicoles.  Ces  derniers  ne  présentent  aucun  pigment figuré  ni  dans  leur  chitine  ni  dans  leur  épidémie,  et  la  plupart des  oculés  ont  perdu  même  le  pigment  rétinien. Si  la  couleur  brune,  fondamentale,  de  la  chitine  des  Coléop-. tères  est  due  à  une  matière  surajoutée,  cette  matière  est  extraor- dinairement  stable  et  la  lumière  ne  l'influence  en  aucune  façon. Par  contre,  leurs  pigments  figurés  paraissent,  en  général,  avoir besoin  de  lumière  pour  se  former  ou  pour  apparaître. Viré  (1899)  a  donc  tort  d'affirmer,  sans  avoir  résolu  ces questions  préliminaires  indispensables,  qu'il  y  a  deux  sortes  de «  pigments  »  !  Celui  des  Coléoptères,  très  tenace,  car  pas  un  seul de  ces  animaux  n'est  «  dépigmenté  »,  et  celui  des  autres  animaux, qui  disparaît.  Les  Coléoptères  cavernicoles  comme  Aphaenops  et Bathyscia  sont  à  compter  parmi  les  plus  «  dépigmentés  »  des Cavernicoles. Les  êtres  dont  la  coloration  est  due  aux  deux  causes  énumé- (1)  Les  distinctions  que  j'admets  ont  un  but  pratique;  je  ne  m'occupe  pas  ici  des  causes intimes  des  colorations. 402  EMILE    G.  RACOVITZA rées  plus  haut  seront  donc  toujours  colorés,  quelle  qu'ait  été  la longueur  du  séjour  de  leur  espèce  à  l'obscurité.  A  moins  de prétendre  que  le  séjour  à  l'obscurité  puisse  niodifler  la  structure physique  ou  la  composition  chimique  des  téguments,  ce  qui  a priori  n'est  pas  impossible,  nuiis  qu'il  faudrait  encore  démon- trer, il  est  inutile  de  faire  intervenir  panmixie,  troglophilie  ou autres  xies  et  lies  dans  leur  histoire. c.)  Coloration  due  aux  pigments  variés  logés  dans  l'épiderme. Les  substances  colorées,  qu'on  dénomme  pigments,  sont  de nature  très  différente.  Il  y  a  des  pigments  formés  de  corps  facile- ment réductibles,  des  albuminoïdes,  des  graisses,  etc.,  et  des pigments  formés  par  des  substances  très  fixes,  généralement produits  d'excrétion  (guanates,  urates,  etc.).  L'action  de  la lumière  sur  des  substances  si  différentes  au  point  de  vue  chi- mique doit  donc  être,  a  priori,  très  différente,  et  elle  l'est  en effet.  Un  pigment  excrétoire  que  les  amoebocytes  viennent  loger dans  les  téguments  par  diapédèse  est  certainement  soustrait  à l'action  de  la  lumière.  Les  Polychètes  tubicoles,  si  vivement colorés  dans  les  parties  de  leur  corps  qui  ne  quittent  jamais  le tube  opaque,  ont  leurs  téguments  remplis  de  ces  pigments.  Par contre  l'étiolement  des  Plantes  à  l'obscurité  démontre  sous quelle  dépendance  étroite  le  pigment  chlorophyllien  est  de  la lumière.  Il  est  inutile  d'insister  sur  ces  vérités  évidentes  et  que pourtant  tous  les  Biospéologistes  paraissent  avoir  oubliées. Les  trois  causes  de  coloration  énumérées  plus  haut  peuvent produire  la  coloration  soit  isolément  soit  en  se  combinant  dans les  proportions  les  plus  variées. C'est  à  la  lumière  des  considérations  précédentes  que  la  ques- tion des  effets  de  l'obscurité  sur  la  coloration  des  Cavernicoles doit  être  abordée.  Mettre  des  êtres  vivants  à  l'obscurité  et  dire ensuite  :  un  tel  a,  changé  de  couleur  et  tel  autre  est  resté  coloré, cela  ne  signifie  absolument  rien.  Il  faut  déterminer  d'abord quelle  est  la  nature  de  la  coloration  du  sujet  en  expérience,  et étudier  ensuite  les  effets  sur  chaque  espèce  de  coloration  en  par- ticulier. Et  il  ne  faut  pas  négliger  de  s'assurer  si  les  conditions LES   PROBLÈMES    RIOSPÉOLOGIOUES  403 nouvelles  auxquelles  sont  soumis  les  êtres  en  expérience  ne peuvent  pas  provoquer  indirectement  un  changement  dans  le piûfment  par  une  influence  directe  sur  les  processus  vitaux  qui lui  donnent  naissance. L'étude  de  la  question  de  la  coloration  des  Cavernicoles  est donc  à  reprendre  entièrement  ;  néanmoins,  l'observation  a montré,  et  de  grossières  expériences  ont  confirmé,  que  beaucoup de  colorations  disparaissent  à  l'obscurité. Un  premier  caractère  général  des  Cavernicoles  est  donc  la dépigmentation  plus  ou  moins  complète. Mais  il  reste  à  examiner  dans  chaque  cas  particulier  si  la souche  de  l'être  cavernicole  considéré  était  pigmentée  ou  non  ; en  d'autres  termes,  il  faut  rechercher  si  la  dépigmentation  est héréditaire  ou  acquise,  car  il  existe,  comme  chacun  sait,  nombre d'êtres  épigés  dépourvus  de  couleur. Cette  manière  d'envisager  le  problème  de  l'influence  de  l'obs- curité sur  la  coloration  des  Cavernicoles  me  dispense  d'examiner toutes  les  hypothèses,  théories  et  rêveries  que  ce  problème  a suggérées  aux  Biospéologistes,  car  aucune  n'est  basée  sur  des recherches  expérimentales,  et  toutes  pèchent  par  la  méconnais sance  plus  ou  moins  complète  des  considérations  exposées  plus haut. B.)  Influence  de  l'obscurité  sur  les  appareils  visuels des  Cavernicoles. Beaucoup  de  Cavernicoles  sont  dépourvus  de  tout  appareil visuel  ;  mais  il  y  en  a  d'autres  qui  en  ont  un  plus  ou  moins réduit  ;  d'autres,  enfin,  présentent  des  yeux  aussi  bien  constitués que  ceux  des  Lucicoles  Jes  plus  typiques.  Il  est  résulté  de  ces faits  contradictoires  en  apparence  un  nombre  considérable  de théories  et  hypothèses.  Hamman  (1896)  nie  même  que  l'obscurité puisse  produire  la  cécité,  ce  qui  pourtant  est  absolument  certain. L'explication  des  faits  ne  me  semble  pourtant  pas  bien  difficile, lorsqu'on  tient  compte  d'un  certain  nombre  de  considérations qui,  à  mon  avis,  placent  la  question  sur  sou  véritable  terrain. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP  .  ET  GÉ.X.  —  4'  SERIE.  T.  VI.  —  (vil)  29 404  EMILE    G.  RACOVTTZA a.)  Un  certain  nombre  de  Cavernicoles  descendent  de  souches lucicoles  aveugles  ;  ils  n'ont  donc,  au  point  de  vue  visuel,  rien eu  à  perdre  par  le  changement  d'habitat  (1). h.)  La  majorité  des  Cavernicoles  se  sont  recrutés  parmi  les Lucifuges,  qui  présentent  naturellement  soit  un  dévelop])ement faible,  soit  une  réduction  plus  ou  moins  prononcée  de  l'appareil optique.  Que  cette  réduction  se  soit  accentuée  et  achevée  ]y<iv le  séjour  à  l'obscurité  complète,  ou  que  l'évolution  de  l'a,ppareil optique  se  soit  arrêtée,  cela  va  de  soi. c.)  L'immigration  des  différentes  espèces  dans  le  domaine souterrain  s'est  faite  à  des  époques  très  différentes  ;  l'influence de  l'obscurité  sur  l'appareil  optique  a  donc  été  plus  on  moins prolongée,  et  la  durée  de  cette  influence  a  une  importance considérable  sur  le  résultat  final.  Mais  le  facteur  ((  durée  de l'influence  »  n'est  pas  le  seul  qu'il  faut  considérer.  Ce  serait  une erreur  de  conclure  que  plus  un  Cavernicole,  à  souche  oculée. est  aveugle,  et  plus  longue  a  été  la  durée  de  son  séjour  dans  le domaine  souterrain.  Un  Crustacé  complètement  aveugle  peut être  un  Cavernicole  beaucoup  plus  récent  qu'un  Batracien  à œil  à  peine  rudimentaire.  Ces  faits  en  apparence  contradictoires s'expliquent  facilement  par  les  considérations  suivantes  : La  perception  de  la  lumière  est  une  propriété  primitive  de  la matière  vivante.  Cette  propriété  générale,  d'abord  impartie  à toute  la  surface  du  corps,  se  localise,  au  fur  et  à  mesure  du perfectionnement  de  l'organisme,  en  des  points  de  plus  en  plus spécialisés,  les  yeux,  et  au  fur  et  à  mesure  que  ces  yeux  se  per- fectionnent le  reste  de  la  surface  du  corps  devient  de  plus  en plus  insensible  aux  excitations  Imineuses.  De  plus,  l'apparition des  tégnments  opaques  augmente  encore  cette  insensibilité.  11 résulte  de  là  que  l'importance  de  l'œil  dans  la  biologie  des  diffé- rentes espèces  est  très  différente.  Capitale  chez  un  Mammifère ou  chez  un  être  à  téguments  opaques,  elle  est  insignifiante  chez (1)  Je  n'<>xamine  pas  ici  la  iiuestion  générale  :  Pour<iuoi  y  a-t-il  des  animaux  qui  ont.  perdu Ifurs  yeux  ?  mais  unifiucment  la  (|uestion  spéciale  :  Pmuviuoi  y  a-t-il  des  Cavernicoles  oculés et  des  Cavernicoles  aveugles  ? LES   PKUP.LÈMKS    lilOSPKOlJKiinUES  405 un  Crustacé  inférieur,  par  exemple.  Remarquons  aussi  qu'un être  à  sensations  optiques  hautement  spécialisées  (un  Mammifère par  exemple)  descend  d'une  longue  lignée  chez  qui  l'importance de  l'appareil  optique  est  devenue  de  plus  en  plus  grande,  d'où pour  cet  appareil  une  «  inertie  héréditaire  »  de  plus  en  plus grande  opposée  aux  modifications.  Un  être  à  sensations  optiques encore  peu  spécialisées  (un  Crustacé  inférieur  par  exemple)  pos- sède une  «  inertie  héréditaire  »  nulle  ou  faible  pour  son  appareil optique.  L'appareil  optique  du  premier  persistera  longtemps malgré  les  causes  adverses,  et  se  conservera  sous  forme  d'organe rudimentaire,  l'appareil  optique  du  second  pourra  disparaître rapidement  sans  laisser  de  traces. d.)  Les  espèces  diffèrent  aussi  par  le  degré  de  développement des  autres  organes  des  sens  qui  peuvent  suppléer  plus  ou  moins aux  fonctions  de  l'œil.  Il  en  résulte  une  autre  cause  de  diversité dans  l'importance  de  l'appareil  optique  chez  les  différentes formes. e.)  D'autre  part,  si  les  appareils  optiques  dans  la  série  animale sont  analogues  au  point  de  vue  de  la  fonction  qu'ils  remplissent, ils  ne  sont  point  homologues  au  point  de  vue  de  leur  origine,  et ils  sont  très  différents  au  point  de  vue  de  leur  structure  et  de leur  situation.  Ils  sont  aussi  très  diversement  protégés  contre les  agents  extérieurs. On  jjeut  donc  dire  que  les  appareils  optiques  ne  sont,  ni  homo- logues dans  les  différents  groupes,  ni  phylogénétiquement  du même  âge  chez  les  différentes  espèces,  ni  également  importants dans  l'économie  des  différentes  formes.  La  même  influence s 'exerçant  pendant  la  même  durée  sur  des  appareils  si  différents produira  forcément  des  effets  d'intensité  différents. A  ces  considérations  générales  il  faut  ajouter  un  certain  nombre de  facteurs  spéciaux  qui  interviennent  dans  les  modifications  que peut  subir  l'appareil  optique,  par  exemple  la  panmixie  chez  les Cavernicoles  récents,  non  encore  isolés  de  leur  souche,  les  diffé- rences sexuelles  {Machaerites  à  ^  oculé  et  9  aveugle),  etc.,  etc. De  tout  cela  il  résulte  que  les  divergences  que  présentent  les 406  EMILE   G.  RACUVITZA Cavernicoles  au  point  de  viie  visuel  s'expliquent  très  naturel- lement ;  il  résulte  aussi  qu'il  est  impossible  d'établir  une  théorie générale  «'appliquant  à  l'ensemble  de  la  faune  cavernicole.  Les appareils  optiques  de  cluuiue  grou])e  homogène  de  Cavernicoles ont  leur  histoire  particulière  ;  mais  ces  histoires  partielles  n'ont été  que  trop  rarement  tentées  jusqu'à  présent. J'ai  dit,  en  commençant,  que  l'influence  de  l'obscurité  sur l'appareil  optique  était  certaine.  Packard  (1889)  sontient  même que  l'absence  de  la  lumière  produit  toujours  la  cécité  complète. Hammam  (1896)  le  nie  et  attribue  la  cécité  à  des  causes  incon- nues. Semper  (1880)  déclare  que  l'absence  de  lumière  ne  pro- duit pas  nécessairement  la  cécité,  etc.  Pour  résoudre  la  question il  faut  nécessairement  faire  intervenir  l'expérience,  sans  toute- fois oublier  que  les  études  faites  sur  les  Animaux  très  inférieurs, à  appareil  optique  peu  spécialisé,  ne  peuvent  résoudre  le  pro- blème. Chez  ces  Animaux,  en  effet,  les  appareils  optiques  sont si  peu  stables,  si  peu  importants  dans  l'économie  vitale  de  l'être, que  la  moindre  influence  peut  les  faire  disparaître.  Il  faut  donc s'adresser  aux  groupes  à  appareils  bien  conformés  et  assez évolués. L'observation  montre  que  la  perte  ou  la  réduction  de  cet appareil  se  produit  toujours  chez  les  espèces  normalement  ou originairement  obscuricoles  quand  elles  ont  été  suffisamment longtemps  soustraites  à  la  lumière,  et  l'expérience  confirme  les résultats  de  l'observation.  Pries  (1873)  le  constate  chez  Gam- marns  fossarum  Koch.  Viré  (1904)  a  montré  que  chez  Ginnmarus fluviatilis  une  dissociation  des  rétinules  avait  lieu  après  un  an de  séjour  à  l'obscurité  (1). La  réduction  plus  ou  moins  complète  de  l'appareil  optique est  donc  un  second  caractère  très  général  des  Cavernicoles. (1)  Une  Anguille  paraît  faire  exception,  car  au  bout  de  cinq  ans  les  yeux  s'étaient hypertrophiés  jusqu'à  doubler  de  volume  ■'  mais  le  système  nerveux  opti(iue  s'est  plutôt réduit,  marquant  ainsi  <iue  l'hypertrophie  de  l'organe  externe  devra  sans  doute  plus  tard  faire place  à  une  atrophie  »,  déclare  Viré.  Ne  s'agirait-il  pas  i)lutôt  dans  ce  cas  d'une  hypertrophie de  l'œil  analogue  à  celle  constatée  chez  les  Anguilles  arrivées  à  maturité  sexuelle  pendant leur  séjour  dans  les  régions  abyssales  marines  ? LES   PROBLÈMES   BIOSPEOLOGIOUES  407 (■.)  Influence  de  l'ohsciirilr  .sur  le  développement  des  organee des  sens  non  visuels Les  Cavernicoles  ])résenteiit  souvent  un  dévelop])enient  consi- dérable de  certains  organes  de  sens  auties  que  les  visuels.  Jics auteurs  interprètent  généralement  ce  fait  comme  le  résultat d'une  modification  compensatrice  pour  la  perte  des  yeux.  Pac- kard (1889,  p,  123)  déclare  :  «  As  lias  been  observed  by  some who  hâve  written  upon  cave  Animais,  the  atrophy  of  tlie  eyes and  conséquent  loss  of  vision  hâve  been  made  up,  in  part  at least,  by  a  corresponding  hypertrophy  of  the  organs  of  touch and  smell.  » Cette  manière  de  s'exprimer  ne  me  paraît  pas  juste,  car  ce n'est  pas  la  cécité,  la  perte  des  yeux,  qui  provoque  seule  la compensation,  mais  bien  la  vie  à  l'obscurité  complète.  Comme l'œ.il  ne  ])eut  être  d'aucune  utilité  sans  la  présence  de  la  lumière, le  Cavernicole  oculé  doit  être  aussi  compensé  que  l'aveugle. C'est  ce  qui  s'observe  en  effet.  Si  l'on  tient  au  mot  «  compensa- tion »,  il  faut  donc  dire  «  compensation  pour  l'impossibilité  de voir  »  et  non  «  compensation  pour  la  ])erte  des  organes visuels  ». Cette  question  de  la  compensation  a  donné  naissance  à  nombre d'hypothèses  et  affirmations  contradictoires,  comme  celle  de  la disparition  des  organes  visuels,  et  cela  aussi  faute  d'une  analyse critique  et  rationnelle  des  faits.  On  a,  en  effet,  découvert  un  état de  choses  très  difficile  à  expliquer  par  des  théories  générales, dont  cependant  les  auteurs  n'ont  pas  cru  devoir  s'abstenir. 1.)  On  a  trouvé  des  Cavernicoles  qui  ne  sont  pas  compensés. 2.)  Il  y  a  des  Cavernicoles  très  'faiblement  compensés. 3.)  On  en  a  trouvé  d'autres  qui  présentent  un  développement considérable  de  certains  organes  des  sens,  qui  par  conséquent sont  très  fortement  compensés. Ces  catégories  reposent  sur  des  observations  parfaitement exactes.  Il  n'en  est  pas  de  même,  à  mon  avis,  de  la  quatrième catégorie. 408  EMILE    G.  RACOVITZA 4.)  Un  certain  nombre  de  Cavernicoles  seraient  pourvus d'organes  spéciaux,  néoformations  qu'on  ne  retrouverait  point chez  leurs  souches  lucicoles.  C'est  Hamman  (1896)  qui  est  sur- tout le  champion  de  cette  manière  de  voir.  Or,  les  exemples que  cite  l'auteur  ne  sont  pas  probants,  car  les  organes  qu'il donne  comme  nouveaux  existent  aussi  chez  les  Lucicoles,  seule- ment beaucoup  moins  développés.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse citer,  actuellement,  un  seul  exemple  de  la  néoformation  d'un organe  sensoriel  due  au  séjour  dans  les  cavernes. Quoi  qu'il  en  soit,  il  reste  à  expliquer  la  présence  simultanée dans  le  domaine  souterrain  d'Animaux  non  compensés  ou  à compensations  variées. Plusieurs  considérations  permettent  d'arriver  à  une  compré- hension satisfaisante  de  cette  contradiction. Les  organes  des  sens  servent  à  donner  à  l'animal  les  notions du  monde  extérieur  qui  lui  sont  nécessaires  pour  sa  défense, sa  nourriture  et  sa  reproduction.  Pour  beaucoup  d'animaux inférieurs  ces  notions  à  acquérir  sont  peu  nombreuses  et  simples. Le  changement  survenu  dans  l'habitat  ne  produit  pas  de  chan- gement appréciable  dans  leur  biologie.  Il  ne  peut  donc  pas  y avoir  de  compensation  pour  ces  animaux. Il  en  est  de  même  pour  ceux  qui  descendent  de  souches  luci- coles aveugles,  car  la  compensation  existait  avant  la  pénétra- tion dans  le  domaine  souterrain. Les  Lucifuges,  souches  de  presque  tous  les  ('avernicok's.  sont également  plus  ou  moins  compensés,  et  leurs  descendants  sou- terrains ont  donc  hérité  des  dispositions  déjà  acquises  et  n'ont eu  qu'à  les  perfectionner. Restent  enfin  les  Cavernicoles,  rejetons  de  Lucicoles  oculés. Si  l'œil  joue  un  rôle  peu  important  dans  l'économie  vitale  du groupe,  la  compensation  sera  faible  ;  elle  sera  forte,  si  l'impor- tance de  l'organe  visuel  est  considérable. Cette  compensation  sera  faible  également,  et  même  nulle, dans  le  cas  où  le  changement  d'habitat  a  été  très  favorable  à l'immigré,  soit  en  ce  qui  concerne  l'acquisition  de  la  nourriture. LES   PROBLEMES   BlOSPEOLO(;iOl  ES  409 soit  pour  hi  défense  contre  les  ennemis.  Les  Aranéides  offrent des  exemples  nombreux  à  ce  sujet. Aucune  théorie  générale  ne  peut  donc  embrasser  tant  de ])ossibilités  variées  ;  mais  les  histoires  particulières  de  cluujue souche  donneraient  d'intéressants  résiiltats  si  on  voulait  bien les  entreprendre. Examinons  maintenant  de  quelle  manière  se  manifeste  la compensation. Organes  de  tact.  —  Tout  le  monde  est  d'accord  à  leur sujet.  L'allongement  souvent  considérable  des  antennes,  l'hy- pertrophie des  organes  tactiles  de  la  peau,  etc.,  est  telUMuent nette  qu'aucun  doute  ne  peut  exister  sur  ce  point.  Ce  sont  incon- testablement les  organes  tactiles  qui  ont  été  intéressés  le  plus profondément  et  les  i)remiers  par  la  compensation. Mais  tous  les  exemples  qu'on  trouve  dans  les  auteuis  nv  sont ])a,s  bien  choisis  ;  on  a  décrit  souvent  chez  les  Cavernicoles  des organes  tactiles  dont  ou  attribuait  le  développement  plus  ou moins  considérable  à  la  compensation  quand,  en  réalité,  ce n'était  qu'un  caractère  héréditaire,  et  cela  parce  qu'on  avait négligé  d'étudier  comparativenu'nt  les  souches  lucicoles  de  ces Animaux.  Ainsi  a  fait  Viré  (1899)  pour  les  poils  de  certains Coléoptères. Organes  de  l'ouïe  et  de  l'olfaction.  —  Il  règne  encore beaucoup  d'incertitude  au  sujet  de  ces  deux  sens.  Packakd (1889)  admet  que  l'odorat  est  plus  développé  chez  les  Caver- nicoles et  cite  phisieurs  exemples  qui  lui  paraissent  probants. Par  contre,  il  constate  que  les  Camharus  aveugles  ont  des  oto- cystes  dégénérés  et  que  A7nblyo2)sis  n'est  pas  sensible  au  son. Hamman  (1896)  croit  aussi  que  l'o^dorat  se  développe  plus  que le  sens  de  l'ouïe.  Viré  (1899)  admet  l'hypertrophie  de  l'ouïe  et décrit,  chez  les  Aselles  lucicoles  soumis  à  l'obscurité,  des  allon- gements progressifs  de  certains  poils  spéciaux,  auxquels  il attribue  cette  fonction.  Le  même  auteur  (1904)  constate  la même  chose  chez  des  Gammarus  fluviatilis  élevés  à  l'abri  de  la lumière. 410  ÉMTLE    G.  RACOVITZA Il  est  donc  impossible,  eiicor(>  une  fois,  d'établir  une  règle générale  et  l'on  doit  se  borner  à  étudier  et  expliquer  les  cas particuliers. Organes  nouveaux  a  fonctions  indéterminées.  —  Doll- Fus  et  Viré  (1905)  décrivent  un  certain  nombre  de  poils  sen- sitifs  qui  seraient  très  développés  chez  les  Oirolanides  et  Sphae- romiens  cavernicoles,  et  auxquels  ils  supposent  des  fonctions particulières,  sans  d'ailleurs  apporter  plus  de  lumière  sur  cette délicate  question.  Il  n'est  pas  démontré,  d'ailleurs,  que ces  formations  n'existent  pas  chez  les  formes  voisines  luci- coles. Hamman  (1896)  est  tout  à  fait  catégorique  sur  cette  question. Il  décrit  chez  des  Crustacés,  Aptérygogéniens,  Coléoptères, Poissons,  des  organes  qu'il  considère  comme  nouveaux,  comme spéciaux  aux  Cavernicoles,  et  qui  seraient  dus  à  une  compensa- tion pour  la  perte  de  la  vue.  J'ai  déjà  exprimé  mes  doutes  sur la  véracité  de  cette  manière  de  voir;  j'ajoute  que  Absolon  (1902) déclare  formellement  ((uc  les  Aptérygogéniens  cavernicoles  n'ont pas  d'organes  de  sens  spéciaux,  et  j'affirme,  en  connaissance  de cause,  la  même  chose  pour  les  Oniscidés  des  cavernes  {Tita- nethes,  etc.) Forme  du  corps  et  des  membres.  —  Signalons  enfin  que  la forme  aplatie  ou  allongée  du  corps  et  l'allongement  des  pattes de  certains  Cavernicoles  sont  considérés  comme  dus  aussi  à  la compensation  pour  l'impossibilité  de  voir.  Je  ne  vois  pas  en quoi  ces  modifications  peuvent  accroître  le  sens  du  toucher, comme  le  pense  Packard  (1889)  ;  les  Animaux  pourvus  d'an- tennes n'explorent  pas  l'espace  environnant  avec  le  corps  ou  les pattes,  et  pourtant  ce  sont  justement  ces  Animaux  que  Packard cite  à  l'appui  de  sa  manière  de  voir.  Nous  verrons  plus  loin  (voir p.  419)  qu'on  peut  trouver  de  meilleures  explications  pour  la modification  de  la  forme  du  corps  ;  quant  à  l'allongement  des pattes,  il  se  peut  que  dans  une  certaine  mesure  il  soit  dû  à l'effet  de  la  compensation,  mais  seulement  chez  les  Animaux dépourvus  d'appendices  tactiles  spéciaux  comme  les  antennes. LES    PROBLÈMES   BIOSPÉOLOGIOTJES  4H lf>s  cerqups,  les  palpes,  et  qui  utilisent  les  pattes  à  leur  place. (Certains  Araclmides,  etc.) D'autre  part  la  compensation  par  allongement  des  pattes peut  être  admise  sans  faire  intervenir  le  sens  tactile.  Cet  allon- gement a  certainement  pour  effet  une  rapidité  plus  grande  des mouvements,  très  utile  à  ranimai  privé  de  vue,  soit  pour  cap- turer une  proie,  soit  pour  fuir  un  ennemi,  proie  ou  ennemi  dont la  présence  ne  lui  est  signalée  que  par  contact  direct,  ou  du moins  à  partir  d'une  distance  beaucoup  plus  faible  que  lorsqu'il s'agit  d'un  animal  pouvant  voir.  C'est  pour  des  raisons  sembla- bles que  les  organes  préliensifs  se  sont  allongés  dans  nombre de  cas.  {Blothriis,  Opilionides,  etc.) Tel  n'est  cependant  pas  l'avis  de  Viré  (1899,  p,  84)  (pii  croit que  les  pattes  des  Gampodea  cavernicoles  se  sont  allongées  (et aussi  amincies,  E.  G.  E.)  «  pour  pouvoir  supporter  le  poids  crois- sant des  antennes  et  des  cerci,  et  fournir  en  même  temps  une plus  large  base  de  sustentation  à  l'animal,  confirmant  une  fois de  plus  la  théorie  du  balancement  des  organes  de  Et.  Geoffroy- Saint-Hilaire.  » Je  ne  veux  pas  examiner  jusqu'à  quel  point  l'interprétation qu'on  vient  de  lire  «  confirme...  la  théorie  du  balancemenr  des organes  «  car  c'est  affaire  à  régler  entre  Viré  et  Geoffroy-Saint- Hilaire  ;  nuiis  je  suis  effrayé  des  conséquences  qu'elle  pourrait avoir  si  elle  exprimait  des  causalités  mécaniques  réelles  :  l'Hip- popotame monté  sur  pieds  de  grue  !  Voilà  une  vision  de  cauche- mar bien  faite  pour  troubler  l'âme  du  zoologiste  ! Ethologie.  —  J'attire  seulement  l'attention  sur  un  point qui  n'a  pas  été  signalé.  Un  changement  dans  les  mœurs  de l'Animal  peut  être  suffisant  pour  compenser  la  perte  de  la  vue et  même  des  autres  sens.  Le  monde  des  parasites  olîre  des exemples  frappants  à  cet  égard.  Un  Animal  lucicole,  pourvu des  organes  visuels  les  plus  développés,  mais  qui  doit  dépenser une  activité  considérable  pour  gagner  sa  nourriture,  peut,  en exploitant  un  gisement  alimentaire  nouveau,  être  placé  dans  les conditions  favorables  du  parasite.  Le  guano  des  Chauves-souris, 412  EMILE    G.   UACOVITZA accumulé  souvent  eu  grande  quantité  dans  les  grottes,  n'a-t-il point  occasionné  de  semblables  tranformations  ethologiques  ? Est-il  nécessaire  qu'un  Saprophage  lucieole  soit  compensé  pour qu'il  puisse  vivre  en  paix  dans  ces  grandes  réserves  de  nourriture, et  sa  biologie  u'est-elle  pas  analogue  à  celle  des  Parasites  ? D.)  Influence  de  l'obscurité  sur  les  phototactismes  des  Cavernicoles. Un  appareil  optique  spécialisé  et  compliqué  est  nécessaire pour  percevoir  les  formes  éclairées  des  objets  ;  il  n'en  est  pas  tle même  pour  la  perception  des  différences  d'éclairement.  La  sen- sation lumineuse  paraît  être  une  propriété  fondamentale  de  la matière  vivante  ;  moins  une  cellule  est  spécialisée  et  plus  cette perception  lui  est  facile.  Beaucoup  d'x\.nimaux  conservent  cette propriété,  même  quand  ils  ont  des  appareils  optiques  assez évolués,  et  perçoivent  les  différences  d'éclairenu'nt  |)ar  toute  la surface  de  leur  corps. Le  fait  a  été  constaté  souvent  sur  des  An  maux  lucicoles,  soit aveugles,  soit  artificiellement  aveuglés,  comme  les  AmpliiiDodes, Myriapodes,  Blattes  et  même  les  Tritons.  Les  êtres  lucifuges réagissent  à  la  lumière,  après  l'extirpation  des  yeux,  avec  autant de  précision  que  les  témoins  oculés. Les  Animaux  supérieurs  seuls,  et  ceux  recouverts  d'une  cara- pace opaque,  ont  perdu  ce  pouvoir  sensoriel  généralisé. Les  Cavernicoles,  qu'ils  aient  été  primitivement  aveugles  ou bien  qu'ils  aient  secondairenuMit  perdu  leurs  yeux,  ont  donc  eu en  héritage  de  leur  souche  superficielle  cette  faculté  de  percevoir les  différences  d'éclairement,  et  ils  l'ont  naturellement  conservée, car  elle  leur  est  fort  utile.  Si,  en  effet,  les  ravernicoles  aveugles ne  percevaient  pas  la  lumière,  ils  resteraient  plus  difficilement confinés  dans  le  domaine  souterrain,  qui,  comme  on  sait,  a  des communications  faciles  avec  les  régions  superficielles  ;  souvent, en  effet,  leurs  autres  sens  ne  leur  suffiraient  pas  pour  cela.  Il  est donc  probable  que  la  vie  à  l'obscurité  n'a  pas  pu  avoir  d'influence sur  ce  point  de  physiologie  des  Cavernicoles.  L'observation  et l'expérience   ont   d'ailleurs   montré   que   les   Cavernicoles   sont LES   PROBLÈMES   RIOSPÉOLOGIQUES  413 fortement  lucifuges.  Cette  pliotopliobie  paraît  même  très  géné- rale, malgTé  quelques  observations  qui  paraissent  fournir  des exceptions. Joseph  (1882)  et  Gall  (1897)  prétendent  que  les  Cavernicoles aveugles  sont  tous  insensibles  à  la  lumière  ;  s'ils  fuient  quand on  les  éclaire  avec  des  sources  artificielles  de  lumière,  c'est  parce qu'ils  sont  atteints  par  les  rayons  caloriques.  Mais  Piochard DE  LA  Brtjlerie  (1872)  a  par  avance  donné  de  bons  arguments contre  cette  manière  de  voir,  que  des  ol)servations  ultérieures contredisent  formellement. On  lit  dans  Packard  (1889,  p.  127)  que  Amhlyopsis  serait insensible  à  la  lumière,  chose  possible  a  priori,  ce  Poisson  pou- vant être  rangé  dans  la  catégorie  des  Animaux  à  appareil  optique hautement  organisé  ayant  perdu  la  sensibilité  lumineuse  géné- ralisée. Mais  les  observations  plus  récentes  d'EiGENMAixN  (1898) montrent  que  tous  les  Amblyopsides,  qu'ils  soient  aveugles  ou oculés,  sont  lucifuges. On  a  cité  aussi  des  Coléoptères  cavernicoles  aveugles  qui  se- raient insensibles  à  la  lumière.  Les  Coléoptères  sont,  en  général, pourvus  d'une  chitine  tellement  pigmentée  qu'elle  doit  être o])a.(iue,  mais  les  Cavernicoles  ont  une  chitine  très  transparente et  complètement  dépourvue  de  pigment  figuré  ;  il  n'est  donc pas  étonnant  que  l'insensibilité  aux  rayons  lumineux  ait  été fortement  contestée.  Il  faudrait  donc  reprendre  cette  question. Il  n'a  été  question  jusqu'ici  que  de  l'insensibilité  de  certains ( 'avernicoles  aveugles  vis-à-vis  de  la  lumière  ;  Viré  (1899)  est  le seul  qui  ait  constaté  chez  ces  Animaux  un  phototactisme  positif. Il  dit,  en  effet,  que  les  NipJiargus,  quoique  aveugles,  sont  attirés par  une  lumière  faible  et  mis  en  fuite  par  une  forte  lumière.  Les NiphargKs  devraient  donc  être  des  Animaux  de  pénombre, ils  devraient  habiter  les  entrées  des  grottes,  si  l'observation  de Viré  était  exacte.  Or,  elle  me  paraît  contestable,  car  ces Crustacés  se  trouvent  dans  les  endroits  les  plus  obscurs  du domaine  souterrain. Il  n'y  a  pas  lieu  d'examiner  ici  le  mécanisme  intime  et  la 444  EMILE    G.   RACOVTTZA Tiiisoii  (lu  phototactismc,  négatif  d(\s  (3aivernicok',s.  Oes  qucstioiis intéressent  hi  Biologie  générale  et  se  posent  pour  tous  les  Ani- maux. Signalons  pourtant  aux  biologistes,  que  ces  questions ])réoccupent,  la  tliéorie  nouvelle  de  Viré  (1899)  qu'on  pourrait désigner  sous  le  nom  de  ((  théorie  de  la  pigmentation  instantanée  : La  lumière  développe  le  pigment.  «  Cette  repignientation  ne doit  pas  être  sans  produire  un  retentissement  dans  tout  l'orga- nisme. Il  doit  y  avoir  une  excitation  nerveuse  intense,  qui  pro- duit, dans  ce  système  nerveux  hypertrophié  dans  toute  sa  partie sensorielle,  des  sensations  vives  et  désagréables  ».  Tout  en  admi- rant l'élégance  avec  laquelle  cette  théorie  résout  les  difficiles problèmes  des  phototactismes,  il  n'est  pas  possible  de  se  dissi- muler qu'elle  sera  difficilement  acceptée  par  les  biologistes compétents. E.)  Influence  de  Volfucitrité  sur  les  manira  des  Cavernicoles. Beaucoup  d'Animaux  superficiels,  même  .si  ce  ne  sont  pas  des Lucifuges  caractérisés,  se  tiennent  cachés  sous  des  abris  ou  dans des  trous,  non  seulement  pour  fuir  la  lumière,  mais  pour  se défendre  contre  les  intempéries  ou  contre  leurs  ennemis,  et  pour se  soustraire  à  une  dessication  contre  laquelle  ils  sont  en  général faiblement  armés. Cette  habitude,  sauf  de  rares  exceptions,  est  absolument  cons- tante chez  les  groupes  dont  les  rejetons  ont  peuplé  les  cavernes. Le  domaine  souterrain  est  obscur  et  humide,  on  ne  constate pas  d'intempéries  comparables  à  celles  de  la  surface,  et  les  car- nivores sont  privés  du  sens  de  la  vue.  Quelques  biospéologistes en  conclurent  que  l'habitude  de  se  cacher  sous  un  abri  doit  avoir disparu  chez  les  Cavernicoles  comme  inutile,  car  il  n'y  a  pas  de raison  de  croire  qu'un  organe  peut  s'atrophier  par  non  usage  et qu'un  instinct  puisse  persister  dans  les  mêmes  conditions. Banta  (1905)  constate  que  cette  habitude  persiste,  mais  il  ne démontre  pas  qu'elle  est  inutile,  et  c'est  là  que  git  le  nœud  de cette  intéressante  question   qui  mériterait  des  études  précises. Une  autre  question  présente  non  moins  d'intérêt.  Les  Luci- LES   PROBLEMES  BIOSPEOLOGIQUES  44S f liges  qui  n'ont  pas  transformé  leur  maison  en  piège  pour  attraper leur  proie  ou  qui  n'ont  pas  élu  domieile  au  sein  de  la  matière alimentaire,  c'est-à-dire  la  grande  nmjorité,  ne  sont  pas  séden- taires. Ils  sortent  la  nuit  pour  se  procurer  la  nourriture  ou  ])Our satisfaire  leurs  besoins  génitaux.  Ils  ont  donc  une  période  d'acti- vité alternant  régulièrement  avec  une  période  de  repos. (■ette  périodicité  a-t-elle  persisté  dans  les  mœurs  de  leurs descendants  cavernicoles  alors  qu'elle  est  devenue  complètement inutile,  la  nuit  continuelle  étant  l'état  nornuil  du  domaine souterrain  ? 2»  Influence  de  la  températuee  constante  et  basse Cette  influence  pourrait  se  manifester  de  plusieurs  façons  : a.)  Perte  ou  réduction  de  l'aptitude  à  résister  aux  variations. Les  Superficiels  poïkilothermes  peuvent  supporter  indéfini- ment de  très  fortes  variations  de  leur  température  propre.  En est-il  de  même  pour  les  Cavernicoles  qui  habitent  un  milieu  à température  constante  "?  Ne  doit-on  pas  logiquement  s'attendre à  voir  diminuer  chez  ces  derniers  l'aptitude  devenue  inutile  de résister  aux  variations*?  C'est  ce  que  s'est  dit  probablement  Viré (1899)  quand  il  déclare  que  les  Niphargus  Virei  meurent  entre 16»  et  21»  et  1^.  puteanus  entre  13°  et  23°,  et  que  la  température basse  de  5^,7  suffit  pour  les  tuer.  Or,  il  est  manifeste  que  nos Gammarus  superficiels  ne  seraient  pas  incommodés  par  de  sem- blables températures.  Mais  Gal  (1903)  conteste  l'exactitude  des chiffres  de  Viré,  car  les  Niphargus  ont  parfaitement  vécu  dans une  eau  dépassant  souvent  25°,  et  Cœcosphœroma  ne  périt  pas après  la  congélation  de  l'eau  de  sa  prison. Des  expériences  précises,  et  surtout  comparatives,  sont  donc nécessaires  pour  tirer  cette  affaire  au  clair  ;  mais  il  ne  faut  point oublier  que  la  résistance  des  Poïkilothermes  aux  variations  de température  est  surtout  passive,  physique  plutôt  que  physio- logique. On  conçoit  donc  que  cette  résistance  puisse  ne  pas être  influencée  par  l'action  du  milieu  extérieur. S'il  est,  par  conséquent,  possible  que  la  résistance  des  Caver- 416  EMILE    G.  RACOVITZA nicoles  aux  variations  de  température  soit  égale  à  celle  des Superficiels,  il  n'en  résulte  pas  nécessairement  que  pareils  chan- gements doivent  être  ressentis  de  la  même  façon  par  les  deux catégories  d'êtres.  Il  se  peut  que  les  Cavernicoles  ressentent  ces variations  plus  fortement  et  que,  par  conséquent,  elles  puissent constituer  une  barrière  des  plus  solides  à  leur  dispersion.  L'action du  milieu  peut  liyperesthésier  ou  affaiblir  une  sensation. Mais  la  question,  faute  d'expérience,  reste  entière. h.)  Suppression  des  périodes  fixes  de  reproduction. Les  Arbres,  dans  les  régions  à  différences  saisonnières  consi- dérables, passent  par  des  périodes  de  repos  fonctionnel  qui  se manifestent  pas  la  chute  des  feuilles.  On  sait  que  ces  Arbres  à feuilles  caduques,  perdent  leurs  feuilles  à  époque  fixe,  même  lors- qu'ils sont  transplantés  dans  des  pays  sans  saisons.  Il  existe donc  cliez  ces  Végétaux  une  sorte  de  mémoire  héréditaire  d'un événement  qui  ne  peut  plus  les  influencer.  Existe-t-il  semblable mémoire  héréditaire  chez  les  Animaux  pour  les  périodes  sexuelles qui  dérivent  aussi  d'une  adaptation  aux  variations  saisonnières  "? En  d'autres  termes,  les  Cavernicoles,  ([ui  habitent  un  milieu  à température  constante,  ont-ils  des  périodes  de  maturité  sexuelle comme  leurs  souches  lucicoles  soumises  aux  variations  saison- nières ? Bedel  et  Simon  (1875)  affirment  que  les  générations  de  Caver- nicoles se  succèdent  sans  intervalle.  Hamman  (1896)  a  trouvé  de jeunes  Titanethes  en  mai  et  en  septembre,  iiiais  il  constate  que Proteus  pond  seulement  au  mois  de  mai. Ces  observations  sont  insuffisantes  pour  conclure.  Il  est  cer- tain que  l'hétérogène  agglomération  de  formes  qui  constitue la  faune  cavernicole  doit  présenter  de  grandes  différences  aussi à  ce  point  de  vue.  Néanmoins,  il  est  possible  que  l'étude  de  cette question  puisse  fournir  des  données  intéressantes  sur  l'épociue de  l'immigration  d'une  forme  dans  le  domaine  souterrain c.)  Suppression  de  l'hivernation  ou  de  l'estivation. Ce  que  je  viens  de  dire  de  la  périodicité  sexuelle  s'applique  aussi à  l'hivernation  et  à  l'estivation.  Joseph  (1882)  dit  que  les  habi- LES  PROBLEMES   BIOSPEOLOGIOUES  M 7 tants  de  l'entrée  des  grottes  hivernent,  mais  que  ceux  qui  vivent dans  les  parties  profondes,  à  température  constante,  n'hiver- nent pas.  C'est  ce  que  l'on  observe,  en  effet,  généralement  ; mais  il  peut  y  avoir  des  exceptions  ;  d'ailleurs,  toute  la  question est  à  reprendre  avec  des  observations  plus  rigoureuses. d.)  Diminution  de  l'activité  fonctionnelle. Les  partisans  de  la  famine  souterraine  invoquent  la  tempé- rature constante  et  basse  pour  expliquer  la  résistance  des  Caver- nicoles à  l'inanition.  Chilton  (1894)  dit,  en  effet,  que  l'activité fonctionnelle  de  l'organisme  étant  moindre  dans  une  tempéra- ture constante  et  basse,  la  consommation  de  la  machine  animale doit  être  plus  faible.  Vbrhoeff  (1898)  admet  même  l'exis- tence, en  cas  d'inanition  prolongée,  d'une  sorte  de  vie  latente rendue  ])ossible  par  le  séjour  dans  un  milieu  froid  et  invariable. Ce  sommeil  de  jeûneur  que  subiraient  les  Cavernicoles  est une  supposition  toute  gratuite, puisqu'aucune  observation  directe ne  l'a  constaté  et  que,  d'autre  part,  il  est  faux  que  l'inanition soit  la  condition  normale  de  la  vie  du  Cavernicole  ;  nous  avons vu,' en  effet,  que  la  nourriture  ne  manqiu'  pas  dans  le  domaine souterrain. L'idée  que  se  fait  Chilton  de  l'influence  exercée  par  la  tem- pérature constante  et  basse  ne  me  paraît  pas  plus  exacte.  Je pense,  au  contraire,  que  l'activité  fonctionnelle  du  Cavernicole doit  être  plus  grande,  somme  toute,  que  celle  de  sa  souche  luci- cole.  Car,  d'une  part,  on  peut  admettre  que  l'hivernation  est  en général  su])primée  chez  les  Cavernicoles  et ,  d'autre  part  .  le fonctionnement  de  l'organisme  par  une  basse  température  est moins  économique  que  par  une  température  élevée.  L'obser- vation directe  a  montré  que  les  Cavernicoles  sont  très  agiles et  la  rapidit(''  de  leurs  mouvements  très  considéra l)lc. 3    Influence  de  l'humidité J'ai  déjà  indiqué  que  l'air  des  cavernes  paraissant  très sèches  est  néanmoins  beaucoup  plus  humide  que  dans  bien  des régions  superficielles.  C'est  un  avantage  que  présente  le  domaine 418  KM  ILE    (j.   HACOVITZA souterrain  sur  le  domaine  épigé.  Packard  (1889.  p.  125)  constate timidement  que  «  ...total  darkness  with  humidity  are  perhaps not  so  adverse  to  invertebrate  life  as  would  at  first  siglit seem...  »  car,  par  anthropomorphisme,  il  attribue  à  la  vue  une trop  grande  importance  dans  la  vie  des  Animaux  inférieurs.  Or l'humidité  est  un  facteur  bien  plus  important  que  la  lumière dans  la  biologie  de  ces  êtres  et  Peyerimhoff  (1906)  a  eu  ]y,{v- faitement  raison  d'insister  sur  ce  point. On  sait  en  effet  que  si  nous  exceptons  les  Mammifères,  les Oiseaux  et  une  partie  des  Eeptiles,  presque  tous  les  autres  Ani- maux sont  mal  organisés  pour  résister  à  l'évaporation  des liquides  organiques  ;  presque  tous  sont  rapidement  tués  par déshydration. Cependant  la  résistance  à  l'évaporation  varie  dans  des  limites assez  considérables  et  elle  est  réalisée  par  les  artifices  les  plus variés. L'humidité  constante  et  forte  qui  règne  dans  le  domaine  sou- terrain a-t-elle  eu  une  influence  sur  les  descendants  des  formes lucicoles  pourvues  de  ces  adaptations  "? On  pourrait  a  priori  le  supposer  et  faire  intervenir  le  non usage  pour  en  admettre  la  modification  ou  la  suppression.  Mais seule  l'expérience  doit  décider  s'il  en  est  ainsi,  et  elle  n'a  pps été  tentée. J'ai  observé  cependant  que  des  Trichoniscus  cavernicoles mouraient  très  vite  lorsqu'ils  étaient  exposés  à  l'air  sec,  et  que d'ailleurs  les  grottes  complètement  sèches  (comme  ou  en  rencontre en  Algérie)  sont  inhabitées.  Je  ne  sais  pas  si  le  fait  est  général, mais  il  se  pourrait  que  les  Cavernicoles  fussent  moins  défendus contre  l'assèchement  que  leurs  congénères  Lucicoles.  Si  cela est  exact,  il  faudrait  voir  là  une  des  plus  fortes  barrières  de  dis- persion des  Cavernicoles  et  une  des  raisons  principales  de  leur confinement  dans  le  domaine  souterrain. Outre  cette  influence  générale,  l'humidité  constante  peut  avoir exercé  d'autres  influences  sur  les  habitants  du  domaine  souter- rain. Elle  a  pu,  par  exemple,  rendre  inutile  l'épiphragme  des LES  PROBLÈMES  lîIOSPÉOLOGIOUES  419 Gastropodes,  renfouissement  de  certains  Animaux  qui  dans  le domaine  superficiel  recherchent  l'humidité  par  ce  moyen,  etc. On  manque  d'études  sur  ce  point. Les  Animaux  aquatiques  ont  tiré  aussi  avantage  de  l'humi- dité qui  règne  dans  les  grottes  oii  il  se  forme,  comme  à  la  sur- face, des  flaques  d'eau  temporaires  pendant  les  crues.  Mais tandis  que  dans  le  domaine  épigé  le  dessèchement  est  une  catas- trophe qui  fait  disparaître  la  plupart  des  adultes,  force  le  reste à  acquérir  le  pouvoir  de  reviviscence  et  provoque  l'apparition de  germes  spéciaux  protégés  contre  l'assèchement,  il  n'en  est pas  de  même  dans  le  domaine  souterrain.  Son  atmosphère saturée  d'humidité  permet  aux  Animaux  aquatiques  de  vivre «  à  sec  ».  Ainsi,  dans  la  grotte  de  l'Oueil  de  IsTeez,  j'ai  trouvé  un gros  Niphargus,  en  parfaite  santé,  dans  un  endroit  où  il  n'y avait  pas  la  moindre  trace  d'eau  liquide,  et  cela  à  la  fin  de  l'au- tomne après  une  grande  période  de  sécheresse.  Mais  il  y  a  mieux  ; Carl  (1904)  a  décrit  un  Oopépode  :  Canthocamptus  subterraneus, qui  vit  sur  les  crottes  de  Chauves-souris  d'une  grotte  de  Crimée, et  non  dans  l'eau. Ces  faits  expliquent  aussi  les  rencontres  d'Amphipodes  et d'Aselles  dans  de  minuscules  flaques  d'eau,  creusées  dans  un encroiitement  stalagmitique,  où  tout  aliment  paraît  manquer. Ces  Animaux  peuvent,  j'en  suis  convaincu,  sortir  de  l'eau  sans danger  pour  chercher  au  loin  leur  nourriture,  ce  qu'ils  ne  pour- raient faire  dans  le  monde  épigé  qu'exceptionnellement. Un  autre  point  est  à  noter  ;  comme  on  a  signalé  des  Clado- cères  et  des  Copépodes  cavernicoles,  il  serait  intéressant  de  voir s'ils  continuent  à  pondre  des  œufs  spéciaux,  qui  résistent  à  l'as- sèchement, tout  en  examinant  d'aBord  si  cette  habitude  leur est  inutile  ou  utile. 40  Influence  des  dimensions  des  espaces  habitables Beaucoup  d'auteurs  ont  constaté  (|ue  les  Cavernicoles  sont plus  allongés  ou  plus  aplatis  que  leurs  congénères  Lucicoles,  et ils  trouvent  l'explication  du  fait  dans  une  compensation  pour  la AHCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  4»  SERIE.  T.  VI.  (VIll.  3o 420  ÉMTLR    H.  UACOVITZA perte  de  vue.  J'ai  déjà  indiqué  (v.  page  llO)  ce  qu'il  fallait  penser de  cette  manière  de  voir.  Faisons  remarquer,  en  outre,  que  le fait  n'est  pas  général;  il  existe  des  Coléoptères  dont  l'abdomen est  tout  à  fait  globuleux  ;  d'autre  part,  les  Arachnides  et  les Opilionides  présentent  rarement,  à  ce  point  de  vue,  une  diffé- rence avec  les  formes  qui  habitent  à  l'extérieur. A  quoi  tient  cette  différence?  et  pourquoi  l'aplatissement  et l'allongement  n'est-il  point  un  caractère  général  des  Cavernicoles  1 Je  pense  en  trouver  la  raison  d'une  part  dans  la  voie  qu'ont prise  les  souches  de  ces  Animaux  pour  immigrer  dans  les  cavernes, et,  d'autre  part,  dans  l'influence  de  leur  habitat  normal.  Je crois  donc  que  ces  caractères  peuvent  être  aussi  bien  acquis  qu'hé- réditaires. Les  Cavernicoles  qui  ont  envahi  le  domaine  souterrain  par les  fentes,  et  qui  les  habitent  encore,  sont  ceux  qui  présentent surtout  cet  aplatissement  et  cet  allongement.  Chilton  (1894) attribue,  avec  juste  raison,  l'allongement  des  Crustacés  qui habitent  les  nappes  phréatiques  de  la  Nouvelle-Zélande  à  la nécessité  de  circuler  dans  des  fentes  étroites.  On  peut  expliquer de  la  même  manière  l'allongement  des  Cavernicoles  terrestres. J'ajouterai  que  cet  allongement  et  cet  aplatissement  ont  pu  se produire  seulement  à  la  suite  de  l'immigration  secondaire  des vastes  espaces  souterrains  dans  les  espaces  étroits  ;  il  est  pos- sible aussi  que  pour  certaines  espèces  ces  qualités  soient  héré- ditaires, la  fente  ayant  servi  souvent  de  voie  d'accès  dans  le domaine  souterrain  et  ayant  ainsi  produit  une  sorte  de  tamisage des  candidats  cavernicoles. D'ailleurs,  beaucoup  de  Cavernicoles  se  sont  recrutés  parmi les  habitants  des  fentes  superficielles  qui  présentent  tous  des formes  plates  et  allongées. Les  Silphides,  Aranéides.  Mollusques.  Opilionides,  etc.,  qui ont  des  formes  arrondies  et  présentent  même  souvent  un  gon- flement exceptionnel  du  corps,  n'habitent  par  les  fentes  ;  ce sont  les  colons  des  vastes  espaces  souterrains.  La  voie  d'accès prise  par  leur  souche  a  dû  être  l'entrée  des  grottes.  Ce  qui  paraît LES   PROBLEMES   BlOSPEOLOGIOl'KS  421 le  démontrer  c'est  qu'on  trouve  encore  leurs  proches  parents  à ces  entrées,  stations  favorites  des  Silpliides,  des  Aranéides,  etc. Notons  seulement  ici,  sans  insister,  les  rapports  encore  mys- térieux, mais  certains,  qu'il  y  a  entre  *la  taille  des  Animaux aquatiques  et  le  volume  de  l'eau  dans  laquelle  ils  habitent. Semper  (1880,  T.  I,  pp.  195  et  s.),  et  d'autres  après  lui,  ont  expé- rimentalement établi  l'existence  de  ces  rapports.  On  pourra faire  probablement  l'application  de  cette  découverte  aux  Caver- nicoles aquatiques  habitant  les  bassins  lacustres  souterrains. 5°  Influence  de  l'état  dynamique  de  l'air  et  de  l'eau On  a  maintes  fois  étudié  les  effets  de  l'air  en  mouvement  sur les  êtres  lucicoles.  On  sait  que  les  courants  aériens  favorisent singulièrement  la  dispersion  des  Plantes  et  des  Animaux  ;  on attribue  aux  effets  du  vent  la  fréquence  des  Insectes  aptères dans  la  faune  des  îles  océaniennes,  etc.  Mais  on  n'a  pas  encore examiné,  me  semble-t-il,  l'influence  que  les  courants  aériens peuvent  exercer,  soit  sur  le  développement  des  organes  fragiles et  délicats,  soit  sur  l'évolution  des  organes  capables  d'enre- gistrer les  vibrations  du  milieu,  comme  certains  organes  des sens  à  fonctions  statiques  ou  comme  les  appendices  et  poils sensitifs. Cette  influence  est  certaine,  mais  il  faut  noter  que  les  diffé- rents Animaux  ne  la  subissent  pas  également  ;  beaucoup  n'offrent pas  de  prise  à  son  action  à  cause  de  leur  organisation,  d'autres s'en  affranchissent  plus  ou  moins  complètement  par  leur  propre industrie  (nids,  abris  variés,  etc.).  Mais,  là  où  elle  s'exerce,  il doit  se  produire  un  arrêt  ou  une  modification  dans  l'évolution progressive  des  organes  mentionnés. En  effet,  les  appendices  courts  et  fragiles  doivent  s'épaissir, les  poils  allongés  et  rigides  doivent  s'assouplir  ou  se  raccourcir  ; en  un  mot,  cette  influence  se  manifestera  par  un  épaississement et  un  assouplissement  des  organes  atteints. Les  organes  enregistreurs  de  vibrations  ne  pourront  pas accroître  leur  sensibilité  au  delà  d'une  certaine  limite,  car  le 422  KM  ILE   G.  RACOVITZA vent  causerait  des  troubles  trop  graves  sur  un  Animal  pourvu d'organes  trop  sensibles. Voyez  ce  qui  se  passe  dans  un  cas  analogue  avec  les  Oiseaux de  nuit,  dont  l'œil  es^  extrêmement  sensible  ;  ils  ne  ])euvent supporter  la  lumière  du  jour. Or,  nous  savons  que  dans  le  domaine  souterrain,  sauf  rares exceptions  (trou  à  vent,  cavernes  à  issues  multiples,  etc.),  il règne  un  calme  parfait  ;  la  circulation  de  l'air  se  fait  d'une façon  si  lente  qu'elle  est  pratiquement  insensible.  Il  en  résulte que  l'influence  dont  il  est  question  ne  peut  s'exercer. Les  appendices  pourront  se  développer  en  longueur,  et  ils pourront  être  et  fragiles  et  rigides.  De  fait  cela  se  présente  fré- quemment dans  le  domaine  souterrain,  et  l'on  connaît  la  fra- gilité tout  à  fait  remarquable  de  certains  Cavernicoles  (Tita- nethes,  DoUchopoda,  etc.). D'autre  part,  l'hyperesthésie  des  organes  enregistreurs  de vibrations  est  non  seulement  rendue  possible,  mais  est  même très  avantageuse  à  l'animal  comme  compensation  pour  l'impos- sibilité de  voir. Une  observation  récente  et  inédite  de  M.  Eené  Jeannel  semble fournir  un  exemple  de  cette  hyperesthésie. M.  Jeannel  élève  des  Antisphodrus  navarricus  Vuill.  dans  des cristallisoirs  recouverts  d'une  plaque  de  verre.  Or,  il  a  remarqué que  ces  Coléoptères  paraissent  indifférents  aux  variations  d'éclai- rage, mais  qu'ils  sont  d'une  extrême  sensibilité  au  moindre mouvement  de  l'air.  Si  l'on  souffle  sur  eux,  même  légèrement, ils  sont  pris  de  convulsions  tétaniques,  et  s'enfuient  ensuite précipitamment. Cette  observation  sera  d'ailleurs  approfondie  et  vérifiée  dans les  cavernes  mêmes.  Si  c'est  réellement  le  mouvement  de  l'air qui  produit  l'effet  décrit,  il  en  résulterait  que  les  Aniùphodrnu, ou  les  Cavernicoles  ayant  la  même  sensibilité,  ne  doivent  jamais se  rencontrer  dans  les  trous  à  vent  ou  les  régions  à  courants d'air. Les  eaux  souterraines  n'offrent  pas,  au  point  de  vue  de  leur LES   PROBLÈMES   RlOSPEnLOGIOTTES  423 mouvciiuMit.  de  grandes  différences  avec  les  eaux  superficielles  ; la  pro])ortion  des  eaux  courantes  et  des  eaux  stagnantes  est  à peu  près  la  même.  On  ne  peut  donc  s'attendre  à  trouver  des différences,  au  point  de  vue  de  l'influence  de  ces  mouvements^ entre  les  formes  lucicoles  et  cavernicoles. G»  Influence  de  la  composition  chimique  de  l'air ET   DE   l'eau La  composition  chimique  de  l'atmosphère  des  cavernes  est normale  dans  la  grande  majorité  des  cas.  On  ignore  si  les  cavernes à  dégagement  d'acide  carbonique  sont  inhabitées,  comme  c'est probable,  ou  s'il  existe  des  êtres  qui  se  sont  adaptés  à  une atmosphère  irrespirable  pour  les  Animaux  supérieurs. L'eau  stagnante  des  cavernes  est  saturée  de  calcaire,  mais cette  saturation  ne  lui  est  pas  spéciale.  Beaucoup  de  mares superficielles  sont  certainement  dans  le  même  cas.  L'adaptation physiologique  au  séjour  dans  l'eau  à  divers  degrés  de  saturation doit  donc  être  générale  chez  tous  les  Limnobies;  il  est  peu  pro- bable, par  conséquent,  qu'on  puisse  trouver  des  adaptations spéciales  chez  ceux  qui  habitent  les  eaux  souterraines. Viré  (1899,  p.  36)  prétend  cependant  que  les  téguments  des Niphargus  sont  «  en  grande  partie  décalcifiés  »,  sans  d'ailleurs nous  donner  plus  amples  détails  sur  cette  stupéfiante  découverte et  sans  nous  dire  à  la  suite  de  quelles  observations  il  a  été  amené à  la  faire. Mais  à  la  page  48  de  son  mémoire,  on  trouve  l'explication  de ce  troublant  mystère.  Voici  ce  qu'on  y  lit  ;  je  ne  change  ni  un mot  ni  une  lettre  : (c  Oalcéoles.  —  On  appelle  ainsi  des  sortes  de  concrétions  à structure  rayonnée,  dispersées  sur  différents  points  du  corps. «  On  y  a  vu  parfois  des  organes  sensoriels.  Mais  nous  ne  pen- sons pas  que  cette  opinion  corresponde  à  la  réalité.  Ces  corpus- cules sont  en  effet  disséminés  très  irrégulièrement  dans  le  tégu- ment. Leur  nombre  varie  de  3  ou  4  à  plusieurs  centaines.  Sur quelques  exemplaires,  elles  arrivent  à  se  toucher,  à  se  juxtaposer 4-24  EMILE    G.  RACOVITZA et  à  former  de  véritables  plaques  ininterrompues.  Il  est  donc naturel  d'y  voir  des  îlots  de  matières  calcaires  ayant  résisté  à la  décalcification.  » Cette  citation  suffit  x)our  convaincre  les  zoologistes  que  la décalcification  des  Niphargus  est  non  une  découverte  mais  une grave  erreur.  Mais  ces  lignes  peuvent  tomber  sous  les  yeux  des profanes  ;  expliquons  leur  donc  ce  que  sont  les  calcéoles  et  les concrétions  discoïdales  des  Amphipodes. Les  calcéoles  sont  des  corpuscules  vésiculaires,  sphériques  ou ovoïdes,  fixés  au  moyen  d'un  pédoncule  sur  les  appendices antennaires.  Depuis  leur  découverte  par  Milne-Edwards  en  1830, on  a  constaté  leur  présence  chez  beaucoup  d'Amphipodes,  mais, suivant  les  espèces,  soit  uniquement  chez  le  mâle,  soit  chez  les deux  sexes,  et  tantôt  seulement  sur  les  antennes  ou  sur  les antennules,  tantôt  sur  ces  deux  sortes  d'organes  en  même  temps. Leur  répartition  sur  l'appendice  est  variable  et  leur  rôle  est inconnu. Les  concrétions  discoïdales  des  téguments  des  Amphipodes sont  également  connues  depuis  fort  longtemps  et,  comme  une goutte  d'acide  suffit  pour  déceler  leur  véritable  nature,  on  a toujours  été  d'accord  qu'elles  sont  calcaires.  On  n'a  pu  constater aucune  régularité  dans  hi  présence  de  ces  concrétions,  ni  chez les  espèces  d'un  même  genre,  ni  chez  les  individus  d'une  même espèce.  Quoi  qu'il  en  soit,  ils  existent  aussi  bien  chez  les  Luci- coles  que  chez  les  Cavernicoles.  Et  si  sur  «  quelques  individus elles  arrivent  à  se  toucher  »  cela  doit  être  considéré  comme  une preuve  d'une  calcification  intense  des  téguments  de  ces  exem- plaires, et  nullement  comme  le  sigiu'  d'une  décalcification. 7"  Influence  du  régime  alimentaire Nous  avons  vu  ({u'on  ne  peut  admettre  que  dans  le  domaine souterrain  la  nourriture  soit  toujours  rare  ou  même  qu'elle manque  souvent.  Au  point  de  vue  alimentaire  cet  habitat  n'est pas  moins  favorable  que  beaucoup  d'autres  habitats  épigés. La  question  de  l'influence  de  la  pénurie  d'aliments,  qui  est LES   PROBLÈMES   BIOSPEÛLOGIQUES  425 fort  intéressante  en  elle-même,  est  une  question  générale  et  non spéciale  aux  cavernes.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'en  occuper ici  ;  il  suffit  de  constater  que  dans  les  cas  où  elle  se  présente, dans  les  cavernes  ou  ailleurs,  elle  a  pour  eftet  soit  une  dimi- nution du  nombre  des  individus  ou  des  germes,  soit  un  retard dans  les  périodes  de  reproduction,  soit  des  adaptations  spéciales (arrêt  de  l'activité  fonctionnelle,  formation  de  réserves,  etc.). Elle  n'influe  que  rarement,  ou  pas  du  tout,  sur  la  taille  des Animaux. D'autre  part,  presque  tous  les  Animaux  poïkilo thermes,  et particulièrement  ceux  qui  habitent  des  régions  à  fortes  varia- tions saisonnières,  ont  acquis,  par  une  longue  pratique  des misères  de  cette  terre  et  sans  donnnage  pour  l'organisme,  la faculté  de  jeûner. Mais  les  ressources  alimentaires  fournies  par  le  domaine  sou- terrain ont  joué  un  rôle  capital  dans  le  choix  des  Animaux  luci- coles  immigrés  dans  les  cavernes  car,  sauf  des  cas  très  rares (Rhizophages),  la  vie  n'y  est  possible  qu'aux  Saprophages  et aux  Carnivores  ou  aux  formes  qui  ont  pu  s'adapter  secondai- rement à  ces  régimes. 8    Influence  de  la  lutte  pour  l'existence La  lutte  pour  l'existence  existe  aussi  dans  le  domaine  sou- terrain, quoique  Darwin,  Packard  et  d'autres  aient  nié  son existence.  La  sélection  naturelle  s'y  exerce  aussi  bien  entre  indi- vidus d'une  même  espèce  qu'entre  espèces  différentes.  Elle  ne peut  provoquer  l'apparition  des  variations  ;  mais  elle  choisit, parmi  celles  que  d'autres  facteurs  font  naître,  les  plus  favorables à  l'espèce.  Elle  rend  donc  de  plus  eji  plus  profondes  les  adapta- tions au  milieu  souterrain,  eu  faisant  survivre  l'espèce  la  mieux douée  et  en  supprimant  la  moins  apte. Les  espèces  qui  habitent  le  domaine  souterrain  sont  beaucoup moins  nombreuses  que  dans  le  domaine  épigé  ;  il  peut  donc arriver  qu'une  espèce  immigrée  dans  les  cavernes  puisse  avoir la  chance  de  se  soustraire,  complètement  ou  partiellement,  à  ses 426  EMILE   G.  RACOVITZ ennemis  particuliers  lucicoles,  et  même  à  ses  parasites.  Elle pourra  même  être  soustraite  aux  coups,  peut-être  mortels,  des ennemis  nouveaux  que  les  hasards  d'une  migration  ou  d'une transformation  spécifique  susciteront  à  leur  souche  épigée,  car ces  nouveaux  ennemis  de  la  souche  peuvent  ne  pas  coloniser les  cavernes.  Le  résultat  de  cet  événement  sera  la  disparition des  souches  et  la  conservation  des  descendants  cavernicoles. On  verra  plus  loin  (voir  p.  473)  qu'on  a  de  bonnes  raisons  de croire  que  les  choses  se  sont  passées  ainsi  pour  plusieurs  espèces qui  habitent  actuellement  les  cavernes, La  lutte  pour  l'existence  et  la  sélection  naturelle  doivent  aussi jouer  un  rôle  considérable  dans  l'adjonction  de  nouveaux membres  à  la  population,  déjà  adaptée,  des  Cavernicoles.  Comme le  fait  remarquer  Viré  (1899),  le  Lucicole  qui  pénètre  dans  le domaine  souterrain  est  une  proie  facile  pour  le  Cavernicole  qui a  tous  les  atouts  dans  son  jeu  pour  vaincre  l'intrus  dépaysé. Mais  cela  n'est  exact  que  dans  le  cas  où  l'appareil  optique joue  un  rôle  dans  la  biologie  de  l'immigrant.  Cette  considération s'applique  dans  toute  sa  rigueur  aux  vrais  Lucicoles  oculés, beaucoup  moins  ou  pas  du  tout  aux  Lucifuges  qui  savent  se passer  de  la  vue  pour  la  satisfaction  des  besoins  vitaux. Combien  est  donc  fausse  l'idée  de  ceux  qui  s'imaginent  <iue les  cavernes  ont  été  peuplées  par  de  vrais  Lucicoles  non  encore préparés  par  leur  vie  antérieure  à  l'habitat  souterrain  ! Journellement  de  semblables  Liu-icoles  pénètrent  dans  les cavernes.  Le  résultat  est  tout  autre  que  ne  le  supposent  ces théoriciens  ;  les  appareils  masticatoires  des  Cavernicoles  en savent  quelque  chose. IV.   Les  caractères  des  Cavernicoles. De  ce  qu'on  vient  de  lire  il  résulte  que  le  Cavernicole  idéal doit  présenter  les  caractères  suivants  : Il  doit  être  dépourvu  de  pigments  soumis  à  l'influence  de  la lumière. Il  doit  être  aveugle  ou  pourvu  d'appareil  optique  rudimentaire. LES   PROBLÈMES   BIOSPEOLOrTlOUES  427 Il  doit  être  (MHiipeiisé  pour  rimpo8sibilité  de  voir  an  moyen de  riiypertropliie  des  autres  or,u;uies  de  sens  et  surtout  de  celle des  organes  tactiles.  La  sensibilité  aux  vibrations  du  milieu pourra  être  hyperestliésiée. Il  pourra  être  pourvu  d'organes  très  i'ragiles. Son  corps  doit  être  allongé  et  aplati,  si  c'est  un  habitant  des fentes. Ses  appendices  et  ses  membres  doivent  être  minces  et  allongés. Il  doit  être  lucifuge,  très  sensible  aux  variations  de  tempé- rature et  sans  défense  contre  Tévaporation  des  liquides  orga- niques. Il  ne  doit  présenter  de  périodicité  régulière  à  aucun moment  de  sa  vie,  donc  ni  dans  son  activité  fonctionnelle,  ni dans  ses  fonctions  de  reproduction. Il  est  difficile  de  savoir  si  le  Cavernicole  idéal,  que  je  viens d'esquisser,  est  réellement  représenté  dans  les  cavernes,  car quekjues-uns  des  caractères  énumérés  plus  haut  sont  basés, faute  de  reclierdies,  sur  des  probabilités.  Néanmoins  on  peut citer  quelques  formes  qui  s'en  rapprochent  singulièrement,  ainsi  : TUanethes,  Niphargus,  StenaseUus,  Cirolanides,  Neanum,  c<ta- lita,  Aphaenops,  NoaUcola,  Amblyopsis,  Prote/m,  etc. Mais  beaucoup  d'autres,  pourtant  de  vrais  troglobies.  ne présentent  ({u'uu  ])etit  nombre  de  ces  caractères.  Cela  tient  à des  causes  multiples  :  au  degré  d'organisation,  à  l'époque  d'im- migration dans  le  domaine  souterrain,  à  la  rigueur  de  l'isole- ment, etc.,  causes  qui  ne  peuvent  être  déterminées  qu'en  étu- diant l'histoire  complète  de  chaque  espèce. V.  Rapports  de  la  faune  cavernicole  avec  les  autres  faunes. Les  caractères  anatomiques  suffisent  donc,  eu  certains  cas, pour  classer  une  espèce  parmi  les  Cavernicoles,  mais  souvent  ces caractères  sont  absolument  insuffisants.  D'autre  part,  si  tous les  Cavernicoles  ne  sont  pas  conformes  au  type  intégral,  il  y  a beaucoup  de  citoyens  d'autres  habitats  qui  présentent  soit  l'un soit  l'autre  de  ces  caractères,  soit  même  plusieurs.  Cela  est  dû 428  EMILE   G.  HACOVITZA soit  à  une  communauté  d'origine,  soit  à  un  phénomène  de  conver- gence. Je  vais  donc  examiner  rapidement  les  rapports  qui  exis- tent entre  la  faune  cavernicole  et  quelques  autres  faunes. Les  Lucifuges  épigés.  —  Parmi  ces  Lucifuges  on  trouve des  espèces  aveugles,  dépigmentées,  à  organes  tactiles  hyper- trophiés. C'est  de  leurs  rangs  que  sont  sortis  presque  tous les  habitants  du  domaine  souterrain.  Entre  les  deux  faunes existent  donc  les  rapports  les  plus  étroits  et  il  est  même  impos- sible de  tracer  une  ligne  de  démarcation  entre  elles.  On  trouve souvent  tous  les  passages  entre  les  Lucifuges  superficiels  et  les vrais  Cavernicoles  (genres  Asellus,  Caniharm,  Trichoniscus, Garychium,  Bathysoia,  etc.). Ces  rapports  sont  dus  aussi  bien  à  l'hérédité  directe  qu'à  des phénomènes  de  convergence,  car  rha])itat  des  Lucifuges  super- ficiels ne  diffère  que  par  des  questions  de  degré  de  l'habitat  sou- terrain ;  il  en  diffère,  pour  ainsi  dire,  quantitativement  et  non qualitativement  ;  le  second  ne  présente  que  l'exagération  des qualités  du  premier,  obscurité,  humidité,  température  peu variable,  etc. La  faune  hypogée.  —  Les  caractères  des  Hypogés  sont presque  identiques  à  ceux  que  j'ai  établis  pour  les  Cavernicoles, et  pourtant,  prise  en  bloc,  la  faune  hypogée  est  très  différente de  la  faune  cavernicole.  La  ressemblance  est  due  à  la  conver- gence et  non  aux  liens  du  sang. La  raison  me  semble  être  la  suivante  : La  masse  des  Hypogés  est  formée  par  des  végétariens  et leurs  ennemis  spéciaux.  Ils  sont,  en  effet,  souvent  rhizophages ou  mangeurs  de  détritus  formés  par  les  végétaux  supérieurs (humus).  C'est  principalement  cette  question  alimentaire  qui  les a  poussés  à  s'enfoncer  dans  la  terre,  fréquemment  (Curculionides, Gastéropodes,  Rhynchotes,  etc.)  le  long  des  racines.  Leurs  enne- mis spéciaux  (Aranéides,  Opilionides,  etc.)  les  ont  suivis. Dans  le  domaine  souterrain,  il  n'y  a  pas  de  végétaux  supé- rieurs ni  d'humus,  et  la  présence  de  racines  est  tout  à  fait  excep- tionnelle; c'est  cela  surtout  qui  le  différencie  du  domaine  hypogé. LES  PROBLEMES  BTOSPEOLOGIQUES  429 Mais  pourtant  la  similitude  des  autres  conditions  d'existence rapproche  ces  deux  domaines  vitaux  et  cela  rend  difficile  une distinction  absolue  entre  tous  les  éléments  de  leur  faune  res- pective. En  effet,  les  Animaux  qui  ne  recherchent  que  l'obscurité, l'humidité  et  une  protection  contre  les  variations  de  tempé- rature, se  rencontrent  indifféremment  dans  les  deux  domaines  : {Campodea,  etc.).  Ce  sont  des  rameaux  de  la  même  souche  de Lucifuges  superficiels. D'autre  part,  des  racines  traversent  quelquefois  les  plafonds des  grottes  ou  pénètrent  loin  dans  les  fentes  des  massifs  cal- caires ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'on  puisse  rencontrer  dans des  cas  semblables  de  vrais  Hypogés  rhizophages  {Troglorhynhus par  ex.)  dans  le  domaine  souterrain. ]S^otons  en  outre  une  différence  qui  s'observe  souvent  entre les  Cavernicoles  et  les  Hypogés.  On  a  vu  que  les  Cavernicoles présentent  fréquemment  un  allongement  considérable  des appendices  et  des  membres  ;  cette  évolution  a  pu  s'accomplir, car  ces  animaux  habitent  des  cavités  naturelles.  Les  Hypogés, par  contre,  doivent  le  plus  souvent  creuser  eux-mêmes  leurs galeries;  leurs  membres  sont  devenus  courts  et  gros,  comme cela  se  produit  chez  tous  les  vrais  fouisseurs. La  faune  des  microcavernes.  —  Les  éléments  de  cette faune  présentent  aussi  très  souvent  les  caractères  adaptatifs  que j'ai  assignés  aux  Cavernicoles.  Les  conditions  d'existence  que l)résente  le  domaine  souterrain  se  trouvant  plus  ou  moins  bien réalisées  dans  celui  des  microcavernes,  il  en  résulte  que  les formes  qui  recherchent  uniquement  ces  conditions  d'existence peuvent  et  doivent  être  communes  aux  deux  domaines.  Mais ces  formes  sont  très  peu  nombreuses,  car  il  faut  compter  aussi avec  les  dispositions  du  propriétaire  de  la  microcaverne  à  l'égard de  l'intrus,  et  aussi  sur  le  fait  qu'au  point  de  vue  de  ces  condi- tions spéciales  d'existence  le  domaine  souterrain  offre  plus d'avantages. Mais  dans  le  peuplement  du  domaine  des  microcavernes,  le 430  EMILE    G.  RACOVFTZA rôk'  CM])!!;!!  icviciit  à  un  ractcui"  spécial  ([ui  est  la  xéno])liili('. Oe  factour  ne  se  ina.nifeste  pas  dans  le  domaine  soutenain  et  il en  l'ésulte  une  tiès  grande  différence  dans  la  composition  des deux  faunes.  Les  Xénophiles  sont  très  rarement  attirés  dans les  microcavernes  par  les  conditions  d'existence  qui  sont  com- munes à  cet  habitat  et  au  domaine  cavernicole.  Ils  se  soucient en  général  fort  peu  de  ces  avantages  ;  ce  qui  les  attire  ce  sont les  soins  qu'ils  reçoivent  de  l'hôte,  ou  les  aliments  fournis  par sa  progéniture  ou  par  son  industrie.  Aussi  la  majorité  des  Xéno- philes dérivent  de  souches  superficielles  non  lucifuges. D'autre  part,  cette  dépendance  du  Xénophile  vis-à-vis  de son  hôte  a  ])rovoqué  très  souvent,  chez  les  premiers,  des  adap- tations variées  qui  d'après  Wasmann  (1896)  sont  les  suivantes  : Formations  pileuses  spéciales,  Eéduction  ou  hypertrophie  de certaines  pièces  buccales,  Physogastrie,  Conformation  spéciale des  antennes.  Ressemblances  mimétiques.  Acquisition  de  formes de  résistance. Ces  modifications  ne  se  présentent  januds  chez  les  Caverni- coles. La  physogastrie  pourtant  semble  exister  chez  les  Lei)to- dérides  cavernicoles,  mais  il  s'agit  j)robablement  d'un  phéno- mène ((ui  n'a  rien  de  commun  avec  la  ])hysogastrie  des  Htaphy- lins  xénophiles. La  faune  abyssale  des  eaux  douces.  —  Beaucoup  de  re])ré- sentants  de  cette  faune  réalisent  le  tyi)e  du  parfait  Cavernicole atiuatique.  Cette  ressemblance  des  deux  faunes  provient  d'une part  de  liens  d'étroite  parenté,  de  l'autre  du  phénomène  de convergence. Beaucoup  d'Abyssaux  linmiques  ne  sont  que  des  transfuges des  eaux  souterraines  qui  ont  trouvé  dans  leur  nouveau  milieu les  mêmes  conditions  d'existence  :  obscurité,  température  cons- tante et  basse,  absence  de  végétaux.  Le  facteur  pression  hydros- tatique, qui  existe  dans  les  abîmes  lacustres,  est  tout  à  fait  négli- geable lorsqu'il  s'agit  d'Animaux  sans  inclusions  gazeuses,  et, d'ailleurs,  il  doit  se  présenter  souvent  dans  les  niveaux  d'eau du  domaine  souterrain. LES  PROBLEMES   BTOSPEOLOGIQUES  4:M D'autres  Abyssaux  limniques  dérivent  de  formes  littorales  : comme  ces  formes  ont  dû  s'adapter  à  des  conditions  d'existence très  semblables  à  celles  qui  régissent  leurs  confrères  cavernicoles, leur  évolution  a  été  parallèle  et  convergente. La  faune  abyssale  marine.  —  Packard  (1889)  et  beaucoup d'autres  zoologistes  ont  été  vivement  frappés  par  les  analogies que  le  milieu  abyssal  marin  présente  avec  le  domaine  souter- rain :  dans  les  deux  règne  l'obscurité,  la  température  constante et  basse  ;  dans  les  deux  les  Végétaux  manquent.  Dans  les  deux on  trouve  des  Animaux  dépigmentés  et  aveugles.  De  plus,  les Animaux  des  abîmes  présentent  les  mêmes  caractères  adaptatifs que  les  Aquatiques  cavernicoles. On  a  conclu  de  ces  faits  que  les  conditions  d'existence  dans les  trois  milieux,  l'abyssal  marin,  l'abyssal  lacustre  et  le  caver- nicole sont  identiques. Cette  manière  d'interpréter  les  faits,  combinée  avec  un  dogme, celui  de  la  dépendance  de  toutes  les  colorations  animales  de  la lumière,  a  été  la  cause  de  la  naissance  de  nombre  d'hypothèses et  théories  étranges  qui  ont  retardé  la  solution  des  problèmes que  soulève  la  faune  abyssale.  Il  faut  expliquer  en  effet  la  pré- sence, dans  les  abîmes  marins  définis  comme  obscurs,  de  formes vivement  colorées  et  pourvues  d'appareils  optiques  plus  hyper- trophiés que  dans  n'importe  quel  autre  habitat Packard,  suivi  en  cela  par  d'autres  naturalistes,  admet  que l'influence  de  la  lumière  solaire  se  fait  sentir  en  profondeur. Cette  hypothèse  est  insoutenable,  car  l'observation  directe  a démontré,  d'une  part,  que  la  lumière  ne  pénètre  qu'à  quelques centaines  de  mètres,  et  d'autre  part,  que  les  Végétaux  chloro- phylliens ne  peuvent  vivre  dans  les  abîmes,  faute  de  pouvoir former  leur  chlorophylle. Ayant  ainsi  introduit  la  lumière  du  jour  là  où  elle  ne  se  tiouve point,  on  fit  des  formes  oculées  et  colorées  les  représentants normaux  de  la  faune  abyssale,  ce  qui  déplaça  simplement  la difficulté,  puisqu'il  restait  à  expliquer  la  présence  des  aveugles dépigmeutés.   