
L'arch�ologie des aqueducs romains
� 2004
Publicado en: Elementos de Ingenier�a Romana Libro de ponencias Congreso Europeo "Las Obras P�blicas Romanas" Tarragona, noviembre de 2004
Introduction : la place de l'enqu�te arch�ologiqueQu'est-ce que l'arch�ologie des aqueducs romains ? En me demandant de traiter cette question pour un colloque r�unissant essentiellement des ing�nieurs, ses organisateurs me posent une question de d�finition qui m'embarrasse. Si en effet la sp�cificit� de l'arch�ologie par rapport aux autres disciplines d'�tude de la p�riode antique, -l'histoire et la philologie-, est d'aborder une question sous l'angle des choses mat�rielles, les premiers arch�ologues des aqueducs sont des ing�nieurs et des architectes qui, au XIXe s., se sont int�ress�s aux travaux hydrauliques antiques. Appel� � r�aliser le drainage du bassin du Fucino dans les Abruzzes, l'ing�nieur Franz Mayor de Montricher avait observ� les galeries creus�es sur l'ordre de l'empereur Claude qui voulait faire d'une entreprise � laquelle Auguste avait renonc� une des gloires de son r�gne. En 1847, en construisant sur le canal qui amenait les eaux de la Durance � Marseille un pont con�u � l'imitation du Pont du Gard, le pont de Roquefavour, mais en plus haut et plus long, le m�me entendait prouver que, par ses prouesses techniques, l'ing�nieur moderne d�passait l'ing�nieur antique. 
Lorsque l'arch�ologie s'est d�velopp�e comme discipline, les aqueducs ont relev� de l'arch�ologie monumentale con�ue plut�t comme une branche de l'histoire des Arts. Celle-ci avait pour objectif principal de reconstituer un monument, d'en restituer le projet initial ou le fonctionnement optimal. Les arch�ologues qui s'y sont int�ress�s ont �t� surtout des architectes et leur attention s'est port�e sur les ouvrages d'art, les grands ponts aqueducs. Depuis l'arch�ologie a �volu�. Le regard de l'arch�ologue s'est affranchi d'une stricte d�pendance par rapport � celui de l'architecte et de l'ing�nieur pour tenter de r�pondre � des questions nouvelles. Il aide � reconstituer le projet de l'ing�nieur. Mais ce qui lui est propre est la restitution d'usages qui se sont modifi�s durant leur longue utilisation par l'observation des contextes arch�ologiques. Pour montrer cet apport, je partirai du projet hydraulique commun aux ing�nieurs auxquelles les cit�s ont confi� leur approvisionnement en eau. Comme tout mod�le, celui-ci n'est pas la r�alit� historique, mais il aide � comprendre les ouvrages effectivement r�alis�s. L'ing�nieur auquel avaient �t� donn�s un budget et un cahiers de charge devait l'utiliser dans un contexte hydraulique et g�ographique sp�cifique. Par la suite, cet ouvrage a �t� modifi� en fonction des besoins en eau de la cit� qui l'avait commandit�, des technologies nouvelles apparues et des difficult�s rencontr�es dans son entretien. Ces modifications ont pu �tre impos�es par le milieu. Mais elles correspondent aussi � des conflits sociaux ou � des changements dans les usages de l'eau. C'est sur tout cela que l'arch�ologie renseigne et dont il sera question ici.
I - L'aqueduc : du projet � sa mise en ouvre
Les conditions g�n�ralesLa g�n�ralisation de la construction des aqueducs est mise en relation avec Rome. Le fait n'est pas contestable. Ce qui l'est moins, ce sont les explications qui en sont propos�es. Au XIXe s., un savant allemand proposait d'expliquer par une question de mentalit� la diff�rence entre les ouvrages romains et les aqueducs construits � l'�poque grecque classique. " Dans tous leurs am�nagements, les Grecs s'adaptaient � la nature et savaient leur trouver des analogies dans les dispositifs apparent�s existant dans la nature. " Cette adaptation au mod�le de la nature et aux dispositions du terrain constitue un principe proprement grec appliqu� � la construction des aqueducs ; elle s'oppose � la pratique des Romains, ceux-ci, dans leur mani�re imp�rialiste, pr�f�raient la ligne droite pour conduire les eaux de la source au chef-lieu de la cit� ; ils �levaient de cette mani�re de hautes constructions somptuaires, rendues ainsi ind�pendantes des contraintes du terrain " (van Buren 1955 : 465). L'id�e a s�duit. La diff�rence entre aqueducs grecs et romains recoupait en effet l'opposition entre le Romain volontariste et brutal, imp�rialiste m�me avec la nature, et le Grec, astucieux et fin, soucieux de s'adapter � la nature en la respectant. Un canal suivant les courbes de niveau serait de conception typiquement hell�nique, alors que les Romains auraient construit des ouvrages que ne d�viaient de leur trac� ni les montagnes qu'ils per�aient ni les vall�es sur lesquelles ils jetaient des ponts. Cette opposition fallacieuse r�sulte d'un processus d'id�alisation du vaincu qui a s�duit les hell�nistes. Dans ses travaux sur la gladiature, L. Robert a montr� que les Grecs n'�taient pas moins amateurs de spectacles cruels que les Romains. Inventeurs de l'esclave marchandise, les Ath�niens n'ont pas construit que le Parth�non, mais aussi un Empire que les autres cit�s ont combattu. La r�alit� est diff�rente. Ce qui rend possible la multiplication des aqueducs dans les provinces de l'Empire, ce sont des progr�s techniques et la capacit� de d�gager les moyens humains et financiers n�cessaires � des r�alisations qui exc�daient les possibilit�s des cit�s individuelles. Je commencerai donc par les pr�senter rapidement en partant d'une d�finition sommaire de ce type d'ouvrage. Un aqueduc est un conduit ma�onn� assurant le transport de l'eau par �coulement gravitaire d'une source � une agglom�ration urbaine qui peut se trouver � plusieurs dizaines de kilom�tres. Cette conduite qui assure � la ville antique une ind�pendance caract�ristique par rapport aux ressources hydriques, gagne � �tre la plus courte et la plus directe possible. � l'�poque romaine, l'ensemble des progr�s accomplis pour r�aliser cet objectif peut �tre synth�tis� sur un sch�ma de l'adduction d'eau qui est rest� valable depuis la construction des aqueducs romains jusqu'� l'�poque industrielle. 
Construire des ouvrages d'artD�mentant la th�se ancienne du � blocage des techniques �, les ing�nieurs de l'�poque romaine disposent d'instruments qui exploitent des connaissances scientifiques acquises anciennement. Elles acqui�rent leur pleine efficacit� gr�ce � la capacit� romaine de mettre en place et de g�rer des chantiers d'une grande complexit�. H�ritiers et les continuateurs des rois hell�nistiques successeurs d'Alexandre et fondateurs de villes, les Empereurs romains s'appuient sur le m�me personnel d'architectes et d'ing�nieurs hydrologues. Mais ils en �largissent le champ d'intervention � l'ensemble de l'Empire.
Les pontsLes grands progr�s accomplis dans l'art de construire sont mises en ouvre dans les grands chantiers urbains des cit�s provinciales � l'imitation de ceux de la ville de Rome. La construction d'aqueducs en b�n�ficie au m�me titre que toutes les activit�s du b�timent. Ainsi la construction des ouvrages d'art que sont les ponts d'aqueducs n'aurait pu �tre men�e � bien sans la mise au point du syst�me de la vo�te clav�e � � pouss�e �. � L'honneur revient aux architectes romains de l'�poque tardo-r�publicaine, d'avoir os� lib�rer la vo�te qui n'�tait qu'un trou dans une masse pour en faire un volume � l'air libre � (Adam 1989, 180). Mais l'autre secret de la r�ussite est la ma�trise acquise dans la confection de l'opus caementicium. Celui-ci ne permet pas seulement � une main d'ouvre peu sp�cialis�e de r�aliser les volumes consid�rables de ma�onneries que requi�rent de tels monuments. La qualit� des mortiers permet de r�aliser une vo�te qui, la prise termin�e et le cintre retir�, se comporte comme � un monolithe dans lequel on a creus� un volume � (Adam 192), la � vo�te concr�te �. Ajoutons pour terminer sans entrer dans le d�tail, que les aqueducs b�n�ficient d'un autre progr�s accompli dans la fabrication des mortiers avec la mise au point des � mortiers de tuileau �. Il existe une importante litt�rature sur les ponts romains, dont en particulier une synth�se de C. O Connor (1993). Le pont aqueduc le plus souvent �tudi� est le plus c�l�bre d'entre eux, le Pont du Gard qui doit la place qu'il occupe � la perfection de son architecture et � l'ampleur de ses arches : 24,52 m pour l'arc central et 19,20 pour les arcs lat�raux, ce qui le place loin devant les dimensions des ponts routiers de Narbonnaise (16,20 m pour l'arche centrale du Pont Julien et 15 m pour celle du pont de Vaison) (Mignon 2003, 81). 
L'organisation du chantier du Pont du Gard avait d�j� donn� lieu � des hypoth�ses formul�es par l'architecte russe I. S. Nikolaiev sur les travaux duquel P.-M. Duval avait attir� l'attention. Ces �valuations m�ritaient d'�tre reprises � partir d'une meilleure connaissance de l'ouvrage et de travaux r�alis�s depuis sur les techniques de levage. Deux s�ries d'observations viennent en effet d'�tre faites sur le chantier du Pont du Gard. Les premi�res r�sultent de la fouille programm�e de la carri�re de l'Estel situ�e quelques centaines de m�tres en aval qui a fourni les mat�riaux : elles portent sur la question de l'approvisionnement en mat�riaux du chantier. Les secondes ont �t� permises par la grande crue de septembre 2002 qui a mise au jour les traces laiss�es par des engins de levage en rive droite. � la lumi�re de celles-ci et des �tudes conduites sur la carri�re, J.-C. Bessac a localis� l'emplacement de plusieurs engins, dont un mat de levage situ� � l'amont de la cinqui�me arche (Bessac 2004). Le maniement des engins de bardage et de levage �tait restitu� essentiellement � partir des textes de Vitruve et desarchitecti et m�caniciens antiques (Callebat 1986, 7-11 et 88-105), de comparaison avec la construction m�di�vale ou moderne et de l'iconographie, dont le fameux relief desHaterii (Adam 1989, 46-49). Les observations faites sur les monuments construits �taient peu nombreuses et portaient sur les cavit�s utilis�es pour le maniement des blocs (id., 50-52). Ces d�couvertes permettent donc d'envisager un renouvellement de nos connaissances. � partir d'une tentative de reconstitution du chantier, de son organisation et d'une �valuation du rendement moyen de la main d'ouvre, I. S. Nikolaiev avait montr� que selon le type d'engin de levage utilis�, le nombre d'ouvriers pouvait varier entre 700 et 750 et propos� 2 � 3 ans pour la dur�e du chantier. J.-L. Paillet opte pour un effectif de 500 ouvriers ayant travaill� sur le chantier du pont du Gard. En d�finitive, envisag�es en journ�es-hommes, ces chiffres se recoupent. Moins d'ouvriers suppose un chantier plus long : J.-L. Paillet �value en effet � 5 ans sa dur�e au lieu de 3 ans.
