Drogue : l'autre cancer

Rapports de commission d'enquête

Rapport n° 321 (2002-2003), tome I, déposé le

Les informations clés

B. LARÉPRESSION DU TRAFIC

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécuritéintérieure et des libertés locales, adéclaré : « nous allons engager laguerre aux trafiquants. Police et gendarmerie sont maintenant dotées destructures particulièrement efficaces dans la lutte contrel'économie souterraine ».

Cette affirmation peut laisser sous-entendre que la guerre auxtrafiquants n'avait pas été menée avec assez de vigueurjusqu'à présent, constat que ne peut que partager, pour partie,la commission d'enquête.

Si le plan triennal de lutte contre la drogue et deprévention des dépendances (1999-2001) s'était fixépour objectif de réaffirmer la priorité accordée àla lutte contre les trafics, force est de constater que lesstatistiques en termes d'interpellations pour trafic au cours de lapériode triennale ne sont pas à la hauteur des espérancesaffichées .

LES DEUX AXES PRIORITAIRES DU PLAN TRIENNAL DE LUTTECONTRE LA DROGUE ET DE PRÉVENTION DES DÉPENDANCES(1999-2001)
EN TERMES DE LUTTE CONTRE LES TRAFICS

Le plan triennal de lutte contre la drogue et deprévention des dépendances réaffirme la prioritéaccordée à la lutte contre les trafics et s'assigne, à cetitre, deux axes d'intervention prioritaires :

1 - Rendre plus efficace la répression du traficlocal et international

Cet objectif est conditionné par trois types defacteurs :

- la faculté des autorités à mettreen oeuvre des dispositifs de coordination locale tout en veillant às'inscrire dans une coopération opérationnelleinternationale ;

- l'aptitude à porter atteinte aux revenus issus,directement ou indirectement, du trafic de stupéfiants, ensystématisant le recours à l'ensemble des outilslégislatifs et procéduraux offerts par la loi du 13 mai 1996,notamment les dispositions relatives au « proxénétismede la drogue » ;

- la capacité des pouvoirs publics àassocier les acteurs économiques de la société civile aurepérage des transactions illicites.

2 - Renforcer la lutte contre la fabrication et ladiffusion de nouvelles drogues de synthèse

Cet objectif, appliqué aux différents stades dela filière, depuis la fabrication et l'importation des produitsstupéfiants ou des précurseurs détournés de leurusage, jusqu'au transport, la mise en circulation des produits et leblanchiment des fonds issus de ce trafic spécifique, estdécliné selon deux axes :

- une identification plus efficace des produits mis encirculation via la mise au point de nouveaux outils juridiques et techniques,notamment un nouveau mode de classement des stupéfiants et despsychotropes plus rapide et plus performant ;

- un contrôle renforcé des substancesdisponibles sur le marché.

Si, d'après M. Yves Bot, procureur de laRépublique près le tribunal de grande instance de Paris,auditionné par la commission, s'agissant des« dispositions répressives concernant le trafic, l'arsenallégislatif est au point », la commission d'enquêtea pu mesurer, au cours de ses travaux, l'ampleur des difficultéspratiques et institutionnelles de mise en oeuvre de cette législationspécifique.

1. Les statistiques : lereflet de l'activité des services répressifs

L'OCRTIS présente chaque année l'état del'usage et du trafic illicite de produits stupéfiants tel qu'il sedégage des interpellations et des saisies effectuées parl'ensemble des services de police, de douane et de la gendarmerie nationale.

Le trafic de stupéfiants étant une infractionrévélée, les fluctuations des indicateursd'activité sont beaucoup moins le reflet de l'évolution duphénomène lui-même que de l'activité des servicesrépressifs.

Les statistiques pour l'ensemble des services de police, dedouane et de la gendarmerie nationale pour 2001 indiquent une baisse du nombrede faits constatés de 12,5 % (98.463 en 2000 contre 86.156 en2001), une baisse du nombre des saisies et des interpellations. Le nombre desaisies opérées en 2001 est de 53.534, en baisse de 8,37 %par rapport à l'année 2000 (58.421).

Les interpellations d'usagers et de trafiquants sont en baissede 16,2 %, passant de 100.870 en 2000 à 84.533 en 2001. Cettediminution est générale, qu'il s'agisse des trafiquantsinternationaux, locaux, usagers-revendeurs ou usagers.

USAGE ET TRAFIC DE PRODUITS STUPÉFIANTS ENFRANCE
(1997 À 2001)

1997

1998

1999

2000

2001

Evolution
2000/2001

Faits constatés

85.420

92.007

100.498

98.463

86.156

- 12,5 %

INTERPELLATIONS

1997

1998

1999

2000

2001

Trafic international

1.369

1.278

1.274

1.245

1.083

-13,0 %

Trafic local

5.191

4.263

4.232

5.286

4.355

-17,6 %

Usage-revente

12.281

10.874

10.367

10.954

7.428

-32,1 %

Usage

70.444

74.633

80.037

83.385

71.667

-14 %

TOTAL

89.285

91.048

95.910

100.870

84.533

-16,2 %

( Source :OCRTIS)

Par ailleurs, il apparaît que le nombred'interpellations pour usage a cru sans commune mesure avec celui desinterpellations pour usage-revente ou trafic.

FAITS CONSTATES

INTERPELLATIONS

Usagers

Trafiquants

Total

Usag. reven.

Locaux

Internationaux

Nb

Evol

Nb

% total

Nb

% total

Nb

% total

Nb

%total

Nb

Evol

1972*

2.420

2.294

76,06%

472

15,65%

111

3,68%

139

4,61%

3.016

+16,36%

1978*

7.534

+30,96%

6.115

78,41%

1.178

15,10%

348

4,46%

158

2,03%

7.799

+64,02%

1986*

49.086

+36,95%

21.618

70,89%

4.549

14,92%

3.322

10,89%

1.004

3,29%

30.493

+2,50%

1987

50.839

+3,57%

22.364

71,90%

4.623

14,86%

3.242

10,42%

876

2,82%

31.105

+2,01%

1988

47.377

-6,81%

22.316

71,50%

4.653

14,91%

3.355

10,75%

889

2,85%

31.213

+0,35%

1989

50.133

+5,82%

24.331

72,61%

4.760

14,20%

3.487

10,41%

931

2,78%

33.510

+7,36%

1990

56.123

+11,95%

24.856

72,65%

4.159

12,16%

3.873

11,32%

1.325

3,87%

34.213

+2,10%

1991

61.670

+9,88%

34.311

76,14%

5.449

12,09%

4.214

9,35%

1.089

2,42%

45.063

+31,71%

1992

65.726

+6,58%

41.549

76,28%

6.937

12,74%

4.947

9,08%

1.035

1,90%

54.468

+20,87%

1993

63.114

-3,97%

38.189

73,93%

7.017

13,58%

5.289

10,24%

1.162

2,25%

51.657

-5,16%

1994

69.493

+10,11%

44.261

74,14%

8.257

13,83%

5.832

9,77%

1.347

2,26%

59.697

+15,56%

1995

74.410

+7,08%

52.112

75,05%

10.213

14,71%

5.866

8,45%

1.241

1,79%

69.432

+16,31%

1996

77.300

+3,88%

56.144

72,31%

13.084

16,85%

7.079

9,12%

1.333

1,72%

77.640

+11,82%

1997

85.420

+10,50%

70.444

78,90%

12.281

13,75%

5.191

5,81%

1.369

1,53%

89.285

+15,00%

1998

92.007

+7,71%

74.633

81,97%

10.874

11,94%

4.263

4,68%

1.278

1,40%

91.048

+1,97%

1999

100.498

+9,23%

80.037

83,45%

10.367

10,81%

4.232

4,41%

1.274

1,33%

95.910

+5,34%

2000

98.463

-2,02%

83.385

82,67%

10.954

10,86%

5.286

5,24%

1.245

1,23%

100.870

+5,17%

2001

86.156

-12,50%

71.667

84,78%

7.428

8,79%

4.355

5,15%

1.083

1,28%

84.533

-16,20%

* Faits constatés par la police et la gendarmerieen métropole uniquement (source 4001).

M. Michel Bouchet, chef de la MILAD, a estimé devant lacommission d'enquête que ce décalage entre l'augmentation dunombre d'interpellations d'usagers et du nombre de trafiquants oud'usagers-revendeurs s'expliquait en partie par une progression de laconsommation des stupéfiants plus forte que celle du trafic, en termesde nombre d'individus.

2. Larépression du petit deal et du trafic local

a) La nécessité deréprimer les petits trafics

Aucun niveau d'enquête n'est à exclure et lesaffaires importantes peuvent trouver leur source dans l'interpellation d'unpetit revendeur, voire d'un simple usager.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de lasécurité intérieure et des libertés locales, s'estpar ailleurs élevé lors de son audition contre la notion de petitdealer qui « me fait penser à celle de drogues douces.Soit on est dealer, soit on ne l'est pas. Qui vous dit qu'il est petit ?Est-ce de petites quantités tous les jours ou une grosse une fois parsemaine ? Là encore, nous ne devons pas le tolérer. (...) La défense des dealers est toujours la même : Oui,j'ai quelques cachets. C'est pour ma consommation personnelle et pour mes amisce soir. »

Ainsi que l'a indiqué M. Yves Bot, procureur de laRépublique de Paris lors de son audition, « cela constitueun exemple déplorable pour les jeunes qui les voient, puisque c'estl'absence de travail ou l'absence d'insertion et, au contraire, le trafic et lavie en marge de la société qui sont générateursd'un niveau de vie enviable. (...) Au sein, de ces forteresses,dans ces cités et autour de ces cages d'escalier, il y a desappartements dans lesquels vivent des personnes de condition modeste qui sontles otages de ce trafic . »

Il apparaît ainsi primordial de réprimer letrouble à l'ordre public le plus rapidement possible. Tel est d'ailleursle but de la police de proximité, ainsi que l'a exposé M. AlainQuéant, sous-directeur de la police territoriale de la direction de lapolice de proximité à la préfecture de police de Paris.

Le plan triennal de lutte contre la drogue et deprévention des dépendances (1999-2001) de la MILDTpréconisait ainsi d'appliquer la loi et de renforcer larépression du trafic.

La politique répressive étaitréorientée vers le trafic et non plus l'usage, afin d'êtremieux comprise par la population. Il soulignait que les manifestations dutrafic local sont de moins en moins occultes et laissent apparaître ledéveloppement d'un trafic de plus en plus structuré, souventselon un mode familial, paradoxalement bien intégré dans lesquartiers et générateur de ressources et d'économieparallèle.

Le plan soulignait également depuis plusieursannées une baisse des interpellations pour trafic local, lequel alimenteune économie parallèle dans les cités les plus difficiles,et s'inquiétait de leur réduction de 1997 à 1998(18 %), en dépit d'un doublement des interpellations pour usage.

La circulaire du garde des Sceaux du 17 juin 1999 relativeà la lutte contre le trafic de stupéfiants visant à rendreplus efficace la répression du trafic local et international a doncappelé à utiliser des outils procéduraux tels que la loi du 13 mai 1996 sur le proxénétisme de ladrogue , pas ou peu utilisée, et demandait aux procureursd'organiser une action mieux concertée entre les servicesopérationnels et financiers concernés. En 2000, des actionsexpérimentales devaient être conduites dans plusieursdépartements pilotes pour mesurer l'efficacité des structuresactuelles et définir les modalités pratiques de collaborationavec les services fiscaux.

La circulaire Chevènement du 11 octobre 1999 relativeau renforcement de la lutte contre l'usage et le trafic local destupéfiants insistait également sur ce point. Elle prévoitqu'« il faut viser à la plus grande efficacitépossible en privilégiant le cas échéant des investigationsrapides et susceptibles d'apporter des réponses tangibles aux situationsqui troublent durablement l'ordre public et la vie du quartier (...). L'actionlocale (est) menée dans un but d'efficacité mais aussi devisibilité pour la population concernée . Il est en effetprimordial que nos concitoyens puissent mesurer l'implication des services dansla lutte contre les trafics locaux. Les transports sur place, les prises decontact, l'écoute au quotidien sont également des réponsespertinentes à l'attente de la population. ».