On   déclara   que   ces   derniers   devaient  être   des 432  EMILE   G.  RACOVlTZA Fouisseurs,  vivant  enfoncés  dans  la  vase,  donc  à  l'abri  de  la lumière.  Mais  beaucoup  de  ces  «  fouisseurs  «  aveugles  sont vivement  colorés  !  D'autre  part,  aucune  forme  abyssale  lacustre n'a  d'appareils  optiques  hypertrophiés,  même  quand  c'est  une espèce  manifestement  non  fouisseuse.  C'est  que  les  formes  abys- sales marines  à  yeux  très  développés  ne  sont  pas  si  abyssales qu'on  le  croit  ;  ce  sont  des  formes  de  pénombre  (twilight), déclare  une  nouvelle  hypothèse,  tout  aussi  erronée  d'ailleurs. Il  n'est  pas  dans  mon  intention  de  faire  l'historique  complet de  cette  question  qui  a  fait  verser  beaucoup  d'encre.  Ce  que j'en  ai  dit  suffit  pour  prouver  que  les  questions  soulevées  par  la forme  abyssale  sont  complexes  et  difficiles  à  résoudre  ;  il  est visible  aussi  qu'elles  ont  été  mal  posées  au  commencement,  ce qui  a  inutilement  augmenté  les  difficultés. Voici  deux  faits  certains  :  La  lumière  du  jour  ne  pénètre  pas dans  les  abîmes.  Beaucoup  d'Animaux  abyssaux  sont  colorés. La  seule  conclusion  légitime  à  tirer  de  ces  deux  prémisses est  :  Il  faut  examiner  si  tous  les  pigments  doivent  se  former avec  le  concours  de  la  lumière. Or,  les  théoriciens  dont  je  viens  d'exposer  les  idées  ne  se  sont jamais  préoccupés  de  cette  question.  Pourtant,  depuis  long- temps on  connaissait  nombre  de  substances  et  de  stnu'tures dont  la  coloration  est  absolument  indépendante  de  la  lumière  ; il  est  étrange  qu'on  n'ait  pas  tenu  compte  de  cette  vérité  élé- mentaire. Les  difficultés  qui  paraissaient  provenir  de  la  présence  d'Ani- maux colorés  dans  les  abîmes  n'existent  donc  point.  Il  y  a  des animaux  colorés  dans  les  abîmes  comme  dans  les  cavernes,  parce que  leurs  pigments  se  forment  sans  le  concours  de  la  lumière. Considérons  la  série  des  faits  se  rapportant  aux  a])pareils optiques. Dans  le  domaine  cavernicole  et  dans  le  domaine  abyssal lacustre  l'on  constate  toujours  une  réduction  de  plus  en  plus considérable  de  l'appareil  optique  et  jamais  d'hypertrophie  de cet  appareil. LES  PROBLÈMES  RIOSPÉOLOGTOUES  433 Dans  les  abîmes  marins  on  constate  une  réduction  de  l'appa- reil optique  quelqilefois,  mais  souvent  aussi  une  hypertrophie considérable  de  cet  appareil. Que  conclure  sinon  : Les  conditions  d'existence  que  présente  le  domaine  abyssal lacustre  sont  semblables  à  celles  que  présente  le  domaine  sou- terrain ;  elles  diffèrent  de  celles  qui  régnent  dans  le  domaine abyssal  marin. Outre  l'obscurité  et  la  température  constante  et  basse,  qui sont  des  caractères  communs  aux  trois  habitats,  il  doit  y  avoir un  facteur  spécial  qui  agit  dans  le  troisième  et  qui  est  absent dans  les  deux  premiers. Ce  facteur  est  facile  à  déterminer  :  c'est  la  phosphorescence  (1). Est-il  nécessaire  d'insister  sur  le  rôle  considérable  que  joue la  phosphorescence  dans  le  monde  abyssal  marin?  Certes,  ce n'est  pas  l'observation  directe  qui  peut  nous  en  donner  la mesure  ;  mais  il  suffit  d'en  constater  les  effets  sur  l'organisation des  Abyssaux. Presque  tous  les  animaux  pélagiques  et  bathypélagiques  sont phosphorescents  ;  plus  l'on  descend  dans  les  couches  aqueuses et  plus  cette  activité  lumineuse  se  perfectionne.  Les  organes photogènes,  de  plus  en  plus  nombreux,  compliqués  et  puissants, se  développent  chez  les  formes  les  plus  diverses  comme  origine. Les  abyssaux  benthiques  aussi  en  sont  souvent  pourvus. Ces  sources  de  lumière,  très  faibles  il  est  vrai,  mais  fort  nom- breuses, suffisent  peut-être  à  produire  un  éclairement  diffus  de tout  le  domaine  abyssal  ou  de  certaines  de  ses  parties  ;  mais fussent-elles  impuissantes  à  produire  cet  effet,  elles  doivent néanmoins  consteller  la  nuit  des  abîmes  de  myriades  de  points brillants.  Je  m'imagine  l'effet  produit  comme  semblable  à  celui qu'offre  pendant  la  nuit  une  grande  ville  vue  de  loin,  avec  ses (1)  C'est  à  Me  CULLOCH  et  Coldstream  que  revient  le  mérite  d'avoir  expliqué  la  présence des  Coulés  abyssaux  au  moyen  de  la  phosphorescence  (voir  Semper,  1880.  I,  p.  103),  et  cela à  une  époque  où  nos  connaissances  sur  les  abîmes  marins  étaient  tout  à  tait  rudimentaires. Actuellement,  il  ne  peut  y  avoir  doute  sur  la  parfaite  exactitude  de  l'hypothèse  des  deux  auteurs anglais,  et  pourtant  combien  de  naturaUstes  cherchent  encore  midi  à  quatorze  heures  1 4:u  ÉMfLE   G.  RACOVITZA milliers  de  lumières  et  son  léger  nuage  lumineux  flottant  au- dessus. Ces  ])oints  lumineux  ou  cette  faible  lumière,  dont  la  percep- tion doit  jouer  un  rôle  très  considérable  dans  le  monde  Carni- vore des  Abyssaux,  ont  provoqué  l'hypertrophie  des  organes optiques.  Dans  un  cas  analogue,  c'est  aussi  la  nécessité  de  voir et  se  guider  à  la  faible  lumière  des  nuits  et  des  crépuscules  qui a  provoqué  l'hypertrophie  et  l'hyperesthésie  des  yeux  des Oiseaux  nocturnes.  Et  c'est  justement  parce  que  ces  sources lumineuses  sont  faibles  que  les  organes  de  perception  doivent être  puissants.  Comme  on  l'a  vu  autre  part  (voir  p.  421),  l'hy- peresthésie d'un  organe  sensoriel  ne  peut  se  produire  que  là  oii l'agent  physique  à  percevoir  est  faible. Or,  la  phosphorescence  n'existe  pas  dans  les  abîmes  lacustres. Dans  le  domaine  souterrain  elle  est,  d'une  part,  tout  à  fait exceptionnelle  et,  d'autre  part,  elle  est  produite  seulement  par quelques  Mousses  et  Champignons,  ce  qui  n'intéresse  pas  direc- tement la  biologie  des  Cavernicoles  ;  son  influence  est  donc  pra- tiquement nulle.  L'absence  de  radiations  lumineuses  pouvant influencer  un  appareil  optique  a  produit  une  régTession  gêné- raie  de  cet  appareil  dans  les  deux  habitats. Mais  comment  interpréter  la  présence  d'Animaux  aveugles dans  les  abîmes  marins?  Je  pense  que  les  considérations  sui- vantes permettent  d'entrevoir  comment  on  peut  résoudre  cette question. L'hypertrophie  la  plus  considérable  et  les  modifications  les plus  étranges  de  l'appareil  optique  se  rencontrent  surtout  chez les  Bathypélagiques  ;  c'est  parmi  eux  également  que  les  organes photogènes  sont  le  plus  développés  et  les  plus  nombreux.  Les Bathypélagiques  descendent  de  souches  pélagiques  et  littorales bien  pourvues  au  point  de  vue  optique.  Les  yeux  bien  développés chez  la  souche  se  sont  hypertrophiés  pour  percevoir  la  faible lumière  dans  laquelle  vivent  les  descendants. Les  Benthiques  dérivent  de  souches  à  aptitudes  variées.  Ceux qui  dérivent  de  souches  photophiles  ont  perfectionné  leurs  yeux LES   PROBLÈMES   BIOSI'EOLOGIOLÎES  435 déjà  bien  développés  dans  le  même  sens  que  les  Bathypélagiqueîs. Mais  ceux  qui  dérivent  de  souches  lucifuges  ou  fouisseuses  déjà aveugles  ou  à  yeux  réduits,  sont  restés  aveugles  ou  ont  accentué leur  cécité,  même  s'ils  ont  changé  leur  manière  de  vivre,  car  la phosphorescence  est  un  agent  trop  faible  pour  provoquer  une néoformation  comme  l'appareil  optique,  ou  même  pour  perfec- tionner des  yeux  rudimentaires. Il  faut  mentionner  encore  les  Cavernicoles  vrais,  peut-être nombreux,  qui  ont  fait  souche  dans  les  abîmes  de  la  mer,  et  qui ont  naturellement  conservé  les  caractères  de  leur  habitat  pri- mitif (voir  p.  481). Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  les  aptitudes  héréditaires  ont dii  jouer  un  rôle  capital  dans  l'influence  qu'a  exercé  le  facteur phosphorescence  sur  les  différents  Abyssaux,  et  comme  ces  apti- tudes héréditaires  sont  très  variées,  étant  donné  la  multiplicité originelle  des  souches,  seule  l'histoire  particulière  de  chaque groupe  homogène  d'Abyssaux  peut  donner  la  raison  certaine de  l'état  dans  lequel  se  trouve  leur  appareil  optique. VI.  Classification  des  Cavernicoles. On  a  essayé  plusieurs  fois  d'établir  dans  la  faune  cavernicole des  divisions  basées  sur  des  considérations  diverses. ScHiôDTE  (1849)  établit  quatre  groupes  qui  se  distinguent par  l'éclairement  et  la  nature  des  parois  de  l'habitat  préféré  : 1.  Animaux  de  l'ombre  (Skygge-Dyr). 2.  —         crépusculaires  (Tusmorke-Dyr). 3.  —         des  régions  obscures  (Hule-Dyr). 4.  —  des  régions  obscures  à  concrétions  stalagmitiques (Drypsteenshule-Dyr). ScHiNER  (1854)  établit  trois  divisions  basées  sur  l'éthologie des  Cavernicoles  : 10  Hôtes  occasionnels  :  Animaux  qu'on  rencontre  dans  les grottes,  mais  aussi  à  la  surface,  partout  «  wo  sich  die  ihrer Lebensart  entsprechenden  Bedingungen  vorfinden  ». 2°  Troglophiles  :  Animaux  habitant  les  régions  oii  la  lumière ARCU.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  4«  SERIE.  T.  VI.  —  (VIl)  3l 436  EMILE    G.  RACOVÎTZA du  jour  pénètre  encore,  qu'on  peut,  exceptionnellement,  ren- contrer à  la  surface  ou  qui  ont  seulement  des  formes  représen- tatives lucicoles. 30  Troglobies  :  Animaux  exclusivement  cavernicoles,  qu'on  ne rencontre  jamais  dans  les  régions  épigées,  sauf  dans  le  cas  d'évé- nements exceptionnels  comme  les  crues  (Exemple  :  Proteus,  etc.). Joseph  (1882)  propose  une  classification  topographique. 1°  Habitants  des  entrées  de  grottes,  régions  éclairées  et  à température  variable. 2°  Habitants  des  régions  moyennes,  où  le  soleil  de  midi  en été  produit  une  sorte  de  crépuscule. 30  Habitants  des  régions  profondes,  à  obscurité  complète  et température  constante. L'auteur  énumère  les  espèces  qui  appartiennent  à  chaque catégorie  et  indique  les  modifications  de  l'appareil  optique  qui caractérisent  chacune  de  ces  dernières.  Il  est  facile  de  voir, d'ailleurs,  que  l'auteur  distribue  arbitrairement  les  Cavernicoles dans  ses"  trois  catégories. D'autres  auteurs,  s'ils  ne  le  disent  pas  explicitement,  admet- tent implicitement  l'existence  de  deux  divisions  parmi  les  habi- tants du  domaine  souterrain  : 10  Les  Cavernicoles  vrais  qui  présentent  des  caractères  indi- quant une  adaptation  certaine  à  la  vie  obscuricole. 2°  Les  Cavernicoles  faux  qui  ne  présentent  pas  ces  caractères adaptatifs  et  ne  diffèrent  en  rien  des  formes  affines  épigées. 11  est  inutile  d'insister  beaucoup  pour  montrer  qu'aucune  do ces  classifications  n'est  satisfaisante  <it  que,  d'ailleurs,  aucune division  rigoureuse  ne  peut  être  établie  parmi  les  êtres  qu'on peut  trouver  dans  le  domaine  souterrain,  et  cela  que  l'on s'adresse  aux  rapports  qu'ils  présentent  avec  leur  habitat, au  degré  de  leur  adaptation,  aux  conditions  d'existence  ou aux  caractères  taxionomiques  et  anatomiques  qui  en  sont l'expression,  ou  à  tout  autre  caractère. Mais,  comme  dans  la  pratique  les  classifications  sont  néces- saires, choisissons  la  moins  mauvaise. LES   PROBLKMES   BIOSPEUL(Ki[QUES  437 Celle  de  Schiner,  un  peu  modifiée,  me  paraît  remplir  cette condition  négative. î<fous  diviserons  donc  les  êtres  qu'on  peut  rencontrer  dans le  domaine  souterrain  en  trois  groupes  : 10  Les  Trogloxènes.  Ce  sont  ou  des  égarés  ou  des  hôtes  occa- sionnels, ces  derniers  attirés  soit  par  Tliumidité,  soit  par  la nourriture,  mais  n'y  habitant  pas  constamment  et  ne  s'y  repro- duisant pas.  Ils  ne  présentent  jamais  de  caractères  adaptatifs spéciaux  et  se  tiennent  surtout  à  l'entrée  des  grottes.  Leur importance  dans  l'étude  d'une  région  du  domaine  souterrain  est nulle  ou  presque.  (Exemple  :  Tineides  et  Moustiques  si  nom- breux dans  toutes  les  grottes). 20  Les  TroglopMles.  Habitent  constamment  le  domaine  sou- terrain, mais  de  préférence  dans  ses  régions  superficielles  ;  ils s'y  reproduisent  souvent,  mais  ils  peuvent  être  aussi  rencontrés à  l'extérieur.  Ce  sont  des  Lucifuges  très  caractérisés,  ayant  subi souvent  des  réductions  de  l'appareil  optique,  une  compensation suffisante  pour  l'impossibilité  de  voir,  et  d'autres  adaptations  à la  vie  obscuricole.  Ce  sont  eux  qui  fournirent  à  toutes  les  époques le  principal  contingent  des  Troglobies,  et  ce  sont  eux  qui  sont les  premiers  colons,  quand  une  nouvelle  région  du  domaine souterrain  s'offre  à  la  colonisation.  Ils  fournissent  des  données utiles  pour  l'histoire  des  grottes. 30  Les  Troglohies  ont  pour  habitat  exclusif  le  domaine  sou- terrain et  se  tiennent  de  préférence  dans  ses  parties  les  plus profondes.  Ils  sont  très  modifiés  et  ils  offrent  les  adaptations les  plus  profondes  à  la  vie  obscuricole.  C'est  parmi  eux  qu'on rencontre  les  Cavernicoles  les  plus  anciens.  Leur  importance  est capitale  en  spéologie. Ces  caractères  distinctifs  sont  vagues  ;  il  ne  peut  en  être autrement.  Il  existe  de  nombreuses  formes  de  passage  qu'il  est impossible  de  placer  dans  un  groupe  plutôt  que  dans  l'autre. Tout  critérium  simple  et  absolu  de  classification  manque,  et très  souvent  seule  l'histoire  complète  d'un  Cavernicole  permet son     classement    dans     l'une     de     ces    catégories,    à    moins 138  EMILE    G.  RACOVITZA que  cette  histoire  ne  démontre  qu'il  ne  peut  se  ranger  dans aucune. VII.  Composition  de  la  faune  et  de  la  flore  cavernicoles. J'ai  déjà  insisté  sur  ce  fait  que  les  Etres  cavernicoles  consti- tuent un  élément  non  négligeable  de  la  population  du  globe.  Ce qui  le  montre  c'est  le  nombre  respectable  des  formes  déjà  con- nues (1)  (malgré  le  nombre  relativement  restreint  des  recherches etïectuées),  et  l'étendue  des  régions  complètement  inexplorées au  point  de  vue  spéologique. Il  est  impossible  de  se  faire  actuellement  une  idée  précise  sur le  nombre  des  Cavernicoles  décrits  à  cause  de  l'absence  de  tout travail  d'ensemble  récent.  Un  catalogue  des  Cavernicoles  connus en  1907,  analogue  à  la  consciencieuse  «  liste  »  de  Bedel  et Simon  (1875),  serait  fort  utile,  mais  le  concours  de  nombreux spécialistes  est  actuellement  nécessaire  ;  il  ne  peut  avoir  de valeur  réelle  que  s'il  est  «  critique  »,  et  trop  de  groupes  sont représentés  dans  les  cavernes  pour  que  semblables  révisions puissent  être  effectuées  par  un  seul  naturaliste. J'espère  que  par  la  collaboration  des  savants  qui  prêtent  leur concours  à  Biospéologica,  pareil  catalogue  verra  une  fois  le jour  ;  en  attendant  je  vais  passer  rapidement  en  revue  les  groupes représentés  dans  le  domaine  souterrain. Mammifères.  —  Darwin  (1859)  cite  parmi  les  Cavernicoles Neotoma  magister,  un  Eongeur,  qui  habiterait  la  grotte  de Mammoth.  Mais  l'on  sait  depuis  longtemps  que  ce  Rat  n'entre qu'occasionnellement  dans  les  cavernes,  et  que  son  habitat normal  est  la  fente  rocheuse,  notamment  dans  les  monts  Alle- ghanys.  Il  ne  présente  d'ailleurs  aucun  caractère  adaptatif  par- ticulier à  la  vie  obscuricole.  C'est  donc  à  tort  que  Viré  (1899) le  cite  encore  parmi  les  Troglobies. (1)  Viré  (1904  «)  déclare  avoir  recueilli  «  des  milliers  d'espèces  animales  souterraines  dont un  grand  nombre  sont  nouvelles  pour  la  science  ».  Comme  seulement  un  petit  nombre  d'espèces récoltées  par  ViRfi  ont  été  publiées  jusqu'à  présent,  il  faut  vivement  souhaiter  que  les  tjuelques milliers  qui  restent  soient  rapidement  décrites,  un  si  considérable  apport  de  formes  nouvelles pouvant  complètement  modifier  nos  conceptions  biospéologiques  sur  bien  des  points. LES  PROBLEMES  BIOSPÉOLOGIQUES  430 Citons  pour  inéinoire  le  Mus  mnsculus  var.  suUerraneus  de MoNTESSUS  (1899)  qui  présenterait  des  caractères  adaptatifs  le rapprochant  des  Oliauves-souris!  Il  faudrait  vérifier  si  Thistoire de  cet  habitant  des  mines  Saint-Paul,  au  Creusot,  n'est  pas  une légende. On  pourrait  avec  bien  plus  de  raison  compter  certaines  espèces de  Chauves-souris  parmi  les  vrais  Trogiobies.  Il  y  en  a,  en  efïet, qui  habitent  constamment  les  grottes,  été  comme  hiver,  et  s'y reproduisent,  qui  sont  très  vivement  photophobes,  qui,  aveu- glées, ne  décèlent  aucun  trouble  dans  la  manière  d'éviter  les obstacles,  qui,  par  conséquent,  sont  complètement  compensées pour  l'impossibilité  de  voir.  Il  est  vrai  que  leurs  yeux  sont  fonc- tionnels et  leur  servent  à  capturer  les  proies  et  à  se  guider  dans le  domaine  épigé,  et  que  leur  nourriture  ne  provient  pas  du domaine  souterrain. La  Chauve-souris  a  dû  s'adapter  dans  deux  directions  dilïé- reutes  :  les  besoins  alimentaires  la  forcent  à  s'adapter  à  une  vie épigée,  la  nécessité  d'avoir  un  domicile  convenable,  qu'elle  est incapable  de  construire  par  sa  propre  industrie,  la  force  à s'adapter  au  domaine  souterrain. Oiseaux  et  Reptiles.  —  Aucun  représentant  de  ces  groupes n'est  Troglobie.  Viré  (1899,  p.  23  et  111). cite,  il  est  vrai,  les «  Ophidiens  »  comme  étant  représentés  dans  le  domaine  souter- rain, mais  j'ai  vainement  cherché  à  décou\Tir  le  grand  ou  le  petit Serpent  des  cavernes,  que  l'auteur  cité  n'a  d'ailleurs  pas  nommé. Batraciens.  —  Les  XJrodèles  sont  seuls  rei)iésentés  dans  les cavernes  ;  l'espèce  la  plus  ancienne  connue  est  le  Protée  qui  est, d'ailleurs,  le  premier  Cavernicole  décrit  (1768).  On  ne  le  trouve que  dans  le  bassin  de  l'Adriatique  (Karst  de  Carniole  et  de Dalmatie),  et  pendant  longtemps  on  l'a  cru  isolé,  car  il  n'a  pas de  parents  actuels  européens.  Mais  on  a  découvert  en  Amé- rique une  espèce  cavernicole  voisine,  le  Typhlomolge  Rathhuni Stejneger,  du  Texas  et  une  forme  épigée  mais  lucifuge  qui  paraît être  la  souche  d'où  dérivent  les  deux  précédents  :  Nechirus maculatus  (Etats-Unis  et  Canada). 440  EMILE   G.  RACDVITZA De  plus,  la  famille  des  Salamandridae  paraît  avoir  des  repré- sentants cavernicoles  également  américains  :  Typhlotriton  spe- laeus  et  Spelerpes  Stejnegeri  des  cavernes  du  Missouri. Poissons.  —  La  famille  des  Cyprinodontes,  qui  est  si  bien représentée  dans  les  eaux  douces  d'Amérique,  a  été  la  souche des  Amblyopsides,  petits  Poissons  lucifuges  ou  cavernicoles  qui peuplent  les  marais  et  les  eaux  souterraines  des  Etats-Unis. Ainsi,  le  genre  Chologaster  est  représenté  par  trois  espèces  dont G.  cornutus  vit  dans  les  marais  du  Sud,  C.  papilliferus  dans  les sources  de  l'Illinois  et  C.  Agassizi  dans  les  eaux  souterraines du  Tennessee  et  Kentucky.  TyphUchtys  a  deux  espèces  souter- raines, et  Amhlyopsis  une  seule  espèce,  exclusivement  cavernicole. Beaucoup  de  représentants  de  la  vaste  famille  des  Siluridés sont  lucifuges  et  ont  des  yeux  très  réduits,  mais  jusqu'à  présent Amiurus  nigrilahris  i)eut  seul  être  compté,  à  la  rigueur,  parmi les  Troglobies  :  il  habite  les  grottes  de  Pensylvanie  et  est aveugle. Très  intéressants  sont  les  Zoarcidés  Stygicola  et  Lucifuga, Poissons  aveugles,  habitant  les  cavernes  de  Cuba  ;  leurs  proches parents  sont  tous  marins  ;  beaucoup  sont  aveugles  et  la  plupart abyssaux, L'Europe  ne  possède  pas  de  Poissons  vraiment  troglobies, mais  des  représentants  lucifuges  des  genres  Paraphoxinus,  Aulo- pyge  et  Chondrostomum  se  rencontrent  dans  les  eaux  souter- raines de  Bosnie  et  Herzégovine. Les  Poissons  rejetés  par  les  puits  artésiens  de  l'Algérie  ne  sont pas  à  compter  parmi  les  Troglobies  ;  ils  ont  des  yeux  normaux et  on  les  trouve  dans  tous  les  ruisseaux  superficiels.  J'ai  pu même  constater  que  Cyprinodon  calaritanus  n'est  pas  lucifuge. Mais  tout  n'a  pas  été  dit  sur  les  Poissons  cavernicoles  ;  on trouve,  en  eiïet,  des  indications  de  la  présence  de  semblables Animaux  à  la  Jamaïque,  au  Guatemala,  etc.  Il  faut  donc  s'at- tendre à  des  surprises  intéressantes. Mollusques.  —  Les  Gastéropodes  terrestres  lucifuges,  hypo- gés  et  radicicoles  sont  nombreux  ;   il   existe   aussi  des  espèces LES   PROBLE^IES   BIOSPEOLOG[0UES  441 cavernicoles  en  grand  nombre.  Le  genre  Zoospetim,  qui  compte environ  40  espèces  souterraines,  descend  des  Carychium,  petits Pulmonés  lucifuges.  Les  représentants  cavernicoles  d'autres genres  épigés,  terrestres  ou  d'eau  douce,  sont  moins  nombreux {Patula,  Valvata.  Vitrella,  etc.).  Très  intéressant  est  le  genre Spelaeoconcha  de  Dalmatie.  car  on  ne  connaît  pas  sa  souche épigée. En  plus  des  formes  que  je  viens  d'énumérer,  et  qui  sont  de vrais  Troglobies,  on  pourrait  citer  de  nombreux  Gastéropodes troglophiles. On  a  signalé  aussi  quelques  Lamellibranches,  mais  il  n'est pas  possible  d'affirmer  qu'ils  sont  réellement  cavernicoles. Hyménoptères.  —  Il  est  peu  probable  qu'on  rencontre  jamais des  représentants  cavernicoles  de  ce  groupe  qui  compte  surtout des  photophiles;  on  en  trouve  dans  les  grottes  mais  ce  sont  des égarés. La  Fourmi  aveugle  de  Joseph  (1882)  {Typlilopone  Clausi) paraît  être  le  fruit  légitime  d'une  erreur  de  détermination.  Mais dans  les  microcavernes,  les  Hyménoptères  sont  représentés  par de  nombreuses  espèces  xénophiles. CoLÉoPTÈEES.  —  Ces  luscctcs  ont  de  très  nombreux  repré- sentants cavernicoles,  tous  issus  de  souches  lucifuges.  Les  Cara- bides  et  Silphides  sont  les  plus  abondants  et  sont  souvent  repré- sentés par  des  genres  spéciaux,  présentant  tous  les  caractères  du Cavernicole  idéal. Les  Trichoptérygides,  comme  les  Psélaphides  si  fréquemment xénophiles,  sont  plus  rares  et  probablement  seulement  troglo- philes. Les  Staphylinides  sont  très  fréquents  dans  le  domaine souterrain,  mais  jusque  dans  ces  derniers  temps  on  ne  pouvait citer  que  deux  ou  trois  formes  vraiment  troglobies,  ce  qui  ne manque  pas  d'être  curieux,  étant  donné  les  mœurs  de  ce  groupe lucifuge.  Par  contre,  nombreux  sont  les  Staphylins  troglophiles et  xénophiles. Les  Curculionides,  si  bien  représentés  dans  le  domaine hypogé,  sont  à  peine  représentés  dans  le  domaine  souterrain  ; 442  EMILE    G.  RACOVITZA encore   faudrait-il   savoir   s'il   ne   sont   pas   localisés   dans   les cavernes  où  pénètrent  les  racines. On  a  signalé  un  Brachynide  aveugle  dans  les  grottes  de l'Afrique  australe  ;  la  trouvaille  est  fort  intéressante  et  nous permet  d'espérer  la  rencontre  de  représentants  cavernicoles  chez d'autres  familles  à  formes  lucifuges. Enfin  un  Hydropore  troglobie  vient  d'être  signalé.  Il  est  pro- bable que  les  recherches  faites  dans  les  eaux  souterraines  nous en  fourniront  d'autres. Diptères.  —  Les  Diptères  sont  très  fréquents  dans  les  grottes, surtout  dans  celles  qui  contiennent  des  excréments  de  Chauve- souris,  seulement  ce  ne  sont  pas  des  formes  spéciales,  et  leur adaptation  à  la  vie  cavernicole  ne  paraît  pas  très  avancée.  Tout au  plus  peut-on  citer  quelques  espèces  de  Phora  qui  paraissent localisées  dans  les  cavernes. Il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  termitières  et  fourmilières, oii  l'on  a  trouvé  des  formes  extrêmement  curieuses  et  présen- tant de  remarquables  caractères  adaptatifs. HYNCHOTES.  —  J'ai  découvert  dans  les  grottes  du  Drach (Baléares)  l'unique  Ehynchote  cavernicole  actuellement  connu. C'est  un  Fulgoride,  du  genre  Cixius,  qui  présente  une  décolo- ration assez  marquée  et  qui  a  les  yeux  rouges.  Il  est  bien  tro- globie, puisque  je  l'ai  trouvé  fort  loin  de  l'entrée  des  grottes  et que  j'ai  capturé  les  larves  aussi  bien  (lue  l'adulte,  larves  d'ailleurs complètement  décolorées.  Cet  Homoptère  est  en  outre  un  des rares  exemples  qu'on  puisse  citer  d'un  Animal  appartenant  à un  groupe  photophile  qui  s'est  adapté  à  la  vie  souterraine. Encore  faudrait-il  voir  si  ce  ne  sont  pas  les  habitudes  rhizo- phages  de  la  souche  qui  l'ont  fait  entrer  dans  le  domaine  sou- terrain des  Baléares,  car  les  racines  des  Lentisques  passent  fré- quemment à  travers  le  plafond  relativement  mince  des  cavernes de  ce  pays. Peut-être  faudrait-il  ajouter  aussi  aux  Troglobies  VHebrus  (?) trouvé  l'année  dernière  par  Jeannel  et  moi  dans  le  lac  souter- rain de  Hamman  Meskoutine  (Algérie). LES  PROBLÊMES  BIOSPÉOLOGTOUES  443 Par  contre,  nombreux  sont  les  Rhyncliotes  xénophiles. KÉVROPTÈRES,  —  On  trouve  souvent  des  Phryganes  dans  les grottes,  mais  aucune  espèce  ne  paraît  être  ni  troglophile  ni troglobie.  Cela  doit  être  dû  à  des  raisons  alimentaires.  Mais  le genre  Bitacus  paraît  avoir  un  représentant  cavernicole. PsEUDONÉVBOPTÈRES.  —  Les  Psocides  sont  souvent  lucifuges et  ont  été  fréquemment  trouvées  dans  les  grottes.  Leur  étude ayant  été  assez  négligée  jusqu'à  présent,  il  n'est  pas  possible  de savoir  s'ils  ont  des  représentants  vraiment  troglobies. Orthoptères.  —  Les  Locustides  ont  des  représentants  caver- nicoles assez  nombreux.  On  en  connaît  d'Europe,  d'Amérique, de  Î^ouvelle-Zélande  et  d'Asie.  C'est  un  des  rares  groupes  de Pliotophiles  qui  ait  été  tenté  par  le  domaine  souterrain.  Il  est vrai  que  les  formes  cavernicoles  habitent  surtout  l'entrée  des grottes  ;  elles  sont  toutes  oculées  et  présentent  un  développe- ment considérable  des  antennes,  ce  qui,  d'ailleurs,  n'est  que l'exagération  d'un  caractère  présenté  par  le  groupe  entier. Les  Gryllides  qui  comptent  de  nombreux  Xénophiles  n'ont pas  de  représentants  dans  le  domaine  souterrain.  Les  Blattes en  ont  deux  très  curieux  et  très  modifiés  {Nocticoïa  des  Philip- pines) ;  il  est  certain  qu'on  en  découvrira  d'autres,  car  les  Blat- tides  sont  lucifuges  et  saprophages, Aptérigogéniens.  —  La  grande  majorité  des  espèces  de  ce groupe  sont  lucifuges  et  saprophages,  aussi  a-t-il  peuplé  le domaine  souterrain.  Souvent  il  réalise  l'idée  qu'on  peut  se  faire du  Cavernicole  idéal. Les  Japyx  ne  sont  pas  rares  dans  les  cavernes,  mais  les  Cam- podea,  cosmopolites  par  excellence,  sont  surtout  abondants  ;  on les  trouve  dans  presque  toutes  les^grottes.  Ces  deux  genres  sont, d'ailleurs,  représentés  aussi  dans  le  domaine  hypogé. Les  CoUemboles  sont  aussi  très  nombreux  dans  le  domaine souterrain.  Beaucoup  sont  aveugles,  décolorés,  fortement  com- pensés pour  la  perte  de  la  vue,  mais  très  peu  sont  spéciaux  aux cavernes,  la  plupart  habitent  aussi  le  domaine  épigé,  à  l'abri  de la  lumière. 444  EMILE    G.  RACOVTTZA Myriapodes.  —  Tout  ce  groupe  est  composé  d'espèces  luci- fuges  et  carnivores  ou  saprophages  ;  aussi  a-t-il  de  nombreux représentants  dans  le  domaine  souterrain,  mais  les  vrais  tro- globies  sont  relativement  peu  abondants  et  représentés  surtout par  des  Diplopodes,  qui  montrent,  d'ailleurs,  aussi  des  adapta- tions bien  plus  marquées  que  les  Chilopodes. Palpigrades.  —  Tous  ces  petits  Arachnides  sont  lucifuges  et probablement  beaucoup  sont  hypogés.  Les  Kaenenia  spelaea  et draco  Peyerimhoff  furent  trouvés  dans  les  grottes.  Il  n'est  pas possible  de  savoir  encore  si  ce  sont  de  vrais  troglobies  ou  seule- ment des  troglophiles. Aranéides.  —  Beaucoup  d'Araignées  sont  lucifuges  et  s'ins- tallent volontiers  dans  les  endroits  obscurs  ;  elles  sont  extrê- mement nombreuses  à  l'entrée  des  grottes,  là  surtout  où  le guano  des  Chauves-souris  a  attiré  beaucoup  de  Diptères.  Les Troglophiles  sont  cependant  en  majorité.  Mais  on  trouve  aussi des  formes  ayant  subi  fortement  l'influence  des  conditions d'existence  du  domaine  souterrain.  La  plupart  ont  perdu  seu- lement leurs  yeux  diurnes,  comme  l'a  montré  Simon  (1872  et 1875),  quelques-unes  {Stalita,  etc.)  sont  aveugles,  décolorées, pourvues  de  membres  très  allongés,  en  un  mot  des  troglobies caractérisés. Notons  qu'il  existe  des  Aranéides  hypogées  appartenant  aux mômes  genres  que  les  cavernicoles  et  quelquefois  très  voisines de  ces  dernières. PSEUDOSCORPIONIDES.  —  Le  groupe  est  normalement  lucifuge et  comprend  des  formes  aveugles  ;  aussi  fort  nombreuses  sont les  espèces  troglophiles  ;  les  troglobies  sont  plus  rares. Opllionides.  —  Très  nombreuses  sont  les  formes  troglophiles de  ce  groupe,  et  peu  nombreuses  sont  les  troglobies.  Un  ou deux  seulement  sont  aveugles.  D'ailleurs,  toutes  les  espèces  de cet  ordre  sont  plus  ou  moins  lucifuges.  Il  en  existe  qui  sont hypogées  et  alors  toujours  voisines  des  formes  qu'on  rencontre dans  les  cavernes. Les  Opilionides  sont  des  animaux  très  anciens  ;  aussi  leur LES   PROBLEMES   BIOSPEGLOGIQUES  445 distribution  géographique  doit  offrir  un  grand  intérêt  pour l'histoire  de  la  Biospéologie.  Malheureusement,  il  y  a  trop  de lacunes  encore  dans  la  connaissance  des  formes  cavernicoles pour  qu'on  puisse  drduire  quelque  chose  de  certain. Acariens.  —  Les  Lucifuges  et  les  Saprophages  se  rencontrent fréquemment  dans  les  cavernes  ;  mais  ces  Animaux  ont  été  trop peu  étudiés  encore  pour  qu'on  puisse  seulement  savoir  s'il  y  a des  formes  exclusivement  cavernicoles.  On  trouve  des  formes décolorées,  aveugles,  à  très  longues  pattes,  mais  on  peut  en  ren- contrer de  semblables  sous  les  pierres  et  aussi  dans  la  terre. Les  EschatocepJialus,  qu'on  rencontre  souvent  sur  les  parois des  grottes,  sont  parasites  des  Chauve -souris,  et  pas  plus  que les  Nyctéribies  ne  peuvent  entrer  dans  le  dénombrement  de  la population  souterraine. Taedigeades.  —  Joseph  en  a  signalé  deux,  mais  il  n'est  pas dit  que  ce  soient  des  troglobies,  même  si  on  arrive  à  les  retrouver, ce  qui  n'a  pas  été  fait  jusqu'à  présent. Crustacés  décapodes.  —  Parmi  les  Macroures  l'on  connaît quatre  genres  à  espèces  troglobies  :  Palemonias,  avec  une  espèce américaine  ;  Troglocaris  avec  une  espèce  européenne  ;  Cambarus avec  plusieurs  espèces  en  Amérique,  oh  ce  genre  est  bien  repré- senté aussi  dans  la  faune  épigée,  et  une  espèce  en  Europe  qui est  un  précieux  témoin  d'une  vaste  distribution  antérieure  ; enfin  Palaemonetes  avec  une  espèce  du  Texas,  mais  il  présente de  nombreuses  formes  épigées  dans  les  Etats-Unis.  Palemonias et  Troglocaris  sont  des  formes  très  anciennes  ;  leurs  par.ents actuels  ont  une  distribution  très  vaste  mais  discontinue. Les  Brachiures  n'ont  pas  de  représentants  cavernicoles,  car les  Crabes  rejetés  par  les  eaux  artésiennes  d'Algérie  ne  sont  pas différents  des  lucicoles  de  la  même  région  et  ne  peuvent  même pas  être  considérés  comme  troglophiles.  Ces  crabes  ne  sont  pas nettement  lucifuges,  quoiqu'on  les  rencontre  souvent  sous  les pierres,  même  hors  de  l'eau  ;  je  les  ai  vus  se  promener  souvent en  plein  soleil. Enfin,  citons  le  seul  Cavernicole  marin,  llunidopsis  polymorpha, 446  EMILE    G.  RACOVITZA qui  habite  une  grotte  en  communication  avec  la  mer  dans  l'île Lanzarote  (Canaries),  et  qui  est  presque  aveugle,  à  coloration pâle. AiviPHiPODES.  —  A  en  juger  par  les  déconvertes  récentes,  ce groupe  doit  être  largement  représenté  dans  le  domaine  souter- rain et  surtout  dans  les  niveaux  d'eau.  Les  Gammaridés  pré- sentent plusieurs  genres  exclusivement  troglobies,  comme Bathyonyx,  Phreatogammarus ,  TypMogammarus,  Boruta,  etc.,  et d'autres  qui  ont  aussi  des  représentants  lucicoles,  comme  Cravi- gonyx.  Niphargus,  qui  a  beaucoup  d'espèces  troglobies,  est  fré- quent dans  les  puits  et,  par  conséquent,  dans  les  niveaux  d'eau  ; on  le  trouve  aussi  dans  la  zone  abyssale  lacustre. Parmi  les  Calliopiidés,  Paraleptamphopus  suhterraneus  (Cliil- ton)  vit  dans  les  niveaux  d'eau.  Les  Talitridés  ont  un  genre, Ryalella,  qui  est  très  répandu  dans  les  abîmes  des  grands  lacs  ; on  n'a  pas  encore  trouvé  d'espèce  troglobie  de  ce  groupe,  mais il  faut  s'attendre  à  semblable  découverte. La  plupart  des  Amplii])odes  troglobies  sont  certainement  les descendants  directs  de  formes  épîgées  d'eau  douce,  mais  pour quelques-uns  l'origine  marine  est  probable. IsopoDES.  —  C'e  groupe  présente  beaucoup  de  Troglobies.  Les Terrestres,  essentiellement  lucifuges  et  hydrophiles,  sont  très nombreux  dans  les  cavernes,  et  les  troglobies  sont  aussi  fréquents que  les  troglophiles.  Ce  sont  les  Trichoniscidés  qui  sont  le  mieux représentés,  et  souvent  par  des  formes  complètement  aveugles, mais  on  a  signalé  des  troglobies  aussi  parmi  d'autres  formes comme  Armadillidimn,  Ligidium,  etc.  Dans  un  travail  sous presse  je  décris  aussi  des  Gylisticus  et  de  formes  nouvelles  à caractère  archaïque. Les  Isopodes  aquatiques  sont  représentés  dans  les  eaux  sou- terraines par  des  formes  voisines  du  genre  Asellus,  par  des Cirolanides  et  Sphaeromiens  dont  l'origine  est  peut-être  marine, par  un  Anthuride  qui  a  sûrement  cette  origine,  par  un  groupe très  curieux,  les  Phréatoïcides,  et  enfin  par  le  genre  Stenasellus dont  les  affinités  ne  sont  pas  encore  bien  établies. LÉS  PROBLÈMES  BIOSPÉOLOGIOUES  447 CopÉPODES.  —  Joseph  et  Packard  ont  décrit,  plutôt  mal, trois  Copépodes  cavernicoles  dans  l'existence  en  tant  qu'espèce n'est  rien  moins  "que  certaine.  Ceux  que  Scievieil  a  trouvés  dans la  Magdalena  grotte  (Karst)  n'ont  rien  de  cavernicole  ;  ce  sont des  espèces  épigées  communes.  Il  n'est  pas  certain  que  les Cyclops  des  puits  du  Texas  soient  de  vrais  troglobies.  Mais  tout récemment  Carl  (1904)  a  signalé  un  Canthocamptus  nouveau, qui  vit  dans  le  guano  humide  et  qui  pourrait  bien  être  un  vrai troglobie. OsTRACODES.  —  Plusicurs  formes  ont  été  signalées  par  Joseph et  ScHMEiL  dans  les  grottes  du  Karst  autrichien.  Celles  de  Joseph sont  douteuses,  celles  de  Schmeil  {Cypris  pelhicida  et  Typhlo- cypris  Schmeili),  déterminées  par  Mûller,  le  spécialiste  connu, sont  certaines  et  sont  très  probablement  de  vrais  troglobies. Phyllopodes.  —  C'est  encore  à  Joseph  qu'on  doit  la  des- cription de  quatre  formes  cavernicoles  appartenant  à  ce  groupe, aussi  douteuses,  d'ailleurs,  que  beaucoup  de  celles  décrites  par ce  naturaliste  dans  d'autres  ordres. Oligochètes.  —  Tous  les  Terricoles  sont  franchement  luci- fuges,  aussi  les  rencontre-t-on  souvent  dans  le  sol  des  cavernes et  dans  le  guano  des  Chauves-souris.  On  a  décrit  des  espèces cavernicoles,  mais  il  ne  paraît  pas  y  avoir  dé  genres  spéciaux. Les  Limicoles  sont  nombreux  dans  les  puits  ;  il  en  existe aussi  dans  les  eaux  souterraines,  et  l'on  a  décrit  des  formes, comme  Phreodrilus,  qui  paraissent  être  de  véritables  troglobies non  représentées  dans  le  domaine  épigé. Nous  avons  affaire,  à  partir  de  ce  groupe,  à  des  êtres  inférieurs, s'accommodant  facilement  des  conditions  d'existence  que  présente le  domaine  souterrain,  pourvu  que  la  nourriture  appropriée  ne leur  soit  pas  trop  mesurée.  Ces  Animaux  ne  présenteront  donc plus  des  caractères  adaptatifs  bien  nets  ;  leur  attribution  à  la faune  cavernicole  sera  difûcile  si  on  ne  connaît  pas  leur  histoire complète. Hirudines.  —  Pries  a  trouvé  une  Typhlohdella  dans  une grotte  du  Jura  Suabe,  mais  ce  n'est  pas  un  troglobie. 448  EMILE    G.   [lACOVITZA EoTEPÈRES.  —  Signales  par  Joseph  dans  les  grottes  du  Karst comme  représentés  par  quatre  espèces,  dont  l'une  très  remar- quable et  unique  de  son  genre,  ils  n'ont  pas  été  retrouvés  depuis. Le  Rotifère  troglobie  est  encore  à  découvrir. TuRBELLARiÉs.  —  Plusicurs  Planaires  ont  été  signalées  en Europe,  Amérique,  Nouvelle-Zélande,  mais  s'agit-il  de  troglobies ou  de  trogloxènes  "?  Voilà  ce  qu'il  est  encore  impossible  de savoir. NÉaiATODES.  —  Ont  été  trouvés,  rarement  il  est  vrai,  mais en  Europe  comme  en  Amérique.  Leur  étude  n'a  pas  encore  été faite. Hydraires.  —  Fries  a  trouvé  une  Hydra  absolument  inco- lore et  Joseph  décrit  une  espèce  nouvelle  et  douteuse  de  ce genre. Spongiaires.  —  Joseph,  qui  a  trouvé  des  représentants cavernicoles  de  tous  les  groupes  imaginables,  se  devait  à  lui- même  de  découvrir  aussi  une  éponge  souterraine.  Il  n'y  manqua point  et  la  décrivit  sous  le  nom  de  Spongilla  stygia. Protozoaires.  —  On  s'est  à  peine  occupé  des  Protozoaires . des  cavernes.  C'est  naturellement  Joseph  qui  fit  les  plus  belles découvertes  dans  ce  groupe  aussi,  mais  ses  déterminations  sont très  sujettes  à  caution.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  Proto- zoaires ne  manquent  pas  dans  le  domaine  souterrain,  surtout dans  les  endroits  où  le  guano  est  abondant.  On  en  a  signalé aussi  de  fixés  sur  le  corps  d'autres  animaux  cavernicoles. Parasites.  —  Voilà  une  véritable  lacune  dans  l'étude  des Cavernicoles  ;  nous  ne  savons  presque  rien  sur  les  Parasites  des habitants  du  domaine  souterrain  et  pourtant  le  sujet  peut  être intéressant.  Il  est  possible,  en  effet,  que  les  Parasites  à  migration, n'ayant  pas  trouvé  dans  le  monde  souterrain,  —  à  poijulation spécifique  et  générique  restreinte,  —  les  hôtes  intermédiaires qui,  dans  le  monde  superficiel,  ne  leur  font  pas  défaut,  aient  dû se  livrer  à  des  adaptations  nouvelles. Quoi  qu'il  en  soit,  voici  quelques  exemples  de  Parasites  trouvés dans  les  grottes. LES   PROBLEMES  BIOSFEOLOGIOUES  449 Des  Champignons  (Laboulbeniac('>s)  ont  été  trouvés  s'atta- quant  aux  Coléoptères  cavernicoles. On  trouve  souvent  sur  les  parois  ou  sur  le  sol  des  grottes des  Nycterihie  et  des  Eschatocephales  qui  sont  ectoparasites  des Chauves-souris  ;  des  Puces  de  Mammifères  ont  été  rencontrées dans  la  poussière  du  sol.  Il  est  démontré  que  certaines  larves d'Acariens  se  fixent  sur  les  Coléoptères  cavernicoles. CoPER  a  décrit  un  Lernéen  ectoparasite  d'Amblyopsis.  On a  mentionné  aussi  des  Protozoaires  qui  seraient  fixés  sur  les branchies  du  Protée  et  sur  différents  Animaux  aquatiques  ou terrestres,  mais  on  ignore  si  ce  sont  des  Parasites, Plantes.  —  Des  Phanérogames,  des  Cryptogames  vascu- laires,  des  Mousses  et  Lichens  poussent  volontiers  à  l'entrée  des grottes  ;  certains  se  rencontrent  assez  loin  dans  l'intérieur  sans atteindra  pourtant  l'obscurité  complète. Ces  Plantes  présentent  des  modifications  nombreuses  dans leur  forme,  leur  structure,  et  même  leur  mode  de  propagation  ; mais  ces  adaptations  sont  individuelles  et  non  héréditaires.  Il n'existe  aucun  représentant  de  ces  groupes  qui  puisse  être  con- sidéré comme  cavernicole. On  trouve  quelques  Algues  et  d'assez  nombreux  Champignons vivant  à  l'obscurité  complète.  Mais  il  ne  paraît  exister  ni  Algue ni  Champignon  exclusivement  cavernicole.  INIaheu  (1906)  pré- tend môme  que  les  Champignons  des  cavernes  ne  peuvent  se reproduire  indéfiniment,  car  tous  montrent  une  tendance  mani- feste vers  l'atrophie  des  organes  de  reproduction.  Si  cette conclusion  de  Maheu  ne  comporte  pas  d'exception,  il  faudrait considérer  les  Plantes  trouvées  dans  les  cavernes  comme  des habitants  occasionnels,  des  trogloxènes,  et  ou  ne  pourrait  plus parler  d'une  Flore  cavernicole. Bactéries.  —  Les  hygiénistes  ont  démontré  que  les  Bactéries peuvent  traverser,  avec  les  eaux  courantes,  de  vastes  espaces souterrains  et  résister  à  de  longs  séjours  souterrains,  mais  on ignore  s'il  existe  des  Bactéries  vraiment  troglobies. 430  EMILE    (}.  RACOVITZA VIII.  Modalités  de  l'évolution  des  Cavernicoles. î^ous  avons  examiné,  dans  les  pages  qui  précèdent,  l'impor- tance du  domaine  souterrain,  les  conditions  d'existence  qu'il offre  aux  êtres  vivants,  l'influence  que  ces  conditions  peuvent exercer  ,  les  caractères  taxonomiques  qui  résultent  de  ces influences,  et  enfin  la  composition  de  la  faune  et  de  la  flore cavernicoles.  Il  nous  reste  à  examiner  toute  une  série  de  ques- tions du  plus  haut  intérêt,  mais  qui,  faute  d'études  appro- fondies, sont  encore  plus  éloignées  de  leur  solution  que  les  pré- cédentes. Voyons  en  premier  lieu  comment  s'est  opérée  la  transforma- tion des  Epigés  en  Cavernicoles,  comment  ont  été  acquis  ces caractères  spéciaux  qui  sont  la  résultante  du  séjour  dans  le domaine  souterrain,  en  un  mot,  voyons  comment  les  êtres  sou- terrains se  sont  adaptés  à  leur  habitat. Cette  question,  lorsqu'on  lui  donne  son  sens  général,  se  pose pour  tous  les  êtres  de  la  terre.  Je  ne  puis  donc  pas  la  traiter ici.  Je  vais  exposer  seulement,  et  d'une  façon  succincte,  ce  qu'il en  a  été  dit  à  propos  des  êtres  souterrains. Les  opinions  les  plus  diverses  ont  été  émises  au  sujet  de  la rapidité  avec  laquelle  s'est  opérée  la  transformation  des  Caver- nicoles. Darwin  (1859)  et  les  naturalistes  de  son  école  soutiennent qu'il  faut  d'innombrables  générations  pour  qu'un  être  puisse acquérir  les  caractères  qui  en  font  un  Cavernicole. Packard  (1889  et  1894)  soutient  que  cette  transformation s'est  effectuée  rapidement,  en  quelques  générations,  et  pour mieux  illustrer  sa  manière  de  penser  il  prend  un  exemple  con- cret, un  Trechus,  dont  il  conte  l'étonnante  histoire.  Nous  revien- drons plus  loin  (p.  454)  sur  cette  terrible  tragédie  biologique. EiGENTViANN  (1900)  admet,  en  certains  cas,  une  transforma- tion brusque  se  faisant  par  sauts  (Saltatory  variation). Ces  trois  opinions  paraissent  inconciliables.  En  réalité,  elles peuvent  être  admises  toutes  les  trois,  car  s'il  n'est  pas  possible LES   PROBLÈMES   BlOSPEOLÔCiIQUES  451 de  soutenir  que  tons  les  Cavernicoles  se  sont  adaptés  par  trans- formation lente,  ou  par  transformation  rapide,  ou  par  muta- tions, il  faut  admettre  que  les  trois  modes  d'évolution  se  ren- contrent dans  l'histoire  des  adaptations  subies  par  les  habitants du  domaine  souterrain. Chacun  de  ces  trois  modes  peut  avoir  caractérisé  l'évolution d'une  espèce,  mais  aussi  l'évolution  d'un  seul  organe.  Et  il  n'est pas  absurde  d'imaginer  que  l'histoire  évolutive  d'une  espèce puisse  comporter,  dans  la  transformation  des  différents  organes, les  trois  modes  à  la  fois. Dans  la  rapidité  de  la  transformation,  un  fait  paraît  jouer  le rôle  capital  :  c'est  l'importance  de  l'organe  dans  l'économie  de l'animal  et  son  ancienneté  phylogénétique,  en  d'autres  termes, l'intensité  de  sa  «  mémoire  »  héréditaire.  Plus  un  organe  est important  dans  l'économie  de  l'organisme,  plus  longue  est  la lignée  d'ancêtres  qui  l'ont  transmis,  et  plus  la  résistance  qu'il offre  aux  influences  du  milieu  est  grande,  plus  par  conséquent son  adaptation  sera  lente. Ainsi,  il  est  certain  que  le  Protée  vit  dans  le  domaine  sou- terrain depuis  bien  plus  longtemps  que  beaucoup  de  Crustacés qui  sont  devenus  aveugles,  et  pourtant  ses  yeux  n'ont  pas  com- plètement disparu.  L'histoire  de  l'appareil  optique  du  Protée nous  offre  un  exemple  d'évolution  lente,  comme  la  demande Darwin. Les  expériences  de  Pries  (1873)  et  de  Viré  (1904)  ont  dé- montré que  l'œil  d'un  Gammarus  vivant  à  l'obscurité  pendant un  an  montre  des  signes  incontestables  d'atrophie.  Il  est  donc permis  de  conclure  que  la  cécité  des  Niphargus,  Asellus,  etc., cavernicoles  est  due  à  une  évolution  très  rapide,  telle  que  l'ima- gine Packard. On  lit  dans  Viré  (1899)  que  des  Crustacés  soumis  à  l'obscu- rité ont  présenté,  au  bout  de  trois  mois,  un  allongement  brusque des  bâtonnets  olfactifs.  Voici  donc  un  cas  de  variation  salta- toire.  Si  cette  variation  était  héréditaire,  nous  aurions  affaire à  une   mutation.  Les  Plantes  souterraines  montrent  aussi  des ARCH.  DE  ZOOh.   EXP.  ET  GÉX.  4=  SÉRIE.  T.  VI.  (VIl).  32 452  EMILE   G.  RACOVITZ.X chaugements  brusques  dans  leur  port  et  leur  structure,  mais  il a  été  démontré  que  ces  changements  ne  sont  pas  héréditaires. Ces  exemples  suffisent  pour  montrer  que  les  trois  ])rocédés évolutifs  sont  également  possibles.  On  peut,  de  plus,  s'attendre à  rencontrer  ces  procédés  simultanément,  dans  l'histoire  d'un même  Animal,  pour  ses  ditîérents  organes.  Enfin  il  est  absolu- ment démontré  qu'il  est  impossible  d'établir  une  règle  étroite et  exclusive  pour  l'ensemble  des  êtres  cavernicoles. Il  est  tout  aussi  impossible  d'admettre  un  processus  unique des  transformations  des  organes  chez  les  Etres  cavernicoles, et  c'est  à  tort  qu'on  a  essayé  semblable  généralisation.  J'ai  déjà fait  remarquer  que  des  organes  analogues  au  point  de  vue  fonc- tionnel peuvent  être  très  différents  au  point  de  vue  de  l'ori- gine, du  degré  de  développement  et  de  l'importance  dans  l'éco- nomie d'une  espèce  ;  par  conséquent,  leur  histoire  adaptative doit  être  très  diverse. Prenons  par  exemple  la  transformation  de  l'appareil  optique qui  a  été  le  mieux  étudiée.  Cinq  opinions  ont  été  exprimées  à son  sujet,  chacune  dans  l'esprit  de  ses  partisans  devant  s'appli- quer à  l'ensemble  de  la  forme  cavernicole. On  considère  en  effet  que  l'œil  a  disparu  : 1°  Par  régression  ;  2°  par  dégénérescence  ;  3°  par  arrêt  de développement  ;  4^  par  la  lutte  des  parties  de  l'organisme  ;  5°  par économie  de  nutrition. KoHL  a  cru  conclure  de  l'étude  d'un  Poisson  cavernicole américain  que  la  disparition  de  l'œil  était  due  à  un  arrêt  de développement.  EigenjVIANn  (1899)  me  semble  avoir  démontré que  cette  interprétation  n'était  pas  exacte  ;  il  s'agit,  en  l'espèce, d'une  régression. Packard  (1889)  et  d'autres  ont  signalé  chez  les  Crustacés des  cas  où  l'œil  n'est  représenté  que  par  quelques  ocelles  isolés ou  bien  par  quelques  cornéules.  Dans  ce  cas  il  s'agit  d'une  véri- table dégénérescence. Si  les  études  de  Kohl  sur  l'œil  du  Protée  sont  plus  exactes que  celles  mentionnées  plus  haut,  on  aurait  chez  ce  Batracien LES   PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  453 un  cas  d'arrêt  de  développement.  Dans  d'autres  directions,  on peut  aussi,  d'ailleurs,  signaler  des  arrêts  de  développement  ; c'est  ainsi  que  pe,ut  être  interprété,  par  exemple,  le  fait  que  la Pseudotremia  cavernicole  a  moitié  moins  de  segments  que  sa souche  lucifuge  Lisiopetalum,  etc. Quant  à  la  lutte  des  parties  de  l'organisme,  elle  pourra  pro bablement  être  constatée  dans  les  cas  de  dégénérescence. C'est  à  cette  «  lutte  »  que  se  rattache  ce  que  Carpenter  (1895) nomme  «  economy  of  nutrition  »,  mais  il  cherche  à  baser  son idée  sur  des  arguments  qu'on  ne  peut  admettre  :  «  There  is  a gênerai  tendency  among  cave-animals  to  a  decrease  in  size,  and their  food  supply  is  undoubtedly  very  limited.  »  Donc  la  dispa- rition d'un  organe  inutile  sera  avantageuse.  Admettons  cette conclusion,  tout  en  niant  la  «gênerai  tendency  »,  et  la  pénurie générale  et  permanente  de  nourriture. Concluons  de  tout  ceci  que  les  processus  évolutifs  qui  se sont  manifestés  à  l'occasion  de  la  transformation  des  caverni- coles sont  très  variés,  et  que  chaque  organe  et  chaque  espèce a  son  histoire  évolutive  particulière. Il  nous  faut  maintenant  examiner  les  facteurs  qui  ont  agi dans  révolution  des  Cavernicoles. Un  premier  facteur,  et  le  plus  important  à  mon  avis,  est l'influence  directe  du  milieu  combinée  avec  l'effet  de  l'usage ou  du  non-usage,  et  l'hérédité  des  caractères  ainsi  acquis. Darwin  (1859)  s'est  rallié  à  cette  interprétation  de  Lamarck, et  Packard  (1889),  Chilton  (1894),  Eigenm.4nn  (1899),  etc., l'admettent  également.  En  réalité,  ce  qu'on  appelle  théorie de  Lamarck  ne  me  semble  pas  être  une  théorie,  mais  une  cons- tatation de  faits,  dont  nous  ignorons  l'intime  essence  et  le  méca- nisme qui  les  provoque,  mais  dont  aucune  considération  théo- rique ne  peut  mettre  en  doute  la  nécessité.  Il  ne  m'est  pas  pos- sible de  m'étendre  sui'  cette  question  qui  n'est  pas  spécialement biospéologique. Un  autre  facteur  est  la  sélection  naturelle.  Chose  curieuse, Darwin   (1859,  pp.  149-152)  lui-même  nie  son  effet  dans  le 454  EMIF.E    G.  RACOVITZA domaine  souterrain  :  a  Comme  il  est  difficile  de  supposer  que l'œil,  bien  qu'inutile,  puisse  être  nuisible  à  des  animaux  vivant dans  l'obscurité,  on  peut  attribuer  l'absence  de  cet  organe  au non  usage.  »  D'autre  part,  il  croit  que  la  lutte  pour  l'existence ne  s'exerce  pas  dans  ce  domaine.  On  a  vu  que  cette  idée  est fausse.  De  plus,  si  la  sélection  naturelle  peut  ne  pas  s'exercer  à l'occasion  de  la  disparition  de  l'œil,  elle  peut  agir  dans  l'évolu- tion progressive  des  organes  des  sens  compensateurs  pour  l'im- possibilité de  voir,  et  même  dans  d'autres  adaptations. Packard  (1889  et  1894)  nie  avec  acharnement  l'influence  de la  sélection.  Je  résume  ici  l'histoire  des  vicissitudes  d'un  pauvre Trechus,  qui,  s'égarant  dans  le  domaine  souterrain,  se  trans- forma en  cavernicole,  car  cette  histoire  précise  bien  ses  idées. Un  Trechus  hypogé,  habitué  à  creuser  dans  la  terre,  est entraîné  «  by  varions  accidents  »,  dans  une  crevasse  ou  grotte sombre  dont  il  ne  peut  sortir  avec  ses  propres  moyens.  Il  est trop  vigoureux  pour  périr,  a  and  with  perhaps  already  partially lucifugous  habits  »,  il  vit  et  se  reproduit,  «  fiuding  just  enough food  to  enable  them  to  make  a  bare  livelihood,  and  with  just enough  vigor  to  propagate  their  kind  ».  En  peu  de  temps  les descendants  sont  adaptés,  et  «  they  would  live  on  weak,  half fed,  half  blind,  forced  to  make  their  asylum  in  such  forbidding quarters  ».  Oii  y  a-t-il  place  ici  pour  la  sélection  naturelle  ? Obscurité  «  lack  of  suitable  food  and  lack  of  destructive  carni- vorous  forms  other  than  blind  species  themselves  ».  Nous  avons affaire  à  des  facteurs  purement  physiques  qui  travaillent  dans une  seule  direction,  la  destruction  des  yeux.  C'est  un  vrai  cas de  Lamarckisme  :  changement  de  milieu,  non  usage,  isolement. Cette  histoire  de  Trechus  me  paraît  une  légende,  que  je  ne puis  m'empêcher  de  qualifier  d'enfantine,  malgré  l'estime  que je  professe  pour  un  naturaliste  comme  feu  Packard.  La  vraie histoire  de  son  Trechus  me  paraît  être  la  suivante  :  Lucifuge  et plus  ou  moins  compensé,  il  immigra  volontairement  dans  le domaine  souterrain,  parce  qu'il  y  trouvait  des  avantages  :  humi- dité pei*pétuelle  et  température  constante.  Loin  de  crever  de LES  PROBLÈMES   BIOSPFOLOGIQTJES  455 faim,  il  lui  tirriva  maintes  fois  de  faire  ripaille,  ce  qui  éveilla en  lui  les  tentations  de  la  chair,  qui,  satisfaites,  fournirent copieuse  progéniture.  Il  combattit  courageusement  ses  féroces ennemis  et  vaillamment  il  fit  concurrence  à  ses  semblables  ; et  si  maintenant  il  est  un  personnage  marquant  dans  la  popu- lation cavernicole,  c'est  parce  que  l'influence  du  milieu  a  per- fectionné ses  aptitudes  héréditaires,  et  parce  que  la  sélection naturelle  a  augmenté  refflcacité  de  ses  armes  d'attaque  et  de défense. Chilton  (1894)  raconterait  cette  histoire  de  Trechus  presque de  la  mênu'  façon,  car,  tout  en  admettant  l'importance  de  l'in- fluence du  milieu,  et  celle  de  l'usage  et  du  non-usage,  il  croit  à l'existence  de  la  sélection  naturelle.  Hamman  (1896)  la  nie,  à tort  comme  on  l'a  vu. Lankester  (1893)  occupe  un  rang  à  part  dans  cette  question. Il  prétend  qu'on  n'a  pas  encore  démontré  la  transmission  des caractères  acquis,  que,  par  conséquent,  on  ne  peut  recourir  à cette  explication.  D'ailleurs,  la  sélection  naturelle  explique  faci- lement la  cécité  des  Cavernicoles,  et  de  la  façon  suivante  : Beaucoup  d'Animaux  naissent  fortuitement  avec  des  yeux défectueux  ;  en  supposant  qu'une  bande  d'Animaux  est  en- traînée par  hasard  dans  les  grottes  ou  dans  les  abîmes  marins, ceux  qui  ont  de  bons  yeux  reviendront  vers  la  lumière,  les autres  resteront  dans  les  parages  obscurs  et  y  feront  souche  de malvoyants.  A  chaque  génération  la  même  sélection  s'opérera  et le  résultat  final  sera  une  population  d'aveugles. EiGENMANN  (1898)  a  durement  reproché  à  Lankester  cette théorie.  Il  dit,  en  ettet,  qu'elle  est  basée  sur  deux  faits  :  «  the authors  lack  of  knowledge  about  caves  and  lus  disregard  of the  nature  of  the  animais  inhabiting  them  ».  Quoi  qu'il  en  soit, il  est  certain  qu'elle  est  insoutenable. Tous  les  cavernicoles,  aveugles  ou  non,  sont  lucifuges  et descendent  presque  tous  de  souches  également  lucifuges.  Les Animaux  des  cavernes  ne  sont  pas  aveugles  et  compensés  pour l'impossibilité  de  voir  parce  qu'ils  se  sont  «  égarés  »  dans  les 456  EMILE   G.  RAGOVITZA cavernes  ;  ils  sont  volontairement  entrés  dans  les  cavernes parce  qu'ils  étaient  déjà  plus  ou  moins  aveugles  et  plus  ou  moins compensés  pour  l'impossibilité  de  voir.  De  plus,  le  peu  d'obser- vations que  nous  possédons  sur  le  développement  des  Caver- nicoles aveugles  montrent  que  les  jeunes  ont  un  appareil  optique plus  perfectionné  que  les  adultes  {Proteus,  Trogloearis,  Gambarus). Cette  dernière  objection,  déjà  soulevée  par  Cunningham  (1893) et  Boulanger  (1893)  détruit  les  derniers  doutes  qui  auraient pu  subsister  sur  la  fausseté  de  la  théorie  de  Lankester. Un  troisième  facteur,  invoqué  par  Weismann,  est  l'arrêt  de la  sélection  naturelle  et  sa  conséquence,  la  panmixie.  Il  n'y  a aucune  objection  de  principe  à  lui  opposer  ;  la  panmixie  est dans  les  choses  possibles,  quoiqu'il  soit  difficile  de  l'observer directement,  mais  son  efficacité  doit  être  bien  faible.  Voyez  ce qui  se  passe  pour  le  Protée,  qui  est  un  des  plus  anciens  habitants du  monde  souterrain,  et  qui,  pourtant,  n'a  pas  complètement perdu  ses  yeux,  malgré  la  panmixie.  Si,  d'une  part,  elle  peut répandre  l'etîet  de  certaines  variations  dues  à  la  cessation  de  la sélection  naturelle,  elle  diminue  les  chances  de  conservation de  beaucoup  d'autres  variations.  Somme  toute,  son  importance ne  me  paraît  pas  considérable. Quant  aux  autres  vues  théoriques  des  Weismanniens,  des- tinées à  expliquer  les  variations  sans  l'aide  de  l'hérédité  des caractères  acquis,  qu'ils  nient,  mieux  vaut  ne  pas  en  parler. PioCHARD  DE  LA  Brûlerie  (1872)  et  PACKARD  (1889)  invo- quent avec  raison  un  autre  facteur  :  l'isolement  ou  ségrégation, mais  ce  dernier  exagère,  non  pas  son  importance,  qui  est  extrême pour  la  constitution  de  nouvelles  espèces  ou  variétés,  mais  sa rigueur  dans  le  domaine  souterrain.  Certes,  si  l'on  admet  comme lui  que  les  Cavernicoles  sont  des  Lucicoles  entraînés  par  acci- dent dans  les  cavernes,  brusquement  séparés  de  leur  souche par  la  profondeur  des  gouffres,  on  doit  logiquement  considérer l'isolement  comme  absolu  dès  le  moment  de  l'accident  ;  mais l'on  a  vu  que  cette  conception  n'est  pas  soutenable.  La  vérité est  toute  autre.  Les  Lucifuges  qui  ont  fourni  les  immigrants LES  PROBLEMES  BIOSPÉOLOGIQUES  457 cavernicoles  habitent  soit  les  fentes  et  abris  des  lapiaz.  soit  les entrées  de  grottes,  soit  les  eaux  en  continuité  directe  avec  les eaux  souterraines.  Au  commencement  il  y  a  certainement  non isolement,  mais  promiscuité  ;  on  peut,  d'ailleurs,  le  constater directement  pour  les  très  nombreuses  espèces  qui  vivent  indif- féremment dans  les  grottes  et  à  l'extérieur. Donc,  au  début  de  l'immigTation,  la  transformation  doit  être lente,  la  panmixie  tendant  à  détruire  ce  que  l'influence  du milieu  et  l'eiïet  de  l'usage  ou  non  usage  ont  pu  jjroduire  en  fait d'adaptation  au  domaine  souterrain  ;  mais,  dès  que  la  nouvelle colonie  est  arrivée  à  une  certaine  profondeur,  l'isolement  peut se  produire  et  la  transformation  doit  être  rapide. L'isolement  peut  être  brusque  et  absolu,  lorsqu'il  résulte d'une  variation  ou  mutation  qui  empêche  l'accouplement  pour des  raisons  anatomiques  ou  physiologiques.  Ce  cas  n'est  pas spécial  aux  cavernes.  Mais  on  peut  imaginer  des  cas  d'isolement qui  sont  sous  la  stricte  dépendance  des  conditions  d'existence que  présente  le  domaine  souterrain. L'obscurité  ne  doit  pas  jouer  de  rôle  dans  la  question.  Il  en est  autrement  de  la  température  et  de  riiumidité.  Dans  les  pays où  la  sécheresse  est  périodique,  l'époque  de  reproduction  corres- pond à  la  saison  humide,  et  dans  les  pays  à  hivers  rigoureux  il y  a  aussi  une  période  sexuelle.  La  température  et  l'humidité constantes  des  grottes  ayant  probablement  supprimé  toute périodicité  dans  la  maturité  sexuelle  des  Cavernicoles,  il  peut résulter  un  isolement  de  cette  différence  entre  la  faune  souter- raine et  répigée. Enfin  il  faut  mentionner  un  dernier  facteur  :  la  lutte  des  parties de  l'organisme.  Ce  facteur,  mis  en  valeur  par  Roux,  peut,  en certains  cas,  jouer  un  rôle  important,  surtout  lorsqu'il  s'agit d'organes  déjà  existants  qui  sont  soumis  à  des  influences  qui leur  sont  contraires,  et  cela  pour  les  faire  disparaître.  Mais  son rôle  est-il  aussi  important  lorsqu'il  s'agit  d'organes  favorable- ment influencés  par  le  milieu  ?  Je  ne  le  crois  pas,  parce  que  la disparition  de  l'organe  non  utilisé  ne  profite  pas  directement  à 458  EMILE    G.  RACOVITZA l'organe  favorisé,  mais  seulement  indirectement  ;  les  agents spéciaux  de  destruction  qui  existent  dans  les  organismes  déver- sent les  butins  de  leur  victoire  dans  le  trésor  commun,  s'ils  ne les  consomment  pas  pour  leur  propre  compte. Mentionnons  seulement  pour  mémoire  la  modification  de  la. conception  de  Roux  que  Lendenfeld  (1896)  imagina  à  propos des  travaux  de  Kohl  sur  l'œil  des  Vertébrés  cavernicoles.  Il ne  me  semble  pas  qu'il  y  ait  autre  chose  à  en  dire. IX.  Distribution  géographique  des  Cavernicoles. Bedel  et  Simon  (1875),  dans  leur  excellent  Catalogue  des Articulés  d'Europe,  constatent  que  les  grottes  habitées  se trouvent  entre  le  40*^  et  le  00"  de  latitude  nord.  Cette  conclusion, parfaitement  légitime  en  1875,  s'est  transmise  sous  forme  de dogme  jusqu'à  nos  jours.  Beaucoup  de  biospéologistes  croient qu'en  dehors  de  la  zone  de  Bedel  et  Simon  il  n'existe  pas  des grottes  peuplées  de  vrais  troglobies. Or,  cette  idée  est  certainement  erronée.  Il  suffit  de  mentionner les  trouvailles  faites  en  Algérie,  au  Tonkin,  dans  la  colonie du  Cap,  la  Nouvelle-Zélande,  le  Mexique,  le  Texas,  les Philippines,  etc.,  pour  arriver  à  une  toute  autre  conclusion. Il  existe  des  Cavernicoles  partout  où  il  y  a  des  massifs  cal- caires et  des  eaux  souterraines. Certes,  il  y  a  des  différences  dans  le  peuplement  des  différentes régions,  mais  cela  tient  à  des  causes  multiples  et  locales.  11 n'est  pas  possible  d'admettre,  en  l'état  actuel  de  nos  connais- sances, une  cause  générale  qui  puisse  rendre  azoïque  une  vaste portion  du  domaine  souterrain. Si,  jusqu'à  présent,  la  faune  cavernicole  de  la  zone  de  Bedel et  Simon  est  la  plus  riche  et  la  plus  variée,  cela  doit  surtout tenir  au  fait  que  les  grottes  de  cette  zone  ont  été  les  seules  bien étudiées. En  Algérie,  par  exemple,  dans  les  provinces  d'Alger  et  de Constantine,  beaucoup  de  grottes  sont  complètement  sèches  et azoïques,  mais  celles  qui  sont  suffisamment  humides  sont  par- LES  PROBLEMES  BIOSPEOLOGIQUES  459 faitement  peuplées.  Comme,  d'autre  part,  les  massifs  calcaires n'y  sont  pas  très  nombreux,  il  est  certain  qu'on  ne  peut  s'at- tendre à  trouver  dans  ces  pays  une  population  cavernicole  com- parable à  celle  du  Karst  autrichien  ou  des  Pyrénées.  Mais  je suis  convaincu  que  les  massifs  calcaires,  vastes,  suffisamment humides,  et  situés  en  dehors  des  zones  polaires,  doivent  cacher dans  leurs  cavités  une  riche  population  cavernicole,  quelle  que soit  leur  situation  géographique. Cette  question  préliminaire  une  fois  examinée,  il  nous  reste à  voir  ce  qu'on  peut  déduire  de  l'étude  de  la  chorologie  des Cavernicoles.  Malheureusement,  il  faut  convenir  que  nous  ne savons  presque  rien  à  ce  sujet  ;  les  essais  timides  faits  dans  cette voie  n'ont  fourni  que  de  vagues  indications,  d'ailleurs  très  sou- vent fausses.  Je  crois  qu'il  ne  peut  en  être  autrement,  car  toute étude  chorologique  me  semble  prématurée  même  pour  le  groupe le  mieux  étudié,  les  Coléoptères.  Certes,  on  peut  s'amuser  à dresser  des  tables  statistiques  et  disposer  des  noms  en  belles colonnes,  mais  l'importance  d'un  tel  travail  sera  nulle.  Pour faire  œuvre  sérieuse  il  nous  manque,  pour  tous  les  groupes,  un certain  nombre  d'études  préliminaires  indispensables  :  de  bonnes révisions  taxonomiques,  des  études  sur  l'origine  et  sur  la  filiation, sur  l'éthologie,  etc..  A  ces  lacunes  s'ajoute  aussi  l'absence presque  complète  de  renseignements  sur  les  régions  situées  en dehors  de  la  zone  de  Bedel  et  Simon. Mais,  même  lorsque  ces  lacunes  seront  comblées,  on  ne  pourra se  livrer  à  l'étude  chorologique  des  Cavernicoles  pris  en  bloc  ; car  les  faunes  et  les  flores  souterraines  sont  des  faunes  et  des flores  dérivées,  formées  par  une  agglomération  d'êtres  absolu- ment diiïérents,  dont  l'origine,  l'âge,  l'ancienneté  d'immigration sont  très  divers.  On  sera  donc  réduit  à  faire  des  chorologies spéciales  pour  chaque  groupe  homogène,  ce  qui  ne  sera  pas moins  intéressant. Ce  que  je  viens  de  dire  ne  doit  pas  nous  empêcher  d'examiner quelques  questions  très  générales  dont  la  solution  intéresse  au plus  haut  point  la  chorologie  des  Cavernicoles. 460  EMILE   G.  RACOVITZA X.  Origine  des  Cavernicoles. Tout  le  inonde  admet  que  le  domaine  souterrain  n'est  pas  un habitat  primitif  ;  on  est  d'accord,  par  conséquent,  pour  consi- dérer les  Cavernicoles  comme  des  immigrants  qui  ayant  quitté leur  ancienne  demeure  ont  eu  à  subir  une  adaptation  plus  ou moins    profonde    à   leur    nouvel   habitat. Ces  ImmigTants  proviennent  de  plusieurs  habitats  épigés différents  ;  leur  origine  est  donc  multiple. Origine  terrestre.  —  La  très  grande  majorité  des  Caver- nicoles est  terrestre  et  dérive  de  souche  terrestre.  Je  n'insiste point. Origine  limnique.  —  Les  faunes  des  eaux  douces  superfi- cielles ont  beaucoup  de  représentants  dans  les  eaux  souterraines. On  peut  se  demander  si  les  crues,  fréquentes  dans  le  domaine souterrain,  suivies  de  périodes  d'assèchement,  n'ont  pas  occa- sionné la  transformation  de  formes  aquatiques  en  formes  ter- restres, étant  donné  que  l'humidité  constante  qui  règne  dans les  cavernes  facilite  singulièrement  cette  transformation  ;  je rappelle  seulement  le  cas  du  Niphargus  et  du  Copépode  men- tionnés autre  part  (voir  p.  419).  Pour  l'instant,  on  ne  connaît pas  de  Cavernicoles  vraiment  terrestres  auxquels  on  puisse^  assi- gner cette  origine,  mais  la  rencontre  d'une  semblable  forme ne  serait  pas  étonnante. Origine  marine.  —  Les  découvertes  de  ces  dernières  années permettent  d'attribuer  une  origine  marine  à  certains  Caverni- coles d'eau  douce.  Le  fait  est  certain  pour  Cruregens  de  la  Nou- velle-Zélande, il  l'est  moins  pour  les  Cirolanides  et  Sphaeromiens d'Europe  et  du  Texas,  car  ces  groupes  ont  des  représentants limniques  et  l'on  ignore  encore  la  vraie  filiation  de  ces  Crus- tacés cavernicoles.  Quant  aux  Poissons  cavernicoles  de  Cuba, on  peut  jusqu'à  nouvel  oi-dre  les  considérer  comme  de  souche marine. LES  PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  461 XI.  Mode  de  peuplement  du  domaine  souterrain. Il  est  nécessaire  de  résoudre  une  question  préliminaire  avant d'aborder  l'examen  des  voies  suivies  par  les  Epigés  dans  leur immigration  dans  le  domaine  souterrain. Packard  (1889),  LAnkester  (1893),  et  beaucoup  d'autres, pensent  que  le  peuplement  des  cavernes  est  dû  au  hasard  des accidents  variés  qui  ont  pu  y  entraîner  des  habitants  des  zones superficielles.  Packard  admet  aussi  que  les  Animaux  de  grande taille,  et  même  l'Homme,  ont  pu  contribuer  à  ce  peuplement  en transportant  dans  les  grottes  les  petits  Animaux  ou  les  germes accrochés  à  leur  surface.  En  un  mot,  les  biospéologistes  de  cette école  croient  que  l'immigration  dans  les  cavernes  a  été  involon- taire. BiGENMANN  (1898),  Garuian  (1892),  etc.,  pensent  avec  juste raison  que  cette  immigration  a  été  volontaire. Je  ne  veux  point  dire  que  l'immigration  ne  puisse  en  aiu'im cas  avoir  été  involontaire.  Je  pense  que  le  cas  a  pu  se présenter  dans  certaines  conditions.  Il  faut,  en  elïet,  faire  une distinction  parmi  les  espèces  pouvant  être  entraînées  dans  les cavernes. Les  êtres  très  inférieurs  qui  n'olïrent  pas  d'adaptation  spé- ciale aux  habitats  épigés,  ont  pu  faire  souche  une  fois  entraînés par  accident  dans  le  domaine  souterrain.  Ainsi  certains  Oligo- chètes  terricoles,  par  exemple,  peuvent  être  transplantés  sans dommage  dans  une  grotte  à  sol  convenable.  Mais  ces  êtres  n'ont que  très  rarement  fourni  de  vrais  troglobies  ;  ils  forment  la masse  de  ceux  qui  habitent  indiiïéremment  les  domaines  sou- terrain et  épigé.  D'autre  part,  nous  avons  vu  que  les  Plantes, qui  sont  certainement  et  toujours  entraînées  par  accident  (eaux de  ruissellements,  vents,  bois  flottés,  animaux  sauvages,  etc.) dans  les  grottes,  ne  paraissent  pas  avoir  donné  naissance  à  des formes  spéciales. On  voit  donc  que  cette  catégorie  d'êtres  épigés  n'a  pas  con- tribué notablement  à  donner  son  caractère  spécial  à  la  faune 462  EMILE   G.  RACOVITZA des  cavernes.  Ce  n'est  d'ailleurs  pas  de  eeux-là  qu'il  est  question dans  la  théorie  des  Packard  et  Lankester. Il  s'agit,  eu  effet,  des  autres  animaux  plus  élevés  en  organi- sation, comme  les  Arthropodes,  Poissons,  Batraciens,  etc.  Or, pour  ceux-là  je  crois  que  l'immigration  a  certainement  été  volon- taire et  progressive,  sans  pour  cela  exclure  la  possibilité  de  très rares  exceptions  ;  il  n'est  pas  difficile  de  le  démontrer. Remarquons  d'abord  que,  sauf  exception  douteuse,  tous  les Cavernicoles  descendent  de  formes  épigées  lucifuges,  à  appareil optique  plus  ou  moins  réduit  et  à  compensation  plus  ou  moins parfaite  pour  l'impossibilité  de  voir  ;  ces  formes  étaient  pour ainsi  dire  prédestinées  à  peupler  les  cavernes.  Notons  ensuite que  journellement  des  représentants  des  formes  vraiment  pho- tophiles  (Lépidoptères,  Hyménoptères,  etc.)  sont  entraînés  dans le  domaine  souterrain,  et  pourtant  aucun  n'y  a  fait  souche. D'autre  part,  les  Animaux  fixés,  qui  ne  peuvent  changer  de place  par  eux-mêmes,  n'ont  pas  colonisé  les  grottes.  