Les tunnelsLongtemps, l'attention s'est port�e exclusivement sur les ponts des aqueducs. La sous-�valuation des travaux souterrains est li�e � leur enfouissement et aux difficult�s d'acc�s ainsi qu'� l'utilisation inappropri�e d'une inscription aussi c�l�bre qu'exceptionnelle, la base fun�raire dulibrator Nonius Datus. Etudi� hors de son contexte arch�ologique, ce texte a accr�dit� l'id�e selon laquelle la r�alisation de travaux souterrains �tait exceptionnelle. Les m�rites de Nonius Datus sont incontestables ; ils illustrent parfaitement la valeur du corps des topographes cr��s entretenus dans le cadre de l'arm�e. Mais la construction d'un tunnel de 428 m sous le col d'El Abel pour conduire l'eau de Toudja � Bougie (CIL VIII, 2728 = ILS 5795) est une r�alisation moyenne qui entre dans la longue s�rie recens�e par K. Grewe (1998) dans l'ouvrage qu'il a consacr� aux ouvrages souterrains. Dans ce domaine, les ing�nieurs romains ont utilis� des techniques dont on attribue la mise au point � la fois aux mineurs, constructeurs des premi�res galeries, et aux hydrauliciens qui capt�rent des sources. Nonius Datus rappelle la bonne proc�dure. C'est celle qu'utilisaient d�j� les Iraniens pour construire les qanats, galeries souterraines destin�es � l'irrigation dont la plus longue atteint une centaine de kilom�tres. Un trac� �tait � partir de la surface. Puis, on creusait des puits depuis la surface jusqu'au niveau souhait� ; chaque puits �tait ensuite reli� aux autres par des galeries horizontales dans lesquelles �tait ensuite construit le canal. Le probl�me �tait de faire se rejoindre les galeries lorsque les puits �taient espac�s (cas des galeries creus�es � grande profondeur) ou lorsque celles-ci �taient creus�es sans puits interm�diaire en partant des deux c�t�s d'une montagne comme la galerie que ne parvenaient pas � construire les habitants de Bougie. En Italie, o� cette architecture souterraine b�n�ficiait d'une tradition issue vraisemblablement des Etrusques, elle fut utilis�e d'abord pour le contr�le de l'eau dans les crat�res volcaniques et les d�pressions karstiques des Apennins et pour leur bonification par drainage avant d'�tre appliqu�e au franchissement d'obstacles par les galeries d'aqueducs. L'exemple des aqueducs de Rome permet d'en mesurer l'apport. En 145 av. J.-C., sous la R�publique romaine, le consul Marcius Rex entreprit la construction d'un aqueduc auquel il laissa son nom, l'Aqua Marcia, qui mesurait 97,27 km de long. Ce fut le premier aqueduc � �tre port� sur des arches dans son parcours a�rien. Deux si�cles plus tard, en 50 ap. J.-C., l'Empereur Claude fit construire un nouveau canal dont la t�te se trouvait � seulement 150 m du pr�c�dent ; il ne mesurait plus que 68,93 km. Ce raccourcissement �tait permis par les ouvrages d'art, ponts et tunnels. S'agissant du creusement des tunnels, la distinction essentielle porte sur la taille de l'entreprise. N. Coulet a consacr� une br�ve note au drainage d'une petite d�pression de Basse Provence orientale par un simple menuisier qui montre la simplicit� de l'op�ration quand elle est de petite dimension. L'outillage est celui du carrier et les principes sont connus depuis longtemps (cf supra). K. Grewe (1998) a montr� comment � partir des traces laiss�es par leur mise en ouvre, il �tait possible de reconstituer la mani�re dont avait �t� con�ue puis mise en ouvre la construction d'une galerie destin�e au passage d'un aqueduc. � titre d'exemple, on peut examiner, sur l'aqueduc de N�mes, le cas des deux galeries de la P�rotte et des Cantarelles creus�es dans la molasse tendre de part et d'autre du vallon des Escaunes � Sernhac qui ont fait l'objet de deux �tudes compl�mentaires, la sienne et celle de J.-C. Bessac (in Fabreet al. 2000, 376-405). Longues de 65,50 et 59,30, elles mesurent environ 2 m de large sur 3 m de haut, ce qui offrait la possibilit� d'y construire lespecus. L'observation des traces laiss�es par les outils permet de reconstituer l'op�ration de creusement. Celle-ci a �t� r�alis�e � partir des deux extr�mit�s et depuis des puits d'extraction selon la technique signal�e plus haut. Une premi�re galerie � de pilotage � �tait ouverte selon un trac� en ligne bris�e qui pr�sentait sur la ligne directe l'avantage d'assurer la rencontre � deux �quipes travaillant l'une vers l'autre, � partir du moment o� les deux galeries �taient creus�es au m�me niveau. On ouvrait ensuite la galerie d�finitive.  
J.-C. Bessac a �valu� le personnel et le temps de travail n�cessaire � l'op�ration : un peu plus de deux mois pour 130 m de galerie avec 14 �quipes de 2 mineurs assist�s d'une quinzaine de manouvres charg�s de l'�vacuation des d�blais, soit un total de 43 personnes pour un r�sultat journalier de 2,16 m. En un peu plus six mois suppl�mentaires (185 jours), les m�mes �quipes ont pu continuer dans le m�me secteur en ouvrant 400 m de tunnel sous la garrigue de Sernhac. Il reste maintenant � s'attaquer � l'�valuation du temps et des �quipes n�cessaires au creusement d'ouvrages importants, pour lesquels on dispose d'une r�f�rence : le chiffre que donne Su�tone pour le creusement de la galerie du Lac Fucin : 30 000 h. Mais il reste beaucoup � faire. Les travaux de K. Grewe, ceux de I. Riera (1994) d�montrent l'int�r�t actuellement port�s aux tunnels des aqueducs. En Italie, une �tude r�cente a port� sur un aqueduc de cit�, celui de Bologne, fut construit dans sa quasi-totalit� en souterrain sur des distances consid�rables. En Gaule Narbonnaise, en dehors du cas de Sernhac, les recherches restent limit�es. Ainsi, � une �poque vraisemblablement proche de celle durant laquelle fut construit le Pont du Gard, le d�fi de la construction d'un tel tunnel �t� relev� avec succ�s par les ing�nieurs qui eurent � conduire � Aix-en-Provence,Aquae Sextiae, les eaux capt�es pr�s de Jouques dans le val de Durance. Pour gagner la ville, l'aqueduc de la Traconnade devait parcourir plusieurs kilom�tres sous le plateau qui s�pare la vall�e de l'Arc de celle de la Durance. L'entr�e du tunnel est connue et son trac� identifi� par des puits de construction de plusieurs dizaines de m�tres de profondeur. De tels ouvrages n'�taient pas hors de la port�e des capacit�s techniques de l'�poque : la galerie de vidange du Fucino, une des grandes ouvres de l'empereur Claude passe � 122 m de profondeur.
L'�tablissement d'une pente r�guli�re ; les escaliers hydrauliquesDans la construction d'un aqueduc, il est essentiel d'assurer la r�gularit� de l'�coulement des eaux. Le calcul de la meilleure pente s'appuie sur la topographie pr�cise du parcours de la canalisation. Dans son ouvrage sur les aqueducs romains, A. T. Hodge illustre ce fait par l'exemple du d�fi oppos� par la topographie aux ing�nieurs romains par la construction de l'aqueduc de N�mes. Les nouvelles donn�es disponibles (Fiches et Martinin Fabreet al. 2000, 133-137) montrent que la performance est encore plus remarquable que ne le laissaient penser les chiffres dont il disposait : 12,35 m (et non 17 m) s�parent N�mes de la Fontaine d'Eure, pr�s d'Uz�s. En ligne directe, cela correspondait � une distance de 20 km, soit � une pente (id�ale) de 0, 617 m au km. Mais l'ouvrage construit franchissait le Gardon � proximit� de Remoulins, il �tait deux fois et demi plus long - environ 50 km- ce qui lui donnait une pente moyenne de 0, 248 m au km, soit moins de 5 cm de plus que celle que pr�conisait Pline comme limite inf�rieure � ne pas d�passer. Il existait bien une diff�rence de pente entre les deux secteurs amont (31 % du parcours) et aval (69 %) de l'aqueduc. Mais, entre la source et le Pont du Gard, elle est moins forte que l'on ne pensait : 0,37 cm et non plus 0,67 cm au km. 
Une comparaison entre un ouvrage id�al et l'ouvrage construit �claire le choix de parcours op�r� par les ing�nieurs. Le percement d'un tunnel de 10 km sous le massif des Garrigues de N�mes entre Saint-Nicolas et N�mes aurait permis d'assurer � l'aqueduc la pente la plus proche de celle qui est pr�conis�e par Vitruve. Une telle possibilit� doit �tre envisag�e avec s�rieux. L'attention apport�e � la prouesse des ing�nieurs qui surent conduire la canalisation de l'aqueduc de N�mes sur une pente particuli�rement faible ne doit pas occulter la contrainte inverse : ne pas donner une pente trop forte � la canalisation. En effet dans une conduite o� l'eau coule par gravit�, un �coulement trop rapide risque d'entra�ner une usure rapide du canal. Les manuels modernes conseillent des pentes adapt�es au mat�riau sur lequel coule l'eau : des maxima vont de 2,11 m pour des cailloux agglom�r�s et des schistes tendres � 7,43 m au kilom�tre pour le granit. Lorsque la pente devenait trop forte, pour �viter la d�gradation du canal, il faut �tablir freiner la vitesse d'�coulement et en absorber l'�nergie. Les dispositifs pr�vus � cet effet sont rest� longtemps mal connus. C'est en effet � une date tr�s r�cente qu'un ing�nieur, H. Chanson, en a fait l'objet d'une recherche sp�cifique (Chanson 1998). 
Ils consistent en une succession de courts plans inclin�s s�par�s par des puits de rupture de pente de section carr�e, rectangulaire ou circulaire. Lorsque la pente est plus faible, les plans inclin�s sont remplac�s par des paliers � d�clivit� normale s�parant des puits. Command�s par la topographie g�n�rale d'une r�gion, tels dispositifs se rencontrent sur toutes les sections d'un aqueduc, aussi dans la partie sup�rieure qu'� proximit� du point d'aboutissement. Il convient maintenant de corriger le sch�ma de construction d'un aqueduc pour faire � ces dispositifs la place qui leur revient. En Gaule, le cas, maintenant le mieux document� est celui des deux aqueducs les plus pentus qui alimentaient Lyon, ceux de l'Yzeron et la Br�venne. Sur l'Yzeron, au R�cret (Gr�zieu-la-Varenne) o� le canal aborde une section � pente tr�s forte (80 m au kilom�tre), J. Burdy (1991, 73-81) a mis en �vidence deux puits carr�s distants de 490 m et de 38 m d�nivel� entre lesquels il restitue une douzaine de puits analogues s�parant des tron�ons de 30 � 100 m. Ainsi un escalier hydraulique permettait de donner au canal une pente de 1 m au km, l� o�, � d�faut, la pente aurait �t� huit fois plus forte. Au total, l'installation �tait longue de 2 km et devait comporter une cinquantaine de puits. Sur une autre branche du m�me aqueduc, celle de Vaugneray, le m�me (1991, 67-68) signale une autre s�rie comportant probablement 7 chutes, hautes de 2,5 � 3 m, situ�es � intervalle d'une quarantaine de m�tres en moyenne sur une distance de 250 m. Sur l'aqueduc de la Br�venne, il avait �galement montr� qu'il devait exister au moins 5 dispositifs importants sur un parcours de 70 km entre la source et le siphon d'Ecully (1993, 161-165). � Vaugneray et au Recret, la pente autorise un dispositif en escalier dans lequel des puits se r�partissent irr�guli�rement selon la pente. � Chavinay, au lieu dit Plainet, o� l'aqueduc chute d'environ 87 m sur une distance d'environ 275 m (pente moyenne de 33 %), il a fallu mettre en place un dispositif diff�rent. J. Fages en a d�gag� une section longue de 18,5 m pour une d�nivellation de 5,82 m. Large d'un m�tre environ, le canal est d�limit� par des pi�droits dans lesquels des cavit�s espac�es de 2,30 m ont �t� am�nag�es par paires, 15 � 25 cm du fond au-dessus d'un radier constitu� de trois s�ries de dalles de gneiss align�es, une rang�e centrale et deux s�ries de dalles lat�rales partiellement en appui sur les dalles centrales. J. Fages (2000) restitue un dispositif de planches appuy�es sur les madriers pour freiner le courant. 
La mise en place du specus : les sections d'un aqueducLe � mod�le � de construction d'un aqueduc qui vient d'�tre bri�vement pr�sent� peut �tre compl�t� par l'observation sur le terrain d'anomalies qui s'expliquent par des proc�dures que n'�voquent pas les textes. La premi�re est la r�alisation d'une sorte de canal d'essai pr�alable � la construction de l'ouvrage d�finitif. La trace d'un tel canal a �t� observ�e par K. Grewe dans le secteur de Mechernich sur l'aqueduc qui amenait l'eau de l'Eifel � Cologne apr�s un parcours long de 110 km. Dans la for�t, elle appara�t sous la forme d'un foss� peu profond combl� par des d�blais. Dans la plaine, elle se manifeste par une trace double, dont une seule correspond � l'ouvrage effectivement construit. Dans les deux cas, des fouilles ont permis de v�rifier la mat�rialit� de ce creusement (Grewe 1985, 24-42). 