M. Alain Quéant a d'ailleurs indiqué que« Le fait de dire qu'on laisse faire les dealers pour remonterles filières n'est pas vrai au niveau de ma direction et il estexceptionnel que des services spécialisés nous disent :« dans ce domaine, il faut laisser les choses enl'état ». Ils pourront dire que cela va durer un jour ou deux,le temps de faire une surveillance, mais cela restera très limitédans le temps et l'espace. »

Ainsi, plusieurs circulaires ont suggéréde recourir plus largement, et si besoin après disqualification ouabandon de certains chefs de poursuite redondants, aux dispositions del'article L. 627-2 permettant la comparution immédiate, pour limiter lasaisine des juridictions d'instruction aux actes de délinquancecomplexe, afin de désengorger les tribunaux.

Le transport, la détention, l'offre, la cession,l'acquisition et l'emploi de stupéfiants sont passibles de dix ansd'emprisonnement et ne pouvaient donc être poursuivis selon laprocédure de la comparution immédiate.

La loi du 17 janvier 1986 a ainsi prévu uneinfraction de cession ou d'offre à une personne en vue de saconsommation personnelle punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 eurosd'amende, afin de permettre l'utilisation de cette procédure (utilisablepour les seules infractions pour lesquelles une peine d'emprisonnement de 7 ansmaximum est possible) pour les agissements des petits revendeurs, qui peuventaisément être constatés en flagrant délit.

Les deux circonstances aggravantes prévues lorsque lesfaits sont commis, soit auprès de mineurs, soit dans des centresd'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration,passibles de dix ans d'emprisonnement, n'ont pour cette raison que peuété utilisées.

CONDAMNATIONS DE 1997 À 2001 EN MATIÈRED'INFRACTION
À LA LÉGISLATION SUR LESSTUPÉFIANTS

(Source : Casier judiciaire)

1997

1998

1999

2000

2001 P*

Cession ou offre de stupéfiants à un mineur envue de sa consommation personnelle

122

126

126

124

102

Cession ou offre de stupéfiants, dans un centreéducatif, à une personne en vue de sa consommation personnelle

43

42

37

46

37

Cession ou offre de stupéfiant, dans un localadministratif, à une personne en vue de sa consommation personnelle

8

2

3

4

9

Cession ou offre de stupéfiants à une personneen vue de sa consommation personnelle

1.608

1.502

1.450

1.434

1.588

P* : Les données 2001 sontprovisoires.

b) La nécessité d'agir surl'usager à l'origine du trafic

Comme l'a souligné M. Yves Bot, procureur de laRépublique de Paris, « l'usager va permettre au trafiquantde faire sa fortune ».

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de lasécurité intérieure et des liberté locales, ad'ailleurs précisé : « Nous nous trouvons dansune situation invraisemblable. Quelle logique y aurait-il à vouloiréradiquer les trafiquants sans lutter contre la consommation ?(...) Tolérer la consommation, c' est favoriser le travail destrafiquants. »

Remarquant, comme l'avait fait M. Alain Quéant (quiparlait d'effet « splash », les trafiquants sedéplaçant au gré des opérations policières)que dès que les services diminuaient leur pression le traficrecommençait, il a estimé nécessaire de« demander de la sévérité vis-à-visdes consommateurs, car dans une économie de marché si un clientest affamé de produits, comment voulez-vous éradiquer lecommerçant qui les offre ? Il n'y a pas d'uncôté l'ignoble trafiquant qui tente de faibles victimes et del'autre côté l'innocent consommateur et ses amis consommateurshabituels. Il y a un véritable marché ».

c) La délicate distinction entrel'usager et l'usager-revendeur

La loi distingue le trafic de l'usage, mais laisse àl'appréciation des magistrats la détermination de lafrontière.

Dans les années 1970 et jusqu'au début desannées 1980, l'usager-revendeur a plutôt ététraité comme usager que comme trafiquant. Une nouvelle circulairerecommande pourtant en 1977 de requérir plus fréquemment despeines d'emprisonnement à l'encontre des usagers-revendeurs dont ondénonce le prosélytisme. Cette tendance à lafermeté s'accentue au cours des années 1980. La circulaire de1984 revient sur la question de l'usage-vente. S'inquiétant de laprogression de la délinquance liée à la toxicomanie, elleinvite les procureurs à rechercher si la qualité de trafiquantprime sur la qualité d'usager chez les usagers-revendeurs. La circulairedu garde des Sceaux du 12 mai 1987 indique enfin que s'agissant del'usager-trafiquant ou auteur d'un autre délit, il convient depoursuivre en priorité les actes de trafic.

Ni la Chancellerie, ni le ministère del'intérieur ou de la défense n'ont jugé utile de fixer parcirculaire un seuil, ou du moins de préciser des critères dedistinction, estimant qu'il s'agit là d'une question jurisprudentielle.

Par conséquent, les politiques suivies enmatière d'interpellation et de poursuite sont très variables.Comme l'a indiqué Maître Gérard Tcholakian, du Conseilnational des barreaux, « cela se traite au cas par cas, parquetpar parquet, tribunal par tribunal et aussi fonctionnaire de police parfonctionnaire de police. » Une personne interpelléeà Paris ou à Foix avec 50 grammes de résine decannabis se verra traiter d'une manière différente, ce quiparaît à la commission d'enquête préjudiciable. Eneffet, cette situation paraît peu satisfaisante et ne contribue pasà améliorer la compréhension et l'acceptation de la loi.

Or cette question revêt une grande importance,puisque si l'usager risque en définitive peu, la plupart desprocédures se soldant par un avertissement ou un rappel à la loi,le trafic est fortement poursuivi et réprimé, et fait l'objet derègles procédurales dérogatoires.

Les services répressifs et judiciaires justifient cettesituation par la nécessité de s'adapter aux circonstances. Ainsique l'a indiqué lors de son audition le colonel de gendarmerieChristophe Metais, la distinction est souvent difficile à établirsur le terrain.

En effet, la distinction entre un usager et unusager-revendeur ne tient pas tant à la quantité ou au poids dela possession qu'à son comportement et à l'animation d'un groupe,soit à la sortie de collèges ou de lycées, soit àl'occasion de soirées. Les forces de l'ordre travaillent à partirdes éléments recueillis à l'occasion des procéduresdiligentées pour usage, sur renseignements, voire d'initiatives enexploitant des surveillances de terrain. Les constatations établiesà la suite des auditions faites dans le cadre des interpellations etversées aux procédures, les renseignements fournis par la policesur l'intéressé, ainsi que les résultats des filatures etobservations vont permettre aux magistrats de se faire une opinion, comme l'aindiqué M. Yves Bot, procureur de la République deParis. L'un des éléments à prendre en compte concerneégalement le train de vie de la personne, selon l'âge etl'environnement familial, ainsi que les recoupements et l'analyse descomptes-chèques. Les éléments factuels de l'interpellationinterviennent également. Ainsi, en présence d'une personneinterpellée en possession d'une importante somme d'argent, il estnécessaire de procéder à des vérificationscomplémentaires (antécédents).

Néanmoins, le trafic est établi si une personneporte sur elle une quantité manifestement incompatible avec uneconsommation personnelle journalière (comme une dose létale parexemple).

Mme Catherine Domingo, substitut du procureur de laRépublique de Bayonne, a ainsi indiqué lors de son audition quela détention (qui est un acte de trafic) peut être poursuiviealors même que la personne ne se trouve pas en position de revente :« On peut considérer qu'à partir de 20 à 30grammes de résine de cannabis, les personnes peuvent faire l'objet depoursuites, que ce soit en composition pénale ou devant le tribunalcorrectionnel. »

Comme l'a fait observer M. Michel Bouchet, chef de la MILAD,qui a indiqué à la commission d'enquête avoir connu« la période où pour quelques grammes onétait considéré comme trafiquant, ce qui était parailleurs peut-être excessif », on a observé undéplacement du seuil : « Il y a quelquesannées, une personne qui était interpellée en possessionde 50, 100, 150 ou 200 grammes de cannabis étaitconsidérée comme détentrice et non pas consommatrice etapparaissait donc comme trafiquante. Or, au fil des années, cesmêmes personnes soit faisaient l'objet d'une transaction douanièreaux frontières du Nord, soit n'étaient plusconsidérées, en un autre point du territoire, comme destrafiquants mais comme des consommateurs. » Il a d'ailleurscité le cas d'une personne interpellée avec 400 grammes derésine de cannabis et poursuivie uniquement pour usage. Cesdonnées expliquent selon lui dans une large mesure l'évolutionà la baisse de la part des trafiquants dans l'ensemble desinterpellations.

Enfin, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, s'estinterrogé lors de son audition sur la notion-mêmed'usager-revendeur : « En effet, il est bien difficilede distinguer les choses dans la réalité. On n'est pas simpleconsommateur très longtemps. D'ailleurs, y-a-t-il véritablementde simples consommateurs sachant qu'il y a très vite revente,échange, transport et détention de stupéfiants ? Lalimite est très floue et très incertaine. Le fait d'accentuer lesconséquences de la distinction repose sur le présupposéque cette distinction est réelle. Or elle l'est bienpeu ».

d) La difficile conciliation entrepolice de proximité et police judiciaire

L'article 3 de la loi d'orientation sur lasécurité de janvier 1995 plaçait parmi les orientationspermanentes de la politique de sécurité « l'extension à l'ensemble du territoire d'une police deproximité répondant aux attentes et aux besoins des personnes enmatière de sécurité ».

Dans la ligne des orientations définies au colloque deVillepinte en octobre 1997, le précédent gouvernement aprogressivement généralisé à l'ensemble duterritoire une police de proximité. Cette politique, imposéeà marche forcée, n'a pas reçu l'adhésion despersonnels ni des administrations de l'Etat, comme en témoignent lesrapports de l'inspection générale de la police nationale. En pratique, le gouvernement n'a pas été en mesure deplacer sur le terrain les moyens matériels et humains nécessairesà cette politique . Faute d'effectifs suffisants, la police deproximité a reposé en grande partie sur des adjoints desécurité, emplois jeunes formés en quelques semaines,auxquels la loi du 15 novembre 2001 sur la sécuritéquotidienne a accordé des pouvoirs de police judiciaire.

Enfin, essentiellement axée sur la prévention etengagée dans un contexte de pénurie de personnels, cettepolitique de proximité s'est développée audétriment de la présence nocturne et des capacitésd'investigation des services de sécurité, contribuant àune baisse d'efficacité de l'activité répressive. Les dernières années ont été marquées par undéséquilibre de la procédure pénalepréjudiciable à son efficacité, d'autant plus quel'essentiel des efforts consentis en matière de sécurité aporté sur le développement de la police de proximité. Or,« une présence accrue sur la voie publique n'a de sens quesi elle est prolongée par la recherche active et systématique desauteurs d'infractions afin qu'ils soient, dans les meilleurs délais,interpellés et mis à disposition de l'autoritéjudiciaire » 92 ( * ) .

Cette politique allait de pair avec le développementdes contrats locaux de sécurité prévus par les circulairesinterministérielles des 28 octobre 1997 et 7 juin 1999 avantde recevoir une consécration législative dans la loi du 15novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.Cosignés par le préfet, le procureur de la République etle ou les maires concernés, ces contrats associent différentspartenaires privés, tels les bailleurs sociaux ou lessociétés de transport.

Au 15 juillet 2002, 600 contrats avaient étésignés et 194 étaient en cours d'élaboration. Mais cerelatif succès quantitatif dissimule l'échec qualitatif de nombrede ces contrats. Comme le révèlent les rapports de l'inspectiongénérale de la police nationale, ils ont souventété conclus sur la base de diagnostics locaux desécurité insuffisants et ont fait l'objet d'une faibleimplication des administrations de l'État et d'un suivi insuffisant.Leur articulation avec la politique de la ville apparaît en outrecomplexe.

e) Les difficultés de preuve

Ainsi que l'a indiqué lors de son audition M. Yves Bot,procureur de la République de Paris, citant l'opérationmenée à Colombes, « il a fallu une enquêtequi s'est déroulée de juin 2002 à février 2003 pourarriver à sortir une procédure judiciairement exploitable. On comprend ainsi combien ces trafics sont enkystés dans unurbanisme qui devient, pour les trafiquants, une véritable forteresseque les forces de police et de gendarmerie ont toutes les peines du mondeà investir. (...) La conformation des lieux est telle quesouvent, un policier, même en civil, est repéré àtrois kilomètres ! C'est souvent la quadrature du cercle pour fairela preuve judiciaire du trafic. »

En outre, il a expliqué que « le jouroù l'affaire vient devant le tribunal, il faut que j'apporte la preuve,c'est-à-dire que je sois capable de le démontrer au tribunal, quec'est bien telle personne qui a importé telle ou telle chose. Cettedifficulté matérielle de faire la preuve est laconséquence de situations (...) comme les problèmes d'urbanisme,la pression sur les gens au sein desquels on se trouve, le règne de laterreur, la disparition des témoins, etc. ».

