MANGROVES
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Les mangroves sont des communautés biotiques d'animaux et de végétaux, d'aspect très particulier, caractéristiques de vases littorales marines soumises au flux et au reflux des marées. Elles n'existent que dans les régions tropicales et subtropicales humides, arides ou même désertiques (l'eau nécessaire à la vie est fournie par la mer) : elles atteignent la Floride, le sud du Japon et le nord de laNouvelle-Zélande. Elles font cependant défaut dans les archipels situés dans la région médiane du Pacifique (Hawaii, Polynésie). Elles sont plus riches en espèces sur les rivages de l'océan Indien, de l'Asie tropicale et de l'Indonésie que sur ceux de l'Atlantique et du Pacifique américain. L'extension d'une mangrove – liseré au bord de la mer ou forêt amphibie couvrant de vastes marécages littoraux – dépend de l'étendue de la zone alternativement inondée et exondée. Sur les vases côtières des régions tempérées, les mangroves sont remplacées par des prés salés.
Les espèces végétales et animales
La flore
Elle est essentiellement constituée d'arbres plus ou moins hauts (pas de lianes, ni d'épiphytes, ni d'herbes, à l'exception de la fougèreAcrostichum aureum) offrant un aspect assez extraordinaire, car certaines parties de leur appareil racinaire, non dissimulées dans la vase, forment des dispositifs étranges, très visibles à marée basse. D'autres caractères de ces arbres concernent leur mode de dissémination. Tous sonthalophiles, qualificatif défectueux car ils n'« aiment » pas les sels de l'eau de mer (ils peuvent vivre en eau douce) ; mais ils les tolèrent remarquablement ; seuls capables de vivre dans ce milieu très spécial, ils sont éliminés des marécages d'eau douce par la concurrence des nombreuses espèces qui les peuplent normalement.
Chez lesRhizophora ( Rhizophoracées, famille de l'ordre des Myrtales), communément appelés palétuviers (Paletuviera est l'ancien nom desRhizophora), les racines, nées en grand nombre sur la partie inférieure du tronc aérien, s'allongent d'abord horizontalement puis s'infléchissent vers la vase, dans laquelle elles pénètrent, et cessent aussitôt de croître en formant quelques courtes branches. L'arbre est ainsi posé sur la vase molle, soutenu par l'ensemble de ses racines – on les a comparées à des échasses – dont chacune, grâce à l'appareil fixateur que forment ses branches souterraines, assure un ancrage efficace. Parmi les arbres des mangroves, les échasses sont propres auxRhizophora qui tiennent, d'ailleurs, dans ces forêts, une place généralement prépondérante. Le nom de mangrove paraît dérivé de « mangle », appellation malaise d'unRhizophora(R. mangle, ou manglier).
Chez les autres espèces des mangroves, les dispositifs racinaires externes diffèrent de ceux desRhizophora : des racines souterraines, très superficielles, rayonnent normalement à partir de la base du tronc en émettant, en série, des rameaux qui sortent de la vase puis y rentrent aussitôt, formant ainsi des anses à branches plus ou moins rapprochées (Rhizophoracées des genresBruguieraetCeriops) ou qui s'élèvent verticalement, comme des stalagmites, jusqu'à une hauteur de 25 à 30 cm (Sonneratia de la famille des Sonnératiacées, ordre des Myrtales ;Avicennia, Verbénacées, de l'ordre des Solanales).
Émergeant du sol, les racines échasses, les anses racinaires et les racines stalagmites marquent fortement la physionomie des mangroves, mais ne sont pas l'apanage exclusif des arbres qui les habitent. Tous ces dispositifs, qui existent aussi chez des arbres de forêts marécageuses tropicales d'eau douce, n'empêchent pas certaines espèces de mangroves de s'égarer sur desplages sablonneuses, des rochers, desrécifs coralliens.
Leur signification est de permettre aux arbres de former des peuplements denses sur des vases très fines, visqueuses ou semi-liquides, riches en débris organiques se décomposant à l'abri de l'air, par conséquent dans des conditions interdisant la respiration d'un système racinaire normal, lequel exige un sol convenablement aéré. L'écorce subéreuse qui recouvre échasses, anses ou stalagmites racinaires estinterrompue par des plages plus ou moins étendues ou des orifices au niveau desquels les tissus vivants sont, à marée basse, au contact de l'atmosphère et assurent alors les échanges respiratoires nécessaires. D'où le nom de pneumatophores donné à tous ces organes.
Il est remarquable que, chez la plupart des arbres des mangroves, quelle que soit la famille à laquelle ils appartiennent, une tendance existe au développement accéléré de l'embryon dans la graine. Celui-ci acquiert ainsi, très précocement, les caractères qui, chez les autresplantes des mêmes familles, sont ceux de la plantule germée. Ces plantules précoces, plus ou moins dégagées du tégument séminal, tombent sur la vase, dans laquelle elles poursuivent leur développement.
Cette tendance à laviviparie (germination des graines sur la plante mère) est exprimée au maximum chez les Rhizophoracées dont la plantule atteint une dimension considérable avant de se séparer de l'arbre sur lequel elle a germé ; en forme de fuseau (fig. 4), son pôle racinaire en position inférieure, son pôle cotylédonaire retenu dans le fruit, elle pend au centre de ce qui fut lafleur, avant de se détacher : grâce à sa forme et à son poids, elle s'enfonce alors verticalement dans la vase, où son développement va continuer.
La faune
Plus discrète que la flore, car ne comprenant pas de grands animaux, elle est cependant plus riche en espèces, plus diverse, très particulière, et d'un extrême intérêt.
Elle est surtout composée de Mollusques, de Crustacés (nombreuses espèces de crabes : crabes militairesDotilla, crabes violonistesUca), de Poissons (périophtalmes, etc.). Tous ces organismes sont amphibies et, comme les arbres, dotés d'adaptations leur permettant de vivre malgré les caractères asphyxiques du substrat, soit dans des terriers creusés dans les racines et communiquant constamment avec l'air ou l'eau, soit par fixation sur les échasses desRhizophora (huîtres de palétuviers), et grâce à des dispositifs anatomiques appropriés.
— Georges MANGENOT
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Écrit par
- Frédéric BALTZER: maître assistant à l'université de Paris-Sud, Orsay.
- Georges MANGENOT: professeur honoraire à l'université de Paris-XI
- Geneviève TERMIER: maître de recherche au C.N.R.S.
- Henri TERMIER: professeur honoraire à la faculté des sciences de Paris
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