Ce qu'au XIXe s., P. de Gasparin a observ� sur l'aqueduc du Gier � Lyon est sensiblement diff�rent. Il s'agit d'une tranch�e que l'on suit maintenant sur plus de 40 km parall�lement � l'aqueduc, 7 � 15 m au-dessus de l'aqueduc. Il l'interpr�tait comme le travail pr�paratoire effectu� pour un trac� qui a re�u un d�but d'ex�cution, puis a �t� abandonn� pour un trac� plus bas. C. Germain de Montauzan a discut� cette hypoth�se et a propos� cinq autres hypoth�ses : foss� marquant une zone de protection, sentier de service, essai pr�paratoire, protection contre les venues d'eau ou, au contraire, syst�me d'amen�e d'eau pour le chantier. J. Burdy n'en retient aucune et marque sa pr�f�rence pour la proposition primitive faite par de Gasparin (Burdy 1996, 298-305). Sur l'aqueduc de Carthage, pr�s de l'oued Miliane, � proximit� d'Oudna, lespecus qui reposait � la fleur de sol s'�l�ve � l'approche d'une vall�e et aborde un parcours sur arches. � cet endroit, une diff�rence de niveau d'une quarantaine de cm entre les radiers des deux sections a �t� rattrap�e par une semelle de mortier de tuileau, r�gularisant la pente. Le d�calage qui existe entre les deux radiers et qui a disparu au niveau du plancher duspecus, ne peut gu�re s'expliquer que par la rencontre de deux �quipes. L'une d'elles, celle qui avait en charge la construction des arcades de franchissement du fleuve ou l'autre qui construisait la section amont, a fait une erreur de nivellement -facilement r�cup�rable. - qui mat�rialise leur rencontre. Les rencontres entre �quipes ne se traduisaient pas toujours par des corrections de nivellement. L'observation arch�ologique relat�e valide seulement une id�e au demeurant simple et logique qui rend compte de la rapidit� d'ex�cution de ces ouvrages. Comme les travaux modernes, les travaux antiques �taient r�alis�s par sections dont la construction �tait men�e simultan�ment sous l'autorit� d'un ing�nieur qui assurait la coordination de chantiers pouvant r�unir des milliers d'ouvriers, trente mille rapporte Tacite pour la construction de l'�missaire du Fucino. C'est cette organisation qu'a tent� de mettre en �vidence K. Grewe en exploitant des donn�es topographiques dans deux �tudes qu'il a conduites, l'une sur l'aqueduc de Cologne dont il vient d'�tre question, l'autre sur un ouvrage de bien plus faible dimension, le petit aqueduc deSiga en Alg�rie (Grewe 1985). Il a montr� qu'un relev� topographique pouvait rendre compte de l'organisation g�n�rale du chantier : des changements dans la pente du canal peuvent permettre de distinguer les sections prises en charge par des �quipes diff�rentes. 
Un retour sur le cas embl�matique de l'aqueduc de N�mes montre ce que l'on peut tirer de cette m�thode en prenant pour base les travaux de topographie conduits en 1989 par le d�partement de G�nie Civil de l'IUT de N�mes. Jusqu'alors, les relev�s des pentes permettaient de distinguer quatre sections : de la source d'Eure au Pont du Gard (au km 16) une pente moyenne de 0,67 m ; du Pont du Gard � Saint Bonnet (k 16 � 26), 0,07 m ; de Saint-Bonnet � Saint-Gervasy (km 26 � 38), 0,17 m ; de Saint-Gervasy � N�mes (km 38 � 50), 0,30 m . Les nouveaux relev�s ont montr� qu'en fait les pentes variaient de 0 � plus de 4 m au km et que le profil se d�composait en une succession de � neuf s�quences [.] suivies d'un tron�on � forte pente directement � l'amont ducastellum �. Cela J.-L. Fiches et Martin conduit � une observation qui recoupe celles de K. Grewe : � Ces s�quences peuvent [.] refl�ter un d�coupage pr�alable du trac� par rapport � des rep�res topographiques, voire une organisation du chantier de construction par �tapes ou entre plusieurs �quipes � (in Fabreet al. 2000, 134).
II - Les usagesLe trait� de Frontin sur les aqueducs de Rome et, pour la Gaule et les Germanies, des monographies comme celles qui ont port� sur les deux grands aqueducs de Cologne et de N�mes ou les recherches de J. Burdy sur les aqueducs de Lyon, permettent de restituer des projets pr�cis inscrits dans un milieu sp�cifique d'o� ils tirent leur originalit�. Leur examen a permis de dresser l'inventaire de la s�rie des solutions apport�es par les hydrologues romains � la conduite de l'eau. Je n'irai pas plus loin dans cette voie pour m'orienter vers une autre : montrer le parti que l'on peut tirer de cas plus difficiles, ceux des ouvrages dont la planification a �t� incertaine ou bien qui ont subi des modifications soit parce que leur fonctionnement ne donnait pas (ou ne donnait plus) satisfaction ou parce que place devait �tre faite � de nouveaux usages. Les grands aqueducs parfaitement planifi�s dont il a �t� question n'y ont pas eux-m�mes �chapp�. Ceci constitue un des aspects importants du trait� de Frontin. Mais c'est l� que la contribution de l'arch�ologie la plus importante. L� comme dans bien d'autres cas, on se rend compte que l'arch�ologie permet de relire les textes dont on pensait l'int�r�t �puis�.
1 - Les adaptations du trac�L'enqu�te arch�ologique de terrain permet une premi�re constatation : les trac�s varient pour deux raisons que nous examinerons successivement. La premi�re est que dans un premier temps l'objectif de l'alimentation de la ville en eau p�renne n'�tait pas atteint. La seconde est que l'entretien ou le maintien d'une canalisation implant�e dans un milieu parfois instable n'�tait pas assur�. Dans les deux cas, des corrections de parcours s'av�raient n�cessaires
Plus d'eauLe premier cas, celui du renforcement des d�bits, peut �tre examin� � partir de trois exemples choisis pour leur valeur d�monstrative qui correspondent � autant de situations diff�rentes qui ont �t� �tablies par des proc�dures arch�ologiques diff�rentes. Ils concernent, le premier, une ville p�r�grine d'Aquitaine, Saintes, les deux autres des colonies romaines de Narbonnaise. Dans leur �tat premier, ces ouvrages sont � peu pr�s contemporains.
SaintesSaintes,Mediolanum Santonum, est le chef-lieu de la grande cit� des Santons dont l'aristocratie riche et puissante occupait � l'�poque august�enne une position importante au conseil des Gaules. La ville a fait l'objet d'une importante monographie due � L. Maurin (1978, 100-105) qui, par la suite, a repris les donn�es sur la campagne dans un volume de la Carte Arch�ologique d�partementale de la Gaule (1999). L'aqueduc qui alimentait la ville constitue un excellent exemple des questions d'interpr�tation pos�es par l'h�t�rog�n�it� des conduites. 
Sa connaissance avait �t� renouvel�e par un ing�nieur, A. Triou (1968), qui, l'�tudiant en hydraulicien, a montr� que la ville avait �t� aliment�e successivement par deux aqueducs. Le plus r�cent avait partiellement emprunt� le canal du plus ancien, dont une partie avait �t� d�saffect�e. D'une ex�cution m�diocre, ce dernier prenait l'eau 5 km au nord est de la ville. Par la suite, le second avait capt� deux sources situ�es 7,4 km plus au nord. La particularit� de l'ouvrage vient de ce que le second canal �tait d'une qualit� nettement sup�rieure au premier. Logiquement on attendrait que la section du premier aqueduc emprunt� par le second dans sa partie aval ait �t� mis aux m�mes normes afin de pouvoir �couler le nouvel apport d'eau. Il n'en fut rien. Le canal subit seulement des modifications provisoires destin�es � assurer l'arriv�e de l'eau � Saintes : maintien en usage simultan� des deux canaux dans certaines sections ; modification de la section d'un passage en souterrain ; exhaussement des parois du canal sur les ouvrages d'art. Dans son �tude de l'histoire de la cit� antique, L. Maurin (1978) propose d'expliquer cette situation par un probl�me de financement : � les investissements consid�rables engag�s pour construire les aqueducs du Douhet et de V�n�rand ont �t� brutalement arr�t�s au moment o� les travaux arriv�rent au niveau de la jonction avec le premier aqueduc ; la source de financement (lib�ralit� imp�riale ou �verg�tisme municipal ou autre) se trouva alors tarie et ne fut plus aliment�e dans la suite, sans que l'on puisse fournir d'explication satisfaisante �.
Fr�jusDans le cas de l'aqueduc de Saintes, une �tude arch�ologique et hydrologique a r�v�l� le captage successif de deux sources. Il en va diff�remment de l'aqueduc de Fr�jus,Forum Iulii, importante colonie de citoyens romains constitu�e de v�t�rans de la VIIIe l�gion install�e sous Auguste entre 31 et 27 et port militaire qui re�ut des vaisseaux apr�s Actium. La connaissance de son aqueduc vient d'�tre renouvel�e par une importante monographie, fruit de recherches pluridisciplinaires conduites durant plusieurs ann�es (Gebaraet al. 2002). Elle applique une m�thodologie nouvelle �labor�e par les kartologues aixois dans l'�tude de l'aqueduc de N�mes. Dans sa planification, l'ouvrage semblait simple. On ne lui connaissait qu'une source, celle de la Siagnole de Mons (Le Neisson) � l'altitude de 515 m et � 42,5 km de Fr�jus. Les travaux r�cents ont amen� la d�couverte d'un second point de captage, 13 km � l'aval � La Foux dans la r�gion de Montauroux. N�glig�e des hydrauliciens actuels, cette source est d'un d�bit moins important et plus r�gulier que la source de la Siagnole. On pouvait penser qu'il s'agissait d'une alimentation annexe. C'est ici que la g�oarch�ologie de l'eau, c'est-�-dire l'intervention des disciplines naturalistes dans l'�tude arch�ologique s'est r�v�l�e d'un apport d�cisif. � la sortie d'une source karstique, comme c'est le cas ici, la temp�rature des eaux se modifiait, entra�nant la pr�cipitation des carbonates dissous en lamines microscopiques. Ces d�p�ts enregistraient les caract�ristiques g�ochimiques propres � la source et donc d'�ventuels changements, dans l'alimentation tels la mise en service d'une nouvelle adduction ou un changement quelconque dans l'apport de telle ou telle source ainsi que les variations du niveau de l'eau ou les interruptions dans la circulation. Leur composition refl�te les caract�ristiques de l'eau qui y a circul� et enregistre des changements d'alimentation (cf infra). Imm�diatement � l'aval de la convergence des deux conduits qui amenaient les eaux de la Siagnole et de La Foux, l'analyse de leur � signature � dans les d�p�ts a montr� que, contrairement � ce que l'on attendait, la premi�re source capt�e n'�tait pas la plus abondante. � Les premi�res couches de concr�tions semblent bien avoir �t� le produit des seules eaux de La Foux. Les suivantes qui pr�sentent des teneurs chimiques et isotopiques interm�diaires entre ces premiers d�p�ts et ceux produits par les eaux du Neisson sur le canal de la Siagnole, traduiraient une alimentation mixte � (Guendonet al. 2003, 182). Ainsi, pendant une vingtaine d'ann�es, Fr�jus se serait content� des eaux de La Foux. Mais dans ce cas, � la diff�rence de ce qui est arriv� � Saintes, les ing�nieurs avaient pr�vu le prolongement de l'ouvrage jusqu'� la source de la Siagnole de sorte que l'augmentation importante du volume des eaux n'a pas entra�n� de modifications sur la partie aval de l'ouvrage. 
ArlesArles est une autre colonie romaine constitu�e comme Fr�jus � l'issue de la Guerre Civile au profit des v�t�rans de la sixi�me l�gion. L'histoire complexe de son aqueduc illustre une situation sensiblement diff�rente des deux cas qui viennent d'�tre d�crits. Nous reviendrons plus bas sur la date de sa mise en service. Contentons-nous pour le moment d'une fourchette chronologique qui la place dans la premi�re moiti� du Ier s.. Cet ouvrage collectait les eaux des Alpilles, un massif calcaire dont le karst nourrit des sources qui ressortent � son pi�mont. 