De plus, il a souligné la « grandeadaptabilité des délinquants. Dans un très grand nombre decas, les signes extérieurs de richesse ne sont plus le boncritère parce que désormais ils se méfient. Laleçon a été assimilée. Faire le beau dansla cité avec le 4x4 flambant neuf, c'est fini, maintenant ils arriventdans une bagnole un peu déglinguée afin de ne pas se fairerepérer . »

Il a donc souligné le paradoxe « del'inefficacité pratique d'une législation théoriquementadaptée » , tout en indiquant ne pas avoir la« recette pour faire disparaître cette difficultépratique, notamment parce qu'à partir du moment où on touche auprocessus pénal, on touche évidemment aux libertésindividuelles et à la présomption d'innocence. Si autant leConseil constitutionnel que la Cour européenne de Strasbourg admettentles présomptions de culpabilité, c'est quand même demanière très encadrée et dans des domaines restreints,notamment contraventionnels, comme le dit le Conseil constitutionnelfrançais. Je ne suis donc pas sûr qu'il y ait une marged'efficacité à trouver dans le domaine de laprocédure. »

f) Les récentes avancéeslégislatives

- La loi du 15 novembre 2001 relativeà la sécurité quotidienne a prévu,à l'initiative du Sénat, que lorsque l'audition d'untémoin est susceptible de mettre gravement en dangerl'intégrité physique de cette personne, des membres de sa familleou de ses proches, le juge des libertés et de la détention peutautoriser cette personne à déposer en conservant l'anonymat. Dansce cas, deux procès-verbaux de l'audition sont dressés, l'unfaisant apparaître l'identité du témoin, l'autre non(article 706-58 du code de procédure pénale). Cela concerneles seules procédures portant sur un crime ou un délit puni d'aumoins cinq ans d'emprisonnement.

Il est abusif d'assimiler cette procédure à unedénonciation anonyme comme certains le font parfois : letémoin anonyme le reste pour l'auteur présumé des faits,mais pas pour la justice dont il est nécessairement connu. En outre,aucune condamnation ne peut être fondée exclusivement sur ladéposition d'un témoin ayant gardé l'anonymat.

- La loi d'orientation et de programmation pourla sécurité intérieure du 29 août 2002 acherché à concilier la police de proximité et lenécessaire renforcement de la police judiciaire. Elleprévoit de renforcer la présence nocturne et d'amplifier l'actionjudiciaire des services. Le nombre d'officiers de police judiciaire issus desgardiens de la paix devrait ainsi être augmenté et leurqualification sera mieux prise en compte dans le développement de leurcarrière.

- La loi n° 2002-1138 du 9 septembre2002 d'orientation et de programmation pour la justice a étendule champ d'application de la procédure de comparution immédiate(article 395 du code de procédure pénale).

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, legouvernement indiquait que l'extension de cette procédure visaità permettre « notamment de faire usage de ce mode depoursuites en matière d'infractions à la législation surles stupéfiants ».

Cette procédure de comparution immédiate, quipermet au procureur de la République de traduire sur-le-champ unprévenu devant le tribunal, n'était applicable que lorsque lapeine d'emprisonnement encourue était au moins égale àdeux ans sans excéder sept ans (en cas de flagrant délit, entreun an et sept ans d'emprisonnement). La loi l'a étendue lorsque la peineencourue est au moins égale à deux ans sans excéderdix ans. En cas de flagrant délit, la procédure de comparutionimmédiate pourrait être utilisée à l'égardd'un prévenu encourant au moins six mois d'emprisonnement.

On rappellera que la procédure de comparutionimmédiate ne peut être utilisée qu'en matièredélictuelle. Elle peut donc désormais être mise en oeuvrepour tous les délits punis de peines d'emprisonnement, hormis ceux punisde trois mois d'emprisonnement. Elle devrait avoir une grande importancepratique s'agissant du traitement judiciaire des procédures de trafic.

Mme Catherine Domingo, substitut du procureur de laRépublique de Bayonne, a indiqué lors de son audition :« Lorsque sont saisies des quantités inférieuresà 40 kg de résine de cannabis et que la personne qui transporteces produits ne souhaite pas ou n'est pas en mesure de communiquerl'identité de son fournisseur ou du commanditaire du trafic, il est faitrecours à la procédure de comparution immédiate, avec unpassage très rapide devant le tribunal correctionnel sur le fondement dudélit douanier d'importation de marchandises prohibées. Depuis laloi du 9 septembre 2002, y sont associés les délits du codepénal de détention, d'importation et de transport de produitsstupéfiants (...). Cette politique pénale fait actuellementl'objet d'une réflexion quant à d'éventuelsaménagements, puisque la loi du 9 septembre 2002 permet désormaisde poursuivre des personnes pour des délits dont les peines encouruesdépassent sept ans. Il est question que les comparutionsimmédiates concernent des affaires de plus de 40 kg. »

3. Larépression des réseaux organisés et du traficinternational : les difficultés pratiques et institutionnelles demise en oeuvre de la législation

a) Desdifficultés liées à l'insuffisante coordinationinstitutionnelle des services répressifs

L'insuffisante coordination des servicesrépressifs en termes de lutte contre les trafics de stupéfiantsconstitue une critique récurrente adressée à l'encontre dela politique nationale de lutte contre les drogues illicites.

Ainsi, dans son rapport public particulier de juillet 1998 surle dispositif de lutte contre la toxicomanie, la Cour des comptes soulignait« les difficultés rencontrées par l'Office central pourla répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), que ledécret du 3 août 1953 charge de centraliser tous lesrenseignements pouvant faciliter la recherche et la prévention du traficillicite de stupéfiants et de coordonner toutes les opérationstendant à la répression de ce trafic, pour fairereconnaître son autorité tant vis-à-vis des autres servicesde police et de la gendarmerie que, surtout, de l'administration des douanes,en raison de la réticence, voire du refus, de certains services oustructures d'appliquer les textes qui lui confèrent un rôleinterministériel ».

Dans son rapport de suivi, rendu public en juillet 2002, laCour des comptes soulignait la persistance de cette insuffisante coordinationdes différents services répressifs engagés dans la luttecontre les trafics.

Enfin, dans son rapport d'évaluation du plan triennalde lutte contre la drogue et de prévention des dépendances(1999-2002), non encore rendu public, l'Observatoire français desdrogues et des toxicomanies (OFDT) souligne les carences de la coordination desservices d'enquête d'une part, des services répressifs d'autrepart.

(1) La coordination des services d'enquête

La circulaire judiciaire du 17 juin 1999 relative à lalutte contre le trafic de stupéfiants avait notamment pour but unemeilleure coordination dans la conduite de l'action publique et encourageait lacréation de structures locales de concertation afin d'éviter lechevauchement des interventions visant à lutter contre le trafic.

A ce titre, d'après le rapport d'évaluationprécité de l'OFDT, « quelques avancées ontpu être observées au cours de la périodetriennale », notamment grâce à la conduite d'uneréflexion interministérielle ayant permis d'identifier lesprincipaux obstacles à la lutte contre les trafics de façonà pouvoir les contourner et guider ainsi le travail d'enquête.

En outre, il faut souligner que l'annexe de la loin° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et deprogrammation pour la sécurité intérieure citait« parmi les priorités opérationnelles : la luttecontre le développement du trafic de drogues quigénère en amont comme en aval de multiples formes dedélinquance et constitue un fléau sanitaire qui frappe enpriorité les jeunes. Dans ce contexte, la nocivité de toutes lesdrogues doit être reconnue et la dépénalisation de l'usagede certains produits stupéfiants doit êtrerejetée » , et préconisait ledéveloppement d'outils d'investigation performants, ainsi que lerapprochement du système uniformisé des produitsstupéfiants (fichier STUP) entre les bases de données de lapolice, de la gendarmerie et des douanes, sous la forme d'une mise enréseau des informations détenues par ces trois services.

L'OFDT dresse en revanche un bilan mitigé des deuxbureaux de liaison permanents (BLP) mis en place en 1997 dans leNord-Pas-de-Calais et aux Antilles-Guyane en précisant que« le partage des renseignements et des objectifs s'est peudéveloppé car les structures qui devaient accompagner lefonctionnement des BLP pour l'exploitation du renseignement et ladéfinition des objectifs n'ont jamaisfonctionné ».

L'EFFICACITÉ MITIGÉE DES DEUXBLP

1 - Le BLP de Lille

Le BLP de Lille se compose de trois agents : deuxgendarmes et un policier. Compte tenu de la proximitégéographique des services, la douane n'est pas représentéeau sein du BLP, deux agents du groupe « recherche » del'échelon direction des enquêtes douanières de Lilleassurant la liaison entre la douane et le BLP et intégrant les objectifsdu BLP.

La cellule de coordination de Lille fonctionne depuis le moisd'avril 1998. Dans cette base figurent, en permanence et en moyenne, un millierde fiches d'identité d'individus faisant l'objet d'enquêtes etenviron 250 objectifs en cours. Au 31 décembre 2002, 277 objectifsétaient inscrits au BLP, dont 55 intégrés par ladouane.

Les consultations du fichier, effectives de jour comme denuit, ont permis d'éviter 19 « doublons »d'enquêtes en 1999, 41 en 2000, 53 en 2001 et 58 en 2002. L'augmentationdu nombre de doublons évités au fil des ans indique une meilleureprise en compte du dispositif BLP par les services répressifs.

Un état des objectifs est adressé chaquetrimestre aux onze procureurs de la République du ressort de la Courd'appel de Douai.

Le BLP de Lille a également pour vocation des'impliquer dans la coopération transfrontalière. Il estl'interlocuteur privilégié des officiers de liaisonfrançais en poste aux Pays-Bas pour la région, l'échangede renseignements étant constant. La présence d'un officier depolice néerlandais dans les locaux du BLP contribue égalementà la communication entre les deux pays.

Le BLP s'efforce de mettre en place une coopérationsimilaire avec la Belgique, notamment avec le concours du CCPD de Tournai. Uneréunion a eu lieu à Mons (Belgique) le 3 février 2003et le principe de la transmission réciproque des renseignements aété accepté.

Lors de son déplacement àValenciennes , la commission d'enquête a notamment pu rencontrerle major Thirard, représentant du BLP de Lille. Ce dernier aindiqué que le BLP devait permettre des échanges de renseignemententre les services de police, de gendarmerie et des douanes, en collaborationavec un officier de liaison néerlandais. En outre, il aprécisé que la mission principale du BLP était de mettreen contact tous les services répressifs de la région, qu'en 2002le BLP avait fait l'objet de 7.678 consultations contre 3.000 en 2000. Lecommandant Gazan, chef d'escadron de la gendarmerie de Valenciennes, a, quantà lui, estimé que le BLP et le GIR étaient deuxentités complémentaires et que le BLP mériteraitd'être généralisé sur le territoire auxfrontières. Enfin, le commandant Rossignol, adjoint au chef du GIR deValenciennes, a souligné que le BLP avait un rôle derégulateur et qu'il permettait d'éviter les doublons dans lesenquêtes tandis que le GIR avait un rôle opérationnel, qu'ildevait appuyer l'ensemble des services répressifs dans le montage deleurs dossiers « stupéfiants » et qu'il étaiten droit d'exercer l'ensemble des prérogatives de poursuite de sesmembres participants.

Conçu à l'origine comme une structure decoopération à vocation opérationnelle, le BLP s'est doncvu réduit au rôle de simple régulateur sans réellecapacité d'action.