Et  n'oublions pas,  pour  finir,  que  l'horreur  de  l'obscurité  est  un  sentiment d'animal  très  supérieur,  et  que  la  lumière  est  moiîis  indispen- sable à  beaucoup  d'Animaux  qu'une  température  invariable  et une  humidité  constante,  et  ce  sont  justement  les  importants avantages  que  les  Cavernicoles  sont  allés  chercher  volontai- rement dans  le  domaine  souterrain. Les  voies  d'accès  qui  ont  servi  à  l'immigration  dans  les cavernes  ont  été,  et  sont  encore,  multiples. La  principale,  pour  les  Cavernicoles  terrestres,  doit  être  la fente.  Les  Animaux  épigés  lucifuges  se  cachent  non  seulement sous  les  pierres,  mais  dans  les  fissures  des  roches,  et  ils  ne  sont abondants  et  variés  que  là  où  la  surface  de  la  terre  leur  olïre semblables  abris.  A  ce  point  de  vue,  les  régions  karstiques  sont particulièrement  favorables  ;  car,  d'une  part,  les  fissures  y  sont innombrables  et,  d'autre  part,  l'érosion  fournit  en  abondance les  pierres  plates  si  aptes  à  servir  de  confortables  demeures. Il  est  vrai  que  dans  les  régions  karstiques  l'eau  ne  peut séjourner  longtemps  à  la  surface,  et  la  sécheresse  qui  y  règne LES    PROBLÈMES   BIOSPEOLOGIOrîES  463 est  caractéristique  de  ces  régions  ;  mais  c'est  justement  ce  fait qui  est  favorable  au  peuplement  du  domaine  souterrain.  Les Lucifuges  superficiels  sont,  en  effet,  forcés  de  rechercher  l'hu- midité nécessaire  à  leur  existence  dans  la  profondeur  des  mas- sifs calcaires.  Cette  descente  des  Animaux  dans  les  profondeurs de  la  terre  à  la  recherche  de  l'humidité,  et  aussi  d'une  tempé- rature convenable,  est  un  phénomène  absolument  général.  Dans les  pays  chauds,  pendant  la  saison  sèche,  des  fentes  de  retraits, ({uelquefois  très  grandes,  se  forment  dans  les  terrains  plastiques  ; les  animaux  s'y  réfugient  et  n'en  sortent  qu'aux  premières pluies.  Dans  les  régions  karstiques,  à  cause  de  leurs  vastes espaces  souterrains,  l'immigration  périodique  dans  les  profon- deurs s'est  transformée  plus  souvent  qu'ailleurs  en  séjour  per- manent. Une  voie  d'accès,  moins  importante,  qui  a  ouvert  le  domaine souterrain  à  l'immigration  des  Superficiels,  est  l'entrée  des grottes.  C'est  par  là  qu'ont  pénétré  un  certain  nombre  d'Ani- maux de  grande  taille,  et  tous  ceux  qui  descendent  de  cette faune  spéciale  qui  a  choisi  l'entrée  des  grottes  comme  habitat préféré. Les  aquatiques  ont  eu  aussi  les  deux  voies  d'accès  à  leur  dis- position :  la  fente  et  les  pertes  de  rivières  ou  de  lacs.  C'est  par là  qu'ils  ont  colonisé  les  niveaux  d'eau  et  les  lacs  ou  rivières souterraines. On  pourrait  croire  que  la  colonisation  des  eaux  souterraines s'est  fait  le  plus  souvent  d'une  façon  involontaire,  puisque  les Animaux  aquatiques  ne  peuvent,  souvent,  résister  aux  flots qui  les  entraînent.  Je  ne  crois  pas  plus  à  l'efficacité  de  l'accident dans  ce  cas  que  dans  l'histoire  de  la  colonisation  terrestre  ;  car les  mêmes  arguments  peuvent  être  invoqués  dans  les  deux  cas. L'observation  a  d'ailleurs  démontré  qu'à  l'entrée  et  à  la  sortie des  eaux  souterraines,  les  faunes  lucicoles  et  cavernicoles demeurent  confinées  chacune  dans  son  domaine,  et  pourtant les  crues  doivent  souvent  opérer  des  mélanges. Pour  les  animaux  d'origine  marine,  c'est  la  fente  qui  a  dû 464  EMILE   G.  RACOVITZA être  la  voie  d'accès  dans  les  niveaux  d'eau  souterrains.  On  sait qu'à  Texception  des  Poissons  aveugles  de  Cuba,  dont  Thistoire n'est  pas  connue,  tous  ces  Animaux  sont  très  petits.  Ils  ont donc  pu  facilement  passer  à  travers  les  fissures  des  niveaux d'eau  qui  souvent  se  déversent  sous  le  niveau  de  la  mer.  Quand l'eau  de  ces  niveaux  est  sous  pression  à  cause  des  crues,  l'eau douce  refoule  l'eau  de  mer  ;  en  temps  de  sécheresse  c'est,  au contraire,  l'eau  salée  qui  pénètre  dans  les  couches  perméables qui  affleurent  sous  le  niveau  de  la  mer.  Il  existe  donc  une  zone qui  présente  souvent,  de  la  mer  vers  la  terre,  un  dessalement progressif  des  eaux,  circonstance  éminemment  favorable  à  l'émi- gration des  animaux  d'un  milieu  dans  l'autre. Les  grandes  sources  sous-marines  des  régions  karstiques peuvent  aussi  servir  de  voie  d'accès  dans  les  rivières  souter- raines ;  l'on  a  constaté  chez  quelques-unes  le  même  renverse- ment dans  le  sens  du  courant  que  dans  les  niveaux  d'eau. XII.  Epoque  de  peuplement  du  domaine  souterrain  et  ancienneté des  Cavernicoles. Avant  de  chercher  à  savoir  si  les  Cavernicoles  sont  d'origine ancienne  ou  d'origine  récente,  il  faut  discuter  la  question  de l'âge  des  cavernes  ;  il  faut  examiner,  en  effet,  depuis  quand l'habitat  souterrain  est  prêt  à  recevoir  les  colons  du  domaine superficiel. Constatons  d'abord  que  dans  toutes  les  périodes  géologiques se  sont  formés  des  calcaires  et  des  roches  pouvant  contenir  des niveaux  d'eau.  Il  est  certain,  ensuite,  que  les  agents  qui  actuel- lement travaillent  à  l'établissement  d'un  domaine  souterrain travaillèrent  aussi  aux  époques  antérieures.  Il  ne  nous  est  pas permis  d'affirmer,  ou  même  de  supposer,  qu'un  massif  calcaire ait  été  moins  fissuré  et  moins  attaqué  par  les  agents  atmosphé- riques pendant  les  époques  primaire,  secondaire  ou  tertiaire qu'il  ne  l'est  actuellement,  et  il  en  est  de  même  ])our  la  circula- tion des  eaux  souterraines  et  pour  la  formation  de  rigoles  habi- tables dans  les  niveaux  d'eau. LES  PROBLÈMES  BIOSPÉGLOPiIOUES  465 4 Il  suffit  d'avoir  indiqué  qu'à  toutes  les  époques  les  mêmes agents  ont  travaillé  qualitativement  de  la  même  manière  les mêmes  matériaux  pour  conclure  qu'un  domaine  souterrain  habi- table a  toujours  existé,  et  que,  par  conséquent,  il  n'y  a  aucune raison  de  croire  que  les  Cavernicoles  aussi  n'aient  pas  existé. Mais  il  n'en  résulte  nullement  que  le  même  domaine  souterrain et  que  les  mêmes  Cavernicoles  ou  leurs  descendants  se  soient perpétués  jusqu'à  nos  jours.  Or,  c'est  justement  ce  qu'il  faudrait savoir  ;  c'est  cette  continuité  à  travers  les  périodes  géologiques qui  ofïre  seule  un  intérêt  capital. Un  exemple  concret  fera  mieux  saisir  ma  pensée.  Prenons un  massif  calcaire  d'âge  dévonien.  Nous  sommes  siirs  qu'une fois  émergé  il  a  dû  être  façonné  par  les  agents  atmosphériques, et  que  très  rapidement  il  a  dû  être  rempli  de  fissures  et  de cavernes.  Xous  pouvons  également  admettre  que  le  nouveau domaine  souterrain  a  été  peuplé  par  des  êtres  variés.  Mais  peut- on  admettre  que  le  domaine  souterrain  contenu  dans  les  flancs de  ce  massif  calcaire  ait  pu  subsister  et  offrir  des  conditions d'existence  suffisantes  depuis  cette  époque  jusqu'à  aujourd'hui sans  interruption"?  Bu  d'autres  termes,  pouvons-nous  espérer trouver  des  grottes  datant  du  carboniférien  et  peuplées  depuis cette  époque  par  les  descendants  des  premiers  colons  ? L'observation  directe  a  fourni  fort  peu  de  données  relatives à  ce  problème  ;  il  est  vrai  que  cette  question  n'a  pas  suffisam- ment occupé  les  géologues.  Martel  (1903)  cite  une  grotte  comme étant  certainement  antérieure  au  pliocène  moyen,  puisqu'on  a trouvé  à  son  intérieur  des  dépôts  de  cet  âge.  C'est  l'âge  le  plus ancien  qu'on  puisse  attribuer  avec  assurance  à  une  grotte  non comblée.  Parmi  les  grottes  comblées  on  en  trouve  datant  d'épo- ques bien  plus  anciennes.  Martel  et  van  den  Broeck  (1906) en  citent  qui  furent  remplies  par  des  dépôts  tongriens  ;  les phosphorites  du  Quercy  sont  déposés  dans  des  fissures  existant déjà  au  début  de  l'époque  tertiaire. On  ne  peut  donc  pas  par  l'observation  directe  démontrer l'existence  de  grottes  habitables  très  anciennes. 466  EMILE   G.  RACOVITZ A On  peut  alors  se  demander  si  Texisteuce  de  semblables  grottes est  possible  à  imaginer,  car  plusieurs  conditions,  qu'il  doit  être difficile  de  rencontrer  réunies,  sont  nécessaires  pour  que  pareille éventualité  puisse  se  produire. Il  faut  d'abord  supposer  Texistence  d'un  massif  calcaire  très ancien,  ayant  été  constamment  émergé  et  n'ayant  pas  subi  de trop  puissantes  actions  géomorphogéniques.  Il  faut  que  ce  luassif n'ait  pas  été  recouvert  par  d'autres  dépôts  qui  auraient  pu  le protéger  contre  l'action  des  agents  atmosphériques.  Il  faut  aussi, pour  la  continuité  de  la  faune,  qu'il  ait  été  situé  en  dehors  des zones  ayant  subi  des  périodes  glacières.  Il  faudrait  également savoir  si  un  semblable  massif  calcaire,  constamment  émergé  et non  protégé  par  une  couverture  d'autres  terrains,  aurait  pu résister  à  l'action  des  agents  atmosphériques.  On  sait  la  puis- sance avec  laquelle  la  corrosion  et  l'érosion  agissent  sur  le calcaire  ;  aussi  peut-on  se  demander  si  notre  massif  n'aura  pas été  assez  rapidement  transformé  en  totalité  en  terra  rossa. C'est  le  devoir  des  géologues  de  nous  renseigner  d'une  façon précise  sur  ce  sujet  ;  en  attendant,  on  peut  admettre  que  les grottes  très  anciennes  doivent  être  fort  rares,  mais  qu'à  partir de  l'époque  tertiaire  elles  ont  pu  fréquemment  se  conserver jusqu'à  nos  jours. En  supposant  connu  l'âge  d'un  certain  nombre  de  grottes,  il ne  faudrait  pas  conclure  que  les  plus  anciennes  sont  peuplées par  les  faunes  les  plus  archaïques,  et  les  plus  récentes  par  les faunes  les  plus  jeunes.  Des  Cavernicoles  peuvent  être  plus anciens  que  la  grotte  qu'ils  habitent  actuellement,  car  ils  ont pu  émigrer  d'une  autre  régiofi  du  domaine  souterrain.  D'autre part,  la  faune  d'un  massif  calcaire  peut  être  beaucoup  plus récente  que  le  massif  lui-même;  un  événement  a  pu  s'accomjjlLr, qui,  tout  en  ne  causant  aucun  dommage  au  calcaire,  a  pu  com- plètement détruire  l'ancienne  faune  et  laisser  le  terrain  vierge ]>our  une  colonisation  nouvelle.  Les  périodes  glacières  anciennes (on  en  a  signalé  de  permiennes)  et  récentes  ont  pu  jouer  ce  rôle. Ces  considérations,  et  ce  ne  sont  pas  les  seules,  suffisent  pour LES   PROBLÈMES  BIOSPEOLOGIQUES  46* montrer  combien  la  question  de  l'ancienneté  des  Cavernicoles est  difficile  à  résoudi'e  si  l'on  prend  en  considération  l'âge  de l'habitat.  Elle  n'est  pas  plus  facile  si  l'on  s'adresse  aux  Caver- nicoles eux-mêmes.  Pour  cette  étude,  comme  pour  tout  ce  qui touche  aux  Cavernicoles,  on  s'aperçoit  très  vite  qu'on  n'a  pas affaire  à  un  groupement  homogène  mais  à  un  assemblage  hété- rogène de  formes  qui  ont  chacune  leur  histoire  particulière. En  effet,  dans  la  même  région  du  domaine  souterrain,  on peut  rencontrer  toutes  les  catégories  suivantes  : I.  Des  êtres  qui  habitent  indifféremment  les  grottes  et  les abris  superficiels. II.  Des  Cavernicoles  strictement  limités  au  domaine  souter- rain, mais  qui  possèdent  des  parents  très  proches  dans  le domaine  épigé  de  la  même  région. Ces  deux  catégories  sont,  en  général,  composées  de  Caver- nicoles plus  ou  moins  récents. III.  Des  Troglobies  qui  ont  une  extension  géographique  plus vaste  que  leurs  proches  parents  lucicoles. IV.  Des  Troglobies  dont  les  parents  n'existent  que  dans  un habitat  différent. Ces  deux  dernières  catégories  sont  composées  de  Cavernicoles plus  ou  moins  anciens. Même  entre  êtres  d'une  même  catégorie,  il  peut  y  avoir  des différences  d'âge  considérables. Il  est  donc  absolument  impossible  de  parler,  si  l'on  veut  user d'une  certaine  précision,  de  «  l'âge  de  la  faune  cavernicole  » considérée  comme  un  bloc,  car  chaque  forme  a  son  histoire particulière. Pourtant  Packard  (1889)  soutient  que  toute  la  faune  caver- nicole du  monde  entier  est  très  récente,  qu'elle  date  du  com- mencement de  la  période  quaternaire,  et  il  croit  devoir  ne  pas lui  accorder  plus  de  dix  à  quinze  mille  ans  d'existence. Chilton  (1894)  est  plus  prudent  ;  il  admet  la  possibilité  d'une faune  plus  ancienne  que  le  commencement  du  quaternaire,  mais il  croit  aussi  qu'en  général  l'ensemble  est  très  récent.  Il  assigne AaCH.   DE  ZOOL.  EXP.   ET    OÉN.   4'  SÉRIE.    T.    VI.   (VU).  33 468  EMILE   G.  RACOVITZA à  la  faune  qu'il  a  découverte  dans  les  niveaux  d'eaux  de  la  plaine de  Canterbury  (Nouvelle-Zélande)  un  âge  post-pliocène,  le  même que  celui  de  la  plaine  elle-même,  ce  qui  ne  me  semble  pas  abso- lument démontré. Je  pense  que  du  moment  que  la  faune  cavernicole  de  Canter- bury n'a  pas  de  parents  épigés,  vivant  actuellement  dans  la région,  il  faut  lui  attribuer  un  âge  bien  plus  considérable  ;  l'âge de  l'habitat,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  ne  suffit  pas  pour  fixer, sans  autre  considération,  l'âge  de  la-  faune,  surtout  lorsqu'il s'agit  de  faune  limnique. (^ARPENTER  (1895)  coustatc  aussi  la  vaste  dispersion  de  cer- taines espèces  cavernicoles  :  Amérique  du  Nord,  Irlande,  Médi- terranée. Il  croit  que  les  grottes  (et  par  ce  mot  il  ne  comprend, comme  tous  ces  contemporains,  que  les  macrocavernes  à  l'ex- clusion des  autres  régions  bien  pins  importantes  du  domaine souterrain)  sont  récentes,  tandis  que  la  communication  entre ces  diverses  régions  doit  être  plus  ancienne.  Donc,  il  trouve l'explication  dans  la  transformation  convergente  des  souches sous  l'influence  des  mêmes  facteurs.  Il  déclare  que  si  ses  déter- minations spécifiques  sont  exactes  «  we  shall  bave  proof  that the  indépendant  development  of  the  same  species  under similar  conditions,  but  in  widely  distant  localities,  hâve  taken place  ». Tout  en  ne  niant  pas  le  rôle  possible  des  phénomènes  de convergence  dans  l'histoire  de  quelques  Cavernicoles,  je  ne  puis admettre  ni  l'universalité  de  son  action,  ni  les  conséquences qu'en  tire  Carpenter.  On  verra  plus  bas  que,  si  beaucoup  de grottes  peuvent  être  considérées  comme  récentes,  il  ne  s'en  suit pas  qu'un  domaine  souterrain  habitable  n'ait  pas  existé  avant elles.  Les  cas  bien  établis  de  vaste  répartition  d'un  groupe  caver- nicole {Gambarus,  Proteus,  etc.)  sont  certainement  une  preuve de  l'ancienneté  de  ces  formes  et  la  convergence,  portant  sur autre  chose  que  les  quelques  caractères  d'adaptation  à  la  vie souterraine,  ne  peut  entrer  en  ligne  de  compte.  De  plus,  il  est inexact  que  les  cavernes  offrent  partout  exactement  les  mêmes LES   PROBLÈMKS   BlOSPKOLOGinUES  469 conditions  d'existence  ;  il  est  donc  difficile  de  concevoir  une évolution  convergente  capable  de  produire  des  espèces  iden- tiques dans  des  régions  très  éloignées  l'une  de  l'autre. Ces  quelques  objections  rendent  inacceptables,  me  semble-t-il, les  idées  de  Carpenter. Peyerimhoff  (1906)  a  tout  récemment  proposé  une  sédui- sante théorie  pour  fixer  l'âge  des  Cavernicoles  terrestres.  Il commence  par  constater  que  la  sécheresse  et  l'humidité  jouent un  rôle  capital  dans  la  vie  des  Cavernicoles,  et  que  les  cavernes n'ont  été  habitables  que  vers  le  début  du  quaternaire. Or,  à  l'époque  moustérienne  le  climat  était  constant  et humide  ;  les  souches  de  nos  Cavernicoles  pouvaient  habiter  la surface  de  la  terre.  Dans  la  période  suivante,  le  Solutréen,  le climat  devient  sec  et  variable,  et  les  cavernes  s'assèchent  pro- gressivement. Les  espèces  délicates,  incapables  de  s'adapter  à ce  changement  climatérique,  disparaissent  ou  émigrent,  «  quel- ques-unes remontent  sur  les  hauteurs  nuageuses  et  bien  arro- sées, ou  restent  dans  les  anciennes  forêts  ;  d'autres  pénètrent dans  les  cavités  du  sol  où  le  climat  moustérien  s'est  conservé jusqu'à  nos  jours.  Les  formes  grandes  et  agiles  peuplent  les cavernes  ;  les  formes  petites  et  lentes  se  contentent  du  sol  et des  crevasses.  » Le  peuplement  des  cavernes  s'est  constamment  poursuivi depuis  :  «  Au  fur  et  à  mesure  du  dessèchement  de  l'atmosphère, il  a  porté  sur  des  espèces  de  plus  en  plus  résistantes  ;  ainsi,  le degré  de  résistance  à  la  sécheresse  extérieure,  s'il  était  suscep- tible de  mesure,  pourrait  dater  l'immigration  des  diverses  formes souterraines. La  faune  aquatique  est  peut-être  beaucoup  plus  ancienne  que la  terrestre. Je  crois  que  si  Peyerimhoff  avait  essayé  d'écrire  l'histoire d'un  groupe  homogène  de  Cavernicoles  (et  c'est  la  seule manière,  à  mon  avis,  d'arriver  à  un  résultat  certain  en  biogéo- graphie) il  aurait  été  bien  embarrassé  pour  faire  usage  de  son hypothèse,  car  nombreuses  sont  les  objections  de  détail  qu'on 470  EMILE   G.  RACOVITZA peut  opposer  à  sa  manière  de  voir.  Il  existe  aussi  des  objections plus  générales  ;  je  veux  en  mentionner  quelques-unes  ici. Remarquons  d'abord  que  son  hypothèse  ne  peut  s'appliquer qu'à  une  partie  restreinte  de  la  surface  terrestre,  et  qu'il  y  a des  cavernicoles  partout. Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  le  domaine  souterrain  n'était pas  habitable  pendant  la  période  humide  ;  certes,  le  niveau  des vallées  était  plus  élevé,  mais  il  est  impossible  d'en  conclure  que les  massifs  calcaires  étaient  complètement  submergés.  Si  l'on peut  admettre  que  la  zone  hydrostatique  active  était  au  niveau des  grottes  actuelles,  il  est  non  moins  certain  qu'il  y  avait  au- dessus  une  zone  non  submergée,  remplie  de  fentes  et  de  grottes habitables,  qui  a  été  en  partie  ou  totalement  enlevée  par  l'éro- sion. D'ailleurs,  que  seraient  devenues  les  Chauves-souris  dont les  plus  anciens  restes  sont  éocènes  !  Auraient-elles  modifié leurs  mœurs,  ou  auraient-elles  émigré  vers  des  pays  plus  secs pour  revenir  ensuite  ?  Il  n'est  pas  permis  de  le  supposer. Les  cavernes  sont  aussi  habitées  dans  les  pays  pluvieux  que dans  les  pays  secs,  dans  les  anciennes  forêts  humides  que  dans les  causses  nus. Certes,  l'humidité  joue  un  rôle  très  important  dans  la  bio- logie des  Cavernicoles,  et  c'est  avec  raison  que  Peyerimhoff insiste  sur  son  importance,  mais  il  n'est  pas  possible  de  la  con- sidérer comme  l'unique  raison  du  peuplement  de  cavernes.  Ce peuplement  est  dû  à  des  causes  multiples  et  spéciales  à  chaque souche  de  Cavernicoles.  Est-il  bien  certain  que  la  recherche  de l'humidité  ait  été  la  cause  de  l'immigration  des  Locustides  et de  beaucoup  d'Aranéides  cavernicoles,  par  exemple  ? Est -il  bien  démontré  que  dans  les  régions  épigées  sèches  il n'y  ait  pas  d'animaux  aussi  sensibles  à  l'assèchement  que  le plus  sensible  des  Cavernicoles  ?  Et  si  de  semblables  animaux peuvent  trouver  le  moyen  de  se  défendre  contre  l'assèchement, sans  descendre  dans  le  domaine  souterrain,  est -il  possible d'admettre  que  le  degré  de  la  résistance  à  la  sécheresse  peut dater  l'immigration  des  Cavernicoles  ? LES   PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  471 On  connaît  des  Cavernicoles  terrestres  dont  la  présence  ou  la répartition  dans  le  domaine  souterrain  ne  peut  s'expliquer  que par  des  conditions  géographiques  antérieures  au  pléistocène. Ainsi  Phalangodes  est  un  représentant  de  la  faune  tropicale, et  il  est  parfaitement  isolé  en  Europe.  Anophthalmus  existe aussi  bien  en  Amérique  qu'en  Europe  et,  à  moins  de  se  rabattre sur  la  «  convergence  »,  il  faut  bien  admettre  entre  les  deux  régions des  relations  continentales,  qui  ont  effectivement  existé  mais avant  le  pléistocène.  On  trouvera  dans  un  mémoire  sous  presse la  description  des  formes  archaïques  d'Isopodes  terrestres  qui n'ont  pas  de  parents  dans  la  faune  actuelle,  etc. J'en  conclus  qu'on  ne  peut,  pour  fixer  l'âge  des  Cavernicoles, se  servir  de  l'attrayante  hypothèse  de  Peyerimhoff,  mênu'  si l'on  considère  uniquement  la  faune  européenne  ;  cependant, parmi  les  idées  qu'elle  contient,  il  y  en  a  qui  se  trouveront  pro- bablement réalisées  dans  l'histoire  de  certains  Cavernicoles. Et  j'arrive  derechef  à  l'idée  déjà  exprimée  que  la  faune  caver- nicole terrestre,  comme  l'aquatique,  est  un  mélange  de  formes d'âges  très  différents  oii  les  très  anciennes,  antéquarternaires, ne  peuvent  pas  manquer.  J'accorde  cependant  volontiers  que les  formes  archaïques  sont  plus  nombreuses  parmi  les  aquatiques. Et,  dans  mon  idée,  cela  tient  surtout  à  l'aire  de  dispersion  plus grande  et  aux  chances  de  destruction  moindre  des  limniques. Garman  (1892),  Lendenfeld  (1896),  Caepenter  (1895), Viré  (1901),  Hay  (1902),  etc.,  admettent  plus  ou  moins  expli- citement l'existence  de  formes  très  anciennes  dans  les  cavernes, et  très  nettement  des  formes  antérieures  au  pléistocène. D'ailleurs,  parmi  la  faune  d'eau  douce  les  formes  anciennes abondent.  Inutile  de  citer  des  exemples,  car  presque  tout  le monde  est  d'accord  à  leur  sujet.  Leur  nombre,  au  fur  et  à  mesure des  progrès  de  la  biospéologie,  ne  peut  manquer  d'augmenter beaucoup,  à  en  juger  par  les  résultats  obtenus  dans  ces  dernières années. Pour  résoudre  la  question  de  l'âge  des  Cavernicoles,  il  fau- drait pouvoir  aussi  s'adresser  aux  données  de  la  paléontologie  ; 472  EMILE   G.  RACOVITZA malheureusement,  on  ne  connaît  guère  de  Cavernicoles  fos- siles. DOLLFUS  (1904)  a  cependant  d(^crit  un  genre  nouveau fossile  d'Isopode  terrestre  {Eoarmadillidium)  trouvé  dans  une brèche,  probablement  tertiaire,  d'os  de  Chauve-souris.  Il  hésite à  considérer  cet  Isopode  comme  cavernicole,  parce  qu'il  est oculé  et  qu'il  n'existe  pas  d' Armadillidiurn  cavernicole  ;  cette dernière  raison  n'est  pas  valable,  puisque  Verhoeff  (1900)  en a  décrit  une  espèce  des  grottes  de  l'Herzégovine. Je  viens  d'établir  que  les  formes  anciennes  ne  sont  pas  rares dans  le  domaine  souterrain,  et  que  souvent  ce  sont  les  relicta d'un  groupe  actuellement  disparu  de  la  contrée  et  qui  avait  aupa- ravant une  répartition  plus  vaste. Examinons  maintenant  ])ourquoi  ces  Animaux  se  sont  con- servés dans  les  cavernes  et  quelles  sont  les  causes  qui  les  ont  fait disparaître  ailleurs.  Les  problèmes  que  soulèvent  ces  questions, qui  se  posent  aussi  pour  d'autres  faunes,  sont  très  complexes  et toujours  difficiles  à  résoudre  ;  dans  le  cas  des  Cavernicoles, l'absence  des  données  nécessaires  est  telle  qu'il  est  même  impos- sible actuellement  d'entrevoir  leur  solution  prochaine. Cela  ne  nous  avance  guère  de  dire  avec  Viré  (1889,  p.  112)  : «  Le  milieu  des  cavernes  est  un  des  milieux  les  plus  constants qui  existent  :  une  fois  accomplies  les  modifications  dues  à  l'obs- curité, l'animal  ne  doit  plus,  a  priori,  subir  d'autres  changements notables,  ce  qui  explique  et  justifie  {sic)  la  présence  d'espèces disparues  partout  ailleurs.  » D'une  part,  en  eiïet,  on  ne  peut  actuellement  démontrer  qu'il existe  de  ces  relicta  qui  ne  diffèrent  de  leur  souche  épigée  que par  les  caractères  spéciaux  dus  à  l'adaptation  cavernicole.  On peut  constater,  au  contraire,  entre  ces  (javernicoles  et  leur  souche lucicole,  des  différences  d'ordre  spécifique,  et  même  génériques, autres  que  les  caractères  adaptatifs  à  la  vie  obscuricole.  Le «  milieu  des  cavernes  «  n'est  donc  ])as  si  constant  que  le  veut Viré  ;  je  vais,  d'ailleurs,  signaler,  dans  le  chapitre  suivant,  des causes  nombreuses  de  variations  qui  ont  dû  l'affecter  dans  le  cours des  époques  géologiques. LES   PROBLEMES   BIOSPEOLOGIQUES  473 D'antre  part,  on  connaît  des  relicta  aussi  dans  le  donndne épigé.  Dans  tous  les  habitats,  même  les  moins  constants,  les faunes  actuelles  sont  un  mélange  de  formes  anciennes  plus  ou moins  modifiées,  ayant  persisté,  et  de  formes  récentes  très  diffé- rentes de  leur  souche. Il  convient  donc  de  ne  jjas  suivre  Viré  (1904a)  qui  commu- nique à  l'Académie  des  sciences  de  Paris, parmi  ses  «conclusions en  grande  partie  nouvelles  »,  que  la  présence  des  Animaux  dont il  est  question,  dans  les  cavernes,  démontre  que«  c'est  là  un  point important  pour  les  doctrines  de  l'évolution,  en  ce  sens  que  l'on constate  ainsi  la  transformation  et  la  disparition  d'une  forme si  le  milieu  vient  à  se  modifier  trop  profondément,  ou,  au  con- traire, la  permanence  même  à  travers  les  périodes  géologiques si,  au  contraire,  le  milieu  reste  constant  »,  car,  si  cette  conclusion est  vraie  dans  son  sens  général,  —  et  alors  sa  paternité  doit,  il me  semble,  être  attribuée  à  Lamarck,  —  en  tant  qu'explication de  la  persistance  des  formes  anciennes  dans  les  cavernes,  elle est  en  général  fausse. Les  facteurs  qui  peuvent  modifier  la  répartition  géographique d'une  espèce  ne  sont  pas  seulement  les  facteurs  climatériques ou  physiques.  Il  y  en  a  d'autres,  biologiques,  dont  l'importance est  souvent  extrême.  Gamharus,  en  Europe,  n'a  pas  de  parents lucicoles.  Peut-on  afîirmer  que  ce  sont  les  facteurs  physiques qui  ont  fait  disparaître  la  souche  épigée  f  En  aucune  façon, puisque  Gmnbarus  a  persisté  en  Amérique,  aussi  bien  à  la  surface que  dans  les  cavernes,  et  que  sa  patrie,  l'est  des  Etats-Unis,  a subi  les  mêmes  vicissitudes  climatériques  que  l'Europe.  ISI 'est-il pas  plus  logique  de  supposer  que  les  Cambarus  épigés  d'Europe ont  disparu  devant  Astacus,  et  que  le  représentant  cavernicole du  genre  a  persisté,  car  il  n'avait  pas  semblable  ennemi  à  com- battre dans  son  domaine  (1)  1  Et  ne  pourrait-on  pas  écrire  sem- blable histoire  pour  Proteus  î (1)  Astacus  est  répandu  en  Europe,  Sibérie,  Corée,  Japon  et  dans  les  Etats-Unis  d'Amé- rique à  l'ouest  dps  Montagnes  Rocheuses.  Cambarus  habite  le  Mexique  et  les  Etats-Unis  à rest  des  Montagnes  Ronheuses.  ORTMANN  (1902)  pense  que  Astacus  a  envahi  l'Amérique  du 474  EMILE   G.  RACOVITZA Viré  (1899,  1901,  etc.)  a  tiré  ses  conclusions  de  l'étude  d'un groupe  d'Isopodes  qu'il  considérait  à  tort  comme  homogène. Ses  spéculations  phylogénétiques  et  paléontologiques  sont  donc illégitimes.  Ces  Crustacés  sont-ils  tous  des  formes  anciennes  ? Cela  n'est  pas  du  tout  certain.  Dérivent-ils  directement  de  formes marines  1  Viré  l'af&rme,  mais  il  n'est  pas  encore  possible  de  le sav^oir,  car  les  Cirolanides,  comme  les  Sphaeromiens,  ont  des représentants  actuels  d'eau  douce  et  d'eau  sauraâtre,  et  l'histoire réelle  des  différentes  formes  ne  peut  être  précisée  faute  d'études suffisantes. Les  Sphaeromiens  cavernicoles  (Monolistra,  Caecosphaeroma, Vireia  et  Spelaeosphaeroma)  (])  forment  un  groupe  très  homo- gène, et  sont  très  probablement  étroitement  alliés  entre  eux. Tous  proviennent  des  bassins  des  eaux  tributaires  de  l'Adria- tique et  de  la  Méditerranée  occidentale,  et  n'ont  pas  été  trouvés ailleurs.  Ils  paraissent  avoir  des  affinités  avec  Campecopea,  qui pourtant  est  une  forme  marine  boréale. L'homogénéité  du  groupe  et  son  étroite  localisation  suggèrent plutôt  l'idée  d'une  origine  monophylétique.  Leur  forme  indique qu'ils  ne  sont  pas  adaptés  à  vivre  dans  les  fentes  étroites,  mais dans  de  larges  espaces  aquifères,  comme  les  lits  des  rivières  et des  ruisseaux  souterrains.  D'où  il  résulte  qu'il  est  bien  plus  pro- bable qu'ils  descendent  d'une  forme  épigée,  déjà  adaptée  à  la vie  dans  les  eaux  douces  et  actuellement  disparue.  Il  est  donc piobable  que  nous  avons  affaire  à  des  relicta  anciens. Les  Cirolanides  cavernicoles  (Cirolanides,  Sphaeromides,  Fau- rherio,  et  Typhlocirolana)  ont  une  répartition  géographique infiniment  plus  vaste  :  bassin  du  Rhône,  Baléares,  Texas.  Leurs affinités  entre  eux  sont  encore  obscures,  faute  de  documents suffisants  pour  les  trois  premiers  ;  Typhlocirolana  me  paraît  très Nord  par  la  région  actuellement  occupée  par  le  détroit  de  Behring:  ce  genre  a  persisté  à l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses,  mais  les  colonies  qui  avaient  passé  de  lautre  côté  de  ces montiignes  se  transformèrent  en  Cambarus.  ('ette  théorie  d'ORTMANN  pourrait  se  concilier avec  l'explication  que  je  suggère. (1)  C'est  à  tort  que  Feruglio  (1904)  et  Dollfus  et  Viré  (1905)  considèrent  Spelaeo- gphaeroma  comme  voisin  de  Faucheria.  car  c'est  un  Sphaeromien  et  non  un  Cirolanide  ;  les dessins  de  Feruglio  le  montrent  sans  erreur  possible. LES  PROBLÈMES  BIOSPÉOLOGIQUES  475 voisine,  sinon  génériquement  identique  avec  Cirolanides.  Les autres  paraissent  aussi  avoir  des  affinités  étroites  avec  les  pre- miers, mais  il  n'est  pas  possible  de  savoir  si  cela  est  dû  à  la  con- vergence ou  à  des  liens  du  sang  étroits.  Typhlocirolana  est  très étroitement  alliée  au  genre  Cirolana,  qui  a  été  certainement  sa souche  et  probablement  celle  des  trois  autres.  Cirolana  est  pres- que cosmopolite,  se  rencontre  à  toutes  les  profondeurs  et  on  la trouve  aussi  dans  l'eau  douce  ;  mais  la  forme  des  Cirolanides cavernicoles  est  telle  qu'elle  permet  de  concevoir  leur  descendance directe  de  formes  marines,  entrées  dans  le  domaine  souterrain par  les  niveaux  d'eau  qui  ont  un  écoulement  sous-marin,  comme cela  s'est  certainement  effectué  pour  le  Cruregens  néo-zélandais de  Chilton  (1894).  Leur  vaste  répartition,  d'autre  part,  nous suggère  la  possibilité  d'une  origine  polyphylétique.  Il  est  donc possible  qu'ils  soient  d'origine  récente. Voilà  donc  ce  qui  semble  découler  de  ce  que  nous  savons  de Sphaeromiens  et  des  Cirolanides  cavernicoles.  On  ne  peut  rien tirer  des  données  paléontologiques  pour  rendre  plus  précise cette  vague  esquisse.  Ce  qui  est,  par  contre,  évident,  c'est  que l'histoire  des  deux  groupes  doit  être  tout  à  fait  différente,  et que,  d'autre  part,  il  n'est  pas  possible  de  savoir  quel  rôle  a  pu jouer  dans  ces  deux  histoires  «  le  milieu  constant  des  cavernes  », si  même  il  en  a  joué  un. Concluons  donc.  Les  raisons  de  la  persistance  dans  le  domaine souterrain  de  formes  anciennes  sont  multiples  et  spéciales  à chaque  forme.  Du  peu  que  nous  savons  il  ressort  que  l'isolement géographique  de  ces  Cavernicoles  résulte  de  la  disparition  de leur  souche  épigée  de  l'aire  de  leur  habitat  actuel,  plus  souvent que  d'une  transformation  de  ces  souches.  Dans  la  disparition des  souches  épigées,  les  facteurs  biologiques  ont  dû  jouer  un rôle  plus  considérable  et  agir  plus  souvent  que  les  facteurs  phy- siques. Les  grands  changements  climatériques  se  font  sentir  en  même temps  et  de  la  même  façon  dans  le  domaine  souterrain  et  l'épigé. Ils  doivent  tendre  à  maintenir  les  ressemblances  entre  les  faunes 476  EMILE    G.  RACOVITZA des  deux  habitats,  tandis  que  les  facteurs  biologiques  doivent accentuer  les  différences. Que  reste-t-il  donc  à  l'actif  du  facteur  constance  du  «  milieu des  cavernes  »  ?  Il  me  semble  qu'il  a,  à  peu  de  chose  près,  une réputation  usurpée,  Piochard  de  la  Brûi^erie  (1872)  a  déjà depuis  longtemps  démontré  que  le  domaine  souterrain  est  variable dans  l'espace  ;  plus  loin,  il  sera  démontré  qu'il  est  aussi  variable dans  le  temps.  Certes,  le  fait  qu'il  est  généralement  moins influencé  par  l'amplitude  des  variations  climatériques  que  le monde  épigé  lui  donne  un  avantage  sur  ce  dernier,  mais  sa stricte  dépendance  des  moyennes  est  en  sa  défaveur  souvent, comme  on  le  verra  plus  bas.  Somme  toute,  je  crois  que  la  cons- tance toute  relative  des  conditions  d'existence  du  monde  souter- rain a  rarement  été  la  cause  réelle  de  la  persistance  des  formes anciennes. XIII.  La  modification  et  la  destruction  du  domaine  souterrain, et  le  sort  des  Cavernicoles. Les  modifications  que  peut  subir  le  domaine  souterrain  dans le  cours  des  temps  sont  nombreuses  et  les  causes  de  destruction le  sont  encore  plus.  Il  importe  d'en  examiner  les  principales. Les  changements  climatériques  généraux  font  sentir  leur influence  dans  les  cavernes.  Si  la  température  moyenne  annuelle s'élève  ou  s'abaisse,  elle  provoquera  une  variation  correspon- dante dans  l'intérieur  des  massifs  calcaires  ou  des  niveaux  d'eau. Mais  comme  ces  changements  sont  très  lents,  il  est  probable que  leur  influence  sur  les  Cavernicoles  est  insignifiante,  sauf dans  le  cas  d'un  abaissement  de  température  près  de  0^  ou au-dessous.  Il  est  fort  probable  que,  dans  ce  dernier  cas,  les Cavernicoles  sont  détruits,  sans  qu'il  résulte  nécessairement semblable  destruction  pour  les  épigés  de  la  même  région.  L'Epigé dans  une  région  à  température  moyenne  animelle  de  0°,  ou  au- dessous,  peut  jouir  de  saisons  où  la  température  est  suffisamment élevée  pour  lui  permettre  de  vivre  convenablement  ;  mais  le Cavernicole    n'a   pas   semblable   avantage,   la   température   de LES  PROBLÈMES   BIOSPÉOLOGIQUES  477 son  milieu  étant  rarement  différente  de  cette  même  moyenne. Si  nous  supposons  maintenant  un  pays  envahi  par  une  glacia- tion intense,  comme  cela  arrive  au  Groenland,  par  exemple, il  est  certain  que  tous  les  Cavernicoles  terrestres  seront  détruits, non  seulement  par  le  froid,  mais  par  la  famine  ;  toute  la  nour- riture souterraine  provient  du  monde  épigé,  et  dans  les  pays  à inlandsis  cette  source  est  tarie.  Mais  des  êtres  superficiels  peuvent cependant  subsister. Pour  les  Cavernicoles  aquatiques,  les  conditions  paraissent plus  favorables.  Il  existe  de  Teau  liquide  sous  les  masses  de glace,  et  comme  les  êtres  aquatiques  peuvent  parfaitement  vivre à  une  température  de  0»  (les  Animaux  marins  vivent  très  bien à  — 20),  on  pourrait  en  déduire  la  persistance  des  aquatiques souterrains,  s'il  était  possible  de  leur  trouver  une  source  suffi- sante de  nourriture. Bien  des  recherches  restent  à  faire  pour  pouvoir  vérifier  les considérations  toutes  théoriques  qu'on  vient  de  lire.  Pourtant, l'on  sait  déjà  que  les  grottes  situées  dans  le  périmètre  des  grands glaciers  pléistocènes  sont  relativement  plus  pauvres  que  les autres,  et  que  leur  faune  paraît  plus  récente.  On  sait  aussi  c^u'il en  est  de  môme  pour  les  cavernes  situées  à  de  grandes  altitudes, dans  les  régions  oii  la  moyenne  annuelle  est  très  basse.  Mais l'on  sait  aussi  que  les  Cavernicoles  résistent  très  bien  aux  basses températures,  et  l'on  ignore  malheureusement  encore  si  les glacières  naturelles  sont  habitées  ou  non.  Il  n'est  donc  pas  pos- sible de  conclure. Les  changements  de  l'état  hygrométrique  ont  la  plus  grande influence  sur  les  cavernes  et  leurs  habitants.  Ces  changements peuvent  se  manifester  de  deux  manières  :  par  la  diminution  ou par   l'augmentation    de   l'humidité. L'assèchement  complet  d'une  portion  du  domaine  wsouter- rain  occasionne  natui'ellement  la  disparition  des  Cavernicoles, aussi  bien  aquatiques  que  terrestres,  mais  cet  assèchement  total est  bien  difiScile  à  imaginer,  même  dans  les  pays  désertiques, car  on  a  constaté  dans  ces  régions  aussi  la  présence  de  niveaux 478  EMILE    G.  RACOVITZA d'eau  plus  ou  moins  profonds.  L'établissement  d'un  régime  sec dans  une  région  doit  donc  avoir  pour  résultat  seulement  la disparition  des  Cavernicoles  habitant  les  macrocavernes,  et  le déménagement  des  amateurs  de  fentes  dans  les  étages  inférieurs. Il  est  vrai  que  s'ils  y  retrouvent  l'humidité  nécessaire  ils  sont exposés  au  manque  de  nourriture,  car  les  ressources  alimentaires diminuent,  et  rapidement,  de  la  surface  vers  l'intérieur.  Mais on  conçoit  plus  facilement  la  possibilité  d'une  persistance  des Cavernicoles  aquatiques  dans  les  niveaux  d'eau  profonds.  Somme toute,  le  résultat  final  d'un  climat  sec  doit  être  la  disparition complète  des  Cavernicoles  terrestres  avec  la  persistance  possible des  aquatiques. L'établissement  d'un  régime  humide,  comme  celui  qui  fut  la cause  des  périodes  glacières,  occasionne  de  graves  perturbations dans  le  monde  souterrain.  D'abord,  par  l'extension  glacière  dont j'ai  mentionné  les  effets  plus  haut,  ensuite  par  le  rôle  énorme que  prennent  les  eaux  courantes.  C'est  l'époque  du  creusement des  vastes  cavernes,  et  l'âge  d'or  des  Cavernicoles  aquatiques. Mais  ces  périodes  sont  moins  favorables  aux  Cavernicoles  ter- restres ;  le  niveau  hydrostatique  s'élève  et  les  cavernes  sont balayées  par  les  crues.  La  vie  des  habitants  des  macrocavernes devient  difficile  et  les  habitants  des  fentes  doivent  s'établir dans  les  étages  supérieurs.  Il  me  semble  même  qu'on  peut imaginer  que  cette  ascension  a  été,  pour  certains,  poussée  jus- qu'à la  surface.  On  sait  que  les  fortes  pluies  font  remonter  les Hypogés  et  que  dans  les  régions  karstiques  on  peut  trouver des  Cavernicoles  sous  les  pierres  des  lapiaz,  à  la  suite  de  fortes crues.  Et  n'est-il  pas  plus  logique  de  penser  que  bien  souvent  les superficiels  à  caractères  cavernicoles  sont  d'anciens  habitants  de cavernes  retournés  à  la  surface  à  la  suite  d'une  période  humide, que  des  Animaux  moustériens  n'ayant  pas  suivi  leurs  frères dans  les  cavernes  lors  de  l'établissement  d'un  régime  sec,  comme le  veut  Peyerimhoff  (1906)  f  Je  me  hâte  d'ajouter  que  seule l'histoire  complète  de  chacun  de  ces  êtres  pourra  nous  renseigner à  ce  sujet. LES   PROBLÈMES   BIOSPÉOLOGIOUES  479 Une  autre  cause  de  bouleversement  du  domaine  souterrain est  la  transgression  marine.  On  connaît  sa  fréquence  et  l'am- pleur de  ses  effets  dans  l'histoire  de  la  terre.  Ces  efl'ets  furent certainement  funestes  à  toute  la  population  souterraine,  sauf peut-être  à  quelques  formes  aquatiques  qui  ont  pu  s'accommoder de  l'eau  salée.  L'émersion  continentale  a  été,  par  contre,  favo- rable au  développement  des  Cavernicoles  terrestres,  mais  souvent funeste  aux  aquatiques,  par  rupture  de  l'équilibre  du  niveau hydrostatique  et  l'assèchement  des  niveaux  d'eau  qui  en  résulte. On  conçoit  donc  qu'une  région  soumise  à  des  transgressions  et émersions  successives,  et  l'on  en  connaît  de  semblables,  ait  pu avoir  plusieurs  faunes  et  ilores  cavernicoles  successives  dis- tinctes. Outre  ces  causes  générales,  qui  agissent  sur  de  vastes  régions, il  existe  des  causes  à  effets  moins  étendus  qui  peuvent  faire disparaître  jjIus  ou  moins  complètement  des  portions  du  domaine soHterrain. Les  mouvements  orogéniques  écrasent  et  laminent  les  massifs calcaires,  ce  qui  peut  produire  la  disparition  des  grandes  cavités, et  le  vidage  des  bassins  aquifères.  Il  est  vrai  que  ces  mêmes mouvements  peuvent  être  favorables  par  la  production  de  fentes et  l'établissement  de  bassins  aquifères  qui  n'existaient  pas auparavant. L'action  incessante  de  l'érosion  et  de  la  corrosion  a  pour résultat  final  l'effondrement  du  plafond  des  cavernes  et  la  trans- formation de  galeries  souterraines  en  vallées  à  ciel  ouvert  ou canons. jL'abrasion  complète  d'un  massif  montagneux  par  le  fait  des agents  atmosphériques  est  chose  commune  dans  l'histoire  de  la terre.  D'immenses  nappes  calcaires  ont  été  ainsi  enlevées  qui n'ont  laissé  comme  témoin  de  leur  puissance  passée  que  de  faibles lambeaux  isolés. Enfin  il  faut  mentionner  le  colmatage  des  fentes  et  des  grottes, qui  est  une  phase  nécessaire  dans  l'histoire  d'un  massif  calcaire. L'eau,  pendant  les  périodes  humides,  creuse  et  déblaie,  pendant 480  EMILE   G.  RACOVITZA les  périodes  sèches  elle  comble  au  moyen  de  l'argile  que  la  cor- rosion lui  fournit  en  abondance. Ces  causes  locales,  comme  les  générales,  font  disparaître  les Cavernicoles  plus  ou  moins  complètement. Mais  la  disparition  des  Cavernicoles  d'une  région  ne  signifie pas  toujours  leur  destruction  complète  et  absolue.  Les  événe- ments énumérés  ne  sont  pas  des  cataclysmes  au  vrai  sens  du mot  ;  ils  demandent  le  plus  souvent  un  temps  très  long  pour s'accomplir.  La  variation  climatérique,  les  mouvements  oro- géniques, les  abrasions,  etc.,  s'effectuent  pendant  un  laps  de temps  bien  plus  considérable  qu'il  n'en  faut  à  l'organisme  vivant pour  gagner,  de  proche  en  proche,  des  lieux  plus  favorables,  ou pour  s'adapter  à  de  nouvelles  conditions.  Donc,  bien  souvent le  résultat  de  la  destruction  d'une  partie  du  domaine  souterrain sera  non  point  la  destruction  de  la  x)opulation  cavernicole,  mais l'émigration  ou  la  transformation  de  cette  dernière. J'ai  déjà  mentionné  des  migrations  possibles  dans  la  masse des  massifs  calcaires  ;  on  peut  en  concevoir  d'autres  effectuées d'un  massif,  et  d'un  niveau  d'eau,  à  l'autre.  Ainsi,  il  se  peut  que les  périodes  glacières  aient  provoqué  une  migration  des  sommets vers  les  vallées,  et  du  centre  de  glaciation  vers  les  régions indemnes,  donc,  en  général,  des  pôles  vers  l'équateur.  Une destruction  complète  des  Cavernicoles  n'est,  d'ailleurs,  admissible que  lorsqu'il  existe  une  barrière  infranchissable  à  leur  migration. Et  ce  cas  doit  être  rarement  réalisé  d'une  façon  absolue  !  Pour arrêter  la  dispersion  de  formes  aussi  hétérogènes  que  la  popula- tion souterraine,  il  faudrait  le  concours  de  nombreuses  barrières dont  la  présence  simultanée,  et  efficace,  est  difficile  à  concevoir, puisque,  ce  qui  est  barrière  pour  une  espèce  peut  être  pont  pour une  autre. Mais  même  en  supposant  que  la  retraite  soit  complètement coupée  à  tous  les  Cavernicoles,  cela  ne  signifie  point  qu'ils  ne pourront  quelquefois  perpétuer  leur  race,  en  se  transformant et  en  s'adaptant  à  de  nouvelles  conditions  d'existence.  Le  temps ne  leur  fera  pas  défaut,  car  on  connaît  la  lenteur  des  phéno- LES  PROBLÈMES  BIOSPÉOLOGIOUES  481 mènes,  et  nombreux  sont  ceux  pour  qui  cette  transformation n'est  pas  plus  difficile  à  imaginer  que  celle  qui  les  fit  naître  de leur  souche  lucicole. Il  ne  peut  y  avoir  d'objections  de  principe  à  l'hypothèse  du retour  possible  des  Cavernicoles  vers  leur  habitat  originel.  Mais malheureusement,  faute  d'études  dirigées  dans  ce  sens,  on  ne peut  pas  citer  des  preuves  formelles  à  son  appui.  Notons  cepen- dant quelques  indices. Comme  exemple  d'Epigé  terrestre,  à  ascendants  cavernicoles, on  pourrait  peut-être  signaler  quelques  Coléoptères,  par  exemple certains  AnopMhalmus.  Titanethes  alpicola  Heller,  si  réellement sa  station  normale  est  sous  les  pierres  de  la  surface,  est  très  pro- bablement aussi  de  souche  cavernicole. On  a  un  peu  plus  de  certitudes  de  l'existence  d'Animaux  d'eau douce  à  souche  cavernicole  ;  Forel  (1901,  p.  215)  considère avec  raison,  me  semble-t-il,  certains  Niphargus  et  Asellus, aveugles  et  abyssaux,  comme  étant  les  descendants  de  formes ayant  habité  les  niveaux  d'eau.  Mais  dans  ce  cas,  le  milieu abyssal  lacustre  et  le  cavernicole  sont  si  semblables  qu'on  peut difficilement  parler  d'adaptation. Je  ne  possède  pas  même  des  indices  pour  l'adaptation  d'un Cavernicole,  bien  entendu  aquatique,  au  milieu  marin.  Et  pour- tant, étant  données  les  communications  existant  entre  la  mer et  les  eaux  souterraines,  pourquoi  pareille  adaptation  serait- elle  impossible,  puisque  la  migration  inverse  s'est  certainement effectuée'?  Pourquoi  certains  Abyssaux  marins  à  caractères  de troglobies,  et  qui  ne  sont  pas  fouisseurs,  ne  seraient-ils  pas  des descendants  de  Cavernicoles  ?  Il  me  semble  que  pareille  possi- bilité peut  être  admise, FucHS  (1894)  admet  comme  possible  la  migration  inverse, des  abîmes  vers  les  grottes,  idée  qui  ne  me  paraît  pas  justifiée. Il  déclare  soutenir  depuis  longtemps  que  la  faune  abyssale  est plutôt  une  faune  obseuricole  qu'une  faune  froide,  et  qu'elle  est née  surtout  à  la  suite  d'une  adaptation  à  l'obscurité,  plutôt  qu'à la  suite  d'une  adaptation  à  une  basse  température.  Si  l'idée 482  EMILE   G.  KACOVITZA est  exacte,  il  faut  que  les  grottes  marines  soient  peuplées  de formes  abyssales  et  non  littorales.  Et  il  cite  des  exemples  qui  lui paraissent  prouver  qu'il  en  est  bien  ainsi. J'ai  dit  autre  part  (v.  p.  434)  qu'il  est  possible  qu'un  certain nombre  de  formes  abyssales,  plus  ou  moins  aveugles,  soient  les descendants  de  formes  lucifuges  littorales,  mais  il  est  certaine- ment faux  que  toute  lii  faune  abyssale,  ou  même  que  la  majeure partie  de  cette  faune  soit  d'origine  lucifuge.  On  a  vu  qu'au contraire  toutes  les  formes  à  yeux  hypertrophiés  doivent  avoir eu  des  ascendants  photophiles.  La  condition  d'existence  impor- tante pour  la  faune  abyssale  est  la  température  basse  ;  cela n'est  pas  douteux,  puisque  cette  faune  suit  fidèlement  les couches  froides,  quel  que  soit  leur  éclairement  ;  on  sait  qu'elle monte  dans  les  régions  polaires  jusque  dans  la  zone  littorale  et sublittorale. Les  exemples  que  cite  Fuchs  à  l'appui  de  son  idée  me  sem- blent mal  interprétés. a).  Keller  aurait  trouvé  dans  les  cavernes  des  récifs  coral- liens de  la  mer  Eouge,  des  Coraux  et  des  Eponges  qui,  d'ordi- naire, vivent  à  vingt  et  trente  brasses. Il  s'agit  donc  de  faune  sublittorale  et  non  abyssale  ;  moi-même j'ai  constaté  que,  quelquefois,  dans  les  grottes  marines,  la  faune sublittorale  remonte  plus  liant  qu'en  dehors  de  ces  abris  et remplace  en  partie  la  littorale.  Mais  je  m'explique  cela  d'une toute  autre  manière. Beaucoup  de  formes  littorales  ne  peuvent  pas  vivre  dans  ces grottes  parce  que  la  lumière  leur  est  nécessaire.  Beaucoup  de formés  sublittorales  peuvent  y  vivre  parce  que,  d'une  part, elles  n'ont  pas  besoin  de  lumière  et  qu'elles  trouvent  la  place libre  et,  d'autre  part,  parce  qu'elles  sont  soustraites,  comme  dans leur  milieu  naturel,  aux  variations  considérables  de  température produites  par  l'insolation  directe.  J'ai  constaté  aussi  que  les grottes  à  faune  sublittorale  étaient  en  même  temps  des  grottes à  eaux  calmes  ;  il  faut  donc  faire  intervenir  un  autre  facteur  : les  mouvements  de  l'eau.  Beaucoup  de  sublittoraux  montent LES  PROBLÈMES  BIOSPEOLOGIQIIES  483 aussi  dans  la  zone  littorale  quand  ils  trouvent  une  anse  com- plètement abritée,  où  les  vagues  ne  se  font  jamais  sentir. b.)  Munidopsis  genre  abyssal  (100-2.000  brasses)  n'a  qu'un représentant  littoral,  le  M.  polymorpha  Simon  et  Koelbel,  qui habite  une  grotte  marine  de  Lanzarote  (Canaries). Il  est  exact  que  Munidopsis  est  un  genre  abyssal  ;  cependant on  connaît  M.  Tanneri  Faxon,  de  85  brasses,  et  M.  polita  S.  I. Smith,  de  79  brasses,  ce  dernier  habitant  l'Atlantique  ;  il  n'est donc  pas  certain  a  priori  que  M.  polymorpha  descende  d'une forme  abyssale.  D'autre  part,  il  paraît  que  la  Cueva  de  los Verdos,  oii  on  le  trouve,  est  faiblement  éclairée  par  un  trou  du plafond  ;  ce  n'est  donc  pas  l'obscurité  complète  qui  a  attiré  cet animal  dans  la  grotte. Calmân  (1904)  dit  qu'on  n'a  pas  trouvé  d'autre  animal  ou végétal  dans  le  lac  souterrain  oii  habite  M.  polymorpha  ;  pour- tant ce  Crustacé  doit  se  nourrir  %  On  voit  que  l'éthologie  de M.  polymorpha  est  trop  peu  connue  pour  que  son  cas  puisse servir    à    échafauder   une    théorie    générale    comme    celle    de FUCHS. c).  Enfin  Lucifuga  dentata,  Poisson  aveugle  de  Cuba,  qui habite  des  grottes  communiquant  avec  la  mer,  appartient  à  une famille  qui  est  mieux  représentée  dans  les  abîmes  que  dans  la zone  littorale  ;  il  montre  une  ressemblance  notable  avec  Aphyonus gelatinosus,  qui  vit  à  1.400  brasses. L'histoire  de  Lucifuga  n'est  pas  bien  connue,  et  ses  rapports avec  les  autres  genres  ne  sont  pas  encore  très  clairs.  Les  études récentes  ont  montré  que  le  groupe  des  Zoarcidés,  où  on  le  place, est  dérivé  des  Blenniidés,  Poissons  largement  représentés  dans la  zone  littorale,  ou  sublittorale,  comme  beaucoup  de  Zoarcidés d'ailleurs.  Il  est  donc  bien  plus  naturel  de  supposer,  jusqu'à preuve  contraire,  que  les  formes  cavernicoles  sont  issues  des formes  littorales.  Que  ces  Poissons  d'origine  littorale,  une  fois devenus  cavernicoles,  aient  pu  être  contraints  de  s'adapter  à nouveau  au  milieu  marin  et  qu'ils  aient  pu  faire  souche  d'es- pèces abyssales  aveugles,  je  ne  vois  là  rien  d'impossible.  Cela ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  IV''  SÉRIE.  T.  VI.  (VlI)  34 484  EMILE   G.   RACOVTTZA expliquerait  les  affinités  indéniables  de  Lucijuga  et  Stygieola  avec les  formes  abyssales  des  Zoarcidés. J'arrête  ici  l'exposé  des  questions  qui  doivent  être  étudiées et  des  problèmes  qui  doivent  être  résolus  pour  qu'on  puisse  établir la  Biospéologie  sur  des  bases  scientifiques.  Pour  m 'exprimer clairement,  et  pour  être  court,  j'ai  présenté  la  plupart  de  ces questions  et  problèmes  comme  s'ils  avaient  déjà  été  résolus. Il  règne  donc  dans  cette  rapide  enquête  un  ton  afflrmatif  qui serait  déplacé  s'il  n'était  autre  chose  qu'un  artifice  pour  faciliter mon  exposé.  Pour  qu'on  ne  se  méprenne  pas  sur  mes  intentions, je  répète  ici,  en  terminant,  ce  que  j'ai  dit  en  commençant  : Tl  n'est  pas  possible,  en  Biospéologie,  de  procéder  actuellement par  synthèse  à  cause  de  l'insuffisance  des  documents,  observa- tions et  expériences.  Le  seul  but  des  pages  qu'on  vient  de  lire est  de  classer  les  problèmes  biospéologiques,  de  les  poser  tels qu'il  me  semble  qu'ils  doivent  l'être,  et  non  de  les  résoudre. AUTEURS  CITES 1902.  Absolon  (K.).  Ueber  die  Apterygoten  Insecten  der  Hôhlen Exiropas  mit  besonderer  Beriicksichtigung  der  Hôhlenfauna Màhrens.  (Verh.  5<^  internat.  Zool.  Congr.,  Berlin,  pp.  804-805.) 1905.  Banta  (A.  M.).  The  Fauna  of  Mayfleld's  cave.  {Science,  N.  Y. Vol.  XXI,  pp.  853-854.) 18,^5.  Bedel  (L.)  et  E.  Simon.  Liste  générale  des  Articulés  caver- nicoles d'Europe.  {Journ.  de  Zoologie  publié  par  G.  Gervais, IV,  69  pp.) 1893.  Boulanger  (G.  A.).  Blind  Animais  in  caves.  {Nature,  Londres. Vol.  XLVII,  p.  608). 1897.  Call  (R.  E.).  Some  notes  on  the  Flora  and  Fauna  of  Mammoth cave  Ky.  {Amer.  Naturalist,  XXXI,  pp.  377-392,  pi.  X-XI.) 1904.  Calman  (W.  t.).  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(Paris,   Bail- 1ère  et  fils,  157  pp.) 1901.  _     Les  Sphaeromiens  des   cavernes   et  l'origine   de   la  faune souterraine.  (C.  B.  Ass.  Fr.  Av.  Se,  29  ses».,  Paris,  part.  IL pp.  711-714.) 488  EMILE    G.  RAGOVITZA 1904.     Viré  (A.).  Sur  quelques  expériences  effectuées  au  laboratoire  des Catacombes  du  Muséum  d'histoire  naturelle.  (0.  B.  Ac.  Se, Paris,  T.  CXXXVIII,  pp.  706-708.) 1904  a.     —     La  biospéléologie.  {C.  R.  Acad.  8c.,  Paris,  T.  CXXXIX, pp.  992-995.) 1896.     Wasmann    (M.    E.).    Die   Myrmekophilen    und   Termitophilen. (C.  B.  des  séances  du  III^  Congrès  intern.  de  Zoologie.  Leyde, pp.  410-440.) ARCHIVES   DE   ZOOLOGIE   EXPÉRIMENTALE  ET   GÉNÉRALE IV^  Série,   Tome  VI,   p.  489  à  536. 15  Mai  1907. BIOSPÉOLOGICA Il  I" ÉNUMÉRATION  DES  GROTTES  VISITÉES 1 904- I 906 (l'-»--  SÉRIE) PAR R.  JEANNEL  et  E.  (î.  KAGOVITZA Cette  première  série  comprend  44  grottes  de  toutes  les  dimen- sions, situées,  en  France,  dans  les  départements  des  Alpes- Maritimes,  Hautes-Pyrénées,  Basses -Pyrénées  et  Ariége,  et  en Espagne  dans  les  provinces  de  Huesca,  Alicante  et  îles  Baléares. Quelques  mots  d'explication  préliminaire  nous  semblent  néces- saires pour  indiquer  comment  nous  comptons  faire  la  descrip- tion des  grottes  et  le  but  que  nous  poursuivons  par  cette  des- cription. Nom  de  la  grotte.  —  A  défaut  de  nom  inscrit  sur  les  cartes officielles  de  la  région,  nom  que  nous  adoptons  toujours,  quitte à  faire  les  observations  nécessaires  s'il  y  a  lieu,  nous  donnerons les  noms  que  nous  auront  indiqués  les  gens  du  pays. Localité.  —  Pour  les  grottes  bien  connues  dans  le  pays,  ou marquées  sur  les  cartes,  nous  nous  contenterons  d'indiquer  la (1)  Voir  pour  le  premier  mémoire:  Archives  de  Zool.  Exp.  et  Gén..  4*  série,  tome  VI,  p.  371. ARCU.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉX.  —  4'  SÉRIE.  •  -  T.  VI.  —  (VHl).  35 490  JEANNEL  kt  HACOVITZA commune  et  le  département.   Nous  sommes  moins  avares  de détails  lorsqu'il  s'agit  d'une  caverne  peu  connue. Altitude  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  L'altitude  est,  le plus  souvent,  déterminée  approximativement  d'après  les  meil- leures cartes  de  la  région  et  dans  ce  cas  nous  ajoutons  env.  (en- viron) au  chiffre  des  mètres.  Quand  ce  mot  manque,  cela  signifie que  nous  avons  pu  nous  procurer  l'altitude  exacte,  soit  parce qu'elle  existe  sur  les  cartes,  soit  parce  que  nous  avons  pu  la déterminer  à  l'aide  du  baromètre  altimétrique,  soit  enfin  parce que  nous  avons  pu,  sans  trop  de  recherches,  trouver  les  rensei- gnements nécessaires  dans  les  travaux  des  spéologistes.  Dans ce  dernier  cas  nous  citons  nos  sources. Roche.  —  Nous  indiquons  autant  que  possible  l'âge  en  même temps  que  la  nature  de  la  roche  dans  laquelle  est  creusée  la caverne,  et  cela  d'après  les  cartes  géologiques  ou,  en  citant  la source,  d'après  les  travaux  des  auteurs  compétents.  Comme l'âge  du  terrain  qui  contient  la  grotte  ne  joue  pas  un  rôle appréciable  en  biospéologie ,  nous  avouons  ne  pas  faire  de grands  efforts  pour  le  connaître. Date  de  l'exploration,  renseignement  qui  peut  être  très  néces- saire dans  l'étude  de  l'éthologie  des  Cavernicoles. Matériaux.  —  Nous  donnons,  pour  le  moment,  simplement les  noms  de  groupes  des  êtres  cavernicoles  recueillis ,  nous réservant  de  fournir  plus  tard,  quand  les  spécialistes  auront terminé  leurs  travaux,  une  liste  spécifique  des  faunes  et  flores de  chaque  caverne. Numéros.  —  Les  chiffres  sont  ceux  des  numéros  inscrits  sur les  étiquettes  qui  identifient  les  échantillons  soumis  au  spécia- liste. Description.  —  Une  grotte  dont  il  n'existe  pas  de  plan orienté  et  coté  ne  peut  pas  être  considérée  comme  suffisam- ment décrite.  Nous  sommes  très  convaincus  de  cette  vérité. Mais  pour  lever  un  plan  il  faut  du  temps,  et  nous  avons  pensé qu'il  valait  mieux  employer  en  totalité  le  nôtre  à  la  recherche des  Cavernicoles.  L'un  de  nous  a  exposé,  dans  le  premier  mé- GROTTES   VISITÉES  491 moire  de  Biospéologica.  les  raisons  qui  rendent  actuellement l'étude  ((  extensive  )>  du  domaine  cavernicole  plus  utile  que  son étude  «  intensive  ».  Il  importe  plus  de  voir  beaucoup  de  grottes que  de  voir  beaucoup  dans  la  même  grotte.  C'est  cette  idée qui  guide  nos  recherches.  Mais  cela  nous  impose  une  vitesse de  déplacement  incompatible  avec  un  levé  soigné.  Les  descrip- tions que  nous  donnons  plus  bas  sont  donc  destinées  unique- ment à  atteindre  les  buts  suivants  : a)  Fournir  une  idée  générale  sur  les  grottes  visitées,  et  donner des  renseignements  sommaires  sur  les  conditions  d'existence offertes  aux  Cavernicoles  qu'on  y  a  recueillis. h)  Signaler  aux  spéologistes  les  particularités  exceptionnelles et  intéressantes,  quand  il  s'en  présente. c)  Permettre  à  ceux  que  la  chose  intéresse  de  dresser  leur programme  d'exploration  avant  de  se  rendre  dans  les  régions que  nous  avons  visitées.  C'est  dans  ce  but  que  nous  avons  compris dans  notre  énumération  les  grottes  ne  nous  ayant  pas  fourni  de matériel  biologique,  et  que  nous  avons  mentionné  quelquefois les  renseignements  obtenus  au  cours  de  nos  voyages  sur  des grottes  que  nous  n'avons  pas  pu  visiter. Il  va  sans  dire  que  ce  qui  précède  ne  signifie  pas  que  nous nous  abstiendrons  systématiquement  de  faire  des  recherches  très détaillées  sur  une  grotte.  Nous  espérons  même  nous  livrer,  à l'occasion,  à  de  semblables  études.  Comme  certaines  grottes d'accès  facile  pour  nous  seront  visitées  plusieurs  fois  —  et  le cas  s'est  déjà  présenté  —  nous  espérons  arriver  à  les  connaître suffisamment  pour  établir  des  monographies  détaillées  tant  au point  de  vue  physique  que  biologique.  Mais  il  est  inutile  d'ex- poser longuement  des  projets;  mieux. vaut  passer  sans  plus tarder  à  l'exposé  des  faits  qui  nous  occupent  ici. 1.  Antre  ou  Grotte  de  Gargas. Située  près  du  hameau  de  Gargas,  commune  d'Aventignan, département    des    Hautes -Pyrénées,    France.    —    Altitude    de 49â  JEANNEL  et  ÎÎ ACOVITZA 520  mètres  à  l'entrée  inférieure  et  550  mètres  à  l'orifice  supé- rieur (d'après  Regnault  et  Jammes)  (1).  —  Roche  :  Calcaire crétacique  inférieur  (2).  —  Date  :  30  et  31  juillet  1905. Matériaux  :  Coléoptères,  Diptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Opilionides,  Pseudoscorpionides,  Acariens, Isopodes,  Gastéropodes,  Oligocliètes.  —  Numéros  :  2,  3,  4,  5, 6,  7,  8,  9. La  grotte  est  formée  par  un  long  couloir  plusieurs  fois  coudé, dont  le  sol  -présente  une  forte  pente  générale  ascendante.  On peut  distinguer  dans  cette  caverne  deux  régions  très  diffé- rentes. Une  région  inférieure,  humide  et  froide,  formée  par  un  vesti- bule en  contre-bas  de  l'entrée,  et  par  une  belle  galerie,  très  large, dont  le  sol,  en  pente  ascendante,  est  formé  de  séries  de  gours, très  peu  profonds,  qui  indiquent  qu'un  écoulement  lent  des eaux  eut  lieu  par  cette  galerie.  Actuellement  l'eau  a  complète- ment disparu,  sauf  dans  deux  minuscules  bassins  situés  der- rière un  massif  de  stalactites. Les  parois  sont  couvertes  d'un  revêtement  stalagmitique  et quelques  stalagmites  hérissent  le  sol  ;  en  plusieurs  endroits  il y  a  de  faibles  suintements  d'eau.  L'aspect  général  de  cette  partie de  la  grotte  indique  qu'elle  a  dû  être  creusée  suivant  un  joint de  stratification. Au  fond  de  la  galerie  le  plafond  s'abaisse  et  l'on  pénètre,  en suivant  un  couloir  presque  comblé  par  de  l'argile  déposée  en bancs  épais,  dans  la  seconde  partie  de  la  grotte,  la  région  supé- rieure, qui  est  plus  sèche  et  beaucoup  moins  froide.  Cette  région paraît  s'être  formée  le  long  d'une  diaclase.  Elle  possède  de  nom- breuses stalictites,  un  revêtement  stalagmitique  partiel,  mais aussi  beaucoup  d'argile  sur  son  plancher.  La  salle  principale  est habitée  par  les  Chauves-souris,  qui   ont  formé  un  dépôt  assez (1)  F.  Regnault  et  L.  Jammes.  Etudes  sur  les  puits  fossilifères  des  Grottes  (Grottes  de Tibiran,  Hautes-Pyrénées)  [C.  R.  Ass.  Fr.  Av.  Sciences,  27-  sess..  Nantes.  1898,  2*  partie pp.  549-555,  2  flg.,  1899). (2)  F.  Regnault.  La  grotte  de  Gargas.  {Revue  de  Commmges,  1885,  avril.  U  p.,  3  pi.) GROTTES   VISITEES  493 considérable  de  iiiiiuio.  Un  conloir  à  sol  fortement  déclive  permet de  monter  à  Torifice  supérieur  de  la  grotte. La  température  dans  le  vestibule  inférieur  était  de  10°  C, l'eau  des  petites  flaques  d'eau  avait  9°5  C.  Dans  le  vestibule supérieur  j'ai  trouvé  pour  l'air  20°  C.  comme  pour  la  température extérieure.  L'air  froid  s'écoule  par  l'entrée  inférieure  et  aspire l'air  chaud  par  l'orifice  supérieur,  ce  qui  occasionne  un  courant d'air  assez  fort  et  un  réchauffement  anormal  de  la  partie  supé- rieure de  la  grotte. La  grotte  est  visitée  par  un  très  grand  nombre  de  touristes. Son  sol  a  été  fouillé  en  plus^ieurs  endroits  et  a  fourni  des  restes de  grands  Mammifères  quaternaires  ainsi  que  les  preuves  du séjour  de  l'homme  préhistorique. Dans  la  partie  basse  de  la  grotte,  sur  les  parois  du  vestibule et  de  la  galerie,  sont  posés  de  nombreux  Némocères  (n^  4)  et des  Tinéides.  Dans  la  galerie,  sur  du  bois  pourri,  j'ai  capturé des  Oollemboles,  des  Campodea,  des  Oligochètes  et  de  petits Diptères  (no  3),  quelques-uns  venant  d'éclore.  Dans  les  petites flaques  d'eau  j'ai  trouvé  des  Aselles  (n^  9). Tous  les  autres  animaux  proviennent  de  la  région  supérieure et  surtout  de  la  salle  aux  Chauves -souris;  c'est  sous  les  pierres ou  les  mottes  d'argile  recouvertes  de  guano  que  la  récolte  fut plus  abondante.  Les  pièges  ont  attiré  un  Aphaenops  et  de  très nombreux  Diplopodes  (n^  7)  jaunes  rosés  avec  une  série  de points  rouges  foncés  de  chaque  côté  du  corps  ( Typhîoblaniulus  f) Racovitza. 2.  Grotte  de  Tibiran. Située  près  de  la  grotte  de  Gargas  dans  le  même  massif,  mais sur  le  territoire  de  la  commune  de  Tibiran.  Hautes-Pyrénées, France.]] — "^Altitude  d'environ  475  mètres  (d'après  Eegnault et  Jammes,  1899).  —  Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur (REGNAUI.T).  —  Date  :  31  juillet  et  1  août  1905. Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- 494  JEANNEL  et  RACOVITZA podes,  Aranéides.  Pscudoscorpionides,  Acariens,  Mollusques.  — Numéros  :  10,  11,  12,  13. La  grotte  est  formée  par  une  grande  salle  circulaire  très  haute et  par  plusieurs  boyaux  divergents.  Deux  puits  assez  profonds creusés  dans  le  plancher  de  la  grande  salle  n'ont  pas  été visités. Il  n'y  a  pas  de  mares  ou  flaques  d'eau,  mais  un  ruissellement assez  abondant  s'observe  sur  quelques  parois  et  en  de  nombreux endroits  l'eau  s'égoutte.  Beaucoup  de  stalactites,  quelques-unes très  blanches,  et  de  grandes  surfaces  couvertes  de  revêtement stalagmitique.  Le  sol  est  en  grande  partie  formé  par  de  l'argile en  couches  épaisses.  Je  n'ai  pas  constaté  la  présence  de  guano de  Chauves-souris. La  grotte  n'est  pas  vi.sitée  actuellement  par  les  touristes.  Elle a  été  fouillée  et  a  fourni  les  restes  d'une  faune  quaternaire  sem- blable à  celle  de  Gargas. De  nombreux  Diptères  non  cavernicoles  couvrent  les  parois de  la  grande  salle  ;  sont  surtout  très  nombreux  les  Némocères (no  4)  signalés  à  Gargas. Les  autres  animaux  capturés  furent  trouvés  sous  les  pierres. Les  pièges  ont  attiré  de  nombreux  Di])lopodes  et  quelques  Col- lemboles.  Dans  un  des  couloirs  latéraux,  dans  la  partie  la  ])lus éloignée  de  l'entrée,  un  Hélicide  rampait  sur  une  stalagmite  en compagnie  de  Diplopodes. Kacovitza. 3.  Grotte  de  l'Ours. Située  sur  la  rive  droite  de  la  Neste.  en  face  Lortet,  dépar- tement des  Hautes-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  550  mètres env.  (à  Lortet).  —  Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  — Date  :  2  août  1905. Matériaux  :  Diptères,  ('oléoptères,  Myriapodes,  Aranéides.  — Numéros  :  15,  16. GROTTES   VISITEES  495 Cette  grotte  s'ouvre  dans  un  massif  calcaire  qui  forme  falaise du  côté  de  la  berge  de  la  Neste.  Plusieurs  orifices  produits  par l'éboulement  de  la  falaise  la  signalent.  Un  couloir  étroit  et  bas, d'une  vingtaine  de  mètres,  à  parois  sèches  et  à  sol  couvert  d'un dépôt  crayeux  et  friable,  aboutit  à  un  trou  étroit  qui  conduit dans  une  galerie  humide,  de  mfnnes  dimensions,  avec  quelques stalactites  et  quelques  massifs  stalagmitiques.  Les  parois  sont couvertes  d'un  revêtement  stalagmitique  à  cristaux  brillants  ; par  place  il  y  a  des  concrétions  en  forme  de  mousses.  Un  pas- sage que  je  n'ai  pas  exploré  irait  très  loin,  au  dire  des  traditions locales. La  grotte  est  habitée  par  les  Chauves-souris,  mais  il  y  a  peu de  guano. Dans  le  couloir  sec,  nombreuses  Tinéides,  Némocères  (n^  i), Cnlicides  et  Araignées. Dans  la  partie  profonde  et  humide  ces  animaux  ont  pénétré aussi,  mais  en  petit  nombre. Près  de  cette  grotte  s'ouvre  un  couloir  montant,  à  pente très  forte,  qui  aboutit  à  un  i)etit  dôme.  Tout  le  sol  est  envahi par  l'argile. C'est  pro})abl('ment  le  canal  d'évacuation  des  eaux  absorbées par  un  aven  situé  sur  le  plateau. Kacovitza. 4.  Grotte  du  Cochon. Située  près  de  la  précédente,  à  Lortet,  Hautes-Pyrénées, France.  —  Altitude  :  550  mètres  env.  (à  Lortet).  —  Roche  : Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  :  2  août  1905. Matériaux  :  Hyménoptères,  Myriapodes,  Aranéides.  — Numéros  :  17,  19  bis. C'est  une  failh'  qui  a  donné  naissance  à  cette  caverne,  qui  a la  forme  d'une  fente  étroite  et  haute,  d'nue  quinzaine  de  mètres 496  JEANNRL  et  RACOVITZA de  longueur.  Quelques  stalactites  ;  les  parois  sont  couvertes, dans  le  fond,  d'un  revêtement  stalagmitique;  le  sol  est  argileux. L'humidité  est  assez  grande.  Pas  de  guano  de  Chauves-souris. Les  Tinéides,  les  Némocères  et  les  Culicides  se  tiennent  sur les  parois  en  quantité  prodigieuse.  Très  nombreux  aussi  sont les  Lithohius  (n«  .17)  et  les  Diplopodes  (no  17)  ;  des  Aranéides tissent  leurs  toiles  de  tous  les  côtés. Sous  une  plaque  d'enduit  stalagmitique,  formant  un  abri sur  la  paroi,  j'ai  trouvé  une  cinquantaine  de  grands  Hyménop- tères réunis  en  un  amas  compact.  La  lumière  de  la  bougie  les fit  remuer,  mais  au  lieu  de  s'envoler,  ils  se  laissaient  tomber à  terre. Eacovitza. 5.  Grotte  fortifiée. Située  dans  la  même  falaise  que  la  précédente,  mais  à  un niveau  supérieur.  Lortet,  Hautes-Pyrénées,  France. —  Altitude  : 550  mètres  env.  (à  Lortet).  —  Roche  :  Calcaire  crétacique  infé- rieur. —  Date  :  2  août  1905. Cette  grotte  présente  un  intérêt  archéologique  par  les  grands travaux  qui  furent  exécutés  pour  la  rendre  habitable.  Mais comme  la  lumière  pénètre  partout,  elle  n'est  pas  intéressante à  notre  point  de  vue.  Elle  est  formée  par  un  ensemble  d'exca- vations peu  profondes.  Dans  l'une  d'elles,  un  couloir  fort  court, envahi  ^^ar  l'argile,  se  termine  par  un  petit  dôme  ;  une  petite source  tombe  du  dôme  dans  une  vasque  naturelle. Eacovitza. 6.  Grotte  de  la  Neste. Située  comme  les  trois  précédentes  dans  la  même  falaise,  à Lortet,  Hautes-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  550  mètres  env.  — Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  :  2  août  1905. Matériaux  :  Isopodes.  —  Numéro  :  18. GROTTES  VISITÉES  497 C'est  une  grande  excavation  située  au  pied  de  la  falaise,  à quelques  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  Neste.  Plusieurs ouvertures  y  donnent  accès.  L'humidité  est  très  forte,  l'eau ruisselle  en  bien  des  .endroits  ;  les  stalactites  sont  nombreuses et  le  revêtement  stalagmitique  abondant.  La  lumière  pénètre jusqu'au  fond. Racovitza. 7.  Grande  Grotte  de  Labastide. Située  près  de  Labastide,  sur  la  rive  droite  du  ruisseau  l'As- pugue,  Hautes-Pyrénées.  France.  —  Altitude  de  Labastide  : 524  mètres  ;  la  grotte  est  située  plus  haut.  —  Boche  :  Calcaire crétacique  inférieur.  —  Date  :  3  août  1905. Matériaux  :  Diptères,  Myriapodes,  Mollusques.  —  Numéro  : 18. La  grotte  est  située  à  mi-hauteur  d'une  grande  falaise  calcaire au  sud-ouest  du  village  de  Labastide.  Au  fond  d'une  fosse  cir- culaire, que  dessine  d'un  côté  une  forte  pente  d'éboulis  et  de l'autre  une  haute  paroi  à  pic,  l'entrée  proprement  dite  s'ouvre au  pied  de  la  paroi  rocheuse.  C'est  une  voûte  très  surbaissée, de  belles  proportions,  qui,  après  qu'on  est  descendu  p«T  une forte  pente  d'éboulis  et  de  très  gros  blocs,  donne  accès  dans  une salle  presque  circulaire  aux  proportions  grandioses.  