Ces sources sont plus nombreuses qu'abondantes. Aucune n'�galant la source de l'aqueduc de N�mes au vallon d'Eure, la strat�gie des hydrauliciens romains qui sont all�s y chercher l'eau a �t� tr�s diff�rente de celle des N�mois : alors que les uns captaient une seule source, les autres �taient dans l'obligation de multiplier les apports � un ouvrage qui, de ce fait, n'est v�ritablement constitu� en tant que tel qu'au moment o� son trac� quitte le massif. De ce fait, on peut distinguer deux grands secteurs que s�pare la d�pression du marais des Baux : le premier correspond � la zone d'alimentation. Le second d�bute au nord de la vall�e des Baux, suit le rebord de la Crau et franchit les zones basses de la plaine d'Arles pour parvenir au rocher de l'Hauture o� se trouvait le r�partiteur. Au d�but du second si�cle, il fait l'objet d'une modification dont l'objectif n'est pas d'augmenter la quantit� d'eau qui arrive � Arles, mais de compenser le transfert d'une partie de l'eau � un usage industriel pour les moulins de Barbegal b�tis � ce moment pr�cis�ment � la transition des deux secteurs. La section qui nous int�resse est la section � l'amont de Barbegal. Bien qu'il se soit tromp� dans sa restitution du syst�me, L.-A. Constans (1921) avait bien per�u l'h�t�rog�n�it� de cette section o� il reconnaissait deux aqueducs. L'un, l'aqueduc dit � des Baux � ou � de Caparon �, collectait les sources du pi�mont sud ; l'autre, l'aqueduc de Saint-R�my ou d'Eygali�res, contournait le massif par l'ouest pour aller chercher les sources du pi�mont nord. Il datait le premier de l'�poque d'Auguste, le second de l'�poque d'Hadrien. F. Benoit (1940) avait fait avancer la question en montrant que l'aqueduc des Baux s'arr�tait � Barbegal, dont les vestiges �taient ceux de moulins et non ceux d'un siphon emprunt� par un aqueduc. L. A. Constans avait en effet imagin� que les deux aqueducs franchissaient s�par�ment la vall�e des Baux, l'un par un siphon, l'autre par un pont et qu'au-del� les deux canalisations �taient superpos�es, ce qui expliquait que l'on ne connaisse qu'un seul trac�. Reprenant l'opinion de F. Benoit qui datait du IVe s. la construction des moulins, A. Grenier admettait que les moulins auraient �t� cr��s pour utiliser un d�bit devenu exc�dentaire du fait du r�tr�cissement de la ville d'Arles. En fait, comme il l'observait, des difficult�s d'interpr�tation demeuraient. Les fouilles conduites en 1990 sur ce site (Leveau 1995) ont montr� que la construction du pont qui assurait l'ind�pendance des deux ouvrages �tait li�e � la r�organisation g�n�rale du syst�me. Auparavant, ils convergeaient dans un bassin situ� � l'amont des ponts jumeaux qui traversent le vallon des Arcs, 300 m � l'amont de Barbegal. � cette �poque Arles est � son apog�e et il fallait compenser la perte d'eau occasionn�e par la nouvelle affectation la branche de la vall�e des Baux. Comme il existait d�j� une seconde branche correspondant � l'arriv�e de l'aqueduc de Saint-R�my et comme elle est contemporaine de l'autre -sans quoi pourquoi les faire converger ?-, l'hypoth�se la plus vraisemblable est qu'elle a �t� prolong�e sur le versant nord des Alpilles pour collecter de nouvelles sources. J'arr�te l� l'expos� d'un probl�me qui n'a pas re�u de solution d�finitive. Mais j'y reviendrai, car il donne un bon exemple des conflits d'usage pos�s par l'utilisation des ressources d'hydraulique du massif. Ces conflits ne concernent pas seulement l'aqueduc d'Arles. L'usage des sources des Alpilles mettait en effet en pr�sence trois partenaires : les colons d'Arles constructeurs de l'aqueduc, les communaut�s anciennes des Alpilles, dont la plus remarquable est la ville deGlanum et les propri�taires desvillae romaines du massif. La complexit� de l'hydrologie de ce massif et l'exploitation qui en a �t� faite justifie que leur soit consacr� un d�veloppement particulier illustrant la mani�re dont l'arch�ologie peut aborder les conflits d'usage que suscite l'utilisation des eaux.
Une conduite plus courte et moins d�pendante du terrainFrontin donne une seconde raison de modifier le trac� d'un aqueduc : r�aliser conduite plus courte et moins d�pendante du terrain. � Maintenant, toutefois, sur certains points, aux endroits o� le conduit a �t� ruin� par le temps, le canal souterrain qui contournait les vall�es a �t� d�laiss� pour traccourcir et on traverse celles-ci sur mur de sout�nement et sur arcade �Iam tamen, quibusdam locis, sicubi ductus vetustate dilapsus est, omisso circuitu subterraneo vallium, brevitatis causa, substructionibus arcuationibusque traiciuntur(De Aquaeductu 18, 5). Cherchell,Caesarea de Maur�tanie, est une importante fondation d'un prince africain mis � la t�te d'un royaume par l'Empereur Auguste. Elle re�ut de son fondateur un �quipement urbain consid�rable comportant vraisemblablement l'aqueduc qui alimentait la ville (Leveau et Paillet 1976). 
Travaillant sur un pont d'une trentaine de m�tres de hauteur qu'il empruntait pour franchir une vall�e profonde, J.-L. Paillet et moi-m�me avons eu la surprise de constater qu'� l'amont de l'ouvrage, le conduit se trouvait une douzaine de m�tres au-dessus de la cul�e et qu'il remontait la vall�e, d�crivant une boucle de plus de 3 km pour retrouver � son terme le conduit construit sur le pont. Celui-ci avait donc �t� b�ti pour �viter le d�tour que faisait le premier ouvrage. La d�nivellation dizaine de m�tres correspondant � la hauteur perdue par le canal dans ce parcours �tait compens�e par un syst�me de chutes, le seul de ce type qui ait �t� d�crit pour un aqueduc romain (Leveau et Paillet 1976, 64-67 et 76-77). L'exemple de ce raccourcissement de l'aqueduc devait nous conduire � envisager un second raccourcissement plus important, 9 km au lieu de 3,5 km, du m�me ouvrage � l'aval, avec la construction du pont de l'oued Bellah. Sur ce parcours, aucun syst�me de chute n'a �t� observ�. Mais l'hypoth�se de la reconstruction compl�te du canal sur un parcours moins expos� que l'ancien est la seule qui rende compte de l'existence de deux canaux. Dans ce cas, le premier aqueduc a pu continuer � fonctionner pour acheminer vers la ville les eaux provenant d'autres sources ou �tre totalement abandonn�. Li�e au d�sir de rendre les canalisations plus fiables et plus faciles � entretenir, une telle situation a exist� ailleurs. En Gaule, on peut verser au dossier, le cas de l'aqueduc du Gier � Lyon. Les auteurs d�crivent en effet dans sa partie amont, une boucle, la boucle de la Dur�ze, qui a n�cessit� la construction de plusieurs ponts et d'un court tunnel, la � cave du Cur� � (Burdy 1996, 75-91). Elle est recoup�e par le siphon de Chagnon, long de 700 m. Si l'on en croit les m�mes auteurs, l'�volution du trac� se serait faite dans le sens oppos� de celle qu'a not�e Frontin. La boucle aurait �t� construite � la suite de l'abandon du siphon amenant un allongement du parcours de 11,5 km � flanc de coteau. Compte tenu du texte de Frontin, l'hypoth�se contraire para�trait la plus vraisemblable si une inscription d�couverte � Chagnon ne rappelait l'interdiction faite par autorit� de l'empereur Hadrien de labourer, de semer ou de planter sur l'espace de protection de l'aqueduc (CIL XIII 1623). Seule �videmment une fouille permettrait de valider la bonne hypoth�se (Burdy 1996, 296). Il en va de m�me des remaniements de trac� relev�s par G. Garbrecht sur l'aqueduc du Ka�kos qui alimentait la ville de Pergame en Asie mineure (Garbrecht 1987 : 41-42). Sous Hadrien, des tremblements de terre auraient contraint � abandonner des ponts trop �lev�s et trop fragiles au profit de trac�s plus longs, mais ne n�cessitant pas d'aussi importants ouvrages d'art. Dans ces deux cas, l'hypoth�se inverse me para�t pr�f�rable.
2 - Les concurrences d'usage ou l'eau pour l'agriculture, la vie urbaine et l'�nergieLa seconde s�rie de donn�es sur lesquelles nous renseigne l'arch�ologie des aqueducs porte sur les changements d'utilisation et les conflits d'usage. En principe, dans la majeure partie des provinces de l'Empire, les aqueducs ont �t� construits pour alimenter un �tablissement urbain ou une grande villa r�sidentielle. La s�paration des deux branches de l'aqueduc d'Arles et l'affectation de l'une d'elles aux moulins de Barbegal (Leveau 1995) constitue sans doute le plus remarquable de modification d'un syst�me hydraulique par changement d'utilisation que l'on connaisse. 
Ces deux usages, pour l'alimentation d'un habitat et pour la production d'�nergie, n'�taient pas concurrents. Palladius conseillait aux propri�taires devillae d'utiliser l'eau des thermes pour faire tourner des moulins. En revanche ces usages de l'eau intervenaient en concurrence avec un autre, l'usage agricole. Durant les s�cheresses estivales, les paysans m�diterran�ens n'ont certainement pas vu avec plaisir les sources qui irriguaient leurs cultures capt�es pour des usages urbains ou pour l'agr�ment des r�sidences rurales des puissants. De leur c�t�, ces derniers avaient les moyens de d�tourner l'eau des aqueducs pour irriguer des cultures. Frontin en fait �tat et il n'est pas le seul. Comment l'arch�ologie peut-elle apporter des documents � cette question ? La simple prospection peut donner des r�sultats. Je pense � des installations du type de celles de l'oued Soromane sur l'aqueduc de Cherchell o� j'avais identifi� un nymph�e de grands bassins, sans pouvoir �tablir une relation avec l'aqueduc. Il vient �galement � l'esprit une comparaison avec les probl�mes qu'eurent � traiter les autorit�s fran�aises qui r�tablirent l'aqueduc de Carthage � l'�poque du protectorat. Lass�s par les incessantes br�ches ouvertes dans le canal par des �leveurs pour abreuver leurs troupeaux, ils install�rent des fontaines � l'intention de ces derniers. Mais seule une fouille extensive et syst�matique pratiqu�e le long d'un aqueduc peut r�v�ler la pr�sence de ces branchements dont les textes prouvent qu'ils �taient pratiqu�s par les riverains avec sous ou sans l'autorisation des autorit�s urbaines pour alimenter des habitats mais aussi servir � un usage agricole. Les recherches dont a �t� l'objet l'aqueduc de N�mes apportent de pr�cieux renseignements sur cette question. Depuis longtemps, on avait identifi� contre les ma�onneries de gros amas de concr�tions carbonat�es dont le volume d�passait plusieurs dizaines de m3. Distincts des d�p�ts li�s � des fuites duspecus, ils correspondent � des br�ches ouvertes intentionnellement. Au XIXe s. d�j�, aux arches de la L�ne, sur l'un des trois plus importants, J. Teissier-Rolland avait observ� des traces de vannes et formul� l'hypoth�se d'une utilisation de l'eau de l'aqueduc par les habitants de Vers pour l'irrigation de leurs champs (Fabreet al. 2000, 81 et 412). D'autres existent � la Valive (ibid., 327-329). La formation de ces amas suppose qu'une grande quantit� d'eau s'�coulait par ces br�ches. Les am�nagements qui les ont occasionn�s ne sont pas dat�s avec pr�cision. En chronologie relative, ils remontent � une �poque o� le captage de la source d'Eure �tait toujours en fonction, mais o� l'eau fournie �tait de mauvaise qualit�. Ils sont ant�rieurs � une remise en usage de l'aqueduc pour l'alimentation urbaine, dat�e des IVe s. et Ve s. (ibid. 414). On h�site entre deux usages : l'irrigation ou l'alimentation de moulins. Au total, sous ces aspects, dans son parcours de la vall�e de l'Alzon, l'aqueduc de N�mes offre un remarquable exemple de concurrence dans les usages de l'eau. C'est sur ces aspects qu'il a �t� �tudi� par M. Gazenbeek, puis par L. Buffat (2004).