2 - Le BLP de Pointe-à-Pitre

Le BLP des Antilles est actuellement composé de quatrefonctionnaires : un policier, deux gendarmes et un douanier. L'agent de ladouane, issu de l'antenne de la direction des enquêtes douanièresde Guadeloupe, n'y est toutefois pas affecté en permanence, il assureune présence partielle mais régulière permettant d'assurerla liaison avec les services douaniers de la zone.

Au 31 janvier 2003, 194 objectifs étaient inscrits auBLP, dont 82 intégrés par la douane. Parmi les objectifsintégrés par la douane en 2002, 24 doublons d'enquête ontpu être évités.

Dans ses réponses au questionnaire adressé parla commission d'enquête, le ministère de l'intérieur, de lasécurité intérieure et des libertés localesprécise que « la cellule de coordination des Antilles,basée dans les locaux du SRPJ Antilles-Guyane aux Abymes (Guadeloupe),ne fonctionne pas de manière totalement satisfaisante et n'a passuffisamment fait la preuve de sa capacité àfédérer les actions des trois administrationsrépressives ».

A cet égard, lors de son déplacementà Saint-Martin , la commission d'enquête a pu se rendrecompte des difficultés fonctionnelles rencontrées par le BLPAntilles-Guyane.

Ainsi, le Colonel Alain Despaux, commandant la gendarmerie deGuadeloupe, a exprimé des réserves à l'encontre de cettestructure et a souligné l'existence d'un problème de coordinationentre services notamment en termes d'échange du renseignement. Il aestimé que la question de l'utilité du Bureau de liaisonpermanent (BLP), créé en 1997 sur la zone Antilles-Guyane, seposait. Il a estimé que le BLP permettait certes d'éviter lechevauchement des enquêtes mais qu'il ne permettait pas unesynthèse du renseignement et la désignation d'un pôleopérationnel.

De même, M. Serge Garcia, représentant ladirection départementale de la police aux frontières de laGuadeloupe, a estimé que les services opérationnels neredistribuaient pas de manière efficace le renseignement auprèsdu BLP. En outre, il a souligné que le GIR de Guadeloupe avait uneexistence quasi virtuelle. Il a estimé nécessaire de créerune cellule administrative commune afin de lutter contre les difficultésmatérielles d'échange de renseignement.

Plusieurs réformes du fonctionnement duBLP Antilles-Guyane ont été envisagées pour2003 :

- le BLP doit redevenir le centre deréférence, le point de passage unique et obligé dans lecircuit de toute information en lien avec la lutte contre le trafic destupéfiants intéressant la zone Caraïbe, que celle-ciprovienne des services des départements françaisd'Amérique ou de ceux, français ou étrangers,présents dans la zone ;

- le BLP sera, au cours de l'année 2003,transféré de Pointe-à-Pitre à Fort-de-France(Martinique). Le groupe de travail interministériel, crééen mai 2002 pour réfléchir aux modalitésd'amélioration du dispositif de lutte contre le trafic de drogue dans laCaraïbe, avait initialement prévu une implantation du BLP dans leslocaux de la direction des douanes ; toutefois, conformémentà l'avis du Préfet de la région Martinique, il seramatériellement installé dans les locaux du COMAR afin defaciliter les échanges avec l'autorité maritime lorsque lesrenseignements impliqueront une action en mer. L'objectif de la démarcheest de rapprocher cette structure des principaux centres de décision,tels que le préfet de la Martinique, le COMAR, l'antenne de l'OCRTIS, ladirection interrégionale des douanes d'Antilles-Guyane et le Centreinterministériel de formation anti-drogue (CIFAD) ;

- enfin, le rôle du représentant de l'OCRTISen Martinique sera conforté afin qu'il puisse assurer l'animation et lacoordination de la structure pour, notamment, dégager un consensus surles analyses et les options opérationnelles. En outre, la gendarmerienationale installera au BLP deux militaires dont un officier supérieuret un sous-officier, la police nationale un commissaire ainsi qu'un officiertandis que la direction des douanes étudie les modalités dedélégation d'un représentant et, en casd'opérations dont la douane est à l'origine ou lorsqu'elle estchargée de l'intervention, cette administration renforceratemporairement sa représentation en tant que de besoins. Une permanence,bénéficiant des liaisons sécurisées et du personneldu COMAR, sera organisée de telle façon qu'elle couvre l'ensemblede la plage horaire et qu'en dehors de ses heures de présence, lepersonnel du BLP puisse être alerté à domicile.

(2) La coordination des services répressifs

La circulaire judiciaire du 17 juin 1999 relative à lalutte contre le trafic de stupéfiants insistait également sur lefait que « la coordination des services répressifs, tanten termes d'objectifs que de modalités d'intervention des services, estessentielle dans la lutte contre les trafics de stupéfiants.L'insuffisance de celle-ci conduit inéluctablement à une moindreefficacité de l'action judiciaire. Les parquets doivent enconséquence s'impliquer pleinement dans la définition et la miseen oeuvre de l'activité déployée par les servicesrépressifs ».

Le risque découlant d'une coordinationdéfaillante des services répressifs résulte de ce queplusieurs services, agissant en enquête préliminaire ou surcommission rogatoire, enquêtent sur le même trafic ou sur desséquences connexes, avec des objectifs d'enquête parfoisdifférents, de tels chevauchements étant de nature àpréjudicier aux résultats des investigations. Sur cepoint, la circulaire de 17 juin 1999 précitée rappelle« les missions de centralisation d'informations et decoordination dévolues à l'OCRTIS au sein de la direction centralede la police judiciaire ».

La question de l'articulation des services de l'Etat dans larépression du trafic local notamment se pose avec acuité enraison des divergences de vue s'étant exprimées dans le cadre descontrats locaux de sécurité (CLS). Les CLS ont ainsi mis enévidence des différences de conception et de logiqueprofessionnelle susceptibles de produire des effets sur l'articulation despolitiques en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants.La MILDT a ainsi tenté de faciliter la mise en oeuvre d'une approchepénale cohérente à l'égard des trafiquants desacteurs locaux et nationaux participant aux CLS, par le biais des rencontresinterrégionales des CLS organisées en 2001 et 2002. A cetteoccasion, l'idée de concevoir des contrats plus spécifiquementorientés vers la lutte contre les trafics, au sein ou en dehors descadres des CLS, a été évoquée par lesprofessionnels.

En outre, la circulaire du garde des Sceaux sur lasécurité du 9 mai 2001 a déterminé des outilspermettant d'améliorer la coordination locale des servicesrépressifs, des administrations et des intervenants institutionnel duterritoire concerné autour d'objectifs spécifiques, parmilesquels la lutte contre le trafic de stupéfiants, dans le cadre desgroupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD). Cette orientationa été confirmée par une circulaireinterministérielle des ministres de l'intérieur et de la justicedu 5 septembre 2001 relative à la mise en oeuvre d'actionsrépressives contre les infractions commises en bande et les traficslocaux et notamment des actions ciblées sur ledémantèlement des bandes et la lutte contre les économiessouterraines fondées sur les trafics locaux de stupéfiants ou lesvols recels organisés.

Les recommandations contenues dans la circulaire du 17 juin1999 précitée semblent, pour leur part, être restéeslettre morte puisque, dans son rapport d'évaluation du plan triennal delutte contre la drogue et de prévention des dépendances, l'OFDTsouligne que « dans sa mission de coordinationinterministérielle de l'action opérationnelle des servicesconcernés par le trafic de stupéfiants (gendarmerie et douanes),l'OCRTIS semble s'être heurté à de nombreusesrésistances ( et) peine à faire fonctionner satransversalité ». En outre, d'après les informationsfournies par l'OFDT, le nombre de fonctionnaires affectés à cetoffice n'a cessé de diminuer et le détachement d'un agent desdouanes à l'OCRTIS a été particulièrement difficileà concrétiser.

Force est toutefois de constater que l'ORCTIS amultiplié les efforts pour améliorer la coordination entreservices répressifs en mettant notamment en place une réunionmensuelle sur les objectifs et en travaillant à une meilleureassociation de la gendarmerie. En outre, pour favoriser la collaboration desservices d'enquête, l'OCRTIS a mis en place un fichier de numérosde téléphone à l'étranger (notamment en Espagne).Enfin, l'OCRTIS a lui-même opéré annuellement prèsde 200 arrestations de trafiquants et la saisie de près de 10 tonnes deproduits stupéfiants.

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Nicolas Sarkozy a d'ailleurs précisé : « Surl'OCRTIS, nous allons mettre dix fonctionnaires de plus, c'est-à-dire 30au total à l'issue du programme -il y en a 80 aujourd'hui-, notammentdes officiers de liaison en poste à l'étranger (...) pour un payscomme le nôtre, 110 personnes consacrées uniquement auxrenseignements et à la lutte contre les trafics internationaux sur ladrogue n'est pas rien ».

Les difficultés résultant de cetteinsuffisante coordination de l'action des services répressifs sonttoutefois en passe d'être résolues grâce à lacréation en mai 2002 des groupes d'intervention régionaux, lesGIR, dont le bilan après moins d'un an d'existence estparticulièrement satisfaisant.

Dans son rapport d'évaluation précité,l'OFDT indique, à ce titre, que « les vertus d'unemeilleure intégration verticale, c'est-à-dire la mise en place destructures nouvelles destinées à piloter de manière pluscentralisée l'action répressive constitue une piste qui doitêtre exploitée. De ce point de vue, la création des GIRconstitue une innovation réelle en matière de coordination dontles effets positifs devront être documentés ».

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécuritéintérieure et des libertés locales, a souligné les effetspositifs induits par la création des GIR en termes de lutte contre lestrafics de stupéfiants : « Les GIR existent depuisune dizaine de mois, très exactement depuis l'été 2002.Les GIR, rien que sur la lutte contre la drogue et l'économiesouterraine, ont engagé 335 opérations, qui ont conduit à2.500 arrestations, à la saisie d'une tonne de résine decannabis, de 25.000 comprimés d'ecstasy et de 24 kilosd'héroïne et de cocaïne. Manifestement, les GIR sont la voiela plus adaptée pour lutter contre l'économiesouterraine ».

LES PRINCIPALES ACTIONS RÉALISÉES PAR LESGIR
EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES DROGUES ILLICITES
DEPUIS LEURMISE EN PLACE

La lutte contre les trafics illicites de stupéfiants etl'infraction de « proxénétisme de la drogue »représente le tiers de l'activité des groupes d'interventionrégionaux. Associés principalement à des servicescombattant ce phénomène au sein des banlieues sensibles, ilsparticipent à des enquêtes contre des trafics locaux où ilsapportent la valeur ajoutée de l'interministérialité parle biais de la direction générale des douanes et la direction desservices fiscaux, certains moyens matériels et les effectifsnécessaires aux perquisitions et auditions.

Depuis l'été 2002, les GIR ont étéà l'origine de 335 opérations de police qui ont fortementcontribué à restaurer la crédibilité des forces del'ordre et des administrations partenaires, notamment auprès des couchesles plus défavorisées de la population. L'ensemble desenquêtes a permis l'arrestation de plus de 2.500 malfaiteurs dont unebonne part sera poursuivie sur la base des textes du code pénal maisfera également l'objet de sanctions fiscales ou douanières. Cesinterpellations ont été assorties de la saisie de prèsd'une tonne de résine de cannabis, 25.000 comprimés d'ecstasty,24 kilos d'héroïne et de cocaine. En outre, 2.5000.000 eurosd'origine frauduleuse ainsi que 235 armes à feu (dont des pistoletsmitrailleurs) ont pu être appréhendés.

En termes d'efficacité, il convient de ne pass'arrêter au volume des prises mais davantage sur l'impact desopérations au sein des collectivités confrontées àune dégradation de l'autorité de l'Etat.

Dans cette optique, quatre affaires principalesméritent d'être citées.

1- Celle réalisée le 17 septembre 2002 àMulhouse, au sein du quartier Saint-Fridolin qui, grâce auxinvestigations du GIR d'Alsace, a retrouvé une vie normale aprèsle démantèlement d'un réseau d'économie souterrainemettant en cause plus de trente personnes dont plusieurs mineurs quis'étaient progressivement approprié les lieux pour en faire unvéritable marché aux stupéfiants approvisionnant lalocalité de ses environs.