Le  sol  est formé  par  des  éboulis  et  par  de  l'argile  :  les  suintements  sont peu  abondants  et  il  n'existe  pas  de  bassins  ou  flaques  d'eau. Deux  grands  massifs  rocheux,  limités  par  des  parois  à  pic, occupent  les  deux  côtés  de  l'entrée  et  montent  jusqu'aux trois  quarts  de  la  hauteur  de  la  salle.  Il  paraît  qu'en  escaladant la  falaise  qui  se  trouve  à  droite  de  l'entrée,  on  parvient  sur  une sorte  de  plateau  où  commence  un  couloir  si  étendu  que  deux heures  d'exploration  n'ont  pas  permis  d'en  voir  la  fin.  J'ignore si  ces  racontages  reposent  sur  quelque  chose  de  sérieux,  car  le temps  ne  m'a  pas  permis  de  gravir  le  massif  rocheux  en  question. 498  JEANNE  L  et  RAGOVITZA Lu  luiniëre  pénètre  dans  la  grande  salle  jjresque  jusqu'au fond.  A  l'entrée  de  la  grotte  se  forme  un  brouillard  assez  épais dans  la  zone  de  contact  de  l'air  froid  de  la  grotte  avec  l'air chaud  du  dehors.  Ce  phénomène  doit  êtr§  assez  rare,  car  je  ne l'ai  point  observé  ailleurs. Les  animaux  sont  très  peu  nombreux  dans  cette  cavité  ; les  ISfémocères  et  Tinéides  trogloxènes  eux-mêmes,  mentionnés dans  les  grottes  précédentes,  paraissent  manquer. Eacovitza. 8.  Petite  Grotte  de  Labastide. SiUiée  dans  le  même  massif  et  non  loin  (à  10  minutes)  de  la j)récédente,  à  Labastide,  Hautes-Pyrénées,  France.  —  Altitude de  Labastide  :  524  mètres  ;  la  grotte  est  à  peu  près  au  même niveau  que  la  précédente,  mais  jîlus  haut  que  le  village.  — Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  :  3  août  1905. Matériaux  :  Coléoptères,  Aptérygogéniens.  Myriapodes.  — Numéros  :  20,  21, Pour  entrer  dans  cette  grotte,  il  faut  passer  sous  des  ponts rocheux,  restes  de  l'ancien  vestibule  effondré,  et  se  glisser  par une  fente  étroite.  On  dévalle  une  forte  pente  argileuse  et  l'on se  trouve  dans  une  très  belh?  salle  oblongue  où  le  travail  de l'eau  d'infiltration  est  fort  actif.  Tout  un  côté  de  la  salle  est recouvert  de  revêtement  stalagmitique.  Stalactites  nombreuses et  beaux  massifs  de  stalagmites,  quelques-uns  très  blancs.  Sur le  plancher  formant  une  pente  légère,  sont  de  nombreux  gours pleins  d'eau,  ayant  jusqu'à  25  centimètres  de  profondeur  et souvent  plus  d'un  mètre  de  longueur.  L'eau  ruisselle  dans  cette partie  de  la  salle  et  tombe  aussi  du  plafond,  en  s'écoulant  en nappes  vers  la  partie  opposée  qui  est  dépourvue  de  stalactites et  possède  un  sol  formé  d'éboulis  et  d'argile. Dans  un  coin  de  la  salle  une  cheminée  obliqiu'  et  fort  étroite laisse  passer  un  faible  courant  d'air  ;  il  est  possible  qu'on  puisse arriver  par  là  dans  d'autres  galeries. GROTTES   VISITEES  499 Quelques  N«%iocères  (n»  4)  furent  vus  près  de  l'entrée.  Les autres  animaux  capturés  sont  de  vrais  troglobies.  Les  Aphaenops couraient  à  la  surface  des  enduits  stalagmitiques,  leur  station préférée. Je  signale  aussi  la  grotte  de  l'Aspugue,  qui  est  une  goule absorbant  le  ruisseau  de  même  nom  ;  l'ouverture  en  voûte  sur- baissée se  trouve  au  pied  de  la  falaise  à  égale  distance  des  deux grottes  que  je  viens  de  décrire.  On  prétend  dans  le  pays  que la  résurgence  de  l'Aspugue  a  lieu  de  l'autre  côté  du  massif calcaire,  à  Esparros.  Des  canards  auraient  accompli  ce  trajet souterrain. Tout  le  massif  de  Labastide  est  donc  fort  intéressant  et mérite  une  sérieuse  exploration  ;  je  le  signale  aux  confrères  qui disposeraient  de  plus  de  temps  que  je  n'en  ai  eu  moi-même. Je  crois  que  leur  peine  sera  récompensée  par  de  belles  décou- vertes. Racovitza. 9.  Petite  Grotte  du  Tunnel  de  Camous. Située  dans  le  tunnel  du  chemin  de  fer,  près  Sarrancolin, Hautes-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  650  mètres  env.  — Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  :  4  août  1905. Matériaux  :  Aptérygogéniens,  Aranéides.  —  Numéros  :  22, 26. Découverte  en  creusant  le  tunnel  ;  était  entièrement  close  de toutes  parts.  C'est  une  petite  cavité  de  quelques  mètres  avec quelques  stalactites  et  des  parois  en  partie  recouvertes  par  un revêtement  stalagmitique.  Deux  petits  gours  contiennent  encore un  peu  d'eau. Les  Araignées  et  les  Campodea  que  nous  y  avons  trouvés sont  de  simples  troglophiles. Jeannel  et  Bacovitza. 500  JEANNEL  et  RACOVITZA 10.  Grande  Grotte  du  Tunnel  de  Camous. Située  dans  le  tunnel  du  cheniin  de  fer,  près  Sarrancolin, Hautes  -  Pyrénées ,  France.  —  Altitude  :  650  mètres  env.  — Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  ;  5  et  6  août  1905. Matériaux :T>iil^tève'fi,  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Aranéides. —  Numéro  :  25. Cette  grotte  a  été  découverte  à  l'occasion  du  creusement  du tunnel  ;  elle  n'avait  aucune  ouverture  apparente.  Elle  a  été aménagée  par  les  soins  de  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  et son  entrée  est  fermée  par  une  grille.  Un  couloir  assez  long  con- duit à  un  carrefour  d'où  partent  deux  galeries  très  humides. La  galerie  de  droite  est  presque  horizontale  ;  dans  son  pla- fond, plusieurs  cheminées  étroites  paraissent  monter  très  haut et  dans  son  plancher  s'ouvrent  trois  puits,  dont  l'un  est  profond de  15  mètres  et  contient  de  l'eau.  Les  stalactites  sont  nom- breuses et  un  revêtement  stalagmitique  recouvre  partout  une épaisse  couche  d'argile.  Quelques  petites  flaques  d'eau  s'y  ren- contrent aussi. La  galerie  de  gauche  descend  rapidement  vers  le  niveau  de la  rivière  (la  î^este).  On  y  observe  quelques  formations  stalac- titiques  près  de  l'entrée  ;  le  fond  est  bouché  par  un  fort  banc d'argile.  Ce  dépôt,  qui  recouvre  d'ailleurs  toutes  les  parois  et même  le  plafond,  porte  des  traces  récentes  de  l'action  de  l'eau. Quelques  gours  s'observent  dans  les  parties  hautes  de  la  galerie. Dans  la  galerie  de  droite  la  température  de  l'air  était  de 11"25  C.  et  celle  de  l'eau  10°.  Dans  la  galerie  de  gauche  la  tem- pérature de  l'eau  était  de  O^S  C. Il  n'y  a  pas  traces  de  Chauves-souris. Près  de  l'entrée  de  cette  grotte  les  Tinéides  sont  en  quantité prodigieuse  ;  quelques  Culicides  s'y  voient  aussi. La  récolte  a  été  maigre  dans  les  deux  galeries.  Les  pièges placés  dans  l'eau  n'ont  rien  donné.  Sur  des  morceaux  de  bois GROTTES  VISITÉES  501 quelques  CoUeraboles  et  des  larves  de  Diptères.  De  rares  Arai- gnées et  Myriapodes  ont  été  rencontrés  sur  les  parois. Jeannel  et  Racovitza. 11.  Grotte  d'Ilhet. Située  dans  la  vallée  de  la  Baricane,  à  1  kil.  d'Tlliet,  commune de  Sarrancolin,  Hautes-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  700  mètres env.  —  Roche  :  Calcaire  jurassique.  —  Date  ;  5  et  6  aoiàt  1905. Matériaux  :  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Ara- néides,  Pseudoscorpionides,  Ixodes.  —  Numéros  :  23,  24. L'entrée  de  la  grotte,  difficile  à  trouver,  se  trouve  au  tiers de  la  hauteur  du  massif  calcaire  qui  forme  la  rive  gauche  de  la Baricane.  Du  vestibule  étroit  on  passe  par  un  couloir  en  forme de  fente  dans  une  petite  salle  entièrement  encroûtée  de  stalac- tites. Une  cheminée,  dans  laquelle  on  a  de  la  peine  à  se  glisser, mène  sur  la  corniche  d'un  massif  stalagmitique  d'où  il  faut descendre  avec  une  corde  dans  une  salle  oblongue,  de  forme très  irrégulière.  Des  tranchées  profondes  et  des  puits  s'ouvrent dans  le  plancher  de  cette  salle.  Toutes  les  parois  sont  recou- vertes d'un  revêtement  stalagmitique  ;  les  stalactites  coniques ou  en  draperies  et  les  colonnes  abondent.  Un  des  puits  n'a  que 4  mètres  de  profondeur  et  il  aboutit  à  une  cavité  close  ornée  de magnifiques  stalactites  d'une  blancheur  et  d'une  finesse  admi- rables. Sur  ses  parois  on  remarque  quatre  corniches,  indiquant d'anciens  niveaux  d'eau,  formées  par  de  jolies  concrétions. L'argile  et  les  éboulis  manquent  complètement.  Quelques petites  fiaques  d'eau  existent  dans  les  parties  basses  de  la  salle. Cette  gTotte  est  due  à  une  faille  et  la  corrosion  a  joué  un grand  rôle  dans  sa  formation. La  température  était  le  5  août  :  air  :  8^8  C,  et  le  G  août  : air  :  8o5  C,  eau  :  8». Nous  n'avons  pas  entièrement  exploré  cette  grotte  et  bien des  recoins  restent  à  visiter. 502  JEANNEL  et  RAGOVITZA Nous  n'avons  pas  vn  traces  de  Chauves-souris.  Pourtant  deux Eschatocephalus  furent  trouvés  sur  les  parois.  Les  pièges  n'ont rien  donné.  Les  Araignées,  les  CoUemboles,  les  Coléoptères  pro- viennent du  fond  de  la  grotte.  Les  Myriapodes  et  les  Pseudo- scorpionides  de  l'entrée. Plus  haut  dans  la  montagne,  mais  plus  près  d'Ilhet.  s'ouvre une  eavité  qui  n'a  que  quelques  mètres  de  profondeur.  A  l'entrée, sous  les  feuilles  sèches,  un  Bathyscia  a  été  trouvé. On  nous  a  signalé  aussi  des  grottes,  dont  l'une   très  vaste, paraît-il,   à  Fréchet-Aure,  non  loin    d'Arreau,    mais    il    a    été impossible  d'avoir  des  renseignements  précis  sur  leur  situation exacte. Jeannel  et  Racovitza. 12.  Cueva  de  las  Devotas. Située  vers  le  milieu  du  Paso  de  las  Devotas,  partido  de  Bol- tana,provincia  de  Huesca,  Espagne.  —  Altitude  :  750  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  13  août ]905. Matériaux  :  Coléoptères,  Myriapodes,  Aranéides,  Opilionides, Mollusques.  —  Numéros  :  33,  34. Cette  grotte  est  formée  par  deux  salles.  La  première,  qui s'ouvre  à  l'extérieur  par  une  ouverture  ogivale,  a  environ 10  mètres  de  longueur  sur  4  à  5  de  largeur.  Sur  le  plancher deux  grands  gours  sans  eau.  Au  fond,  un  éboulement  ancien recouvert  d'un  revêtement  stalagmitique  et  un  rideau  de  sta- lactites forment  une  cloison  derrière  laquelle  s'allonge  une seconde  salle  d'une  douzaine  de  mètres  de  longueur,  sur  3  à  4 de  large.  Son  sol  est  également  occupé  par  des  gours  vides.  Une des  parois  est  nue,  l'autre  est  couverte  de  stalactites.  Cette salle  se  continue  par  une  fente  basse  mais  très  étendue  qui s'est  formée  suivant  un  joint. GROTTES   VISITEES  503 La  temporatiiro  au  fond  est  très  peu  inférieure  à  celle  de  l'air extérieur. Les  Oulicides  sont  très  nombreux  sur  les  parois  ;  quelques Tinéides  et  de  nombreuses  toiles  d'Araignées  pleines  de  Mous- tiques. Les  Coléoptères  (Bathyscia)  sont  nombreux  et  proba- blement attirés  par  les  cadavres  de  Moustiques,  car  on  ne  voit pas  d'autre  source  de  nouiriture. Jbannel  et  Eacovitza. 13.  Cueva  del  Molino. Située  sur  la  rive  droite  du  Rio  Aso,  au-dessus  du  moulin  de Sercué,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Vio,  partido  de  Bol- taiia,  provincia  de  Huesca,  Espagne.  —  Altitude  :  900  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Bâte  :  17  août 1905. Matériaux    :    Névroptères ,    Aptérygogéniens ,     Myriapodes, Palpigrades,  Aranéides,  Opilionides.  —  Numéro  :  38. L'entrée  en  voûte  surbaissée  conduit  dans  un  vestibule  gran- diose ayant  35  mètres  de  large  et  56  mètres  de  long  sur  une dizaine  de  mètres  de  haut.  Au  fond  du  vestibule,  à  droite  de l'entrée,  s'ouvre  une  galerie  de  200  mètres  de  long  sur  25  de  large et  4  à  5  mètres  de  hauteur.  Elle  aboutit  à  une  vaste  salle  oblongue d'une  quinzaine  de  mètres  de  hauteur,  qui  possède  une  annexe presque  aussi  grande  mais  située  à  environ  5  mètres  plus  haut que  le  niveau  de  son  plancher  ;  cette  sorte  de  second  étage,  qui a  pris  naissance  par  un  colossal  éboulement,  est  tout  à  fait sec,  et  n'a  jamais  subi  l'action  de  l'eau.  Il  n'y  existe  aucune sorte  de  concrétion,  et  les  éboulis  sont  couverts  d'une  épaisse poussière  argileuse  due  à  l'action  de  l'air  sur  la  roche.  En  trois endroits  nous  avons  trouvé  de  grands  amas  coniques  d'argile pulvérulente  couleur  marc  de  café. Les  autres  parties  de  la  grotte  sont  parcourues  par  un  ruisseau 504  JEANNEL  et  RACOVITZA qui  prend  sa  source  apparente  dans  un  coin  de  la  salle  du  fond. Un  magnifique  massif  stalagmitique,  reposant  sur  une  plage de  galets  et  occupant  le  milieu  de  la  salle,  le  force  à  contourner les  parois  au  pied  du  second  étage  ;  il  coule  ensuite  au  milieu de  la  galerie,  se  déverse  dans  le  vestibule  eu  nappe  mince  sur une  surface  couverte  de  gours  très  plats  et  reforme  un  lit  étroit à  la  sortie  de  la  grotte. Dans  la  galerie  il  y  a  deux  bancs  puissants  de  galets  roulés et  le  sol  est  couvert  d'une  épaisse  couche  d'argile  dans  laquelle le  ruisseau  s'est  creusé  un  lit,  de  2  mètres  de  largeur  et  25  centi- mètres de  profondeur,  absolument  rectiligne  sur  une  grande partie  de  son  étendue.  Les  berges  sont  plates  et  leurs  bords droits  comme  tracés  au  cordeau.  L'écoulement  de  l'eau  est  lent, car  les  différences  de  niveau  sont  insignifiantes  dans  le  sol  de la  grotte.  Comme  les  galets  sont  en  partie  recouverts  d'un  revê- tement stalagmitique  et  que  près  de  l'entrée  existent  des  grands gours  à  un  niveau  élevé,  il  est  certain  que  le  débit  du  ruisseau a  beaucoup  diminué  ;  il  devait  occuper  toute  la  largeur  des galeries  pendant  les  crues  et  c'est  à  ce  moment  que  la  couche argileuse  a  été  déposée  en  masses  épaisses.  Les  stalactites  sont peu  nombreuses,  mais  il  existe  de  beaux  massifs  stalagmitiques dans  la  galerie. Sont  à  noter  deux  particularités  assez  rares.  Près  de  l'entrée de  la  galerie  se  voit  une  rangée  de  stalactites  de  forme  conique, les  unes  blanches  translucides  alternant  avec  d'autres  colorées en  brun.  D'autre  part  sur  l'argile,  au  fond  de  cette  galerie,  se sont  formées  des  stalagmites  simplement  fichées  dans  la  masse meuble  du  sédiment.  On  les  soulève  sans  effort  de  la  petite cavité  oii  repose  leur  base  ;  quelques-unes  dépassent  un  mètre de  hauteur  et  20  centimètres  de  diamètre. Les  animaux  habitent  plus  volontiers  la  salle  sèche  du  fond que  les  galeries  parcourues  par  le  ruisseau.  Un  bel  Ischyropsalis, plusieurs  Glomérides,  des  Araignées  et  des  Diplopodes  {Typhlo- blaniulus)  furent  capturés  dans  la  première.  De  rares  Araignées et  quelques  Colembolles  furent  pris  sous  les  galets  du  ruisseau. (îROTTES   VISITEES  505 Une  Phryganp  fut  aussi  capturée,  mais   nous   n'en   avons   pas trouvé  à  l'état  larvaire  dans  le  ruisseau. Jeannel  et  Eacovitza. 14.  Cueva  Llobrica. Située  sur  la  rive  gauche  du  Rio  Vélos,  dans  le  massif  des Sestrales,  commune  de  Vio  (?),  partido  de  Boltana,  provincia de  Huesca,  Espagne.  —  Altitude  :  900  mètres  env.  —  Roche  : Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  18  août  1905, Matériaux  :  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Opi- lionides.  —  Numéros  :  40^  41. La  grotte  s'ouvre  dans  une  falaise  à  pic,  à  une  centaine  de mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  rivière,  par  une  grande  voûte ogivale  d'une  quinzaine  de  mètres  de  hauteur.  Une  galerie montante  à  direction  S.-N.  se  coude  en  angle  droit  vers  l'O.  et aboutit  à  une  salle  moins  élevée,  dont  le  fond  en  pente  descen- dante est  rempli  de  blocs  énormes  éboulés.  A  droite  un  petit couloir  à  parois  tapissées  de  revêtement  stalagmitique  est pourvu  de  quelques  stalactites. La  longueur  totale  peut  atteindre  100  mètres.  Le  sol  des galeries  et  les  roches  éboulées  sont  couverts  de  poussière  argi- leuse. Pas  de  stalactites  et  point  d'eau  dans  la  galerie  principale. Dans  le  petit  couloir  du  fond  les  Bathyscia  sont  abondants. C'est  de  cette  partie  de  la  grotte  que  proviennent  aussi  presque tous  les  autres  animaux  capturés. Jeannel  et  Eacovitza. 15.  Cueva  de  los  Moros. Située  sur  la  rive  droite  du  Rio  Xalle,  vers  le  milieu  de  la gorge  nommée  Gloces,  commune  de  Fanlo,  partido  de  Boltaîia, provincia  de  Huesca,  Espagne.  —  Altitude  :  1.300  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  19  et  20  août 1905. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  —  4'  SERIE.  ï.  VI.  (VIIl).  36 506  JEANNEL  et  RACOVITZA Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aranéides,  Ixodes.  — Numéros  :  43,  44. Les  gloces  du  Eio  Xalle  sont  des  gorges  extrêmement  étroites, et  hautes  d'une  cinquantaine  de  mètres  ;  par  endroits  la  largeur ne  dépasse  pas  un  mètre  et  souvent  il  est  impossible  de  voir  la rivière,  car  les  deux  parois  ont  des  corniches  alternantes  dans le  sens  de  la  hauteur. C'est  dans  la  falaise  de  la  rive  droite  que  se  trouve  la  grotte  ; il  faut  descendre  par  une  corniche  puis  monter  un  talus  d'éboulis  ; on  arrive  ainsi  au  pied  d'une  paroi  dans  laquelle  sont  percées deux  ouvertures  superposées  de  4  à  5  mètres.  L'ouverture  infé- rieure permet  d'atteindre  une  cheminée  dont  l'escalade  conduit, au  niveau  de  son  ouverture  supérieure,  à  l'entrée  de  la  grotte. Celle-ci  a  environ  50  mètres  de  longueur  ;  une  galerie  montante N.-S,,  presque  en  ligne  droite,  tourne  ensuite  à  angle  droit  vers l'E.  et  se  termine  par  une  cavité  étroite.  La  forme  de  cette grotte  est  singulièrement  régulière  et  la  coupe  de  ses  galeries est  ogivale.  Le  plafond  a  4  à  5  mètres  de  hauteur. Le  plancher  est  occupé  par  une  énorme  coulée  stalagmitique formée  par  une  pâte  calcaire  assez  dure,  dont  la  blancheur contraste  avec  la  couleur  noire  des  parois.  Deux  rochers  percent comme  des  îlots  noirs  la  masse  blanche.  Le  dépôt  stalagmitique rappelle  par  sa  forme  une  coulée  de  lave. Peu  de  stalactites  ;  quelques  piliers  stalagmitiques  ;  des  gours vides  sont  parsemés  sur  le  plancher. La  température  de  l'air  était  de  IPS  C.  L'humidité  était forte,  mais  nulle  part  on  ne  voyait  de  l'eau  liquide. Cette  grotte  est  d'une  «  propreté  »  remarquable  ;  ni  détritus ni  pierres  sur  le  sol.  Cependant  les  Coléoptères  cavernicoles  ne manquaient  pas,  mais  la  plupart  étaient  morts  et  envahis  par un  Champignon.  Près  de  l'entrée  beaucoup  de  Némocères,  de Culicides,  de  Tinéides  et  de  Phryganes. JEANNEL  et  EACOVITZA. GROTTES  VISITEES  SO- IS. Cueva  de  abaho  de  los  Gloces. Située  à  50  mètres  de  la  précédente,  à  un  niveau  un  peu  infé- rieur, à  20  mètres  au-dessus  du  niveau  du  Rio  Xalle,  commune de  Fanlo,  partido  de  Boltana,  provincia  de  Huesca,  Espagne.  — Altitude  :  1.300  mètres  env.  —  Boche  :  Calcaire  crétacique  supé- rieur. —  Date  :  19  et  20  août  1905. Matériaux  :  Hyménoptères,  Diptères,  Coléoptères,  Myria- podes, Aranéides,  Isopodes.  —  Numéro  :  45. On  entre  par  un  couloir  de  5  à  6  mètres  de  haut,  parfaitement régulier,  dont  la  coupe  est  ogivale,  et  dont  le  sol  est  couvert par  des  galets  de  rivière,  qui  disparaissent  plus  loin  sous  une coulée  blanche  stalagmitique  pourvue  de  gours.  Un  détroit,  occa- sionné par  un  massif  de  stalagmites,  conduit  dans  un  second couloir  plus  bas  de  plafond  qui  se  termine  par  une  cloison  sta- lagmitique au  pied  de  laquelle  il  y  a  un  petit  bassin  d'eau.  Cette première  partie  de  la  grotte  mesure  environ  66  mètres. Un  violent  courant  d'air  se  faisait  sentir  à  l'orifice  d'une cheminée  très  étroite  et  tortueuse  creusée  dans  la  cloison  sta- lagmitique du  fond  du  couloir.  Nous  avons  fait  agrandir  ce passage  qui  nous  a  conduit  dans  une  vaste  salle  dont  le  plancher était  formé  par  une  couche  épaisse  d'argile  pourvue  de  fentes de  retraits.  Sur  les  parois  il  y  avait  quelques  stalactites  de couleur  sombre,  leur  niasse  étant  fortement  mêlée  d'argile.  On pénètre  ensuite  dans  un  couloir  étroit,  mais  d'une  hauteur  qui par  endroits  doit  dépasser  30  mètres,  et  qui  s'est  formé  sur  le trajet  d'une  énorme  faille.  De  formidables  éboulis  encombrent en  deux  endroits  ce  couloir  dont  la  largeur  dépasse  rarement 3  mètres.  Tout  le  sol  et  les  parois  jusqu'à  une  grande  hauteur sont  couverts  d'argile  qui  a  formé  souvent  de  véritables  stalac- tites ou  des  coulées  stalagmitiques  de  couleur  sombre.  De  place en  place  il  existe  des  stalactites  blanches  de  calcaire  pur.  Nous avons  été  arrêtés  par  un  mince  éperon  rocheux  ayant  une  fente 808  JEANNEL  et  RACOVITZA étroite  do  chaque  côté.  Il  est  possible  qu'au  moyen  d'échelles on  puisse  aller  plus  loin. La  longueur  de  cette  seconde  partie  de  la  grotte  est  d'environ 234  mètres.  La  différence  de  niveau  est  très  faible  entre  l'entrée et  le  fond,  et  le  tracé  presque  rectiligne. La  température  de  la  première  partie  de  la  grotte  était  de 13°8  C.  pour  l'air  et  de  10°  C.  pour  l'eau.  Dans  la  seconde  partie nous  avons  trouvé  10^  C.  pour  l'air. Dans  la  première  partie  de  la  grotte  les  Culicides  sont  nom- breux ;  les  autres  animaux  capturés  proviennent  tous  de  cette partie.  Dans  la  seconde  nous  n'avons  trouvé  qu'un  Coléoptère {Bathyscia). Au  fond  même  du  couloir  terminal  était  un  crâne  de  mouton. Nous  avons  d'ailleurs  remarqué  des  traces  de  Eenards  (?)  sur le  sol  argileux. Jeannel  et  Eacovitza. 17.  Cueva  de  les  Paharitos. Située  dans  la  partie  d'amont  du  Barranco  de  Pardina,  gorge découpée  dans  le  plateau  nommé  Plan  de  Tripals,  commune de  Fanlo,  partido  de  Boltaria,  provincia  de  Huesca,  Espagne.  — Altitude  :  1.800  mètres  env.  —  Boche  :  Calcaire  crétacique  supé- rieur. —  Date  :  21  août  1905. Cette  grotte,  ouverte  dans  la  falaise  qui  forme  la  rive  gauche du  Barranco,  n'a  qu'une  dizaine  de  mètres  de  profondeur.  L'en- trée est  majestueuse,  le  plafond  formé  par  un  joint  de  stratifi- cation est  plat  et  repose  sur  deux  murs  verticaux.  Au  fond  il  y a  un  trou  par  lequel  sort  un  violent  courant  d'air  froid,  ce  qui indique  que  la  grotte  se  continue  au  delà.  D'une  fente  de  la paroi  sort  une  petite  source;  une  autre  source  plus  considérable, sortie  d'une  fente,  forme  une  cascade  de  5  à  6  mètres  de  hauteur non  loin  de  la  grotte. GROTTES   VISITEES  509 Signalons  ici  un  aven  remarquable  par  sa  forme  régulièrement cylindrique  et  ses  parois  polies  (serait-il  produit  par  un  moulin du  glacier  qui  a  dû  recouvrir  toute  cette  région  "?  )  qui  se  trouve à  5  minutes  de  la  Caseta  del  Plan  de  Tripals.  Son  diamètre  est d'environ  3  mètres  ;  sa  profondeur  sondée  donne  16,50  m. Jeannel  et  Racovitza, 18.  Causse  de  la  Peiia  Collarada. Située  sur  le  mont  Collarada,  Canfranc,  partido  de  Jaca, provincia  de  Huesca,  Espagne. —  Altitude  :  2.300  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  Date  :  31  août  1905. Matériaux  :  Coléoptères,  Isopodes.  —  Numéro  :  57. L'énorme  massif  de  la  Peiia  Collarada  est  entièrement  cons- titué par  des  bancs  épais  de  calcaire  crétacique  et  présente les  phénomènes  karstiques  les  mieux  caractérisés  :  grottes, sources  intermittentes,  lapiaz,  roches  percées,  avens,  etc.  L'étude géographique  n'en  est  pas  faite  ;  elle  promet  d'être  fort  intéres- sante. Sur  le  versant  sud  du  massif,  un  vaste  plateau  présente  le phénomène  du  lapiaz  sous  ses  formes  les  plus  classiques.  Fentes parallèles  corrodées,  crêtes  tranchantes,  cavités  arrondies,  trous de  corrosion  depuis  le  diamètre  d'une  pièce  d'un  sou  jusqu'à celui  de  30  à  40  centimètres. De  plus  tout  le  plateau  est  parsemé  de  dépressions  de  forme le  plus  souvent  circulaire  et  de  diamètre  variant  entre  3  et 10  mètres.  îfous  eu  avons  vu  une  dizaine,  mais  il  y  en  a  beau- coup plus,  d'après  les  dires  du  guide.  Des  niasses  de  neige,  plus élevées  au  centre  qu'à  la  périphérie,  car  le  contact  de  la  paroi provoque  une  fusion  plus  rapide,  occupent  le  fond  de  ces dépressions. Il  est  difficile  de  savoir  si  ce  sont  là  des  dolines  d'effondrement ou  des  avens  formés  par  corrosion.  La  neige  empêche  la  vue  du 510  JEANNEL  et  RACOVITZA fond,  et  ne  permet  pas  de  sonder  leur  profondeur  vraie.  L'un de  nous  est  descendu  dans  une  de  ces  dépressions  dont  l'orifice présentait  une  échancrure  formée  par  une  pente  d'éboulis.  Au pied  de  l'éboulis,  qui  avait  5  mètres  de  hauteur,  apparaissait l'orifice  proprement  dit,  qui  était  circulaire  et  en  partie  caché  par la  paroi  à  pic  de  la  dépression.  Cette  ouverture  laissait  voir  un puits  à  parois  verticales  et  parfaitement  lisses  qui  était  comblé de  neige  à  5  mètres  de  profondeur.  Cette  dépression  était  donc bien  un  aven  produit  par  l'action  extérieure  des  eaux  s'exer- çant  sur  une  fente  préexistante.  Une  autre  dépression  formée manifestement  sur  le  trajet  d'une  faille  doit  être  interprétée de  la  même  façon  ;  mais  les  dolines  d'effondrement  doivent certainement  être  représentées  sur  ce  plateau. Quoi  qu'il  en  soit,  il  nous  semble  que  ces  dépressions  ne  doivent pas  communiquer  par  des  fissures  larges  avec  les  grottes  et galeries  qui  doivent  traverser  la  masse  rocheuse  sous-jacente. En  effet,  si  ces  communications  existaient  il  se  formerait  des courants  d'air  qui  ne  permettraient  pas  à  la  neige  de  persister jusqu'à  cette  époque  de  l'année. Il  va  sans  dire  qu'il  n'existe  ni  ruisseau,  ni  source  sur  ce plateau  ;  toute  la  circulation  se  fait  sous  terre.  Les  bergers sont  forcés,  pour  se  procurer  l'eau  à  boire,  de  détacher  de  gros blocs  de  neige,  de  les  enfiler  sur  des  bâtons  et  de  les  laisser  fondre au  soleil. Sous  les  pierres  qui  entourent  l'orifice  des  avens  ou  dolines, nous  avons  trouvé  des  Isopodes  et  des  Coléoptères  troglophiles. Jeannel  et  Eacovitza. 19.  Cueva  de  abaho  del  Collarada  ou  Cueva  de  las  Guixas. Située  à  la  base  de  la  Pena  Collarada,  sur  la  rive  gauche  du E.io  Aragon,  à  2  km.  au  nord  de  Villanua,  partido  de  Jaca,  pro- vincia  de  Iluesca,  Espagne.  —  Altitude  :  1.000  mètres  env.  — Boche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  30  août  1905. GROTTES  VISITEES  5H Matériaux  :  Diptères,  Siphonaptères,  Coléoptères,  Aptéry- gogéniens.  Myriapodes,  Aranéides,  Opilionides,  Acariens,  Iso- podes.  Mollusques.  —  Numéros  :  52,  53,  54,  55. Cette  grotte  est  citée  dans  le  catalogue  de  PuiG  y  Larraz  (1) sous  le  nom  de  Cueva  de  las  Guixas  ;  mais  ce  nom  ne  semble pas  être  connu  des  gens  du  pays,  qui  l'appellent  Cueva  de  abaho del  Collarada. La  gi'otte  est  un  complexe  de  galeries  formant  trois  étages et  communiquant  avec  l'extérieur  par  autant  d'orifices.  Elles ont  été  creusées  par  un  fort  ruisseau  souterrain  qui  actuelle- ment coule  à  un  niveau  inférieur  et  sort  par  un  quatrième  ori- fice situé  dans  la  berge  même  du  rio  Aragon.  L'eau  remplit en  entier  l'orifice  de  sortie,  ce  qui  en  défend  l'accès.  H  existe donc  en  réalité  quatre  étages  de  galeries. La  première  ouverture  au-dessus  de  la  source  donne  d'une part  dans  une  galerie  descendante  basse  pleine  d'énormes  cail- loux roulés  et  de  galets,  se  terminant  par  une  fente  étroite  rem- plie d'argile  ;  cette  galerie  est  dirigée  sans  doute  possible  vers le  courant  souterrain  et  sert  peut-être  de  trop  plein  pendant les  crues.  Une  niche  latérale  assez  profonde  contient  quelques concrétions. D'autre  part,  de  l'orifice  part  une  galerie  ascendante  donnant accès  dans  un  vestibule  qui  s'ouvre  à  l'extérieur  par  la  seconde ouverture  de  la  grotte  ;  cette  dernière  sert  aussi  d'amorce  à un  long  couloir  à  sol  couvert  de  graviers  roulés  qui  aboutit  à deux  salles  spacieuses  remplies  de  concrétions  et  à  parois  recou- vertes, en  beaucoup  d'endroits,  d'un  revêtement  stalagmitique. Le  sol  est  formé  par  de  l'argile. Au  fond  de  la  seconde  salle,  l'escalade  d'une  cheminée  per- met de  monter  à  un  étage  supérieur  formé  par  deux  galeries. Celle  de  droite  est  humide,  à  parois  couvertes  de  revêtement stalagmitique  et  à  pente  ascendante  assez  forte.  Elle  se  ter- ci)  G.  PiTiG  Y  Larraz.  Cavernas  y  simas  de  Espaîia.  {Bol.  de  la  Comission  del  Mapa  geolo- gico  de  Espana,  tomo  XXI,  pp.  1-392,  1896.) 512  JEANNKL  et  RACOVITZA mine  par  luu'.  fente  horizontale  remplie  d'argile  ;  plus  bas  sont des  gours  actuellement  vides.  Sur  un  des  côtés  se  trouve  une cloison  stalagmitique  qui  ferme  Taccès  d'une  autre  galerie  inex- plorée; trois  fentes  étroites,  par  où  sort  un  très  violent  courant d'air,  laissent  voir  une  vaste  cavité  qui  paraît  s'étendre  très loin.  La  galerie  de  gauche  est  sèche,  possède  peu  de  concrétions et  aboutit  à  la  troisième  ouverture  de  la  grotte. Nous  n'avons  rien  trouvé  dans  la  galerie  de  droite  du  troi- sième étage,  mais  celle  de  gauche  était  au  contraire  très  peu- plée. Le  sol  était  couvert  de  détritus  de  toutes  sortes,  feuilles, brins  de  paille,  poussière  argileuse,  guano  de  Chauves -souris  ; tout  cela  formait  une  couche  d'humus  où  les  troglophiles  et les  troglobies  abondent.  Chose  curieuse  :  les  Puces  étaient  très abondantes  dans  cet  humus  ;  ce  n'était  pas  le  Puleœ  irritans, mais  une  espèce  plus  allongée  et  extraordinairement  agile. Dans  les  salles  du  second  étage,  nous  avons  trouvé  des Isopodes  nombreux  et  des  Liihohius.  Le  premier  étage  ne  nous a  fourni  que  quelques  Lsopodes. Les  ossements  de  Mammifères  sont  très  abondants  dans  l'argile qui  forme  le  plancher  des  salles  du  second  étage. JEANNEL   et    RACOVITZA. 20.  Cueva  del  Collarada  de  ariba. Située  dans  le  massif  du  Collarada,  au-dessus  de  Canfranc, partido  de  Jaca,  provincia  de  Huesca,  Espagne.  —  Altitude  : 1.500  mètres  env.  —  Roehe  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  — Date  :  31  août  1905. Au-dessus  de  Canfranc,  à  5  ou  600  mètres  au-dessus  du  niveau de  la  rivière,  s'étend  nue  longue  falaise  dont  la  base  est  creusée de  plusieurs  petites  cavités.  Dans  la  partie  N.  s'ouvre  la  Cueva del  Collerada  de  ariba.  L'entrée  est  située  à  mi-hauteur  de  la falaise.  C'est  une  ouverture  ogivale  d'une  quinzaine  de  mètres GROTTES  VISITEES  513 de  hauteur,  donnant  accès  dans  une  salle  très  vaste  et  très haute,  qui  possède  deux  baies  énormes  regardant  vers  le  rio Aragon. Ce  majestueux  vestibule  conduit  dans  une  galerie  basse,  de quelques  mètres  de  longueur. En  continuant  à  longer  la  falaise  on  rencontre  deux  autres gi-andes  ouvertures  qui  sont  cependant  l'amorce  de  très  courts couloirs  sans  intérêt. Jeannel  et  Eacovitza. 21.  Grotte  du  Pla  à  Barbe. Située  dans  le  massif  qui  forme  la  rive  droite  de  la  rivière Malugar,   commune   de    Lees-Athas,  "  Basses-Pyrénées,  France. —  Altitude  :   800  mètres  env.  —  RocJie  :   Calcaire  jurassique. —  Date  :  2  septembre  1905. Matériaux  :  Myriapodes,  Isopodes.  —  Numéro  :  58. L'entrée  est  très  vaste  et  de  forme  carrée.  Le  plafond  est formé  par  un  joint  de  stratification  reposant  sur  deux  parois verticales  ;  la  largeur  est  d'environ  25  mètres  avec  une  hauteur presque  égale.  La  galerie  oii  l'on  pénètre  a  une  direction  géné- rale E.-O.,  et  un  plancher  en  pente  ascendante  très  raide. Une  énorme  coulée  d'argile  molle  très  calcaire,  de  couleur blanche,  recouvre  tout  le  plancher  de  la  grotte  dont  la  longueur doit  dépasser  200  mètres.  L'eau  s'écoule  en  najjpes  à  la  surface de  l'argile,  qui  en  est  complètement  imbibée  et  cette  argile forme,  en  se  déversant  par  dessus  les  bords  rocheux  à  pic, des  sortes  de  cascades  de  stalactites.  Dans  les  parties  planes s'étagent  des  gours  de  faibles  dimensions.  Au  fond  de  la  grotte pendent  quelques  stalactites  blanches,  friables,  très  peu  humides, ayant  parfois  plus  d'un  mètre  de  longueur.  La  masse  qui  les forme  a  Taspect  d'une  moisissure.  Quelques^  parois  sont  cou- vertes aussi  de  cette  sorte  de  «  moisissure  »  calcaire. 514  JEANNEL  et  RACOVITZA N'ayant  jamais  eu  roccasion  d'examiner  ce  qu'on  nomme en  Suisse  «  Mondmiloh  »,  nous  ne  pouvons  pas  assurer  qu'il s'agit  ici  d'une  formation  identique.  D'après  Martel  (p.  103)  (1), le  «  Mondmilch  »  serait  a  une  forme  pâteuse  du  carbonate  de chaux,  qui  parait  être  simplement  de  la  stalagmite  tellement imbibée  d'eau  qu'elle  n'a  pas  pu  se  solidifier  ».  Il  nous  a  semblé que,  dans  la  grotte  dvi  Pla  à  Barbe,  les  choses  ont  dû  se  passer différemment.  La  forme  de  la  grotte,  longue  galerie  presque droite,  largement  ouverte,  et  à  plancher  ascendant  très  forte- ment incliné,  provoque  la  chute  de  l'air  froid  du  fond  vers  l'en- trée et  un  appel  d'air  extérieur  de  l'entrée  vers  le  fond.  Il  se forme  ainsi  un  courant  d'air  violent  et  sec  dans  les  régions  hautes. L'évaporation  de  l'eau  doit  être  si  rapide  que  le  calcaire  d'ail- leurs très  impur  des  infiltrations  ne  peut  se  déposer  que  sous forme  de  masse  spongieuse  et  incomplètement  cristallisée. Au  fond  de  la  grotte  nous  n'avons  trouvé  qu'un  Diplopode. Dans  une  petite  annexe  sèche  de  la  galerie  principale,  quelques Lithohius  et  non  loin  de  l'entrée,  des  Isopodes. Jeannel  et  Eacovitza. 22.  Grotte  des  Eaux- Chaudes. Située  sur  la  rive  droite  du  gave  d'Ossau,  près  Les  Eaux- Chaades,  département  des  Basses-Pyrénées,  France.  —  Alti- tude :  900  mètres  env.  —  Boche  :  Calcaire  crétacique  supérieur. —  Date  :  4  septembre  1905. Matériaux  :  Diptères,  Aptérygogéniens ,  Opilionides.  — Numéro  :  61. Cette  grotte,  aménagée  pour  les  visiteurs  sur  une  distance de  400  mètres  environ,  est  parcourue  par  un  fort  torrent  qui forme  plusieurs  cascades.   Les  concrétions  sont  rares  dans  la (1)  E.-A.  Martel.  La  Spéléologie  ou  Science  des  Cavernes.  (Collection  Scientia,  Biologie n-  8,  Paris,  Naud,  126  p.,  1900.) GROTTES  VISITEES  515 galerie,  presque  rectiligne,  très  luiiite,  à  plafond  droit  et  à  parois verticales.   Il  paraît   qu'en  escaladant  la  dernière  cascade  on peut  parcovirir  encore  des  galeries  sur  une  distance  de  500  mètres. Le  temps  nous  a  manqué  pour  contrôler  ces  renseignements. Les  animaux  recueillis  ont  été  trouvés  près  de  l'entrée,  seul endroit  où  le  terrain  est  sec. Jeannel  et  Eacovitza. 23.  Petite  Grotte  des  Eaux-Chaudes. Située  un  peu  plus  bas  que  la  précédente.  Les  Eaux-Chaudes, Basses -Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  900  mètres  env.  — Boche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  4  septembre 1906. Matériaux  :  Isopodes.  —  Numéro  :  61  Us. Un  ruisseau  parcourt  également  cette  grotte.  Par  une  entrée basse  on  pénètre  dans  un  couloir  qui  s'élargit  sur  un  des  côtés, pour  former  une  petite  salle  à  plancher  très  incliné.  Le  couloir paraît  continuer  fort  loin,  mais  il  nous  a  été  impossible  de  le suivre,  faute  de  moyens  d'éclairage  suffisants. En  face  des  gTottes  des  Eaux-Chaudes,  sur  l'autre  rive  du Gave,  il  y  a,  paraît-il,  une  fente  dans  la  falaise  qui  permet  de voir  une  vaste  salle  occupée  par  un  grand  lac.  Ce  bassin  sou- terrain doit  capter  toutes  les  précipitations  atmosphériques qui  tombent  dans  une  vallée  suspendue  située  au-dessus,  car  on ne  voit  aucun  cours  d'eau  superficiel  dans  le  thalweg  de  cette vallée.  Une  forte  source,  qui  jaillit  d'un  trou  de  la  falaise,  plus bas  que  le  niveau  du  lac,  doit  être  4'éniissaire  de  ce  réservoir. L'étude  hydrologique  de  cette  région  n'a  pas  été  faite. Jeannel  et  Eacovitza. 24.  Grotte  de  Malarode  (rive  droite). Située  sur  la  rive  droite  d'un  ravin^boisé,    à  une  heure  de marche  d'Arudy,  Basses -Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  500  mè- 516  JEANNEL  et  RACOVITZA très  eiiv.  —  Roche  :   Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  : 5  septembre  1905. Matériaux  :  Isopodes,  Oligochètes.  —  Numéros  :  64,  67. Un  couloir  d'une  cinquantaine  de  mètres,  encombré  d'éboulis et  assez  haut  de  plafond,  constitue  cette  grotte.  Pas  de  con- crétions. A  gauche  de  l'entrée,  petite  salle  humide  à  sol  couvert d'argile. Des  Isopodes  {Porcellio)  furent  capturés  près  de  l'entrée  et des  Oligochètes  vivaient  dans  l'argile,  sous  les  pierres. Jeannel  et  Eacovitza. 25.  Grotte  de  Malarode  (rive  gauche). Située  en  face  de  la  précédente,  commune  d'Arudy,  départe- ment des  Basses-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  500  mètres env.  —  Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  : 5  septembre  1905. Matériaux  :  Myriapodes.  —  Numéro  :  65. Cette  grotte  est  beaucoup  plus  vaste  que  l'autre.  L'entrée est  basse  et  conduit  dans  un  vestibule  dont  le  milieu  est  occupé par  un  puits  de  5  à  6  mètres  de  profondeur.  Ensuite  un  couloir coudé  mène,  par  des  éboulis  recouverts  d'un  manteau  stalag- mitique,  dans  une  petite  salle  revêtue  de  concrétions  et  sou- tenue par  de  beaux  piliers.  Un  passage  étroit,  entre  deux colonnes,  permet  de  descendre  dans  une  grande  salle  d'une trentaine  de  mètres  de  hauteur.  Le  plancher  et  les  parois  de celle-ci  sont  entièrement  recouverts  de  stalagmite,  sauf  quelques petits  recoins  où.  l'argile  est  à  nu. La  richesse  de  cette  grotte  eu  concrétions  de  toutes  sortes  est remarquable  ;  plusieurs  niches  dans  les  parois  ont  de  superbes stalactites.  L'humidité  est  très  grande,  mais  il  n'y  a  pas  de bassin  d'eau. GUOTTES   VISITÉES  517 Les  seuls  animaux  que  nous  ayons  rencontrés  sont  les  Typhïo- hlaniulus  (Diplopodes). Jeannel  et  Racovitza. 26.  Grotte  d'Izeste  ou  d'Arudy. Située  à  vingt  minutes  d'Arudy,  département  des  Basses- Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  500  mètres  env.  —  Roche  : Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Date  :  5  et  6  septembre  1905. Matériaux  :  Diptères,  î^yctéribies.  Coléoptères,  Aptérygo- géniens,  Myi'iapodes,  Aranéides,  Opilionides,  Acariens,  Isopodes, Mollusques,  Oligochètes.  —  Numéros  :  66,  68,  69,  70,  71,  72, 73,  74. Cette  grotte  s'ouvre  au  flanc  d'une  colline  par  un  vaste  orifice en  partie  fermé  par  un  mur  romain  (?)  qui  fut  démoli,  puis reconstruit  par  M.  Piette  pendant  les  recherches  paléontolo- giques  que  ce  savant  a  entreprises  dans  la  grotte. Un  couloir  coudé  conduit  dans  une  vaste  galerie  à  parcours rectiligne  dont  la  hauteur  atteint  certainement  30  mètres  en certains  endroits.  Le  sol  est  couvert  d'éboulis,  mais  presque horizontal  ;  les  parois  sont  en  général  verticales.  Au  fond  un monticule  formé  par  des  éboulis  recouverts  de  revêtement  stalag- mi  tique  permet  d'atteindre  le  plafond,  orné  de  stalactites.  Entre deux  stalactites  est  un  «  trou  à  vent  »  par  lequel  on  peut  aper- cevoir une  galerie  encore  inexplorée  ayant  de  vastes  propor- tions. Il  n'y  a  pas  de  concrétions  dans  le  reste  de  la  grotte,  ni de  flaques  d'eau,  quoique  les  suintements  ne  manquent  pas. Les  parois  sont  sombres,  le  sol  est  noir,  aussi  est-il  très  difficile de  s'éclairer  convenablement.  La  longueur  totale  doit  dépasser 300  mètres. Cette  grotte  doit  être  habitée  depuis  fort  longtemps  par  les Chauves-souris.  Ces  animaux  sont  accrochés  au  plafond  par milliers.  Leur  guano  couvre  le  sol  et  une  partie  des  parois,  et 518  JEANNE  L  et  RACOVITZA souvent  son  épaisseur  dépasse  30  à  40  centimètres.  Une  pluie continuelle  d'excréments  tombe  du  plafond. La  fiente  fraîche,  détrempée  par  l'eau  qui  s'égoutte  des  parois, est  couverte  de  moisissure  blanche  ;  le  guano  ancien  a  formé avec  l'argile  un  terreau  gras  et  noir. Dès  qu'on  pénètre  dans  la  grotte,  on  est  assailli  par  des  essaims de  Diptères  variés.  Les  autres  animaux  sont  nombreux  aussi, et  il  serait  difficile  de  trouver  une  station  épigée  aussi  peuplée que  cette  grotte. La  fiente  fraîche  grouille  de  larves  de  Diptères  et  de  Coléop- tères au  point  de  paraître  une  masse  vivante  ;  des  Oligochètes par  milliers  leur  tiennent  compagnie,  tandis  qu'à  la  surface, les  Coléoptères  {Lœmostenus ,  Bathyscia,  Quedius),  Acariens,  Col- lemboles,  Myriapodes,  et  des  myriades  de  Diptères  de  plusieurs espèces  courent  de  tous  les  côtés.  Les  parois  de  cette  grotte  sont couvertes  de  Diptères  ,de  Porcellio,  de  LitJioMus.  Dans  les  fentes et  encoignures,  plusieurs  espèces  d'Aranéides  tendent  leurs  toiles et  font  ample  provision  de  Mouches. De  petits  Hélicides  rampent  activement  sur  les  pierres  plus sèches.  Les  endroits  couverts  de  vieux  guano  sont  les  stations favorites  des  Gampodea,  Bathyscia  et  Collemboles. Dans  toutes  les  parties  de  la  grotte  les  animaux  sont  nom- breux, mais  là  oii  la  fiente  des  Chauves-souris  tombe  comme une  manne,  du  plafond,  c'est  le  grouillement  intense  des  foules. Jeannel  et  Racoyitza. 27.   Grotte  de  Saint-Michel. Située  sous  la  chapelle  Saint-Michel,  à  Arudy,  département des  Basses-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  400  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  crétacique  inférieur.  —  Bâte  :  6  septembre 1905 L'entrée  a  la  forme  d'une  voûte  surbaissée.  Un  trou  très  étroit conduit  dans  une  caverne  basse,  d'une  quinzaine  de  mètres  de GROTTES  VISITEES  Ô19 longueur  totale.  Le  sol  argileux  est  recouvert  d'un  revêtement stalagmitique.   Des   tranchées   artificielles   montrent   que   cette caverne   a   été   fouillée.    Aucun  animal   cavernicole   n'y   a   été trouvé. Eacovitza. 28.  Grotte  de  l'Oueil  du  Neez  ou  de  Rébénacq. Située  au-dessus  de  la  source  du  Neez,  commune  de  Eébénacq, Basses -Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  300  mètres  env.  — Boche  :  Calcaire  crétacique  moyen.  —  Date  :  7  septembre  1905. Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Opilionides,  Acariens,  Amphipodes,  Isopodes, Mollusques,  Oligochètes.  —  Numéros  :  76,  77,  78,  79,  80. Le  Neez  prend  sa  source  apparente  au  pied  d'une  petite  falaise calcaire  ;  il  a  été  démontré  que  cette  source  est,  en  réalité,  la résurgence  d'une  dérivation  souterraine  du  gave  d'Ossau.  A  peu de  distance  de  la  sortie  du  Neez  et  à  un  niveau  un  peu  supérieur se  trouve  une  grotte  sèche  de  plus  de  100  mètres  de  longueur, par  oii,  très  certainement,  le  Neez  devait  primitivement  s'écouler. L'entrée  est  une  vaste  voûte  surbaissée  pourvue  d'un  mur maçonné  dans  lequel  une  porte  a  été  ménagée.  La  grotte  a  la forme  d'un  couloir  très  long  dont  les  parois  et  le  plancher  sont recouverts  d'un  épais  revêtement  stalagmitique.  Les  concré- tions sont  nombreuses  et  variées  ;  quelques  gours,  actuelle- ment vides,  existent  sur  le  plancher.  La  galerie  se  prolonge par  une  fente  horizontale  basse  dont  le  sol  est  formé  d'argile  et de  couches  de  gravier  de  rivière.  En  creusant  une  tranchée  dans ces  dépôts,  il  serait  possible  d'arriver  au  cours  souterrain  du Neez,  qui  n'est  pas  abordable  à  son  orifice  de  sortie. De  petites  galeries  qui  se  terminent  en  cul-de-sac,  ou  qui aboutissent  à  des  fentes  de  la  falaise,  prolongent  latéralement la  galerie  principale. Les  lits  d'argile  du  fond  contiennent  beaucoup  d'ossements 520  JEANNEL  et  RACOVITZA fossiles  ;  une  mâchoire  inférieure  que  nous  avons  rapportée comme  échantillon,  a  été  déterminée  par  M.  le  professeur  Boule comme  appartenant  à  l'Ours  des  cavernes. Les  Chauves-souris  habitent  cette  grotte  ;  par  endroits  on trouve  quelques  petits  dépôts  de  guano.  La  faune  est  riche  et variée.  Dans  un  creux,  sur  l'argile  humide,  nous  avons  trouvé un  gros  Amphipode  (no  78)  parfaitement  vivant  ;  cependant aucune  flaque  d'eau  accessible  à  l'animal  n'existait  dans  le voisinage.  Sur  les  parois,  dans  une  sorte  de  mince  toile  d'Arai- gnée, se  tenait  une  larve  de  Diptère  (n^  79).  Un  Baihyscia  a  été recueilli  sou^  une  pierre. jEANNEL     et    EACOVITZA 29.  Cuevas  del  Drach. Situées  à  Porto-Cristo,  à  12  kilomètres  de  Manacor,  Mallorca, îles  Baléares,  Espagne.  —  Altitude  :  22  mètres.  —  Calcaire miocène  supérieur.  —  Dates  :  16  au  20  juillet  1904  et  26  avril 1905. Matériaux  :  Diptères,  Rhynchotes,  Myriapodes,  Aranéides, Amphipodes,  Isopodes,  Champignons.  —  Numéros  :  81,  82,  83, 84,  85,  86,  87,  88,  89. Les  célèbres  grottes  du  Dragon  ont  eu  plusieurs  historio- graphes et  pourtant  le  sujet  n'est  pas  complètement  épuisé. Comme  les  études  entreprises  par  M.  Pruvot  et  par  moi-même ne  sont  pas  encore  au  point  et  que  nous  comptons  les  compléter, je  me  borne,  pour  le  moment,  à  noter  quelques  faits  ayant  des rapports  avec  la  faune,  renvoyant  pour  le  reste  au  beau  travail de  Martel  (1),  qui  est  aussi  accompagné  de  la  carte  la  plus  com- plète qui  ait  été  publiée.  La  longueur  totale  des  galeries  explo- rées atteint  2  kilomètres,  et  les  conditions  d'existence  qu'offrent ces  souterrains  aux  animaux  sont  très  variées. (1)  E.- A.  Martel.  Les  Cavernes  de  Majorque  (Speluuca,  tome  V,  n"  32  ;  32  pp.,  8  pi.,  1  c, 1908.) GaOTTES   VISITEES  524 II  existe  en  effet  des  parties  entièrement  tapissées  de  revête- ment stalagmitique  et  de  concrétions  variées  ;  ces  régions  sont humides  et  les  plus  étendues  de  la  grotte. La  Covadonga,  par  contre,  est  une  partie  sèche  sans  concré- tions, à  plafond  très  peu  épais  puisque  les  racines  des  Lentisques le  traversent  et  pendent  en  longs  faisceaux. La  salle  des  Chauves-souris,  qui  est  à  côté,  est  également  sèche et  possède  quelques  amas  d'ancien  guano,  car  les  Chauves-souris ont  abandonné  presque  complètement  les  gTottes  du  Drach depuis  qu'elles  sont  aménagées  pour  les  touristes.  Ce  sont  ces régions  sèches  qui  sont  les  plus  riches  en  animaux.  C'est  ici  que j'ai  recueilli  les  Aranéides,  et  un  Fulgoride  certainement  tro- globie,  puisque  j'ai  capturé  en  même  temps  l'adulte  et  deux larves.  Les  petits  Diptères  {PJiora  ?)  sont  aussi  très  nombreux. Les  bassins  aqueux  sont  aussi  nombreux.  Dans  le  lago  Negro et  le  lago  de  las  Delicias  l'eau  était  douce  à  l'époque  de  notre visite.  C'est  dans  ces  lacs  que  furent  capturés  les  Isopodes  et Amphipodes.  Le  lago  Miramar,  par  contre,  était  très  légèrement saumâtre  et  aucun  animal  n'y  fut  capturé.  Le  guide  de  la  grotte m'a  dit  avoir  vu  plusieurs  fois  des  «  Anguilles  »  dans  le  lago Negro. I^ous  ne  trouvâmes  rien  non  plus  dans  les  deux  salles  qui font  suite  au  lago  Miramar,  Quelques  petits  Diptères  furent  vus sur  le  Dôme  Moragues.  Les  animaux  paraissent  donc  cantonnés dans  les  Cuevas  negras,  Cuevas  blancas  et  la  Cueva  Louis-Sal- vator,  sans  dépasser  dans  cette  dernière  le  lago  Miramar,  con- clusion d'ailleurs  toute  provisoire  car  nos  recherches  n'ont  pas été  suffisamment  prolongées. La  température  de  l'air  et  de  l'eau  variait  un  peu  d'un  lac  à l'autre. 16  juillet.  —  Lago  Negro  :  Température  de  l'air,  IS^T  C.  ; de  l'eau,  I807  C. 17  juillet.  —  Lago  Negro  :  Température  de  l'air,  18°9  ;  de l'eau,  I807. 17  juillet.  —  Covadonga  :  Température  de  l'air,  21ol. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GEN.  —  4°  SERIE.  T.  VI.  —  (VIIl).  ^7 522  JEANNEL  et  RACOVITZA 17  juillet.  —  Lago  Delicias  :  Température  de  l'air,  19o5  ;  de l'eau,  1902. 19  juillet.  —  Lago  Duchesse  de  Toscane  :  Température  de l'eau,  I908. Ces  températures  sont  très  voisines  de  celles  prises  par  Martel et  Moragues,  à  des  époques  bien  différentes  de  l'année  ;  elles démontrent  que,  contrairement  à  ce  que  l'on  a  prétendu,  la variation  de  température  est  insignifiante  dans  les  grottes  du Drach,  fait  d'ailleurs  général  et  qui  se  vérifie  pour  presque toutes  les  grottes. RACOVITZA. 30.  Grotte  du  Laura  ou  de  l'Ermite. Située  dans  un  contrefort  du  mont  Razet,  dans  la  vallée  du Careï,  commune  de  Castillou,  arrondissement  de  Sospel,  Alpes- Maritimes,  France.  —  Altitude  :  800  mètres  euv.  —  Roche  : Calcaire  jurassique  supérieur.  —  Date  :  25  septembre  1905. Matériaux  :  Diptères,  Orthoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Isopodes.  —  Numéro  :  90 L'entrée  de  la  grotte,  bien  visible  de  la  grande  route  de  Menton à  Sospel,  mais  extrêmement  difficile  d'accès,  est  une  vaste ouverture  ogivale  de  5  mètres  de  haut,  fermée  par  un  mur maçonné  et  percé  d'une  porte  et  d'une  fenêtre.  Des  inscriptions latines  et  des  traces  de  foyer  montrent  que  la  première  salle, d'une  superficie  de  15  mètres  carrés  environ,  a  été  habitée. Une  étroite  ouverture  la  fait  communiquer  avec  une  seconde salle  obscure,  située  plus  bas.  Ses  dimensions  sont  également  très restreintes.  Cette  petite  grotte  est  entièrement  sèche  et  recou- verte de  concrétions  stalagmitiques.  Il  est  possible  qu'un  rideau de  stalactite,  peut-être  peu  épais,  la  sépare  des  galeries  les  plus profondes  de  la  grotte  d'Albarea,  située  au  même  niveau,  sur le  versant  opposé  du  mont  Razet.  La  grotte  du  Laura  est  fré- GROTTES  VISITEES  523 queiitée  par  les  Chauves-soui'is,  et  les  troglophiles  y  sont  très nombreux.  A  noter  la  présence  de  Dolichojwda. A  quelques  mètres  seulement  de  l'entrée  de  la  grotte,  il  y  a, dans  la  falaise  un  simple  abri  sous  roche.  Plus  bas  encore  vers la  mer,  mais  dans  un  autre  massif,  s'ouvre  une  galerie  d'oii  s'est écoulé  un  amas  considérable  de  cailloux.  Cette  galerie,  entière- ment claire,  serait  très  peu  profonde  ;  le  temps  m'a  manqué  pour l'explorer. Jeannel. 31.  Baume  Granet  ou  Goule  de  Mougins. Située  à  cinq  minutes  au  sud  du  chef-lieu  de  la  commune  de Roquefort,  département  des  Alpes -Maritimes,  France.  —  Alti- tude :  300  mètres  env. —  Roche  :  Calcaire  jurassique  supérieur, —  Date  :  17  septempre  1905. Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Pseudoscorpionides ,  Acariens,  Isopodes, Oligochètes.  —  Numéro  :  91. Cette  grotte  (1),  très  facilement  accessible,  absorbe  par  les temps  d'orage  un  petit  ruisseau  qui  se  perd  dans  sa  profondeur. Elle  est  entièrement  éclairée  par  la  lumière  du  jour  et,  lors  de notre  visite,  elle  n'était  pas  fréquentée  par  les  Chauves-souris. Sa  longueur  totale  est  de  64  mètres.  Au  vestibule  font  suite deux  salles  ;  dans  celle  de  droite,  en  pente  ascendante,  profonde de  20  mètres  environ,  existe  un  fort  encroûtement  stalagmitique absolument  sec.  Dans  la  salle  de  gauche,  au  contraire,  le  sol est  recouvert  d'une  belle  couche  d'argile,  dans  laquelle  vient se  perdre  le  ruisseau.  C'est  sous  les  pierres  reposant  sur  cette argile  détrempée  que  j'ai  pris  la  plupart  des  Cavernicoles,  dont la  répartition  dans  la  grotte  était  déjà  parfaitement  bien  indi- (1)  J.  Gavet.  Essai  sur  la  Spéléologie  des  Alpes-Maritimes.  {Ann.  de  la  Soc.  des  Lettres des  Alpes -Maritimes,  Nice,  Malvano,  1901.) 524  JEANNE L  et  RACOVITZA quée  par  J.  Sainte-Claire-Deville  (1).  Dans  la  salle  de  droite je  n'ai  rencontré  que  des  Aranéides.  y 32.  Balme  d'Arèna. Située  dans  un  contrefort  du  mont  Oima,  au-dessus  de  la  vallée du  Paillon  de  Tourrette,  à  une  demi-heure  du  village  d'Aspre- mont,  commune  d'Aspremont,  département  des  Alpes-Mari- times, France.  —  Altitude  :  650  mètres  env.  (d'après  Sainte- Claire-Deville).  —  Roche  :  Calcaire  dolomitique  du  jurassique supérieur.  —  Date  :  20  septembre  1905. Matériaux  :  Diptères,  Siplionaptères,  Coléoptères,  Aptéry- gogéniens,  Aranéides.  —  Numéro  :  92. Cette  grotte,  une  des  plus  vastes  des  Alpes-Maritimes,  est constituée  par  un  point  d'absorption,  La  résurgence  des  eaux se  ferait,  dit-on,  sur  l'autre  versant  du  mont  Cima,  dans  la vallée  du  Var.  La  longueur  totale  praticable  de  l'excavation  est de  150  mètres  environ.  Une  rapide  descente  conduit  dans  un vestibule  encombré  de  blocs  détachés  par  le  travail  des  eaux. Ensuite  une  salle,  toujours  déclive,  limitée  par  une  voûte  élevée de  10  mètres  environ,  ijrésente  quelques  belles  stalactites,  mais les  concrétions  y  sont  peu  abondantes,  et  la  paroi  est  la  plupart du  temps  sèche  et  nue. L'exploration  méthodique  des  parties  les  plus  basses  m'a permis  de  constater  qu'il  n'existe  pas,  au  fond  de  la  grotte,  de gouffre  profond,  inexploré,  comme  le  prétend  la  Semaine  Niçoise du  19  janvier  1901  (2).  Les  parties  les  plus  humides,  et  particu- lièrement les  roches  de  l'entrée,  sont  habitées  par  de  très  nom- breux Coléoptères  aveugles.  Les  autres  animaux  proviennent des  régions  les  plus  inférieures,  surtout  de  celles  encroûtées  de stalagmite. Jeannel. (1)  J.  Sainte-Claire-Deville.  Exploration  entomologiriue  des  grottes  des  Alpes-Maritimes) [Ann.  Soc.  ent.  de  France,  tome  LXXI,  pp.  C95-709,  1902.) (2)  E.-A.  Martel.  La  Spéléologie  au  xx«  siècle.  (Spelunca,  tome  VI,  p.  151.) GROTTES   VISITEES  525 33.  Baume  du  Colombier. Située  dans  la  commune  de  Eoquefort,  département  des Alpes -Maritimes,  France.  —  Altitude  :  200  mètres  env.  — Boche  :  Calcaire  jurassique  supérieur.  —  Date  :  17  septembre 1905. Matériaux  :  Coléoptères,  Psocides,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Opilionides,  Isopodes.  —  Numéro  :  93. Cette  petite  grotte  n'avait  jamais  été  explorée.  Autrefois sans  issue,  elle  a  été  découverte  par  hasard,  dans  le  courant  de Tannée  1905,  en  creusant  le  sol  dans  la  propriété  du  curé  du village  du  Plan  du  Colombier.  On  y  accède  par  un  orifice  étroit et  vertical  qui  conduit  dans  une  petite  salle  très  irrégulière,  de 10  mètres  de  longueur,  et  dont  la  voûte  ne  doit  pas  présenter plus  de  2  mètres  d'épaisseur.  Son  élévation  est  de  2  mètres  au maximum  et  dans  bien  des  endroits  on  est  contraint  de  se  tenir courbé.  Cette  curieuse  excavation  est  entièrement  recouverte de  concrétions.  De  nombreuses  stalactites  pendent  de  la  voûte,  et la  plupart  sont  parcourues  dans  leur  canal  central  par  les  racines des  pins  qui  poussent  au-dessus.  De  gros  paquets  de  racines pendent  ainsi  vers  le  sol  et  beaucoup  sont  fixés  au  plancher, traversant  donc  la  grotte  de  part  en  part.  Cette  petite  forêt souterraine  sert  d'asile  à  de  nombreux  Isopodes  qui  courent dans  les  radicelles.  Les  habitants  de  cette  grotte  sont  nombreux et  certains  sont  même  de  véritables  troglobies  (Coléoptères, Isopodes). Jeannel. 34.  Grotte  d'Albarea. Située  dans  le  vallon  d'Albarea,  commune  de  Sospel,  Alpes- Maritimes,  France.  —  Altitude  :  800  mètres  env.  —  Roche  : Calcaire  jurassique  supérieur.  —  Date  :  25  septembre  1905. 526  JEANNEL  et  RACOVITZA Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Orthoptères,  Aptérygo- géaiens.  Myriapodes,  Arauéides,  Isopodes,  Mollusques.  — Numéro  :  95. La  grotte  s'ouvre  à  quelques  mètres  au-dessus  du  sentier muletier  qui  monte  au  col  du  Razet.  Il  est  vraisemblable  qu'elle communique,  au  moins  par  des  fissures,  avec  la  grotte  du  Laura. On  y  accède  par  un  étroit  couloir  absolument  sec.  Cette  grotte présente  deux  étages,  mais,  faute  d'outillage  spécial,  je  n'ai  pas  pu parvenir  à  l'étage  supérieur  et  je  n'ai  exj)loré  que  les  deux  salles inférieures,  dont  le  développement  total  est  d'environ  60  mètres. La  première  est  occupée  par  un  talus  de  cailloutis  et  d'argile. La  seconde,  plus  élevée  et  bien  plus  vaste,  présente  un  sol  très irrégulier,  encombré  d'énormes  blocs  de  rocher  détachés  de la  voûte.  Pas  de  concrétions  ni  stalactites,  sauf  dans  un  petit cul-de-sac  absolument  sec  situé  au  fond  de  cette  seconde  salle* L'escalade  d'un  rocher  à  pic  de  plus  de  3  mètres  donnerait  accès à  l'étage  supérieur.  Cette  grotte  a  été  fouillée  au  point  de  vue préhistorique  par  M.  Rivierre  (1877).  J'y  ai  récolté  de  nom- breuses dents  de  Mammifères. La  faune  actuelle  est  très  riche.  J'ai  pris,  dans  la  deuxième salle,  un  bel  Orthoptère  du  genre  Dolichopoda,  et  de  nombreux Silphides  cavernicoles  sous  des  débris  de  bois  pourri.  Malgré  les recherches  les  plus  minutieuses,  il  m'a  été  impossible  d'y  retrou- ver le  TrecJius  {Anophthalmus)  Cailloli  Dev.,  forme  très  inté- ressante et  spéciale  à  cette  grotte.  Les  Aptérygogéniens  étaient abondants  dans  les  débris  de  bois  ;  les  Isopodes  se  tenaient plutôt  sous  les  pierres  dans  les  deux  salles. jEANNEL. 35.  Grotte  de  l'Herm. Située  dans  la  commune  de  l'Herm,  près  de  Foix,  Ariége, France.  —  Altitude  :  550  mètres  env.  —  Boche  :  Calcaire  basique. —  Date  :  30  septembre  1905. GROTTES  VISITEES  527 Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Opilionides,  Pseiidoscori)ionides,  Isojjodes, Mollusques.  —  Numéro  :  94. Je  n'ai  pu  faire,  dans  cette  immense  caverne,  qu'un  très court  séjour,  simple  visite  de  touriste,  et  cela  explique  la  pau- vreté de  ma  récolte  dans  une  grotte  dont  la  faune  est  si  riche. Aussi  je  me  borne  simplement  à  la  citer  ;  elle  est  d'ailleurs  une des  mieux  connues  de  toutes  les  Pyrénées,  au  point  de  vue  géo- graphique, et  je  me  propose  d'en  faire  prochainement  l'objet d'une  étude  biospéologique  plus  approfondie. Jeannel. 36.  Cueva  del  Agua. Située  sur  le  flanc  du  Monte  Mongô,  commune  de  Dénia,  pro- vince d'Alicante,  Espagne.  —  Altitude  :  400  mètres  env.  — Boche  :  Calcaire  crétacique.  —  Date  :  4  janvier  1906. Matériaux  :  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Aranéides,  Iso- podes,  Oligochètes.  —  Numéros  :  115,  116,  117. La  grotte  est  creusée  dans  une  falaise  à  pic,  probablement sur  le  parcours  d'une  faille.  Elle  a  dû  servir  de  lit  à  un  ruisseau souterrain,  car  un  ravin,  maintenant  complètement  à  sec, s'amorce  à  l'entrée  de  la  grotte. Un  couloir  coudé,  qui  se  termine  par  un  trou  circulaire  lais- sant voir  un  petit  bassin  d'eau,  constitue  toute  la  grotte  acces- sible. Des  travaux  ont  été  effectués  pour  capter  l'eau,  sans succès  d'ailleurs. Au  fond  de  la  grotte  il  ne  règne  qu'une  demi-obscurité.  Un petit  filet  d'eau  court  sur  le  plancher.  Les  animaux  recueillis ont  été  trouvés  au  fond  de  la  grotte,  sur  les  parois  et  sous  les pierres. Racovitza. 528  JEANNEL  et  RACOVITZA 37.  Cueva  sans  nom. Située  un  peu  en  dessous  de  la  précédente,  à  Dénia,  province d'Alicante,  Espagne.  —  Altitude  :  400  mètres  env.  —  Boche  : Calcaire  crétacique.  —  Date  :  4  janvier  1906. Matériaux  :  Myriapodes,  Aranéides,  Isopodes.  —  Numéros  : 118,  119,  120. Cette  grotte  est  peu  profonde  (une  trentaine  de  mètres)  et consiste  aussi  en  une  galerie  coudée.  Elle  est  complètement sèche  et  le  sol  est  couvert  de  cette  poussière  argileuse  qui  pro- vient, dans  les  cavernes,  de  la  décomposition  du  calcaire  sous l'action  de  l'air  humide. Les  Araignées  y  sont  extrêmement  nombreuses,  mais  comme les  autres  animaux  capturés,  il  est  douteux  qu'elles  soient  de vraies  troglobies. Bacovitza. 38.  Cueva  de  Andorial. Située  sur  la  propriété  nommée  Andorial,  partida  de  Santa Paula,  Dénia,  proviucia  de  Alicante,  Espagne.  —  Altitude  : 50  mètres  env.  —  Boche  :  Calcaire  crétacique.  —  Bâte  :  4  janvier 1906. Matériaux  :  Coléoptères,  Aranéides,  Isopodes.  —  Numéros  : 121,  122. Un  propriétaire  de  vignes,  Francisco  Prefaci  y  Eibes,  eu  vou- lant creuser  une  citerne,  il  y  a  deux  ans,  trouva  la  grotte  après avoir  atteint  quelques  mètres  de  profondeur  ;  cette  cavité  était donc  complètement  fermée.  Le  propriétaire  a  construit  une margelle  autour  de  l'orifice  qui  est  maintenant  fermé  par  un panneau  en  bois.  On  descend  d'abord  dans  le  puits  artificiel  de 3  mètres,  creusé  dans  le  calcaire  fendillé  et  mêlé  de  terra  rossa, puis  par  une  cheminée  naturelle  de  5  mètres  ayant  environ [ GROTTES   VISITEES  529 1  mètre  de  largeur.  On  pénètre  ainsi  dans  une  petite  salle  où s'amorcent  deux  couloirs  peu  profonds.  Cette  descente  continue conduit  à  environ  17  mètres  de  la  surface. Les  concrétions  sont  nombreuses  et  de  toute  beauté.  Il  y  a des  stalactites  de  forme  conique,  d'autres  en  draperie  et  des parois  entières  couvertes  d'un  revêtement  stalagmitique  à beaux  cristaux  brillants.  Dans  les  stalactites  blanches  ou  grises on  remarque  souvent  des  zones  vertes  dues  probablement  à des  infiltrations  cupriques. Le  sol  est  aussi  stalagmitique,  mais  il  y  a  cependant  quelques parties  argileuses.  Le  suintement  de  l'eau  est  faible  ;  une seule  petite  flaque  d'eau  existe  dans  un  coin. La  température  extérieure  était  de  17°  C,  celle  du  fond  de  la grotte  de  20^  0.  ;  mais  ce  dernier  chiffre  est  probablement  trop haut.  Nous  avions  plusieurs  bougies  allumées  et  cela  suffit  pour élever  la  température  dans  une  petite  grotte. Un  Coléoptère  fut  trouvé  mort,  à  la  surface  de  la  flaque d'eau. Eacovitza. 39.  Grotte  d'Oxibar. Située  à  proximité  de  la  ferme  d'Oxibar,  commune  de  Camou- Cihigue,  Basses-Pyrénées,  France.  —  Altitude  :  600  mètres.  — Roche  :  Calcaire  probablement  crétacique  (d'après  Martel)  (1). —  Dates  :  25  septembre  1904,  l^^  janvier  1905  et  l^r  janvier 1906. 3Iatériaux  :  Coléoptères,  Aptérygogéniens ,  Myriapodes, Aranéides,  Acariens,  Isopodes,  Amphipodes,  Mollusques.  — Numéro  ;  127. A  trois  reprises  différentes  et  en  des  saisons  diverses,  j'ai pu   explorer  cette  grotte  en  détail    au    moyen   de   pièges   et (1)  E.-A  Martel.  La  Spéléologie  au  xx'  siècle.  (Spelunca,  tome  VI,  n    41.) 530  JEANNEL  et  RACOVITZA d'appâts,  et  je  l'ai  trouvée  aussi  peuplée  en  septembre  qu'en janvier.  Son  entrée  est  constituée  par  un  étroit  trou  vertical de  2  mètres  de  profondeur  dissimulé  dans  les  buissons.  Deux fentes  donnent  encore  accès  à  la  lumière  dans  un  vestibule bas  de  plafond,  où  le  sol  est  entièrement  formé  de  crottins de  chèvres  desséchés.  La  grotte  est  formée  de  deux  salles sensiblement  égales,  réunies  par  un  étroit  couloir  percé  à  travers un  rideau  de  stalactites.  Elle  est  en  pente  ascendante  dans  son ensemble,  de  l'entrée  vers  le  fond,  et  semble  entièrement  due  à l'action  des  eaux  souterraines.  La  première  salle,  longue  de 30  mètres,  large  de  10,  haute  de  8  mètres  environ,  est  dépourvue de  concrétions.  Le  sol  d'argile  est  jonché  de  nombreuses  pierres et  de  rochers.  La  deuxième  salle,  de  mêmes  dimensions,  mais plus  en  pente,  présente  au  point  de  vue  des  conditions  d'habitat deux  régions  bien  distinctes.  A  son  entrée  est  un  banc  d'argile oii  des  fouilles  ont  été  pratiquées.  Au  fond  et  à  gauche  s'élève un  gros  massif  stalagmitique  ;  les  concrétions  et  stalactites  y abondent.  Partout  l'humidité  est  grande,  et  de  nombreux  débris de  paille  et  de  végétaux  apportés  du  dehors  fournissent  nourri- ture et  abri  aux  nombreux  habitants  de  la  caverne.  Il  n'y  a  pas trace  de  Chauves-souris. Je  puis  préciser  assez  exactement  les  conditions  d'habitat des  différentes  espèces  animales  qui  représentent  sa  faune  aqua- tique et  terrestre. 1°  Animaux  aquatiques  :  J'ai  toujours  trouvé  des  Amphipodes, faciles  à  attirer  par  les  pièges,  dans  un  petit  gour  situé  dans  la première  salle  le  long  de  sa  paroi  de  droite.  Il  est  à  noter  que la  lumière  extérieure  pénètre  jusqu'en  cet  endroit.  Par  contre, dans  les  flaques  d'eau  du  fond  de  la  deuxième  salle,  se  tiennent de  nombreux  Asellides.  Il  m'a  semblé  voir  aussi  des  Copépodes. 20  Animaux  terrestres  :  Près  de  l'entrée,  sous  les  feuilles sèches  et  le  crottin  vivent  des  Coléoptères  lucifuges  {Antispho- drus,  Atheta,  Bathyscia),  des  Lithobius,  des  grands  Aranéides. Dans  la  première  salle,  je  n'ai  jamais  pris  de  \Tais  troglobies  ; mais   ceux-ci  sont    nombreux   dans  la  seconde  salle.  J'ai  pu I GROTTES  VISITEES  531 observer  là,  très  sûrement,  que  les  Carabiques  du  genre AntispJiodriis  se  tiennent  enfouis  dans  l'argile.  C'est  en  eiïet sous  mes  yeux  qu'ils  en  sortaient,  immédiatement  attirés  par Todeur  des  apjjâts.  Par  contre  les  Bathyscia  et  Aph,œnoj)s  ont toujours  été  trouvés  courant  sur  les  concrétions  humides,  mais surtout  dans  les  débris  de  paille.  Les  Aphœnops  ont  été  attirés à  deux  reprises  par  les  pièges. Dans  les  mêmes  conditions,  vivent  à  cet  endroit  et  en  gi-and nombre,  les  Aptérygogéniens,  Diplopodes,  Aranéides,  Isopodes terrestres.  Mollusques.  Citons  encore  deux  larves  de  Carabiques trouvées  mortes  au  fond  de  la  grotte  sur  une  flaque  d'eau. Je  note  ici,  qu'à  mon  avis,  à  part  les  véritables  AnopMlialmus , tous  les  Coléoptères  sont  attirés  par  les  appâts.  Mais  si  les  Sil- phides  séjournent  sur  leur  nourriture,  il  n'en  est  pas  de  même des  Carabiques  {Antisphodrus,  Aphœnops)  ;  ceux-ci,  en  effet, attirés  beaucoup  plus  vite  que  les  Silphides,  regagnent  bientôt leurs  retraites,  emportant  souvent  avec  eux,  dans  leurs  mandi- bules, des  parcelles  de  nourriture,  comme  j'ai  eu  l'occasion  de l'observer  dans  la  grotte  d'Istaiirdy.  De  là  l'utilité  d'employer des  pièges  et  non  des  appâts  pour  les  capturer. Il  existe  encore,  autour  du  village  de  Camou-Cihigue,  de nombreuses  grottes  inexplorées,  au  moins  quant  à  leur  faune. De  l'unes  d'elles,  située  dans  le  village,  sort  une  source  salée. Il  est  probable  que  leur  exploration  donnera  lieu  à  de  nouvelles découvertes,  surtout  si  l'on  songe  que  la  faune  si  riche  de  la grotte  d'Oxibar  était  encore  totalement  inconnue  il  y  a  un  an. Jeannel. 40.  Grande  Grotte  Lecenoby. Située  dans  le  versant  nord  du  Pic  des  Vautours,  commune d'Aussurucq,  arrondissement  de  Mauléon,  Basses-Pyrénées, France.  —  Altitude  :  850  mètres.  —  Roche  :  Calcaire  crétacique supérieur.  —  Date  ;  2  et  3  janvier  1906. 532  JEANNE L  et  RACOVITZA Matériaux  :  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Ara- aéides.  Acariens,  Oligochètes.  —  Numéro  :  128. Sur  le  versiiut  uord  du  pic  des  Vautours,  au-dessus  du  village d'Aussurucq,  s'ouvrent  dans  un  bois  de  hêtre  une  série  d'exca- vations. Il  existe  successivement  de  l'est  à  l'ouest,  sur  la  même assise,  un  abîme  et  trois  grottes.  De  celles-ci,  la  plus  orientale est  notre  grotte  n"  41  ;  celle  du  centre  est  représentée  par  deux courtes  galeries  claires,  sans  aucun  intérêt  ;  enfin  la  plus  occi- dentale est  la  grotte  n^  40,  qui  nous  occupe  ici. Cette  grotte  est  appelée  par  C.  Dupau  grotte  de  Belhy  (1). Elle  s'ouvre  cependant  dans  la  montagne  sur  le  versant  opposé à  la  ferme  de  Belhy,  et  les  gens  du  pays  me  l'ont  toujours nommée  Lecenoby. Deux  entrées  donnent  accès  dans  un  vaste  vestibule  d'où partent  deux  galeries.  Celle  de  gauche,  étroite  et  basse,  est  sèche et  recouverte  de  concrétions  stalagmitiques.  Elle  présente  une profondeur  de  20  mètres  environ.  Quant  à  la  galerie  de  droite, elle  est  beaucoup  plus  vaste  et  j'ai  pu  la  suivre  pendant près  de  cent  mètres.  