3 - Concurrence et compl�mentarit� des usages : l'exemple de l'hydraulique antique dans les AlpillesL'exemple de l'aqueduc d'Arles qui procurait � la colonie romaine l'essentiel de l'eau n�cessaire � ses besoins a �t� l'occasion d'�voquer les Alpilles, un massif calcaire qui, dans le paysage r�gional, forme un contraste saisissant avec la plaine alluviale. Ce massif est remarquable par l'importance des vestiges d'exploitation hydraulique. Ils ne se r�sument pas aux captages dont nous allons traiter ici. Entre Paradou et Fontvieille, � l'est du massif des D�fends de Sousteyran, le bassin des Taillades est une doline qui fut pourvue d'un exutoire artificiel � l'�poque romaine. Creus�e dans la roche tendre sur quelques centaines de m�tres � partir de puits, la galerie qui �vacue l'eau en exc�dent est m�me le plus remarquable ouvrage hydraulique romain de ce type qui soit conserv� dans la r�gion proven�ale (Gateau et Gazenbeek 1999, 166-168 ; Grewe 1998, 98). Les Alpilles sont d'abord un ch�teau d'eau qui assure un d�bit stable aux sources capt�es � sa p�riph�rie sur ses pi�monts, celles que captait l'aqueduc d'Arles. Sur le pi�mont sud du massif, une branche (devenue ensuite aqueduc de Barbegal) collectait plusieurs sources aliment�es par les aquif�res karstiques du flanc sud de l'anticlinal de Manville au nord de la plaine de Paradou-Maussane et par les infiltrations circulant le long de la faille est-ouest qui borde la d�pression du Mas de la Dame. Son point de d�part se trouve au Paradou. L'une des sources se trouve au vallon d'Entreconque au nord-est de Maussane o� son conduit ma�onn� a �t� identifi�. On suppose qu'il captait la source du Mas de la Dame. Au nord de Maussane, la source de Manville constituait probablement une alimentation annexe, ainsi que celle du mas d'Escanin. Principale source de l'aqueduc, la fontaine d'Arcoule �tait capt�e par un barrage qui a disparu � la suite des travaux modernes. Actuellement il ne reste plus rien d'accessible sauf � La Burlande (Le Paradou) o� l'on peut encore voir un bassin qui assurait la convergence de deux canaux qui pourraient venir l'un de la fontaine d'Arcoule, l'autre du vallon d'Entreconque. Dans une mise au point sur le peuplement protohistorique du massif, P. Arcelin soulignait la relation qui existe entre la carte des points d'habitat connus et celle � des potentialit�s hydrologiques, des r�surgences et points d'eau bien plus nombreux au contact avec les pi�monts et les plaines � (in Gateau et Gazenbeek 1999, 64). En fait, les Alpilles ne sont pas un simple ch�teau dont profitaient les habitats de sa p�riph�rie. � l'int�rieur du massif, il existait deux types des sources. Les moins importantes et les moins constantes �taient aliment�es par le r�servoir des formations d�tritiques superficielles ; les autres b�n�ficiaient d'un d�bit constant assur� par des r�surgences karstiques li�es � structure g�ologique complexe du massif. Situ�e au cour du massif au fond d'un ravin de son versant nord, la ville de Glanum doit son existence � cette particularit� hydrologique L'eau circule au fond de talwegs entre les d�p�ts torrentiels et le substrat de marnes et de calcaires argileux (Barr�miens) o� elle est capt�e au fond de puits. Mais surtout, l'aquif�re du Mont Gaussier alimente sur r�surgence karstique capt�e par un aqueduc (Augusta-Boularot et Paillet, 2003, 108, 112). La pr�sence de l'eau a paru si remarquable aux arch�ologues qui l'ont �tudi�e qu'ils en ont fait un sanctuaire des eaux organis� autour d'une source anciennement capt�e. Le site se trouve � la convergence de deux gaudres, cours d'eau de faible rang au r�gime contrast�, ass�ch�s l'�t� mais susceptibles d'�pisodes torrentiels, les gaudres de Saint-Clerg et de N.-D.-de-Laval. Les eaux qui circulaient au fond du premier d'entre eux avaient �t� collect�s dans la fontaine monumentale.Glanum est un site d'une richesse monumentale �tonnante, que, frapp�s par le contraste qu'il offrait avec la d�solation de l'environnement, les arch�ologues a cru isol� dans une zone hostile, en particulier, d�favorable � la vie agricole. Le paradoxe de ce site a autoris� et suscit� des interpr�tations qui privil�giaient le facteur religieux pour en expliquer l'origine protohistorique et la continuit� � l'�poque romaine. Depuis, les prospections r�alis�es par M. Gazenbeek (Gateau et Gazenbeek 1999) et les recherches sur l'�pigraphie de la ville (Christol et Janon 2000) lui ont rendu sa place parmi les villes de la r�gion. On s'est rendu compte qu'il s'agissait bien d'une ville dot�e d'un territoire propre et que l'on ne pouvait plus lui appliquer les raisonnements qui avaient pr�valu dans les premiers temps de la recherche. Le paradigme d'une romanisation brutale et r�pressive associ�e � l'id�alisation des peuples Salyens avait emp�ch� d'appr�hender dans sa complexit� juridique le partage des eaux du massif : l'aqueduc d'Arles traversait le territoire d'une collectivit� ancienne qui avait d� lui en reconna�tre le droit sans pour autant perdre son autonomie. � partir du moment o�Glanum �tait identifi�e comme une ville, se posait le probl�me d'une alimentation � laquelle les installations connues pouvaient difficilement r�pondre. C'est alors que la recherche s'est int�ress�e au barrage qui se trouve � quelques kilom�tres de l�. Une �tude conduite par S. Agusta-Boularot et J.-L. Paillet (1999) a permis de restituer le barrage-vo�te, -le premier barrage-vo�te romain qui ait �t� identifi�-, qui avait �t� �difi� � l'emplacement de l'actuel. On aurait �lev� un plan d'eau artificiel � un niveau suffisant pour qu'une canalisation circulant � flanc aboutisse dans la ville. Techniquement possible, cette hypoth�se formul�e une dizaine d'ann�es auparavant (Leveau 1989, 65-66) s'appuie sur les traces (t�nues) d'un ouvrage de sout�nement d'une canalisation circulant � flanc de coteau jusqu'� son aboutissement dans la ville. La poursuite de ces travaux a amen� la d�couverte d'autres alimentations dont la plus remarquable est une petite r�surgence karstique capt�e dans le vallon Saint-Clerg (Agusta-Boularotet al. 2003). De ce fait, il faudrait sans doute reconsid�rer la place accord�e au barrage dans l'alimentation de la ville. Sa destination principale pourrait �tre l'irrigation de jardins install�s sur le pi�mont nord des Alpilles. Des installations hydrauliques du m�me type sont signal�es par F. Benoit dans les vallons avoisinants. M. Gazenbeek en a d�couvert �galement dans le vallon d'Auge, dans la partie occidentale du massif o� l'exploitation de la couche continue et imperm�able de la bauxite a tari les sources karstiques. Depuis F. Benoit, on admettait qu'elles alimentaient une branche de l'aqueduc. M. Gazenbeek a montr� que ces installations hydrauliques �taient li�es � une importantevilla (in Gateau et Gazenbeek 1999, 164 18*). On aurait l� une explication de la grande prosp�rit� de ce massif durant la p�riode antique. La concurrence dans l'exploitation des ressources hydriques du massif concernait non l'int�rieur du massif mais son pi�mont. Sur le versant nord, l'aqueduc disputait auxvillaeromaines des sources dont le d�bit b�n�ficiait de l'orientation du pendage. Prise individuellement, chaque source est susceptible d'avoir aliment� un �tablissement -unevilla- ou m�me d'avoir �t� capt� pour l'irrigation d'un pi�mont. Une tradition le fait partir le canal de la source d'Eygali�res, un secteur o� les captages modernes ont fait dispara�tre toute trace de l'ouvrage romain, si toutefois il a bien exist�. Apr�s l'abandon de l'aqueduc, les m�mes sources ont continu� d'�tre exploit�es, de sorte que leur utilisation par les Romains est le plus souvent seulement pr�sum�e. Seule une utilisation moderne est attest�e de sorte qu'il est impossible de se prononcer avec certitude sur l'affectation des sources. Des prospections et les fouilles (in�dites) de M. Gazenbeek ont montr� que la branche orientale de l'aqueduc d'Arles avaient fait au Paradou l'objet de piq�res - peut-�tre ill�gales- dont on ignore la destination, mais qui �taient probablement li�es � son changement de destination � la suite de la construction de l'usine de Barbegal au d�but du IIe s. (Leveau 1995). Au Moyen �ge, des documents du XIIe s. �voquent un m�me changement d'usage pour sa branche de Saint-R�my : un b�al �tait encore aliment� par l'aqueduc romain d�tourn� de sa fonction originelle, mais demeur� un facteur essentiel du paysage r�gional (Gazenbeek 2000). Son d�bit qui est en temps normal de 0,34 m3/s varie entre 0,18 m3 /s � l'�tiage et � pr�s de 4 m3 lors de grandes crues (d�bit moyen). Ses eaux se perdaient dans les marais de Maillane. � l'aval, sur la commune de Fontvieille, il alimentait probablement le petit moulin du haut Moyen Age qui a �t� d�couvert � la Calade (Amouricet al. 2000).
III - L'aqueduc, de l'entretien � l'abandonLes observations qui viennent d'�tre pr�sent�es portaient essentiellement sur les aqueducs dans leur globalit�. Nous allons maintenant nous tourner vers les �l�ments constitutifs de l'ouvrage, le canal et ses substructions, afin de voir comment leur �tude arch�ologique peut nous renseigner sur l'histoire individuelle de ces ouvrages, sur leur entretien jusqu'au moment de leur abandon. Pour la commodit� de l'expos�, je distinguerai l'entretien du conduit et celui des ma�onneries qui le portent. Dans le premier cas, les facteurs de d�gradation sont li�s aux caract�ristiques internes de ce conduit ; il s'agit donc plut�t d'un vieillissement in�luctable qui, nous allons le voir, porte sur le canal. Dans le second, ce vieillissement affecte les mat�riaux. Mais il s'agit plut�t d'�v�nements ponctuels entra�nant une rupture du canal, donc une interruption brusque de l'�coulement de l'eau pour des raisons qui ont plut�t leur origine dans le milieu environnant. Frontin qui consacre � ces questions la derni�re partie de son trait� distingue quatre causes. Le constructeur a prise sur deux d'entre elles. Il peut �viter les malfa�ons (male factum) et lutter contre les comportements d�lictueux (impotentia) despossessoires � la diff�rence des deux autres, le vieillissement (vetustas) et l'action des �l�ments naturels (tempestates). Dans son expos�, Frontin s'�tend sur les causes qui rel�vent de sa fonction : les agissements de riverains. La fin de son trait� contient donc une liste de textes juridiques o� l'on trouvera une liste des infractions qui peut �tre confront�e � l'observation arch�ologique. Quelques exemples en ont �t� donn�s. Plus difficile est sans doute l'identification des malfa�ons. En dehors de cette allusion, la lettre o� Pline d�nonce � Trajan les malversations dont ont �t� victimes des habitants de Nicom�die est assez explicite. J.-L. Paillet et moi-m�me avions propos� d'en identifier dans l'�tude que nous avions conduite sur l'aqueduc de Cherchell. Mais il est toujours bien difficile de les distinguer d'erreurs de l'architecte, -toujours difficiles � �tablir- et surtout de facteurs naturels (tempestas). Nous allons maintenant nous int�resser plus particuli�rement � ces derniers en nous appuyant sur la distinction que Frontin �tablit entre les effets du temps et ceux d'�v�nements catastrophiques.