Cette intervention est également remarquable au plandes poursuites. Au terme de la procédure de flagrant délit, 15individus dont un mineur ont été déférés.Les 14 majeurs ont été cités en audience de comparutionimmédiate en vertu des nouvelles dispositions prévues parl'article 40 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9septembre 2002, et 12 d'entre eux ont été condamnésà des peines de prison s'échelonnant de 6 mois à2 ans, assorties partiellement d'un sursis avec mise àl'épreuve.

2- Celle consécutive à la mise enévidence par le service d'investigations et de recherches de ladirection départementale de la sécurité publique de Pau(Pyrénées Atlantiques), d'un important trafic de résine decannabis se déroulant quotidiennement aux abords de la« maison des jeunes et de la culture » et du terrain debasket-ball dans le quartier sensible de « l'Ousse desbois ». L'ampleur des investigations a conduit à la saisine dugroupe d'intervention régional d'Aquitaine en septembre 2002.

Le 18 novembre 2002, une vaste opération étaitdéclenchée à Pau, Bayonne et Lescar(Pyrénées Atlantique).

46 personnes étaient placées en garde àvue tant pour trafic de stupéfiants que pour« proxénétisme de la drogue ». Les saisiesopérées lors des perquisitions confirmaient les faits (1,5 kilode résine de cannabis et 500 g de la même substance chez les deuxorganisateurs du trafic, 16.430 euros) et l'implication présuméedes suspects dans des affaires de vols et de recel (véhicules,matériel vidéo, etc.).

Au terme de la procédure, 18 suspects ontété écroués.

3- Celle réalisée le 25 mars 2003, en appui duservice d'investigation et de recherche de la circonscription desécurité publique d'Orléans et du service régionalde police judiciaire local saisis conjointement d'une enquête relativeà un vaste trafic de stupéfiants touchant les villesd'Orléans, de Tours, de Vendôme, d'Epinal, de Saint Brieuc,d'Angers et de Strasbourg.

A cette occasion, le groupe d'intervention régional aparfaitement rempli sa mission de coordination et de support en apportant auxdeux directeurs d'enquête l'appui de 29 personnes« ressource », de 4 services extérieurs à larégion (Nancy, Rennes, Strasbourg et Angers), de16 maîtres-chiens (des douanes, de la gendarmerie nationale, de ladirection départementale de la sécurité publique desYvelines) et des effectifs de sécurisation.

4- Celle consacrant l'aboutissement d'investigationsmenées depuis l'été 2002 par le commissariat desécurité publique d'Evreux et le GIR de Haute-Normandie surdivers trafics semblant se dérouler dans le quartier de la« madeleine », théâtre au printemps 2002d'importantes émeutes consécutives au décès paroverdose durant sa garde à vue d'un revendeur notoired'héroïne. Les surveillances mettaient en évidence plusieursréseaux de revente de drogues s'interpénétrant àl'occasion ainsi que de nombreuses infractions incidentes (infraction àla législation sur les sociétés de surveillance, travaildissimulé, aide au séjour irrégulier, vols, escroqueriesdiverses).

Le 7 avril 2003, une vaste opération menée ausein de trois quartiers sensible de l'agglomérationébroïcienne permettrait la découverte d'un laboratoireclandestin de culture de plants de cannabis, d'un kilo de résine decannabis, de trois armes de poing et de divers matériels,vêtements et denrées alimentaires volés).

Sur les 36 personnes mises en causes, 12 ont étéécrouées.

5- Enfin, bien que rarement sollicités par des servicesenquêtant sur des trafics internationaux, les groupes d'interventionrégionaux ont néanmoins contribué au succès decertaines affaires.

A ce titre figure l'importante saisie de 504 kilos derésine de cannabis réalisée le 10 octobre 2002à Lyon par le GIR de la région« Rhône-Alpes » en appui du service régionalde police judiciaire local.

b) Desdifficultés liées à la sophistication croissante desméthodes des trafiquants

Lors de son audition par la commission, M. Nicolas Sarkozy,ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieureet des libertés locales, a insisté sur un point crucial en termesde lutte contre le trafic de stupéfiants : « Nous nous apercevons que la force des mafias, car cesont des mafias, est qu'elles sont réactives et s'adaptent plusrapidement que l'Etat. J'aimerais que l'Etat, en tout cas dans l'administrationdont j'ai la responsabilité, ait cette culture de laréactivité et de l'adaptabilité. Il faut que nouspuissions nous adapter tout de suite, beaucoup plus rapidement. Eux s'adaptentà une vitesse stupéfiante. C'est leur force. Il faut que nous lefassions aussi. »

La commission d'enquête, au cours de ses travaux, a puconstater la sophistication et la criminalisation croissantes desméthodes employées par les trafiquants auxquelles lescapacités d'enquête et les moyens des différents servicesrépressifs sont aujourd'hui incapables de faire face.

(1) Les nouvelles technologies au service des trafiquants dedrogues

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Bernard Petit, chef de l'OCRTIS, a déclaré :« Le degré de sophistication auquel on assisteaujourd'hui dans le trafic atteint des niveaux inégalés. Lesprogrès de la téléphonie mobile et la disposition duréseau internet facilitent grandement les activités de trafic desorganisations spécialisées et les rendent, parcertains aspects, moins vulnérables aux attaques de la police, de ladouane, de la gendarmerie et de la justice. Cela rend notre travail plusdifficile. »

En effet, les possibilités d'anonymat de latéléphonie mobile constituent un obstacle important auxcapacités d'enquête des services répressifs, demême que les difficultés rencontrées par ces services pourobtenir des opérateurs de téléphonie mobile lesfacturations détaillées dans des délais compatibles avecles nécessités d'une enquête.

Ainsi, M. Bernard Petit a souligné, lors de sonaudition par la commission d'enquête, que « tous lestrafiquants de stupéfiants aujourd'hui, depuis le petit jusqu'au plusgrand, utilisent les cartes prépayées, qui sont source d'anonymatet qui empêchent toute identification. Vous pouvez avoir un informateurqui vous donne une information capitale, notamment le numéro detéléphone de telle personne, mais cela ne vous permet pas desavoir qui se cache derrière la carte prépayée et lafacturation que vous allez obtenir, au mieux dans les quatre semaines quisuivent, ne vous permettra pas une exploitation rapide : en quatresemaines, le téléphone aura changé, la carteprépayée aura été jetée après uneimportation de résine et sera échangée par uneautre. »

Il a ajouté : « Ça n'est pasun problème propre à la France, il ne peut sans doute êtreréglé qu'au niveau européen et sa connotationcommerciale pour nos opérateurs téléphoniquesmérite d'être prise en considération, mais cela expliquepourquoi on piétine parfois dans les enquêtes. »

Dans son rapport sur l'évaluation du plan triennal delutte contre la drogue et de prévention des dépendances, l'OFDTmentionne cet obstacle lié aux possibilités d'anonymat offertespar la téléphonie mobile et précise qu'une discussion avecles opérateurs de téléphonie mobile a étéouverte et a fait l'objet d'un groupe de travail au niveau de la Chancellerieet de la police judiciaire. Ainsi, l'accès aux renseignements relatifsaux lieux et horaires des trafics, échangés anonymement partéléphone portable, a été identifié comme uncanal d'investigation qui pourrait être utile aux servicesd'enquête. Toutefois, l'OFDT souligne que « lesopérateurs téléphoniques sont réticents àcoopérer : certains refusent ou répondent dans desdélais longs ; d'autres font preuve de « mauvaisevolonté, ne respectant pas le cahier des charges qu'ils ont signéen matière d'interception ou opposant des tarifs prohibitifs quibloquent l'autorisation des recherches. »

Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loin° 2002-239 du 18 mars 2003 pour la sécuritéintérieure, les opérateurs de services detélécommunications sont tenus de permettre l'accès par lesautorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerienationales, agissant dans le cadre de missions judiciaires, à leurslistes d'abonnés et d'utilisateurs complètes, nonexpurgées et mises à jour. Sur demande de l'officier de policejudiciaire, les organismes publics ou les personnes morales de droitprivé mettent à sa disposition les informations utiles àla manifestation de la vérité, à l'exception de cellesprotégées par un secret prévu par la loi, contenues dansle ou les systèmes ou traitements de données nominatives qu'ilsadministrent.

L'officier de police judiciaire intervenantsur réquisition du procureur de la Républiquepréalablement autorisé par ordonnance du juge des libertéset de la détention peut requérir des opérateurs detélécommunication de prendre sans délai toutes mesurespropres à assurer la préservation pour une durée nepouvant excéder un an du contenu des informations consultées parles personnes utilisatrices des services fournis par lesopérateurs . Ils doivent mettre à disposition lesinformations reçues dans les meilleurs délais par voieinformatique ou télématique.

(2) Des méthodes d'interception inadaptéesà la nouvelle technique des « go fast »

Outre la sophistication technique des méthodesemployées par les trafiquants, la commission d'enquête aégalement pu noter une criminalisation croissante de ces méthodesau cours des dernières années, liée essentiellementà l'émergence de la technique des « gofast » , déjàévoquée dans le présent rapport.

Cette méthode particulièrement violente imposeune nécessaire adaptation des capacités d'intervention desservices répressifs nationaux.

A la question de savoir s'il existait une solution auxproblèmes des « go fast » , M. BernardPetit, chef de l'OCRTIS a répondu: « Oui. Nous organisonsrégulièrement des bureaux de liaison entre les unitésspécialisées des « stup » de toute la France,et nous avons mis au point une stratégie pour mieux lutter contre les« go fast ». (...) Nous nous organisons davantage. Le vraiproblème des « go fast », c'est l'interceptionmatérielle de ces véhicules sans mettre en danger la vie desusagers des autoroutes. Si, demain, alors que vous faites votre plein àtrois heures du matin sur l'autoroute, vous voyez arriver quatre « gofast » à vos côtés et que la police commenceà tirer au fusil à pompe, vous ne serez pas content, ce qui estnormal. Les sociétés autoroutières nous demandent aussid'intervenir légèrement. Nous avons développécertaines stratégies (qui) sont extrêmement vitales pournous et notre activité. »

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de lasécurité intérieure et des libertés locales aégalement souligné les difficultés rencontrées parles services répressifs liées à la technique des« go fast » . Il a en outre proposéplusieurs pistes de réflexion destinées à contourner ceproblème : « nous avons d'abord à mettre enplace une nouvelle doctrine pour piéger les autoroutes. Lesautoroutes sont devenues des axes de circulation rapide pour la grandedélinquance (...) pas simplement pour les trafiquants dedrogue. (...) Il faut que la gendarmerie comme la police changent leursméthodes sur les autoroutes. Nous sommes en train de travaillerlà-dessus. C'est plus facile à dire qu'à faire. (...) J'aidemandé que l'on travaille sur ces questions pour mettre enplace une nouvelle doctrine afin de rendre dangereux pour lesdélinquants nos axes autoroutiers . C'est un premierélément ».

En outre, M. Nicolas Sarkozy a rappelé devant lacommission d'enquête que l'article 26 de la loi n° 2003-239 du18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoitque des dispositifs fixes et permanents de contrôle automatisé desdonnées signalétiques des véhicules, permettant lavérification systématique au fichier des véhiculesvolés de la police et de la gendarmerie nationales, peuvent êtreinstallés en tous points appropriés du territoire, notamment leszones frontalières, portuaires ou aéroportuaires et les grandsaxes de transit national et international. Cette disposition permet donc desavoir « si chaque voiture qui passe aux péages aété volée ou pas ».

Enfin, M. Nicolas Sarkozy a rappelé l'acquisition denouveaux véhicules, plus modernes, pour la police et la gendarmerienationales, respectivement 5.000 et 4.400 en 2003.