Le  sol  est  recouvert  d'argile,  très  humide par  places,  et  de  gigantesques  rochers,  détachés  de  la  voûte, obstruent  presque  entièrement  la  galerie.  Le  fond  de  la  grotte est  fermé  par  des  pentes  de  stalactites  que  je  n'ai  pas  pu  esca- lader, faute  d'échelles.  De  nombreux  squelettes  de  bœufs  gisent sur  le  sol.  Près  de  l'entrée  vivent  de  nombreux  Coléoptères troglophiles,  ainsi  que  des  Aptérygogéniens,  Myriapodes,  Ara- néides.  Acariens.  Dans  la  grotte  nous  avons  pris  sur  les  pièges, au  fond  de  la  galerie  de  droite  des  BatJiyscia  et  deux  AntispJio- drus  dans  la  galerie  de  gauche. Jeannel. 41.  Petite  Grotte  Lecenoby. Située  dans  la  commune  d'Assurucq,  arrondissement  de  Mau- (1)  c.  DUFAU.  Grotte  et  abiiiies  du  pays  basuue.  (Spelutica,  tome  V,  p.  69.) GROTTES  VISITÉES  533 léon.   Basses -Pyrénées,   France.   —  Altitude  :   580   mètres.   — Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  —  Date  :  2  et  3  janvier  190G. Matériaux  :  Diptères,  Coléox3tères ,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Aranéides,  Acariens,  Amphipodes.  —  Numéro  :  129. Cette  petite  grotte  est  constituée  par  une  galerie  longue  de 50  mètres  environ,  haute  de  1  mètre  dans  son  premier  tiers, remarquablement  régulière  dans  sa  forme,  plus  haute  et  large de  2  mètres  environ  dans  ses  deux  autres  tiers.  Deux  petites salles  existent  sur  son  trajet,  et,  dans  la  seconde,  de  petits gours  pleins  d'eau  donnent  abri  à  des  Niphargus.  Pas  de  concré- tions stalagmitiques  ;  le  fond  de  la  grotte  est  fermé  par  un dépôt  d'argile. Dans  le  couloir  d'entrée, fréquenté  par  les  Chauves- souris,  vivent  des  Coléoptères  troglophiles  et  même  de  vrais Troglobies.  J'ai  pris,  à  2  mètres  de  l'entrée,  un  AntispJiodrus navaricus  Vuill.  et  une  larve  de  Carabique  semblable  à  celles trouvées  dans  la  grotte  d'Oxibar.  Dans  ce  couloir  vivent  encore en  très  grand  nombre  les  Aptérygogéniens,  Myriapodes  et  Ara- néides. Tout  à  fait  au  fond  de  la  grotte  quelques  Bathyscia furent  trouvés  sur  un  appât.  Enfin  la  grotte  est  fréquentée  par de  grands  Némocères  et  des  Tinéides. Jeannel. 42.  Grotte  d'Istaiirdy. Située  à  proximité  du  Cayolar  d'Istaiirdy,  près  d'Ahusguy, arrondissement  de  Mauléon,  Basses-Pyrénées,  France.  —  Alti- tude :  900  mètres.  —  Roche  :  Calcaire  crétacique  supérieur.  — Date  :  l^r  et  2  janvier  1905. Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Aptérygogéniens,  Myria- podes, Ai'anéides,  Pseudoscorpionides,  Acariens,  Isopodes,  Oli- gochètes.  —  Numéros  :  130,  131. Cette  grotte  s'ouvre  au  fond  d'un  vaste  puits  formé  par  le tassement  et  l'effondrement  de  la  voûte  d'une  cavité  naturelle  ; 534  JEANNEL  et  RACOVITZA elle  apparaît  donc  comme  un  aven  large  de  8  mètres  et  profond de  7  à  8  mètres,  dont  le  fond  est  occupé  par  un  large  cône d'éboulis.  On  y  accède  par  une  petite  ouverture  latérale,  sans avoir  besoin  d'aucun  agrès.  Sur  toute  la  circonférence  de  l'aven partent  de  petites  galeries  latérales.  Au  N.  s'ouvre  une  toute petite  salle  absolument  sèche,  recouverte  de  concrétions  et absolument  inhabitée.  Au  N.-E.  monte  une  galerie  très  inclinée à  sol  formé  par  une  pente  de  cailloutis.  Au  S.  descend  une  petite galerie  vite  bouchée  par  l'argile,  enfin  au  S.-E,  s'ouvre  au  milieu des  blocs  éboulés  une  petite  salle  située  en  contrebas  de  toutes les  précédentes. Dans  les  feuilles  sèches  qui  recouvrent  le  cône  d'éboulis  situé à  ciel  ouvert,  j'ai  pris  en  tamisant  de  nombreux  Coléoptères, Myriapodes,  Aptérygogéniens,  Aranéides,  Pseudoscorpionides (no  130).  Quant  aux  vrais  troglobies  (n^  131),  ils  étaient  nom- breux dans  la  galerie  N.-E,  et  la  salle  S.-E.  Les  Oligochètes  et les  Isopodes  ont  été  pris  sur  les  parois.  Dans  la  galerie  N.-E. vivent  dans  les  cailloutis  AntispJiodrus  et  Bathyscia.  Dans  la salle  S.-E.  un  appât  a  attiré  18  Ayitis'phodrus  navaricus  Vuill. que  j'ai  tous  trouvés  à  deux  mètres  de  l'appât  sous  des  pierres visitées  la  veille.  La  plupart  tenaient  encore  dans  leurs  mandi- bules des  parcelles  de  fromage.  Ajoutons  que  M.  P.  Nadar  a trouvé  dans  cette  grotte  trois  espèces  de  Coléoptères  que  je  n'y ai  moi-même  jamais  repris  ;  ce  sont  Pterostichus  Nadari  Vuill., Aphœnops  Jeanneli  Ab.  et  Bathyscia  Mascarauxi  Dev. Jeannel. 43.  Grotte  d'Alçaleguy. Située  au-dessus  de  la  ferme  d'Alçaleguy,  commune  de  Alçay, arrondissement  de  Mauléon,  Basses-Pyrénées,  Franco.  —  Alti- tude :  750  mètres.  —  Roche  :  Calcaire  jurassique.  —  Date  :  2  janvier 1906. C'est  un  immense  abri  sous  roches.  Toutefois  du  milieu  d'un énorme    chaos   de   rochers   éboulés,  entassés   en    équilibre  peu GROTTES  VISITÉES  535 stable,  souffle  un  violent  courant  d'air  froid  venant  des  profon- deurs de  la  montagne.  Les  paysans  racontent  que  des  Chiens s'y  sont  perdus  autrefois  à  la  poursuite  d'un  Renard.  Un  ébou- lement  partiel  semble  avoir  achevé  de  fermer  cette  grotte,  et c'est  avec  peine  que  les  Chauves -souris  y  pénètrent.  Je  crois qu'il  serait  facile  d'arriver  à  se  frayer  un  passage  qui  permet, trait  d'accéder  à  une  caverne  immense  si  on  en  croit  les  gens du  pays,  qui  affirment  que  la  fumée  des  feux  faits  à  Alçaleguy ressort  par  les  avens  ouverts  sur  le  plateau  sus-jacent. Dans  le  même  massif  j'ai  pu  constater  la  présence  de  gouffres nombreux  ;  je  cite  les  principaux,  comme  indication  aux confrères  qui  visiteraient  la  région.  Ce  sont  : Gouffre  de  Belhy;  gouffre  d'Harribilibil  ;  gouffres  d'Ahusguy; gouffre  d' Alçaleguy.  Ces  deux  derniers  seraient  en  communica- tion avec  la  grotte  d'Alçaleguy.  Gouffre  du  Cayolar  d'Udoy  ; gouffre  du  Cayolar  d'Ubinge  (1). Enfin  à  Irriberry,  près  de  Saint-Jean-Pied-de-Port,  se  trouve dans  la  propriété  de  M.  Carricaburu,  une  petite  grotte  oii  il  a été  découvert  récemment  une  nouvelle  espèce  de  Coléoptères cavernicoles  :  Bathyscia  Elgueae  Ab.  De  plus,  tout  le  plateau d'Ahusguy  et  d'Istaûrdy  ainsi  que  les  cimes  voisines  se  trouvent creusés  de  centaines  de  grands  entonnoirs  qui  forment  des points  d'absorption  dus  au  tassement  des  cavités  souterraines. Jeannel. 44.  Catacombes  de  Bicêtre. Situées  sous  l'hospice  de  Bicêtre,  dans  la  commune  de  Krem- lin-Bicêtre,  département  de  la  Seine,  France.  —  Altit/ude  : 60  mètres  env.  —  Roche  :  Calcaire  grossier  du  lutétien  inférieur et  moyen,  —  Date  :  Hiver  1905,  été  1906, (1)  De  nombreuses  grottes  et  surtout  des  gouffres  souvent  fort  profonds  sont  cités  dans  le mémoire  de  C.  DuFAU,  Grottes  et  abîmes  du  Pays  basque.  (Spelunca,  V,  n°  37,  pp.  69-84.) 536  JEANNEL  et  RACOVITZA Matériaux  :  Diptères,  Coléoptères,  Myriapodes,  Arauéides, Acariens,  Isopodes.  —  Numéro  :  132. Ce  sont  des  séries  de  galeries  labyrinthiques,  restes  d'anciennes carrières  ;  ces  galeries,  souvent  très  basses,  s'élargissent  par place  en  salles  assez  vastes  et  élevées.  En  cinq  endroits  elles sont  aérées  par  les  anciens  puits  d'exploitation,  simplement fermés  par  une  plaque  de  fonte  percée  d'un  orifice  en  son  centre. Je  ne  connais  pas  à  ces  souterrains  d'autre  communication  avec l'extérieur  que  ces  orifices  des  puits  et  pourtant,  à  deux  reprises, il  m'est  arrivé  d'y  capturer  des  Chauves -souris.  Il  est  possible qu'il  y  ait  une  communication  inconnue  avec  les  Champignon- nières de  Gentilly,  et  l'on  aurait  ainsi  une  explication  facile  du peuplement  de  ces  cavité  souterraines. Les  conditions  d'existence  y  sont  très  variables.  Au  voisinage des  puits  les  débris  organiques  attirent  de  nombreux  Coléoptères {Lœmostenus,  Quedim),  des  Myriapodes  {Lithobius) ,  quelques Arauéides,  des  Isopodes  {Porcellio),  des  Acariens.  Les  murs  sont parfois  recouverts  d'innombrables  Diptères.  Dans  d'autres endroits,  sur  les  bois  vermoulus  provenant  des  anciens  étais, s'est  développée  une  remarquable  flore  cryptogamique  et  sous l'abri  qu'ils  forment  habitent  des  troglophiles  variés.  Coléop- tères {Anommatus),  Aptérygogéniens,  Myriapodes  (Diplopodes), Arauéides  et  Acariens. Enfin,  dans  les  régions  les  plus  profondes,  au-dessous  des bancs  à  glauconie,  le  sol  des  galeries  est  formé  de  marnes  sur lesquelles  se  rassemblent  les  eaux.  Au  voisinage  des  petits  bas- sins permanents  et  relativement  profonds,  se  trouve  une  faune toute  différente  de  Coléoptères  [Tr échus),  d' Aptérygogéniens, de  Myriapodes  {Polydesmus) ,  d'Acariens,  d'Aranéides  et d'Isopodes  ( Trichoniscus). Jeannel. ARCHIVES  DE  ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE IV«  Série,  Tome  VI,   p.  537  à  553 ■30  M(ii  1907 BIOSPEOLOGIGA ARANEÂE,  f-HERNETES  ET  OPILIONES (PREMIÈRE    SÉRIE) PAR E.  SliVlUN Ordo  ARANEAE Familia     SICARIIDAE LOXOSCELES  RUFESCENS  (L,  Dufor^\ Cueva  sans  nom.  Dénia,  prov.  d'Alicante,  Espagne,  4-1-1906, no  119. Cette  espèce,  non  cavernicole,  mais  toujours  lucifuge,  a  été trouvée  dans  les  grottes  de  la  province  d'Alicante. Familia  LEPTONETIDAE Leptoneta  Min  os  E.  Simon. in  Ann.  Soc.  ent.  Pr.,  1882,  p.  202. Grotte  de  l'Herm,  Herm,  dép.  Ariège,  France,  30-IX-1905, no  94. Cette  espèce  a  un  habitat  fort  étendu  car  nous  l'avions  trouvée antérieurement  dans  plusieurs  grottes  de  l'Ariége,  de  l'Aude U)  Voir  pour  Bioapéologica  I  et  II  ces  Archives,  Tome  VI,  u*  7  et  8 ARCH.    DE  ZOOL.    EXP.    ET    GÉN.   l^e    SEKIE.    —   T.    VI.   (iX).  38 538  E.  SIMON et  des  Pyrénées-Orientales  ;  elle  se  rencontre  parfois  aussi  sous les  grosses  pierres  et  dans  les  mousses  en  dehors  des  grottes. L.  Jeanneli,  sp.  nova. (S  p,  long.  2  ""^  5.  —  Céphalothorax,  sternum,  chelaeque pallide  fulvo-rufescentia.  Abdomen  cinereo  fulvum.  Pedes  lutei, subpellucentes ,  femoribus  leviter  obscurioribus  et  olivaceis. Céphalothorax  sternumque  subtilissime  coriacea  sed  regione frontali  laevi  et  nitida.  Oculi  cuncti  minutissimi,  haud  nigro- marginati,  portici  ab  anticis  non  longe  remoti.  Pedum  femora mutica,  antica,  subtus  ad  marginen  exteriorem,  granulis  nigris seriatis  munita.  Pedum-maxillarium  maris  tibia  patella  paulo longior,  tarsus  processu  grosso,  subgloboso,  aculeo  sat  longo (basi  vix  breviore),  infra  directo  et  subrecto,  munito. Grotte  de  Gargas,  Gargas,  dép.  Hautes-Pyrénées,  France, 30-VII-1905,  no  2. Cette  espèce  se  rapproche  de  L.  microphthalma  E.  Sim.  (1), par  ses  yeux  très  petits,  presque  oblitérés  et  non  pigmentés  ; elle  en  diiïère  par  sa  taille  plus  petite,  ses  yeux  postérieurs moins  éloignés  de  ceux  du  premier  groupe,  ses  fémurs  dépourvus d'épines  mais  armés  en  dessous  (surtout  chez  le  mâle)  de  granu- lations noires  sériées  assez  fortes,  ses  tibias  antérieurs  sans épines  latérales,  les  postérieurs  pourvus  d'une  épine  latérale subapicale  et  d'une  dorsale,  le  tibia  de  la  patte-mâchoire  du mâle  i)lus  court,  cependant  un  peu  plus  long  que  la  patella, la  saillie  externe  du  tarse  plus  courte  mais  plus  convexe,  sub- globuleuse et  prolongée  par  une  forte  épine  presque  droite, presque  aussi  longue  que  la  base. L.  LEUCOPHTHALMA,  Sp.  nOVa. d"  p,  long.  2  ""„;  5. —  Céphalothorax,  sternum,  chelae,  pedesque pallide  lutea,  subpellucentia.  Céphalothorax  sternumque  subti- lissime coriacea  sed  regione  frontali  laevi  et  nitida.  Oculi  qua- (1)  Espèce  commune  dans  les  grottes  de  l'Ariége,  cf.  Ann.  Soc  ent.  Fr.,  1872.  p.  480.  pi.  16 £f.  17-19 ARANEAE,  CHERNETES  ET  OPI LIGNES  539 tiior  antici  postice  uigro-marginati,  oculi  postici  minutissimi  fere punctiformes  haiid  nigro-limbati,  ab  anticis  spatio  oculo  laterali antico  saltem  duplo  latiore  distantes.  Pedum  femora  haud  acu- leata,  antica  maris,  grauulis  nigris  setiferis  subtus  munita. Pedum-maxillariiiin  maris  tibia  patella  longior,  tarsus  processu crasso  subgloboso,  spiiia  nigra  sinuosa  armato,  extus  ad  apicem munitus. Cueva  de  las  Devotas,  Lafortunada,  prov.  Hiiesca,  Espagne, 13-VIII-1905,  no  33. Assez  voisin  de  L.  Aheillei  E.  Simon,  dont  il  diffère  par  l'in- tervalle des  deux  groupes  oculaires  ayant  au  moins  deux  fois (ou  un  peu  plus)  le  diamètre  des  latéraux  du  premier,  les  yeux postérieurs  encore  plus  petits  et  non  liserés  de  noir. La  patte-mâchoire  du  mâle  ressemble  beaucoup  â  celle  de L.  Aheillei,  la  saillie  externe  du  tarse  est  cependant  un  peu plus  globuleuse  mais  elle  est  également  prolongée  par  une  épine noire  un  peu  sinueuse. L.  CRYPTICOLA,  sp.  nova. d"  p,  long.  2  %  5.  —  Fulvo-testacea,  oculis  anticis  postice auguste  nigro-marginatis ,  abdomine  cinereo-albido.  Céphalo- thorax sternumque  subtilissime  coriacea.  Oculi  postici  ab  an- ticis spatio  oculo  laterali  antico  paulo  (non  duplo)  latiore  dis- tantes. Pedes  femora  aculeis  carentia,  antica  maris,  praesertim ad  basin,  granulis  seriatis  setiferis  conicis  sat  validis  instructa. Pedum -maxillarium  maris  tibia  patella  non  multo  longior,  tarsus processu  exteriore  subapicali  mediocri,  conico,  seta  curvata munito,  instructus. La  Balme  d'Arena,  Aspremont,  dép.  Alpes-Maritimes,  France, 20-IX-1905,  no  92.  —  Grotte  d'Albarea,  Sospel,  dép.  Alpes-Mari- times, France,  25-IX-1905,  n^  95. Nous  l'avions  trouvé  antérieurement  à  Saint-Martin  Vésubie, sous  de  très  grosses  pierres. Eessemble  beaucoup  à  L.  Minos  E.  Sim.,  n'en  diffère  guère que  par  le  tibia  de  la  patte-mâchoire,  vu  en  dessus,  un  peu  plus 540  E.  SIMON long  que  la  patella,  et  par  le  tarse  à  saillie  apicale  externe  conique obtuse,  moins  cylindrique,  surmontée  d'un  crin  aigu  dirigé  en bas,  aussi  long  que  la  base  (chez  L.  Minas  surmontée  d'une petite  épine  noire  unciforme,  plus  courte  que  la  base). L.  Proserpina,  sp.  nova. cf  p,  long.  2  %  5.  —  Fulvo-testacea,  oculis  anticis  postice anguste  nigro-marginatis,  abdomine  cinereo-albido.  Céphalo- thorax sternumque  subtilissime  coriacea.  Oculi  postici  ab anticis  spatio  oculo  laterali  antico  plus  dulpo  latiore  distantes. Pedum  femora  haud  aculeata,  antica  maris  subtus  subtiliter rugosa.  Pedum-maxillarium  maris  tibia  patella  evidenter  lon- gior,  tarsus  processu  exteriore  subapicali  minuto  conico  et curvato,  seta  sat  longa  et  curvata  munito,  instructus. Grotte  de  Laura,  Castillon,  dép.  Alpes-Maritimes,  France, 25-IX-1905,  no  90. Diffère  de  L.  crypticola  E.  Simon,  par  les  yeux  postérieurs beaucoup  plus  largement  séparés  de  ceux  du  premier  groupe, par  les  fémurs  antérieurs  du  mâle,  plus  iinement  rugueux  en dessous,  par  le  tibia  de  sa  patte-mâchoire  beaucoup  plus  long que  la  patella. L.  PAROCULUS,  sp.  nova. (S  P,  long.  2  ^.  —  Céphalothorax,  chelae  sternumque  fulvo- rufescentia,  subtilissime  coriacea.  Abdomen  pallide  cinereo- fiilvum.  Pedes  lutei,  subpellucentes,  femoribus  vix  infuscatis. Oculi  sat  magni,  duo  postici  a  sese  anguste  disjuncti,  ab  anticis spatio  oculo  laterali  antico  haud  majore  distantes.  Pedum  femora haud  aculeata,  antica  maris  granulis  nigris  subseriatis  subtus munita.  Pedum-maxillarium  maris  tibia  patella  haud  vel  vix longior,  tarsus  processu  apicali  late  conico,  spina  nigra  tenui, basi  circiter  aequilonga,  munito,  instructus. Cueva  abaho  de  los  Gloces,  Fanlo,  prov.  Huesca,  Espagne, 20-VIII-1905,  no  45. Cette  espèce  diffère  de  ses  congénères  par  ses  yeux  posté- ARANEAE,  CHERNETES  ET  OPILIONES  541 rieurs  disjoints,  caractère  unique  dans  le  genre  Leptoneta,  à  part cela  elle  se  rapproche  des  Leptoneta  alpica  et  infuscata  E.  Simon. Familia  PHOLCIDAE Pholcus  phalangioides  (Fuessly). Cette  espèce,  commune  dans  les  maisons  dans  presque  toute l'Europe  a  été  trouvée,  sans  aucune  modification,  dans  les  grottes du  Drach,  à  l'île  Majorque,  Baléares,  20-VII-1904,  no  81,  et  dans la  Balme  d'Arena,  Aspremout,  dép.  Alpes-Maritimes,  France, 20-IX-1905,  uo  92. Familia     ARGIOPIDAE Subfamilia  LINYPHIINAE DiPLOCEPHALUS   BUSISCUS    (E.   vSimou). in  Ann.  Soc.  ent.  Fr.,  .1.872,  p.  219  (Erigone). Plaesiocraerus  lusiscus,  id.,  Ar.  Fr.,  V,  p.  759. Grotte  de  Gargas,  Gargas,  dép.  Haute-Pyrénées,  France, 30-VII-1905,  no  2.  —  Grotte  de  Tibiran,  Aventignan,  dép. Hautes-Pyrénées,  France,  l-VIII-1905,  n»  11. Découvert  dans  les  grottes  de  l'Ariége. PoRRHOMMA  Proserpina  (E.  Simou). in  Ann.  Soc.  ent,  Fr.,  1873,  p.  175  {Linyphia). Porrhomma  Proserpina,  id.,  Ar.  Fr.  V,  p.  360. Grotte  de  l'Ours,  Lortet,  dép.  Hautes-Pyrénées,  France, 2-VIII-1905,  no  16. Découvert  par  Ch.  de  la  Brûlerie  dans  les  grottes  de  l'Ariége; nous  l'avions  retrouvé  depuis  dans  la  Oueva  de  Orobe,  près Alsasua  (Espagne). Taranucnus  Cerberus  e.  Simon. Ai\  Fr.,  V,  p.  252. Grotte  de  TOueil  de  JSTeez,  Rébénacq,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  7-IX-1905,  no  76. 542  E.  SIMON Nous  avons  découvert  cette  espèce  dans  la  grotte  de  Sare (Basses  -Pyrénées  ) . T.  Orpheus  E.  Simon. Loc.  cit.,  p.  253. Grotte  d'Arudy,  Arudy,  dép.  Basses-Pyrénées,  France,  6-IX- 1905,  n»  69. Découvert  dans  les  grottes  de  l'Aude  ;  retrouvé  depuis  dans TAriége  et  les  Hautes-Pyrénées. Lephthyphântes  leprosus  (Olilert). Arachn.  Studien,  1867,  p.  12  {Linyphia). Linyphia  confusa  O.  P.  Cambridge,  in  Tr.  Linu.  Soc,  XXVII, p.  427,  pi.  LV,  f.  21. Grande  grotte  du  tunnel  de  Camous,  Sarrancolin,  dép.  Hautes- Pyrénées,  France,  6-VIII-1905,  n^  25.  —  Petite  grotte  de  Lece- noby,  Aussurucq,  dép.  Basses-Pyrénées,  France,  2-1-1906,  n»  129. Espèce  commune  dans  toute  la  France  et  une  grande  partie de  l'Europe  ;  se  trovive  au  pied  des  arbres  et  sous  les  herbes sèches,  souvent  aussi  dans  les  caves  et  les  gi-ottes. L.  PALLIDUS  (O.  P.  Cambridge). Loc.  cit.,  p.  436,  pi.  LVI,  f.  26  Linyphia. Liyiyphia  troglodytes  L.  Koch,  Apterol.  Frankiss.  Jura,  1874, p.  1,  ff.  7-8. Baume  Granet,  Rocquefort,  dép.  Alpes-Maritimes,  France, 17-1X1905,  no  91. Espèce  assez  répandue  en  France  où  elle  habite  les  caves  et les  cavités  souterraines,  parfois  aussi  dans  les  mousses  des  bois sombres.  Egalement  en  Angleterre,  et  en  Bavière,  dans  les  grottes de  Muggendorf  (L.  Koch). L.  LORiFER,  sp.  nova. es  long.  2  %  5.  —  Céphalothorax  laevis,  pallide  fulvo- rufescens,    haud    marginatus,    oculis  singulariter   uigro-cinctis. ARANEAE,  CHERNETES  ET  OPILIONES  543 Oculi  quatuor  postici  in  lineam  leviter  recurvam,  iiiter  se  fere aequidistantes,  spatiis  interocularibus  oculis  paulo  angustioribus. Oculi  autici  in  lineam  plane  rectam,  medii  nigri  paulo  minores, a  sese  contigui,  a  lateralibus  spatio  oculo  paulo  minore  separati. Olielac  rufescentes,  clypeo  longiores.  Sternum  olivaceum,  niti- dum.    Abdomen    albidum,    saepe   postice   leviter   obscurius   et olivaceum.  Pedes  sat  longi,  pallide  fulvo- rufescentes,  femore  1'  paris  aculeo  tenui interiore  munito,  reliquis  femoribus  mu- ticis,  tibiis  aculeis  setiformibus  longissimis raunitis,  metatarsis  anticissetaspiniformi unica  superne  armatis.    Pedes- maxillares fulvi  ;  patella  convexa,  liaud  prominula,  ^ seta  spiniformi  longa  supra  munita  ;  tibia   fi^.   i.   LepUhyvhantes  lorifer patella  paulo  longiore  et  multo  crassiore      ^-  ^''"•'"-  '^'  patte-màchoire du  mâle    par  la  face  externe  ; et  supra  et  subtus  alte  convexa,  supra      b,  lorum  du  buibe  détaché,  vu ,  ••!?  •  j.  j.n'1  •  par  la  face  interne. seta  spiniiormi,    seta  patellan  longiore, munita  ;  tarso  processu  basali  carente  ;  bulbo  loro  nigro  lon- gi.ssimo  apicem  superante,  sat  angusto,  compresse,  curvato apice  longe  spiniformi,  intus,  prope  médium,  ramulum  tenue sat  longum  et  sinuosum  emittente,  insigniter  armato. Cueva  del  Andorial,  Dénia,  prov.  d'Alicante,  Espagne,  4-1- 1906,  no  122. Espèce  voisine  de  L.  longiseta  et  angustiformis  E.  Simon (cf.  Ar.  Fr.,  t.  V,  p.  304). Troglohyphantes  pyrenaeus,  sp.  nova. p  (pullus),  long.  4  "]„.  —  Céphalothorax  sat  humilis,  late ovatus,  pallide  testaceus,  subpellucens,  laevis,  parte  cephalica setis  nigris  paucis  seriatis  munita.  Oculi  fere  obsoleti,  medii antici  punctiformes,  nigri,  a  sese  appropiuquati,  utrinque  laté- rales testacei  et  vix  perspicui,  a  mediis  latissime  distantes, inter  se  disjuncti,  medii  postici  obsoleti.  Clypeus  mediocris,  sub oculis  impressus.  Abdomen  cinereo-testaceum,  pilosum.  Chelae longae,  laeves,  apice  rufescentes.  Sternum  latum  et  convexum. 544  E.  SIMON nitidum,  olivaceum.  Pedes  longi,  longissime  setosi,  pallide  tes- tacei,  subpellucentes,  femoribus  sex  anticis  aculeo  setiformi subbasilari  supra  armatis,  femore  4'  paris  mutico,  patellis tibiisque  aculeis  longissimis  armatis,  metatarsis  quatuor  anticis aculeo  setiformi  unico  supra  munitis,  posticis  muticis. Grotte  d'Oxybar,  Camou-Cihigue,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  1-1-1905,  n^  127. Capture  fort  intéressante  car  le  genre  Troglohyphantes  était jusqu'ici  étranger  à  ^a  faune  française  ;  malheureusement MM.  Racovitza  et  Jeannel  n'en  ont  recueilli  que  de  jeunes  indi- vidus et  la  description  de  l'espèce  est  forcément  incomplète. Ce  genre  a  été  découvert  dans  les  grottes  de  Carniole  et  signalé depuis  dans  les  grottes  de  l'Amérique  du  Nord  (Cf.  à  ce  sujet, Hist.  Nat.  Ar.,  t.  I,  p.  690). Subfamilia    TETRAGNATHINAE METEAE Meta  Menardi  (Latreille). Grotte  d'Arudy,  Arudy,  dép.  Basses-Pyrénées,  France,  6-IX- 1905,  nP  69.  —  Grotte  de  l'Oueil  de  Neez,  Rébénacq,  dép.  Basses- Pyrénées,  France,  7-IX-1905,  n^  76.  —  Grande  grotte  de  Lece- noby,  Aussurucq,  dép.  Basses-Pyrénées,  France,  2-1-1905,  n»  128. —  Petite  grotte  de  Lecenoby,  Aussurucq,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  3-1-1906,  n»  129.  —  Grotte  d'Istaiirdy,  Ahusguy,  dép. Basses-Pyrénées,  France,  2-1-1906,  n»  131.  —  Baume  du  Colom- bier, Rocquefort,  dép.  Alpes-Maritimes,  France,  17-IX-1905, no  93. Espèce  commune  dans  toutes  les  grottes  de  la  région  médi- terranéenne ;  se  trouve  aussi  dans  les  caves  humides. M.  Menardi  Latreille  existe  aussi  à  Madagascar  et  dans l'Amérique  du  îford. M.  ANTRORUM,  sp.  nova. d-,  long.  7-8  ">^.  —  Céphalothorax  pallide  luteus,  i^arte  cepha- lica  antice  utrinque,  pone  oculos  latérales,  linea  tenui  abbreviata. ARANEAE,  CHERNETES  ET  OPILIONES  545 in  medio  liueis  binis  abbreviatis  subgeminatis,  postice  macula majore,  V  sinuosiim  désignante,  fusco-olivaceis  notatus,  oculis singalariter  nigro-cinctis.  Oculi  xjostici,  superne  visi,  in  lineam leviter  recurvam,  magni,  medii  lateralibus  paulo  majores  et  a lateralibus  quam  inter  se  remotiores,  spatio  interoculari  dimidio diametro  oculo  non  latiore.  Oculi  antici  in  lineam  multo  magis recurvam,  Olypeus  oculis  mediis  anticis  angustior.  Partes  oris sternumque  nigricanti-olivacea,  laminae  intus  testaceo-mar- ginatae.  Chelae  validae,  convexae,  fulvae,  ad  basin  et  extus fusco-olivaceae,  margine  superiore  sulci  dentibus  trinis,  duobus apicalibus  inter  se  subcontiguis,  aequis,  brevibus  et  latis,  altero remoto  longiore  (in  M.  segmentata  Cl.  dentibus  trinis  inter  se SLibaequis),  margine  inferiore  dentibus  binis,  basali  mediocri, altero  rainutissimo.  Abdomen  superne  albidum,  fulvo-reticu- latum,  parcissime  et  minutissime  nigricanti-atomarium,  subtus utrinque  laxe  uigricanti-reticulatum,  vitta  média  lata  olivacea, albido-marginata  et  utrinque,  prope  mamillas,  maculis  albidis binis,  notatum.  Pedes  longi,  pallide  lutei,  femoribus  quatuor anticis  subtus,  in  dimidio  apicali,  maculis  fusco-olivaceis  binis, tibiis  cunctis  annulo  medio  parvo  vix  distincto  annuloque  apicali majore,  ornatis,  aculeis  longis  nigris,  ut  in  Meta  segmentata  ordi- natis,  armati.  Pedes-maxillares  graciles,  pallide  lutei,  tarso bulboque  fuscis  ;  tibia  patella  circiter  aequilonga,  versus  basin attenuata  ;  tarso  mediocri  ovato,  apopliysi  basali  longe  biramosa, ramulo  superiore  suberecto,  late  conico,  extus  ad  basin  processu parvo  et  obtuso  munito,  ramulo  inferiore  longiore,  gracili  et leviter  sursum  curvato. p,  long.  9-10  %.  —  A  mari  differt  abdomine  majore  pedibus brevioribus.  Pedes-maxillares  pallide  lutei,  tibia  ad  basin  minute olivaceo-notata. Oueva  del  Agua  et  cueva  sans  nom.  Dénia,  prov.  d'Alicante, Espagne,  4-1-1906,  no«  115,  119. L'une  des  plus  intéressantes  découvertes  laites  dans  ces  der- niers temps  pour  la  faune  des  grottes. 546  E.  SIMON Le  Meta  antrorum,  cavernicole  ou  au  moins  lucifuge,  comme le  Meta  Menardi,  se  rapproche  cependant  beaucoup  plus  du Meta  segmentata  Clerck,  surtout  par  la  structure  de  ses  organes sexuels. Il  en  diffère  par  ses  yeux  plus  gros  et  plus  resserrés,  ses  tégu- ments plus  pâles,  ses  pattes  anté- rieures tachées  et  annelées  de brun -olivâtre. La  patte-mâchoire  du  mâle  dif- A  C     "^       fère  de  celle  de  M.  segmentata  par FiG.   2.    A,  Meta  segmentata  Clerck,  tibia  et  le  tibia  pluS    COUrt,  la  brauchc  SU- tarse  de  la  patte-mâchoire   du   mâle,    vus par   la   face   externe  ;    B,  Meta  antrorum  péricurC  de  TapophySC  tarsalc  pluS E.  Simon,  mêmes  parties.  x,^^,-„^         j-     i  •  i      t_  i épaisse  et  plus  conique,  la  branche inférieure  grêle,  plus  longue  et  un  peu  arquée  en  haut. NESTICEAE Nesticus  cbllulanus  (Clerck). Grotte  de  l'Oueil  de  Néez,  Kébénacq,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  7-IX-1905,  n°  76.  —  Baume  Granet,  Rocquefort,  dép. Alpes-Maritimes,  France,  17-IX-1905,  no91.  —  Grotte  d'Albarea, Sospel,  dép.  Alpes -Maritimes,  France,  25-IX-9051,  n»  95. Eépandu  dans  toute  l'Europe  ;  commun  dans  les  caves,  les grottes,  les  galeries  de  mines. N".  oBCAECATus,  sp.  uova. p  long.  5-6  "1;^.  —  Pallide  luteo-testaceus,  abdomine  cinereo- albido,  chelis  rufescentibus.  Oculi  medii  antici  obsoleti,  reliqui oculi  albi,  minutissimi,  quatuor  postici  in  lineam  latam,  pro- curvam,  medii  a  sese  quam  a  lateralibus  saltem  duplo  remo- tiores.  Ohelarum  margo  inferior  muticus,  margo  superior dentibus  nigris  binis,  brevibus  et  robustis,  armato.  Abdomen convexum,  tenuissime  et  sat  longe  pilosum.  Pedes  longe  setosi. Plaga  genitalis  magna,  nigra,  antice  profunde  et  angulose emarginata,  postice  convexa  atque  in  declivitate  postica  fovea transversa,  alba,  sed  tenuiter  rufulo-marginata,  impressa. ARANEAE,  CHERNETES  ET  OPILIONES  547 Cueva  del  Molino,  Vio,  prov,  Huesca,  Espagne,  17-VIII- 1905,  no  38. Se  distingue  des  espèces  connues  par  Toblitération  complète des  yeux  médians  antérieurs,  la  petitesse  et  Técartement  des yeux  postérieurs  et  par  la  plaque  génitale  marquée,  sur  la  pente postérieure,  d'une  profonde  fossette  transverse. Son  faciès  est  celui  du  N.  eremita  E.  Sim. Familia  AGELENIDAE Tegenaria  domestica  (Clerck) Cueva  de  abaho  del  CoUarada,  Villanua,  prov.  Huesca, Espagne,  30-VIII-1905,  n^  53. Espèce  presque  cosmopolite  qui  se  trouve  dans  les  grottes aussi  bien  que  dans  les  caves  et  les  maisons. T.  PAGANA  C.  Koch. Ar.,  VIII,  1841,  p.  31,  ff.  612-613. T.  subtilis  E.  Simon,  Ar.  nouv.,  l^^"  mém.,  Liège,  1870,  p.  7. T.  variegata  Thorell,  in  Hor,  Soc.  ent.  Ross.,  XI,  1-2,  p.  36. T.  pagana  E.  Simon,  Ar.  Fr.,  II,  p.  71. Cueva  del  Agua,  Dénia,' prov.  d'Alicante,  Espagne,  4-1  1906, nP  115. Espèce  commune  dans  le  midi  de  la  France,  en  Corse,  en Italie  et  en  Espagne  ;  comme  la  précédente,  elle  n'est  pas  exclu- sivement cavernicole.  Le  T.  pagana  de  la  Cueva  del  Agua  est de  forme  typique;  dans  une  grotte  voisine  il  est  légèrement modifié  et  présente  davantage  les  caractères  d'un  animal  luci- fuge. T.  PAGANA  CAVERNICOLA,  SUbsp.  nova. cT  long.  10  'X-  —  Céphalothorax  pallide  luteo-testaceus, antice  leviter  et  sensim  fulvo-tinctus,  oculis  singulariter  nigro- cinctis.  Oculi  postici,  superne  visi,  in  lineam  leviter  procurvam, inter  se  aequi  et  fere  aequidistantes,  spatiis  oculis  paulo  majo- ribus  separati.  Oculi  antici  in  lineam  magis  x>rocurvam,  inter 548  E.  SIMON se  subcoiitigiii,  medii  lateralibus  saltem  13  miuorcs,  Clypeus oculis  lateralibus  anticis  evidenter  latior.  Abdomen  pallide luteo-testaceuin,  parce  et  longe  nigro-setosum,  superne,  prope médium,  utrinque  linea  valde  arcuata,  postice  vittis  transversis trinis,  valde  sinuoso-dentatis,  fusco-olivaceis,  notatum,  subtus maculis  parvis  valde  laciniosis  et  inordinatis  parce  conspersum, mamillae  albido-testaceae,  subpellucentes,  articule  basali  haud infuscato.  Sternum  albido-testaceum,  ad  marginem  late  et irregulariter  fusco-olivaceum  et  maculis  albidis  trinis  notatum. Ohelae  f usco  - ruf ulae.  Pedes  sat  longi,  pallide  luteo-testacei, femoribus  1'  paris,  apice  excepto,  infuscatis  et  rufulis,  femo- ribus  4'  paris  annulo  subapicali,  tibiis  4'  paris  annulo  submedio, angustis,  pallide  olivaceis  et  vix  expressis,  muuitis.  Pedes-maxil, lares  apice  infuscati;  femore  sat  longo,  ad  basin  curvato  et  com- presse, ad  apicem  leviter  ampliato,  superne,  in  dimidio  apicali, setis  spiniformibus  aculeisve  nigris  trinis  uniseriatis  instructo  ; patella  longiore  quam  latiore  ;  tibia  patella  vix  longiore,  paulo angustiore,  apophysibus  binis,  superiore  crassa,  conica,  sed acuta,  apice  nigra,  altéra  (fere  iuferiore)  rufula,  paulo  longiore, plana,  laminiformi,  apice  sensim  ampliata  et  obtuse  truncata  ; tarso  tibia  cum  patella  evidenter  longiore,  ovato,  longe  atte- nuato  et  bulbum  multo  superante  ;  bulbo  magno,  lamina  rufula plana  circumdato,  lobo  elevato  et  truucato,  aCuleis  binis,  inter se  subaequis,  basali  gracillimo  et  curvato,  apicali  recto  et  acu- tissimo,  extus  armato. Cueva  sans  nom.  Dénia,  prov.  d'Alicante,  Espagne,  4-1-1906, nP  119. T.  Racovitzai,  sp.  nova. cT,  long.  11  ^j^.  —  Céphalothorax  pallide  fulvo-testaceus, parte  cephalica  longa,  leviter  convexa,  in  regione  oculorum valde  declivi.  Oculi  parvi,  quatuor  postici,  superne  visi,  in lineam  subrectam,  iuter  se  late  et  fere  aeque  distantes,  spatiis interocularibus  oculis  plus  triplo  majoribus,  medii  ovati  late- ralibus minores.    Oculi   antici    in   lineam  subrectam,   inter   se ARANEAE,  CHRRNETES  ET  OPILIONES 549 distantes,  medii  lateralibus  plus  triplo  minores  et  paulo  minores quam  medii  postici,  Clypeus  verticalis,  plamis,  ociilis  anticis plus  triplo  latior.  Abdomen  ovatum,  pallide  fulvo-nifulum, longe  et  tenuiter  nigro-setosum,  superne,  in  parte  apicali, punctis  cinereis  vix  expressis  biseriatis  (3-3  vel  4-4)  notatum, subtus  parce  cinereo-punctatura.  Mamillae  albidae,  superiores articule  apicali  basali  paulo  breviore.  Sternum  fulvo-testaceum, concolor.  Pedes  fulvo-testacei,  metatarsis  leviter  rufulo-tinctis, longi,  postici  anticis  evidenter  longiores,  metatarsis  tenuibus, anticis  tibiis  circiter  aequilongis  (vel  paulo  longioribus),  posticis tibiis  multo  longioribus.  Clielae  fulvo-rufulae,  laeves.  Pedes- maxillares  fulvo-testacei,  apice  levi- ter infuscati;  femore  sat  longo,  ad basin  compresse  et  curvato,  ad apicem  leviter  ampliato ,  superne setis  spiniformibus  aculeisve  trinis uniseriatis,  apicali  minore,  setaque interiore  longa  subapicali  graciliore, armato  ;  patella  brevi,  superne  setis spiniformibus  binis,  apicali  longis- sima ,  munita  ;  tibia  patella  fere 1/3  longiore,  graciliore  et  cylin- dracea,  setis  spiniformibus  longissimis  conspersa,  apophysi parva  nigra  depressa  et  truncata,  extus  ad  apicem  armata, sed  lamina  inferiore  carente  ;  tarso  tibia  cum  patella  circiter aequilongo,  sat  auguste  ovato  et  longe  acuminato,  bulbum  multo superante  ;  bulbo  mediocri,  subrotundo,  lamina  rufula  crassa circumdato,  apice  stylo  nigro  curvato,  extus  ad  basin  apophysi crassa  et  conica  sat  brevi,  instructo. Cueva  abaho  de  los  Gloces,  Fanlo,  prov.  Huesca,  Espagne, 20-VIII-1905,  no  45. Espèce  du  groupe  de  T.  domestica,  dont  elle  se  distingue  par ses  téguments  unicolores,  ses  yeux  plus  petits  et  plus  espacés et  surtout  par  la  structure  de  la  patte  -  mâchoire  du  mâle (fig-  3). FiG.  3.  A,  Tegenaria  domestica  Clerck, patte-mâchoire  du  mâle,  vue  par  la  face externe..  B,  T.  Racovitzai  E.  Simon, mêmes  parties. I Ô50  E.  SIMON IBERINA  Mazarredoi  E.  Simon. in  Anal,  de  la  Soc.  esp.  de  Hist.  Nat.,  X,  1881,  p.  127. Grotte  de  TOueil  de  î^éez,  Rébénacq,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  7-IX-1905,  no  76. Espèce  nouvelle  pour  la  faune  française  ;  nous  l'avons  décou- verte en  1880  dans  la  cueva  de  la  Magdalena,  près  Galdames (Biscaye). Ordo   GHERNETES FamiUa  CHELIFERIDAE Cheleper  lacertosus  (L.  Koch). Darst.  Eur.  Chernet.,  p.  9  (1873). Causse  de  la  Pena  de  CoUarada,  Villanua,  prov.  Huesca, Espagne,  31-VIII-1905,  n^  57. Espèce  répandue  dans  le  midi  de  la  France,  en  Corse,  en Italie  et  en  Espagne  ;  accidentellement  cavernicole. FamiUa  OBISIIDAE Obisitjm  MxrscoRUM  Leach. Zool.  Miscell.  III,  p.  51. Ob.  museorum  et  tenellum  C.  Koch,  Ar.,  t.  X,  pp.  67-69. Grotte  d'Istaûrdy,  Aliusguy,  dép.  Basses-Pyrénées,  France, 2-1-1906,  no  130. O.  SiMONi  L.  Koch. Loc.  cit.,  p.  54. Grotte  d'Ilhet,  Sarrancolin,  dép.  Hautes-Pyrénées,  France, 6-VIII-1905,  no  23. 0.  museorum  et  Simoni  sont  des  espèces  répandues  dans  presque toute  l'Europe  et  communes  dans  les  mousses  des  bois  ;  leur présence  dans  les  grottes  est  accidentelle. O.   CAVERNARUM  L.    Koch. Loc.  cit.,  p.  55. Grotte   de   Gargas,    Gargas,   dép.    Hautes -Pyrénées,  France, A   ANEAE,  CHERNETES  ET  OPILIONES  551 30-VII-1905, 11"  8.  —  Grotte  de  Tibiran,  Aventignan,  dép.  Hautes- Pyrénées,  France,  l-VIII-1905,  n»  11. Cette  espèce,  qui  fait  la  transition  des  Obisium  vrais  aux Blothrus,  a  été  trouvée  dans  presque  toutes  les  grottes  de  l'Ai'iége, des  Basses-Pyrénées  et  même  dans  celles  de  TArdèche. Ohthonius  tenuis  L.  Koch. Loc.  cit.,  p.  51. Grotte  de  THerm,  Herm,  dép.  Ariège,  France,  30-IX-1905, u9  94. Commun  dans  les  mousses  des  bois  et  sous  les  pierres  ;  acci- dentellement cavernicole. C.  Gestroi  E.  Simon. in  Ann.  Mus.  civ.  Genova,  sér.  2,  XVI,  1890,  p.  376. Baume   Granet,   Rocquefort,   dép.   Alpes -Maritimes,  France, 17-IX-1905,  n"  91. Espèce  découverte  récemment  dans  les  grottes  de  la  Ligurie. Ordo  OPILIONES Sub-Ordo    OP.  MBCOSTETHI Familia  PHALANGODIDAE Phalangodbs  clavigera  e.  Simon. Ar.  Fr.,  t.  VII,  p.  151. Grotte  d'Arudy,  Arudy,  dép.  Basses -Pyrénées,  France, 6-IX-1905,  n»  69. Découvert  dans  la  grotte  de  Betharram  par  Ch.  de  la  Brûlerie  ; nous  l'avons  retrouvée  depuis  en  nombre  près  de  Saint-Jean-de- Luz  et  d'Ascain  dans  les  mousses  et  sous  les  grosses  pierres  ; cette  espèce  est  plutôt  lucifuge  que  cavernicole. P.  Lespesi  (Lucas). in  Ann.  Soc.  ent.  Fr.,  1860,  p.  974.  —  Id.  E.  Simon,  Ar.  Fr., VII,  p.  165. 552  E.  SIMON Cueva  de  las  Devotas,  Lafortunada,  prov.  Huesca,  Espagne, 13-VIII-1905,  iio  33. Espèce  commune  dans  presque  toutes  les  grottes  de  TAriége, de  l'Aude  et  des  Pyrénées-Orientales  ;  se  trouve  aussi  dans  les mousses  eu  dehors  des  grottes. Nota.  —  Quelques  jeunes  Phalangodes,  non  déterminables,  ont  été trouvés  dans  la  grotte  de  l'Herm  (Ariège). Sub-Ordo    PLAGIOSTETHI Familia  ISCHYROPSALIDAE Sabacon  paradoxus  e.  Simon. Ar.  Fr.,  VII,  p.  266. Grotte  de  l'Oueil  de  Néez,  Eébénacq,  dép.  Basses -Pyrénées, France,  7-IX-1905,  no  76. Cette  espèce  a  été  trouvée  dans  presque  toutes  les  grottes de  la  région  pyrénéenne  ;  elle  se  rencontre  aussi  dans  les  mousses et  sous  les  pierres  humides  en  dehors  des  grottes. Ischyropsalis  luteipes  e.  Simon. in.  Ann.  Soc.  eut.  Fr.,  1872,  p.  484.  —  Ihid.,  Ar.  Fr.,  VII, p.  268. Grotte  de  l'Oueil  de  Néez,  Eébénacq,  dép.  Basses-Pyrénées, France,  7-IX-1905,  n»  76. Espèce  très  répandue  dans  la  région  pyi'énéenne  et  en  Au- vergne ;  se  trouve  plus  souvent  en  dehors  des  grottes  dans  les mousses  épaisses  et  humides. I.  NODiPERA  E.  Simon, Ar.  Fr.,  VII,  p.  270.  —  /.  Sharpi  E.  Simon,  in  Ann.  Soc.  eut. Fr.,  1879,  Bull.  p.  CXXIX. Cueva  del  Molino,  Vio,  prov.  Huesca,  Espagne,  17-VIII-1905, n"  38. I.  nodifera  est  l'espèce  du  genre  la  plus  répandue  dans  les provinces  basques  :  nous  l'avons  observée  à  Saint-Jean-de-Luz, ARANEAE.  CIIEFINETES  ET  OPILIONES  553 à  Alsasua  et  près  de  Galdaniès  à  l'entrée  des  grottes  de  la  Mag- dalena  et  de  Arenaza  ;  elle  n'est  cavernicole  qu'accidentelle- ment, elle  habite  les  mousses  et  les  détritus  humides Nota.  —  Un  jeune  Ischyrof  salis,  non  déterniinable,  a  été  trouvé dans  la  grotte  des  Eaux-Chaudes  (Basses-Pyrénées). Familia  NEMASTOMATIDAE Î^Temastoma  bacilliferum  E.  Simon. Ar.  Pr.,  VII,  p.  287. Grotte  de  Gargas,  Gargas,  dép.  Hautes-Pyrénées,  France. 30-1-1905,  no  2.  —  Cueva  de  abaho  <lel  Collarada,  Villanua, prov.  Huesca,  Espagne,  30-VIII-1905,  no  53. Espèce  commune  à  toute  la  région  pyrénéenne  aussi  bien en  France  qu'en  Espagne  ;  accidentellement  cavernicole. N.  CARBONARIUM,  sp.  nova. d-  jo.  long.  2-2,5  ^.  — A  ^.  hacillifero,  cui  sat  affine  est,  differt corpore  supra  omnino  nigro-opaco  haud  aureo-plagiato,  coxis anticis  subtus  grosse  et  crebre  granulosis  (in  N.  hacillifero coriaceis  et  parcissime  granulosis).  Abdomine  feminae  clavis posticis  seriatis  brevioribus  et  praesertim  chelarum  maris  articule basali  apophysi  erecta  cylindracea  et  setosa  leviter  incurva, fere  ut  in  N.  chrysomelano,  instructo. Cueva  Llobrica,  Vio,  prov.  Huesca,  Espagne,  18 -VIII -1905, n»  40. Nous  l'avions  reçu  antérieurement  de  La  Granja. Familia  TBOGULIDAE Amopaum  Sorenseni  (Thorell). in.  Ann.  in  Mus.  civ.  Gen.,  VIII,  p.  505  (1876). Baume  du  Colombier,  Roquefort,  dép.  Alpes-Maritimes, France,  7-IX-1905,  no  93. Se  rencontre  le  plus  souvent  en  dehors  des  grottes,  sous  les grosses  pierres  humides. ARCH.    DE  ZOOL.    EXP.    ET    GÉN.    —  4°    SÉRIE.    —    T.    VI.    (ix|.  SQ 1 INDEX   ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES 4e  SÉRIE,  TOME  VI Afrique  équatoriale  (Essai  sur  la  malacogra- pliie  de  1'  — )  (voir  C4ermain),  p.  103. AMIIONÏ  (K.).  Etudes  et  reclierclies  sur  les Edentés    tardigrades    et    gravigrâdes.     — I.  Les  coupures  génériques  de  la  famille des  Bradypodidae.  —  II.  Les  attitudes  et la  locomotion  des  Paresseux,  p.  31. Araneae   (1™  série),  Biospéologica    III    (voir Simon),  p.  537. Autonomie  caudale  chez  quelques  Rongeurs (voir  CUÉNOT),  N.  et  R.,  p.  lxxi. BEAllCH.^MI'    (I'.    iIp).     Morphologie  et  variations de  l'appareil  rotateur  dans  la  série  des  Ro- tifères,  p.  1. BllURD   (A.).     Deux    espèces    nouvelles   d'Hy- droïdes  de  Madagascar  (Note  préliminaire), N.  et  R.,  p.  LXXix. Biospéologica.  I.  Essai   sur    les    problèmes biospéologiques  (voir  Racovitza),  p.  371. II.  Enumération  des  grottes  visitées,  1904- 906  [V  série)  (voir  Jeannel  et  Raco- itza),  p.  489. III.  Araneae,  Chernetes  etOpiliones  (l'" série), (voir  Simon),  p.  537. Biospéologiques  (Essais  sur  les  problèmes — ) (voir  Racovitza),  p.  371. Bradypodidae  (Les  coupures  génériques  de  la famille  des  — )  (voir  Anthony),  p.  31. BRONtZ  (l.).  Sur  l'existence  d'éléments  con- jonctifs  phagocyto-excféteurs  chez  les  Schi- zopodea,  N.  et  R.,  p.  xxiii. BRCPITZ  (L).  Sur  l'existence  d'éléments  con jonc- tifs  phagocyto-excréteurs  chez  la  Nébalie, N.  et  R.,  p.  xxviii. BRBNTZ  (L.).  Néphrocytes  et  néphro-phago- cytes  des  Caprellides,  N.  et  R.,  p.  LVi. Caprellides  (Népliroeytes  et  néphro-phago- cytes  des  — )  (voir  Bruntz),  N.  et  R., p.   LVI. Chernetes  (l'^  série).  Biospéologica  III  (voir Simon),  p.  537. Cloisons  chez  les  Hexactinies  (Nouvelles recherches  sur  le  développement  des  — ) (voir  Faurot),  p.  333. criNOT  (t.).  L'hérédité  de  la  pigmentation chez  les  Souris  (5«  note),  N.  et  R.,  p.  i. CrMOT  (L.).  L'autonomie  caudale  chez  quel- ques Rongeurs,  N.  et  R.,  p.  LXXI. CCBNOT  (L.).  L'origine  des  néniatocystes  des Eolidiens,  p.  73. DELifiE  (Y.).  Sur  les  conditions  de  la  parthéno- genèse expérimentale  et  les  adjuvants  spé- cifiques de  cette  parthénogenèse,  N.  et  R., p.  XXIX. DElAflE  (V.).  Charles  Marty  (Notice  nécrolo- gique), N.  et  R.,  p.  Li. Edentés  tardigrades  et  gravigrâdes  (Etudes et  recherches  sur  les  — )  (voir  Anthony), p.  31. ABCH.   DE  ZUOL.    EXl'.    li' Eolidiens  (L'origine  des  nématocystes  des  — ) (voir  Cuénot),  p.  73. FAIROT  (L.).  Nouvelles  recherches  sur  le  déve- loppement du  pharynx  et  des  cloisons  chez les  Hexactinies  p.  333. CiERMAIN  (L.).  Essai  sur  la  malacographie  de l'Afrique  équatoriale,  p.  103. Grottes  (  Enumération  des  —  visitées , 1904-1906)  (voir  JEANNEL  et  Racovitza). p.  489. (IDITEL  (F.).  Sur  la  création  d'une  station entomoiogique  à  la  Faculté  des  sciences de  Rennes,  N.  et  R.,  p.  XCIII. Hérédité  de  la  pigmentation  chez  les  Souris (voir  Cuénot),  N.  et  R.,  p.  i. Hexactinies  (Nouvelles  recherches  sur  le  déve- loppement du  pharynx  et  des  cloisons  chez les  — )  (voir  Faurot),  p.  333. HOIISSAY  (E).  Variations  expérimentales.  Etu des  sur  six  générations  de  Poules  carni vores,  p.  137. Hydroïdes  de  Madagascar  (Deux  espèces  nou velles  d'  — )  (voir  Billard),  N.  et  R.,  p LXXIX. .lEAlVNEL  (R.).  et!.  ('..  RACOYHIA.    Enumération  des grottes  visitées,   1904-1906  (l^'^  série).   Bio spéologica  II,  p.  489. LOISEL  (G.).  Recherches  sur  les  caractères  difîé rentiels  des  sexes  chez  la  Tortue  mauresque N.  et  R.,  p.  XXXVIII. Madagascar   (Deux   espèces   nouvelles   d'Hy droïdes  de  — )   (voir  Billard),  N.   et  R p.   LXXIX. Malacographie  de  l'Afrique  équatoriale  (voir Germain),  p.  103. Marty    (Charles)    (voir    Delage),    N.    et    R., p.  LI. Méditerranée  (Les  Scorpénides  de  la  — )  (voir Roule),  N.  et  R.,  p.  xiv. Nébalie  (Sur  l'existence  d'éléments  conjonctifs phagocyto-excréteurs    chez    la    — )     (voir Bruntz).  N.  et  R.,  p.  xxviii. Nématocystes  (L'origine  des  —  des  Eolidiens) (voir  Cuénot),  p.  73. Némertes    (Sur    quelques    nouvelles    espèces de  ^^  de  Roscoff)  (voir  OxNER),  N.  et  R., p.  Lix. Némertes  de  Roscoff  et  Villefranche-sur-Mer (Quelques   observations   sur   les    — )    (voir OXNER),   N.   et  R.,   p.   LXXXII. Néphrocytes  et  néphro-phagocytes  des  Caprel- lides (voir  Bruntz),  N.  et  R.,  p.  lvi. Opilioiies  (1"  série).  Biospéologica  III  (voir Simon),  p.  537. DXN'ER  (M.).  Sur  quelques  nouvelles  espèces  de Némertes  de  Roscoff.  N.  et  R.,  p.  LIX. OX^ER  (M.).  Quelques  observations  sur  les Némertes  de  Roscoff  et  Villefranche-sur- Mer,  N.  et  R.,  p.  LXXXII. r   GEN.  4'^    SERIE.    T.    VI.  4© 556 INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIERES \ Paresseux  (Les  attitudes  et  la  locomotion des  — )  (voir  Anthony),  p.  31. Parthénogenèse  jSur  les  conditions  de  la  — expérimentale  et  les  adjuvants  spécifiques de   cette  — )    (voir    Delage),     ^".   et  R., p.  XXIX. Phagocyto-excréteurs  (Sur  l'existence  d'élé- ments —  chez  les  Schizopodes)  (voir Bruntz),  N.  et  R.,  p.  XXIII. (Id.   —   chez  la  Nébalie)  (voir  BKrNTZ), X.  et  R.,  p.  xxviii. Pharynx  chez  les  Hexactinies  (Nouvelles recherches  sur  le  développement  du  — ) (voir  FAfROT),  p.  333. Pigmentation  (Hérédité  de  la  —  chez  les Souris)  (voir  Cuénot),  N.  et  R.,  p.  I. Poules  carnivores  (Variations  expérimentales. Etudes  sur  six  générations  de  — )  (voir HOTTSSAY),   p.   137. ll.\r,OVITZA  (E.  G.I.  Essai  sur  les  problèmes biospéologiques.  Biospéologica  1,  p.  371. RAr.OVnZA  (k.  '.  .  (Voir  JEANNEL  et  Raoovitzai, p.  489. Rongeurs  (L'autotomie  caudale  chez  Quel- ques — )  (voir  CuÉxoT),  N    et  R  ,  p.  Lxxi. Roscoff  (Sur  quelques  nouvelles  espèces  de Némertes  de  — )  (voir  Oxner),  N.  et  R., p.   LIX. Roscoff  (Quelques  observations  but  les  Ne- mertes  de  — )  (voir  Oxner),  N.  et  R.,  p. liXXXII. Rotifères  (Morphologie  et  variations  de  l'ap- pareil rotateur  dans  la  série  des  — )  (voir Beauchamp),  p.  1. I.OlLB  (L.).  Notes  ichthyologiques.  Les  Scor- pénides  de  la  Méditerranée,   N.  et  R.,  p. XIV. Schizopodes  (Sur  l'existence  d'éléments  con- jonctifs  phagocyto-excréteurs  chez  les  — ) (voir  Bruntz),  N.  et  R.,  p.  xxiii. Scorpénides  (Notes  ichthyologiques.  Les  — de  la  Méditerranée)  (voir  ROULE),  N.  et  R., p.  XIV. Sexes  (Recherches  sur  les  caractères  diffé- rentiels des  —  chez  la  Tortue  mauresque) (voir  LoiSEL),  N.  et  R.,  p.  xxxviii. SLIION  (t).  Araneae,  Chernetes  et  Opiliones (1"  série).  Biospéologica  III,  p.  537. Station  entomologique  à  la  Faculté  des sciences  de  Rennes  (Sur  la  création  d'une  — ) (voir  GuiTEL),  N.  et  R.,  p.  xcili. Souris  (Hérédité  de  la  pigmentation  chez  les — )  (voir  Cuénot),  N.  et  R..  p.  i. Tortue  mauresque  (Recherches  sur  les  carac- tères différentiels  des  sexes  chez  la  — )  (voir LoiSEL),  N.  et  R.,  p.  XXXVIII. Variations  expérimentales.  Etudes  sur  six générations  de  Foules  carnivores  (voir  Hous- SAY),  p.  137. Villefranche-sur-Mer  (Quelques  observations sur  les  Némertes  de  — )  (voir  OXNER),  N.  et R.,    p.    IXXXU. Versailles.  —  Société  Anonyme  des  Imprimeries  Gérardin. Arch.  de  Zool.  Exp'-  et  Géni" 4«  Série,  Tome  VI,  PI,  l BRADYPODlD^i^g PhoiotTpie  B«rtbiud,  Psri* Arch.  de  Zool.  Exp-^  et  GévM 4e  Série,  Tome  VI,  PI.  II III IV VI Attitudes  du   Choloepus  Didactylus.   L. le„+  ^'^-v^le Arcii.  de  Zool.Exp    et  G-én -t"  Série, Tome  Vl.Pl.Iir. ,:âTÏ*X z ^/ l\::. l.Ciimot  dél . Liilt.Anst.X'E.A.Funlie,  Lfqjzii/. NEMATOGYSTES  des  EûLlDIENS. ARCHIVES ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE FONDÉES   PAR H.     DE     LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES   SOUS   LA    DIRECTION    DE G.  PRUVOT  ET  E.  G.  RACOVITZA Chargé  de  Cours  à  la  Sorbonne  Docteur  es  sciences Directeur    du    Laboratoire    Arago  Sous-Directeur  du  Laboratoire  Arago 4«  Série  T.  VI.        NOTES  ET  REVUE  1907.  N°  7. I L'HÉRÉDITÉ  DE  LA  PIGMENTATION  CHEZ  LES  SOURIS (5«  Note) par  L.  GuÉNOT Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Nancy Dans  des  notes  antérieures  (1'%  2«  et  4". notes,  1902-1905),  j'ai- publié  les  résultats  d'expériences  faites  sur  différentes  races  de Souris,  notamment  la  grise  (type  sauvage),  la  noire,  la  jaune  et  les albinos;  j'ai  montré  qu'on  pouvait  définir  chacune  de  ces  races,  au point- de  vue  de  la  coloration  du  pelage  et  des  yeux,  par  une  cer- taine constitution  du  plasma  germinatif,  et  j'ai  désigné  par  des lettres  les  déterminants  spécifiques  que  renferme  ce  dernier-  L'en- semble de  ces  lettres,  pour  une  race  donnée,  constitue  la  formule héréditaire  de  celle-ci  ;  la  connaissance  de  ces  formules  et  de  la dominance  relative  des  diverses  mutations  d'un  même  déterminant ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  GÉN.  —  4«  SÉRIE.  —  T.  VI.  A 1,  NOTES  ET  REVUE permet  de  calculer,  en  appliquant  les  règles  de  Fhérédité  mend^- lienne,  le  résultat  des  croisements  les  plus  compliqués. J'ai  continué  ces  recherches  par  l'étude  de  deux  nouvelles  races, moins  simples  que  les  précédentes:  les  Souris  pigmentées  à  yeux rouges,  et  les  Souris  brunes. Souris  pigmentées  à  yeux  rouges Paradoxe  de  Darbishire Darbisuire  (1905),  ayant  croisé  des  Souris  de  pelage  fauve  mais  à yeux  rouges,  par  des  albinos,  également  à  yeux  rouges,  obtint  uni- quement des  Souris  à  yeux  noirs,  généralement  de  pelage  gris (340  petits,  tous  à  yeux  poirs)  ;  ce  résultat  ne  laisse  pas  que  d-étre assez  surprenant  et  même  paradoxal,  les  Souris  fauves,  de  même  que les  albinos,  ayant  elles-mêmes  des  parents  à  yeux  rouges,  depuis aussi  longtemps  qu'on  le  voudra  supposer.  Et  cependant,  les  pro- duits immédiats  du  croisement  ont  les  yeux  parfaitement  noirs. Ces  hybrides,  croisés  entre  eux,  ont  une  progéniture  très  com- pliquée, comprenant  d'une  part  des  albinos,  d'autre  part  des  formes pigmentées,  les  unes  à  yeux  rouges  (pelage  tantôt  fauve  [fawn  ou yell-Qw],  tantôt  gris  perle  [lilac]^  les  autres  à  yeux  noirs  (pelage  gris, noir,  jaune,  etc.).  La  proportion  relative  de  ces  trois  catégories  est la  suivante  (sur  555  petits)  ' 137  albinos 24,7  0/0 l.')4  pigm entres  à  yeux  rouges 24,1  0/0 284  pigmentées  à  yeux  noin 51,2  0/0 Expériences  personnelles.  —  Je  n'ai  pas  l'intention,  dans  cette note,  de  critiquer  en  détail  le  travail  de  Darbishire  ;  je  me  conten- terai: de  dire  qu'il  a  obtenu  d<\s  résultats  compliqués  parce  qu'il  s'est servi  d'albinos  de  valeur  très  différente  au  point  de  vue  des  carac- tères latents  de  coloration.  Pour  éviter  cet  écueil,  je  suis  parti  d'un couple  unique,  comprenant  un  mâle  fauve  à  yeux  rouges,  acheté en  Angleterre,  et  une  femelle  albinos,  issue  d'ancêtres  noirs,  et  dont je  connaissais  la  formule  héréditaire  de  par  son  origine  et  des  essais antérieurs  (AN).  Ce  couple  unique  m'a  donné  6  petits,  tous  à  yeux noirs  et  ayant  le  même  pelage  :  le  dos  est  d'un  gris  un  peu  roux,  le ventre  est  blanc  bordé  de  roux,  ce  qui  est  exactement  la  livrée  du Mulot  des  champs  {Mus  sylvaticus  L.). NOTES  ET  REVUE  m Ces  6  hybrides  ont  été  croisés  entre  eux,  et  ont  eu  la  descendance suivante  (92  petits)  : 21  albinos 25  pigmentées  à  yeux  rouges 46  pigmentées  à  yeux  noirs (  22  fauves (       3  gris  perle (  36  gris  à  ventre  blanc )  10  noirs Interprétation.  —  J'ai  cherché  longtemps  une  explication  ration- nelle du  paradoxe  de  Darbishire,  en  croisant  dans  tous  les  sens  les hybrides  de  première  génération  et  leur  descendance  ;  les  expé- riences sont  rendues  assez  difficiles  par  la  santé  extrèmementr  déli- cate des  fauves  et  des  gris  perle,  qui  meurent  souvent  en  bas  âge, ou  ne  donnent  qu'un  nombre  insignifiant  de  petits.  Néanmoins,  j'ai fini  par  trouver  une  solution  très  simple  du  problème,  tout  à  fait d'accord  avec  les  doctrines  mendéliennes. La  fon'iiule  de  la  Souris  fauve  à  yeux  rouges,  le  père  originel,  est GG'E...,  c'est-à-dire  que  ses  particularités  sont  en  relation  avec  au moins  trois  déterminants  du  plasma  germinatif  :  C  est  le  déter- minant commun  à  toutes  les  races  pigmentées  ;  G'  et  E  réagis- sent l'un  sur  l'autre  pour  donner  la  teinte  fauve  du  pelage,  E  étant en  même  temps  un  déterminant  Sj^écial  de  la  non-pigmentation  des yeux. La  formule  de  l'albinos  utilisée  comme  femelle  originelle,  est ANM...  :  A  est  le  déterminant  spécial  de  l'albinisme,  commun  à tous  les  albinos,  qui  empèdhe  N  et  M  de  s'exprimer  ;  N  est  le  déter- minant du  noir,  quand  il  est  en  compagnie  de  C  et  de  M  ;  M  est  en même  temps  le  déterminant  spécial  de  la  pigmentation  des  yeux, quand  il  est  en  présence  de  C  ;  mais  je  répète  que  N  et  M  restent  ici sans  effet,  puisque  A  empêche  toute  pigmentation. En  somme,  c'est  un  croisement  entre  deux  races  définies  chacune par  trois  déterminants  symétriques,  G  s'opposant  à  A,  G'  à  IN  et  M  à E.  II  sufiit  de  savoir  que  C  est  dominant  sur  A,  G'  sur  N,  et  M  sur  E, et  l'on  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  résoudre  le  paradoxe  de  Darbisuire. Les  petits  provenant  du  croisement  entre  les  deux  races  à  yeux rouges  sont  donc  des  trihybrides,  ayant  la  formule  C  (A)  G'  (N)M(E), les  déterminants  do:ainés  étant  placés  entre  parenthèses  ;  ou,  pour ,v  NOTES  ET  REVUE abréger,  ils  sont  identiques  au  point  de  vue  somatique,  à  une  forme CG'M.  Les  yeux  sont  noirs,  puisqu'il  y  a  réunion  des  déterminants C  et  M  ;  ranimai  est  gris  à  ventre  blanc,  résultat  de  la  réaction  de G'  et  M  en  présence  de  C. La  deuxième  génération,  provenant  du  croisement  des  trihybrides, doit  se  décomposer  de  la  façon  suivante  ',  en  appliquant  les  règles bien  connues  de  la  disjonction  et  de  la  dominance  mendéliennes  : 16  albinos  (Â...),  soit  25  0/0 Sur  64  petits \ 12  formes  pigmentées à   yeux   rouges soit  18,75  0/0 36  formes  pigmentées à  yeux  noirs soit  56,25  0/0 9  à  pelage  fauve (CG'E...) 3  réalisant  une  com- binaison nouvelle (CNE) 27  gris  à  ventre  blanc (CG'M...) 9  noirs  (CNM...) La  combinaison  nouvelle  (CNE),  prévue  par  la  théorie,  est  évidem- ment celle  qui  donne  naissance  aux  Souris  gris  perlé  à  yeux  rouges, race  qui  apparaît  subitement  dans  la  progéniture  des  trihybrides, et  qui  diffère  à  la  fois  de  ceux-ci  et  de  tous  leurs  ancêtres  connus. Calculons  maintenant,  d'après  ce  qui  précède,  la  prévision théorique  sur  92,  nombre  de  petits  que  j'ai  obtenu  : PREVISION    THEORIQUE 23  albinos 13   fauves 4  gris  perle 17 39   gris à  ventre  blanc 13  noirs 52 21  albinos 22  fauves RESULTAT   REEL  : 36    gris à  ventre  blanc 3  gris  perle 25 46 10  noirs Les  nombres  prévus  dans  mon  hypothèse  et  les  réels  sont  vrai- '  Dans  le  tableau,  je  donne  seulement  le  r^tsuUat  global  du  calcul,  en  indiquant  uni- quement les  déterminants  qui  s'expriment  dans  la  coloration  du  pelage  et  des  yeux. NOTES  ET  REVUE  v ment  très  voisins  l'un  de  l'autre  ;  il  y  a  seulement  un  peu  trop  de fauves,  particularité  qui  se  retrouve  du  reste  dans  les  croisements de  Darbis'iire,  et  que  nous  tenterons  plus  tard  d'expliquer. Naturellement,  j'ai  poursuivi  la  démonstration  dans  le  détail,  en vérifiant  les  formules  héréditaires  attribuées  aux  produits  du  croi- sement des  trihybrides.  Je  me  bornerai  à  citer  quelques-uns  des résultats,  toujours  bien  d'accord  avec  mon  hypothèse  : 1°  Si  Ton  croise  un  fauve  à  yeux  rouges  (CG'E)  bien  homozygote, par  un  gris  perle  (CNE),  on  doit  obtenir  uniquement  des  fauves, puisque  G'  est  dominant  sur  N  ;  c'est  ce  qui  arrive  en  effet,  comme l'avait  déjà  vu  Darbishire  et  comme  je  l'ai  vérifié  après  lui. 2°  Le  gris  perle  à  yeux  rouges  est  la  forme  pigmentée  qui  ren- ferme le  plus  de  déterminants  dominés  (N  et  E)  :  en  conséquence, des  gris  perle  croisés  entre  eux  doivent  donner  uniquement  des gris  perle  et  rien  d'autre.  C'est  ce  que  j'ai  constaté  :  un  couple de  gris  perle,  actuellement  en  observation,  a  produit  17  petits,  tous semblables  aux  parents. 3°  La  race  noire  (CNM)  et  la  race  gris  perle  (CNE)  ne  diffèrent  que par  un  unique  déterminant  ;  le  résultat  de  leur  croisement  est  donc un  monohybride,  qui  doit  être  noir,  puisque  M  est  dominant  sur  E.  Ces monohybrides  noirs,  croisés  entre  eux  à  leur  tour,  doivent  produire des  noirs  à  yeux  noirs  et  des  gris  perle  à  yeux  rouges,  dans  la  pro- portion de  3  à  1.  C'est  exactement  ce  qui  se  passe  au  point  de  vue des  couleurs,  mais  je  n'ai  pas  encore  assez  de  portées  pour  vérifier la  proportion  numérique. 4"  La  théorie  fait  prévoir  l'existence  d'albinos  renfermant  le déterminant  E  ;  ceux-ci,  croisés  avec  des  fauves  ou  gris  perle  à  yeux rouge,  qui  renfermeut  le  même  déterminant,  doivent  donc  produire des  petits  à  yeux  rouges,  et  non  pas  noirs  comme  dans  le  croise- ment paradoxal  du  début.  J'ai  rencontré  effectivement  de  tels albinos. Une  fois  convaincu  <lu  bien-fondé  de  l'hypothèse  explicative,  j'ai commencé  d'autres  recherches  en  croisant  les  fauves  et  gris  perle  à yfâux  ro\i%es  avec  des  Souris  grises,  jaunes  et  brunes.  Elles  ne  sont pas  suffisamment  avancées  pour  que  je  puisse  en  rendre  compte  ;  je mentionnerai  cependant  que  le  groupement  CG'M  (pelage  analogue à  celui  dn'  Mus  sxjlvaticus)  est  dominant  sur  Ife  groupenaent  CGM (Souris  grise  orâiuaife,  Mus  musculus),  mais  par  contre,  que  le groupement  CJM  (Souris  jaune),  domine  aussi bi«n  CG'M  que  CGM. VI  NOTES  ET  REVUE Souris  brunes Les  Souris  brunes  [chocolaté,  brown,  plum  des  Anglais)  consti- tuent une  race  facilement  reconnaissable  à  son  pelage  d'un  beau brun  velouté,  un  peu  plus  clair  sous  le  ventre  ;  les  yeux  sont  noirs; la  queue  a  une  teinte  mixte  entre  le  rose  et  le  brun;  les  poils  ne renferment  que  du  pigment  brun,  à  l'exclusion  du  noir  et  du  jaune. Quelques  auteurs,  Parsons  (cité  dans  Bateson  1903),  Allen  (1904) et  Davenport  (1904),  se  sont  servis  pour  certains  croisements  de cette  race  brune  ou  de  l'albinos  correspondant,  mais  leurs  expé- riences manquent  de  précision  et  il  est  impossible  d'en  déduire  la formule  de  constitution  germinale.  Aussi  ai-je  dû  reprendre  cette étude,  en  partant  d'un  couple  de  Souris  brunes  qui  m'avait  été  obli- geamment envoyé  par  M.  Darbishire. Expériences  personnelles.  —  J'ai  d'abord  croisé  les  Souris  brunes entre  elles,  puis  avec  les  différentes  races  pures  que  je  possède,  la grise  (CG),  la  grise  à  ventre  blanc  (GG'),  la  noire  (CN)  et  la  jaune (GJ...). Les  brunes,  croisées  entre  elks,  donnent  toujours  et  uniquement des  brunes  semblables  aux  parents  (jusqu'ici  47  petits)  ;  à  moins, bien  entendu,  que  ces  Souris  ne  renferment  le  déterminant  spécial de  l'albinisme,  auquel  cas  on  obtient  des  brunes  et  des  albinos.  Ge résultat,  d'accord  avec  ceux  de  Parsons,  Allen  et  Davenport, permet  de  prévoir  que  le  brun  est  une  race  dominée  par  toutes  les autres,  et  qu'une  Souris  brune  quelconque  est  forcément  de  race pure. En  effet,  quand  on  croise  la  race  brune  par  une  autre,  grise,  noire ou  jaune,  les  hybrides  ne  sont  jamais  bruns  : 1)  Brun  X  Gris  =  Gris 2)  Brun  X  Gris  à  ventre  blanc  =  Gris  à  ventre  blanc 3)  Brun  x  Noir  =  Noir 4)  Brun  X  Jaune  (forme  constamment  hétérozygote) ^=  Jaune  4- Gris  ou  Noir. Etudions  en  particulier  les  hybrides  du  croisement  n"  1.  Si  ce  sont des  monohybrides,  en  les  croisant  entre  eux,  on  obtiendra,  confor- mément aux  règles  de  la  disjonction  et  de  Ta  dominance  mendé- liennes  : Hybride  Gris-Brun  x  Hybride  Gris-Brun  =  3  Gris  -\-  1  brun NOTES  ET  REVUE  vu Or,  ce  n'est  pas  du  tout  ce  qui  se  passe;  le  résultat  réel  est  beau- coup plus  compliqué.  Les  produits  du  croisement  appartiennent  à quatre  types  différents  : 1°  et  2"  Des  gris  et  des  bruns,  semblables  aux  grands  parents; résultat  qui  était  prévu. 3°  Des  noirs  typiques,  ce  qui  est  tout  à  fait  inattendu. 4°  Une  forme  nouvelle,  qui  correspond  au  cinnamom-agouti  des Anglais  [golden-agouti  d'ALLEN);  le  pelage  est  mixte  entre  le  gris  et le  brun;  sa  teinte  est  brun  jaunâtre  ou  gris  doré,  et  se  distingue avec  la  plus  grande  facilité  de  celle  des  grands-parents  ;  les  poils renferment  du  pigment  brun  et  du  jaune,  mais  pas  de  pigment  noir. Les  gris  sont  en  grande  majorité;  les  noirs  et  les  golden-agouti sont  moins  nombreux  ;  enfin,  les  bruns  apparaissent  assez  rarement. J'ai  obtenu  76  petits  qui  se  répartissent  ainsi  : 41  gris,  15  noirs,  15  golden-agouti,  5  bruns. Interprétation.  —  Après  avoir  croisé  de  toutes  les  façons  possibles les  produits  du  croisement  des  hybrides  et  contrôlé  ainsi  les  résultats rapportés  par  les  auteurs  cités  plus  haut,  je  suis  arrivé  à  une  inter- prétation tout  à. fait  sMisfaisante. On  a  vu  que  le  croisement  précédent  donne  entre  autres  des Souris  noires,  qui  n'existent  absolument  pas  dans  la  lignée  ances- trale  des  parents  grîs  et  bruns. L'apparition  du  noir  est  due  à  un  apport  des  déterminants  parti- culiers de  cette  race  (CN),  apport  dont  la  souche  brune  est  forcément responsable.  Les  Souris  brunes,  comme  les  noires,  renferment  donc le  groupement  CN,  mais  puisqu'elles  ne  sont  pas  semblal)ies.  .1  faut donc  qu'il  y  ait  entre  ces  deux  races  un  ou  plusieurs  déterminants différentiels,  inconnus  jusqu'ici.  En  réalité,  il  n'y  en  a  qu'un  : j'appellerai  F  (première  lettre  du  mot  foncé)  le  déterminant  en question  tel  qu'il  existe  chex  les  Souris  noires  et  D  (première  lettre du  mot  dilué)  sa  mutation  chez  les  Souris  brunes.  La  formule  des noires-devient  donc  CNF,  et  celle  des  brunes  CND.  D  est  dominé par  F,  ainsi  qu'il  ressort  des  croisements  entre  noirs  et  bruns. Si  nous  attribuons  aussi  aux  Souris  grises  (CG)  ce  déterminant nouveau  F,  tout  s'explique  alors  très  facilement  :  le  croisement original  donne  naissance  à  des  dihybrides,  les  parents  différant par  les  déterminants  G-N,  d'une  part,  F-D,  d'autre  part.  Voie,  le calcul  de  prévision  basé  sur  les  hypothèses  précédentes  : VIII Parents  : 1"  génération  : (Dihybrides) NOtES  ET  REVUE CGF  (gris)   CND  (l^run)       C(}p  (gris)   CND  'l"-"") CGF(CND)  (g"s) CGF(CND)  (gris) Décomposition  des  gamètes  :     CGF,  CND,  CGD,  CNF I  CGFCGF 2     CGFCGD 2     CGFCNF 4     CGFCND 2"'°  génération  :    /  CGDCGD 2     CGDCND CNFCNF 2     CNFCND CNDCND 9  gris 3  Souris  formant  une  combinaison nouvelle 3  noirs 1  brun La  combinaison  nouvelle  CGD  correspond  évidemment  à  la  forme nouvelle  (brun  doré  =;  golden-agouti),  qui  a  apparu  subitement  lors du  croisement  des  dihybrides  gris,  et  qui  diffère  à  la  fois  de  ceux-ci et  de  tous  leurs  ancêtres  connus. Calculons  maintenant,  d'après  ce  qui  précède,  la  prévision  théo- rique sur  76,  nombre  de  petits  que  j'ai  obtenu  : PRÉVISION   THÉORIQUE  : 43  gris      I      14  noirs      |      14  golden-agouti      |      5  bruns RESULTAT    REEL  : 41  gris      I      15  noirs      |      15  golden-agouti 5  bruns L'accord  entre  la  prévision  et  la  réalité  est  tellement  frappant, qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  de  l'exactitude  de  l'hypothèse  émise plus  haut.  J'ai  du  reste  effectué  toutes  sortes  de  vérifications,  qui ont  toujours  donné  les  résultats  que  l'on  peut  prévoir  par  le  manie- ment des  formules  héréditaires. L'étude  des  Souris  pigmentées  à  yeux  rouges  et  celle  des  Souris brunes  nous  a  donc  révélé  l'existence  de  deux  nouveaux  déterminants de  la  couleur  du  pelage  :  le  déterminant  M  présentant  la  mutation E,  et  le  déterminant  F  présentant  la  mutation  D.  La  formule complète,  jusqu'à  présent,  d'une  Souris  grise,  devient  CGFM;  celle NOTES  ET  REVUE  ix d'une  Souris  noire,  CNFM;  celle  d'une  Souris  brune,  CNDM  ;  celle d'une  Souris  fauve  à  yeux  rouges,  CG'FE-;  celle  d'une  Souris  gris perle  à  yeux  rouges,  CNFE,  etc-  On  peut  se  proposer  la  vérification suivante,  queje  n'ai  pas  encore  essayée,  faute  de  matériel  disponible, mais  dont  j'annonce  d'avance  le  résultat  :  si  on  croise  une  Souris gris  perle  à  yeux  rouges,  bien  homozygote,  avec  une  Souris  brune, également  homozygote,  on  devra  obtenir  des  Souris  noiret^  et  rien que  cela  : CNFE  X  CNDM  =  CNFM  (CNDÈ) Notion  des  caractères-unités- L'expérience  a  prouvé  que  parmi  les  divers  caractères  transmis- sibles,  il  en  est  qui  sont  absolument  indépendants  des  autres  carac- tères, et  qui  sont,  au  moins  provisoirement,  indécomposables. Ainsi,  chez  les  Souris,  la  propriété  de  valser  et  la  panachure  sont des  caractères  tout  à  fait  indépendants  de  lo  couleur  du  pelage; par  des  croisements  appropriés,  on  peut  les  transférer  à  toutes  les Souris  possibles,  blanches,  grises,  noires,  jaunes,  etc.  Chez  les Souris  blanches,  la  panachure  n'est  naturellement  pas  visible, puisque  le  fond  même  du  pelage  est  blanc;  mais  elles  sont  capables de  transmettre  le  caractère  à  leurs  descendants,  exactement  comme les  Souris  à  pelage  pigmenté  et  panaché.  Les  particularités  indé- composables qui  s'héritent  ainsi,  ^d'une  façon  séparée  et  indépen- dante, sont  les  caractères  élémentaires  ou  caractères-unités  ;  à  chacun d'eux  correspond  dans  le  plasma  germinatif  une  substance-spéciale ou  déterminant^  susceptible  de  variation  ou  de  mutation  indé- pendante. Il  est  de  la  plus  haute  importance  de  ne  pas  confondre  le  carac- tère-unité avec  le  caractère  descriptifs  tel  qu'on  le  comprend  dans une  définition  d'animal  ou  de  plante  ;  il  suffit  d'un  mot  pour  dire qu'une  Souris  est  noire,  que  les  pétales  d'un  Pavot  sont  rouges,  ou qu'une  Giroflée  est  poilue  ;  or,  ces  caractères  descriptifs  simples peuvent  très  bien  correspondre  à  plusieurs  caractères-unités  indé- pendants, que  des  croisements  bien  dirigés  permettent  seuls  de mettre  en  évidence.  J'ai  été,  je  crois,  le  premier  à  montrer  que  la couleur  du  pelage  des  Souris  comprenait  plusieurs  caractères-unités; j'en  connais  actuellement  quatre,  et  il  est  probable  qu'il  y  en  a d'autres;  Bateson,  SaundehscI  Pcnnett  (1905)  pensent  que  la  pilosité A* X  NOTES  ET  REVUE des  Maltliiola  correspond  à  quatre  caractères-unités  qu'ils  désignent par  des  lettres  (HKCR). Par  contre,  il  est  des  caractères  descriptifs  compliqués,  compre- nant de  nombreux  détails,  qui  paraissent  correspondre  à  un  seul caractère-unité,  par  exemple  la  panachure  des  Souris  :  l'emplacement et  la  forme  des  zones  blanches  sont  réglés  par  des  facteurs  qui. prennent  sans  doute  naissance  au  cours  de  l'ontogenèse,  comme une  distribution  de  nerfs,  de  vaisseaux  ou  depannicule  adipeux,  de sorte  qu'il  est  impossible  d'assurer  La  transmission  héréditaire  de tel  ou  tel  détail;  ce  qui  se  transmet,  c'est  simplement  ime  certaine valeur  quantitative  de  panachure. Je  citerai  encore  un  autre  exemple  bien  caractéristique  :  on  sait que  la  coloration  grise  des  Souris  sauvages  est  due  à  la  juxtaposition de  poils  colorés  par  divers  pigments;  un  noir,  un  brun  et  un  jaune, sans  compter  le  blanc  ou  absence  de  pigment;  il  serait  tout  naturel de  penser  que  chacune  de  ces  quatre  teintes  a  son  déterminant spécial:  les  races  de  couleur  simple,  noire, brune,  jaune  ou  blanche; posséderaient  seulement  le.déterminantarfAoc,  et  dans  la  race  grise seule  tous  les  déterminants  coexisteraient.  Les  expériences  ont prouvé  surabondamment  que  les  choses  sont  toutes  autres;  il  y  a bien  plusieurs  déterminants  pour  la  couleur  dU  pelage,  mais  il  y  en a  le  même  nombre  dans  les  races  unicolores  et  dans  la  race  grise  ; ces  races  diffèrent,  non  pas  par  la  quantité  de  leurs  déterminants, mais  par  la  qualité;  une  couleur  simple  n'est  pas  le  résultat  de  la prédominance  d'un  déterminant  spécial,  mais  bien  la  résultante  de la  réaction  mutuelle  de  plusieurs  déterminants. Lorsqu'à  un  caractère  descriptif  correspondent  plusieurs  déter- minants du  plasma  germinatif,  on  ne  peut  naturellement  déceler ceux-ci  qu'autant  qu'ils  ont  éprouvé  des  mutations.  Supposons,  par exemple,  une  couleur  de  pelage  qui  comprend  cinq  caractères- unités,  CGMFU  ;  s'il  n'y  en  a  qu'un,  le  déterminant  C,  qui  ait  pré- senté une  mutation  A  au  cours  des  temps,  lorsqu'on  croisera  la  race CGMFU  avec  la  race  AGMFU,  tout  se  passera  comme  si  la  colora- tion avait  un  unique  déterminant,  C-A;  il  sera  tout  à  fait  impossible, et  du  reste  parfaitement  inutile  au  point  de  vue  pratique,  de  mettre en  évidence  les  quatre  autres  déterminants  communs  aux  deux races.  