1 - Le vieillissement (naturel) du canal et la g�oarch�ologie de l'eauLe vieillissement peut porter sur les mat�riaux. Il concerne, bien entendu, d'abord sur les mat�riaux de mauvaise qualit�, mortiers mal dos�s ou insuffisamment travaill�s, pierres de mauvaise qualit�. Dans la majorit� des cas, cela rel�ve des mal-fa�ons, dont Frontin note au passage qu'elles se rencontrent surtout sur des ouvrages r�cents. On comprend pourquoi : la prise des mortiers ou des b�tons de chaux bien pr�par�s s'am�liore avec le temps. Le vieillissement peut porter sur la pierre. Sans parler des maladies actuelles qui affectent celle-ci et qui sont un ph�nom�ne r�cent li� � la pollution, ou de mal-fa�ons comme les fissures affectant des blocs mal plac�s (en � d�lit �), il faut prendre en compte le vieillissement de mat�riaux r�sistant mal aux intemp�ries. Mais, sur l'architecture d'un pont, il est toujours difficile � distinguer l'effet de la pluie de celui de fuites qui d�sagr�gent la pierre. Dans le passage auquel il a �t� fait allusion plus haut, Frontin donne une description pr�cise du vieillissement des canaux : � Le d�p�t se durcit, parfois m�me forme une couche de tartre qui resserre le passage de l'eau ou bien le rev�tement int�rieur se d�grade, ce qui provoque des fuites � ( aut enim limo concrescente qui interdum in crustam indurescit, iter aquae coartatur aut tectoria corrumpuntur, unde fiunt manationes) (De AquaeductuCXXII). D�crit pour les aqueducs de la ville de Rome, ce processus naturel caract�ristique des eaux fortement charg�es en carbonates affectait les aqueducs aliment�s par des sources dans les pays de relief calcaire. Nous avons vu l'int�r�t que pr�sentait leur �tude pour l'identification des sources. D'une grande duret�, les concr�tions s'accumulaient sur les parois selon des profils caract�ristiques affectant la forme d'un gobelet ou d'un calice (id., ibid., 235). 
Sur l'aqueduc de N�mes, � la Sartanette, leur �paisseur atteint 50 cm, ce qui repr�sente un poids de 2,5 t/m, le double du m�me volume d'eau. Ces d�p�ts internes ont pu mettre en p�ril les architectures :Pilae quoque ipsae tofo exstructae sub tam magno opere labuntur : " les piliers, �galement construits en tuf, subissent des tassements sous une telle charge " (De Aquaeductu, CXXII). Il �tait tr�s difficile de lutter contre eux. On a bien identifi� en plusieurs endroits sur les parois des traces de grattage. Mais cette op�ration ne pouvait �tre pratiqu�e que dans des endroits pr�cis. Les observations faites sur l'aqueduc d'Arles au niveau du vallon des Arcs montrent les limites de son efficacit�. Sur le pont qu'avait emprunt� l'aqueduc pour franchir ce vallon, on observait un surprenant surhaussement du radier, de l'ordre d'une cinquantaine de cm. L'explication la plus vraisemblable est qu'il s'agit d'une adaptation aux cons�quences des difficult�s d'�coulement occasionn�es par les d�p�ts carbonat�s � l'aval. La diminution de la section qui en r�sulte aurait conjugu� ses effets � ceux du coude � 90� que fait le canal � la sortie du pont en obliquant vers l'ouest. Un ralentissement de l'�coulement � ce niveau par perte d'�nergie aurait entra�n� accumulation centim�trique de l'eau � cet endroit et � l'amont une �l�vation d�cim�trique du niveau de remplissage du canal sur la totalit� du pont. Plut�t que de d�gager ou de refaire le canal � l'aval du pont, on aurait modifi� le profil d'�coulement sur le pont. Des modifications effectu�es sur le Pont du Gard ont peut-�tre la m�me explication. J.-L. Fiches et J.-L. Paillet avaient observ� que, sur le pont, les parois du canal avaient �t� exhauss�es d'une soixantaine de centim�tres. Les traces de cette op�ration sont conserv�es dans le cuvelage (Fiches et Paillet 1989). Selon eux, cette modification aurait �t� r�alis�e peu de temps apr�s sa mise en service. Un bassin de r�gulation implant� � l'amont du pont pour vidanger la canalisation permettait de r�guler l'�coulement en �vacuant l'eau en exc�s. L'architecte aurait sous estim� les risques de d�bordement sur un ouvrage dont l'altitude avait �t� command�e par un souci d'�conomie, -lui donner une hauteur minimale compatible avec l'�coulement de l'eau jusqu'� l'altitude pr�vue � N�mes. Sur un ouvrage dont la pente �tait particuli�rement faible, les effets de l'encro�tement des parois du conduit � l'aval de l'ouvrage ont pu se faire sentir assez rapidement, au bout de quelques d�cennies. Ces d�p�ts dont la formation est in�vitable doivent �tre distingu�s de d�p�ts constitu�s de fragments de roche introduits accidentellement dans le canal ou provenant de sa d�gradation. Leur consolidation est due � la pr�cipitation des carbonates dissous dans l'eau, qui constitue le ciment des d�p�ts qualifi�s de � d�tritiques � du fait de leur origine. L'apparition de ces d�p�ts correspond � un d�faut d'entretien des ma�onneries du canal. Malgr� l'interdiction de semer et de planter qui s'appliquait � leurs abords, celles-ci sont en effet attaqu�es � l'ext�rieur par les racines. � l'int�rieur, des crues ou la lente mont�e de l'eau du fait de l'entartrage d�gradaient la partie sup�rieure duspecus et la vo�te qui n'�taient pas prot�g�es par l'opus signinum. La lutte contre cette obstruction consistait donc � la fois dans l'entretien de la ma�onnerie, dans le t�moignage des abords et dans la visite r�guli�re du canal pour �vacuer les s�diments pi�g�s. Sur l'aqueduc de N�mes, � proximit� d'un pilier des arches de la L�ne, on a trouv� un tas de s�diments de ce type � l'aplomb d'un regard d'acc�s � l'int�rieur duspecus (Guendon et Vaudourin Fabreet al. 2000, 240). En d�finitive donc, cette s�dimentation nous renseigne sur la qualit� d'un entretien du canal en proportion inverse duquel elle se d�veloppe.
2 - L'arch�ologie des aqueducs et la question des risques naturels (tempestas)Frontin pr�cise la seconde cause naturelle de destruction dont il fait �tat. L'action des �l�ments est plus forte sur les parties a�riennes des aqueducs que sur les parties enterr�es et sont particuli�rement expos�s : les parcours sur les versants et les travers�es de cours d'eau (De Aquaeductu CXXI). Il a d�j� �t� question des difficult�s que les ing�nieurs rencontraient parfois pour ancrer une canalisation sur un versant abrupt affect� par des glissements de terrain. Cette difficult� est � l'origine de recoupement de boucles. L'�tude que J.-L. Paillet et moi-m�me avions conduite sur l'aqueduc de Cherchell avait �t� l'occasion d'observer de telles modifications de trac�s. L�, dans un relief abrupt affect� par des ph�nom�nes de solifluxion, les ing�nieurs avaient �t� contraints de renoncer � un premier trac� qui aboutissait dans la ville aux environs de la cote de 40 m et permettait d'en desservir � peu pr�s tous les quartiers, pour adopter un trac� plus s�r mais dont le point d'aboutissement �tait inf�rieur d'une dizaine de m�tres. Sur un m�me ravin (Bouchaoun sur l'oued Boukadir), nous avons trouv� les restes de deux et peut-�tre m�me de trois ponts d'aqueduc qui, situ�s � des altitudes diff�rentes, t�moignent des solutions adopt�es successivement pour faire franchir au canal un passage oblig� (Leveau et Paillet 1976, 56-62). Sur l'aqueduc de Fr�jus, dans la vall�e du Reyran, J.-M. Michel signale trois exemples d'accolement d'arches qu'il explique par des probl�mes structurels (in Gebaraet al. 2002, 132). Le quatri�me cas, la construction d'un nouveau pont aux arches S�n�quier, rappelle tout � fait la situation observ�e dans la gorge de Bouchaoun (Gebara 2002, 149-150). Il s'agit toujours de secteurs bien particuliers. � Lyon, J. Burdy observe que sur les cinq ponts de l'aqueduc lyonnais du Gier qui � ont �t� remani�s ou reconstruits, quatre [l'ont �t�] sur les bases m�me du pont primitif, et le cinqui�me quelques m�tres en aval. Tous se situent dans le premier tiers du parcours, alors qu'on n'a pas relev� le moindre indice d'une reconstruction des ponts qui suivent �. Dans la zone du bassin houiller st�phanois, le substrat g�ologique produit � des sols peu stables et de mauvais mat�riaux de construction � (Burdy 1996, 255). Le risque encouru par les canaux d'aqueducs sur les versants instables se fait sentir progressivement. Il rel�ve d'une chronologie diff�rente de celui qu'une crue fait courir � un ouvrage de franchissement de cours d'eau. En milieu m�diterran�en, des ruisseaux voient leurs d�bits rapidement multipli�s. L'eau montant brutalement, les piliers et le tablier font barrage et l'ouvrage est emport�. � la diff�rence de ce qui advient pour les ponts routiers - on peut franchir un cours d'eau dans son lit, � gu� ou par un bac-, ce risque ne pouvait pas �tre �vit� : pour faire passer un aqueduc, y compris dans le cas siphons[1], il faut un pont. De ce fait, il importe de savoir comment ce risque a �t� trait� par les architectes dans un projet initial ou lors des r�fections dont ces ouvrages ont �t� l'objet, comme le doublage d'arches, la consolidation des architectures par des contreforts, un ensemble d'op�ration pouvant aller jusqu'� la reconstruction compl�te d'ouvrages d'art ou le d�placement de la canalisation. Les catastrophes r�centes survenues dans le Sud-Est de la France ont attir� l'attention sur deux ponts romains dont la r�sistance qui a �tonn� s'explique en partie par leur conception : le pont de Vaison-la-Romaine, un pont routier, et le Pont du Gard. Le Gardon coule normalement � une altitude de 20 m. Son lit moyen, atteint par les crues ordinaires, se situe � environ 22,5-23 m NGF. En 1910 et en 1958, des crues ont atteint une altitude d'environ 28 m N.G.F. En 1958, une crue d'ampleur comparable est observ�e. La crue des 8 et 9 septembre 2002 qui a d�pass� � cet endroit la c�te de 30 m N.G.F. a v�rifi� la validit� des calculs des architectes romains. Les arches d'une ouverture inhabituelle, qu'ils ont construites, constituent la preuve d'une prise en compte du ph�nom�ne : la plus large mesure 24,50 m d'ouverture et a une hauteur de 21, 87 m permettant au tablier de rester hors d'eau[2].. Par ailleurs en d�gageant la fondation de la pile nord de la cinqui�me arche, cette grande crue a permis d'observer le soin avec lequel avaient �t� r�alis�s l'implantation et l'ancrage de l'ouvrage (Bessac 2004, 192-193). Dans le cas du pont Julien sur la voie Domitienne entre Avignon et Apt, J.-M. Mignon a propos� d'expliquer la reconstruction dont il a fait l'objet par la n�cessit� de tirer les le�ons de la destruction d'un premier pont par une crue (Mignon 2003, 81). Tout ce qui vient d'�tre expos� exprime le point de vue de l'arch�ologue qui examine le b�ti. Dans les pays au relief accident� des rives de la M�diterran�e, le trac� des aqueducs n'est pas soumis seulement aux contraintes de l'hydrologie ; il prend en compte le relief. Nous avons suffisamment vu d'exemples de la d�pendance de ces ouvrages par rapport � la topographie pour qu'il soit inutile d'y revenir. Mais si, dans ce domaine, on souhaite d�passer le niveau de la constatation pour passer � l'explication et �galement �valuer la pertinence des choix effectu�s, il faut la collaboration du g�omorphologue qui, comme le karstologue pour les d�p�ts carbonat�s des aqueducs, peut �tre int�ress� par la donn�e chronologique que fournit un canal d'aqueduc pour l'histoire naturelle d'un versant. Les g�omorphologues n'ont pas ignor� cette opportunit�. Mais encore peu d'entre eux ont accept� de suivre le parcours d'un aqueduc pour tenter de r�pondre � ces questions. Cela fait l'int�r�t de l'�tude qui a port� sur le � contexte g�omorphologique et historique de l'aqueduc de Nicopolis � en Gr�ce (Doukelliset al., 1995) Le troisi�me th�me tout autant d'actualit� sur lequel se sont �tablies des relations entre g�omorphologues et arch�ologues est celui du risque sismique. Compte tenu de l'importance du risque sismique en Asie mineure et des d�sastres subis par les villes d'Asie Mineure dont font �tat nos sources, on ne s'�tonnera pas que les traces de sismicit� historique aient �t� recherch�es sur des ouvrages lin�aires dont le trac� pouvait recouper des failles. C'est ainsi qu'elle a �t� �voqu�e pour le bouchage d'arches de l'un des aqueducs alimentant � l'�poque romaine, la ville de Pergame en Asie mineure, l'aqueduc du Ka�kos. G. Garbrecht rel�ve dans son trac� de nombreuses restaurations et des remaniements qu'il propose de dater � partir des tremblements de terre de l'�poque d'Hadrien (Garbrecht 1987, 41-42). Cette hypoth�se demande � �tre confirm�e par des fouilles. On a �voqu� plus haut les remaniements de trac� qui existent sur l'aqueduc de Cherchell dans une r�gion d'Alg�rie dont la sismicit� est connue (Leveau 1976, 64-67) : aucune source antique n'y fait conna�tre de tremblements de terre, mais il est peu vraisemblable qu'aucun ne se soit produit et que les ing�nieurs romains n'en aient pas eu connaissance. Si ce fut le cas, ils eurent raison de ne pas en tenir compte : le dernier tremblement de terre du Ch�lif (El Asnam) ressenti � Cherchell n'a pas fait tomber une seule pierre de l'aqueduc ; les remaniements du trac� ont, nous l'avons vu, une tout autre explication. Dans le cas de N�mes, les g�ographes qui se sont int�ress�s au probl�me n'ont observ� sur ses architectures aucune preuve formelle de " marque " tectonique. Une destruction pour la r�cup�ration des mat�riaux est beaucoup plus vraisemblable que l'effet d'anciens tremblements de terre, quoiqu'ait pu en penser �. Esp�randieu. En fait, les signatures sismiques se sont r�v�l�es plus complexes dans leurs manifestations et leur interpr�tation (Ficheset al. 1997).