Pour conclure son propos sur la question des « gofast » , M. Nicolas Sarkozy a précisé :« Je ne vous dis pas que nous allons résoudre leproblème (...) mais des véhicules rapides, des fichiers delecture automatique des plaques de voiture volées aux péages, denouvelles stratégies d'intervention sur les autoroutes (...) pourrontproduire des résultats. »

La nécessité d'un changement des méthodesemployées par les services répressifs face àl'avènement de la technique des « go fast » a également été évoquée par M.François Mongin, directeur général des douanes et desdroits indirects, lors de son audition par la commission d'enquête. Il anotamment insisté sur la nécessité d'unecoopération entre services répressifs sur ce sujet etindiqué que la douane avait mis en place une « veilletechnologique » permanente, en collaboration avec les servicesde la gendarmerie, ainsi que des groupes de travail chargé deréfléchir aux différents moyens de sécuriser leursméthodes d'interception ou leurs barrages. Ainsi,M. François Mongin a déclaré devant la commissiond'enquête : « Nous sommes en train d'acquérir,en liaison avec la gendarmerie nationale, un nouveau système de hersesqui permettrait d'éviter ce type de passage de viveforce. »

M. François Mongin a également tenu, lors de sonaudition, à attirer l'attention de la commission sur lesdifficultés que rencontraient les services douaniers ainsi quel'ensemble des services répressifs à opérer descontrôles sur les grands axes routiers et autoroutiers :« Les grands axes routiers, les voies express, les autoroutesdeviennent en quelque sorte des tunnels (...) et nous avons de plus en plus dedifficultés à obtenir des sociétés d'autoroute desplates-formes de contrôle et des locaux de visite ou de contrôlequi permettent à nos agents et aux gendarmes (...) d'effectuer en toutesécurité des contrôles permettant de savoir si un camiontransporte ou non des stupéfiants. »

Sur le même sujet, M. Gérard Estavoyer, directeurnational du renseignement et des enquêtes douanières, aprécisé que les services douaniers essayaient de« travailler le plus possible sur le renseignement afin de faireinterpeller ces véhicules non pas par des services classiques mais pardes services particuliers (...). Les deux façons de lutte contre les« go fast », sur terre comme en mer, sont d'une part, lerenseignement et, d'autre part, la technique pour essayer de les immobiliserd'une façon ferme et sans trop de dommages. »

(3) Les « bolitas » : nouvelletechnique de transport des drogues dures

Lors de son déplacement à Saint-Martin, lacommission d'enquête a été particulièrement sensibleà la recrudescence du phénomène des passeurs, ou« mules », qui ingèrent des quantités parfoisconsidérables (jusqu'à 1,7 kilogramme) de drogue(cocaïne, parfois héroïne) sous forme de boulettes, ou« bolitas ».

M. Bernard Petit, chef de l'OCRTIS, a expliqué cettetechnique lors de son audition par la commission d'enquête :« On roule la cocaïne dans des préservatifs, on lacompacte selon un procédé particulier, on avale trente, quaranteou cinquante boulettes et on se présente à l'aéroport deRoissy pour emmener ces boulettes jusqu'à Barcelone. Cela entraînede temps en temps des incidents graves : si une boulette s'ouvre, on seretrouve dans le coma et en réanimation ».

Cette nouvelle technique de transport de la drogue pose denombreuses difficultés aux services répressifs chargés dela lutte contre le trafic de stupéfiants.

A cet égard, M. Bernard Petit a souligné lors deson audition : « nous sommes face au dilemme suivant :d'un côté, il nous faut interpeller ces passeurs auxaéroports ; si nous les laissons venir impunément dans notrepays, cela créera un appel d'air, les flux ne feront ques'accroître (...) ; d'un autre côté nous ne pouvons pasengager toutes nos forces pour lutter contre ces passeurs. En effet, tandisqu'un passeur arrive avec 600 ou 700 grammes, cela n'empêche pas un clanlyonnais ou marseillais d'importer 400 kilos par voilier. Il faut doncéquilibrer nos forces et penser à la stratégie par rapportaux passeurs avec leurs boulettes et leurs 600 grammes et aux gros trafiquantsqui importent massivement par camion et bateau ».

Le phénomène des« bolitas » est commun à l'ensemble despays européens et particulièrement important aux Pays-Bas et enGrande-Bretagne.

LA RECRUDESCENCE DES PASSEURS ÀL'AÉROPORT D'AMSTERDAM-SCHIPOL

En 2000, le nombre de passeurs de drogues interpellésà Schipol était de 800 ; en 2001, il était de 1.233,soit une augmentation de 54 % par rapport à 2000.

En 2002, le bilan de la situation est particulièrementinquiétant puisque le nombre de passeurs interpellésétaient de 1.265 pour un total de saisies évalué à6.343 kilogrammes. Le total des saisies de cocaïne s'élèveà 6.232 kilogrammes, tandis qu'il est seulement de 9,3 kilogrammesd'héroïne. Les saisies de résine de cannabiss'élèvent à 100,6 kilogrammes pour 1,2 kg d'herbe. Sur les1.265 passeurs interpellés, 867 personnes l'ont été alorsqu'elles transportaient des produits stupéfiants in corpore .

Pour tenter de trouver une solution au phénomènedes « bolitas », les autorités judiciairesnéerlandaises ont mis en place une procédure simplifiéequi leur permet de laisser en liberté les personnes pour lapremière fois interpellées de nationaliténéerlandaise et ayant une adresse aux Pays-Bas. Ces personnes serontconvoquées à une date ultérieure pour êtrejugées par un tribunal. Les mesures prises par les autoritésnéerlandaises visent à restreindre le nombre de détentionsprovisoires. Dans la pratique, de nombreux passeurs sont ainsi laissésen liberté lorsque les quantités importées sontinférieures à 1,5 kg.

En outre, pour tenter de faire face à la recrudescencedes passeurs, les autorités néerlandaises ont étécontraintes de prendre un certain nombre de mesures parmi lesquelles laconstruction de locaux, dans l'enceinte de l'aéroport de Schipol.Courant 2002, les autorités de l'aéroport de Schipol ont ainsiidentifié jusqu'à 47 passeurs voyageant à bord d'unmême avion en provenance de Curaçao (Antillesnéerlandaises). A la fin du premier trimestre 2003, les servicesrépressifs de Schipol devraient en outre disposer de 100 cellules pouraccueillir ces passeurs.

Parallèlement, afin de lutter contre les trafics enamont, les capacités de contrôle dans les aéroports desAntilles néerlandaises ont été renforcées. Unecoopération plus étroite avec la compagnie KLM aété mise en place. Du matériel de radiographie aégalement été dépêché surl'aéroport d'Hato - Curaçao au début du mois de janvier2003. L'installation de ce matériel a étédécidée afin d'accroître les possibilitésd'identification des passeurs avant leur embarquement.

Enfin, depuis le 1 er octobre 2002, le gouvernementnéerlandais a mis en place un programme de renvoi des passeurs enprovenance de pays étrangers après admonestation. Les passeursfaisant l'objet de ce traitement peuvent néanmoins faire l'objet depoursuites judiciaires dans leur pays d'origine et doivent être interditsde territoire pendant une période de dix ans.

L'augmentation importante du nombre de passeurs ne permet pasaux autorités de l'aéroport de Schipol de mener desinvestigations d'envergure permettant l'identification des personnes dirigeantles réseaux internationaux de trafic de stupéfiants.

La saturation actuelle de certains aéroportseuropéens pourrait avoir pour conséquence une intensification dupassage de passeurs de drogues par les grands aéroports parisiens.D'après les chiffres avancés par M. Bernard Petit,l'aéroport de Roissy représente environ 150 à 200 affairespar an, toutes traitées par l'Office central pour la répressiondu trafic illicite des stupéfiants. Toutefois, il a ajouté que« les filières boliviennes de Santa-Cruz, par exemple,s'intéressent énormément à l'aéroport deRoissy parce qu'elles sont moins durement frappées qu'à Heathrowou Schipol ».

Une réflexion quant à l'évolution desméthodes des services répressifs à l'encontre de cephénomène est donc dès aujourd'hui nécessaire. Cette adaptation doit notamment reposer sur une intensification de lacoopération internationale entre services des différentsaéroports considérés comme les plus sensibles, unrenforcement de la coordination entre services répressifs nationauxainsi qu'une simplification des procédures judiciaires engagéesà l'encontre des passeurs.

Parmi les techniques les plus efficaces pour lutter contre cespasseurs de drogue, la technique du ciblage aérien ,mise en oeuvre par les services douaniers, est celle qui a le plus fait sespreuves et qui permet de détecter à l'avance quels seront lespassagers susceptibles de transporter de la drogue in corpore .

De plus, il s'agit d'un mode de transport qui a actuellementtendance à se généraliser et qui ne touche plus seulementles aéroports. Lors de son audition par la commission d'enquête,M. Gérard Peuch, chef de la brigade des stupéfiants à ladirection régionale de police judiciaire de la préfecture depolice de Paris, a ainsi déclaré : « Jetravaille avec les douanes parce que je suis chargé de gérer lesimportations par les voies ferroviaires. Les gares étant à Paris,on se rend compte qu'entre Amsterdam et Milan, au lieu de passer par les voiesaériennes, de plus en plus de « mules » (...)passent par les trains. Je suis donc chargé de gérer lesprocédures suite aux interpellationsdouanières ».

(4) Des difficultés liées àl'insuffisante circulation de l'information et à l'absence de statutdes indicateurs

Le renseignement et la circulation de l'information sont deuxéléments indispensables à la conduite des enquêtesmenées par les services répressifs dans la lutte contre lestrafics de stupéfiants.

Dans ce domaine, les carences aussi bien en termes detransmission et de circulation de l'information d'une part, que de statut desinformateurs des différents services répressifs d'autre part,sont avérées.

Dans son rapport d'évaluation du plan triennal de luttecontre la drogue et de prévention des dépendances, l'OFDTsouligne ainsi que les efforts de mise en cohérence des interventionsont été conséquents sur la période triennale maisqu'ils restent limités par un certain nombre de facteurs. Ainsi, lerapport indique que, « au stade de l'enquête sur lestrafiquants ou sur ceux qui leur sont indirectement liés, les servicesspécialisés se heurtent à de nombreux problèmestechniques : les délais de transmission de l'information d'unservice à l'autre persistent, les moyens techniques ou en personnel sontinsuffisants, les outils juridiques s'avèrent inadaptés ouinsuffisants ». En outre, au stade de la constatation del'infraction de trafic, « la complémentarité entreles services de police, de gendarmerie et des douanes ne fonctionne pas encorede façon suffisamment efficace ; malgré des efforts derapprochement, la circulation de l'information ne permet pas de confondre entemps réel les trafiquants ou leur complice ».

A cet égard, M. Nicolas Sarkozy, ministre del'intérieur, de la sécurité intérieure et deslibertés locales, a déclaré, lors de son audition par lacommission d'enquête : « Je souhaite développerle renseignement sur le grand banditisme, sur les trafiquants de drogue etl'infiltration. Ce qui fonctionne avec le terrorisme doit êtreutilisé avec les mafias ».

Parallèlement, l'attention de la commissiond'enquête a été attirée à plusieurs reprisessur le problème du statut des indicateurs desdifférents services répressifs.

M. Gérard Peuch, chef de la brigade destupéfiants à la direction de la police judiciaire de lapréfecture de police de Paris, a souhaité lors de son auditiondonner un réel statut à l'indicateur de police, sur lemodèle de « l'aviseur des douanes », « afin de normaliser et de judiciariser les relations que nouspouvons avoir avec ces personnes dont nous avons besoin à 101 %.Les relations que nous entretenons avec les indicateurs de police sont toujoursconsidérées soit comme malsaines, soit comme ambiguës, entout cas suspectes. C'est une revendication de l'ensemble des personnels de lapolice judiciaire (...) on ne peut pas continuer à initier desenquêtes en imaginant des faits faux pour mieux protéger unindicateur de police. Il faudrait avoir le courage de dire que nous avons putraiter une affaire parce que quelqu'un nous arenseignés. ».

Il en va de même pour la gendarmerie nationale.

Le statut de « l'aviseur »douanier est sans doute le plus pertinent. Lors de son audition par lacommission d'enquête, M. Gérard Estavoyer, directeur national durenseignement et des enquêtes douanières, aprécisé : « Pour l'instant, seule la douaneest capable de rémunérer ses aviseurs de façon correcte,légitime et parfaitement légale ».