On  ne  peut  donc  pas  dénombrer  d'une  façon  absolue  tous  les caractères-unités  correspondant  à  un  caractère  descriptif,  mais  plus l'espèce  étudiée  présentera  de  variétés  différentes,  plus  on  aura  de NOTES  ET  REVUE  xi chances  que  les  mutations  aient  affecté  un  grand  nombre  de  carac- tères-unités, sans  qu'on  soit  jamais  certain  de  les  connaître  tous. C'est  pour  n'avoir  pas  connu  la  distinction  profonde  à  établir entre  caractère  descriptif  et  caractère-unité,  que  toutes  les  recher- ches sur  l'Hérédité  basées  sur  l'interprétation  de  stat?stiques,  de quelque  appareil  mathématique  qu'elles  soient  entourées,  ont  donné des  résultats  seulement  approchés  ou  même  parfaitement  inexacts  ; c'est  pour  la  même  raison  que  les  expériences  un  peu  hâtives  ou manquant  de  rigueur,  comme  celle  des  éleveurs,  fournissent  des résultats  incompréhensibles  ou  capricieux,  desquels  on  ne  peut déduire  aucune  règle  précise.  Les  expériences  d'hybridation  n'arri- vent à  être  parfaitement  claires  que  lorsqu'on  a  pu,  par  une  analyse délicate,  définir  les  caractères-unités  mis  en  jeu. Conclusions La  couleur  du  pelage,  chez  les  Souris,  est  représentée  dans  le plasma  germinatif  par  un  certain  nombre  de  déterminants  (carac- tères-unités), que  l'expérience  permet  seule  de  mettre  en  évidence et  de  compter;  jusqu'ici,  on  en  connaît  au  moins  5,  et  il  est  très probable  qu'il  y  en  a  encore  d'autres.  Chacun  de  ces  déterminants peut  présenter  des  mutations  indépendantes. Ces  déterminants,  désignés  par  des  lettres,  sont  les  suivants  : 1.  C  est  un  déterminant  de  la  couleur  en  général  ;  il  existe  chez toutes  les  Souris  pins  ou  moins  pigmentées.  Il  présente  la  mutation A  qui  correspond  à  la  privation  absolue  de  couleur  (albinisme), quels  que  soient  les  déterminants  qui  l'accompagnent. 2.  M,  lorsqu'il  accompagne  G,  est  le  déterminant  de  la  couleur noire  des  yeux  et  influe  sur  la  teinte  générale  en  la  rendant  plus foncée  ;  il  présente  la  mutation  E,  qui  correspond  à  la  coloration rouge  des  yeux  et  influe  sur  la  teinte  générale  en  l'éclaircissant. 3.  G  est.  un  déterminant  spécial  de  la  teinte  du  pelage  en  pré- sence de  C;  il  présente  un  grand  nombre  de  mutations  :  G',  N,  et  J. 4.  F  est  un  déterminant  qui  contribue  avec  les  précédentes  à donner  la  teinte  du  pelage  ;  il  présente  la  mutation  D,  dont  l'action se  traduit  par  la  disparition  du  pigment  noir  dans  les  poils. 5.  U  est  le  déterminant  de  la  coloration  uniforme  du  pelage, quelle  que  soit  sa  teinte;  il  présente  la  mutation  P,  avec  une  série de  variantes,  p^\  p^,  p^....  p",  qui  correspondent  à  des  degrés variables  de  panachure. xn  NOTES  ET  REVUE C'est  h  la  coopération  des  déterminants  C,  M-E,  G-G'-N-J,  F-D  et à  leur  réaction  l'un  sur  l'autre,  que  sont  dues  les  teintes  spéciales des  différentes  races  de  Souris. La  liste  suivante  indique  les  combinaison»  connues,  aussi  bien que  celles  encore  inconnues,  mais  possibles  (il  n'est  pas  tenu  compte du  5*  déterminant,  pejage  uniforme  ou  panachure,  dont  l'action  se manifeste  par  l'absence  ou  la  présence  de  zones  blanches  sur  le fond  coloré). CGFM  4=  Coloration  grise  banale  (Souris  grise  sauvage),  plus  ou raoinsfoncée,  due  au  mélange  de  trois  pigments:  noir, jaune  et  brun, et  de  poils  blancs,  non  pigmentés. CG'FM  =  Coloration  grise  sur  le  dos,  blanc  roux  sous  le  ventre (ressemble  beaucoup  à  celle  du  Mulot  [Mus  sylvaticus L.]). CNFM  =  Noir,  dû  au  mélange  des  pigments  noir  et  brun. GJFM....  =:=;  Jaune  plus  ou  moins  foncé,  mais  ne  peut  exister  qu'à l'état  combiné  chez  des  hétérozygotes. CGDM  =  Di.sparition  du  pigment  noir  des  poils,  l'animal  est  d'un brun  jaunâtre  (gris  doré). CG'DM  =:  Comme  le  précédent,  sauf  que  le  ventre  est  blanc  roux. CNDM  —  Brun. CJDM  =^  ? CGFE  =:  Pelage  fauve  (jaune  sale)  ;  yeux  d'un  rouge  foncé,  à  peu près  de  teinte  grenat. CG'FE  =  Pelage  feuve  plus  ou  moins  clair  ;  yemx  rouge  clair. CNFE  =  Pelage  gris  perle  ;  yeux  rouge  clair, CJFE  =  Pelage  jaune  vif  ;  yeux  rouge  clair. CGDE  \ CG'DE       , ^»,^r.   /   Inconnus. CNDE CJDE   ) AGFM   \ AG'FM   j .  -^„         /    Albinos. AJFM....    I AGDM   \ etc..     / Les  règles  de  dominance  des  diverses  mutations  d'un  même déterminant  sont  résumées  dans  le  tableau  suivant;  une  mutation NOTES  ET  REVUE  xiii donnéédomine  celles  qui  sont  placées  au-dessous,  en  ligne  verticale, et  est  dominée  par  celles  qui  sont  au-dessus  : J G' G N M E U p3 La  liste  du  résultat  des  combinaisons  et  le  tableau  de  dominance permettent  de  prévoir  et  de  calculer  les  résultats  de  tous  les  croise- ments possibles.  Et  inversement,  étant  donnés  des  résultats  de croisements,  ils  permettent  d'indiquer  quels  sont  les  parents probables. 7'oMS  les  déterminants  connus  chez  les  Souris,  c'est-à-dire  ceux mentionnés  plus  haut,  ceux  de  la  panachure-robe  uniforme  (U-P) et  ceux  de  la  valse  et  de  la  locomotion  rectiligne  (R-W),  suivent strictement  les  règles  de  l'hérédité  mendélienne.  On  ne  connaît  chez les  Souris  que  des  caractères  mendéliens. ItIDEX  BIBLIOGRAPHIQUE 1904.  Ai.LEx.  The  heredity  of  coal-color  in  Mico.  f'P/-oc.  American  Aead. of  Arts  and  Sciences,  XL,  p.  61). 1903.     Baïeson.  The  présent  state  of  knowledge  of  colour-hereility  in Mice  and  Rats.  (P/oc.  Zool.  Soc.  London,  II,  p.  71). 1905.  Bateson,  Saunders  et  Punnett.  Further  experiments  on  Inheiilance in  Sweet   Peas  and  Stocks,   [l'-roc.   Royal  Society,  b,  LXXVII, p.  236). 1902.  CuÉNOT.  La  loi  de  Mendel  et  rhérédité  de  la  pigmentation  chez  les Souris.  {Arch.  Zool.  exp.  [3],  X,  Notes  et  Revue,  p.  xxvii). 1903.  CuÉ.NOT.  L'hérédité  de  la  pigmentation  chez  les  Souris,  (2«  note). [Arch.  Zool.  exp.  [4],  I,  Notes  et  Revue,  p.  xxxni). 1904.  CuÉNOT.  L'hérédité  de  la  pigmentation  chez  les  Souris,  (3"  note). [Arch.  Zool.  exp.  [4],  II,  Notes  et  Revue,  p.  xlv). 1905.  CuÉNOT.  Les  races  pures  et  leurs  combinaisons  chez  les  Souris, (4«  note).  Arch.  Zool.  exp.  [4],  III,  Notes  et  Revue,  p.  csxui). 1905.     Dabbishire.  On  the  resuit  of  crossing  Japanese  wallzing  wilh  alliino Mice  (Biometrika,  111,  p.  1). 1904.     Dave.vport.  Golor  inheritance  in  Mice  [Science,  XIX,  voir  p.  112). XIV  NOTES  ET  REVUE II NOTES  ICHTHYOLOGIQUES LES  SCORPÉNIDÊS  DE  LA  MÉDITERRANÉE par  Louis  Roule Professeur  à  la  Faculté  des  Scienceg Directeur  de  la  station  de  Pisciculture  et  d'IIydrobiologie  de  l'Université  de  Toulouse Les  représentants  de  la  famille  des  Scorpénidés  jouent  un  rôle important  dans  la  faune  méditerranéenne.  La  grande  place  quils  y occupent  se  doit  plutôt  à  leur  nombre  qu'à  leur  diversité.  Ils  sont fort  répandus  dans  les  principaux  fonds  à  pèches,  et,  souvent, comptent  pour  beaucoup,  à  cause  de  l'estime  où  leur  chair  est tenue,  dans  les  revenus  de  l'industrie  des  pêcheurs.  Ils  donnent  à la  Méditerranée,  en  ce  qui  concerne  richthyologie,  et  par  cette  pul- lulation  fréquente,  un  faciès  particulier,  que  l'Océan  ne  possède point  sous  les  mêmes  latitudes,  ou  s'y  trouve  du  moins  fort  atténué. Une  étude  taxonomique  et  biologique  de  ces  êtres  offre,  pour cette  raison,  un  réel  intérêt. Les  genres  qui  composent  cette  famille  appartiennent,  pour  la plupart,  aux  mers  de  la  région  Indo-Pacifique.  Partant  de  ce  centre d'expansion,  certains  se  dirigent  vers  le  Sud,  et,  passant  par rOcéanie,  atteignent  les  zones  antarctiques  ;  d'autres  remontent vers  la  mer  Rouge,  et  parviennent  dans  les  eaux  européennes  Ces derniers,  seulement  au  nombre  de  deux,  Sebastes  et  Scorpoe^xa,  ne se  distinguent  l'un  de  l'autre,  au  sujet  de  plusieurs  de  leurs  espèces, que  par  des  détails  de  minime  importance. §  1" GENRE  SEBASTES La  majorité  des  espèces  de  ce  genre  habite  l'Océan  Indien,  les mers  de  la  Chine  et  du  Japon,  l'Océan  Atlantique  jusqu'au  voisi- nage du  Cercle  arctique.  Le  centre  paraît  se  trouver,  comme  celui des  autres  genres  principaux  de  la  famille  entière,  dans  la  province Indo-Pacifique. Trois  espèces,  appartenant  à  ce  genre,  ont  été  signalées  comme se  trouvant  dans  la  Méditerranée  :  8.  dactylopterus  Del.;  6'.  made- rensis  C.  V.  ;  5.  Bibroni  Sauv.  Une  quatrième  espèce,  aisément  recon- NOTES  ET  REVUE  xv naissable,  ^\  Kûhli  Bowd.,  vît  dans  l'Océan  Atlantique,  depuis  la Côte  du  Soudan  (Vaillant)  jusqu'au  Golfe  de  Gascogne  (Collett)  ; aucun  auteur  ne  l'a  recueillie  dans  la  Méditerranée,  et  je  n'ai  jamais eu  l'occasion  de  l'y  voir,  ni  dans  les  collections,  ni  dans  mes  inves- tigations. Sebastes  dactylopterus 1809.  Scorpœna  dactyloptera,  Delaroche  [Ann.  Mus.  Hist.  Nat.,  vol.  13). 1828.  Sebastes  imperlalis,  Cuvier  et  Valenciennes  [Hist.  Nat.  Poissons,  vol.  4). 1855.  Sebastes  dactylopterus,  Nilsson  [Skandin.  Fauna  ;  Fisk). Cette  espèce  caractéristique  est  répandue  dans  toute  la  Méditer- ranée, où  la  plupart  des  ichthyologistes  ont  signalé  sa  présence. Il  semblerait,  d'après  le  pointage  de  ces  habitats,  qu'elle  abonde davantage  dans  les  zones  méridionales  que  dans  les  autres.  A  en juger  d'après  les  observations  que  j'ai  faites  à.Banyuls,  elle  serait aussi  fréquente  sur  les  côtes  du  Roussillon  que  dans  des  eaux  plus tièdes.  Sa  distribution  bathymétrique  fait  seule  sa  rareté  relative.  Il faut  que  les  pêcheurs  traînent  leurs  chaluts  dans  les  fonds  qu'elle fréquente,  à  l'exclusion  des  autres,  et  les  circonstances  ne  le  leur permettent  pas  souvent. S.  dactylopterus,  en  dehors  de  la  Méditerranée,  a  été  rencontré dans  les  régions  suivantes  :  Iles  Açores,  Madère,  Canaries,  du  Cap vert.  Banc  d'Arguin;  Golfe  de  Gascogne  (rare);  Irlande  et  Côtes anglaises;  Côtes  norvégiennes  (Bergen,  Tromsô);  Côtes  atlantiques des  Etats-Unis,  au  voisinage  du  Gulf-Streain. Cette  espèce,  dans  la  Méditerranée,  habite  les  zones  profondes du  plateau  côtier  et  les  bords  des  rechs.  Elle  serait  dooc  sub-ab-ys- sale,  plutôt  que  littorale  :  telle  est  la  raison  de  sa  rareté  apparente. Lorsque  les  chaluts  traversent  les  régions  où  elle  se  tient,  les  indi- vidus se  laissent  souvent  capturer  en  grand  nombre.  Il  en  est  de même  pour  les  eaux  atlantiques  européennes,  au  large  du  Maroc,  de l'Espagne,  et  dans  le  Golfe  de  Gascogne.  Par  contre,  il  semble  qu'elle devient  franchement  abyssale  dans  les  parties  septentrionales  de l'Océan  Atlantique.  Sa.  capture  assez  aisée  par  les  chaluts,  diverses particularités  de  son  organisation,  donnent  sur  son  ethologie  quel- ques notions  probables.  Sans  doute,  S.  dactylopterus  et  les  autres espèces  du  genre  vivent  à  la  manière  des  Scorpœna,  immobiles  sur les  fonds,  et  ne  se  déplaçant  guère  que  pour  se  précipiter  sur  une proie.  Les  piquants  dont  ces  poissons  sont  armés  servent  plus  à faciliter  une  défense  passive  qu'à  favoriser  l'oiï'ensive. XVI  NOTES  ET  REVUE Sebastes  maderensis. 1833.  Scorpœna  madurensis,  Cuvier  et  Valenciennes  [Hist.  nat.  Poissons, vol.  9). 1841.  Sebasles  maderensis,  Lowe  {Trans.  Linn.  Soc.  of  London,  vol.  2). 1860.  Sebastes  maderensis,  Gunther  [Caial.  of  Fishes,  vol.  2). Ce  Sebasle  est  rare  partout.  Son  centre  principal  se  trouve  dans les  parages  de  Madère  et  des  îles  Canaries.  Il  paraît  ne  point dépasser,  vers  le  Nord  deTOcéan  Atlantique,  les  côtes  lusitaniennes. En  ce  qui  concerne  la  Méditerranée,  il  n'est  signalé,  par  Stein- DACiiNER  (1867),  qu'à  Malaga  et  à  Beyrouth,  c'est-(à-dire  dans  les parties  les  plus  méridionales  et  aux  deux  extrémités  de  cetté^iner. Aussi  l'individu  mentionné  ci-dessous  offre-t-il  une  certaine  impor- tance. Le  Laboratoire  Arago  possède,  dans  ses  collections,  un  Sebastes recueilli  au  large  du  Cap  Cceus,  par  100  mètres  de  profondeur.  Cette région  est  située  au  sud  du  Roussillon  ;  elle  participe  des  conditions biologiques  de  la  côte  espagnole.  Ses  eaux  subissent  pourtant  un régime  différent  de  celui  de  Malaga  ou  de  Beyrouth. L'individu  est  de  grande  taille  ;  il  mesure  180  m'/m  de  longueur. Plusieurs  particularités  l'éloignent  des  8.  dactijlopterus  ordinaires. Les  principales  d'entre  elles  sont  les  suivantes  :  Tète  large  et  mas- sive; épines  de  la  tète  fortes  ;  bouche  petite  ;  extrémité  postérieure du  maxillaire  atteignant  à  peine  l'aplomb  du  diamètre  vertical  de l'œil;  extrémité  antérieure  de  la  langue  appliquée  contre  le  plan- cher buccal.  D'après  les  vestiges  qui  subsistent,  la  couleur  était brun-rougeâtre. Je  rapporte  cet  exemplaire,  malgré  ses  grandes  dimensions,  à Sebastes  maderensis.  Les  caractères,  cités  par  les  auteurs  anciens  et récents,  s'accordent  avec  les  siens.  Cette  espèce  serait  donc  capable de  pénétrer  dans  le  nord  de  la  Méditerranée,  et  de  s'avancer  jusqu'au voisinage  du  Roussillon.  Son  habitat,  d'après  le  lieu  de  pêche,  se confondrait  avec  celui  de  -S.  dactylopterus. A  ce  qu'il  me  semble  d'après  les  échantillons  que  j'ai  examinés, et  d'après  les  indications  fournies  par  les  auteurs,  iadiagnose  diffé- rentielle de  S.  dactylopterus  et  de  .S.  maderensis  n'a  pas  grande valeur  taxononiique.  Selon  toutes  les  probabilités,  la  seconde  de  ces espèces  équivaut  à  une  mutante  de  la  première,  de  beaucoup  plus rare  qu'elle,  et  disséminée  dans  les  régions  diverses  que  fréquente celle-ci. NOTES  ET  REVUE  xvii .   Sebastes  Bihroni. 1878.  Sebastes  Bibroni,  Sauvage  {Nouv.  Arch.  du  Muséum,  vol.  1). Je  ne  cite  cette  espèce  que  pour  mémoire,  n'ayant  pas  eu  1  occa- sion d'étudier  ses  représentants.  L'auteur  l'a  décrite  d'après  un exemplaire  recueilli  en  Sicile.  Elle  semble  faire  double  emploi  avec ^\  laaderensis.  Si  l'on  écarte  les  caractères  qui  s'appliquent  à  d'autres Sebastes,  retenant  seules  les  particularités  différentielles,  on  incline vers  cette  conclusion.  Pourtant,  la  bouche  serait  plus  petite  que celle  de  S.  madère n sis,,  puisque  l'extrémité  postérieure  des  mâchoires n'atteint  pas  l'aplomb  du  diamètre  vertical  de  l'œil. §  2. Genre  SCORPŒNA Les  nombreuses  espèces  de  ce  genre  fréquentent  surtout  les mers  tropicales  Atlantiques  et  Indo-Pacifiques.  Certaines  remontent vers  des  zones  plus  tempérées  ;  mais,  sauf  dans  la  Méditerranée, elles  y  vivent  en  moindre  quantité  que  dans  les  mers  plus  chaudes. Les  auteurs  ont  décrit  quatre  espèces  méditerranéennes  du  genre. Deux  d'entre  elles  se  rencontrent,  sous  la  même  latitude,  dans  la Méditerranée  et  l'Océan  Atlantique  :  5.  porcus  L.,  et  S.  scrofa  L. Parmi  les  deux  suivantes,  l'une,  -S.  lutea  Risso,  propre  à  la  Méditer- ranée, n'a  d'autre  valeur  que  celle  d'une  légère  mutation  de S.  scrofa  ;  l'autre,  S.  ustulata  Lowe,  se  trouve  à  la  fois  dans  la Méditerranée  et  dans  l'Océan  Atlantique,  maia  ne  paraît  assez  fré- quente que  dans  les  parties  chaudejs  de  ce  dernier.  Du  reste,  cette quatrième  espèce,  s'il  est  loisible  de  la  conserver  dans  la  systéma- tique, doit  se  prendre,  à  son  tour,  et  comme  on  le  verra  plus  loin, pour  une  mutation  de  6".  scrofa,  caractérisée  par  la  persistance  des caractères  du  jeune  âge. Scorpœna  porcus. 1766.  Scorpœna  porcus,  Linné  [Syst.  Nat.,  12*  édit). 1775.  Cottus  massiliensls,  Forskal  {Descr.  anim). 1833.  Scorpœna  maasillensis,  Lacépède  [Hist.  nat.  Poissons). Cette  espèce,  commune  partout  dans  la  Méditerranée,  se  laisse facilement  reconnaître.  Les  caractères  distinctifs,  dans  une  dia- gnose  différentielle  d'avec  -S.  scrofa,  portent  sur  un  certain  nombre de  faits,  qui  méritent  d'être  relevés. xviii  NOTES  ET  REVUE Les  opercules  et  les  nageoires  de  S.  porcus  sonlaiissi  bien  armés que  leurs  similaires  de  S.  scrofa,  mais  non  la  tète  elle-même. Les  piquants  y  sont  moins  nombreux  et  moins  saillants  ;  la  peau  qui les  recouvre  est  plus  épaisse.  Le  sous-orbitaire  antérieur  porte  seu- lement trois  épines,  l'antérieure,  la  postérieure  et  rintermédiaire; ces  appendices  sont  plus  courts,  plus  grêles,  que  ceux  de  >S.  scrofa  ; parfois,  sur  le  vivant,  dont  les  téguments  n'ont  encore  subi  aucune dessiccation,  la  peau  les  cache  presque.  L'épine  postérieure  descend presque  verticalement. Les  écailles  sont,  à  dimensions  égales  des  individus,  plus  petites que  celles  de  S.  scrofa.  La  disproportion  de  leur  longueur  à  leur largeur  est  plus  grande.  Leur  spinulation  appartient  à  un  tout  autre type  ;  le  bord  libre  de  Técaille  porte,  directement  implantées  sur  le bord  lui-même  et  non  en  retrait,  des  spinules  très  courtes,  coniques, relativement  larges  à  leur  base.  La  zone  pigmentée  est  plus  vaste, plus  colorée  ;  la  plupart  des  chromoblastes  sont  noirs  et  jaunes. La  couleur  générale  de  S.  porcus  diffère  de  celle  de  S.  scrofa. Celle-ci  tourne  d'ordinaire  au  rouge,  au  rouge-brun,  ou  à  l'orangé  ; celle-là  au  gris  plus  ou  moins  foncé,  ou  au  gris-brunâtre.  Les  varia- tions de  couleur  sont  des  plus  fréquentes,  et  il  est  oiseux  de  suivre  les auteurs  dans  les  descriptions  minutieuses  qu'ils  en  font  parfois;  ces dernières,  considérées  dans  le  sens  taxonomique,  n'ont  ici  aucuiTe utilité.  La  seule  disposition  intéressante  revient  à  cette  dissem- blance générale  de  la  teinte  d'ensemble,  malgré  la  diversité  spéciale souvent  constatée. Ce  contraste  s'accorde,  sans  doute,  avec  celui  de  l'œcologie. S.  porcus  habite  les  fonds  rocheux,  les  prairies  d'Algues  et  deZos- tères  des  zones  littorales.  Sa  couleur  générale,  et  ses  variations, paraissent  résulter  des  circonstances  environnantes  et  de  leurs changements  :  le  mimétisme  est  frappant.  5.  scrofa  remonte  par- fois vers  les  pfairies  sous-marines,  mais  30n  habitat  ordinaire  se trouve  dans  les  fonds  vaseux  et  sablo-vaseux  du  grand  large,  con- finant aux  zones  sub-abyssales. Une  nouvelle  et  curieuse  opposition  entre  S.  porcus  et  S^  scrofa tient  à  la  constance  des  caractères  de  la  première  espèce  et  à  la facilité  de  variation  de  la  secon<le.  Les  jeunes  et  les  adultes  de S.  2?orcws  diffèrent  par  quelques  points,  ainsi  que  les  individus  de même  taille  pris  dans  des  localités  aux  conditions  dissemblables; mais  la  capacité  de  variation  se  trouve  faible,  relativement  à  celle NOTES  ET  REVUE  xix de  S.  sera  fa.  Peut-être  faut-il  voir  en  cela  le  résultat  de  l'action d'espace  :  les  régions  fréquentées  par  S.  porcus  étant  de  beaucoup moins  étendues,  à  la  fois  plus  restreintes  et  plus  uniformes,  que celles  où  vit  S.  scrofa. D'autre  part,  les  dimensions  de  S.  porcus,  même  chez  les  indi- vidus les  plus  gros,  ne  parviennent  jamais  à  égalercelles  de  S.  scro/a. L'action  de  l'espace  se  laisse  peut-être  sentir  en  ce  nanisme  relatif. Scorpœna  scrofa. Ib        Scorpœna  scrofa,  Linnk  {Syst.  nat.,  12^  édit.). 183à    Scorpœna  barbota,  Laokpiîde  [Hist.  nat.  Poissons). Cette  espèce  est  plus  répandue  que  la  précédente.  Elle  habite  les fonds  vaseux  du  large,  d'oîi  elle  remonte  jusqu'au  pourtour,  des- prairif-  de  Zostères,  et  parfois  jusqu'aux  environs  des  plages  sablon- neuses. Son  aire  de  répartition  est  plus  vaste  de  beaucoup  que  celle de.S.  porcûs.  Les  deux  formes  s'accompagnent  du  reste,  se  retrou- vent dans  la  Méditerranée  entière,  et  s'étendent,  ou  peu  s'en  faut, dans  l'Océan  Atlantique,  sous  les  mêmes  latitudes. Les  auteurs  ont  décrit  avec  soin  les  caractères  de  S.  scrofa.  Il importe  de  noter  que  ces  derniers  ne  s'appliquent  qu'à  des  adultes, à  des  individus  parvenus  à  d'assez  fortes  dimensions.  Les  particu- larités de  la  diagnose  spécifique,  qui  distinguent  cette  espèce  de  ses voisines,  s'atténuent  singulièrement  si  l'on  s'adresse  à  de  jeunes exemplaires.  J'ai  pu  obtenir,  à  Banyuls,  grâce  à  l'abondance  des- matériaux,  une  série  complète  depuis  des  adultes  aux  caractères fort  nets  jusqu'à  des  jeunes  mesurant  seulement  dix  centimètres de  longueur  moyenne;  et  les  résultats  auxquels  je  suis  parvenu  se résument  dans  les  indications  qui  suivent. Les  jeunes  S.  scrofa,  mesurant  100  à  110  m/m  de  longueur, pourvus  d'organes  sexuels  encore  petits  et  à  phase  indifférente,  .ne portent  aucun  lambeau  cutané  sur  la  mâchoire  inférieure,  ni  sur  là ligne  latérale.  Les  seuls  lambeaux  présents  sont  ceux  des  narines  et du  dessus  de  l'orbite.  La  bouche  est  moins  oblique  que  celle  des gros  individus;  la  mandibule  est  plus  courte  que  les  ventrales.  Le diamètre  de  l'œil  dépasse  de  peu  la  longueur 'du  museau.  L'anus  se rapproche  plus  de  l'extrémité  antérieure  du  corps  que  de  l'extré- mité postérieure  de  la  nageoire  caudale.  Les  ventrales  arrivent presque  au  début  de  l'anale.  Les  pectorales  sont  relativement courtes.  Le  sous-orbitaire  antérieur  ne  porte  que  trois  épines. XX  NOTES  ET  REVUE Ces  rapports  changent  à  n?esiiré  que  l'individu  grossit.  Les  lam- beaux cutanés  complémentaires  font  leur  apparition.  La  tête,  la bouche,  la  moitié  antérieure  du  corps,  prennent  un  accroissement plus  fort  que  la  moitié  postérieure  ;  l'allure  primitive  est  ainsi  modi- fiée. Des  trois  épines  du  sous-orbi  taire,  l'antérieure  demeure  simple  ; mais  les  deux  autres  se  dédoublent  tout  en  grandissant,  l'inter- médiaire d'abord,  la  postérieure  ensuite  ;  ce  dédoublement  s'ac- centue davantage  sur  l'intermédiaire  que  sur  la -postérieure,  où  il manque  parfois.  Il  en  résulte  que  le  sous-orbitaire  antérieur  de 6'.  scrofa  adulte  porte  quatre  ou  cinq  épines,  alors  que  celui  du jeune  n'en  a  que  trois. En  conséquence,  S.  scrofa,  s'éloigne  moins  de  S.  porcus  que  ne le  laisserait  admettre  la  diagnose  différentielle  des  adultes.  Ces  deux espèces,  à  l'état  jeune  de  l'individu,  se  ressemblent  beaucoup  ;.  la plupart  de  leurs  caractères  distinctifs  ne  se  présentent  pas  encore. Scorpœna  lutea. IBIO.  Scorpœna  lutea,  Risso  {Ichth.  de  Nice). 1826.  Scorpœna  lutea,  Risso  [Eist.nal.  des  pr'mc.  firod.  de  VEurope  mérid.). Les  auteurs  s'accordent  à  penser  que  cette  espèce,  décrite  à  deux reprises,  par  Risso,  correspond àiine  variété ea?  colore  de  S.  scro/a. Telle est  aussi,  en  partie,  mon  opinion,  d'après  l'étude  d'un  magnifique exemplaire,  gardé  vivant  pendant  plusieurs  mois  dans  l'aquarium du  Laboratoire  de  Banyuls.  Cet  individu  avait  été  pris  dans  les  fonds rocheux  sub-littoraux,  à  une  vingtaine  de  mètres  de  profondeur.  Il mesurait  210  millimètres  de  longueur  totale.  Ses  écailles,  ses  lam- beaux cutanés,  son  faciès  général,  le  faisaient  ressembler  d'assez près  à  S.  scrofa  de  mêmetaille.  Ses  principales  caractéristiques  sont les  suivantes  : —  Lambeaux,  cutanés  abondants,  relativement  petits.  Les  plus nombreux  occupent  :  le  dessus  de  la  tète,  les  joues,  la  lèvre  supé- rieure, la  lèvre  inférieure  (où  ils  sont- plus  gros  qu'ailleurs),  la  ligne latérale. —  Quatre  épines  sur  le  sous-orbitaire  antérieur;  VunedÈs i  n  termédiaires  .est  jelativemenfr  petite . —  Anus  plus  rapproché  de  i'«xtrémité  de  la  caudale  que  du  bout du  museau. —  Diamètre  de  l'œil  plus  petit  que  l'espace  préorbitaire. —  Nageoires  pectorales    et    ventrales    relativeqient    grandes. NOTES  ET  REVUE  xxi Pourtant,  les  ventrales  n'atteignent  pas  l'anale,  tout  en  étant  plus longues  que  la  mandibule. —  Couleurs.  —  Tête':  dessus  et  joues  de  teinte  orangée;  pupille rouge,  du  même  rouge  que  chez  les  albinos;  tour  de  l'orbite  tacheté de  brun  et  de  blanc;  lèvres  et  gorge  tachées  de  brun,  de  violet  et  de blanc-bleuâtre.  —  Tronc  :  dos  et  flancs  de  teinte  orangée  ";  abdomen jaune-clnif;  quelques  taches  rougeâtres  au-dessus  de  la  ligne  laté- rale ;  d'autres  taches  mieux  marquées,  noir-violacé  et  blanc-bleuâtre, forment,  dans  la  moitié  postérieure  du  corps,  au-dessous  dé  la  ligne latérale,  une  bande  longitudinale  étendue  jusqu'à  la  base  de  la  cau- dale. —  Nageoires  :  dorsale  du  même  orangé  que  le  dos,  portant quelques  taches  noir-violacé  et  blanc-bleuâtre  vers  le  sommet  des rayons,  surtout  dans  la  moitié  postérieure  de  la  nageoire,  et  dès macules  fort  petites  sur  l'emplacement  de  la  tache  noire  habituelle à  S.  scrofa  ;  caudale  marbrée  de  noir- violacé,  de  blanc-bleuâtre  et de  rouge-feu,  ces  taches  se  groupant  de  manière  assez  indistincte par  bandes  verticales  ;  anale  semblable  à  la  caudale  ;  pectorales  de même,  sauf  que  les  marbrures  affectent  une  disposition  moins  régu- lière; ventrales  rouge-feu,  tachetées  de  gris  et  de  blanc. Cet  individu  appartient  vraiment,  selon  une  telle  diagiiose,  au type  décrit  par  Risso  sous  le  nom  de  .S.  hitea.  Or,  il  me  paraît,- d'après  lui,  que  ce  type  ne  fait  pas  exactement  double  emploi  avec S.  scrofa.  Il  en  constitue  une  mutation,  asse^  fréquente  et  répandue, puisque  plusieurs  auteurs  Font  signalée,  et  méritant  une  mention spéciale.  Cette  mutante  diffère  de  l'espèce  principale  par  ses  teintes, générales  plus  claires  et  tournant  au  jaune  orangé,  par  sa  bouche plus  petite,  par  ses  nageoires  plus  grandes,  par  ses  épines  un-  peu moins  accentuées.  Ces  dissemblances  s'établissent  de  manière  à faire  de  cette  forme  une  transition  de  6'.  scrofa  vers  5.  ustulata. Seorpœna  ustulata. 1840.  Seorpœna  ustulata,  Lqwe  {Proc.  Zool.  soc.  of  London). 1860.  Seorpœna  «siu/afa,  Gunther  [Cat.  of.  Fishes,  vol.  2). Ce'tte  espèce,  trouvée  à  Madère  par  Lowe  et  nommée  par  lui,  fut décrite  en  détail  par  Gunther.  Depuis,  on  l'a  rencontrée  dans  plu- sieurs autres  localités,  dont  l'énumération  suit  : Océan  Atlantique  :  Madère  et  régions  voisines,  Sénéganibie, Golfe  de  Gascogne,  Espagne  et  Portugal. xxu  NOTES  ET  REVUE Méditerranée:  Nice;  Gênes;  Corse:  Côtes  romaines;  Naples  ; Sicile;  Mer  Adriatique. Cette  Scorpène  semble  rare  partout.  Je  ne  Tai  jamais  vue  sur  les côtes  roussillonnaises,  mais  j'ai  eu  Toccasion  de  l'examiner  en Corse.  Elle  habite  les  zones  rocheuses,  ou  coralligènes,  qui  se 'dressent,  au  large  des  prairies  de  Zostères  et  des  roches  littorales, parmi  les  fonds  vaseux  oii  fréquente  S.  scrofa  ;  elle  descend  jus- qu'aux régions  sub^abyssales  et  même  abyssales.  Frappé  de  la rareté  des  lambeaux  cutanés,  notamment  sur  la  tête,  et  du  nombre, égal  à  trois,  des  épines  du  sous-orbi taire  antérieur,  j'inclinais  autre- fois à  la  rapprocher  de  S.  porcus.  L'examen  des  jeunes  5^.  scrofa, mentionné  dans  les  pages  qui  précèdent,  me  conduit  à  exprimer aujourdiiui  ce  sentiment  sous  une  autre  forme;  S.  ustulata  se rapproche  de  5.  porcus,  parce  qu'elle  correspond  à  une  mutante  de 6\  scrofa,  caractérisée  par  la  persistance  des  caractères  du  jeune âge.  Or,  les  jeunes  S.  scrofa  diflerent  peu  de  5.  porcus. SïEiNDACiiNER  prenait,  en  1867,  S.  ustulata  pour  la  forme  non encore  adulte  de  ^.  scrofa.  Plusieurs  auteurs  s'élevèrent,  par  la  suite, contre  cette  opinion  ;  ils  établirent,  Belloïti  notamment,  que  le type  S',  ustulata  existe  vraiment.  Ces  deux  appréciations  ne  sont point,  cependant,  trop  contradictoires  :  S.  ustulata,  en  effet,  con- serve les  caractères  juvéniles  de  S.  scrofa,  lout  en  parvenant  à  l'état sexué. CoLLEïT  (1896)  s'est  livré  à  une  longue  et  judicieuse  discussion sur  la  diagnose  différentielle  de  S.  ustulata  avec  ^'.  scrofa.  Les couleurs,  en  ce  cas,  doivent  se  laisser  de  côté,  à  cause  da  leurs variations.  Les  autres  caractères,  notamment  ceux  des  proportions du  corps,  méritent  une  plus  grande  attention.  En  résumé,  5^.  ustulata diffère  de  S.  scrofa^ar  :  son  museau  moins  oblique,  ses  yeux  plus grands,  sa  bouche  plus  petite  et  plus  horizontale,  ses  lambeaux cutanés  moindres  et  parfois  absents,  ses  épirîessous-orbitaires  au nombre  de  trois,  ses  nageoires  plus  larges.  Or,  ces  particularités appartiennent  également  aux  jeunes  6'.  scrofa. Il  est  permis,  en  définitive,  d'élever  5.  ustulata  au  rang  d'espèce, mais  à  la  condition  de  la  prendre  pour  subordonnée  à  .S',  porcus  et à  8.  scrofa.  Elle  tient  des  deux,  et  joue  entre  elles  le  rôle  d'intermé- diaire. Si  l'on  considère  la  fixité  des  caractères  de  S.  porcus,  la variabilité  facile  de  S.  scrofa,  la  transition  faite  entre  8.  scrofa  et S.  ustulata  par  les  individus  du  type  S.  lutea,  on  en  vient  à  penser NOTES  ET  REVUE  xxin que  S.  ustulala  équivaut,  à  son  tour,  à  une  nautation  de  S.  scrofa, nettemenl  afflrmée  et  bien  distincte  de  l'espèce  principale.  La  qua- lité essentielle  de  cette  mutation  porte  sur  la  persistance  des  par- ticularités du  jeune  âge  ;  elle  en  établit  la  ressemblance,  d'autre part,  avec  S.  porcus. Conclusions. La  famille  des  Scorpénidés  est  représentée  dans  la  Méditer- ranée par  plusieurs  formes,  d'inégale  valeur  systématique,  ratta- chées aux  deux  genres  Sebastes  et  Scorpœna.  —  Sebastes  apour  type principal  S.  daclylopterus  Del.,  et  pour  type  secondaire  8.  raade- rensis  C.  V.  ;  tous  deux  vivent  dans  les  zones  profondes,  sub-abys- sales,  du  plateau  côtier.  —  Scorpœna  possède  deux  formes  princi- pales, ^'.  scrofa  L.  et  S.  porcus  L.,  et  deux  formes  secondaires,  iS.  lutea Risso,  -S.  ustulata  Lowe.  —  8.  scro/a  paraît  composer  le  type  essen- tiel, auquel  se  raccordent  à  divers  degrés  les  trois  autres,  5.  lulease trouvant  le  plus  proche  et  S.  porcus  le  plus  éloigné.  Ces  formes se  localisent,  d'ordinaire,  en  des  habitats  différents  ;  il  est  même permis  d'estimer  qu'une  certaine  corrélation  s'établit  en  ce  sens,  et que  l'action  des  milieux  contribue  à  favoriser  une  telle  diversifi- cation. INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE 1887-88.  Bellotti.  Attl  délia  Societa  Italiana  di  Scienzi  Naturali;  Milan. 1825.     BowDicH.   Excursions    in   Madeira  and   Porto  Santo   during    the autumn  of  1823  ;  Londres. 1903.     Carruccio.  Bolletino  délia  Societa  Zoologica  italiana  ;  Rome. 1893.     Carus.  Prodomus  Faunaa  mediterranea  ;  vol.  Il,  Pisces  ;  Stuttgart. 1893.     Clarkk.   Proceedings    of   Royal    Physical   Society    of   Edinburgh  ; Edinburgh. 1875.     CoLLETT.  Norges  Fiske  ;  Till.  Forhandlingar.  Vidensk.  Selskaherne  ; Christiania. 1896.     CoLLETT.  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Paris   |6  )  —    Téléphone  :  704  -  75 ARCHIVES ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE FONDÉES   PAR H.     DE     LACAZE- DUTHIERS PUBLIÉES    SOUS   LA    DIRECTION    DE G.  PRUVOT  ET  E.  G.  RACOVITZA Chargé  de  Cours  à  la  Sorbonne  Docteur  es  sciences Directeur    du    Laboratoire    Arago  Sous-Directeur  du  Laboratoire  Arago 4«  Série  T.  VI.        NOTES  ET  REVUE  1907.  N"  2. «  III SUR   L'EXISTENCE    D'ÉLÉMENTS    CONJONCTIFS    PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS  CHEZ  LES  SCHIZOPODES par  L.  Bkuntz. Récemment,  j'ai  eu  l'occasion,  à  la  station  maritime  de  Roscoff, d'effectuer,  chez  lesSchizopodes,  quelques  recherches  concernant  la fonction  phagocytaire. J'ai  pu  me  procurer  facilement  un  assez  grand  nombre  d'exem- plaires de  Mysis  vulgaris  Thompson  et  Mipis  chameleo  Thompson, auxquels  j'injectais,  suivant  la  méthode  bien  conijue,  de  l'encrd  de Chine  dans  la  cavité  générale.  Dans  un  temps  très  court,  les  parti- cules solides  de  cette  encre  sont  capturées  par  les  cellules  qui jouissent  de  la  propriété  phagocytaire. Chez  les  Schizopodes,  j'ai  pu  ainsi  constater  l'absence  d'organe phagocytaire  proprement  dit  analogue  à  ceux  que  possèdent  les Amphipodes  (Bruntz  1904)  et  les  Décapodes  (CDénot  19Q5).  De  plus, j'ai  reconnu  que  la  phagocytose  s'exerçait  par  l'intermédiaire  des ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  UÉN.  —  4'  SÉRIE.  —  T.  VI.  B XXVI  NOTES  ET  REVUE globules  sanguins  (globules  adultes  et  globules  en  voie  d'évolution) et  de  nombreuses  cellules  conjonctives  fixes  dont  l'existence  n'était pas  connue.  Cette  courte  note  a  pour  but  de  signaler  leur  présence, d'indiquer  leurs  caractères  et  de  décrire  succintement  leur répartition. Ces  cellules  conjonctives  sont  de  grosses  cellules  plus  ou  moins régulièrement  ovoïdes.  Vivantes,  elles  mesurent,  chez  la  Mysis  vul- gaiis,  jusqu'à  19  p.  de  diamètre  ;  chez  la  Mysis  chameleo,  elles  peu- vent atteindre  une  taille  double.  Chaque  cellule  possède  une  fine membrane  et  un  cytoplasme  granuleux  bourré  de  grosses  boules  ou vacuoles.  Il  existe,  dans  chaque  cellule,  un  ou  deux  gros  noyaux vésiculeux. Après  une  injection  de  carminate  d'amuioniaque  dans  la  cavité générale  d'une  Mysis,  ce  réactif  qui  s'élimine  par  les  reins  et  les néphrocytes,  s'élimine  aussi  par  ces  cellules  conjonctives,  de  ce fait  les  boules  du  cytoplasme  se  colorent  en  rose  pâle.  Après  une injection  d'encre  de  Chine,  les  particule^  de  l'encre  se  retrouvent uniformément  répandues  autour  de  ces  boules.  Ces  cellules  con- jonctives sont  donc  des  éléments  jouissant  d'une  double  propriété, d'excrétion  et  de  phagocytose,  ce  sont  des  cellules  phagocyto-excré- trices  {ou  néphro-phagocytes). La  répartition  de  ces  cellules  est  facile  à  étudier  grâce  à  la  trans- parence parfaite  du  corps  de  ces  petits  Crustacés.  Leur  disposition est  sensiblement  la  même  dans  les  deux  espèces  citées,  mais  elles sont  cependant  moins  abondantes  chez  la  Mysis  vulgaris  que  chez la  Mijsis  chameleo. Chez  la  première,  on  remarque,  en  examinant  la  face  dorsale d'un  individu  injecté,  que  les  cellules  sont  localisées  dans  les  par- ties antérieure  et  postérieure  du  corps. Dans  la  région  antérieure,  les  cellules  se  trouvent  dans  le  cépha- lolliorax,  principalement  disposées  sur  les  fibrilles  de  soutien  du cœur,  elles  dessinent.de  ce  fait  la  région  péricardique.  Il  en  existe aussi  au-dessus  de  l'estomac,  mais  c'est  au-dessus  de  la  masse cérébrale  qu'elles  sont  le  plus  abondamment  répandues,  ainsi  que contre  le  bord  antérieur  de  la  carapace,  où  elles  forment  un  revê- tement très  incomplet  aux  masses  de  tissu  conjonctif  fortement développées  dans  ces  régions. Un  amas  important  de  cellules  phagocyto-excrétrices  se  trouve  à kl  face  dorsale  du   septième  anneau  thoracique,    plus  ou  moins NOTES  ET  REVUE  xxvii recouvert  par  le  bord  postérieur  de  la  carapace.  Ces  cellules  sont directement  accolées  à  face  inférieure  de  l'épithélium  du  corps. Dans  le  céphalothorax,  il  existe  encore  de  ces  cellules,  accompa- gnant toujours  le  tissu  conjonctif,  dans  le  labre,  à  la  base  de chacun  des  appendices  particulièrement  à  la  base  des  pattes  autour des  plages  de  néphrocytes  à  carminate.  Sur  des  coupes,  on  voit  ces éléments  former  en  partie  un  revêtement  aux  canaux  cruro-péri- cardiques  ;  quelques-uns  sont  encore  accolés  aux  faisceaux  muscu- laires avoisinants.  Les  articles  basilaires  des  antennules  renferment également  quelques  rares /cellules  excrétrices  et  phagocytaires. Bans  la  région  abdomijiale,  les  cellules  sont  uniquement  réparties dans  le  dernier  anneau  et  le  telson.  Dans  le  dernier  anneau,  elles sont  localisées  à  la  partie  inférieure  de  la  face  dorsale  où  elles  for- ment deux  amas  latéraux  qui  se  réunissent  en  envoyant  deux  bras qui  contournent  la  face  ventrale.  Ces  cellules  accompagnent  encore des  bandes  de  tissu  conjonctif  à  la  face  inférieure  desquelles  elles se  trouvent  accolées  et  qui  les  séparent  ainsi  de  l'épithélium  du corps. Dans  le  telson,  les  cellules  phagocytaires  sont  tellement  abon- dantes que  toute  cette  partie  du  corps  se  montre  très  fortement colorée  en  noir  sauf  dans  la  région  médiane  et  supérieure.  Ces éléments  bordent  ici  les  deux  faces  d'une  bande  de  tissu  conjonctif qui  remplit  presque  la  totalité  dé  TespTice  existant  entre  les  épithé- liums  des  faces  dorsale  et  ventrale  du  telson. Chez  là  Mysis  chameleo,  les  éléments  étudiés  présentent  la  même répartition,  mais  de  plus,  il  en  existe  à  la  face  ventrale  de  Tabdomen où  elles  sont  réparties  suivant  une  ligne  médiane  et  en  plages  plus importantes  à  la  base  de  chaque  anneau.  Elles  bordent  encore  de petites  masses  de  tissu  conjonctif  placées  sous  la  chaîne  nerveuse et  s'étendent  latéralement  sous  l'épitlrélium  du  corps,  ou  accom- pagnent leis  portions  d'origine  des  nerfs.- Enfin,  les  Sixièmes  pléo- podes,  qui  forment  avec  le  telson  la  nageoire  caudale,  contiennent des  cellules  phagocyto-excrétrices  dans  les  articles  basilaires, les  endopodites  et  les  exopodites  où  elles  sont  supportées  soit  par des  fibrilles  spéciales  de  soutien,  soit  directement  par  les  trabécules de  ces  appendices. {Travail  du  Laboratoire  d'Histoire  naturelle de  l'Ecole  de  Pharmacie  de  Nancy,  le  I5  Octobre  lyoJ.) xxviii  NOTES  ET  REVUE IV SUR    L'EXISTENCE    D'ÉLÉMENTS   CONJONCTIFS    PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS  CHEZ  L4  NÉBALIE par  L.  Bruntz. A  la  station  zoologique  de  Roscofî,  j'ai  également  fait  porter  mes recherches  concernant  la  phagocytose  sur  un  type  de  Leptostracés: Nebalia  Geoffroyi  M.  Edw.,  que  l'on  trouve  assez  facilement,  à marée  basse,  sou^  de  grosses  pierres,  dans  des  algues  en  décom- position. A  l'aide  de  la  méthode  des  injections  physiologiques  d'encre  de Chine  dans  la  cavité  générala,  j'ai  pu  reconnaître  que  la  phago- cytose s'exerce  :  1"  par  les  globules  sanguins  (globules  adultes  et globules  en  voie  d'évolution)  ;  2"  par  des  cellules  conjonctives  fixes dont  Clais  (1889)  n'a  pas  signalé  l'existence  dans  sa  belle  étude anatomiqvic  delà  Nébalie.  11  n'"existe  pas,  chez  l'espèce  étudiée, d'organ^iiagocytaire  proprement  dit. Les  cp''''les  conjonctives  que  j'ai  pu  mettre  en  évidence  par  la méthode  des  injections,  sont  de  petites  cellules  ovoïdes  qui, vivantes,  mesurent  environ  15  à  25  \i..  Après  une  injection  de carmiuate  d'ammoniaque,  ces  cellules  se  montrent  bourrées  de petites  boules  ou  vacuoles  colorées  en  rose  par  le  réactif  éliminé. Après  injection  d'encre  de  Chine,  cette  dernière  se  retrouve  très finement  et  très  uniformément  répandue  dans  le  cytoplasme,  laissant apparaître  sous  forme  d'une  tache  claire  l'emplacement  du  noyau. Ces  éléments  sont  donc  physiologiquement  comparables  aux  cellules phagocyto-excrétrices  [néphro-phagocyles).  Que  j'ai  découvertes  chez les  Schizopodes.  La  répartition  des  cellules  phagocyto-excrétrices peut  encore  se  faire  en  étudiant  par  transparence  des  animaux vivants  injectés  ou  mieux  à  l'aide  de  coupes  sériées.  On  constate ainsi  que  ces  éléments  existent,  en  petit  nombre,  au-dessus  du rein  antennaire,  où  ils  sont  accolés  à  l'épithélium  des  téguments, là  où  la  carapace  se  réunit  au  corps.  Ils  sont  plus  nombreux au-dessus  de  la  région  d'insertion  du  muscle  du  test  sur  la  cara- pace, où  ils  forment  un  revêtement  aux  deux  faces  de  la  portion NOTES  ET  REVUE  xxix d'insertion  supérieure  des  muscles  des  maxilles.  Il  existe  encore de  ces  cellules  dans  le  sinus  péricardique,  elles  sont  accolées  au septum  péricardial  et  aux  fibres  qui  relient  le  cœur  à  cette  mem- brane. Invisibles  par  transparence,  on  retrouve  encore  quelques cellules  autour  des  faisceaux  musculaires  destinés  à  faire  mouvoir les  pattes  membraneuses. C'est  dans  le  dernier  anneau  abdominal,  que  Ton  rencontre  les deux  amas  de  cellules  phagocyto-excrétrices  les  plus  importants. Ils  sont  disposés  symétriquement  à  la  face  dorsale,  de  chaque  côté du  tube  digestif  et  des  masses  adipeuses  qui  l'entourent.  Ici  les  cel- lules sont  serrées  les  unes  contre  les  autres  et  disposées  en  un  lit compris  entre  l'épithélium  du  corps  et  les  muscles  dorsaux. {Travail  du  Laboratoire  d'Histoire  naturelle de  l'Ecole  de  Pharmacie  de  Nancy,  le  15  Octobre  f90G). V SUR  LES  CONDITIONS  DE  LA  PARTHÉNOGENÈSE EXPÉRIMENTALE    ET    LES    ADJUVANTS   SPÉCIFIQUES DE  CETTE  PARTHÉNOGENÈSE par  Yves  Delage Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Paris. Les  opinions  sur  la  nature  des  causes  qui  font  que  les  œufs vierges  de  certains  animaux  aquatiques  se  développent  après  un séjour  de  quelque  durée  dans  certaines  solutions  électrolytiquesont beaucoup  varié.  On  a  attribué  le  développement  dans  ces  condi- tions :  à  l'introduction  dans  l'œuf  d'ions  favorables,  à  la  suppres- sion d'ions  inhibiteurs,  à  l'intervention  d'une  action  catalysante  des substances  employées,  à  des  enzymes  liquéfiants,  enfin  à  l'augmen- tatioa  de  la  pression  osmotique,  produisant  une  deshydratation. C'est  cette  dernière  opinion  qui  tend  à  prévaloir. Que  l'intervention  de  solutions  hypertoniquespar  rapport  à  l'eau de  mer  soit  le  plus  souvent  nécessaire,  la  chose  n'est  pas  douteuse, mais  la  conclusion  qu'on  tire  de  ce  fait  n'est  point  justifiée,  car  des solutions  isotoniques  d'électrolytes  différents  ont  toujours  des  effi- cacités différentes,  etj'ai  montré  en  outre  que  les  œufs  d'Astéries  se développent  parthénogénétiquement  dans-des  solutions  de  C0^ hypotoniques  par  rapport  à  l'eau  de  mer. XXX  NOTES  ET  REVUE La  question  du  mode  d'action  des  factenrs  de  la  parthénogenèse expérimentale  reste  donc  non  résolue.  C'est  par  un  examen  impar- tial des  divers  facteurs  qu'on  pourra  espérer  de  la  trancher,  et  non, comme  on  l'a  fait,  en  laissant  de  côté  ce  qui  est  en  désaccord  avec une  opinion  préconçue.  Cette  recherche  est  longue,  car  il  y  a  de nombreuses  variables  indépendantes  (état  des  œufs,  température, composition  des  solutions,  variée  à  l'infini,  durée  d'action  des  agents chimiques  employés  «oit  simultanément,  soit  successivement  dans un  ordre  varié,  etc.,  etc.),  dont  les  combinaisons  sont  illimitées; il  serait  impossible  de  In  conduire  méthodiquement  en  réalisant toutes  ces  combinaisons.  Il  faut  choisir  les  directions  que  l'intuition suppose  les  meilleures,  et  se  laisser  guider  par  les  résultats,  en variantles conditions  autourdesoptimadesexpériences  précédentes. Mes  expériences  de  cette  année  ont  porté  exclusivement  sur VOuTs'in  Pœracentrotv s  [Strongylacentrotus)  lividus. Chez  cet  animal,  le  développement  pnrthénogériétique  est  beau- coup plus  difficile  à  déterminer  que  chez  les  Astéries.  Au  point  de vue  de  la  comparaison  de  l'efficacité  des  réactifs,  cette  condition est  avantageuse,  parce  qu'elle  permet,  au  moyen  du  pourcentage des  réussites,  de  donner  un  coefficient  d'efficacité  à  chaque  réactif dans  chaque  expérience.  Si  le  100  pour  100  était  obtenu  aisément  on ne  pourrait  comparer  l'efficacité  des  réactifs  qui  le  donneraient. Dans  ce  résumé  de  mes  expériences  j'examinerai  :  la  composition des  solutions,  les  conditions  de  leur  emploi,  l'état  des  œufs  et  les résultats  obtenus. I.  Composition  dks  solutions.  —  J'ai  fait  usage  des  solutions électrolytiques  hypertoniques  réputées  banales  parce  que  leurs constituants  se  trouvent  dans  l'eau  de  mer  et  de  substances  adju- vantes, nocives  à  haute  dose  mais  qui,  à  doses  très  faibles,  se  sont montrées  très  efficaces. 1"  Solutions  hypertoniques.  —  J'ai  pris  pour  point  de  'départ la  solution  qui  m'avait  donné  les  meilleurs  résultats  l'année  précé- dente et  qui  a  la  composition  suivante  : Na  Cl  à  2  1/2  0....... ...     37,5     Concent.  moléc.  0,937 Eau  de  mer  naturelle  (=0,52  n).       2,5  —  0,013 H^O. ., 60  —  0,000 Total. ....     0,950 NOTES  ET  REVUE  xxxi J'ai  dû  m'en  tenir  à  elle,  les  modifications  que  j'ai  tentées  s'étant montrées  sans  avantage.  La  très  petite  quantité  d'eau  de  mer  qu'elle contient  est  tout  à  fait  nécessaire. J'ai  essayé  aussi  une  eau  de  mer  artificielle  faite  avec  les  princi- paux éléments  de  l'eau  de  mer,  mais  à  concentration  double  et  sans calcium  : .  NaCl 54      =0,923 KCl 1,20  =  0,016 SO*  Mg   TH^O...       6,80  =  0,027 MgCP    6H20...     10,10  =  0,050 KBr 0,01  =  0,00008 H^OQ.Sp.l  litre 1,016 Elle  m'a  donné  parfois  des  résultats  équivalents,  mais  moins fidèles,  et  je  l'ai  finalement  abandonnée.  Enfin,  j'ai  essayé  diverses solutions  où  une  certaine  proportion  des  électrolytes  avait  été  rem- placée par  du  saccharose.  La  meilleure  a  été  : NaClà2  1/2n.  50  =  0,750 Sucre  à  n 18  =  0,180 Eau  de  mer.  ..  36  =  0,187 H^O 16  =  0,000 1,117 La  nécessité  d'une  concentration  moléculaire  sensiblement  plus forte  que  les  précédentes  s'explique  par  la  diminution  du coefficient  total  d'ionisation. Elle  m'a  donné  des  résultats  parfois  très  bons,  mais  en  somme, elle  ne  vaut  pas  la  première  solution. 2°  Adjuvants.  — Je  les  classerai  ^d'après  leur  nature  chimique. Alcalins.  —  L'alcalinisation  de  la  liqueur,  ainsi  que  je  l'ai, montré  l'an  dernier,  augmente  dans  une  proportion  considérable l'efficacité  du  réactif.  J'ai,  choisi  le  sulfite  de  soude.  Il  agit  mieux que  les  autres  alcalis  essayés  (soude,  potasse,  phosphates  alcalins  et surtout  queAzH^  très  nocif),  ce  quisemble  indiquer  une  action  spéci- fique indépendante  de  l'alcalinité.  Comme  les  autres  alcalis,  il  gène pour  l'addition  de  beaucoup  de  sels  à  métaux  lourds,  avec  lesquels  il donne  un  précipité.  Mais,  avec  les  proportions  employées,  cela  ne contrarie  ni  l'action  du  sulfite  ni,  généralement,  celle  du  métal. xxxii  NOTES  ET  REVUE Acides.  —  A  la  liste  de  ceux  expérimentés  Tan  dernier,  et  qui se  sont  tous  trouvés  nuisibles,  j'ai  ajouté  les  acides  sélénieux  et sélénique:  ils  se  sont  montrés  toxiques. Oxydants.  —  J'ai  essayé  l'eau  oxygénée,  le  permanganate  de potasse,  le  chlorate  et  le  perchlorate  de  soude,  sans  aucun  succès Ce  résultat  rend  fort  douteux  que  le  manganèse,  dont  j'ai  montré antérieurement  l'efficacité,  agisse,  comme  dans  les  oxydases,  en qualité  de  véhicule  de  l'oxygène.  On  verfa  plus  loin  dans  quelle direction  il  convient  de  chercher  l'explication  de  soïi  activité. Réducteurs.  —  J'ai  essayé  le  pyrogallol,  l'acide  oxalique,  qui agit  en  outre  comme  précipitant  du  calcium  mais  qlii  est  très  toxi- que, l'anhydride  sulfureux,  que  sa  ressemblance  chimique  avecCO'^ signalait  à  l'attention.  Tous  se  sont  montrés  nocifs. Métaux.  —  J'ai  essayé  à  l'état  de  nitrate  lé  lanthane,  sur lequel  je  comptais  me  fondant  sur  ce  que  la  divisioh  cellulaire,  qui est  le  fait  essentiel  de  l'évolution  de  l'œuf,  comporte  des  phénomènes qui  peuvent  être  interprétés  comme  des  faits  de  coagulation  par- tielle des  colloïdes  protoplasmiques.  L'action  coagulante  des  sels augmente  très  rapidement  avec  leur  valence.  Le  lanthane  tri-valent pouvait,  donc  être  très  actif,  à  la  condition  de  nêtre  pas  un  poison. Contrairement  à  ce  qui  semblait  vraisemblable,  il  n'est  pas  nocif, ne  détériore  paslesœufs;  maisilnefavorise  point  la  parthénogenèse. Cela  s'expliquerait  si  les  colloïdes  protoplasmiques  sur  lesquels  il devraitagirétaientde  même  signe  électrique  4-  que  l'ion  lanthane. Dans  ce  cas  il  faudrait  essayer  des  anions  tri-valents.  Mais  le  fait que  les  anions  bivalents  ne  montrent  aucune  supériorité  sur  les monovalents  laisse  peu  d'espoir  de  réussir  par  ce  moyen. J'ai  essayé  aussi,  sans  résultats  sensibles,  les  aluns  d'alumine  et de  fer  et  l'antimoine  à  l'état  d'émétique. Parmi  les  métaux  bivalents,  le  calcium  s'est  montré  plutôt  nui- sible :  réajouté  à  l'eau  de  mer  artificielle  sans  calcium,  il  a  légère- ment abaissé  le  pourcentage  des  réussites. L'étain,  à  l'état  de  chlorostannate  de  sodium,  n'a  rien  donné;  le zinc  s'est  montré  toxique. Par  contre,  les  métaux  de  la  série  du  fer,  sous  la  forme  de  chlorures au  minimum,  m'ont  donné  des  résultats  fort  curieux. Le  fer  lui-même  ne  m'adonne  aucune  satisfaction,  |es  solutions ferreuses  sont  presque  impossibles  à  conserver  sans  altération  et donnent  dans  la  solution  hypertonique  un  précipité  abondant.  Le NOTES  ET  REVUE  xxxiii manganèse  agit  mieux  :  je  rappelle  mes  anciennes  expériences relatives  à  ce  corps  ;  le  cobalt  mieux  encore.  Mais  le  plus  remar- quable est  le  nickel.  Ajouté  à  la  dose  de  1  à  4  1/2^"'*  dans  lOO'^'"'^  de la  solution  hypertonique  n"  1,  préalablement  additionnée  de  sulfite de  soude,  il  augmente  d'une  manière  très  notable  et  très  constante Tefficacitéde  la  solution  :  le  nickel  est  donc  un  adjuvanl  très  efficace de  la  parthénogenèse. Quelle  peut  être  la  cause  de  cette  supériorité  du  nickel  sur  les autres  substances  voisines  ou  éloignées? Ce  n'est  pas  dire  grand  chose  de  précis  que  d'interpréter  son action  comme  une  catalyse. L'idée  d'un  mordançage  serait  peut-être  un  peu  plus  précise, mais  contre  elle  plaide  une  expérience  où  j'ai  constaté  que  l'action  du nickel  était  nulle  quand  elle  précédait  celle  de  l'agent  hypertonique, moyenne  quand  elle  était  simultanée  à  celle-ci,  supérieure  quand elle  la  suivait. Les  solutions  de  chlorures  au  minimum  des  sels  de  la  série  du  fer sont  toujours  légèrement  acides,  mais  le  fait,  souvent  constaté  par moi,  qu'une  légère  acidification  de  la  liqueur  est  plutôt  nuisible  ne permet  pas  d'attribuer  à  cette  acidité  les  résultats  obtenus.  D'autre part,  ces  solutions  de  chlorures  de  nickel,  de  cobalt  et  de  manga- nèse, neutralisées  aussi  exactement  que  possible  par  la  soude  ne perdent  pas  leur  activité. Catalyse,  mordançage.ou  autre,  l'action  spécifique  est  ici  indé- niable. Colloïdes.  —  La  gélatine  en  solution  à  1/2  0/0,  ajoutée  même  en proportion  forte,  soit  à  l'eau  de  mer,  soit  à  la  solution  hypertonique, ne  détériore  pas  les  œufs,  mais  elle  ne  les  fait  pas  segmenter.  Même observatiou  pour  l'albumine.  Essayées  concurremment  au  nickel dans  l'espoir  de  protéger  les  œufs  contre  l'action  trop  immédiate  du réactif,  elles  n'ont  été  d'aucun  avantage. n.  Conditions  d'action  des  réactifs.  —  Ces  conditions  sont  au nombre  de  deux:  la  température,  la  durée  d'action. Température.  —  La  température  a  une  importance  reconnue depuis  longtemps,  mais  qui  m'apparaît  chaque  année  plus  capitale. Les  expériences  ne  réussissent  qu'entre  17  et  20°. J'ai  constaté  qu'une  difTérence  de  2"  pouvait  faire  varier  le  pour- centage, pour  les  mêmes  œufs,  toutes  autres  conditions  semblables^ d'une  proportion  infime  à  50  0/0.  Mais  l'optimum  me  paraît  com- B* XXXIV  NOTES  ET  REVDÊ pris  entre  des  limites  beaucoup  plus  étroites;  mais  il  ne  peut  être fixé  d'une  manière  générale,  car  il  paraît  dépendre  de  la  nature  des solutions,  de  celle  des  adjuvants  ajoutés,  sans  doute  aussi  de  la durée  d'action  et  de  la  condition  des  œufs  soumis  à  l'expérience.  Il est  facile  de  régler  une  étuve  à  40  ou  50",  mais  il  est  beaucoup  plus diflicile  de  maintenir  une  enceinte  à  18"  quand  la  température ambiante  varie,  du  malin  au  soir,  de  15  à  20  par  exemple.  C'est  là une  des  grosses  difficullés  de  l'expérience. Quandleslarvessontformées,  elles  sont  beaucoup  moins  exigeantes et  s'accommodent  bien  de  la  température  de  l'eau  des  cuves  avec  ses" variations  habituelles,  toujours  lentes  et  faibles.  Mais  elles  dépéri- raient si  on  les  laissait  exposées  à  l'air  dans  des  vases  de  petites dimensions  prenant  rapidement  la  température  de  l'air  ambiant. Lumière.  —  J'ai  essayé  sans  résultats  remarquables  de  faire  agir, en  même  tenq)s  que  les  réactifs  habituels,  des  lumières  diversement colorées,.  Ces  expériences,  trop  incomplètes  ne  sont  pas  décisives. Durée  d'action.  —  La  sensibilité  de  ce  facteur  est  beaucoup moindre  que  celle  de  la  température.  Entre  un  minimum  d'environ 45'"  et  un  maximum  de  1^1/2,  les  effets  sont  peu  différents.  Il  m'a semblé  cependant  qu'il  y  avait  avantage,  pour  la  santé  des  larves à  élever  ultérieurement,  à  prolonger  le  moins  possible  la  durée d'action  au  delà  du  minimum  nécessaire. L'opliumm  varie  suivant  la  nature  du  réactif.  Quand  on  emploie l'eau  de  mer  artificielle  comme  solution  hypertonique,  la  durée optima  semble  être  comprise  entre  45  et  50"*;  quand  on  emploie  la solution  indiquée  ci-dessus  sous  le  n"  i,  il  semble  compris  entre l'oeil  MO. Il  varie,  ainsi  que  je  m'en  suis  assuré,  avec  la  température,  et probablement  avec  la  nature  et  la  concentration  des  adjuvants ajoutés. Tout  cela  se  conçoit  aisément  si  Ton  se  rappelle  que  les  actions vitales  de  tout  ordre  sont  influencées  par  la  température  et  que celle-ci  fait  varier  en  outre  l'ionisation  des  électrolylcs  et  par  con- séquent la  pression  osmotique  et  l'activité  chimique  des  substances. QiANTiTÉ  r/cKiFs.  —  Il  convicnt  d'en  mettre  dans  chaque  vase une  couche  unique  ou  un  très  petit  nombre  de  couches  superposées. S'il  y  en  a  trop,  le  développement  des  œufs  est  entravé  et  rapide- ment arrêté.  D'autre  part,  il  y  a  avantage  à  ne  pas  mettre  trop  peu d'œufs  ce  qui  rendrait  le  pourcentage  illusoire. NOTES  ET  REVUE  xxxv Conditions  inhérentes  aux  ceufs.  —  Tous  les  œufs  se  ressemblent h  peu  de  chose  près  et,  dans  une  même  ponte,  ils  sont,  en  appa- rence, identiques.  Cependant,  si  50  0/0  seulement  se  développent dans  un  réactif  donné,  agissant  dans  des  conditions  données,  c'est donc  que  une  moitié  n'était  pas  identique  à  l'autre. Cette  réluctanee  des  œufs  qui  ne  se  sont  pas  développés  est-elle due  à  une  moindre  aptitude  générale  à  subir  la  parthénogenèse  ou à  ce  que  les  conditions  réclamées  par  eux  étaient  autres  que  celles réclamées  par  les  50  0/0  qui  se  sont  développés?  Rigoureusement, la  question  est  insoluble,  car  ces  œufs,  touchés  par  un  premier réactif  ne  sont  plus  dans  la  condition  initiale.  II  eut  fallu  les  trier avant,  ce  qui  est  impossible. Entre  les  œufs  de  deux  Oursins  différents,  les  différences  sont encore  plus  accentuées. Soumis  à  l'action  des  mêmes  réactifs,  dans  des  conditions  sem- blables, les  œufs  de  deux  Oursins  donnent  des  pourcentages  de réussite  différents. La  plupart  des  œufs  qui  ne  se  développent  pas  parthénogénétique- ment  eussent  été  fécondables,  ainsi  que  le  montre  la  comparaison des  pourcentages  de  la  parthénogenèse  et  de  la  fécondation  de  deux lots  d'œufs  empruntés  au  même  ovaire.  Mais  il  y  a  cependant  un certain  parallélisme  entre  l'aptitude  à  la  parthénogenèse  et  celle  à la  fécondation,  car  j'ai  constaté  quelques  fois  que  les  œufs  très réluctants  à  la  parthénogenèse  donnaient  un  pourcentage  relative- ment faible  de  fécondations  normales. Cette  observation  semblerait  trancher  la  question  posée  plus  haut dans  le  sens  d'une  inaptitude  générale  à  la  parthénogenèse,  chez  les» œufs  qui,  dans  une  expérience  donnée,  né  se  sont  pas  segmentés comme  leurs  voisins. Mais  voici  une  expérience  très  suggestive  qui  plaide  en  faveur  de la  thèse  opposée. Je  prépare  une  expérience  avec  les  réactifs  qui  me  donnent  habi- tuellement les  meilleurs  résultats,  par  exemple  :  solution  hyperto- nique  n"  1  additionnée  de  sulfite,  la  même  additionnée  de  nickel  ou de  cobalt,  avec  et  sans  sulfite.  Puis,  quand  les  solutions  sont  faites, je  les  distribue  en  4  séries  identiques.  Puis  dans  la  série  n*  1  je place  des  œufs  d'un  Oursin  A,  dans  la  série  2,  ceux  d'un  autre  Our- sin B  et  ainsi  des  autres.  Or,  je  constate,  non  seulement  que  les séries  identiques  1,2,  3,  4,  ont  donné  pour  les  vases  contenant  un XXXVI  NOTES  ET  REVUE même  réactif  des  pourcentages  différents,  ce  qui  était  à  prévoir,  mais que  le  réactif  optimum  n'a  pas  été  le  même  dans  les  quatre  séries,  en sorte  qu'il  est  peut-être  légitime  de  parler  d'œufs  sensibles  au cobalt,  au  nickel  ou  au  sulfite. Voyant  cela  j'ai  fait  deux  expériences  où  j'ai  traité  un  même  lot d'œufs  d'une  part  avec  les  réactifs  séparés,  sulfite,  nickel,  colbalt, manganèse,  d'autre  part  avec  un  mélange  de  ses  réactifs,  en  ajou-' tant  à  la  solution  hypertonique,  soit  la  somme  des  adjuvants,  soit une  fraction  de  dose  de  chacun,  de  manière  à  ce  que  la  dose  totale ne  dépassât  pas  la  mesure  habituelle.  Le  résultat  n'a  pas  répondu  à mon  espérance,  mais  l'expérience  n'a  pas  été  décisive  ayant  été faite  une  seule  fois,  en  fin  de  saison.  Elle  devra  être  reprise. IV.  RÉSULTATS.  —  Les  résultats  sont  caractérisés  avant  tout  par une  extrême  inconstance.  Tel  réactif  qui  a  donné  un  jour  un  pour- centage remarquable,  ne  donne,  pendant  une  semaine,  que  des  résul- tats insignifiants,  puis,  sans  cause  apparente,  les  résultats  devien- nent meilleurs.  Cette  incohérence  est  due,  pour  une  part,  aux variations  de  la  température,  que  je  n'ai  pas  réussi  à  régler  conve- nablement. Mais  elle  tient  surtout  à  la  nature  des  œufs,  sur  lesquels l'expérimentateur  n'a  aucune  action  et  qui  ne  montrent  pas  de différences  significatives  aux  yeux  de  l'observateur. Le  meilleur  pourcentage  obtenu  cette  année  a  été  de  72  0/0,  sans progrès  sur  l'année  passée.  Mais  le  pourcentage  brut  des  œufs segmentés  par  rapport  au  nombre  total  des  œufs  mis  en  expérience, n'est  ni  le  seul,  ni  le  meilleur  indice  de  succès. Souvent,  les  œufs  segmentés  très  nombreux  n'arrivent  pas  à éclore  ou  donnent  des  larves  inertes,  restant  au  fond  des  vases  et incapables  de  longue  survie.  Dans  d'autres  cas,  un  pourcentage  de 100  0/00  ou  même  moins  donnera  des  larves  parfaites,  agiles,  capa- bles d'évoluer  en  Pluteus.  Ces  conditions  de  vitalité  sont  appré- ciables à  l'œil,  je  les  ai  notées  avec  soin,  mais  elles  ne  se  prêtent pas  h  la  mesure  par  un  coefficient  numérique  comme  le  pourcentage des  segmentations. Si  je  ne  donne  pas  ce  dernier  pour  les  diverses  expériences  c'est parce  qu'il  ne  reflète  pas  à  lui  seul  la  vraie  physionomie  du  résultat. De  ces  larves  agiles,  un  très  grand  nombre  sont  devenues  des Pluteus. La  plupart  de  ces  Pluteus  meurent  sans  arriver  à  la  métamor- phose. II  ne  faut  pas  cependant  attribuer  cet  insuccès  au  fait  de  la NOTES  ET  REVUE  xxxvu parthénogenèse,  car  dan. s  wie  expéric'nce  cumparative,  faite  avec  des œufs  fécondés  normalement ,  et  élevés  dans  les  mêmes  conditions,  tous les  Piuteus  sont  morts  sans  montrer  d'indices  de  métamorphose. De  mes  larves  parthénogénétiques,  cinq  ont  atteint  le  stade  de métamorphose. Deux  d'entre  elles  sont  encore  vivantes  aujourd'hui,  âgées  de trois  mois.  Elles  montrent  fort  bien  le  rudiment  de  l'Oursin  à  la  plAce, habituelle,  mais  ce  rudiment  n'a  pas  suivi  l'évolution  normale, étant  resté  enfermé  dans  cette  sorte  de  cavité  amniotique  où  il  se forme.  Je  ne  compte  pas  qu'il  arrive  à  se  développer'.     • Une  a  disparu.  Une  autre  est  morte  après  avoir,  selon  toute  appa- rence, atteint  le  stade  de  la  dernière  dont  il  me  reste  à  parler.  Mais, retenu  à  Paris  par  les  nécessités  professionnelles  pendant  le  mois d'octobre,  je  n'ai  pu,  à  mon  grand  regret,  l'observer  à  temps.  Ce que  j'en  sais  ma  été  communiqué  par  le  garçon  du  laboratoire chargé  de  soigner  ces  larves. La  dernière  a  atteint  au  bout  d'un  mois  le  stade  de  métamorphose. On  voyait  aisément  le  corps  du  petit  Oursin,  devenu  complètement extérieur,  appendu  au  système  brachial  du  Piuteus  en  voie  de  dégé- nérescence. Le  petit  Oursin  montrait  les  tentacules  terminaux  el deux  pédirellaires,  un  très  nettement,  énorme  par  rapport  à  la  taille totale  de  l'animal,  l'autre  moins  bien.  J'ai  montré  cette  pièce  uni- que sous  le  microscope  à  diverses  personnes  dans  le  laboratoire, qui  ont  constaté  cornme  moi  l'existence  des  pédicellaires,  en  parti- culier à  MM.  les  docteurs  Guiart,  de  Beauchamp,  Duboscq,  etc..  A la  suite  d'un  de  ces  examens,  l'animal  n'a  pu  être  retrouvé  dans  le bocal  où  il  avait  été  replacé.  Est-il  resté  collé  à  la  pipette,  à  la  paroi du  vase  et  s'est- il  là  desséché,  ou  est-ce  quelque  autre  mésaven- ture qui  a  causé  sa  perte  ?  Je  ne  puis  le  savoir. Il  ne  semble  pas  illégitime,  cependant,  de  conclure  que  les  larves de  Paracentrotus  obtenues  par  parthénogenèse  expérimentale  peu- vent parcourir  l'évolution  totale  jusqu'à  l'imago  et  sans  doute  jus- qu'à l'adulte. Je  tiens  en  terminant  à  remercier  M.  Beauchamp  qui  m'a  apporté une  aide  précieuse  dans  toutes  les  expériences  dont  il  est  ici  ques- tion, aide  non  pas  seulement  matérielle  car  j'ai  souvent  profité  de son  initiative  et  de  ses  avis. *  Au  moment  où  je  corrige  ces  épreuves,  je  suis  imformé  que  ces  deux  larves,  selon ma  prévision,  sont  mortes  sans  que  le  rudiment  d'Oursin  ait  évolué.  Ces  larves  ont  vécu quatre  mois  et  demie. B" xxxviii  -NOTES  ET  REVUE VI aiiCHERCHES  SUR  LES  CARACTÈRKS  DIFFÉRENTIELS DFS   SEXES   CHEZ    LA    TORTUE    MAURESQUF par  Gustave  Loisetl Directeur   du   LalK>rat()ire    d'Em bryologie    f;fônéra[e    et   expérimentale a  1  École  des  liaiiles  Études. Cluique  été,  à  Paris,  nous  voyons  ai-nver  de  granMes  quantités do  Tortues  mauresques  [Testudo  manvilanica,  Diméril  et  Bibron), (7'.  ihera,  Pallas)  qui  nous  sont  envoyées  d'Algérie  et  de  Tunisie. Ces  envois  sont  utilisés  constamment  dans  les  laboratoires  et  ce- pendant, quand  nous  avons  commencé  ces  recherches,  eu  1905, Ton  ne  savait  généralement  pas,  à  Paris  du  moins,  distinguer,  à Textérieur,  le  sexe  mâle  du  sexe  femelle.  Ce  n'est  pas  que  certains vendeurs  ne  vous  montraient  avec  assurance  à  quoi  l'on  pouvait reconnaître  les  deux  sexes  l'un  de  l'autre,  mais  leurs  affirmations étaient  loin  de  concorder  et  se  trouvaient,  du  reste,  souvent fausses'. L'on  n'était  guère  mieux  renseigné  au  laboratoire  d'Erpétologie du  Muséum,  où  nous  nous  étions  tout  d'abord  adressé,  et  nous  avons trouvé,  du  reste,  que  les  ouvrages  scientifiques  étaient  eux-mêmes bien  peu  explicites  sur  la  question. Lacéi'Ède,  dans  son  Hisloire  naturelle  des  quadrupèdes  ovipares  \ Ci.- A.  BouLENGER,  dans  le  Catalogue  of  Ihe  Chelonians  Jifiynchoce- phnl'uins  and.  Crocodiles  in  the  British  Muséum  (London,  1889)  ; C,-K.  Hoffmann,  dans  le  Bronns  Thier  Reich;  A.  Granger,  dans le  Manuel  du  naturaliste  français,  édité  par  DeyroUe,  n'en  parlent pas. Clvier,  dans  le /?è^/}e  animal;  E.  Sauvage,  dans  l'édition  fran- çaise de  VHistoire  naturelle,  de  Brehm  ;  Hans  Gadow,  dans  Amphi- bia  and  Reptiles  (London,  1901),  disent  que  le  plastron,  plat  chez  les femelles,  est  plus  ou  moins  concave  chez  le  mâle,  spécialement dans  les  genres  Testudo,   Cistudo  et  Emys.  C'est   encore  ce  seul •  Les  premiers  résultats  de  ces  recherches  ont  été  communiqués,  en  1905,  à  la  34'  ses- sion deJ' Association  pour  l'avancement  des  Sciences,  à  Ctierbourg.  Nous  les  avions  déjà fait  connaître,  auparavant,  à  quel(|ues  marchands  d'animaux,  dont  un  des  plus  connus  à Paris,  de  sorte  que  cette  note  pourra  paraître  décrire  des  faits  connus  de  certains  labo- ratoires. NOTES  ET  REVUE  xxxix caractère  distinctif  que  signale  Werner,  auquel  nous  devons  une étude  spéciale  des  caractères  sexuels  secondaires  chez  les  Reptiles  ' Pourtant  Duméril  el  Bibhon,  dans  leur  Erpétologie,  suite  à Buffon,  1855,  t.  II,  p.  10),  avaient  déjà  remarqué  qu'on  peut trouver  aussi  des  femelles  à  plastron  concave  et  que  ce  caractère paraît  être  «  une  variété  individuelle,  indépendante  de  lun  et  de l'autre  sexe  ».  Ces  auteurs  disent,  par  contre  :  «  Les  femelles  sont, en  général,  plus  grosses  que  les  mâles,  et  ceux-ci  ont  le  plus  sou- vent la  queue  épaisse  à  la  base  et,  relativement  à  l'autre  sexe,  un peu  plus  longue  »  {fd.  p.  23)  -.  Ils  font  remarquer  également  que  le cloaque  est  plus  allongé  et  les  lèvres  comme  tuméfiées,  mais,  à  la lecture  du  passage,  on  ne  sait  trop  à  quel  sexe  ce  caractère  s'ap- plique plus  spécialement. Enfin,  vers  le  même  temps  que  Duméril  et  Bibron  publiaient  en France  leur  Suite  à  Bnffon,  J.-E.  Gray.  publiait,  à  Londres,  le  cata- logue des  Chéloniens  du  Bristish  Muséum  ^  Ce  naturaliste  anglais parle  de  la  Tortue  mauritanique  comme  d'une  variété  de  la  Tortue grecque  (Testudo  grcpca  L.).  Or,  il  remarque  que,  dans  quelques individus,  la  plaque  sus-caudale  de  la  carapace  est  plus  grande  et  a la  pointe  plus  fortement  courbée  en  dedans;  chez  d'autres  individus, •au  contraire,  cette  plaque  est  plus  étroite,  plate  et  même  quelque- fois fortement  courbée  en  dehors  à  la  pointe.  Toutes  les  femelles  et les  jeunes  que  j'ai  examinés,  ajoute  Gray,  avaient  cette  forme;  je la  considère  donc  comme  un  caractère  sexuel  \  Cependant,  Gray ne  semble  pas  baser  son  affirmation  sur  des  dissections  suivies et  il  la  présente  avec  des  points  d'interrogation  en  ce  qui  concerne la  Tortue  grecque. Nous  retrouvons  l'indication  de  ce  dernier  caractère  différentiel dans  une  note  de  Lorenzo  Camerano  ^.  Cette  note  de  quatre  pages, '  Werner.  F.  Ueber  sekundare  Gesehlechtsunterschiede  bei  ReplUien,(Biolog.  Cen- tralbl.,  1895,  xv,  pp.  125-140).  D'après  cet  auteur,  le  mâle  de  la  Tortue  grecque  porterait seul  un  ongle  corne  à  l'extrémité  de  la  queue.  D'un' autre  côté,  on  ne  pourrait  distinguer les  sexes  chez  les  Chelydrides,  chez  les  Tryonichides,  chez  les  Chelonides  ni  chez  de nombreux  genres  d'autres  familles. *  C'est  également  ce  que  montre  nettement  la  tlgure  75  de  l'ouvrage  de  Hans  Gadow (p.  343). '  J.-E.  Gray  :  Catalogue  of  shield  Reptiles  in  the  Collection  of  the  British Muséum.  Part,  i,  Testudinata  (Tortoises),  London,  1855,  v.  p.  10. *  CuviER,  décrivant  la  Tortue  grecque  dans  son  Régne  animal,  dit  également  que  le bord  postérieur  de  la  carapace  de  cette  espèce  présente  en  son  milieu  une  proéminence un  peu  recourbée  vers  la  queue.  Mais  il  n'en  fait  pas  un  caractère  spécial  au  mâle. 1»  Camerano  (L.).  Dei  caratteri  sessuali  secondari  délia  Testudo  ibera,  Pallas.  Torino, Accad.  Se.  Atti,  1877,  13,  p.  97-101  avec  1  pi. XL  iXOTES  ET  HEVIIE divisée  en  18  paragraphes  est,  malgré  sa  concision,  le  travail  le plus  complet  qui  ait  été  fait  sur  les  différences  sexuelles  dans  la Tortue  mauresque. Pourtant  Camerano  se  perd  un  peu  dans  le  détail  des  plaques, détail  qu'il  serait  facile  de  multiplier,  même  après  lui,  sans  mettre en  relief  les  caractères  sexuels  secondaires  fixes  et  nettement reconnaissables.  