3 - L'utilisation de l'aqueduc comme carri�reOn a du mal � �valuer le r�le du d�veloppement des concr�tions internes dans l'abandon des aqueducs. Le facteur essentiel de cet abandon est probablement le d�clin de la vie urbaine. Il reste que la diminution des d�bits entra�n�e par l'engorgement des canalisations rendait de moins en moins int�ressant l'entretien du canal. Apr�s leur abandon comme adduction urbaine, un usage partiel des ouvrages demeure pour l'alimentation de moulins et pour l'irrigation. C'est alors que ces ouvrages sont livr�s aux r�cup�rateurs. L'une des r�cup�rations dont le canal est l'objet porte sur les concr�tions internes. K. Grewe en a fait l'histoire pour l'aqueduc de Cologne qui fournit une pierre particuli�rement appr�ci�e pour son caract�re d�coratif : sous la d�nomination de � marbre du canal �, elle a �t� utilis�e pour des colonnes de l'�glise carolingienne d'Aix-la-Chapelle. Des observations analogues ont �t� faites sur des ouvrages qui avaient �t� affect�s par le m�me mal. L'utilisation de plaques extraites du canal pour la couverture de sarcophages des VIe ou VIIe s. constitue une preuve de l'arr�t du fonctionnement de l'aqueduc. J.-L. Paillet a �tudi� l'utilisation de cette pierre dans les monuments m�di�vaux de la r�gion de Remoulins et en a dress� une liste (Pailletin Fabreet al. 2000, 425-434). Mais l'utilisation essentielle de ces ouvrages apr�s leur abandon a �t� la r�cup�ration des mat�riaux. Cette exploitation qui a entra�n� leur disparition explique que l'on n'en retrouve plus aucune trace, sauf en fondation ou sur des segments �pargn�s parce qu'oubli�s sous des d�blais. � titre d'exemple, je pr�senterai le cas du Vallon des Arcs � Fontvieille, dont l'int�r�t est d'illustrer les difficult�s qu'entra�ne cette exploitation pour la compr�hension d'un ouvrage de ce type. Ce vallon �tait travers� par deux ponts. Mais, � la diff�rence des ponts doubles dont il a �t� question plus haut, ils correspondent aux deux canaux aliment�s chacun par une des deux branches de l'aqueduc et alimentant l'un les moulins de Barbegal, l'autre la ville d'Arles. Les deux ouvrages n'�tant pas contemporains. L'un avait �t� b�ti en grand appareil. Dans l'autre, cet appareil n'avait �t� utilis� qu'� la base des piliers et pour les impostes. Le reste �tait enopus caementicium � parement de moellons. Ce qui compliquait la lecture des vestiges de ces monuments, c'est que le pont le plus ancien avait fait l'objet d'une grande campagne de r�fection : sur plus de la moiti� du monument, les arches avaient �t� reconstruites enopus caementicium ; elles �taient port�es par des piles remont�es sur les fondations du premier pont. L'addition de cette campagne de restauration et de la r�cup�ration des �l�ments de grand appareil qui �taient demeur�s donnait l'illusion d'une reconstruction presque compl�te du pont. En r�alit�, ce qui subsistait �tait le n�gatif des parties qui avaient travers� la p�riode d'utilisation et qui �taient en grand appareil.
IV - L'arch�ologie et la datation des aqueducsIl convient de distinguer deux types de datation : la datation relative et la datation absolue. Lorsque cette derni�re est connue, c'est en g�n�ral par un texte. Le le plus complet est le trait� qu'a �crit Frontin sur les aqueducs de la ville de Rome ; il indique les dates de construction des diff�rents ouvrages. Le plus souvent, on doit se contenter d'une allusion au d�tour d'une anecdote. Ainsi Dion Cassius nous apprend qu'Auguste qui, en 36 av. J.-C., avait pris des terres aux gens de Capoue � leur donna en �change l'aqueduc nomm� Julien ; de tous les avantages, celui dont ils sont les plus fiers � (Histoire romaine, 49, 14). Un petit nombre d'aqueducs poss�de une inscription d�dicatoire pr�cisant le nom et la qualit� du constructeur, la date de cette construction et encore plus rarement son co�t. L'apport de l'�pigraphie, -la discipline d'�tude de ce type de documents-, a fait l'objet de travaux importants parmi lesquels on compte ceux de W. Eck et de M. Corbier (1984). Cette derni�re s'est plus particuli�rement int�ress�e aux magistrats des villes d'Italie qui avaient la charge (la curatelle) du service des eaux. Elle a recens� les inscriptions relatives aux activit�s de ces personnages, dont en particulier les adductions urbaines dont ils sont les responsables. � d�faut de documents �crits, on recourt � l'arch�ologie. Mais celle-ci est surtout, comme nous en avons vu des exemples, apte � donner des chronologies relatives portant sur des modifications du trac� ou des r�fections de sections de l'ouvrage. Il est beaucoup plus difficile d'utiliser l'arch�ologie pour passer � une chronologie absolue. C'est pourtant ce � quoi les arch�ologues ont d� se r�soudre en mettant au point des protocoles sp�cifiques dont nous allons voir quelques exemples.
Rappel de quelques principes de datationDeux approches ont �t� utilis�es simultan�ment par les arch�ologues pour dater les aqueducs, au moins en chronologie relative. La premi�re est l'appareillage des structures conserv�es en �l�vation. La seconde est le contexte monumental urbain.
Les techniques de constructionL'observation des appareils a apport� d'importantes pr�cisions dans la datation des aqueducs provinciaux. Elle s'appuie sur une chronologie �tablie sur les monuments d'Italie pr�sum�s avoir servi de mod�les. Les fouilles de Pomp�i y jouent un r�le important dans la mesure o� la destruction de la ville en 79 fournit un terminus. Cette chronologie est approximative. Dans la transmission des proc�d�s de construction, il faut en effet tenir compte d'un d�lai qui peut aller jusqu'� une g�n�ration. Toutefois, la transmission peut aussi �tre rapide, car si la diffusion de certains appareils correspond � des modes, d'autres traduisent des progr�s technologiques que les ing�nieurs appel�s � construire ces ouvrages n'ont pas manqu� de mettre en ouvre. De telles chronologies donnent donc des fourchettes de l'ordre du demi-si�cle. Le plus souvent, des datations ont �t� propos�es � partir de l'observation du grand appareil. Celui-ci peut �tre utilis� � joint vif ou en parement d'un blocage (opus caementicium). D�s l'�poque august�enne, mais surtout � l'�poque julio-claudienne et de plus en plus � mesure que l'on avance dans le temps, il est concurrenc� par d'autres m�thodes de construction, en particulier l'utilisation de plus en plus syst�matique de l'opus caementicium qui pr�sente une tr�s remarquable souplesse d'utilisation. Le blocage peut �tre moul� entre des banches ou entre des parements qui font corps avec lui. L'un des crit�res traditionnellement utilis�s est l'utilisation de la brique qui se g�n�ralise au Ier s. de notre �re et devient par la suite d'un emploi de plus en plus fr�quent. 
Les contextes arch�ologiques et g�oarch�ologiquesL'alimentation d'une ville a �t� la raison d'�tre des aqueducs. Il �tait donc logique d'utiliser le contexte du d�veloppement urbain dans la datation de la premi�re mise en service de ces ouvrages. Parmi les m�thodes utilis�es, la premi�re consiste dans l'observation de la relation existant entre un aqueduc et tel ou tel autre b�timent li� � l'eau, le nymph�e �lev� au d�bouch� de l'aqueduc, des fontaines ou encore les monuments r�put�s grands consommateurs d'eau comme surtout les thermes. La construction d'un aqueduc est �galement li�e � la mise en place d'un syst�me de distribution de l'eau par des conduites. Celles-ci peuvent donc constituer un �l�ment de datation. Il fallait aussi �vacuer le surplus d'eau amen�e par l'aqueduc. De ce fait, la construction des �gouts peut constituer un �l�ment du dossier. Mais il restera compl�mentaire dans la mesure o� l'�vacuation des eaux pluviales en est le principal motif. Mais l'observation de la place de l'aqueduc dans le plan urbain, -la relation mat�rielle qu'il entretient avec d'autres monuments-, peut aussi apporter des indications d�cisives. Dans le cas des aqueducs issus du captage de sources karstiques, on peut faire appel aux donn�es g�oarch�ologiques issues de l'�tude des concr�tions internes. � l'int�rieur de celles-ci, l'alternance d'�l�ments clair et sombre correspondant � des variations inter annuelles permet le d�compte d'ann�es d'utilisation. Ainsi, les travaux des g�oarch�ologues sur les d�p�ts du canal ont permis d'�tablir en chronologie relative avec une bonne pr�cision les diff�rentes p�riodes du fonctionnement d'un ouvrage. Mais, ils ne fournissent pas de dates absolues et laissent aux arch�ologues le soin de la date de premi�re mise en eau. C'est l� que commencent les difficult�s.
Des �tudes de casQuelques �tudes de cas illustreront les difficult�s rencontr�es par les arch�ologues.
L'aqueduc de Fr�jusLes travaux auxquels vient de donner lieu l'aqueduc de Fr�jus donnent un bon exemple de l'apport de la g�oarch�ologie et de ses limites. L'apport fondamental porte sur les phases d'un fonctionnement qui, d'apr�s leurs analyses, a eu une dur�e sup�rieure � 200 ans. Nous insisterons donc ici plut�t sur la question de la date de la premi�re mise en service. Sous Auguste, Fr�jus accueillit la flotte prise � Antoine apr�s sa d�faite d'Actium. � son entr�e dans la ville, l'aqueduc en utilise l'enceinte comme support dans son parcours urbain. Cette association fait du rempart un terminus de la construction de l'aqueduc. Mais cela ne fait que reporter le probl�me. Les deux �quipes qui se sont attach�es � l'�tude de la ville divergent dans leur avis sur la date de ce rempart. 