Il a ajouté : « On peut qualifierles relations entre un aviseur des douanes et les services des douanes commeobéissant à une espèce de contrat civil : un aviseurs'engage à fournir un certain nombre de renseignements et, si cerenseignement est utile et s'il produit une affaire, cet aviseur peutêtre rémunéré dans la parfaitelégalité. Cela nous permet aussi de ne faire aucune concessionavec les aviseurs, dans la mesure où, dès l'instant où ilssortent de ce contrat sur une affaire que nous connaissons et dont il nous aparlé, nous n'avons pas, comme d'autres, à le protéger.Nous ne le protégeons que sur ce que nous connaissons. Il y a donc unecertaine souplesse et des textes qui ont le mérited'exister ».

Il a ajouté que ces aviseurs étaientrémunérés sur la base du chapitre 15-03 de la dettepublique, celui du produit des amendes et des confiscations, pour lequel ilexiste des barèmes précis et limités. Ce barème estfixé au « tiers théorique (du produit desaffaires) avec un plafond (...) actuellement fixé à 3.000euros, et seule une décision du directeur général desdouanes peut permettre d'autoriser son dépassement ».

Parallèlement, dans le cadre de la procéduredouanière dite des livraisons surveillées, l'article 67 bis du code des douanes régit le statut des agents douaniersinfiltrés, qui ne peuvent être pénalement responsables si,dans le cadre de leurs activités d'infiltration, ils acquièrent,détiennent, transportent ou livrent des stupéfiants.

LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 67 BIS DU CODEDES DOUANES

« Afin de constater les infractionsdouanières d'importation, d'exportation ou de détention desubstances ou plantes classées comme stupéfiants, d'identifierles auteurs et complices de ces infractions ainsi que ceux qui ontparticipé comme intéressés au sens de l'article 399 etd'effectuer les saisies prévues par le présent code, les agentsdes douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans desconditions fixées par décret peuvent, après en avoirinformé le procureur de la République et sous son contrôle,procéder à la surveillance de l'acheminement de ces substances ouplantes.

Ils ne sont pas pénalement responsables lorsque,aux mêmes fins, avec l'autorisation du procureur de la Républiqueet sous son contrôle, ils acquièrent, détiennent,transportent ou livrent ces substances ou plantes ou mettent à ladisposition des personnes les détenant ou se livrant aux infractionsdouanières mentionnées à l'alinéaprécédent des moyens à caractère juridique, ainsique des moyens de transport, de dépôt et de communication.L'autorisation ne peut être donnée que pour des actes nedéterminant pas la commission des infractions visées au premieralinéa.

Les dispositions des deux premiers alinéas sont,aux mêmes fins, applicables aux substances qui sont utilisées pourla fabrication illicite des produits stupéfiants et dont la liste estfixée par décret, ainsi qu'aux matériels servant àcette fabrication.

Ne sont pas pénalement punissables les agents desdouanes qui accomplissent, en ce qui concerne les fonds sur lesquels portel'infraction prévue à l'article 415 et pour la constatation decelle-ci, les actes mentionnés aux deux premiersalinéas. »

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Gérard Estavoyer a précisé qu'un projet de loi devaitêtre prochainement déposé afin de modifier les dispositionsde l'article 67 bis du code des douanes dans le sens d'une meilleureprotection des aviseurs douaniers. Il a en effet souligné que ce texte« qui date de 1991, ne permettait pas suffisamment (...) uneprotection de ce que nous appelons les aviseurs. Ceux-ci étaient eneffet en péril absolu devant la justice s'ils étaientdécouverts ».

Le projet de loi portant adaptation de la justice auxévolutions de la criminalité, présenté en conseildes ministres par le garde des Sceaux le 9 avril 2003, prévoit unenouvelle rédaction de l'article 67 bis du code des douanes endéfinissant la notion d'opération d'infiltration et en organisantla protection pénale des agents des douanes participant à cesopérations.

c) Desdifficultés liées à l'insuffisante exploitation des outilslégislatifs disponibles

Outre des dispositions de procédure pénaledérogatoires au droit commun, certaines incriminations sontspécifiques au domaine des stupéfiants et constituent un arsenallégislatif complet mais encore insuffisamment exploité dans lecadre de la répression du trafic de stupéfiants.

(1) Les dispositions visant à atteindre le patrimoinedes trafiquants ou de ceux dégageant un profit indirect du trafic dedrogues

La loi n° 96-392 du 13 mai 1996, relative àla lutte contre le blanchiment et au trafic des stupéfiants et àla coopération internationale en matière de saisies et deconfiscation des produits du crime, a eu deux mesures novatrices :

- la création du délit deblanchiment de fonds provenant de tout crime ou délit ;

- la création du délit de nonjustification de ses ressources par une personne ayant des relationshabituelles avec un trafiquant ou des usagers de stupéfiants.

(a) Les sanctions patrimoniales spécifiques au traficde stupéfiants

La circulaire judiciaire du 17 juin 1999 relative aurenforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants rappelle avecforce l'intérêt pour les magistrats d'avoir recours aux mesuresdestinées à atteindre le patrimoine des trafiquants en estimantque la privation du patrimoine des trafiquants doit constituer un axeprioritaire de la politique criminelle en matière de lutte contre letrafic de stupéfiants, passant par une mobilisation accrue desmagistrats aux fins de rechercher, d'identifier, de saisir et de confisquer lesproduits du trafic.

Le législateur a adopté deux types demesures spécifiques destinées à atteindre le patrimoinedes trafiquants , l'une visant à élargir l'assiette de lapeine de confiscation, l'autre visant organiser la mise en oeuvre de mesuresconservatoires permettant de figer le patrimoine identifié dutrafiquant.

• L'élargissement de l'assiette de lapeine de confiscation

S'agissant des infraction les plus graves à lalégislation sur les stupéfiants, le législateur estallé au-delà du régime de droit commun de la peinecomplémentaire de confiscation qui, aux termes de l'article 131-21 ducode pénal, s'applique aux biens qui sont en lien avec l'infractioncommise, qu'ils en soient le produit ou qu'ils aient servi à lacommettre.

Le deuxième alinéa de l'article 222-49 du codepénal prévoit la possibilité d'une confiscationgénérale du patrimoine du trafiquant : peut êtreprononcée la confiscation de tout ou partie des biens ducondamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ouindivis, dans les cas limitativement prévus par les articles suivants ducode pénal :

- article 222-34 : direction d'un groupement ayantpour objet le trafic de stupéfiants ;

- article 222-35 : production ou fabrication destupéfiants ;

- article 222-36 : importation ou exportation destupéfiants ;

- article 222-38 : blanchiment de fonds provenant dutrafic de stupéfiants.

La confiscation peut donc porter sur des biens qui ne sont pasle produit de l'infraction et qui peuvent avoir été acquislicitement, antérieurement ou postérieurement à lacommission de l'infraction.

• La possibilité de prendre des mesuresconservatoires en vue de permettre la confiscation de tout ou partie des biensdu condamné

Aux termes des dispositions de l'article 706-30 du code deprocédure pénale, le procureur de la République peutsolliciter la prise de mesures conservatoires sur les biens de la personne miseen examen en cas d'ouverture d'une information judiciaire pour les infractionsprévues aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal dansdeux hypothèses :

- pour garantir le paiement des amendes encourues ;

- pour l'exécution de la confiscationgénérale prévue au deuxième alinéa del'article 222-49 du code pénal.

Dans les deux cas, le président du tribunal de grandeinstance, sur requête du procureur de la République, peut ordonneraux frais avancés du Trésor et selon les modalitésprévues par le code de procédure civile relatives aux voiesd'exécution, des mesures conservatoires sur les biens de la personnemise en examen. La condamnation vaut validation des saisies confiscatoires etpermet l'utilisation définitive des sûretés. Ladécision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de pleindroit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesuresordonnées.

Peuvent ainsi coexister, dans une même procédure,deux initiatives distinctes tendant à préparer la mesure deconfiscation : la mise en oeuvre des pouvoirs habituels de saisie duproduit de l'infraction par le magistrat instructeur et la mise en oeuvre parle parquet des dispositions de l'article 706-30 du code deprocédure pénale pour les biens qui ne sont pas le produit ducrime mais qui sont néanmoins susceptibles de faire l'objet d'uneconfiscation.

Toutefois, dans son rapport sur l'évaluation du plantriennal de lutte contre la drogue et de prévention desdépendances, l'OFDT a estimé que la gamme des outilsrépressifs effectivement appliqués à l'encontre destrafiquants est difficile à estimer, toute tentative de chiffrage seheurtant aux limites des statistiques policières etpénales , les peines d'emprisonnement seules étantrecensées. Par ailleurs d'après l'OFDT, « il sembleque les peines de confiscation prononcées par les tribunaux se limitentle plus souvent à la seule confiscation des biens saisis lors desinterpellations ».

En effet, la circulaire du 17 juin 1999 relative à lalutte contre le trafic de stupéfiants souligne également que,faute d'identification du patrimoine des trafiquants et en l'absence de mesuresconservatoires préalables prises au cours de l'information, lespeines de confiscation prononcées par les tribunaux se limitent le plussouvent à la seule confiscation des biens saisis lors desinterpellations, ou dans un temps très proche .

La circulaire rappelle en outre que plusieurs facteursconcourent à rendre complexes ces investigations, dont ladifficulté de mettre en évidence et d'appréhender lespatrimoines des trafiquants en raison de leur étatd'insolvabilité apparente, ainsi que la complexité de certainesinvestigations financières.

Dans leurs réponses au questionnaire adressé parla commission d'enquête au ministère de la justice, les servicesde la Chancellerie précisent à cet égard que« le système de recueil de données statistiques nepermet pas de déterminer le nombre total des peines de confiscationprononcées par les juridictions. Il ressort toutefois de l'analyse desdifférentes procédures suivies par la direction des affairescriminelles et des grâces en matière de trafic destupéfiants et de blanchiment que ce type de peine est trèsrégulièrement prononcé ».

En outre, ces services indiquent que la peine porteessentiellement sur le produit direct ou indirect de l'infraction. En revancheaucune peine de confiscation de l'ensemble du patrimoine du délinquant,en vertu de l'article 222-49 deuxième alinéa du codepénal, n'a, à leur connaissance, étéprononcée à ce jour.

Une réflexion est actuellement en cours surl'opportunité de procéder à une révision dudispositif législatif applicable en termes de sanctions patrimonialesdes trafiquants.

Le projet de loi portant adaptation de la justice auxévolutions de la criminalité , présenté parle garde des Sceaux en conseil des ministres le 9 avril 2003, devraitpermettre d'étendre au trafic de stupéfiants et au blanchimentl'application du système juridique nouveau de saisie des avoirscriminels en lien avec une entreprise terroriste introduit par la loin° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à lasécurité quotidienne et permettant d'autoriser la prise demesures conservatoires par le juge des libertés sur saisine du procureurde la République.

• Le régime douanier spécifique deconfiscation

D'après le rapport d'évaluation de l'OFDT,« ce sont essentiellement les services douaniers quiprocèdent aux saisies et aux mesures confiscatoires. Cependant,l'utilisation des incriminations et sanctions spécifiques dont disposentles services douaniers pour réprimer des infractions liées autrafic n'a pu être chiffrée très précisémentavec les données statistiques disponibles ».

La direction générale des douanes et droitsindirects a fourni à la commission d'enquête des informationsprécises quant au régime de confiscation prévu par le codedes douanes, à la procédure d'aliénation des biensconfisqués et à la procédure de saisie poursûreté des amendes douanières régie par le code desdouanes.

Ainsi, s'agissant du régime douanier de confiscation,l'article 323-2 du code des douanes dispose que ceux qui constatent uneinfraction ont le droit de saisir tous les objets passibles de confiscation, deretenir les expéditions et tous les autres documents relatifs auxobjets.