D'un  autre  côté,  il  ne  dit  rien  des  organes  internes, ni  des  différences  physiologiques  entre  les  deux  sexes;  il  ne  donne aucune  pesée,  ni  aucune  mensuration  ;  il  ne  dit  pas  sur  quel nombre  d'individus  il  a  opéré  ;  enfin  il  ne  nous  renseigne  pas  sur la  provenance  de  ces  individus  et  ce  dernier  point  aurnitété  utile, car  il  nous  semble,  à  la  lecture  de  sa  note,  que  les  individus  qu'il  a examinés  et  les  nôtres  appartiennent  à  deux  variétés  différentes. Nous  avons  donc  repris  cette  étude,  à  une  époque  où  nous  ne connaissions  pas,  du  reste,  le  travail  de  Camerano.  Nous  l'avons poursuivie  d'une  façon  méthodique  en  prenant,  comme  point  de départ  de  nos  recherches,  la  dissection  des  individus  et,  comme base,  la  présence  des  ovaires  ou  des  testicules.  Nous  avons  étudié ainsi  comparativement,  le  20  juillet  1905,  un  premier  lot  de vingt-quatre  Tortues  mauresques  envoyées  de  Tunisie,  des  environs de  Sfax,  et  paraissant  toutes  de  même  âge.  Nous  avons  reconnu,  par la  dissection,  onze  femelles  dont  les  ovaires  étaient  chargés d'ovules  prêts  à  être  pondus  et  treize  mâles  qui,  en  captivité dans  notre  laboratoire,  présentaient  spontanément  des  érections fréquentes  et  dont  les  épididymes  étaient  gorgés  de  sperme. Voici  tout  d'abord  les  tableaux  d'ensemble  où  nous  avons  con- signé exactement  les  données  recueillies  sur  chaque  individu  de ce  premier  lot. NOTES  ET  REVUE g .S     o           o           lO B        lin    co •i S ~ ^^ g z;    «n        ■*        ce —    in    -*    CD co (sa Ç    00        si       5D =   ■"    oT   o os     ^ ■^ S 1  " a 00    in 00     OJ cô co a3 ■ ~~^ C. S è ta es S O o s 3 O T* ï3    >n        in 00 in ^^    S CO Tl P   ai       (îî       o 3    in  lo    ^ •*    in co in S    m  'rs^    oi :ç  « o t^      04 -* t-. •Oi S c 3 O S S cg        a> e ÇS o in O) tH Ç-     05            M            rO —    in  |0    o ^  £ O     -* in CD c;> S     en  1  04      04 6^ O 04      CO 00 in > eu 'û 0) ::3  lo       in s 05         ^ es o in S ê c     «3           ^'           05 —    in  iCTi    o t-. in    t^ co o a aj        Tl                 «-<                 .TH S    co  '  .^    (M ■2  "^ o o>    Ol co in C 1^ is ■« o' 00 S e= S S o ^ «   3 c    r.^        oi         co —   -*  lt^   T-l L-i -*    o co in bC  es s    co  '  .r-    oi .w C^' 00     04 in co -O)  J3 e^ sont ande ron. idus. S S 1     « i o o S t* enti 18 11,5 16,5 1  ^15  '^ 03        S in in co 5 :eur ;  gr last poi " o CD ri^^ a* —  — '-a  o co S S 1    ë s ts c  iS  <u  -es o          3 c    02         04        r^ s    in  |0    o u CO c/î   0)    eS  .Xi «       T"               •^               •r- g      co  104     OJ £ c; 00 imension a  second e  et  médi aient  prè m a •^              in S es          O) os      "^ S cS o in C    oo       (N       CD s    -*  1  o    00 .2    *" U in    CD c«  u  â; .-     1 S    co  1 oi    -< o S  <^ î— -caudale.  Le ande  Iargeu irtie  postérii d'ovules  qu >* S     o •^    in C     00          co          l^ S ~    in  1  o    c-3 1       . S    1 es in , J aj    ^         —         .-- S     co  1  Ol     04 i^ o 04 CD n c    oî        co 5      04   lO      -* 1    S s -i co a  sus us  gr ;la  pi mbre g      CO  1  Ol      04 1 o Ol     <M t-- m e  à  1 la  pi le  et e  no a> —            C3  —          1 « S a ë es S o icha ère, aud ent c     00          8J          CO ~    in  ,o    o •S b. O     OS ~» n 3  •-    cj   3 S     M  I04     'H O co    OI CD -f =  6^5- CD     £    3:5 =  5.<"  c n s c     05           Gfî           t^ s. s    ■=  .o    in a       «^ es co    ce" o co oc l'écai t:  la  J caille cses  i Z3      ^  1  04      04 s^ O OJ      — co Ol le  de quen re  léi 'enth( '   ■  ^  ■ •          1 rt S §■=5  =  2, a a. " g  c  <u  a     1 3 ■T3 "            3 v'ec  un  mètre  s^ X  dimensions  i distance  prise ffrcs  mis  entre c- C > ci s 0) (U '  kl sus-caudale ure  postérie ■£  . es C .i c 1 > 1-      3      .       --5      . 3     S  C     g  Cl £    t: 13      O 5 Iç b. o "=  i^'3 M)    bcg     ÙCO s         0) •a  "S S    3 3 en aj  -o  ^  u o     es*'    co*^ ■§          3 c T3 T3 T3 .!£  «1  •"  (« fc,  ai  _<u  o, -J  _I      J ■W         O S      CAJ T 3-  UU  -J anvdVHVD MOllISVia c Cl. 1 1 1 XLII NOTES  ET  REVUE îë é m OJ œ 00     o -* 00 ^ ^          S co 00 en <n ÎR lO 3. c o 00 - «c S  ^ s .2 o»      .^ ^         OI Oî r^ o ë o o M C 05 «SI CD (M  lOS iD Ol o      cr. >n i^l OJ (3 O OI        Ol u s ^ ç Ci îo t^ lO  .00 co :Ê = a c ,_^ l-O ^ \n ic "     1    3 -*      m ^ 1     . « N c oo m ^ o  liO in «3 i      1 s:           '-' o = = » o ■H Ci s O « <u S s o c t- Oi vn si§; S CJ b 2 o M m o. § e c n 'j; o  1  O) lO S os i s o ir o o Ol Ol o in ^ •^ r " \r o< S 1 2 C5 0) c CD f>i Cû CM  ,|CO ifi s - » » " Ol -z " '^ ^- aj s •S S s o o S Ti 00 OJ O Sil^ o -œ '& 2 Ol 00 s Ol Ol "^ s "S •s ^ o o tN £ t" c 05 tH a Oi o» i> o  i>n vO o» '-' kl o o 05 lO ^H ^_t Ol »aj ■r 00 Ol ^ t— s c 0) "e à 2 c: o O (0 o 04 co CM  liO ^fl ë» g <- 00 -* 00 = ÇN o» ,,s. X '■^ H-, t— ai v-O m  ,\n o aj = à ci C5 ^ o s -* o CO '^ -*  l<N u 5^ é in «^ s à vf5 ê c CJ ^^ ^* ^  ,l>o o a M 2 -* O (N .^ " "^ '^ co « " n s c OO O» \0  1  xO •*  1  CN 03 O) ^ s CJ 2 o 1 oî « - ^ •g 1     S 2 o o o "S a; ^ , ë> s 00 co "1 « •^ -*   •»! o» •£ st Ol u ^ OJ     ■ ?■ ■a      . .o     ■ <U 3 (U Il    ■ «3 0) es     ■ •a -fe u V rt     • c fS s tu 4) 3 3 C     • si; bc« C  o 603 3 te a> S o s. c .2 o 3 en C "33 s '■3 O S'°. ^■^ rt u o ■o ■a T3 ■•W -j -J ■» S c/ .  'f ■"" [VO ^ c a 1 1 1 1 aovdvi Nomîvi d NOTES  ET  REVUE  xuii En  mai  1906,  nous  avons  reçu  un  deuxième  lot  de  Tortues  mau- resques, comprenant  cinq  mâles  et  cinq  femelles  provenant  é^^-ale- ment  de  Tunisie.  Ces  animaux,  conservés  pour  l'étude  de  l'hiber- nation, n'ont  pu  nous  fournir  que  les  données  suivantes  : <x> c O o               o •w S u ca 00 .0 00 ^ "^ ^               ^ ^ O o G îO lA g O Ti c ai o c^                 r- &:: rt Cl 5.-5 c/2 '-J 05 S' C ai 00 C>J                     «o 'S 1^ 00 J c^ O so w !S S t-i s K 00 a CD o» <W                        00 tb ■^ .^                             -rH SJ a JO ï^ S c 00 J.'^ -:-l                               O "c^ a ^+ ■^rf -^                               -r^ o. Cl O . c ~o ■r iO es ~ 00 rN                 o a ti -rH ..H k. «o O g s o o               o . o r~- <^7                (M C &-> c 00 (N                     o £ -^ ^ CJ O 1/5 m s ■^1                                             "-H e es O -* s 5-0 :-; •A s (/: •^ "^ Ci ■^                           GC .5J 07 W u ^ « ^z ;0 "1 < •m S :i-5 >5 ^ ce n •^ o ro                     ^ ^ o (M "^                     — < tii o îO ^ c ïO Ci a O Tvl                        t- cS Ci Cl ^.i O i^ ^ c i/t' JC r-" ^ - f- <M                      O CO a> _CU -^ -rH                               -r^ i^ O ■* =    S      ■       c    3      • c  -o    j3       ^  "^    G 13 O            a;    o c o argeu a  van plast argeu arriè plast C O o J aoYavavo ;2 'H 'o Cm xuv  NOTES  ET  REVUE Toutes  ces  données  numériques,  venant  s'ajouter  à  Tobservation suivie  des  Tortues  que  nous  avons  conservées  vivantes,  vont  nous permettre  maintenant  d'étahlir  une  comparaison  entre  les  carac- tères anatomiques  et  les  caractères  physiologiques  des  deux  sexes de  la  Tortue  mauresque. A.  —  Caractères  anatomiques. 1"  Aspect  général  et  poids  total.  — Les  individus  mâles  paraissent plus  petits  et  sont  moins  lourds  que  les  individus  femelles. En  mai,  leur  poids  total  est  plus  faible  de  19  gr.  60  en  moyenne, que  celui  des  femelles  :  les  poids  extrêmes  des  femelles  étant  615 et  543  gr.  avec  une  moyenne  de  581  gr.,  ceux  des  mâles  étant  668 et  414  gr.  avec-  une  moyenne  de  561  gr.  40. Rn  juillet,  le  poids  total  des  individus  màles  est  plus  faible  de 76  gr.  en  moyenne  que  celui  des  individus  femelles;  les  poids extrêmes  de  celles-ci  étant  820  et  584  gr.  avec  une  moyenne  de 688  gr.  ;  ceux  des  màles  étant  740  et  510  gr.  avec  une  moyenne  de 612  gr. 2"  Carapace.  —  En  mai,  les  dimensions  de  la  carapace,  mesurées avec  un  mètre' souple,  étaient  de  quelques  millimètres  plus  grands chez  les  mâles  de  nos  Tortues  que  chez  les  femelles,  sauf  toutefois en  arrière  du  plastron. En  juillet,  au  contraire,  la  carapace  des  femelles  est  p'ius  grande dans  toutes  ses  dimensions  que  celle  des  màles;  a  longueur moyenne  pnise  de  Fécaille  nuchale  à  l'écaillé  sus-caudale  est 18c™, 50  pour  les  femelles  et  18cm, 23  pour  les  màles  et  encore  fau- drait-il déduire,  de  ce  dernier  nombre,  la  partie  de  l'écaillé  sus- caudale  qui  dépasse  le  bord  marginal;  sa  largeur  moyenne,  prise au^niveau  des  épaules,  est  de  12cm,40pour  les  femelles  et  dellcin,92 pour  les  mâles;  prise  au  niveau  du  bassin,  cette  largeur  est  respec- tivement 16cm, 65  et  16  centimètres. Mais  c'est  surtout  par  la  partie  du  bord  marginal  qui  est  située directement  au-dessus  de  la  queue  (écaille  sus-caudale  ou  caudale) que  la  carapace  du  mâle  se  distingue  facilement  de  celle  de  la femelle  (fig.  1).  Chez  le  mâle,  cette  partie  est  fortement  bombée  et forme  en  bas  une  pointe  saillante  qui  se  recourbe  un  peu  vers  la queue;  sa  plus  grande  largeur  est  en  moyenne  de  42"'"', 38;  sa  plus grande  hauteur,  de  25"'"', 30.  Chez  les  femelles,  la  plaque  sus-eau- NOTES  ET  REVUE  xlv dale  ne  se  distingue  en  rien  des  autres  plaques  du  bord  marginal, ou,  comme  le  faisait  remarquer  justement  Gray,  son  bord  inférieur peut  se  recourber  vers  le  dehors  ;  dans  tous  les  cas,  chez  les  femelles, son  bord  reste  toujours  au  même  niveau  que  le  reste  du  bord  mar- ginal; la  plaque  ellermême  présente,  dans  sa  plus  grande  longueur, des  dimensions  moyennes  de  35  millimètres  et,  dans  sa  plus  grande hauteur,  19""°, 45; 3°  Le  Plastron  ne  présente  pas  des  caractères  sexuels  secondaires aussi  fixes  que  la  carapace.  Comme  l'indiquent  les  auteurs,  sa  sur- face est  en  général  plane  ou  même  bombée  chez  les  femelles  alors qu'elle  est  plutôt  creusée  chez  les  mâles;  mais,  comme  le  montrent nos  tableaux  et  comme  Duméril  et  Bibron  l'avaient  vu  du  reste, nous  avons  trouvé  des  femelles  à  plastron  creux  et  des  mâles  à Fig.  1. FiG.  1.  —  Tortues  mauresques  mâle  (à  gauche)  et  femelle  («  droite),  vues de  l'extrémité  postérieure. plastron  plan;  dans  tous  les  cas,  il  fallait  mettre  deux  individus,  de sexes  difïérents,  l'un  à  côté  de  l'autre  pour  pouvoir  nettement  dis- tinguer ce  caractère. Gray  dit  {loc.  cit.  p.  11)  que  la  partie  postérieure  du  plastron  est plus  mobile  chez  les  femelles  que  chez  les  mâles.  C'est  là  encore  un caractère  qui  ne  peut  suffire  pour  distinguer  les  sexes,  car  nous avons  vu  des  mâles  qui  présentaient,  en  certains  endroits,  une mobilité  aussi  grande  que  chez  nos  femelles. Par  contre,  le  plastron  des  mâles  nous  a  toujours  paru  un  peu plus  petit  que  celui  des  femelles  et,  caractère  facile  à  reconnaître, son  extrémité  postérieure  est  toujours  plus  largement  fendue  que chez  les  femelles  ;  il  en  résulte  que  la  partie  mobile  du  plastron, chez  les  mâles,  tend  vers  la  forme  rectangulaire  alors  qu'elle  pré- XLvi  NOTES  ET  REVUE sente  une  forme  plus  nettement  triangulaire  chezles  femelles  (fig.2). 4°  Queue.  —  Cette  plus  grande  largeur  de  la  fourche  sternale  en arrière,  ciiez  les  mâles,  est  en  rapport  avec  les  dimensions  de  la queue  gui  sont  nettement,  ici,  plus  grandes  que  chezles  femelles.  De même,  l'espace  qui  est  compris  entre  la  fourche  sternale  et  le  bord de  la  carapace  est  plus  grand  chez  le  mâle  que  chez  la  postérieur femelle.  Ce  sor.t  encore  là  des  caractères  qui  nous  ont  paru  cons- tants et  qui  permettent  de  distinguer  facilement  les  deux  sexes. B.  —  Caractères  physiologiques. Cette  partie  de  notre  étude  ne  peut  être  considérée  que  comme une  amorce  pour  des  travaux  faits  dans  des  conditions  meilleures Fig.  2. FiG.  2.  —  Tortues  mauresques  mâle  (à  gauche)  et  femelle   (à  droite"^ vues  du  côté  du  plastron. que  celles  où  nous  avons  pu  placer  les  Tortues,  dans  notre  labo- ratoire. Nous  avons  conservé  vivantes,  pendant  près  d'une  année,  six Tortues,  trois  mâles  et  trois  femelles,  les  soumettant  à  des  obser- vations continuelles  qui  nous  ont  permis  de  constater,  toutd'abord, que  les  femelles  sont  moins  craintives  et  s'accoutument  plus  vite  à la  présence  de  l'homme  que  les  mâles;  de  plus  ceux-ci  font  tou- jours entendre  un  souffle  violent  quand  on  les  saisit  ou  même quand  on  lance  brusquement  la  main  dans  la  direction  de  leur tête;  en  général  les  femelles  se  laissent  enlever  sans  souffler  ou, du  moins,  leur  soufile  est  moins  fort  que  celui  des  mâles. Nous  avons  noté  ensuite  (tabl.  V)  les  variations  de  poids  et  de densité  moyenne  de  nos  Tortues  conservées  pendant  onze  mois. NOTES  ET  REVUE XLVII TABLEAU  V. Variations  de  poids  et  de  densité  de  Juillet  1 905  à  Mai  1 906. F.  n»  25 768  gr.  077  gr. 45 surnage        surnage morte F.  n°  4  F.  n"  6 Juilet  1905. Poids  total 625  gr.  813  gr. surnage  surnage 25  Octobre  1905. Poids  total 593  gr. Perte  de  poids..       32 surnage 6  Janvier  1906. Poids  total 572  gr.  761  gr. Perte  de  poids..      21  7 surnage  surnage 22  Mars  1906. Poids  total 553  gr.  746  gr. Perte  de  poids. .       19  15. surnage  surnage 8  mai  1906. Poids  total 545  gr.  728  gr. Perte  de  poids.  8  18 surnage  surnage sacrifiée  malade morte  le  16  mai Pertes  totales...      80  gr.  85  gr. M.  n»  19  M.  n»  22  M.  n»  26 665  gr.  580  gr.  » s'enfonce  s'enfonce  ■ dans  l'eau  dans  l'eau 630  gr.  576  gr,  682  gr. 35  4  » s'enfonce  s'enfonce  surnage dans  l'eau  dans  l'eau 624  gr.  571  gr.  673  gr. 6  5  9 s'enfonce  s'enfonce  surnage dans  l'eau  dans  l'eau 607  gr.  560  gr.  626  gr. 17  14-  47 s'enfonce  s'enfonce  surnage dans  l'eau  dans  l'eau  malade morte 56  i  gr. 43 552  gr. 8 surnage malade sacrifiée 101  gr. surnage malade sacrifiée 28  gr. Ces  dernières  observations,  que  nous  comptions  multiplier,  ne peuvent  donner  lieu  à  aucune  conclusion.  L'étude  de  notre tableau  V  montre,  en  effet,  que  des  maladies  venaient  modifier  les conditions  physiologiques  de  certains  individus;  ces  maladies  se traduisaient  extérieurement  par  la  présence  de  sérosités  purulentes ^'écoulant  des  narines  et  tenant  collées  Tune  à  l'autre  les  paupières de  chaque  œil. Des  conclusions  plus  fermes  peuvent  être  tirées  de  Tétude  com- parative du  poids  des  mêmes  organes  internes  chez  les  mâles  et chez  les  femelles,  étude  dont  nous  avons  fourni  les  détails  dans  les Tableaux  I  et  H. Nous  noterons  d'abord  que  le  poids  total  du  foie  est  plus  grand chez  les  femelles  que  chez  les  mâles  et,  cela,  tant  au  point  de  vue relatif  qu'au  point  de  vue  absolu  ;  la  moyenne  du  poids  absolu  du XLviii  NOTES  ET  REVUE foie  chez  les  femelles  est  de  25gr, 17  alors  qu'il  est  seulement  de 21gr,83  chez  les  mâles  ;  les  poids  relatifs  sont  respectivement  de  1/27 pour  les  femelles  et  de  1/28  pour  les  mâles.  De  même,  le  poids moyen  des  ovaires,  chargés  d'ovules,  est  de  43  grammes  alors  qu'il est  seulement  de  3&r,4o  pour  les  testicules  et  les  épididymes  gorgés de  sperme.  Par  contre,  les  reins  paraissent  un  peu  plus  lourds  chez les  mâles  ;  leur  poids  moyen  est  ici  de  3gr,66,  ce  qui  représente  la cent  soixante-septième  partie  du  poids  total  du  corps;  chez  les femelles,  le  poids  moyen  des  reins  est  36r,76  qui  représentent  seu- lement la  cent  quatre-vingt-deuxième  partie  du  poids  du  corps. Ces  différences  correspondent  sans  doute  à  des  différences  dans la  nutrition  des  mâles  et  des  femelles.  Et  en  effet,  une  simple  dis- section nous  a  montré  que  les  mâles  fabriquent  ou  conservent  plus de  pigments  jaunes  (lipochromes)  et  de  mélanine  que  les  femelles. Chez  celles-ci,  nous  n'avons  trouvé  que  les  capsules  surrénales,  les ovaires  et  les  ovules  qui  soient  cjolorés  en  jaune  vermillon  ou  chrome foncé  ;  chez  les  mâles  nous  avons  trouvé  la  même  coloration  dans les  capsules  surrénales,  dansiez  testicules  (mais  non  dans  le  sperme qui  est  blanc),  dans  la  graisse  du  corps  et  dans  la  partie  médul- laire de  certains  os,  tels  que  les  ceintures  scapulaire  et  pelvienne, le  fémur,  etc. De  plus,  les  tissus  des  épididymes  et  parfois  aussi  le  péritoine environnant  étaient  colorés  intensivement  en  noir. Une  particularité  des  plus  frappantes  qui  nous  a  permis  de  dis- tinguer les  femelles  des  mâles  de  notre  premier  lot  est  la  pro- priété que  présentaient  les  premières  de  surnager  quand  on  les jetait  dans  un  baquet  plein  d'eau,  alors  que  les  seconds  allaient immédiatement  et  restaient  au  fond.  Nous  avons  répété  cette  expé- rience un  très  grand  nombre  de  fois,  non  seulement  au  mois  de Juillet  dernier,  mais  encore  pendant  toute  l'année,  pour  les  tortues de  notre  premier  lot  que  nous  avons  conservées  vivantes  (N"*  4,  6, 19,  22).  Toujours  nous  avons  obtenu  les  mêmes  résultats  :  les femelles  surnageaient,  les  mâles  allaient  au  fond. Nous  n'avons  pas  obtenu  la  même  constance,  dans  ces  résultats, avec  les  tortues  de  notre  second  lot  (tabl.  III  et  V);  ici  les  mâles  sur- nageadent  autant  que  les  femelles.  D'un  autre  côté  les  mâles  n°*  19 et  22  de  notre  premier  lot,  étant  devenus  malades  à  la  fin  de  leur séjour  dans  notre  laboratoire,  se  mirent  à  surnager  alors  qu'ils allaient  toujours  au  fond,  auparavant. NOTES  ET  REVUE  xux Quoiqu'il  en  soit,  les  résultats  positifs  que  nous  avons  obtenus, avec  les  vingt-quatre  Tortues  de  notre  premier  lot,  sont  tels  qu'on doit  considérer  la  dififérence  de  densité  totale  du  corps  comme  un phénomène  diflérentiel  des  sexes  chez  la  Tortue  mauresque,  phéno- mène se  produisant  seulement  à  certains  moments  de  la  vie. >'ous  avions  pensé  d'abord  que  la  cause  qui  faisait  flotter  les femelles  était  due  à  la  présence,  dans  leurs  ovaires,  d'un  certain nombre  d'ovules  chargés  de  matières  grasses.  Une  étude  plus  atten- tive nous  a  montré  que  ce  n'était  pas  là  la  véritable  cause  ;  il  nous suffisait  en  effet,  de  crever  les  poumons  de  tout  individu  qui  surna- geait pour  le  voir  tomber  immédiatement  au  fond  de  l'eau.  Nous pouvons  donc  dire  que  les  femelles  de  notre  premier  lot  se  distin- guaient des  mâles  par  la  présence  d'une  plus  grande  quantité  d'air résiduel  dans  leurs  poumons. Il  serait  évidemment  des  plus  intéressants  de  tâcher  de  mettre  en évidence  les  conditions  d'âge,  de  santé  ou  de  milieu  qui  président aux  variations  de  ce  caractère  distinctif,  variations  que  nous n'avons  pu  que  constater  ici.  Nous  laissons  le  soin  de  ce  travail  à ceux  qui  sont  plus  fortunés  que  nous,  dans  l'installation  de  leurs laboratoires. CONCLUSIONS En  résumé,  de  nombreux  caractères  morphologiques  et  "physio- logiques permettent  de  distinguer  les  sexes  l'un  de  l'autre,  dans  la Tortue  mauresque. Parmi  les  caractères  sexuels  secondaires  [caractères  morpholo- giques) ceux  qui  permettent  de  distinguer  immédiatement  et sûrement  la  Tortue  mauresque  mâle  de  la  Tortue  femelle  sont: 1'^  Une  écaille  sus-caudale  plus  grande,  bombée  et  recourbée  en crochet  vers  la  queue  ; 2°  La  queue  plus  grande  et  plus  forte  ; 3°  Le  plastron  sternal  plus  largement  échancré  en  arrière  ; 4°  Un  plus  grand  espace  entre  la  carapace  et  le  plastron  en  arrière. La  concavité  du  plastron,  qui  est  donnée  comme  un  caractère sexuel  secondaire  du  mâle,  par  les  auteurs,  est  un  caractère  très souvent  difficile  à  apprécier  et  n'est  pas,  du  reste,  absolument  parr ticulier  aux  mâles. Il  en  est  de  même  pour  la  mobilité  de  la  pointe  du  plastron  ,  cette L  NOTES  ET  REVUE mobilité  est  toujours  très  grande  chez  les  femelles,  mais  elle  peut l'être  également  chez  les  mâles. Notre  étude  nous  a  montré  que  les  caractères  morphologiques  qui permettent  de  distinguer  les  sexes  des  Tortues  sont  accompagné de  différences  aussi  grandes  que  nous  avons  constatées  dans  les caractères  physiologiques  de  ces  animaux.  Nous  noterons  ici,  en  par- ticulier : La  plus  grande  quantité  de  pigments  formés  dans  divers  organes des  mâles. La  moindre  quantité  d'air  résiduel  contenue  dans  leurs  poumons. Leurs  reins  un  peu  plus  lourds. Leur  foie  et  surtout  leurs  glandes  génitales  moins  développés. Paru  le  20  Février  1907. Les  directeurs  : G.  Phuvot  et  E.-G.  Racovitza. Eug.    MOFIEU,  Imp.-Gniv^  140,  Boul.  Raspail.  Puis  (6)—   Tclcphone  :  704  -  75 MUSÉUM    NATIONAL    D'HISTOIRE    NATURELLE PARIS SOUSCRIPTION    UNIVERSELLE POUR  ÉLEVER  UN  MONUMENT A     LAMARCK Les  Professeurs  du  Muséum  national  d'Histoire  naturelle  de  Paris, désireux  de  rendre  un  hommage  solennel  à  leur  illustre  prédé- cesseur, le  naturaliste  philosophe  LAMARCK,  prennent  l'initiative d'une  souscription  internationale  afin  de  lui  élever  une  statue  dans le  jardin  des  Plantes. Ils  vous  demandent  de  prendre  part  à  cette  manifestation scientifique  qui  a  pour  but  de  rendre  une  tardive  justice  à  l'im- mortel auteur  de  la  Philosophie  zoologique,  au  savant  qui,  en Zoologie,  en  Botanique,  en  Géologie,  en  Météorologie,  fut  un  pré- curseur génial,  au  grand  penseur  dont  les  conceptions  sont  la  base des  idées  modernes  sur  l'évolution  du  Monde  organisé. Si  vous  consentez  à  participer  à  leur  œuvre,  veuillez  adresser votre  souscj-iption  soit  à  M.  Joubin,  professeur  au  Muséum  d'Histoire naturelle,  à  Paris,  soit  à  l'un  des  correspondants  inscrits  sur  la  liste ci-jointe. Die  Professoren  am  National-Muséum  fur  Naturkunde  in  Paris, hegen  den  Wunsch,  in  ehrfurchtsvoller  Huldigung  ihrem  beruhmten Vorgânger,  dem  Philosophen  und  Nàturforscher  LAMARCK,  diesem ein  Denkmal  im  «  Jardin  des  Plantes  i>  zu  errichten,  und  laden  dafur zu  einer  internationalen  Subscription  ein. Wir  bitten  Sie  hoflichst,  unser  Yorhaben  zu  unterstutzen,  durch welches,  wenn  auch  spât,  der  Dank  zum  Ausdruck  kommen  soll, den  die  wissenschaftliche  Welt  dem  unsterbiichen  Verfasser  der «  Philosophie  zoologique  »  schuldet,  dem  grossen  Gelehrten,  der  in der  Zoologie,  der  Botanik,  der  Géologie  und  Météorologie,  ein genialer    Forscher    war,    dem   tiefen   Denker,   dessen   Ideen  ein Grundpfeilar  der  modernen  Lehre  von  der  Entstehung  der  Leben- wesen  geworden  sind. Falls  Sic  çeneigtsind,  an  unseremWerke  Theilzu  nehmen,  bitten wir  Sie  hierdurch,  Ihren  Beitrag  gutigst  an  Professer  Jouum (Muséum  d'Histoire  naturelle,  Paris)  oder  an  einen  der  Ilerrn einsenden  zu  wollen,  deren  Namen  Sie  in  beigefûgter  Liste  ver- zeichnet  finden, The  Professors  of  the  National  Muséum  of  Natural  History  of Paris  wishjng  ta  p^y  a  worthy  tribute  to  the  memory  of  their  illus- trions predecessQr,  the  philosopher  and  naturalist  LAMARCK,  take the  initiative  in  opening  an  international  subscription  in  order  to erect  his  statue  in  the  «  Jardin  des  Plantes  ». You  are  invited  to  ty,ke  part  in  this  scientifîc  manifestation,  the aim  of  which  is  to  repder  tardy  homage  to  the  celebrated  author  of the  «  Philosophie  zoologique  »,  to  thn  scholar  who  in  Zoology, Botany,  Geology  and  Meteorology,  was  the  learned  precursor,  to  the great  scientist  whose  conceptions  hâve  formed  the  base  of  modem thought  on  the  évolution  of  ail  aniniated  nature. If  you  désire  to  participate  in  this  work,  be  so  kiud  as  to  send your  subscription  either  to  Professer  Joubin  (Muséum  d'Histoire naturelle,  Paris)  or  to  one  of  the  subscribers  mentioned  in  the  list enclosed. Les  Pi'ofesseurs  du  Muséum  nalianal  d'tiisloire  naturelle  : Ed.  'PerrieRj  divictew  ;  L.  Vaillant,  assesseur  ;  A.  Mangin, secrétaire  ;  Arnaud  ;  H.  Becquerel  ;  Boule  ;  Bouvier  ; Bureau  ,  professeur  honoraire  ;  Ghauveau  ;  Costantin  ; Gaudry,  professeur  honoraire  ;  Gréhant  ;  Hamy  ;  Joubin  ; Lacroix;  Lecomte  ;  Maquenne;  S.  Meunier;  Van  Tieghem  ; Tkouessart. ARCHIVES ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE FONDÉES    PAR H.     DE     LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES  SOUS  LA  DIRECTION  DE G.  PRUVOT  ET  E.    G.    RACOVITZA Chargé  de  Cours  à  la  Sorbonne   ,  Docteur  es  sciences Directeur    du    Laboratoire    Arago  Sous-Directeur  du  Laboratoire  Arago 4'  Série,  T.  VI.        NOTES  ET   REVUE  1907.     N"  3 VII CHARLES  MARTY par  Yves  Delage Membre  de  l'Institut,  Professeur  à  la  Sorbonne. II  pourra  sembler  étrange  à  quelques  personnes  que  l'on  consacre dans  un  journal  scientifique  un  article  nécrologique  à  un  homme dont  la  condition  sociale,  n'étgiit  pas  très  supérieure  à  celle  d'un garçon  de  laboratoire. Ceux  qui  ont  vu  Ch.  Marty  à  l'œuvre  à  la  station  de  RoscofiF,  ne fût-ce  que  pendant  quelques  semaines,  trouveront  la  chose  naturelle; à  ceux  qui  l'ont  suivi  pendant  sa  longue  carrière  elle  apparaîtra comme  une  dette  de  reconnaissance  qu'il  eût  été  injuste  de  ne  pas acquitter. Ch.  Marty  était  né  à  Nantes  en  1851,  dans  une  humble  famille  de jardiniers.  Il  aimait  les  plantes,  mais  il  préférait  la  mer  et  partit comme  mousse  à  bord  d'un  navire  au  long  cours.  Il  était  simple matelot  quand  il  fut  pris  pour  le  service. Là  le  hasard  des  circonstances  le  fit  se  rencontrer  sur  le  Narval^ ARGB.  PB  ZOOL.  BXP.  ET  OÉN.  —  4*  SÉRIE.  —  T.  VI.  G Grundpfeilar  der  modernen  Lehre  von  der  Entstehung  der  Leben- wesen  geworden  sind. Falls  Sic  g-eneigtsind,  an  unserem  Werke  Theilzu  nehmen,  bitten wir  Sie  hierdurch,  Ihren  Beitrag  gûtigst  an  Professer  Joubin (Muséum  d'Histoire  naturelle,  Paris)  oder  an  einen  der  Ilerrn einsenden  zu  wollen,  deren  Namen  Sie  in  beigefugter  Liste  ver- zeichnet  finden, The  Professors  of  the  National  Muséum  of  Natural  History  of Paris  wislijng  to  pîjiy  a  worthy  tribute  to  the  memory  of  their  illus- trious  predecessor,  the  philosopher  and  naturalist  LAMARCK,  take the  initiative  in  opening  an  international  subscription  in  order  to erect  his  statue  in  the  «  Jardin  des  Plantes  ». You  are  invited  to  tgike  part  in  this  scientific  manifestation,  the aim  of  which  is  to  repdçr  tardy  homage  to  the  celebrated  author  of the  «  Philosophie  zoologique  »,  to  tho  scholar  who  in  Zoology, Botany,  Geology  and  Meteorology,  was  the  learned  precursor,  to  the great  scientist  whose  conceptions  hâve  formed  the  base  of  modem thought  on  the  évolution  of  ail  aninàated  nature. If  you  désire  to  participate  în  this  work,  be  so  kiud  as  to  send your  subscription  either  to  Professer  Joubin  (Muséum  d'Histoire naturelle,  Paris)  or  to  one  of  the  subscribers  mentioned  in  the  list enclosed. Les  Professeurs  du  Muséum  riatianal  ci- Histoire  nalurelle  : Ed. 'PerrieRj  directeur  ;  h.  Vaillant,  assesseur;  A.  Mangin, secrétaire  ;  Arnaud  ;  II.  Becquerel  ;  Boule  ;  Bouvier  ; Bureau  ,  professeur  honoraire  ;  Ghauveau  ;  Costantin  ; Gaudry,  professeur  honoraire  ;  Gréhant  ;  Hamy  ;  Joubin  ; Lacroix  ;  Lecomte  ;  Maquenne  ;  S.  Meunier  ;  Van  Tieghem  ; Trouessart. ARCHIVES DE ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE FONDÉES    PAR H.     DE     LAGAZE-DUTHIERS PUBLIÉES  SOUS  LA   DIRECTION  DE G.  PRUVOT  ET  E.    G.    RACOVITZA Chargé  de  Cours  à  la  Sorbonne  Docteur  es  sciences Directeur    du    Laboratoire   Arago  Sous-Directeur  du  Laboratoire  Arago 4"  Série,  T.  VI.        NOTES  ET  REVUE  W07.    N"  3 VII CHARLES  MARTY par  Yves  Delage Membre  de  l'Institut,  Professeur  à  la  Sorbonne. Il  pourra  sembler  étrange  à  quelques  personnes  que  l'on  consacre dans  un  journal  scientifique  un  article  nécrologique  à  un  homme dont  la  condition  sociale,  n'étgiit  pas  très  supérieure  à  celle  d'un garçon  de  laboratoire. Ceux  qui  ont  vu  Ch.  Marty  à  l'œuvre  à  la  station  de  Roscoff,  ne fût-ce  que  pendant  quelques  semaines>  trouveront  la  chose  naturelle; à  ceux  qui  l'ont  suivi  pendant  sa  longue  carrière  elle  apparaîtra comme  une  dette  de  reconnaissance  qu'il  eût  été  injuste  de  ne  pas acquitter. Ch.  Marty  était  né  à  Nantes  en  1851,  dans  une  humble  famille  de jardiniers.  Il  aimait  les  plantes,  mais  il  préférait  la  mer  et  partit comme  mousse  à  bord  d'un  navire  au  long  cours.  Il  était  simple matelot  quand  il  fut  pris  pour  le  service. Là  le  hasard  des  circonstances  le  fît  se  rencontrer  sur  le  Narval^ ARCB<  PB  ZOOL.  BXP.  ET  OÉN.  —  4*  SÉRIB.  —  T-  VI.  G LU  NOTES  ET  REVUE commandé  par  l'amiral  Mouchez  et  chargé  d'un  service  hydrogra- phique sur  les  côtes  d'Afrique,  avec  H.  de  Lacaze-Duthiers,  en  mis- sion d'exploration  zoologique. Un  jour,  en  1873,  une  aussière  pendant  le  long  du  bord  s'entor- tilla autour  de  Farbre  de  Fhélice  dont  elle  contraria  la  rotation  sans l'arrêter  tout  à  fait.  L'amiral  fît  appel  aux  hommes  de  bonne volonté.  La  mission  était  difficile  et  périlleuse  :  Marty  s'offrit.  Il plongea  et  dégagea  l'aussière  au  risque  de  se  faire  broyer  par  l'hé- lice. Cet  acte  d'adresse  et  d'intrépidité  attira  sur  lui  l'attention  de  ses chefs  et  celle  de  Lacaze-Duthiers.  Aussi,  lorsque  le  navire  fut arrivé  à  destination,  celui-ci  devant  se  servir,  pour  explorer  la  côte, de  la  chaloupe  à  vapeur  du  Narval,  demanda  et  obtint  de  l'amiral la  désignation  de  Marty  comme  patron  de  la  chaloupe. Pendant  toute  la  durée  de  la  campagne  d'exploration,  Marty  donna des  preuves  journalières  de  son  dévouement  et  de  son  intelligence. Lacaze-Duthiers  qui  venait  de  fonder  à  RoscofF  une  station  zoolo- gique comprit  tout  le  parti  qu'il  pourrait  tirer  de  ces  qualités  excep- tionnelles et  résolut  de  l'attacher  à  la  station  :  telle  fût  la  cause  de l'entrée  de  Gh.  Marty  dans  sa  nouvelle  carrière. La  station  était  à  cette  époque  dans  un  état  bien  rudimentaire  : une  maison  louée,  aménagée  comme  une  habitation  bourgeoise,  o\x pouvaient  travailler  6  à  7  personnes,  chacune  dans  sa  chambre  à coudier  ;  pas  de  salle  commune;  comme  réservoir  d'eau  de  mer, deux  cuves  en  ciment  d'une  contenance  d'un  mètre  cube  environ; comme  aquariums  trois  ou  quatre  bacs  en  brique  avec  une  paroi  de verre;  comme  embarcation,  un  petit  cotre  à  clins  de  5  mètres  de long  «  le  Penlacrine  »  et  un  bateau  plat  pour  l'accostage  ;  pour tout  personnel,  Marty  auquel  on'  adjoignit  bientôt  un  matelot  pour le  service  de  la  pompe  à  bras  destinée  à  emplir  les  cuves  et  pour l'aider  dans  la  conduite  du  bateau.  Mais,  au  pied  de  cette  installation médiocre,  une  grève  si  admirable  au  point  de  vue  de  la  richesse  et de  la  variété  de  la  faune,  qu'il  n'en  est  guère  dans  aucun  pays  qui puisse  lui  être  comparée. Là,  Marty,  s'éprit  d'un  bel  amour  pour  ces  bestioles  étranges que  son  maître  lui  apprenait  à  cherclier,  dont  il  lui  disait  les  noms et  lui  faisait  observer  les  mœurs.  Doué  d'une  intelligence  peu commune,  d'un  esprit  d'observation  très  fin,  dévoué  à  sa  tâche  par tempérament  et  à  son  maître  par  reconnaissance,  il  devient  l'auxi- I NOTES  ET  REVUE  un liaire  indispensable  de  ce  dernier  et  bientôt  celui  de  tous  les  travail- leurs de  la  station. Cette  côte  bretonne  est  une  des  plus  périlleuses  qui  soit  au  monde, par  ses  récifs  innombrables,  dont  la  hauteur  et  la  forme  apparente varient  à  chaque  instant  avec  le  niveau  de  la  marée,  et  par  ses  cou- rants dont  la  direction  et  la  force  changent  à  toutes  les  phases  du jusant  et  du  flot.  On  estime  qu'il  faut  être  né  dans  le  pays  et  avoir fréquenté  ces  dangers  dès  l'enfance  pour  qu'ils  vous  soient  entiè- rement familiers.  Marty  fit  exception  à  cette  règle  et  en  peu  d'années devient  aussi  expert  que  les  pilotes  du  pays. En  peu  d'années,  il  arriva  à  connaître,  mieux  que  son  maître  et  que pas  un  de  nous,  les  grottes  sous-marines  où  l'on  s'insinue  avec peine  aux  basses  mers  des  grandes  marées,  avec  tous  les  détails  de la  faune  étincelante  qui  tapisse  leurs  parois,  les  retraites  des  formes les  plus  diverses,  dessous  des  pierres,  touffes  de  goémons,  tiges creuses  de  laminaires,  plages  de  sable  ou  de  vase,  où  parfois  les gisements  sont  limités  à  des  places  précises  que  rien  ne  distingue en  apparence  ;  et  il  connaissait  non  moins  bien  la  faune  des  régions inaccessibles  à  l'œil  et -à  la  main,  où  la  drague,  le  faubert  et  le chalut,  recueillent  au  hasard  ce  qui  se  rencontre  sur  leur  passage. Ce  n'est  pas  seulement  pour  la  recherche  des  animaux  nécessaires aux  études  que  Marty  se  montra  l'homme  utile  sur  qui  l'on  peut compter.  Au  fur  et  à  mesure  que  la  station  se  développait  pour devenir  ce  qu'elle  est  aujourd'liui,  les  fonctions  nouvelles  néces- sitant des  aptitudes  nouvelles  se  multiplièrent  :  Marty  se  montra  à  la hauteur  de  toutes  les  tâches.  Quand  la  pompe  à  bras  fut  rem- placée par  une  pompe  à  vapeur,  puis  à  pétrole,  Marty  devint  le mécanicien  de  chacune  d'elles,  quand  le  bateau  à  voile  fut  remplacé par  un  bateau  automobile,  Marty  en  devient  le  machiniste  tout  en restant  le  pilote. Dans  les  premières  années,  l'hiver,  où  le  laboratoire  est  vide  de travailleurs,  était  pour  lui  une  saison  de  repos.  Mais  quand  furent organisés  les  envois  aux  Universités  pour  les  manipulations  des étudiants  et  aux  travailleurs  pour  leurs  recherches  originales,  une nouvelle  fonction  vint  s'ajouter  aux  autres.  Chaque  mois  affluaient des  listes  d'animaux  à  expédier,  tantôt  communs,  tantôt  rares, tantôt  vivants,  tantôt  préparés  suivant  une  technique  parfois  fort compliquée,  souvent  dans  telle 'ou  telle  condition  requise,  plus ou  moins  aisée  à  discerner,  d'âge,  d'état'  sexuel,  de  bourgeonne- Liv  NOTES  ET  REVUE ment,  etc.,  toujours  désignés  par  leur  nomenclature  de  genre  et d'espèce;  et,  au  jour  dit,  l'envoi  arrivait,  dépassant  les  espérances, tant  étaient  réalisées  avec  intelligence  les  conditions  délicates  que Ton  avait  réclamées. Sa  haute  intelligence,  son  cœur  dévoué,  lui  avaient  inspiré  une noble  ambition  :  il  ne  voulut  pas  être  le  serviteur  des  travailleurs  du Laboratoire,  mais  leur  collaborateur,  et  il  y  réussit.  Durant  plus  de trente  années  qu'il  y  passa  il  ne  se  fit  pas  à  la  station  un  travail zoologique  ou  biologique  de  quelque  importance  auquel  il  ne  mit  la main. Pour  trouver  les  formes  rares,  dépister  les  stades  larvaires fugaces,  deviner  les  conditions  d'élevage,  de  fixation,  de  reproduc- tion, de  bourgeonnement,  sa  perspicacité  avait  la  sûreté  d'un  ins- tinct, lî  avait  ce  quelque  chose  qui  ne  s'acquiert  pas  et  que  les naturalistes  appellent  le  sens  de  l'espèce.  11  triait  sans  hésitation  les échantillons  de  formes  semblables  que  nous  ne  distinguions  souvent qu'après  une  laborieuse  détermination  de  caractères,  et  s'il  y  avait discussion,  son  avis  finalement  se  trouvait  être  le  bon. Il  se  mêlait  à  nos  travaux,  il  se  tenait  au  courant  du  succès  de nos  recherches,  aimait  à  voir  les  préparations  microscopiques,  et plus  d'une  fois  nous  avons  tiré  profit  de  ses  observations  judi- cieuses. Si  les  circonstances,  au  début,  avaient  fait  de  Marty,  non  un matelot  mais  un  étudiant,  il  compterait  aujourd'hui  parmi  les  natu- ralistes qui  font  le  plus  honneur  à  la  science  et  à  leur  pays. Cette  participation  continuelle  aux  travaux  de  tous  a  été  reconnue . par  ceux  qui  en  ont  usé.  Elle  se  trouve  inscrite  dans  toutes  les  lan- gues, dans  les  périodiques  où  ces  travaux  ont  été  publiés  ;  elle  a  été sanctionnée  par  la  dédicace  de  plusieurs  espèces  nouvelles  ayant pour  nom  spécifique  Marlyi,  et  s'il  n'existe  qu'un  genre  Marty  a  c'est que  les  règles  de  la  nomenclature  s'opposent  à  ce  qu'un  nom  géné- rique soit  donné  deux  fois. J'extrais  d'une  lettre  de  condoléances  d'un  de  nos  plus  distingués naturalistes,  le  professeur  Francotte,  de  Bruxelles,  les  passages  sui- vants :  «  A  plusieurs  reprises  j'ai  eu  l'occasion  d'entendre  les «  remarques  qu'il  faisait,  lorsqu'il  nous  accompagnait  à  la  grève, «  sur  l'habitat,  les  mœurs  et  parfois  même  la  psychologie  des  orga- «  nismes  que  nous  cherchions  ;  je  i'écoutais  avec  un  plaisir  extrême «  tellement  tout  ce  qu'il  disait  était  juste,  précis',  original...  Il  y r NOTES  ET  REVUE  lv «  aurait  eu  grand  intérêt  à  ce  qu'il  eût  écrit,  à  sa  façon,  toutes  les «  observations  qu'il  avait  faites.  Ce  livre  aurait  eu  certainement  une ((  réelle  valeur  et  eut  été  de  la  plus  haute  utilité  pour  ceux  qui  veu- «  lent  s'initier  aux  choses  de  la  mer.  » Sa  complaisance,  son  adresse,  la  sûreté  de  ses  avis  étaient  telles qu'à  chaque  minute  on  avait  recours  à  lui.  Qu'il  fallut  se  procurer des  animaux  rares,  réparer  un  instrument  délicat,  imaginer  une installation  nouvelle,  faire  face  à  une  difficulté  imprévue  de  quel- que nature  qu'elle  fût,  toujours  on  concluait  :  demandons  à  Marty. On  l'appelait  de  tout  côtés  et,  malgré  son  activité  incessante,  il  lui eût  fallu  se  dédoubler  bien  des  fois  pour  satisfaire  à  tous. Il  avait  une  noble  conception  de  ses  devoirs.  Mais  il  faut  bien comprendre  que  s'il  accomplissait  toutes  ces  tâches  ce  n'était  pas par  devoir,  mais  par  amour  pour  le  travail,  pour  la  recherche,  pour la  science.  Ce  qu'on  fait  par  devoir  finit  par  lasser;  ce  qu'on  fait  par amour  ne  lasse  jamais  :  là  était  le  secret  de  son  activité  inépuisable. Dire  qu'il  était  la  cheville  ouvrière  du  Laboratoire  serait  trop  peu: il  en  était  l'âme. Nombreux  sont  les  exemples  de  gens  partis  d'aussi  bas  et  arrivés bien  plus  haut.  Mais  d'ordinaire  d'heureuses  fortunes  ont  eu  une grande  part  à  leur  élévation.  Marty,  au  contraire,  ne  doit  rien  qu"à lui-même  et  n'a  jamais  été  récompensé  à  l'égal  de  son  mérite. Il  est  mort  Surveillant  général  du  Laboratoire  de  Roscoff,  aux appointements  de  2.000  francs  et  Officier  de  l'Instruction  Publique. C'est  peu  pour  s'être  montré  pendant  plus  de  trente  années,  partout et  toujours  supérieur  à  ce  qu'on  pouvait  attendre  de  lui.  Mais  ce  qui est  beaucoup  c'est,  par  sa  haute  valeur  intellectuelle  et  morale, d'avoir  conquis  un  rang  bien  supérieur  à  sa  condition  matérielle  et d'emporter  en  mourant  l'estime,  la  reconnaissance  et  le  regret  de tant  de  savants  de  tous  les  pays  qui  avaient  recours  à  son  aide  et  le traitaient  comme  un  égal,  mieux  encore,  comme  un  ami. Lvi  NOTES  ET  REVUE VIII NÉPHROCYTES  ET  NÊPHRO-PHAGOCYTES  DES  CAPRELLIDES par  L.  Bruntz, Chargé  du  Cours  de  Zoologie  à  l'Ecole  supérieure  de. Pharmacie  de  Nancy. Si  on  injecte  du  carminate  d'ammoniaque  dans  la  cavité  générale des  Amphipodes,  par  exemple  des  Talitres,  Gammarus  et  autres Crevettines  (Gammarides),  on  sait  (Bruntz,  1903)  que  cette  solution s'élimine,  non  seulement  par  les  saccules  des  reins  antennaires, mais  aussi  par  des  cellules  conjonctives  fixes  et  closes  :  néphrocytes. On  constate  le  même  fait  chez  Protella  phasma  S.  Bâte,  que  je choisis,  à  cause  de  sa  grande  taille,  comme  type  de  Caprellides. Dans  ces  deux  groupes  d'Amphipodes,  les  néphrocytes  sont  réunis en  amas  symétriquement  disposés  dans  la  tête  et  dans  le  corps.  Dans un  travail  antérieur,' j'ai  cherché  à  homologuer  les  amas  néphrocy- taires  des  deux  groupes,  mais  sans  documents  suffisants  ;  de récentes  expériences  me  permettent  de  compléter  et  de  préciser  nos connaissances  à  ce  sujet. I.  —  Description. Chez  les  Crevettines,  il  existe  des  amas  de  néphrocytes  céphali- ques,  thoraciques  et  abdominaux  ;  chez  la  Protelle,  on  retrouve aussi  des  amas  de  néphrocytes  céphaliques  et  thoraciques,  mais l'abdomen  très  réduit  ne  renferme  pas  de  semblables  éléments excréteurs. Néphrocytes  céphaliques.  —  Les  Crevettines  possèdent  une  paire d'amas  de  néphrocytes  céphaliques  entourant  la  base  des  muscles extenseurs  des  premières  antennes. Chez  la  Protelle,  il  existe  trois  paires  d'amas  de  néphrocytes céphaliques.  La  première  paire  se  trouve  disposée  à  la  base  des premières  antennes,  bordant  les  nerfs  qui  se  rendent  à  ces  appen- dices. La  deuxième  paire  est  placée  à  la  région  dorsale  de  la partie  postérieure  de  la  tête,  sous  l'épine  qui  orne,  en  cet  endroit, la  tête  de  la  Protelle  ;  les  cellules  constitutives  sont  attachées  aux faisceaux  musculaires  des  maxilles,  ainsi  qu'à  l'aorte.  La  troisième paire,  située  à  la  face  ventrale  de  la  tête,  s'étend  transversalement NOTES  ET  REVUE  tvii de  la  base  des  deuxièmes  antennes  à  la  base  des  pattes-mâchoires. Ces  amas  dé  la  dernière  paire  sont  plus  ou  moins  séparés,  dans  leur région  médiane,  par  les  muscles  des  maxilles.  Au-dessus,  les cellules  sont  accolées  aux  muscles  antennaires,  au-dessous,  aux muscles  des  pattes-mâchoires.  Les  néphrocytes  sont,  de  plus,  en contact  avec  les  masses  nerveuses  et  l'estomac. Néphrocytes  thoraciques.  —  Ces  néphrocytes  (appelés  aussi  bran- chiaux par  raison  d'analogie,  car  chez  tous  les  Crustacés,  ils  se trouvent  sur  le  trajet  du  sang  revenant  des  branchies  ou  autres appendices  respiratoires)  sont  disposés,  chez  les  Cr^vettines  à  la base  de  chacun  des  anneaux  ainsi  que  dans  l'article  basai  des  pattes. 11  existe  donc  sept  paires  d'amas  de  ces  néphrocytes,  qui  forment  un revêtement  interne  et  incomplet  aux  vaisseaux  péricaydiques. Chez  les  Caprellides,  les  néphrocytes  branchiaux  sé'trouvent  dis- posés à  la  partie  ventrale  des  anneaux,  dans  la  région  d'attache  des appendices  correspondants.  .11  n'existe  que  six  paires  d'amas  de  ces néphrocytes,  lesquels  sont  accolés  aux  ganglions  nerveux  ou  à  des muscles  avoisinants.  Dans  les  troisième  et  quatrième  anneaux,  des néphrocytes  sont  encore  portés  sur  des  fibrilles,  qui  relient  les  par- ties latérales  du  septum  péricardique  à  la  face  ventrale. Néphrocytes  abdominaux.  —  Ces  derniers  n'existent  que  chez  les Amphipodes  normaux,  lesquels  possèdent  un  abdomen  formé  typi- quement de  six  anneaux.  Les  amas  de  néphrocytes  plus  réduits  que ceux  du  thorax,  forment,  comme  dans  cette  partie  du  corps,  un revêtement  aux  canaux  péricardiques,  mais  les  amas  postérieurs peuvent  ne  pas  exister  ou  se  trouver  réunis  de  telle  sorte  qu'il  n'en existe,  par  exemple,  que  cinq  paires  chez  lé  Gammarus  et  quatre chez  le  Talitre. Néphro-phagocytes  péricardiques.  —  J'ai  montré  que  chez  les Amphipodes  normaux,  il  existe  des  cellules  qui  possèdent  la  double propriété  d'éliminer  les  substances  dissoutes  et  de  phagocyter  les particules  solides  injectées.  En  raison  de  cette  double  fonction,  je propose  d'appeler  ces  éléments  :  des  néphro-phagocytes.  Ces  cellules sont  placées  dans  le  sinus  péricardique,  accolées  aux  faces  externe et  interne  du  cœur  ainsi  qu'aux  fibrilles  de  soutien  de  cet  organe. Récemment,  à  la  station  maritime  de  Roscoff,  j'ai  retrouvé  chez Protella  phasma  S.  Bâte,  les  mêmes  néphro-phagocytes,  dont  l'exis- tence était*  jusqu'alors  inconnue.  Ces  éléments  sont  de  petites cellules  (d'environ  12  p  de  diamètre)  difficiles  à  apercevoir  quand Lviii  NOTES  ET  REVUE on  n'utilise  pas  la  méthode  des  injections  physiologiques.  Ces  cel- lules éliminent  le  carrainate  d'ammoniaque  et  capturent  les  parti- cules d'encre  de  Chine.  Grâce  à  la  transparence  des  téguments  on peut,  comme  sur  des  coupes,  reconnaître  que  ces  cellules  s'étendent dans  toute  la  longueur  du  thorax  oîi  elles  forment  un  revêtement  à la  face  externe  du  cœur.  Il  en  existe  aussi,  dans  le  voisinage  du cœur,  sur  le  septum  péricardique.  Dans  les  troisième  et  quatrième anneaux,  le  péricarde  descend  latéralement  pour  s'attacher  à  la  base des  sacs  branchiaux;  dans  cette  région,  la  meùibrane  péricardique supporte  de  nombreux  néphro-phagocytes  ;  il  en  existe  aussi  sur  les fibres  de  soutien,  auxquelles  sont  déjà  accolés  de  vrais  néphrocytes. Ces  cellules  et  les  globules  sanguins  son  t  les  seuls  éléments  chargés de  la  phagocytose,  les  Caprellides  ne  possèdent  pas  d'organe  phago- cytaire  analogue  à  celui  des  Crevettines. II.  —  Homologie  entre  les  néphrocytes  et  les  néphro-phagocytes des  Crevettines  et  des  Caprellides. En  raison  de  leur  physiologie  bien  spéciale  et  de  leur  même  dis- position, il  est  évident  que  les  néphro-phagocytes  péricardiques  de ces  deux  groupes  sont  homologues.  Il  en  est  de  même  des  néphro- cytes branchiaux  qui,  chez  les  Crevettines  comme  chez  les  Caprel- lides, se  rencontrent  dans  chaque  anneau,  à  la  base  des  appendices correspondants,  sur  le  trajet  du  sang  retournant  au  cœur  par  l'in- termédiaire du  péricarde. Mais  comment  homologuer  l'unique  paire  d'amas  de  néphrocytes céphaliques  des  Crevettines  avec  les  trois  paires  d'amas  des  Caprel- lides? Bien  que  n'affectant  pas  exactement  la  même  disposition,  la situation  analogue  des  amas  néphrocytaires  placés,  dans  les  deux groupes,  à  la  base  des  antennes  de  la  première  paire,  indique  clai- rement que  ces  amas  sont  homologues.  Ils  ne  correspondent  pas, comme  je  l'avais  supposé,  aux  «  Frontaldriisen  »  de  Mayer  (1882). Les  néphrocytes  péribuccaux  semblent,  au  premier  abord,  parti- culiers aux  Caprellides,  cependant  si  on  remarque  qu'il  existe  une paire  d'amas  dans  chaque  anneau  thoracique,  et  que  chez  la  Protelle, le  premier  anneau  thoracique  est  soudé  à  la  tête,  on  peut  penser  que les  néphrocytes  péribuccaux  correspondent  aux  néphrocytes  bran- chiaux du  premier  anneau  des  Crevettines. NOTES  ET  UEVUE  ux Quant  aux  amas  de  néptirocytes  disposés,  chez  la  Protell^?,  sous l'épine  dorsale  céphalique,  j'avais  autrefois  pensé  qu'ils  représen- taient l'amas  des  néphro-phagocytes  péricardiques  des  Crevettines, lequel  se  serait  trouvé  reporté  dans  In  région  antérieure  du  eorps, concentréautourdel'aorte.OrJl  n'en  est  rien,  puisque  dans  les  deux groupes  d'Amphipodes  étudiés,  les  néphro-phagocytes  sont  localisés dans  le  sinus  péricardique.  Il  semble  donc  bien  que  ces  derniers amas  de  néphrocytes  soient  spéciaux  aux  Caprellides,  s'ils  ne  le  sont pas  seulement  à  l'espèce  que  j'ai  étudiée. (Lahoratoire  d'Histoire  naturelle  de  l'Ecole  de  i'har.nacie le  8  novembre  1906). IX SUR  QUELQUES  NOUVELLES  ESPÈCES  DES  NÉMERTES DE  ROSCOFF'. par  MlECZYSLAW    OXNEH l.  —.    4mphipor'is  Martyi  n.  spec. Au  cours  (j:ê  mes  rechèrcltes  sur  la  régénération  chez  les  Némertes que  j'ai  i>oursu!vies  au  Laboratoire  Lacaze-Duthiers,  à  Roscoff,  j'eus l'occasion  de  trouver  quelques  espèces  nouvelles  de  Métanémertes. Je  voudrais  d'abord  signaler  ici  une  espèce  d'Amphiporus  que  j'ai nommée  Amphiporus  Martyi  en  hommage  à  la  mémoire  de Charles  Marty,  le  regretté  surveillant  du  Laboratoire,  qui,  pendant plus  de  trente  années,  a  mis,  sans  compter,  au  service  de  tous  les travailleurs  son  zèle  infatigable,  son  savoir  et  son  intelligence. A  RoscofF  on  trouve  V Amphiporus  Martyi  seulement  dans  le  voi-. sinage  du  Laboratoire,  en  face  de  l'Hôte!  des  Bains  de  Mer  sur  une étendue  très  limitée.  I^ans-cet  endroit  A.  Martyi  y\i  à  côté  de  Linciis ruber  (Muell.)  sous  les  pierres  entre  les  niveaux  extrêmes  du  baïan- oezïient  des  marées.  A.  Martyi  se  distingue  de  Lineus  ruber  [ku  pre- mier coup  d'œilpar  sa  couleur  blanche. L'organisation  intérieure  est  très  facile  à  étudier  à  cause  de  la grande  transparence  de  l'animal.  Nous  constatons  d'abord  les  carac- '  Travail  du  Laboratoire  de  Zoologie  de  la  Sorbonne. Lx  MUTES  ET  REVUE tères  suivants  de  Méianémerle  :  une  trompe  armée,  un  cœciiui,  une bouche  située  devant  le  ganglion  cérébral.  La  cavité  de  la  trompe. se  prolonge  jusqu'cà  l'anus  ;  cette  particularité  nous  oblige  à  ranger ranimai  dans  la  sous-famille  des  Ilolorynchocoelmes.  Enfin  lattri- Fig.  i. Fio  I.—  D,  ganglion  dorsal;  L,  nt-rf  latéral  ;  V,  ganglion  verttral  ;  a.  yeux  antérieurs; b,  vaisseau  céphalique  ;  0',  vaisseau  latéral  ;  c,  organe  cérébral  ;  d,  commissure  dor- sale ;  o,  ouverture  commune  de  la  bouche  et  de  la  trompe  ;  />,  yeux  postérieurs  ;  s, sillon  céphalique  ventral;  /,  sillon  céphalique  dorsal;  v.  commissure  ventrale;  x, petits  yeux. bution  de  notre  espèce  au  genre  Amphiporus  est  nécessitée  par  les caractè^es  suivants  :  la  présence  d'im  vaisseau  sanguin  dorsal  ;  le grand  nombre  des  yeux  ;  la  cavité  de  la  trompe  sans  diverticules latéraux  ;  un  seul  stylet  central. Comme  espèce,  A  .  Martyi  se  distingue  par  les  traits  suivants  :  la NOTES  ET  REVUE  lxi tèie  très  peu  élargie,  spatulée,  arrondie  en  -^vanl;  elle  n'a  aucune ornementation  ;  elle  est  très  peu  séparée  du  corps:  Tétranglement collaire  est  formé  par  les  orifices  des  canaux  cérébraux.  La  partie caudale  du  corps  est  un  peu  effilée.  L'animal  est  coloré  d'une  façon très  uniforme  en  blanç-crème,  rarement  d'une  nuance  rose-clair. Le  ganglion  cérébral  apparaît  déjà  macrQSCopiquement  comme une  tache  rouge-jaune  ;  sous  le  microscope,  par  transparence,  la couleur  est  d'un  jaune-clair;  cependant  chez  les  individus  adultes les  parties  postérieures  des  ganglions  dorsaux  sont  ponctuées  par de  très  fins  grains  d'un  pigment  rouge-brunâtre.  Les  ganglions  dor- saux sont  plus  petits  que  les  ventraux  (fig.  1). La  commissure  cérébrale  dorsale  est  longue,  fine,  la  commissure ventrale  est  courte,  large,  et  fournit  de  fibres  nerveuses  aux  troncs latéraux. Les  troncs  nerveux  latéraiix  sont  très  épais;  ils  courent  très  laté- ralement et  sont  dans  tout  leur  parcours  d'une  couleur  jaune-clair; leur  commissure  anale  se  trouve  tout  à  fait  près  de  l'anus. Les  organes  cérébraux  sont  grands,  piriformes;  ils  se  trouvent  en avant  du  cerveau  qu'ils  touchent  à  leur  partie  postérieure;  ils débouchent  des  deux  côtés  dans  une  profonde  dépression,  juste  à l'endroit  où  se  rencontrent  les  sillons  céphaliques  ventraux  et  dor- saux. Les  yeux  (fîg.  1)  forment  de  chaque  côté  deux  groupes  :  les groupes  antérieurs  s'étendent  très  latéralement,  du  sonmiet  de  la tète  jusqu'à  la  proximité  des  sillons  céphaliques;  les  groupes  posté- rieurs commencent  en  arrière  de  ces  sillons  et  s'étendent  au-dessus des  organes  cérébraux  jusqu'au  cerveau.  Les  yeux  sont  très  grands, bien  développés  et  pourvus  d'un  calice  pigmen taire  bien  formé, dont  la  concavité  est  tournée  en  dehors  parallèlement  à  l'axe  longi- tudinal du  corps,  ou  en  dehors  et  en  avant,  vers  le  sommet  de  la tète  (seulement  les  groupes  antérieurs).  Kn  plus  de  ces  grands  yeux pourvus  d'un  calice  pigmenlaire  bien  formé  on  aperçoit  encore  en nombre  réduit  de  très  petits  yeux  dont  le  pigment  ne  forme  pas  un calice.  J'ai  eu  l'occasion  d'observer  séparément  pendant  quelques semaines,  plusieures  échantillons  de  A.  Martiji.  Tai  constatéqu'avec le  temps  ces  petits  yeux,  se  transforment  en  grands  avec  im  calice pigmentaire  bien  développé,  ou  ils  disparaissent  tout  à  fait  au  bout d'un  certain  temps.  Je  reviendrai  sur  cette  question  à  une  autre occasion. Lxii  iNOTES  ET  REVUE Les  petits  yeux  se  trouvent  presque  toujours  en  dehors  des  grands; rarement  ils  sont  disséniinés  parmi  ou  derrière  les  grands.  Les groupes  antérieurs  des  yeux  sont  composés  de  4  à  12  grands  et  l  à 4  petits  qui  se  rangent  de  chaque  côté  en  une  ligne  longitudinale  ; les  groupes  postérieurs  comptent  2  à8  grands  et  1  à  6  petits  yeux qui  forment  de  chaque  c(Hé  un  amas  sans  forme  bien  définie.  Le nombre  total  des  yeux  varie  entre  8  et  24;  le  plus  souvent  on  en trouve  14  à  18.  Chez  les  individus  adultes  les  yeux  sont  plus  nom- breux que  chez  les  jeunes. Fig.  2. FiG.  2.  —  A,  (luclics  des  stylets  accessoires  ;  /î,  réservoir  à  venin  ;  C,  canal  éjaculatcur du  venin  ;  li,  stylets  accessoires  ;  1,  %  3,  lame  collerette  et  socle  du  stylet  central. Les  sillons  céphaliques  (fig.  1)  dorsaux  courent  parallèlement  à Taxe  transversal  du  corps;  du  côté  ventral  les  sillons  se  dirigent d'abord  obliquement  en  avant  vers  la  ligne  médiane  Jusqu'à  la  bail- leur du  groupe  antérieur  des  yeux  et  reviennent  de  là  en  arrière. Ni  les  sillons  dorsaux  ni  les  ventraux  ne  se  rencontrent  sur  la  ligne médiane  du  corps. La  glande  céphalique  n'est  pas  visible  sur  l'animal  vivant.  Néan- moins sur  les  coupes  on  peut  constater  qu'elle  est  bien  développée. L'appareil  circulatoire  ne  présente  aucune  particularité.  L'anse NOTES  ET  REVUE  Lxin anale  ne  dépasse  pas  la  commissure  d,es  troncs  nerveux  latéraux. Le  sang  est  incolore.  Les  culs-de-sac  intestinaux  sont  médiocrement ramifiés.  L'anus  est  terminal  et  légèrement  dorsal.  L'orifice  de  la trompe  et  celui  de  la  bouche  se  confondent  en  un  court  vestibule (fig.  1),  dont  l'ouverture  est  sensiblement  terminale. La  trompe  est  très  large.  La  figure  2  nous  reproduit  la  forme  et  les dimensions  relatives  des  diverses  parties  de  l'appareil  stylifère.  Les poches  de  stylets  accessoires  sont  au  nombre  de  2  (très  rarement  3) dont  chacune  contient  3  (très  rarement  4  à  6)  stylets  de  réserve.  Le stylet  central  est  un  peu  plus  long  que  son  socle.  Le  réservoir  à venin  est  court  et  en  forme  d'oignon.  La  trompe  est  pourvue  de  11 (rarement  10)  nerfs. Les  poches  des  glandes  génitales  n'alternent  pas  régulièrement avec  les  culs-de-sac  intestinaux;  dans  le  même  pseudométamère  se trouvent  souvent  plusieurs  poches  génitales.  La  maturité  sexuelle se  produit  dans  les  mois  de  Septembre-Octobre.  Les  échantillons gonflés  des  œufs  et  vivants  dans  l'aquarium  du  Laboratoire  de Zoologie  de  la  Sorbonne,  pondaient  dans  les  mois  de  Janvier  et Février.  La  ponte  forme  de  longs  cordons  composés  d'une  mucosité opaque  renfermant  de  nombreux  œufs.  Les  œufs  sont  distribués dans  ces  cordons  pêle-mêle,  et  non  comme  chez  Linem  ruber,  par exemple,  chez  lequel  ils  sont  disposés  latéralement  en  deux  lignes longitudinales.  La  coque  de  l'œuf  est  ronde  sans  appendice  en entonnoir  comme  en  a  celui  de  Lineus  ruber. La  longueur  des  animaux  adultes  est  10-45™°",  la  largeur  l"". A.  Martyi  n'est  pas  abondant  à  Roscoff. H.  —  Prosorochmus  Delagei  n.  spec. Aux  trois^ espèces  du  fort  intéressant  genre  Prosorochmus  j'ajoute ici  une  quatrième,  Prosorochmus  Delagei.  Cette  espèce  est  assez rare  à  Roscoff  ;  j'en  ai  trouvé  chaque  année  au  maximum  six  échan- tillons, en  face  du  Laboratoire,  sous  les  pierres,  à  des  époques  des petites  eaux  mortes.  J'ai  cru  d'abord  avoir  affaire  à  Prosorochmus Claparedii  (Kef.),  mais  les  descriptions  de  cette  espèce  donnés  par BuRGER  (1895)  et  par  Joubin  (1890),  m'ont  obligé  à  abandonner  cette idée.wyant  quelques  caractères  communs  d'une  part  avec  P.  C/a- parerfii,  d'autre  part  avec  P.  Korotneffi  (Biirg.),  P.  Delagei  diffère sur  la  plupart  des  points  de  ces  deux  espèces. D'abord  sa  forme  :  effilée,  très  peu  aplatie  ;  la  tête  arrondie  non LXiv  NOTES  ET  REVUE séparée  du  corps,  un  peu  plus  large  que  celui-ci,  l'extrémité  posté- rieure sensiblement  effilée  mais  arrondie  au  bout. Les  échantillons  adultes  atteignent  à  peine  20  à  23  millimètres sur  une  largeur  de  3/4  à  1. La  coloration  de  P.  Delagei  nous  montre  quelques  particularités. Vu  à  Toeil  nu  l'animal  apparaît  d'un  rose-chair  très  pâle.  Sous  le microscope  on  voit  que  l'animal  est  incolore  dans  le  sens  strict  du mot  et  la  coloration  est  due  de  nombreuses  petites  taches  luisantes, d'une  forme  définie  (fig.  3).  Ces ^  ^-v'-^  taches  singulières  d'une  nuance *»-'^  w-<___3  ^  /\\^     ^.       jaune  de  chrome  très  brillant  sont distribuées  très  régulièrement sur  tout  le  corps  (du  côté  ventral comme  du  côté  dorsal,  à  la  tête comme  à  l'extrémité  postérieure) d'une  façon  uniforme  ;  elles  sont Y\a   3.  tantôt  isolées,  tantôt  réunies  par ,     ,  .     .    ,  ..  ,  groupes  (fig.  3,  B);  leur  diamètre Fig.  3.  —  A,  fi,  taches  luisantes  du  tégument   ^      /        ^    "  \ de  Prosorochmus  Delagei.  atteint  0,0036  millimètres  ;  on  ne voit  pas  dans  ces  taches  de  grains de  pigment  auquel  on  pourrait  attribuer  la  coloration  si  singulière de  P.  Delagei.  Par  coloration  vitale  au  Neutralrot  le  jaune  en  devient rouge  brillant.  Après  tout  ce  que  je  viens  de  dire  il  est  évident  que cette  coloration  luisante  est. due,  non  à  des  grains  pigmentaires, mais  aux  cellules  glandulaires  excessivement  nombreuses  dans  la peau  des  Prosorochmides. "Chez  P.  Delagei  il  y  a  deux  sortes  de  cellules  glandulaires  :  les unes  sont  incolores  et  translucides,  les  autres  ont  un  plasma  homo- gène et  d'une  couleur  jaune  luisante.  BOrger  (1895)  cite  quelques espèces  des  Némertiens  dont  la  coloration  brillante  est  due  aux cellules  glandulaires  colorées.  Ce  sont:  Cerebratulus  marginatus, Lineus geniculatus  et  gilvus,  Micrura  fasciolata  et  lactea,  Amphiporus glandulosus.  Mais  c'est  surtout  Zmews  ^îVums  qui  nous  intéresse  le plus  parce  qu'il  présente  les  même  dispositions  que  P.  Delagei. Au  sommet  de  la  tête  se  trouve  du  côté  dorsal  un  petit  repli médian  du  tégument  (fig.  4)  qui  donne  à  l'animal  un  aspect  tout  à fait  particulier  semblable  à  celui  de  P.  Claparedii,  mais  du  côté ventral  l'incisure  médiane  est  loin  d'être  si  profonde  que  chez celui-ci. NOTES  ET  REVUE  lxv Les  sillons  céphaliques  sont  très  peu  marqués  et  invisibles  sur ranimai  vivant  ;  seule  une  fossette  ciliée  située  de  chaque  côté  entre les  yeux  antérieurs  et  postérieurs  et  dans  laquelle  s'ouvre  l'orifice du  canal  cérébral  décèle  l'existence  de  sillons  céphaliques  (fig.  4). Les  yeux  reportés  très  en  arrière  vers  le  cerveau  sont  toujours  au Fig.  4.         % FiG.  4.  —  A,  yeux  antérieurs  ;  B,  vaisseau  céphaliqiie  ;  B',  vaisseau  latéral  ;  C,  organe cérébral  ;  D,  ganglion  dorsal  ;  i,  nerf  latéral  ;  O,  ouverture  commune  de  la  bouche  et de  la  trompe  ;  P,  yeux  postérieurs  ;  0,  glande  céphalique  ;  /?,  repli  médian  du  tégu- ment ;  1 ,  ganglion  ven'ral  ;  rf,  commissure  dorsale  ;  g,  gaine  de  la  trompe  ;  »",  rhyn- chocoelome  ;  /,  trompe  ;  m,  rhynchodaeum  ;  v,  commissure  ventrale. nombre  de  quatre.  La  distance  entre  les  deux  yeux  antérieurs  (ou postérieurs)  est  égale  à  trois  fois  la  distance  comprise  entre  les deux  paires.  Chez  P.  Claparedii  les  deux  yeux  postérieurs  sont, d'après  Joubin  (1890),  moins  nets  que  les  deux  yeux  postérieurs. Chez  P.  Delagei  les  quatre  yeux  sont  également  bien  développés, néanmoins  les  postérieurs  sont  un  peu  plus  petits  que  les  anté- rieurs. Lxvi  NOTES  ET  REVUE Dans  P.  Korotneffi  que  j'ai  eu  occasion  d'étudier  à  Villefranche- sur-Mer,  chez  plus  de  35  pour  100  des  individus  adultes  les  yeux sont  au  nombre  de  5  à  7.  J'ajoute  que  ces  yeux  «supplémentaires» sont  rarement  bien  développés  ;  ils  sont  presque  toujours  dépourvus d'un  calice,  comme  les  petits  yeux  de  Amphipurus  Marlyi  ;  seuls  les Fig.  5. FiG.  5.  —  A,  poches  des  stylets  accessoires  ;  C,  canal  éjaculateur  du  venin  ;  P,  chambre postérieure  de  la  trompe  ;  R,  stylets  accessoires  ;  V,  réservoir  à  venin  ;  1,  2,  3,  lame collerette  et  socle  du  stylet  central. jeunes  inclus  encore  dans  le  corps  maternel  m'ont  montré  parfois 6  yeux. Les  organes  cérébraux  sont  assez  grands,  piriformes  ;  ils  se  trou- vent au  niveau  des  yeux  postérieurs  en  avant  du  cerveau  qu'ils  tou- chent presque. Le  cerveau  apparaît  par  transparence  coloré  en  jaune-clair,  tandis que  les  troncs  latéraux  sont  blancs.  Sa  forme  est  caractéristique  :  il NOTES  ET  REVUE  lxvu est  très  allongé,  sa  longueur  étant  du  double  de  sa  largeur  (fig.  4). Le  ganglion  dorsal  du  cerveau  est  sensiblement  plus  petit  que  le ganglion  ventral.  De  même  la  commissure  ventrale  trois  fois  plus large  que  la  très  longue  c(wnmissure  dorsale.  Toutes  les  deux  ne sont  jamais  recourbées  comme  chez  P.  Claparedii.  La  commissure anale  des  troncs  latéraux  est  très  près  de  l'anus. Quant  à  l'appareil  vasculaire,  il  ne  présente  aucune  particularité; je  dirai  seulement  que  le  sang  est  complètement  incolore. La  bouche  s'ouvre  dans  le  rhynchodaeum,  qui  forme  en  avant d'elle  un  très  court  vestibule  dont  l'ouverture  se  présente  comme une  petite  fente  ovale,  située  presque  à  la  pointe  de  la  tête  mais sensiblement  ventrale.  L'œsophage  est  assez  long  mais  très  étroit. L'intestin  stomacal  est  relativement  court.  Les  culs-de-sac  de  l'in- testin moyen  sont  courts  et  non  ramifiés.  Les  culs-de-sac  du  cœcum se  prolongent  jusqu'au  cerveau;  chez  P.  Claparedii,  ils  sont  au contraire  très  courts. La  glande  céphalique  est  énormément  développée;  elle  descend jusqu'au  niveau  du  pylore. Le  rhynchocoele  se  prolonge  jusqu'à  l'anus.  La  poche  postérieure (non  dévaginable)  de  la  trompe  et  le  rétinacle  sont  relativement courts.  On  trouve  deux  poches  de  stylets  accessoires  ;  chacune  est pourvue  de  deux  stylets  de  réserve  (fig.  5).  Le  stylet  central  est  plus court  que  son  socle  ;  la  collerette  à  la  base  du  stylet  est  simple, comme  la  tête  d'une  épingle.  Chez  P.  Claparedii  cette  collerette  est divisée  en  cinq  lobes  par  des  sillons. La  forme  et  les  dimensions  du  socle  peuvent  subir  de  nombreuses variations.  Cette  variation  est  un  trait  caractéristique  pour P.  Delagei.  La  figure  6  et  le  tableau  I,  nous  en  montrent  quelques types. NOTES  ET  REVUE TABLEAU  I DIMENSIONS I II III Stylet  A 22 u 9 »      B 30 m 10 »       C IG 20 7 »     b 12 19 6 »       E 20 23 7 12 18 9 9 6 Les  chiffres  indiquent  les  dimensions  relatives  des  différente» parties  des  stylets  marquées  sur  la  figure  6.  L'unité  est  la  division IV 9 15 6 8 Fig.  6. du   micromètre   oculaire  Zeiss  3,   obj.  DD,  c'est-à-dire  ^=:  0,0036 millimètres. Néanmoins  j'ai  pu  constater  que  la  forme  du  socle  chez  P.  Delagei est  toujours  différente  de  ce  qui  existe  chez  P.  Claparedii  et  P,  Korot- NOTES  ET  REVUE  lxix neffi.  On  n'a  qu'à  comparer  la  figure  6  avec  les  figures  données  par BuRGER  (1895,  Taf.  9,  fig.  9,  11).  D'après  lui  le  socle  chez  P.  Cla- paredii  est  toujours  conique  non  arrondi  à  la  base  ;  chez  P.  Korot- neffi  il  se  distingue  par  un  étranglement  constant  à  la  moitié  de  sa hauteur;  sa  base  est  toujours  plus  large  que  la  partie  antérieure  sur laquelle  repose  la  collerette  du  stylet* Il  nous  reste  à  ajouter  quelques  mots  sur  l'appareil  génital, P.  ûelagei  est  vivipare  et  hermaphrodite.  J'ai  rencontré  à  Roscoff en  Août-Septembre  les  animaux  en  pleine  reproduction.  Dans  le même  animal  j'ai  toujours  trouvé  des  jeunes  sur  le  point  de  quitter le  corps  maternel  et  des  œufs  à  peine  fécondés.  Les  produits  géni- taux n'alternent  pas  régulièrement  avec  les  culs-de-sac  intestinaux. Les  animaux  en  reproduction  n'ont  pas  de  taches  vertes  (dues aux  embryons  qui  apparaissent  à  travers  le  tégument)  comme  chez P.  Claparedii. La  coloration  des  jeunes  est  la  même  que  celle  des  adultes. OUVRAGES  CITÉS 1890.  JouBiN  (L.).  Recherches  sur  les  Tiirbellariés  des  côtes  de  France (Némertes).  Arch.  de  lool.  Exp.  2™«  série,  tome  VIII). 1895.  BuKGER.  0.  Die  Nemertinen  des  Golfes  von  Neapel  und  der angrenzenden  Meeres-Abschnitte.  {F.  u.  FI.  Neap.  22  Mono- graphie.) Paru  le  S5  Février  1907. Les  directeurs  : G.  Pruvot  et  E.-G.  Ragovitza. Eug.    MOBIEU,  lœp. -Gtav.,  140,  Boul   Kaspail.  Paris  (6)—    Téléphone  :  704  -  75 ARCHIVES ZOOLOGIE  EXPÉRIMENTALE  ET  GÉNÉRALE FONDÉES    PAR H.     DE     LACAZE   DUTHIERS PUBLIÉES    SOUS   LA    DIRECTION    DE G.  PRUVOT  ET  E.  G.  RACOVITZA Chargé  de  Cours  à  la  Sorbonne  Docteur  es  sciences Directeur    du    Laboratoire    Arago  Sous-Directeur  du  Laboratoire  Arago 4"  Série  T.  VI.        NOTES  ET  REVUE  W07.  N"  4. L'AUTOTOMIE  CAUDALE  CHEZ  QUELQUES  RONGEURS par  L.  CuÉNOT Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Nancy. L'autotomieévasive,  suivantFheureuse  expression  deGiARD(1887), est  assez  rare  chez  les  Vertébrés  ;  on  ne  cite  d'ordinaire,  dans  ce groupe,  que  l'exemple  classique  de  la  queue  des  Sauriens.  Cepen- dant il  en  existe  un  second  cas,  très  peu  connu  S  chez  quelques Mammifères  de  l'ordre  des  Rongeurs  :  là  encore,  l'organe  autoto- misé  est  la  queue,  mais  le  processus  d'évasion  est  tout  autre  que celui  des  Sauriens.  Jusqu'ici  le  phénomène  n'a  été  constaté  avec certitude  que  chez  trois  espèces  :  une  appartenant  à  la  famille  des Muridés,  le  Mulot  (Mus  sylvaticus  L.),  et  deux  à  la  famille  des Myoxidés,  le  Lérot  (Eliomys  quercinus  L.)  et  le  Muscardin  {Muscar- dinus  avellanarius  L.)^. *  Je  n'ai  relevé  dans  la  bibliographie  que  des  remarques  très  incomplètes  de Lataste  (1887,  1889)  et  une  brève  indication  de  Frenzel  (1891)  concernant  le  Muscardin. *  Je  dois  de  particuliers  remerciements  à  mon  excellent  ami  M.  Hecht,  chef  de travaux  à  la  Faculté  des  Sciences,  qui  a  bien  voulu  me  communiquer  d'intéressantes observations  sur  l»s  Myoxidés,  relativement  à  l'autotomie  caudale. ARCH.  DE  ZOOL.  EXP.  ET  (JÉN.  —  4'  SÉRIE.  —  T.  VI.  D NOTES  ET  REVUE [.  —  Mus  syluaticus Quand  on  saisit  un  Mulot  par  la  queue,  presque  toujours  la  gaîne cutanée  de  celle-ci  se  détache  à  un  niveau  variable  (fîg.  1)  et  reste dans  la  main  tandis  que  l'animal  délivré  s'enfuit  ;  la  plaie  ne  saigne pour  ainsi  dire  pas.  La  partie  de  queue  mise  à  nu  se  dessèche  et tombe  deux  ou  trois  jours  après  ;  la  queue  ainsi  raccourcie  se  cica- trise très  rapidement  à  son  extrémité  terminale.  Il  est  inutile  de dire  qu'il  n'y  a  pas  le  moindre  régénération  de  la  partie  éliminée. En  examinant  des  coupes  transversales  de  queues,  les  unes intactes  (fig.  %),  les  autres  après  décollement  du  fourreau  cutané, Fig.  1. Fig.  1.  —  Queue  de  Mus  sylvaiicus,  après  autotomie  de  la  gaine  cutanée;  x  5,2  :  A, gaine  cutanée  détachée;  on  a  représenté  seulement  les  poils  attachés  à  l'anneau intéressé  par  la  rupture;  B,  axe  vertébral  mis  à  nu,  montrant  les  faisceaux  tendineux latéraux  séparés  par  un  sillon;  l'anneau  cutané,  qui  limite  la  partie  restée  intacte, est  dépourvu  de  poils. on  se  rend  facilement  compte  du  dispositif  qui  permet  l'autotomie. L'axe  de  la  queue  est  constitué  par  des  vertèbres  allongées, réduites  à  leur  corps,  revêtues  de  quatre  faisceaux  longitudinaux de  muscles  et  de  tendons  ;  les  muscles  sont  au  contact  des  vertèbres, les  tendons  plus  en  dehors.  Du  côté  ventral,  on  voit  une  grosse artère  caudale,  accompagnée  de  la  veine  caudale,  et  entourée  d'un espace  lymphatique  ;  chacun  des  faisceaux  renferme  un  nerf,  très volumineux  dans  les  faisceaux  ventraux,  plus  petit  dans  les faisceaux  dorsaux.  Le  fourreau  comprend  l'épiderme  stratifié avec  ses  nombreux  poils  disposés  par  groupes,  et  une  épaisse couche  de  conjonctif  renfermant  sur  la  ligne  médio- dorsale et  sur  les  côtés   de   petits   nerfs   et  vaisseaux.   Il  n'y   a   presque NOTES  ET  REVUE LXXIII pas,  iradhérence  entre  le  fourreau  et  Taxe,  qui  ne  sont  guère  reliés Tun  à  l'autre  que  par  des  connexions  vasculaires  et  nerveuses,  sur les  côtés  notamment  (en  /v,  fig.  2)  ;  un  tissu  très  lâche,  formé  de lamelles  ou  fibres  conjonctives  parallèles  au  contour  axial,  s'étend entre  la  couche  dermique  dense  et  les  quatre  faisceaux  longitudi- naux :  cette  zone  est  très  facile  à  rompre,  et  sur  beaucoup  découpes, Fig.  2. Pio.  2.  _  Coupe  transversale  d'une  queue  intacte  de  Mus  sylvaticus  (tixation  au  formol picrique  alcoolique  ;  x  32)  :  a,  épidémie  ;  c,  poils  disposés  par  groupes  et  surmontés d'un  tissu  lacunaire irf,  coupe  de  la  vertèbre;  /",  nerfs;  g,  artère  caudale;  h,  fais- ceaux musculaires;  i,  faisceaux  tendineux;  k,  vaisseau  latéral  logé  dans  la  gaine cutanée  et  donnant  des  rameaux  à  l'axe  ;  /,  espace  libre  entre  la  gaine  cutanée  et  l'axe. ayant  peut-être  éprouvé  au  cours  des  manipulations  un  retrait  un peu  plus  marqué  que  d'ordinaire,  c'est  un  véritable  espace  vide  qui sépare  le  derme  de  la  partie  axiale. Le  décollement,  lors  de  l'autotomie,  se  produit  naturellement  à ce  niveau  ;  l'axe,  à  surface  parfaitement  lisse,  emporte  avec  lui l'artère  et  la  veine  caudales  ;  les  côtés  sont  marqués  (fig.  1),  entre Lxxiv  NOTES  ET  REVUE les  faisceaux  dorsal  et  ventral,  par  un  sillon  qui  correspond  à l'adhérence  latérale  avec  le  fourreau  ;  c'est  surtout  en  ce  point  qu'il y  a  rupture  de  petits  vaisseaux  et  nerfs.  Les  vaisseaux  et  nerfs  laté- raux restent  naturellement  inclus  dans  la  gaîne  cutanée. D'autre  part,  la  rupture  de  la  gaîne  cutanée  se  fait  toujours  à  la limite  d'un  des  anneaux  cornés  qui  revêtent  la  queue,  mais  d'une façon  un  peu  spéciale  :  l'anneau  intéressé  se  dédouble  dans  son épaisseur  (fig.  1,  A  et  B)  ;  la  moitié  profonde  termine  la  partie  de gaîne  autotomisée,  c'est  elle  qui  emporte  les  poils  de  l'anneau  ;  la moitié  superficielle  termine  la  partie  de  queue  restée  intacte.  Ce dédoublement  de  l'anneau  est  lié  à  un  détail  de  structure  des  poils, bien  visible  dans  les  coupes  longitudinales  (fig.  3)  :  la  gaîne  épithé- Fig.  3. FiG.  3.  —  Coupe  longitudinale  du  fourreau  cutané,  Mus  sylvaiicus,  après  autotomie ((ixation  au  formol  picrique alcoolique;  x  63).  La  coup& entame  quatre  anneaux  de la  queue  ;  a,  epideriue;  b,  derme;  c,  poils  entamés  tangentiellement  par  la  coupe; d,  glande  sébacée;  /,  lacune  adjacente  au  poil,  suivant  laquelle  s'opère  le  dédou- blement de  l'anneau  lors  de  l'autotomie. liale  du  poil  est  surmontée,  du  côté  qui  regarde  l'extérieur,  par  un tissu  conjonctif  excessivement  lâche,  plus  exactement  par  une lacune  à  peine  cloisonnée,  qui  sépare  le  poil  du  derme  adjacent; toutes  les  lacunes  créent  dans  chaque  segment  annulaire  une  zone de  moindre  résistance  suivant  laquelle  s'opère  la  rupture. On  voit  donc  que  l'autotomie  du  fourreau  caudal  est  préparée  par des  solutions  de  continuité  du  conjonctif  ;  c'est  un  phénomène  pure- meat  mécanique,  sans  aucune  intervention  musculaire  volontaire ou  réflexe,  contrairement  à  ce  qui  se  produit  dans  la  plupart  des cas  d'autotomie.  Le  fait  est  qu'on  peut  la  provoquer  aussi  bien  sur un  Mulot  fraîchement  mort  que  sur  le  vivant;  infailliblement, quand  on  soulève  par  le  bout  de  la  queue  un  Mulot  mort,  le  fourreau NOTES  ET  REVUE  lxxv caudal  se  décolle  à  un  niveau  variable  ;  par  de  très  légères  tractions exercées  sur  la  partie  encore  intacte,  on  peut  enlever  ensuite  un second  cylindre  de  peau,  puis  un  troisième,  et  dépouiller  ainsi  une bonne  partie  de  la  queue  On  peut  même  observer  le  décollement du  fourreau  sur  des  Mulots  conservés  dans  du  formol  étendu,  quoi- que avec  plus  de  difficulté. Le  décollement  de  la  gaîne  cutanée  ne  se  produit  très  facilement que  sur  les  Mulots  à  queue  tout  à  fait  intacte  ;  quand  ils  ont  subi une  fois  l'autotomie,  surtout  si  la  queue  a  été  notablement  rac- courcie, il  est  souvent  impossible  de  provoquer  à  nouveau  le  phé- nomène ;  il  est  probable  que  le  tissu  cicatriciel  qui  s'est  formé  au moignon  amène  une  adhérence  qui  interdit  une  nouvelle  autotomie ou  du  moins  la  rend  plus  difficile. J'ai  mentionné  plus  haut  que  l'autotomie  de  la  gaîne  cutanée est  suivie  à  bref  délai  de  la  disparition  de  la  partie  axiale  mise  à nu  ;  je  ne  saurais  dire  si  cet  axe,  insensible  et  desséché,  est  rongé par  le  Mulot,  ou  s'il  tombe  de  lui-même  ;  je  pencherais  plutôt  pour  la seconde  manière  de  voir  ;  en  effet,  l'axe  dépouillé  ne  se  raccourcit pas  graduellement  ;  il  reste  intact  pendant  les  deux  ou  trois  pre- miers jours  qui  suivent  le  décollement  du  fourreau,  puis  disparaît brusquement.  Il  semble  que  c'est  aussi  l'opinion  de  Lataste  (1887), si  j'en  juge  par  la  note  suivante,  page  294  :  «  9  de  Mus  sylvaticus, quand  je  l'ai  reçue,  avait  le  bout  de  la  queue  dépouillé.  Au  bout  de 3  ou  4  jours,  cette  partie  s'est  desséchée  et  s'est  d'elle  même séparée.  » Valeur  défensive  de  l'autotomie  du  fourreau  caudal.  — L'abandon  du  fourreau  caudal  a  très  probablement  une  valeur défensive  vis  à  vis  des  nombreux  carnassiers,  Mammifères,  Oiseaux et  Reptiles,  qui  pourchassent  les  Mulots.  Plusieurs  fois,  il  m'est arrivé  de  perdre  ainsi  des  Mulots  bien  vivants  et  vigoureux,  que  je tenais  par  la  queue,  soit  avec  les  <loigts,  soit  avec  une  pince. A  un  certain  moment,  désirant  me  procurer  du  nouveau  matériel d'études,  je  m'étais  adressé,  à  Nancy,  à  un  homme  qui  fait  profes- sion de  capturer  des  Vipères  et  autres  animaux  pour  la  prime  ou pour  les  vendre  aux  laboratoires  ;  il  m'a  dit,  spontanément,  que  les Mulots  qu'il  prenait  de  temps  à  autre,  lui  abandonnaient  très souvent  la  peau  de  la  queue  et  s'échappaient. Si  l'on  examine  un  certain  nombre  de  Mulots  pris  au  hasard,  on constate  que  la  proportion  de  ceux  qui  ont  une  queue  plus  ou cxxvi  NOTES  ET  REVUE moins  courte  est  très  considérable  '  ;  il  y  en  a  certainement  plus qu6  de  Mulots  à  queue  intacte.  Les  premiers  ont  donc  échappé  à leurs  ennemis  au  moins  une  fois,  grâce  à  la  fragilité  de  Fenveloppe caudale. II.  —  Muscardinus  aueilanarius. Un  second  exemple  d'autotomie,  tout  à  fait  identique  à  celui  du Mulot,  nous  est  offert  par  le  Muscardin,  appartenant  au  groupe  des Myoxidés.  Cette  jolie  espèce,  qui  n'est  pas  rare  dans  les  forêts  de Lorraine,  a  une  queue  assez  longue,  fortement  poilue,  constituée exactement  comme  celle  du  Mulot;  Fkenzel  (1891),  a  signalé  briè- vement l'autotomie  du  fourreau  caudal  chez  cette  espèce  :  «  En Italie,  quand  je  saisissais  un  Muscardin  par  Textrémité  terminale de  la  queue,  il  m'est  arrivé  parfois  que  la  peau  de  celle-ci  me  restait dans  la  main,  tandis  que  l'animal,  avec  le  bout  de  la  queue dépouillé,  s'échappait  ». Les  deux  Muscardins  vivants  que  j'ai  eus  entre  les  mains  m'ont présenté  nettement  l'autotomie  du  fourreau  caudal;  l'un  d'eux notamment,  dont  la  queue  intacte  mesurait  70  millimètres,  a  aban- donné une  gaîne  cutanée  longue  de  36  millimètres,  et  il  s'est d'ailleurs  échappé  de  mes  mains  par  ce  procédé,  que  je  ne  soup- çonnais pas  alors.  L'axe  caudal  mis  à  nu  s'est  détaché  spontané- ment quelques  jours  après  et  la  blessure  s'est  alors  cicatrisée. III,  —  Eliomys  quercinus. Le  Lérot,  appartenant  comme  lé  Muscardin  au  groupe  des Myoxidés,  présente  très  probablement  l'autotomie  caudale,  d'après l'observation  suivante,  unique  mais  très  démonslrative,  que  je  dois à  l'obligeance  de  M.  Hecut.  Dans  un  bois  de  sapins  de  la  vallée d'Andlau  (Vosges  alsaciennes),  en  septembre  1906,  vers  10  heures du. matin,  M.  Hecut  trouva  à  terre  un  fourreau,  caudal  fraîchement détaché,  long  de  40  millimètres,  provenant  sans  aucun  doute  d'un Lérot;  en  cherchant  aux  alentours,  il  découvrit  à  4  mètres  de  là, le   propriétaire  dudit   fourreau,   mais  mort,   tout  frais,  la  région '  Pour  fixer  les  idées,  je  citerai  les  mensurations  suivantes  faites  sur  sept  Mulots, capturés  par  moi,  absolument  au  liasard  :  deux  seulement  avaient  une  queue  intacte, longue  de  87  millimètres  chez  le  premier  (adulte),  de  72  millimètres  chez  le  second,  qui n'avait  pas  atteint  sa  taille  définitive;  le  nombre  des  anneaux  cornés  de  la  queue oscillait,  chez  ces  deux  exemplaires,  entre  150  et  160.  Un  troisième  Mulot  a  perdu  une partie  du  fourreau  caudal  au  moment  de  la  capture;  ce  qui  reste  de  la  queue  intacte mesure  46  millimètres  (81  anneaux).  Les  quatre  autres  Mulots  ont  eu  jadis  la  queue amputée  d'une  longueur  variable  :  les  moignons  restants  mesurent  respeclivement 80  millimètres  (121  anneaux)  [adulte  de  grande  taillej,  70  millimètres  (127  anneaux), 55  millimètres  (96  anneaux),  42  millimètres  (77  anneaux). NOTES  ET  REVUE  lxxvii dépouillée  de  la  queue  encore  sanguinolente.  Il  est  probable  que  ce Lérot  a  dû  être  assailli  par  un  carnassier  quelconque,  peut-être  une Buse,  peut-être  une  Marte  ou  un  Putois  ;  son  moyen  de  défense habituel  a  fonctionné,  mais  le  Lérol  a  dû  néanmoins  être  rejoint et  tué  par  l'agresseur,  qui  l'a  laissé  sur  place  pour  une  raison quelconque. Autres  Rongeurs Il  est  très  probable  qu'on  retrouvera  ce  mode  particulier  d'auto- tomie  évasive  chez  d'autres  espèces  de  Rongeurs  à  longue  queue  ; le  passage  suivant  emprunté  à  un  travail  de  Lataste  (1887),  qui  a beaucoup  étudié  ces  petits  Mammifères,  permet  de  le  penser  ;  «  Fré- quemment, quand  un  Rongeur  est  saisi  par  la  queue,  celle-ci  se dépouille  sur  une  certaine  longueur,  et  l'animal  se  sauve,  en  lais- sant à  l'ennemi  le  fragment  de  gaîne  cutanée  ainsi  détaché  de  son appendice.  On  prétend  qu'alors  il  procède  lui-même,  avec  les  dents, à  l'amputation  de  la  partie  écorchée.  Je  n'ai  pas  observé  directement le  fait,  mais  celui-ci  devient  très  vraisemblable  quand  on  considère la  facilité  avec  laquelle  les  Rongeurs  dévorent  leur  queue  dans certaines  circoustances,...  etc.  )^  (p.  296).  Evidemment  Lataste  a eu  "entre  les  mains  des  espèces  présentant  l'autotomie  caudale; malheureusement  il  ne  dit  pas  lesquelles^  il  signale  simplement  la chute  de  la  queue  chez  uneGerbille  d'Algérie,  le  ûipodillus  Simoni Lataste,  ayant  eu  la  queue  pincée  dans  la  portière  de  sa  cage,  et  la peau  arrachée  ;  mais  il  est  bien  possible  qu'il  n'y  ait  pas  là  d'auto- tomie  évasive. La  seule  espèce  qui  paraisse  présenter  ce  phénomène,  d'après  les notes  de  Lataste,  serait  le  Rat  noir  {Mus  raltus  L.)  ;  voici  ce  qu'il en  dit  (1887,  p.  363)  :  '(  Ce  matin,  comme  je  voulais  prendre le  (^  rattus  de  la  cage  B,  j'ai  saisi  sa  queue  de  la  main  droite; il  m'a  mordu  cruellement  au  pouce  gauche,  et  il  s'est  enfui, me  laissant  à  la  main  la  peau  d'un  bout  de  queue.  Ce  soir,  l'axe dépouillé  de  la  queue  est  encore  en  place;  le  blessé  ne  l'a  donc  pas amputé  avec  ses  dents.  — 9  jours  après:  le  petit  bout  de  queue  est tombé.  »  Dès  que  j'aurai  pu  me  procurer  des  Mus  rattus, ie  ne  man- querai pas  de  contrôler  l'exactitude  de  l'observation  de  Lataste. Un  de  mes  collègues,  qui  a  occasion  de  chasser  des  Loirs  dans une  propriété  de  campagne,  m'a  dit  avoir  observé  fréquemment  le décollement  du  fourreau  caudal  chez  ces  animaux;  s'il  s'agit  bien Lxxviii  NOTES  ET  REVUE du  Mijoxus  glis  L.,  Tautotomie  existerait  chez  toutes  les  espèces françaises  de  la  famille  des  Myoxidés. Par  contre,  la  Souris  doipestique  {Mus  musèulus  L.j,  cependant  si proche  parente  du  Mulot,  ne  présente  pas  Tautotomie  du  fourreau caudal  ;  au  cours  de  mes  recherches  sur  THérédité,  j'ai  manié  des milliers  de  Souris,  en  les  tenant  précisément  par  la  queue,  et  jamais aucune  d'elles  n'a  abandonné  le  fourreau  caudal,  bien  qu'elles donnassent  de  violentes  secousses  pour  se,  libérer.  Lataste  (1889) avait  fait  avant  moi  la  même  observation;  il  note  (p.  62)  «  ses  essais infructueux  sur  Mus  musculus  pour  provoquer,  en  tirant  sur  le  four- reau cutané,  le  dépouillement  de  la  queue  ;  on  n'enlève  que  des lambeaux  ou  on  casse  la  queue  «.  D'ailleurs,  la  queue  de  la  Souris diffère  notablement  de  celle  du  Mulot,  au  point  de  vue  histologique  ; c'est  bien,  à  peu  de  chose  près,  la  même  disposition  générale  do l'axe  vertébral,  des  faisceaux  musculo-tendineux,  de  la  peau,  des vaisseaux  et  des  nerfs,  mais  il  n'y  a  pas  du  tf)ut  chez  la  Souris  d'es- pace vide  entre  la  gaîne  cutanée  et  l'axe  ;  ils  sont  reliés  solidement l'un  à  l'autre  par  un  tissu  conjonctif  fibreux,  réticulé,  qui  manque absolument  chez  le  Mulot. Comme  les  Souris,  les  Surmulots  [Mus  decumanus  Pallas)  sont absolument  incapables  de  se  libérer  quand  on  les  tient  par  la  queue  ; cependant,  si  l'on  exerce  une  traction  brutale  sur  l'extrême  bout de  cet  appendice,  il  arrive  très  souvent,  presque  constamment, que  le  fourreau  caudal  se  détache  sur  une  petite  longueur,  4  ou 5  centimètres  au  plus,  laissant  à  nu  l'extrémité  de  l'axe  vertébral. Mais  tout  le  reste  de  la  gaîne  cutanée  adhère  très  fortement  à  l'axe, et  il  est  impossible  de  l'en  détacher.  Le  Surmulot  présente  donc  le phénomène  de  Fautotomie  caudale  à  un  état  tout  à  fait  rudi- mentaire,  d'abord  parce  que  la  partie  de  fourreau  détachable  est très  courte,  et  ensuite  parce  qu'il  faut  exercer  une  traction  vraiment forte  pour  la  séparer  de  l'axe  ;  il  est  possible  toutefois  qu'un  Sur- mulot saisi  par  l'extrémité  de  la  queue,  soit  dans  un  piège,  soit  par un  ennemi,  puisse  se  libérer  parce  procédé,  mais  ce  doit  être  assez rare.  Sur  23  Mus  decumanus  capturés  sans  aucun  choix,  j'en  ai compté  21  qui  avaient  la  queue  absolument  intacte  ;  deux  seule- ment présentaient  une  queue  amputée  de  2  ou  3  centimètres  ;  ce raccourcissement  a  pu  être  causé,  du  reste,  par  un  traumatisme autre  qu'une  autotomie  évasive. Nancy,  7  Février  1901. NOTES  ET  REVUE INDEX    BIBLIOGRAPHIâUE 1907.  GuÉNOT  (L.).  L'autotomie  caudale  chez  quelques  Mammifères  du groupe  des  Rongeurs  [Comptes-rendus  Soc.  Biologie  Paris, vol.  Lxii,  p.  174)  [Note  préliminaire]. 1891.  Frenzel.  Ueber  die  Selbstverstiimmelung  (Autotomie)  der  Thiere [Archiv  fur  die  ges.  Physiologie,  Bd'L,  p.  191). 1887.  GiARD  (A.).  L'autotomie. dans  la  série  animale  {Revue  Scienti- fique, 3*  série,  vol.  xiii,  p.  629). 1887.  Lataste  (F.).  Documents  pour  l'éthologie  des  Mammifères.  — Notes  prises  au  jour  le  jour  sur  différentes  espèces  de l'ordre  des  Rongeurs  observées  en  captivité  (Acies  Soc. Linnéenne  Bordeaux,  vol.  xli,  p.  201). 1889.     Même  titre  [même  recueil,  vol.  xliu,  p.  61). 1903.  RiGGENBAGH.  Dic  Selbstverstïimmelung  der  Tiere  [Ergebnisse  der Anat.'und  Entw.,  Bd  xii,  p.  782)  [Bibliographie  complète  du sujet  jusqu'en  1902]. XI DEUX  ESPÈCES  NOUVELLES  D'HYDROIDES  DE  MADAGASCAR (Note   préliminaire) par  Armand  Billard Agrégé  de  iUniversité,  Docteur  es  sciences Je  décris  dans  cette  note  deux  espèces  nouvelles*  d'Hydroïdes appartenant  à  une  collection  rapportée  de  Madagascar  par M.  Ferlas  et  donné  par  lui  au  Muséum  d'Histoire  naturelle.  L'étude complète  de  cette  collection,  en  y  ajoutant  celle  des  Hydroïdes  du canal  de  Moçambique  et  du  sud  de  l'Afrique,  récoltés  par  M.  Heurtel, fera  l'objet  d'un  mémoire  ultérieur. Thecocarpus  Giardin.  sp.^ Trophosome.  —  L'hydrocaule  flexueuse  est  ramifiée  et  polysi- phonée;  les  rameaux  qui   portent  les  hydroclades  se  détachent •  Je  rappellerai  que  j'ai  déjà  donné  la  description  d'une  espèce  nouvelle  d'Hydroïde de  la  même  collection  [Halicornaria  Ferlusi,  An  :  Bull.  Mus.  Paris,  1901,  Vol.  Vil, p.  120,  flg.  3,  4). *  Je  dédie  cette  belle  espèce  à  M.  Giard,  en  reconnaissance  des  conseils  éclairés  que le  savant  professeur  de  la  Sorbonne  m'a  toujours  donnés  dans  mes  recherclies  de systématique. Lxxx  NOTES  ET  REVUE suivant  une  ligne  spirale  ;  certains  rameaux  prennent  plus  de développement  que  les  autres,  donnent  naissance  à  des  rameaux secondaires  et  forment  ainsi  une  branche.  Le  tube  hydrocladial  se poursuit  dans  tous  les  rameaux  et  les  branches  :  l'ensemble  de  sa ramification  forme  un  sympode  héliçoîde.  Les  tubes  accessoires naissent  de  Thydrorhize,  mais  de  plus  le  tube  hydrocladial  détache, à  l'origine  de  chaque  rameau,  un  tube  accessoire  qui  accompagne dorsalement  ce  rameau  et  lui  est  uni  par  de  nombreuses  anasto- moses. Les  entre-nœuds  de  la  tige,  formés  en  quelque  sorte  par  la base  des  rameaux,  sont  dépourvus, d'hydroclades,  mais  chacun  de Fig.  1,  2,  3. FiG.  1.  —  Article  hydrothécal  du  Thecocarpus  Giardi.  Fig.  2.  —  Partie  proximale  de la  corbule  du  T.  Giardi  :  e,  crête  basale  de  la  !"■»  côte;  d,  1"  rangée  de  dactylo- thèques;  h,  hydrothèque;  o,  orifice  proximal;  o',  orifices  pariétaux. Fio.  3.  —  Article liydrothécal  du  Plumularia  conspecla. leurs  articles  possède  une  large  dactylothèque  munie  typiquement de  trois  ouvertures.  Chaque  article  porteur  d'un  hydroclade  présente trois  dactylolhèques  semblables  aux  précédentes  :  une  au-dessous  de l'insertion  et  deux  axillaires;  il  existe  aussi  sur  l'apophyse  un mamelon  basai  pourvu  d'un  orifice  ovalaire. L'hydrothèque  (fig.  1)  possède  trois  dents  de  chaque  côté  et  une médiane;  les  dents  latérales  sont  larges,  bifurquées  (la  dernière étant  la  plus  large)  et  placées  obliquement  de  champ,  comme on  le  voit  bien  sur  une  vue  de  face  ;  la  dent  médiane  bifurquée présente    deux    denticules    aiguës,    l'interne    pleine    et   l'externe NOTES  ET  REVUE  Lxxxi creuse.  La  dactylothèque  médiane  est  largement  ouverte  en arrière  dans  sa  partie  libre  qui  est  très  courte  ;  les  dactylo- thèques  latérales  sont  largement  fendues  du  côté  interne.  Il  existe un  court  repli  intrathécal  au  milieu  de  Fhydrothèque,  auquel correspond  un  faible  épaississement  de  l'hydroclade  qui  en  montre aussi  un  autre  peu  étendu  correspondant  à  la  dactylothèque latérale. Gonosome.  -r—  Les  rameaux  portent  des  corbules  fermées,  cepen- dant leur  paroi  offre  quelques  ouvertures  à  bord  épaissi  (fig.  2,  o'). Le  pédoncule  est  muni  le  plus  souvent  de  quatre  articles,  avec chacun  une  hydrothèque  normale.  En  avant,  la  corbule  forme  une ^illie  qui  s'avance  au-dessus  de  la  dernière  hydrothèque  du  pédon- cule, elle  est  souvent  percée  d'un  orifice  (fig.  2,  o).  Le  nombre  des côtes  varie  de  cinq  à  onze.  La  partie  prpximale  de  chaque  côte montre  une  hydrothèque  bien  développée  (fig.  2,  h),  différente  des hydrothèques  ordinaires,  mais  flanquée  de  deux  dactylothèques latérales.  A  la  suite  de  cette  hydrothèque  se  déploie  la  rangée  habi- tuelle des  dactylothèques  (fîg.  2,  d).  La  base  de  chaque  côte,  munie d'une  dactylothèque,  forme  une  sorte  de  crête  (fig.  2,  c)  qui  se prolonge  parfois  entre  les  deux  -dactylothèques  et  présente  une ouverture  au  sommet. J'attribue  cette  espèce  au  genre  Thecocarpus,  créé  par  Nutting  * pour  quelques  espèces  de  Plumulariidœ,  caractérisées  surtout  par ce  fait  de  posséder  une  hydrothèque  à  la  base  des  côtes  de  la corbule.  Mais  jusqu'alors  on  ne  connaissait  que  des  espèces  dont les  corbules  sont,ouvèrtes,  formées  par  des  côtes  libres,  tandis  que l'espèce  en  question  possède,  au  contraire,  des  corbules  fermées,  à côtes  soudées  entre  elles  ;  au  point  de  vue  des  corbules,  il  existe donc  un  complet  parallélisme  entre  les  espèces  du  genre  Aglao- phenia  et  celles  du  genre  Thecocarpus^ Localité.  —  Fort-Dauphin  (M.  Ferlus). Plumulan'a  conspecta  n.  sp. Trophosome.  —  L'hydrocaule  est  monosiphonée,  de  faible  taille: elle  atteint,  en  effet,  à  peine  un  centimètre.  Chaque  colonie  débute par  une  partie  basale  articulée,  sans  hydroclades,  limitée  supérieu- *  Nutting  (G.  O.  —  American  Hydroids.  I.  The  Plumularidse  (Smithson.  Inslit, U.  S.  Nat.  Mus.,  Spécial  Bulletin,  1900  iii-4°,  285  p.,  113  fig.,  34  PI.) Lxxxii  NOTES  ET  REVUE rement  par  une  ligne  d'articulation  fortement  oblique.  Au-dessus, les  articles  portent  chacun  une  hydrothèque  ;  au  niveau  de  chaque hydrothèque,  alternativement  à  droite  et  à  gauche,  se  détache  un hydroclade  débutant  par  un  article  basai  pourvu  d'une  dactylo- thèque.  Les  articles  suivants  de  Thydroclade,  séparés  les  uns  des autres  par  une  ligne  d'articulation  oblique,  comme  d'ailleurs  aussi ceux  de  la  tige,  offrent  cliacun  une  hydrothèque  semblable  à  celle de  l'hydrocaule  (fîg.  3). Le  bord  de  l'hydrothèque  est  oblique  et  présente  une  dent médiane  excavée  en  gouttière,  le  reste  affecte  la  forme  d'un  S  étiré; la  face  ventrale  est  incurvée  au-dessus  de  la  dactylothèque  médiane. Celle-ci  est  courte,  largement  ouverte  en  haut  et  en  arrière  ;  de  face elle  se  montre  élargie  à  son  extrémité.  Les  dactylothèques  latérales très  longues  se'-  terminent  par  une  partie  renflée  ouverte  au sommet  et  fendue  du  côté  ventral.  Derrière  le  bord  postérieur  de l'hydrothèque  existe  une  forte  dactylothèque  médiane,  ouverte  en haut  et  en  avant  ;  au-dessus  on  voit  en  outre  deux  petites  dactylo- thèques insérées  au  même  niveau  -et  s'ouvrant  en  arrière. Gonosome.  —  Inconnu. Cette  espèce,  étrange  par  la  forme  et  la  disposition  de  ses  dacty- lothèques^ doit  occuper  une  place  à  part  dans  le  genre  Plumularia. Localité.  —  Fort  Dauphin  (M.  Ferlus). Paris,  le  24  Janvier  1901. XII QUELQUES  OBSERVATIONS  SUR  LES  NÉMERTES  DE  ROSCOFF ET  DE  VILLEFRANCHE-SUR-MER*. par  MiBezTSLAW  Oxner. I.  —  Prostoma  uittigerum    (Biirg.).' {.2  var.  novae). Avant  d'aborder  la  description  de  deux  nouvelles  variétés  de Prostoma  vittigerum  (Burg.)  qu'on  trouve  en  parasites  dans  la cavité  peribranchiale  de  Ciona  intestinalis  et  de  Ascidiella  aspersa, *  Travail  du  Laboratoire  de  Zoologie  de  la  Sorbonne. NOTES  ET  REVUE  Lxxxiii souvent  aussi  libres  dans  la  zone  de  Laminaires  partout  à  RoscofF, —  je  crois  être  obligé  de  présenter  quelques  rectifications  à  la  des- cription de  BiJRGER  (1895). La  tête  n'est  pas  élargie  '  ;  le  cou  très  peu  marqué  (fig.  1).  La glande  céphalique  est  bien  développée,  elle  descend  jusqu'au niveau  de  l'appareil  excréteur  et  est  très  bien  visible  quand  le  pig- ment des  bandes  longitudinales  n'est  pas  trop  abondant. Fig.  1. Fig.  1.  —  Prosloma  vitligerum.  Schéma  de  la  partie  antérieure,  a,  bande  arrondie; c,  organe  cérébral  ;  d,  sillon  dorsal  ;  m,  bande  médiane  ;  l,  bande  latérale  ;  v,  sillon ventral  ;  G,  cerveau. Les  culs-de-sac  du  coecum  n'atteignent  pas  le  cerveau  mais arrivent  bien  près  de  celui-ci.  Les  organes  cérébraux  sont  situés  en avant  du  cerveau  au-dessous  des  yeux  postérieurs  de  chaque  côté. Ceux-ci  sont  plus  de  deux  fois  plus  éloignés  l'un  de  l'autre  que  les yeux  antérieurs.  Ils  dessinent  alors  un  trapèze  (fig.  2). Il  y  a  deux  poches  de  stylets  accessoires  ;  chacune  contient 3  stylets  accessoires,  rarement,  ils  sont  au  nombre  de  4  à  5. '  Largeur  :  tête  au  niveau  des  yeux  antérieurs    —  0,42   millimètres. —  —  —         postérieurs  —  0,63  — —  corps  vers  son  milieu  —         —  1,155         — —  —    près  de  l'anus  —         —  0,315         — NOTES  ET  REVUE Le  stylet  central  (fig.  3)  est  un  peu  plus  long  que  son  socle.  Sa forme  (fig.  4)  est  tout  à  fait  siagulière  ;  elle  rappelle  un  peu  le  stylet de  Nemertopsis  bivittata  (Chiaje).  '   . Le  socle  (fig.  3)  subit  dans  sa  partie moyenne  un  étranglement,  mais  souvent cet  étranglement  est  plus  bas,  ou  peut manquer  tout  à  fait.  La  base  du  socle  est arrondie  et  toujours  plus  large  que  sa partie  antérieure. Ces  rectifications  établies,  je  passe  à  la description  de  deux  nouvelles  variétés  de P.  vittigerum  (BuRG.). ^^  ^  ^.         Lapremière  variété  que  j'appelle  i*.ui<ri- \^^^CII^^2__1Z^II^^J  gerum  granulatum  [mihi)  se  distingue  par les  caractères  suivants  :  le  côté  dorsal comme  le  côté  ventral  sont  uniformément FiG.i.- ProsiomaviUigerum.  blancs,   seulement  du  côté  dorsal    ily  a Schéma  de  la  disposition  des  , .      , yeux.  Les  chiffres  indiquent  quatres  bandes  longitudinales  de  pigment les  dimensions  relatives.         j^^^^  j^,  ^  ^^^^^  ^es  bandes  latérales  com- mencent immédiatement  derrière  les  sillons  céphaliques  dorsaux et  se  fusionnent  Tune  avec  l'autre  ainsi  qu'avec  les  bandes  médianes près  de  l'anus  ;  celles-ci  commencent  à  la  pointe  de  la  tête  et  se terminent  à  l'anus.  A  la  pointe  de  la  tête  elles  se fusionnent  mais"  sans  former  une  sorte  de  bande arrondie. Sur  la  ligne  médiane  le  pigment  manque  pres- que totalement  de  sorte  que  les  bandes  sont  très distinctes  de  ce  côté.  Distalement  les  bandes médianes  ne  sont  pas  si  distinctes  mais  se fusionnent  un  petit  peu  avec  les  bandes  laté- rales; néanmoins  les  bandes  médianes  sont  plus distinctes  que  les  latérales  à  cause  d'une  beau- coup plus  forte  agglomération  du  pigment. Quant  à  la  qualité  du  pigment  même  il  se  pré- sente sous  forme  de  granules  petits  et  grands isolés  (fig.  .5).  Dans  les  bandes  médianes  il  y  a deux  couches  des  granules  pigmentaires  :  une  plus  superficielle, l'autre  plus  profonde;  dans  les  bandes  latérales  c'est  seulement  la couche  profonde  qui  est  présente. Fig.  3.  —  Prostoma vittigerum.  Le  sty- let central,  son  so- cle et  sa  tunique musculaire. NOTES  ET  REVUE FiG.  4.  —  Pros- toma  viltige- Tum.  Le  stylet central.  Très fort  gross. Chez  les  femelles  de  cette  variété  les  œufs  sont  peu  nombreux, petits,  ronds  et  disséminés  irrégulièrement  sur  toute  la  face  dor- sale. Cette  variété  est  très  rare  à  Roscoff. Quant  à  la  deuxième  variété  que  j'appelle  P.  vitti- gerum  filosum  {7niln)  et  qui  est  extrêmement  abon- dante à  RoscoiT,  elle  se  distingue  de  la  première d'abord  par  ses  plus  grandes  dimensions  ;  ajoutons que  les  femelles  sont  toujours  deux  fois  plus  larges (1-2 '^")  et  beaucoup  plus  longues  f20-2o  '"'")  que  les mâles  (3/4-1  ■""  sur  10-20  "'"). Dans  les  Ciona  inlestinalis  j'ai  trouvé  au  mois  de septembre  en  moyenne  contre  9  mâles,  1  femelle  ; dans  les  Ascidiella  aspersa  contre  2  mâles  se  trou- vaient 2  femelles  et  1  jeune. Les  femelles  de  cette  variété  sont  toujours  bourrées des  œufs  qui  sont  très  grands  et  polygonaux  ;  ils  sont rangés  de  deux  côtés  le  long  de  l'intestin  moyen. Les  femelles  sont  toujours  plus  pigmentées  que  les  mâles. Le  pigment  se  présente  sous  forme  de  quatre  bandes  dorsales longitudinales  (fig.  1,  /,  m). Lesdeux  bandeslatéralescom- mencent  déjà  en  arrière  des yeux  postérieurs  ;  mais  jus- qu'aux sillons  leur  pigment est  très  dilTus  ;  seulement  en arrière  de  sillons  la  pigmen- tation devient  accentuée.  Ces deux  bandes  latérales  se  ter- minent près  de  l'anus  en  se fusionnant  l'une  avec  l'autre et  avec  les  bandes  médianes. Dans  les  bandes  latérales  il y  a  une  seule  couche  de  pig- ment en  forme  de  grains  très fins  disposés  en  réseaux. Dans  les  bandes  médianes  se  trouve  en  outre  de  cette  couche encore  une  autre  plus  superficielle.  Le  pigment  de  cette  dernière  se présente  sous  forme  de  grains  très  fins  disposés  en  courts  filaments A 5.  -- .M. Fig.  .5. Fig.  5.  —  Prosloma  vitligerum  granulosum  ; A,  œil  antérieur;  S,  sillon  dorsal  ;  L,  bande latérale  ;  M,  bande  médiane. NOTES  ET  REVUE longitudinaux  (fîg.  6).  Les  bandes  médianes  commencent  à  la  pointe de  la  tête  où  elles  se  fusionnent  en  formant  une  sorte  de  mince bande  arrondie  (fig.  1,  a),  et  se  terminent  près  de  l'anus  de  la  même façon. j'ai  constaté  parfois  chez  des  échan- tillons de  P.  vittigerum  filosum Une  dernière  remarque Fig.  6.  —  Prosloma  vittigerum  filosum. l.  bande  latérale  ;  m,  bande  médiane  ;  y, œil  antérieur  ;  S,  sillon  dorsal. /TZ' dans  les  bandes  longitudinales la  présence  du  pigment  sous forme  de  grands  grains  isolés, c'est-à-dire  sous  la  même  forme que  chez  P.  viltigerum  granu- losum  ;  mais  ces  grains  étaient très  peu  nombreux  et  dissé- minés ça  et  là.  Au  contraire chez  P.  vittegevum  granv.losum j'ai  jamais  pu  constater  le  pig- ment sous  forme  de  réseaux  et filaments. On  pourrait  peut-être  penser que  ces  difïérences  dans  la  pig- men  tation  dépendent  de  con- ditions biologiques,  mais  le  fait  que  j'ai  trouvé  dans  les  mêmes Ascidies  des  femelles  et  des  mâles  adultes  des  deux  variétés  l'une à  côté  de  l'autre,  semble  contredire  cette  supposition. Il  serait  plutôt  plausible  de  penser  aux  causes  intérieurss,  aux changements  dans  l'état  physiologique  général  de  l'animal.  En  effet les  observations  que  j'ai  recueillies  sur  Lineus  ruber  (Mull.),  m'ont montré  que  durant  la  régénération  le  pigment  joue  un  grand  rôle et  que  comme  substance  de  réserve  (même  le  pigment  des  yeux)  il subit  des  nombreuses  métamorphoses. Je  laisse  cependant  la  question  ouverte. II.  —  Oerstedia  rustica.   (Joub.) JouBiN  (1890)  décrit  cette  Némerte  sous  le  nom  de  Tetrastemma rustica  (n.  spec.)  et  dit  :  «  On  trouve  cette  iNémerte  en  grande  abon- dance, à  Roscoff,  parmi  les  Cynthia  rustica.  Cette  Ascidie  est  d'un beau  rouge  vermillon,  et  cette  Némerte  prend  exactement  la  même teinte  rouge.  Dans  le  jeune  âge,  elle  est  jaune  clair,  puis  plus  lard, jaune  foncé,  avec  quelques  grains  du  pigment  rouge  vers  le  tiers NOTES  ET  REVUE .,-T. antérieur  du  corps  ;  ce  pigment  augmente  peu  à  peu  et  finit  par envahir  tout  le  corps,  sauf  la  tète.  Au  moment  de  la  reproduction, les  œufs,  gros  et  blancs,  arrivent  à  la  surface  de  la  peau  et  le  pig- ment rouge  disparaît  au-dessus  d'eux.  On  voit  alors  l'animal  marbré comme  le  représentent  les  figures  11  et  12  de  la  planche  XXV.  » (p.  S84).  Et  plus  loin  :  «  J'ai  trouvé  cette  espèce  à  Saint-Malo,  parmi les  mêmes  Cynthia,  mais  beaucoup  plus brune;  les  Ascidies  étaient,  d'ailleurs,  elles aussi,  d'un  rouge  moins  vif  qu'à  Roscoff.  » {ihid.)  BuRGER  (1895,  p.  734)  en  s'appuyant sur  ces  indications  de  Joubin  parle  d'une adaptation  de  la  couleur  de  0.  rustica au  milieu  ambiant.  Or,  en  réalité  il  n'y  a rien  de  semblable. J'ai  eu  l'occasion  d'examiner  à  Roscoff plusieurs  échantillons  de  0.  rustica.  J'ai trouvé  que  la  couleur  rouge  des  individus adultes  dépend  uniquement  du  contenu  de leur  tube  digestif  et  non  d'im  pigment  du tégument,  En  voici  les  preuves  :  en  com- primant l'animal  sous  la  lamelle  on  voit que  le  tube  digestif  se  vide  peu  à  peu  ; les  fèces  qui  sortent  à  l'extérieur  sont composés  de  petits  grains  très  brillants  et  colorés  d'un  rouge  ver- millon. A  mesure  que  le  tube  digestif  se  vide,  l'animal  devient  de plus  en  plus  pâle.  En  forçant  l'animal  à  vider  complètement  son tube  digestif  on  voit  à  la  fin  qu'il  est  devenu  tout  à  fait  incolore! Puis  chez  les  animaux  adultes,  et  sur  le  point  de  pondre  il  est  très facile  par  une  légère  pression  sur  la  lamelle  de  faire  sortir  presque tous  les  œufs  :  on  s'aperçoit  alors  que  les  marbrures  ont  disparu subitement.  C'est  aisé  à  comprendre,  parce  que  les  œufs  qui  sont blancs  et  tout  à  fait  opaques,  couvrent  la  coloration  rouge  d"i  ttibe digestif. Enfin  la  tète  dans  laquelle  le  tube  digestif  ne  se  prolonge  pas  est tout  à  fait  blanche. Ainsi  s'expliquerait  aussi  la  couleur  blanche  des  jeunes  qui  n'ont pas  encore  rempli  leurs  tubes  digestifs. Qu'il  me  soit  permis  de  compléter  la  description  de  0.  rustica  par un  détail  non  sans  importance  pour  la  systématique  :  le  stylet  cen- Fig.  7. F^G.  7.  —  Oevstedia  rustica. Slylet  central.  F,  tunique musculaire. fe* Lxxxviii  NOTES  ET  REVUE tral  (fig.  7)  est  de  la  même  longueur  que  son  socle.  Ce  dernier  a  la forme  d'une  bouteille,  dontMa  base  est  moins  large  que  la  partie moyenne  ;  la  tunique  musculaire  de  la base  du  stylet  central  possède  une  forme tout  à  fait  particulière.  La  figure  7  nous la  montre. La  trompe  se  distingue  par  son  dia- mètre peu  important  relativement  au diamètre  du  corps.  Il  y  a  deux  poches des  stylets  accessoires,  chacune  conte- nant 3  à  4  stylets  de  réserve. Je  voudrais  encore  attirer  l'attention sur  la  figure  8  qui  représente  la  position des  yeux  dans  la  tête;  on  voit  qu'elle est  différente  de  celle  des  yeux  de  Pros- toma  vitligerum  (BuRG.)  (fig.  2),  part  le fait  que  les  yeux  postérieurs  sont  tour- nés vers  l'arrière.  D'autre  par  la  disposition  des  yeux  est  la  même, celle  d'un  trapèze. Fig.  8.  —  Oerstedia  rustica. Schéma  de  la  disposition  des yeux.  Les  chiffres  indiquent les  dimensions  relatives. lil. Tubulanus  (Oarinella)  banyulensis  (Joub.) Cette  Némerte  signalée  par  Joubin  (1895)  seulement  pourBanyuls, je  l'ai  rencontrée  cette  année  à  Roscott  au  Rocher  Carrée  ar  Vas  parmi les  laminaires. L'unique  échantillon  que  j'ai  trouvé  vivait  dans  mori  bac  et  s'est sécrété  un  tube  transparent.  Au  bout  de  dix  jours  je  l'ai  fixé  pour  la collection  du  Laboratoire. Il  en  résulte  que  ce  Fubulanus  représente  une  espèce  commune  à la  Méditerranée  et  à  l'Océan. IV.  —  Lineus  nigricans  (Bûrg.),  ?i.  var. Cette  variété  que  j'ai  nommée  L.  nigricans  striatus  (milii)  se  trouve à  Villefranche-sur-Mer  dans  le  gravier  du  quai  Cassé  où  elle  vit  à côté  de  Prosorochmus  Korotneffi  (Burg.)  et  de  Ototyphlonemertes brunnea  (BiJRG.)  ;. aile  est  très  rare. De  L.  nigricam,  qui  jusqu'à  présent  n'avait  été  rencontré  qru'à Naples  où  l'avait  décrit  Burger  (1895),  notre  variété  .se  distingue seulement  par  sa  coloration  qui  est  d'un  brun  sale  ;  le  côté  ventral NOTES  ET  REVUE  lxxxix est  plus  clair.  Les  glandes  de  répithélium  sont  d'une  couleur  jau- nâtre, très  brillante,  comme  des  gouttes  de  l'huile.  15nfin  le  corps de  l'animal  est  orné  de  9-20  bandes  transversales  qui  sont  d'une couleur  blanchâtre  et  sont  visibles  déjà  à  la  loupe. Cette  variété  possède  6-13  grands  yeux  noiil'S,  rangés  de  deux côtés  parallèlement  aux  feutes  céphaliques  ;  mais  rarement  le  nom- bre des  yeux  est  égal  de  deux  côtés. BuRGER  (1895)  dit  :  «  Es  ist  dièse  Art  L.  gesserensis  [L.  rubcr)  sehr âhnlich.  Vielleicht  ergiebt  eine  genaue  vergleichend  anatomische Untersuchung  beider  Lineen  ihre  Zusamengehôrigkeit  »  (p.  624). Or,  je  suis  en  état  de  contredire  cette  supposition.  En  voici  les  rai- sons :  a),  chez  L.  ruber  la,  bouche  est  située  immédiatement  derrière le  cerveau,  — chez  L.  nigrieans  elle  est  reculée  un  peu  en  arrière; b),  chez  L.  ruber  la  bouche  est  plus  grande  que  chez  L.  nigrv'ans  ; c),chez  L.  ruber  le  cerveau  est  situéassezenarrière;  chez Z.î^i^î'ïcans —or.-- Fig.  9. FiG.  9.  —  A  droite  ;  Lineus  ruber,  à  gauche  :  Lineus  nigrieans Schéma.  O  F,  organes  frontaux il  est  très  près  de  la  pointe  de  la  tète;  d),  chez  L.  ruber  les  organes frontaux  sont  près  de  la  ligne  médiane  (flg.  9,  à  droite),  —  chez L.  nigrieans  ils  sont  beaucoup  plus  éloignés  d'elle  (fig.  9,  à  gauche); et  enfin  e),  chez  L.  ruber  les  organes  cérébraux  sont  très  grands,  — chez  Z.  nigrieans  au  contraire  ils  sont  très  petits. V.  —  Ototyphlonemertes^  brunnea  (Biirg,),  n.  var. C'était  BiJRGER  (1895)  qui  d'après  un  seul  échantillon  trouvé  dans le  golfe  de  Naples  a  créé  cette  espèce  ;  depuis  elle  n'a  été  signalée  par personne.  Il  paraît  donc  que  0.  brunnea  est  très  rare  à  Naples.  Or, à  Villefranche-sur-Mer  elle  est  très  abondante.  On  y  trouve  même  deux variétés  :  une  qui  ressemble  à  l'échantillon  décrit  par  Burger  et  que j'appelle  0.  brunnea  typiea  et  l'autre  qui  se  distingue  de  la  première xc  NOTES  ET  REVUE parquelques  caractères  constants  et  que  je  veux  nommer  0.  brunnea Davidoffi  [mihi)  en  l'honneur  de  M.  M.  Davidoff,  le  distingué  direc- teur du  Laboratoire  russe  de  Zoologie  à  Villefranche-sur-Mer. 0.  brunnea  typica  se  trouve  assez  souvent  dans  le  gravier  de Passable  ensemble  avec  Cerebralulus  cestoides  (Burg.)  (assez  rare), Lineus  lac leus  (H.  RxraKE)  (très  abondaitt)  et  Prosorochmus  Korot- neffi  (Burg.)  (rare). 0.  brunnea  Davidoffi  est  très  abondante  dans  le  gravier  du  Quai Cassé  à  4/2-1  m.  de  distanee  du  niveau  de  la  mer,  où  elle  vit  à  côté de  Lineus  nigricans  striatus  {mihi)  (assez  rare)  et  Prosorochmus Korotneffi  (Burg.)  (très  abondant). Je  veux  ajouter  quelques  détails  et  rectifications  à  la  description de  Burger  (1895). 0.  brunnea  typica  à  2 cm  de  longueur sur  1  n™  de  largeur.  Sa  tête  n'est  guère moins  large  que  le  reste  du  corps.  Il n'y  a  pas  de  cou  bien  marqué.  La  partie caudale  du  corps  est  légèrement  effilée et  pourvue  près  de  l'anus  d'une  dou- zaine de  long  cils  (fig.  11)  qui  exé- y^  _.  - -/ IliLL. iWl  JbM^^  entent  un  mouvement  semblable  à  celui des  cils  vibratiles  ordinaires  couvrant tout  le  corps  de  l'animal,  mais  beau- Fig.  H.  coup  plus  lent. Fio.  11.  -  otoiyphionemeries        Les    organes    cérébraux   sont  assez brunnea.   Partie   caudale  du     Grands  et  situés  en  avant  du  cerveau  ; corps  ;  c,  grands  cils.  '^ leurs  orifices  s'ouvrent  dans  deux  fos- settes ciliées  latérales.  Je  n'ai  pas  pu  constater  de  sillons  cépha- liques. Les  commissures  du  cerveau  sont  très  courtes.  L'intestin  stomacal est  assez  long.  L'orifice  commun  de  la  trompe  et  de  la  bouche  se trouve  du  côté  ventral  un  peu  en  avant  du  cerveau,  il  est  alors  sub- terminal. L'appareil. stylifère  présente  peu  de  particularités:  relativement au  diamètre  du  corps  la  trompe  est  très  mince;  le  rhynchocoelome ne  se  prolonge  pas  dans  le  tiers  postérieur  du  corps  ;  le  stylet  cen- tral est  de  la  même  longueur  que  son  socle  qui  ne  subit  que  très rarement  un  étranglement;  généralement  il  y  a  deux  poches  des stylets  accessoires  chacune  contenant  3  stylets  de  réserve,  mais NOTES  ET  REVUE Fig.  12. FiG.  12.  —  b. brunnea  ty- pica.  Le  sty- let central. souvent  on  en  trouve  jusqu'à  7.    La  collerette  du   stylet   central (fig.  12),  est  à  peine  visible. Les  statocystes  sont  au  nombre  de  deux,  ils  sont  sphériques  et renferment  chacun  2  statolithes  (fig.  14,  à  gauche). La  couleur  de  l'animal  est  rouge-brique  pâle,  seule la  partie  antérieure  du  qorps  apparaît  d'un  jaune- verdàtre.  Sur  la  tète  en  avant  du  cerveau  on  voit bien  deux  grandes  taches  pigmentaires  rouges. 0.  brunnea  Davidoffi  atteint  rarement  les  dimen- sions de  la  première  variété.  La  couleur  est  la  même  ; seulement  elle  ne  possède  pas  sur  la  tête  les  deux taches  pigmentaires  rouges. L'appareil  stylifère  (fig.  13),  est  semblable  à  celui de  0.  brUnnea  typica,  mais  les   poches  des  stylets accessoires   contiennent  généralement  2  stylets  de réserve.  La  collerette  du  stylet  central  est  bien  marquée  ;  le  socle est  sans  étranglement;  le  réservoir  à  venin  est  très  court. Les  deux  statocystes  sont  sphériques  et contiennent  2  à  4  statolithes  (fig.  14,  à droite).  On  voit  donc  qu'ici  le  nombre  de statolithes  n'est  pas  encore  constant. Je  me  sens  obligé  d'ajouter  encore  quel- ques piots  pour  ni'expliquer  en  principe. Cela  me  servira  comme  préface  pour  un mémoire  sur  les  caractères  morp>hologiques de  Némertiens  pouvant  servir  à  la  déter- mination des  espèces  et  des  variétés.  Ce n'est  pas  le  plaisir  de  créer  de  nouvelles espèces  ou  variétés-  qui  m'a  poussé  à  la publication  présente,  certes  non  !  J'étais inspiré  par  le  fait  que  j'ai  constaté  :  cette extraordinaire  variabilité  chez  lés  mêmes formes  dans  les  limites  de  l'espèce  ^es  plusieurs  caractères  morpho- logiques. C'est  surtout  la  variabilité  de  la  couleur  qui  a  été  observé  jusqu'à présent.  Qu'on  se  souvienne  de  nombreux  ^ynoftymes  de  Lineus ruber  (Mull.),  qui  représentaient  des  espèces  différentes,  avant  que BuRGER  (1895)  les  eut  réunies  sous  ce  dernier  nom,  et  qui  n'étaient que  des  variétés  de  couleur. Fig.  i3. Fig.  13.  —  0.  brunnea  Da- vidoffi. Le  stylet  central, son  socle  et  isa  tuntque musculaire. icii  NOTES  ET  RE\'UE D'autre  part  BCrger  (1904)  a  créé  récemment  plusieurs  sous- espèces  qui  sont  basées  simplement  sur  la  variabilité  de  couleur  : avec  raison  ou  non,  nous  en  reparlerons  plus  tard. Dans  la  description  de  Prosorochmus  Délagei  '  j'ai  montré  quelle variabilité  règne  dans  l'appareil  stylifère  de  cet  animal.  Ainsi  en est-il  chez  la  plupart  de  Métanémertiens.  Et  pourtant  Burger  (1895) Fig.  14. FiG.  14.  —  A  gauche:  0.  brunnea  lypica,  adroite:  0.  brunnea  Davidoffi. S.  le  statocyste  ;  »,  les  statolithes. indique  toujours  dans  ses  diagnoses  la  forme  du  stylet  central  et  de son  socle,  leurs  dimensions  relatives,  le  nombre  de  poches  des stylets  accessoires,  etc.,  comme  caractères  constants.  Mais  il  n'en est  pas  ainsi.  Je  veux  donc  indiquer  d'autres  caractères  morpho- logiques qui  se  distinguent  par  une  très  grande  constance  et  par conséquent  peuvent  servir  pour  une  plus  sûre  détermination  des espèces. Frn\!^r^Ti^^  ^f"^?^  nouvelles  espèces  de  Nemertes  de  RoscotT  [Arch.  ZooL ^-rp.  et  Gen.  I90,.  \ol.  \l,  ,\otes  et  Retoe,  N»  3.  p.  liv-lxk. OUVRAGES  CITÉS 1890 JouBiN  (L.^.  Recherches  sur  les  Turbellariés  des  côtes  de  France (Némertesl.  Arch.  deZool.  Exp.,  2»«  série,  tome  VIII. 1895,    BrRGER  (0.).  Die   Nemertinen  des   Golfes  yon  Neapel  und  der angrenzenden  Meeres-Abschnitte.  (F.  u.  FI.  jeap.  22.   Mono- graphie). NOTES  ET  REVUE Mil SUR  I..\  CRÉATION  D'UNE  STATION  ENTOMOLOGIQUK A  LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  RENNES par  F.  GuiTKi. l'rofpssour  de  Zooloftio  ;<  retlo  Knciilltv L'iinporlation  des  plantes  exotiques  et  de  leurs  parasites,  les puissants  moyens  de  destruction  employés  rcuilre  les  anijuaux insectivores  et  notamment  contre  les  Oiseaux,  la  nuiltiplieilé  et l'énorme  rapidité  des  moyens  de  transport,  rendent  île  jour  en  jour plus  nécessaire  la  lutte  contre  les  Insectes  nuisibles. Les  Etats-Unis  d'Amérique  et  le  Canada  ont  été  les  ])r(>mitM's  à comprendre  le  rôle  immense  que  pouvait  jouer  une  lulle  r;ition- nelle  engagée  corn'tre  ces  animaux  el  dans  aucun  pays  Télutle  de l'Entomologie  appli([uée  ne  tient  une  aussi  larg(>  place  dans  Tensei-. gnement.  Toutes  les  Universités  anu-ricaines  sont  en  eirel  iloli'cs d'un  service  entomologique  complet  comprenant  Laboraloircs, Collections,  Appareils,  elc' Il  existe  en  outre  une  organisation  de  l'Entomologie  api>li(|uée qui  n'a  d'égale  dans  aucun  pays.  La  division  d'Entomologie  du Ministère  de  l'Agriculture  dirigée  par  M.  L.  0.  Ooward  et  dont  le  siège est  h  Washington  comprend  tout  un  personnel  composé  de  savants dont  les  travaux  de  science  pure  et  de  science  appliquée  sont  con- signés dans  des  Recueils  spéciaux. Certains  Etats,  comme  ceux  de Massachussets,  New-York,  Illinois et  Missouri 'Ont  leurs  entomologistes  d'Etat  et  possèdent  leurs  Labo- ratoires et  leurs  assistants. Chacun  des  autres  Etats  possède  une  c<  Agricultural  ^^xperiment Station  n. Les  progrès  réalisés  dans  ces  dernières  annik'S  sous  l'influence de  cette  organisation  ont  été  considérables,  en  particulier  en  ce  qui concerne  l'application  des  Insecticides  aux  grandes  cultures. En  Europe,  Tllalie  a  été  la  première  ;\  suivre  rexem[»le  donné  par l'Amérique.  La  «Station  royale  d'Entomologie  agricole  »  de  Eloi.ence *  Les  renseignements  concernant  les  établissements  étrangers  sont  extraits  pour  la majeure  partie  d'une  noie  intitulée  :  «  l'Entomologie  appli<iué(!  en  Kurope  »,  publiée  par mon  savant  ami  M.  l'aul  Marciial  dans  le  /UiU.  de.  la  Soc.  d'Acciimataiion  de  France (Paris  18'j()). XGiv  NOTES  ET  REVUE dont  la  Direction  fut  successivement  confiée  à  des  savants  comme Targioni-Tozetti  et  Berlese,  a  été  fondée  en  1875.  D'autres  Stations du  même  genre  existent  actuellement  à  Portici,  à  Milan,  à  Turin. Le  budget  seul  de  la  Station  de  Florence  s'élevait  en  1896  à 13.000  francs  sans  compter  les  traitements  du  personnel. En  Suède  et  en  Norvège  chacun  des  deux  royaumes  possède  un Entomologiste  d'Etat  dont  le  rôle  est  de  fournir  des  expertises  sur toutes  les  questions  relatives  aux  ravages  des  Insectes  et  d'indiquer aux  Agriculteurs  les  moyens  à  employer  pour  lutter  contre  les ennemis  de  leurs  cultures. L'Allemagne  ne  possède  pas  de  Station  entomologique  d'Etat; mais  le  Ministre  de  l'Agriculture  se  fait  rendre  compte  chaque  année des  dégâts  occasionnés  par  les  Insectes.  Les  documents  sont  centra- lisés à  Berlio  par  le  docteur  Sorauer. Il  existe  en  Allemagne  plusieurs  chaires  d'Entomologie  appliquée. Enfin  cet  Etat  possède  une  organisation  d'Entomologie  forestière qui  n'a  d'égale  dans  aucun  pays. L'Entomologie  appliquée  n'a  pas  reçu  d'organisation  officielle  en Autriche-Hongrie  mais  l'enseignement  de  l'Efltomologie  appliquée y  est  très  florissant. En  Hongrie  il  existe  depuis  1881  une  Station  entomologique  d'Etat fort  bien  organisée  qui  possède  des  Laboratoires,  une  Bibliothèque, des  Collections  entomologiques  et  toute  une  série  d'appareils  pour la  destruction  des  Insectes.  Cette  Station  réside  à  Budapest;  elle  est dirigée  par  M.  Horwath.  Son  budget  est  de  8.000  florins. La  Belgique  possède  depuis  1891  un  Service  officiel  d'Entomo- logie appliquée.  Il  est  annexée  l'Institut  agronomique  de  Gembloux. Le  Laboratoire  fournit  gratuitement  aux  particuliers,  aux  Sociétés, aux  journaux,  tous  les  renseignements  se  rattachant  aux  dégâts causés  par  les  Insectes. L'Angleterre  possède  un  service  officiel  d'Entomologie  appliquée placé  sous  la  direction  de  M.  Whitehead.  Ce  service  ne  possède  ni Laboratoire,  ni  Station  entomologique  ;  le  Directeur  exerce  ses fonctions  à  son  domicile  particulier  en  fournissant  des  renseigne- ments à  toute  personne  qui  lui  en  fait  la  demande. En  1894  a  été  créé  à  l'Université  d'Amsterdam  un  Laboratoire  de Phytopathologie  et  d'Entomologie  appliquée  dont  le  Professeur Ritzema-Bos  est  le  Directeur.  Par  la  fondation  de  ce  Laboratoire, dont  on  doit  la  création  à  un  généreux  donateur,   la  Hollande  se NOTES  ET  REVUE  xcv trouve  aujourd'hui  être  l'un  des  pays  d'Europe  où  la  lutte  contre les  parasites  des  végétaux  est  le  mieux  organisée. La  Russie  possède  un  Service  complet  d'Entomologie  appliquée qui  fonctionne  depuis  une  dizaine  d'années  (Prof.  A.  Porchinski, Ministère  de  l'Agriculture  à  Saint-Pétersbourg).  Ce  bureau  entomo- logique  possède  un  budget  d'environ  15.000  roubles.  Il  est  ne rapport  continuel  avec  les  Agriculteurs  et  envoie  des  entomologistes sur  les  lieux  oîi  se  produisent  des  dégâts  soit  pour  y  étudier  des insectes  peu  connus  soit  pour  y  diriger  les  travaux  de  destruction. Comme  on  le  voit  presque  tous  les  grands  Etats  européens  ont imité  de  leur  mieux  les  Etats-Unis  ;  mais  la  France,  qui  en  sa  qua- lité de  grand  pays  agricole,  aurait  dû  se  tenir  à  la  tête  de  ce  mou- vement n'est  malheureusement  pas  dotée  comme  elle  devrait  l'être. Jusqu'en  1904  notre  pays  ne  possédait  que  trois  Laboratoires ayant  une  existence  officielle.  Ce  sont  : 1°  La  Station  entomologique  de  Paris,  dépendant  directement  du Ministère  de  l'Agriculture  et  siégeant  à  l'Institut  agronomique.  Cette Station  est  dirigée  par  M.  le  docteur  Paul  Marchai  ;  elle  a  été  fondée en  1894. 2°  Lé  Laboratoire  d'Entomologie  de  l'Ecole  d'Agriculture  de Montpellier  dirigé  par  M.  Valéry-Mayet.  Ce  Laboratoire  étudie  prin- cipalement les  Insectes  nuisibles  à  la  Vigne  et  à  l'Olivier. 3°  Le  Laboratoire  régional  d'Entomologie  agricole  de  Rouen fondé  et  dirigé  par  M.  Paul  Noël.  Cet  établissement  dispose  d'un budget  de  10.000  francs  fourni  parla  Ville  de  Rouen  (3.000  francs) et  par  le  département  de  la  Seine-Inférieure  (7.000  francs)  :  il s'occupa  surtout  à  l'origine  des  Insectes  nuisibles  aux  arbres  frui- tiers. Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  ces  trois  établissements  rendent de  très  grands  services  ;  mais  ils  présentent  à  mon  sens  plusieurs graves  défauts. Ils  sont  tout  d'abord  en  beaucoup  trop  petit  nombre  dans  un grand  pays  comme  le  nôtre  ;  ils  sont  en  outre  ou  bien  trop  spécia- lisés, ou  bien  insuffisamment  connus  du  public  intéressé. C'est  pour  remédier,  dans  la  mesure  de  nos  forces  à  ces  incon- vénients qu'a  été  fondée  la  Station  entomologique  dont  je  voudrais maintenant  dire  quelques  mots. But  de  la  Station.  —  Notre  Station  est  annexée  au  Laboratoire de    Zoologie    de    la    Faculté  des  Sciences  de  Rennes  depuis  le icvi  NOTES  ET  REVUE 22  avril  1904.  Elle  fournit  gratuitement  à  toute  personne  qui  lui  en fait  la  demande  tous  les  renseignements  concernant  les  moyens  à employer  pour  la  destruction  des  Insectes  nuisibles. La  première  condition  pour  qu'un  service  tel  que  le  nôtre  pro- duise tous  les  résultats  qu'on  est  en  droit  d'en  attendre  c'est  de  le faire  connaître  dans  la  région  où  il  se  propose  d'exercer  son influence.  Pour  atteindre  sûrement  ce  résultat  nous  publions  pen- dant toute  la  saison  d'été,  dans  un  grand  nombre  de  périodiques, une  petite  annonce  insistant  sur  le  caractère  entièrement  gratuit  de nos  consultations  '. Personnel.  —  En  l'absence  de  tout  crédit  affecté  à  cet  usage  le personnel  de  la  Station  est  réduit  à  son  minimum. J'ai  pris  à  ma  charge  toute  la  partie  administrative:  mais  la Station  n'aurait  jamais  pu  voir  le  jour  sans  le  concours  d'un  natu- raliste connaissant  parfaitement  toute  les  questions  aujourd'hui  si complexes  relatives  à  l'Entomologie  appliquée. C'est  mon  dévoué  collègue  M.  Constant  Houlbert.  Professeur  à l'Ecole  de  Médecine  de  Rennes,  qui  a  bien  voulu  assumer  la  lourde tâche  d'assurer  le  service  technique  do  notre  Station. M.  Houlbert  est  d'ailleurs  le  vérit^le  fondateur  de  la  Station  car c'est  lui  qui  en  a  eu  le  premier  l'idée  et  l'Université  de  Rennes  lui  est profondément  reconnaissante  du  dévouement  dont  il  fait  preuve  en acceptant  d'occuper,  sans  aucune  rétribution,  une  situation  qui, comme  on  le  verra  quelques  lignes  plus  bas,  est  loin  d'être  une sinécure. Crédits.  —  Les  Crédits  dont  dispose  la  Station  sont  malheu- reusement des  plus  minimes.  La  ville  de  Rennes  sur  les  instances de  M.  Charles  Oberthur.  premier  adjoint  au  maire  de  Rennes,  a bien  voulu  lui  voter  une  allocation  de  200  francs. D'autre  part  M.  le  préfet  Rault  a  obtenu  pour  nous  du  dépar- tement d'Ille-et-Vilaine.  un  petit  crédit  annuel  de  300  francs.  Pour le  reste  le  Laboratoire  de  Zoologie  doit  mettre  à  contribution  ses '  La  station  entomologiqne  prend  en  outre  une  part  active  à  la  publication  de  la Faune  entomologique  armoricaine  dont  7  fascicules  sont  déjà  parus  dans  le  Bulletin  de (a  Société'  scienlijvjrie  et  médicale  de  l'Ouest  .- C.  HocLBEKT  et  Mox:ïot  :  Coléoptères,  Cérambyddea  (\.V&,  ;  Introduction  (1904;  r Camitora  1906;. C.  HocLBEET  et  BÊns:  Coléoptères,  Méloides  il9(>4.  ;  dérides  {1904;. GciÉREt  et  Peve.\c  :  Hémiptères,  Pentatomides,  Coréides  et  Bérylides  '1903)  ; Lygéides  1905.. Charles  Oberthcb,  Lépidoptères  (en  préparation;. .\OTES  ET  REVUE  xcvii ressources  déjà  bien  insuffisantes.  Quand  on  met  en  parallèle  l'exi- guité  des  moyens  dont  dispose  notre  jeune  création  et  les  sen.'ices qu'elle  a  déjà  rendus  on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  à  ce  qu'elle pourrait  réaliser  si  elle  était  convenablement  dotée. Legs  Oberthur  —  La  Station  a  déjà  largement  rendu  au  Labo- ratoire de  Zoologie  l'aide  pécuniaire  qu'il  lui  a  apportée.  Elle  a  en effet  reçu  de  M.  Charles  Oberthur.  l'éminent  lépidoptèrologiste.  une collection  de  papillons,  qui,  lorsqu'elle  sera  complète,  ne  comptera pas  moins  de  2-5.000  individus. M.  Charles  Oberthur  a  en  outçe  donné  à  notre  Station  un  exem- plaire complet  de  ses  magnifiquespublicationssur  les  Lépidoptères. Services  rendus.  —  En  1904.  année  de  sa  fondation,  notre  Station n'a  eu  à  fournir  que  51  renseignements. Dès  l'année  suivante,  mieux  connue,  elle  a  eu  à  répondre  à 239  lettres  et  n"a  pas  donné  moins  de  632  recettes. En  1006  le  nombre  des  demandes  a  été  de  3.34  et  celui  des  ren- seignements fo'urnis  s'est  élevé  à  492. Notre  Station  a  encore  eu  l'occasion  de  rendre  un  autre  service que  ceux  dont  il  vient  d'être  question.  Elle  a  eu  l  honneur  de  con- tribuer pour  une  large  part  à  la  réalisation  d'une  vaste  expérience d'Entomologie  appliquée  entreprise  par  les  entomologistes  améri- cains. Les  Zoologistes  qui  ne  font  pas  leur  spécialité  de  l'Entomo- logie appliquée  liront  peut-être  avec  intérêt  les  lignes  suivantes  qui se  rapportent  à  cette  expérience. Tout  le  monde  connaît  le  Liparis  Euproctis)  chrysorrhoea  qui s'attaque  à  presque  tous  les  arbres  forestiers  et  dont  les  chenilles,  à l'état  jeune,  hivernent  dans  des  bourses  soyeuses  qu'elles  tissent  en commun  à  l'entrée  de  la  mauvaise  saison  en  emprisonnant  quel- ques feuilles  de  l'arbre  sur  lequel  elles  sont  nées. Le  £.  chrysorrhoea  se  multiplie  quelquefois  à  tel  point  que  ses chenilles  périssent  par  myriades  faut«  d'aliments  après  avoir  ravagé des  cantons  tout  entiers.  C'est  d'ailleurs  spécialemenL  contre  cette espèce  que  fut  édictée  la  loi  du  Ip  Mars  1796  sur  léchenillage.  Elle a  heureusement  pour  ennemis  des  entomophages  très  féconds  de sorte  qu'elle  devient  parfois  très  rare  pendant  plusieurs  années consécutives   Maurice  Girard}. Le  E.  chrysorrhoea  a  été  importé  aux  Etats-Unis  peu  après  1890. Ses  chenilles  ont  été  attaquées  par  des  parasites  américains  :  mais dans  une  si  faible  proportion  que  le  fléau  s'est  constamment  accru XGviii  NOTES  ET  REVUE dans  les  régions  où  il  n'a  pas  été  enrayé  par  des  mesures  destruc- tives. Il  est  même  remarquable  que  l'invasion  du  E.  chrysorrhoea  n'a jamais  à  aucune  époque  et  dans  aucune  partie  de  l'Europe,  pris  les proportions  d'un  déchaînement  comparable  à  celui  qui  s'observe annuellement  dans  la  Nouvelle  Angleterre. La  conclusion  qui  découle  de  ces  faits  est  double.  Il  faut  renoncer à  l'espérance  de  voir  les  parasites  américains  suffire  à  la  tâche d'enrayer  le  fléau  qui  va  s'accroissant  d'année  en  année.  En  outre le  procédé  sur  lequel  il  est  permis  de  fonder  les  meilleures  espé- rances consiste  à  importer  en  Amérique  les  parasites  et  les  autres ennemis  européens  du  E.  chrysorrhoea. Il  n'y  a  d'ailleurs  aucun  inconvénient  à  importer  en  Amérique  des larves  ou  des  nymphes  non  parasitées  car  les  papillons  issus  de  ces formes  peuvent  être  facilement  détruits  dès  leur  éclosion. M.  L.  0.  Howard,  chef  du  bureau  de  l'Entomologie  au  Départe- ment de  l'Agriculture  à  Washington,  qui  s'est  fait  une  spécialité  de l'étude  du  parasitisme  chez  les  Insectes,  a  fait  tout  exprès  le  voyage d'Europe  dans  le  but  de  se  mettre  en  relation  avec  un  grand  nombre d'entomologistes.  lia  ainsi  obtenu  de  nombreux  envois  de  larves  et de  nymphes  parasitées.  M.  le  docteur  Felippo  Silvestri  a  même  pu lui  faire  expédier  de  Sardaigne  200  Calosoma  sycophanta  vivants. Malheureusement  ces  différents  envois  ne  sont  pas  toujours  par- venus en  parfait  état  à  destination  et  le  moyen  le  plus  pratique d'importer  en  Amérique  les  nombreux  parasites  du  E.  chrysorrhoea semble  avoir  été  fourni  par  une  intéressante  découverte  due  au Professeur  Jablonowski  de  Budapest. D'après  cet  entomologiste  les  bourses  d'hiver  du  E.  chrysorrhoea contiennent  de  très  nombreux  parasites.  Se  basant  sur  ce  fait M.  Howard  a  pris  ses  dispositions  pour  assurer  l'expédition  en Amérique  d'environ  80.000  nids  de  Liparis  provenant  de  différentes parties  de  l'Europe. La  Station  entomologique  de  Rennes,  mise  au  courant  des démarches  américaines  par  M.  René  Oberthur,  a  eu  le  plaisir  d'ap- porter son  concours  désintéressé  à  l'œuvre  entreprise  de  l'autre côté  de  lAtlantique. Renseignés  par  les  demandes  et  par  les  envois  de  nos  corres- pondants nous  savions  qu'en  1905-1906  des  nids  de  Liparis  étaient distribués  en  France  sur  une  bande  s'étendant  du  département  de NOTES  ET  REVUE  xcix l'Ain  à  celui  de  la  Charente  et  coïncidant  à  peu  près  avec  la  bordure Nord  du  Plateau  central.  M.  Houlbert  se  transporta  donc  dans  le département  de  Flndre  où  il  savait  trouver  les  plus  beaux  nids  et de  là  pendant  douze  jours  (du  23  novembre  au  4  décembre  1905),  il a  pu  adresser  en  Amérique,  par  l'intermédiaire  de  M.  René  Oberthur, environ  lo.OOO  nids  soigneusement  choisis  parmi  les  plus  beaux, Daps  une  lettre  que  M.  L.  0.  Howard  adressait  à  M.  R.  Oberthur, le  22  août  1906,  il  s'exprimait  de  la  façon  suivante  : «  Vous  serez  bien  aise  de  savoir  que  les  envois  français  de  Chry- «  sorrhoea  paraissent  être  parmi  les  meilleurs  reçus  d'aucune  autre «  partie  de  l'Europe.  Nous  élevons,  provenant  de  ces  nids,  non «  seulement  un  grand  nombre  de  Pteromalus  processioneae  mais «  aussi  quelques  spécimens  d'une  forme  intéressante  connue  sous «  le  nom  de  Habrobracon  brevicornis  Westm.  Ce  dernier  parasite «  n'a  été  élevé  que  de  votre  matériel  et  de  quelques  nids  reçus  de «  Berlin.  Les  parasites  issus  de  ces  nids  européens  ont  immédia- «  tement  déposé  leurs  œufs  dans  les  larves  américaines  et  se «  sont  indubitablement  multipliés  maintenant  aux  environs  de «  Boston...  »'. Pour  l'élevage  des  Chenilles  et  de  leurs  parasites  une  maison  de la  ville  de  Saugus  (à  quelques  kilomètres  de  Boston)  a  été  partiel- lement aménagée  en  Laboratoire.  Un  assistant  compétent  habite cette  maison. D'autre  part  trois  grands  arbres  infestés  par  le  Chrysorrhoea  ont été  emprisonnés  dans  une  vaste  toile  métallique  formant  une immense  cage  dans  laquelle  sont  mis  en  liberté  les  parasites importés. Au  moment  de  la  sortie  des  parasites  un  entomologiste  expéri- menté est  chargé  du  soin  de  veiller  à  ce  qu'aucun  parasite  secon- daire ne  soit  mis  en  liberté.  On  désigne  sous  ce  nom  les  insectes  qui vivent  en  parasites  aux  dépens  des^parasites  des  chenilles. Ainsi  le  Tachina  larvarum  (parasite  primaire)  large  diptère  tachi- nide  qui  s'attaque  en  Europe  à  un  certain  nombre  de  chenilles  de grande  taille,  est  parasité  par  le  Chalcis  flavipes  (parasite  secon- daire). La  mise  en  li.berté  de  ces  Chalcis  aurait  pu  compromettre  le 1  Cette  année  (1906-1907)  les  nids  de  Chrysorrhoea  ont  complètement  disparu  des régions  visitées  l'année  précédente  par  M.  Houlbert.  Cette  disparition,  due  évidemment à  l'action  destructive  des  parasites,  montre  iiue  les  nids  expédies  a  Boston  par  notre Station  étaient  exactement  à  point  pour  l'importation  en  Amérique  des  ennemis  du Chrysorrhoea. c  NOTES  ET  REVUE succès  de  racclinialation  du  parasite -primaire.  Aussi  tous  les  indi- vidus de  cette  espèce,  et  d'une  manière  plus  générale,  tous  les parasites  secondaires,  étaient-ils  mis  à  mort  dès  leur  éclosion. Les  parasites  secondaires  peuvent  eux-mêmes  être  attaqués  par d'autres  parasites  qui  sont  alors  d;^signés  sous  le  nom  de  parasites tertiaires.  Il  est  clair  que  ces  derniers,  contribuant  à  détruire  les parasites  secondaires,  agissent  dans  le  même  sens  que  les  primaires par  rapportàl'hôte  primitif  et  doivent  être  acclimatés  comme  eux*. On  voit  que  la  vaste  expérience  actuellement  réalisée  en  Amé- rique est  conduite  avec  une  science  consommée  et  une  connais- sance profonde  de  la  biologie  des  animaux  mis  en  présence.  Sa réussite  aboutira  sans  doute  pour  les  Etats-Unis,  à  un  état  de choses  analogue  à  celui  qui  s"est  établi  naturellement  en  Europe  et qui  consiste  en  un  équilibre  instable  mais  périodique  entre  les parasites  et  les  parasités. Une  autre  expérience  tout  a  fait  analogue  à  celle  qui  est  actuel- lement tentée  contre  le  E.  chrysorrhoea  a  été  réajlisée  il  y  a  près  de vingt  ans  avec  un  plein  succès  par  le  grand  entomologiste  améri- cain Riley.  Sa  complète  réussite  permet  de  fonder  les  plus  grandes espérances  sur  l'expérience  actuelle. VJcerya  purchasi,  cochenille  originaire  d'Australie,  a  été  intro- duite en  Californie  vers  .1868.  Elle  lit  dans, ce  pays  les  plus  terribles ravages  et  menaça  à  un  moment  donné  de  ruiner  la  culture  des orangers,  Riley  obtint  qu'en  4888,  à  foccasion  de  l'exposition  de Melbourne,  deux  agents  de  la  Division  d'Entomologie  fussent envoyés  en  Australie  avec  un  crédit  de  2.000  livres.  L'un  de  ces agents,  M.  Koebele,  reçut  la  mission  spéciale  de  rechercher  les parasites  ou  ennemis  naturels  de  VJcerya.  A  son  retour  il  rapporta toute  une  collection  de  parasites  ou  prédateurs  vivant  aux  dépens de  la  Cochenille  australienne.  Parmi  eux  se  trouvait  le  Novius  car- dinalis  (appelé  d'abord  Vedalia  cardinalis),  espèce  qui  par  les  bien- faits qu'elle  était  appelée  à  rendre,  devait  éclipser  toutes  les  autres. Une  année  et  demie  après  son  introduction  elle  avait  débarassé  la région  des  Jcerya  et  réduit  leur  nombre  à  une  quantité  négligeable, '  Tous  les  renseignements  se  rapportant  à  1  exporiencc  américaine  sont  (sauf  indi- cation contraire)  empruntés  aux  travaux  suivants  : Public  Document  N°  73  :  First  annual  Report  of  tiic  superintendant  for  suppressing the  Gypsy  and  Brown-tail  Mollis.  Boston  UiOfi. L.  0.  HowAKD,  The  Gypsy  and  Brown-tail  Moths  and  their  european  parasites,  Year- book  of  Department  of  Agriculture  for  19œ. L.  0.  Howard,  The  Brown-tail  Moth  and  how  to  control  it,  Farmer's  Bulletin  N»  264. NOTES  ET  REVUE  ci Le  même  succès  a  été  obtenu  plus  récemment  au  Poi'fugal  aux environs  de  Lisbonne,  où  VJcerya  avait  aussi  été  introduite  et  était devenue  un  redoutable  fléau. Dans  ces  dernières  années  une  petite  invasion  d'Jcerya  s'est  pro- duite près  de  Naples,  mais  a  été  immédiatement  enrayée  par  la même  méthode  '. Ces  beaux  travaux  font  toucher  du  doigt  les  immenses  services que  peuvent  rendre  à  TAgriculture  les  Stations  entomologiques richement  dotées^  et  dirigées  par  de  savants  biologistes.  Il  est  à souhaiter  qu'ils  décident  les  Universités  et  les  Pouvoirs  publics français  à  sortir  de  leur  inaction  et  à  suivre  l'exemple  donné  de  tous côtés  à  l'étranger  dans  la  lutte  scientifique  contre  les  Insectes  nui- sibles. Il  y  a  là  pour  un  généreux  donateur  une  superbe  occasion  de rendre  un  signalé  service  à  notre  pays. '  Je  dois  ces  lignes  relatives  à  YJcen/a  purchasi  à  l'amabilité  de  mon  excellent  ami M.  Paul  Marchai  Directeur  de  la  Station  entomologique  de  Paris. *  En  vue  de  la  réalisation  de  l'expérience  dirigée  actuellement  contre  le  Liparis chrysoi'rhoea  les  Etats-Unis  ont  voté  une  somme  de  62.5t)0  francs  et  l'Etat  de  Massa- chussets,  plus  directement  intéressé,  une  somme  de  250.000  francs  ;  mais  la  totalité  des crédits  votés  pour  lutter  contre  VE.  chrysorrkoea  et  le  L.  dispar  est  beaucoup  plus considérable  et  s'élève  en  effet  à  la  somme  énorme  de  300.000  livres  soit  7.500.000  francs. TABLE  SPÉCIALE  DES  NOTES  ET  REVUE 1907.  [4].  Tome  VI Articles  originaux Billard  (A.).  —  Deux  espèces  nouvelles  d'Rydroïdes  de  Madagascar  (note  pré- liminaire) {avec  3  fig.),  p.  lxxix. Bruntz  (L.).  —  Sur  l'existence  d'éléments  conjonctifs  phagocyto-excréteurs '     chez  les  Schizopodes,  p.  xxni. iBruntz  (L.).  —  Sur  l'existence  d'éléments  conjonctifs  phagocyto-excréteurs  chez la  Nébalie,  p.  xxviii. Bruntz  (L.).  —  Néphrocytes  et  néphrophagocytes  des  Caprellides,  p.  lvi. Cuénot(L.).  —  L'hérédité  de  la  pigmentation  chez  les  Souris  (5°  note),  p.  i. GuÉNOT   (L.).  —  L'autotomie    caudale   chez   quelques   Rongeurs    (avec  3  fig.), p.    LXXI. Del.\ge  (Y.).  —  Sur  les  conditions  de  la  parthénogenèse  expérimentale  et  les adjuvants  spécifiques  de  cette  parthénogenèse,  p.  xxix. cil  NOTES  ET  REVUE GuiïEL  (F.)-  — Sur  la  création  d'une  Station  entomologique  à  la  Faculté  des sciences  de  Rennes,  p.  xciii. LoiSEL  (G.)-  —  Recherches  sui*  les   caractères   ditTérentiels  des  sexes  chez  la Tortue  mauresque  (avec  2  fig.),  p.  xxxviii. OxNER  (M.).  —  Sur  quelques  nouvelles  espèces  de  Neniertes  de  Roscoff,  {avec 6  fig.),  p.  Lix. OxNER  (M.)-  -—  Quelques  observations  sur  les  Nemertes  de  RoscolT  et  de  Ville- franche-sur-Mer  {avec  14  fig.),  p.  lxxxii. RocLt  (L.).  —  Notes  ichthyologiques.    Les  Scorpénides  de  la  Méditerranée, p.  XIV. Notice  Nécrologique Delage  (Y.).  —  Charles  Marty  {avec  un  portrait  hors  texte),  p.  li. Paru  le  15  Mars  1907. Les  Directeurs  : G.  Pruvot  et  E.-G.  Ragovitza. OC Kng.   MOBIEO,  Imp.-Gmv.,  140,  Boul,  KaipiU.  Paii»  (6)  —   Téléphone:  704 -7S MBL/WHOI  UBRARY WH    17NH    B

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