Pour C. Gebara (2003, 261, n. 222), les sections du rempart utilis�es par l'aqueduc sont august�ennes et que l'ouvrage a �t� mis en eau sous Claude au milieu du Ier s.. Les auteurs de l'Atlas (Rivetet al. 2000, 357-358) consid�rent que les m�mes sections du rempart sont flaviennes et que l'aqueduc date de la fin de ce si�cle, voire m�me du d�but du IIe s.. De m�me, les avis divergent � propos de la mise en place d'un nouveau r�seau d'�gouts que C. G�bara (2003, 298) place �galement, vers le milieu du Ier s., alors que pour L. Rivet et ses collaborateurs. (2000, 384) aucun �gout collecteur public traversant la ville ne peut �tre attribu� � une �poque ant�rieure aux ann�es 70. �. De leur c�t�, G. Fabre et J.-L. Fiches dans le compte rendu (2003) qu'ils font de ces travaux pensent � une date interm�diaire : les ann�es 70. Ils concluent � l'opportunit� de mettre en place un programme de fouille dans un remblai susceptible de fournir des indices pr�cis : comme le sugg�rent les auteurs de l'Atlas (Rivetet al. 2000, 384) : effectuer une fouille dans � l'�pais remblai cons�cutif � la construction de l'aqueduc qui constitue l'esplanade comprise entre le mur de d�rivation du canal et l'angle nord de l'enceinte qui la retient : immanquablement, le mat�riel le plus r�cent fixerait assez pr�cis�ment cette date. �. Pour �chapper aux risques du raisonnement circulaire quand on ne dispose pas de dates absolues, les auteurs de la monographie sur l'aqueduc de Fr�jus ont recherch� une solution dans une datation des mat�riaux utilis�s. La datation de la pierre n'est pas impossible quand on conna�t la carri�re d'extraction et quand on en effectue la fouille. Les r�cents travaux sur la carri�re du Pont du Gard � de l'Estel � N�mes en apportent une preuve. Mais il s'agit d'un cas exceptionnel. La datation des mortiers n'est pas impossible, mais elle n'est pas encore au point. Dans ces conditions, ils se sont tourn�s vers les briques utilis�es dans la r�fection de certains parements. L'arch�omagn�tisme donne plusieurs dates entre lesquelles il faut choisir. Celles qui ont �t� obtenues permettent de dater ces r�fections des ann�es 2000 (LanosinGebaraet al. 2002, 225-232).
Les aqueducs de Lyon� Lyon, la datation des quatre aqueducs de la colonie pose des probl�mes du m�me ordre. Compte tenu de la dimension exceptionnelle de ces ouvrages, on les met en relation avec les deux grands personnages dont le nom est attach� � cette ville : Agrippa, le gendre d'Auguste qui eut en charge l'organisation des Gaules, et l'Empereur Claude dont l'attachement � Lyon o� il �tait n� est bien connu. Agrippa avait d�j� jou� un r�le essentiel dans l'alimentation en eau de Rome en construisant cinq aqueducs : en 33 av. J.-C. l'Aqua Julia, puis, apr�s 27, sous le nom d'Augusta, -car il agissait au nom d'Auguste-, une branche de l'Appia, une autre branche de laMarciaet l'Alsietina et enfin, sous son nom propre, laVirgo. Exploitant ces circonstances historiques, C. Germain de Montauzan avait propos� de dater l'aqueduc du Mont d'Or de 20 av. J.-C. et de 10 ap. J.-C. celui de l'Yzeron. L'aqueduc de la Br�venne daterait de Claude. Le quatri�me, l'aqueduc du Gier, �tait dat� d'Hadrien sur la foi d'une inscription pos�e sous le r�gne de cet Empereur pour prot�ger la canalisation, la Pierre-de-Chagnon. Les arches des ponts de cet aqueduc avaient des parements en appareil r�ticul� coup� d'arases de briques. Cet appareil que l'on trouve en Italie Centrale et centro-m�ridionale ainsi qu'� Rome au Ier s. av. et au Ier s. ap. J.-C. n'a gu�re �t� utilis� dans les provinces. Son emploi dans la construction de la villa Hadriana de Tivoli sous Hadrien appara�t comme une confirmation de la date suppos�e par C. Germain de Montauzan. 
La chronologie de cet ouvrage a �t� totalement remise en question par les fouilles du Verbe Incarn� sur le plateau de la Sarra. Celles-ci ont montr� que, contrairement � ce que l'on croyait, l'urbanisation de ce secteur �tait dense au Ier s. et qu'y existait d�s le r�gne de Tib�re un grand sanctuaire du culte imp�rial. La d�dicace � Claude d'une fontaine public a �t� consid�r�e comme un t�moignage en faveur d'une arriv�e de l'aqueduc � cette �poque. 
Elle peut cependant �tre ant�rieure. Inversant la chronologie admise, A. Desbat (1992) a franchi le pas en sugg�rant que la construction de cet ouvrage pouvait �tre mise � l'actif d'Agrippa. Il s'agirait donc du premier aqueduc de Lyon, construit d�s l'�poque d'Auguste par Agrippa, le seul qui ait �t� capable d'� alimenter le sommet de la colline de Fourvi�re, o� se d�veloppe le cour de la nouvelle capitale. Comme l'observe A. Desbat, � peu pr�s les m�mes arguments �taient invoqu�s � l'appui d'une datation sous le r�gne de Claude. Celui-ci aurait bien jou� un r�le dont atteste les travaux entrepris sous son r�gne. Mais il se serait content� de le restaurer. Son argumentation ne fait pas l'unanimit�. Nous ne discuterons pas plus longtemps du cas de Lyon pris seulement ici comme exemple des difficult�s que l'on rencontre et de l'ambivalence de l'argumentation utilis�e pour dater un aqueduc � partir des techniques de construction et des contextes urbains.
L'aqueduc de N�mesIl a �t� � plusieurs reprises fait r�f�rences � l'aqueduc de N�mes. Sa datation �tait un des objectifs de la recherche arch�ologique programm�e dont il a fait l'objet dans les ann�es 1986 � 1990. L'�tude qui a �t� conduite sur plusieurs ann�es et en plusieurs points du trac� est combin�e avec celle de l'architecture et prend aussi en compte la chronologie relative fournie par l'analyse des d�p�ts carbonat�s. Au total, J.-L. Fiches et J.-L. Paillet (2000, 407-421) proposent une analyse tr�s fine qui aboutit � distinguer six p�riodes successives : r�glage, fonctionnement optimal, interruption de l'entretien et d�gradation, restauration, fin du fonctionnement et abandon, am�nagement post�rieur et destruction. Comme ils le soulignent, le plus difficile est le calage de cette chronologie relative. La mise en �vidence de contextes stratigraphiques sur ce type d'ouvrage lin�aire demandait, outre de la chance, beaucoup de patience et de pers�v�rance et leur exploitation une excellente connaissance des productions des c�ramiques r�gionales, de la c�ramique commune et des amphores. Ces deux conditions �taient r�unies. � l'issue de trois campagnes de fouilles, leurs auteurs (Ficheset al. in Fabreet al. 2000, 330-353) ont conclu que l'ouvrage n'est vraisemblablement pas d'�poque august�enne, comme on le pensait g�n�ralement. Il est plus r�cent d'un demi-si�cle et datable de la fin du r�gne de Claude ou du d�but de celui de N�ron. Les r�sultats de cette recherche inversent donc la relation habituelle dans les syst�mes de datation entre la ville et l'aqueduc qui l'alimente : dans le cas, de N�mes les donn�es chronologiques directes sont suffisantes pour se dispenser de contextes urbains incertains.
L'aqueduc d'ArlesCe qui a �t� �crit sur l'aqueduc d'Arles montre que sa datation pose des probl�mes du m�me ordre. Son alimentation �tait assur�e par une pluralit� de captages aboutissant � des canaux fonctionnant comme des collecteurs. Il �tait logique de le dater des premiers temps d'une colonie qui b�n�ficia des faveurs particuli�res de l'Empereur Auguste. Un certain nombre de donn�es arch�ologiques ont paru confirmer une date qui paraissait de s'imposer plus encore que pour N�mes, ville qui n'a jamais acc�d� au statut de colonie romaine. La premi�re est l'observation de l'appareil des ouvrages d'art dont il reste des �l�ments au Vallon des Arcs, site � l'amont duquel convergeaient les deux branches de l'aqueduc. A priori, rien n'interdit de les dater de l'�poque des monuments august�ens d'Arles. Il en va de m�me de son parcours urbain. Une telle datation appara�t coh�rente avec le r�sultat des fouilles effectu�es en deux endroits au village du Paradou, � l'aval duquel �tait constitu�e la branche sud de l'aqueduc. Lespecus ma�onn� apparaissait dans un lotissement en construction o� il a fait l'objet d'une fouille de sauvetage. Quelques centaines de m�tres � l'amont (est) de ce site, une seconde fouille de sauvetage, � La Burlande, a conduit � la d�couverte d'un bassin en grand appareil assurant la convergence de deux conduits dont les eaux se d�versaient dans une canalisation �galement en grand appareil qui se dirigeait vers lespecus ma�onn�. La date de cette installation hydraulique est donn�e par l'ouvrage routier sous lequel passait cette canalisation : un pont construit dans le m�me appareil sur le trac� de la voie aur�lienne dont les milliaires trouv�s sur cette partie de son trac� nous assurent qu'elle fut construite au d�but de l'�re. Mais quelques dizaines de m�tres s�parent cette conduite constitu�e de blocs de molasse taill�s en U et la conduite ma�onn�e d�couverte dans le lotissement voisin. � cet endroit, la pr�sence de la route interdit d'esp�rer pouvoir un jour observer la relation entre les deux conduits. De ce fait, il est impossible d'accorder aux d�couvertes de la Burlande un r�le d�cisif dans la datation de la branche orientale de l'aqueduc d'Arles. Entre les deux canaux a pu exister un second bassin assurant la convergence entre le conduit en grand appareil de La Burlande et le conduit ma�onn� reconnu � l'amont, qui, venant d'Entreconque, est consid�r� comme le conduit principal. Mais compte tenu de l'anciennet� et de l'importance de l'occupation antique sur ce site, il est tout aussi possible que ces deux ouvrages aient conserv� leur ind�pendance. Une datation august�enne ne para�t en effet pas s'accorder avec les r�sultats obtenus par la fouille du bassin o� convergeaient les deux branches de l'aqueduc � l'amont du franchissement de la vall�e des Baux. Cette fouille a montr� que la construction des moulins de Barbegal au d�but du IIe s. avait entra�n� la s�paration des deux conduits. Si l'on en croit le s�dimentologue qui a �tudi� les d�p�ts carbonat�s correspondant � la p�riode pr�c�dant cette s�paration, l'aqueduc daterait du r�gne de l'Empereur Claude (Guendon � para�tre).
ConclusionLa question des parcours urbains des aqueducs a �t� abord�e dans la derni�re partie de cet expos� pour des raisons qui s'imposaient. La ville constitue la destination de ces ouvrages. Des sources ont �t� capt�es et utilis�es bien avant que les villes aient �t� b�ties ; des canaux d'adduction ont �t� construits pour ravitailler des habitats ou irriguer des champs. Mais il n'existe pas d'aqueduc urbain sans ville. L'essentiel du sujet trait� �t� l'apport de l'arch�ologie rurale � la connaissance des aqueducs. Il s'agissait de montrer la sp�cificit� de ce type d'approche par rapport � celle de l'architecte et � celle de l'ing�nieur. Cet expos� autorise deux conclusions principales. La premi�re est la constatation des progr�s r�alis�s et de ceux qui restent � accomplir. Nous manquons de monographies d'un niveau comparable � celle dont les aqueducs de Cologne et de N�mes ont fait l'objet. Certes, la bibliographie est abondante. Mais ce qui manque dans les autres �tudes, c'est un bon calage chronologique et la pr�cision du relev� topographique. Le passage que T. Hodge consacre au pont du Gard en donne un bon exemple. Une grande partie d'un raisonnement conduit sur le trac� perd de son int�r�t � la suite d'une r�vision de la topographie � l'amont. En ce sens, la voie � suivre est celle dont l'efficacit� a �t� d�montr�e par K. Grewe. On voit comment pourrait �tre r�alis� par r�troaction une sorte de � cahiers des charges � ou un devis quantifiant les travaux de terrassement et de ma�onnerie et permettant d'�tablir des co�ts. D. R. Blackman et A. T. Hodge (2001) se sont avanc�s dans cette direction. La seconde s�rie de conclusions porte sur l'exploitation des donn�es fournies. Deux de ses formes ont attir� notre attention. La premi�re est l'histoire des grands travaux hydrauliques permise par les modifications de trac�s induites par la construction des ponts, le creusement des tunnels et l'implantation d'escaliers hydrauliques. La seconde porte sur les conflits d'usage qu'une �tude fine des canalisations permet d'aborder. C'est �videmment cette derni�re qui pr�sente pour moi le plus d'int�r�t.
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[1] Le cas de la canalisation sous fluviale d'Arles reste une exception. Rappelons que les siphons des ouvrages anciens exploitent le syst�me des vases communiquants. Il s'agit de siphons en U et non des siphons actuels.. [2] On se reportera � la pr�cieuse � Fiche d'identit� de l'aqueduc � qui figure au d�but du volume dirig� par Fabre, Fiches et Paillet (2000).
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