LES DISPOSITIONS DU CODE DES DOUANES PRÉVOYANTLA CONFISCATION

- l'article 412 vise « la confiscation desmarchandises litigieuses », c'est-à-dire celles surlesquelles porte l'infraction douanière ;

- l'article 414 dispose que « sontpassibles d'un emprisonnement maximum de trois ans, de la confiscation d'unobjet de fraude, de la confiscation des moyens de transport, de la confiscationdes objets servant à masquer la fraude et d'une amende comprise entreune et deux fois la valeur de l'objet de fraude, tout fait de contrebande ainsique tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration lorsqueces infractions se rapportent à des marchandises de la catégoriede celles qui sont prohibées ou fortement taxées au sens duprésent code » ;

- l'article 415 (délit de blanchiment)prévoit également que sont punis notamment de la confiscation desommes en infraction ou d'une somme tenant lieu lorsque la saisie n'a pas puêtre prononcée ceux qui auront, par exportation, importation,transfert ou compensation, procédé ou tenté deprocéder à une opération financière entre la Franceet l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir,directement ou indirectement, d'un délit prévu au présentcode ou d'une infraction à la législation sur les substances ouplantes vénéneuses classées commestupéfiants ;

- l'article 430 prévoit, à titre de peinecomplémentaire, la confiscation de marchandises substituées, soiten cours de transport de marchandises placées sous un régimesuspensif, soit sous douane, de même que la confiscation du moyen detransport, en cas de refus d'obtempérer ;

- l'article 459, relatif aux infractions enmatière de réglementation des relations financières avecl'étranger, prévoit la confiscation du corps du délit etdes moyens de transport utilisés pour la fraude.

La confiscation est une peine principale ; elle peutêtre prononcée en nature et constitue une saisie réelle quitransfère la propriété à l'Etat de tous droits desobjets confisqués. En outre, les juges ne peuvent dispenser le redevablede la peine de confiscation dès lors que l'objet de la fraude aété saisi au préalable et en nature.

Ainsi, en vertu des dispositions du code des douanes, uneinfraction constatée à la législation sur lesstupéfiants donne lieu à :

- la saisie et la destruction de la marchandise ;

- une peine d'amende comprise entre une et deux fois lavaleur de la marchandise ;

- une peine d'emprisonnement maximum de trois ans ;

- la confiscation de l'objet de la fraude, celle desmoyens de transport et celle des objets servant à masquer la fraude.

S'agissant d'opérations de blanchiment provenant de ladrogue, la confiscation des sommes en infraction est égalementprévue par le code des douanes.

L'action visant l'application des sanctions fiscales, dont laconfiscation, est exercée à titre principal par l'administrationdes douanes, sur la base de l'article 343 du code des douanes. Lorsque lejugement est passé en force de chose jugée, l'aliénationdes objets confisqués est réalisée par le service desdouanes.

Les statistiques fournies par la directiongénérale des douanes et des droits indirects ne permettent pasdistinguer, au sein de l'évaluation du montant des biens et objetsconfisqués par les douanes, celui relatif aux seules confiscationsréalisées dans le cadre d'infractions à lalégislation sur les stupéfiants.

RECETTES ISSUES DES VENTES DE MARCHANDISES
CONFISQUÉES PAR LES DOUANES

En euros

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

903.961

1.315.329

1.485.144

1.034.915

783.558

877.469

494.705

463.117

608.109

340.612

Source : DGDDI

En application des dispositions de l'article 391 du code desdouanes, la répartition du produit des amendes et des confiscationss'établit comme suit : 40 % du produit net des saisies sontaffectés au Trésor, 10 % à l'oeuvre des orphelins desdouanes, 10 % aux sociétés de secours mutuelintéressant le personnel des douanes, le reste à larémunération des ayants-droit (saisissants, intervenants,transmetteurs d'avis, chefs, agents poursuivants, dépositaires).

En outre, l'article 323-2 du code des douanes autorise,indépendamment de la saisie de marchandises passibles de confiscation,la retenue préventive, concomitamment à la constatation d'uneinfraction douanière, des objets affectés à lasûreté des pénalités. La retenue est donceffectuée dans le même temps que la constatation de l'infractionet intervient comme complément de la saisie des objets passibles deconfiscation. A cet égard, le pouvoir de retenue de l'article 323-2 peutêtre appliqué aux sommes d'argent détenues par l'infracteurafin de garantir le paiement des amendes qui seront prononcées aujugement, notamment si l'infracteur n'apparaît pas solvable ouréside à l'étranger.

D'après les informations fournies à lacommission d'enquête par la DGDDI, le système d'informationcomptable douanier ne permet pas de distinguer les sommes perçues autitre des amendes de celles perçues suite à des transactions ouà des confiscations, ni les saisies de sommes en numéraire dessaisies portant sur d'autres moyens de paiement. De même, il estimpossible de distinguer au sein du montant des biens et objetsconfisqués par les douanes les sommes issues d'une infraction àla législation sur les stupéfiants ou du blanchiment de sommesprovenant, directement ou indirectement, d'une infraction à lalégislation sur les stupéfiants.

(b) La création du délit de non justificationde ressources : une innovation méconnue

• Les dispositions relatives au« proxénétisme de la drogue »

La loi du 13 mai 1996 précitée introduit unnouvel article 222-39-1 dans le code pénal, incriminant le fait pourcelui qui est en relation habituelle avec un usager ou un trafiquant destupéfiants de ne pouvoir justifier de l'origine de ses ressources ou deson train de vie.

Cette disposition a été spécifiquementconçue par le législateur pour être mise en oeuvre dans lesenquêtes visant à lutter contre les économies souterraineset à renforcer la répression à l'encontre de ceux qui,côtoyant les trafiquants, profitent des fondsgénérés par le trafic de stupéfiants sans s'ycompromettre.

LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 222-39-1 DU CODEPÉNAL

« Le fait de ne pas pouvoir justifier deressources correspondant à son train de vie, tout en étant enrelations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à l'unedes activités réprimées par la présente section [section IV : Du trafic de stupéfiants] ou avec plusieurspersonnes se livrant à l'usage de stupéfiants, est puni de cinqans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

La peine d'emprisonnement est portée à dixans lorsqu'une ou plusieurs des personnes visées àl'alinéa précédent sont mineures. Les deux premiersalinéas relatifs à la procédure de sûretésont applicables à l'infraction prévue par l'alinéaprécédent. »

Cette infraction instaure un renversement de la charge de lapreuve selon lequel la connaissance de l'origine frauduleuse des ressources estprésumée : si le parquet doit établir l'existenced'une relation habituelle avec une personne se livrant à l'usage ou autrafic de stupéfiants, il n'est pas tenu d'établir le lienfinancier entre les ressources non justifiées et le produit del'infraction commise par le trafiquant ou l'usager de stupéfiants.

L'objectif de la création de cette nouvelle infraction,plus connue sous le nom de « proxénétisme de ladrogue », était de faciliter l'exercice des poursuitesà l'encontre de ceux qui profitent de l'activité des trafiquantsde stupéfiants sans se compromettre eux-mêmes dans la manipulationde ces substances ou sans que leur implication ait pu êtreétablie.

En outre, l'article 46 de la loi n° 2001-420 du 15mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, encréant une nouvelle infraction, codifiée à l'article450-2-1 du code pénal, instaure le même renversement de la chargede la preuve et a pour objet de sanctionner pénalement les personnesdont la preuve de la participation à une association de malfaiteurs nepeut être directement rapportée, mais dont le train de vie et lesrelations habituelles avec une ou plusieurs personnes membres de cettedernière laissent présumer leur implication dans cetteassociation.

La circulaire du 17 juin 1999 relative à la luttecontre le trafic de stupéfiants invite les magistrats à utiliserpleinement les possibilités légales permettant d'atteindre ceuxqui participent au retraitement du produit du trafic sans êtreimpliqués dans sa commission.

Force est pourtant de constater aujourd'hui que lebilan de l'application de ce nouvel instrument juridique estparticulièrement décevant .

• Le bilan de l'application de l'article 222-39-1du code pénal

Dans son rapport d'évaluation du plan triennal de luttecontre la drogue et de prévention des dépendancesprécité, l'OFDT souligne que « les signesextérieurs de richesse ont été très peuexploités pour confondre les trafiquants locaux alors qu'ils peuventmotiver l'engagement d'une procédure judiciaire du fait de l'article222-39-1 du code pénal. Cet outil législatif puissant autorise eneffet les services de police à poursuivre ceux qui disposent de revenusqu'ils ne peuvent pas justifier : il reste néanmoins peumobilisé par les juridictions. Cette désaffection s'explique enpartie par une collaboration difficile à mettre en place avec lesservices fiscaux ».

En dépit des circulaires d'application tentant derelancer l'article 222-39-1 du code pénal, passéinaperçu à sa création en 1996, et malgré lesefforts de formation des services, cet instrument est faiblement utilisépar les services répressifs et les magistrats. Qu'on en juge !

NOMBRE DE CONDAMNATIONS PRONONCÉES
POURNON JUSTIFICATION DE RESSOURCES

1997

1998

1999

2000

2001

0

7

10

8

13

Source : Chancellerie

La Chancellerie a dressé un premier bilan de cetteapplication pour l'année 2000, transmis à la commissiond'enquête, et 12 parquets généraux, interrogés sur26 dossiers particuliers, ont été invités àpréciser la nature des actes d'enquête ayant servi àcaractériser le délit ainsi que les élémentsconstitutifs finalement retenus.

Très majoritairement, les constats dressés dansles rapports des parquets généraux font état de l'absencede situations susceptibles de relever des dispositions de l'article 222-39-1 ducode pénal ou de la difficulté d'appliquer ces dispositions enraison de l'ampleur des dossiers de trafics de stupéfiants, peu propiceà l'extension des enquêtes aux personnes non directementimpliquées dans le trafic.

Enfin, malgré des poursuites exercées de cechef, plusieurs relaxes ont été prononcées, le tribunalestimant que la preuve n'était pas rapportée d'un train de viehors de proportion avec les ressources régulières duprévenu ou que les faits étaient mal qualifiés.

L'analyse des rapports des parquets générauxrévèle cependant la généralisation desphénomènes d'économie souterraine liés au trafic destupéfiants, l'impuissance des méthodes traditionnellesd'enquête à y faire face ainsi que la nécessité demutualiser les recherches patrimoniales sur un objectif préalablementdéterminé.

C'est pourquoi des initiatives locales prises par certainsparquets ont eu pour but de sensibiliser les différents enquêteursou de mettre en place des cellules de coordination pluridisciplinairecomposées, outre des différents services enquêteurs, duresponsable départemental des douanes, du directeur adjoint des servicesfiscaux et d'un représentant de la direction du travail, afin dedévelopper une action concertée entre différents servicessusceptibles de détenir des informations utiles à l'actionrépressive.

Il faut toutefois noter, avec M. Yves Bot, procureur de laRépublique près le tribunal de grande instance de Paris, le risque de rapide obsolescence de ce type d'instrumentjuridique : « À l'heure actuelle, dans untrès grand nombre de cas, ce n'est déjà plus le boncritère, parce que, désormais, ils se méfient. On en atrop parlé et, les quelques fois où cette idée aété utilisée, la leçon a étéassimilée. Ils sont très réactifs et nous essayons del'être autant qu'eux, mais nous avons parfois du mal... Comme toujours,c'est la lutte de l'arme et de la cuirasse ».

• Un effort de pédagogienécessaire

La rareté de l'application de l'article 222-39-1 ducode pénal a posé la question de la formation desenquêteurs et des moyens mis à leur disposition ainsi que celle del'interprétation et de la mise en oeuvre du texte, un certain nombre derelaxes ayant été prononcées. Un groupe de travailinterministériel sur la méthodologie d'application de l'article222-39-1 du code pénal a été mis en place en mai 2002 afind'envisager les modalités de sa mise en oeuvre opérationnelle.

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Dominique Perben, ministre de la justice, a souligné la faible mise enoeuvre du délit de proxénétisme de la drogue :« Six ans après son entrée en vigueur, on constateune méconnaissance relative de ce délit tant par les servicesd'enquête que par les magistrats. Un document méthodologique surcette disposition sera donc réalisé et diffusé trèsprochainement aux magistrats, policiers et gendarmes ».

Trois actions principales ont été menéespar le ministère de la justice dans le but de relancer le recours audélit de non justification des ressources :

- l'élaboration par la direction des affairescriminelles et des grâces d'un mode d'emploi opérationnel del'article 222-39-1 du code pénal proposant une « doctrined'emploi » de cette incrimination. Ce document, à destinationdes magistrats, des policiers et des gendarmes, a étéélaboré et devrait être prochainementdiffusé ;

- la facilitation du recueil d'informations :

* en associant plus systématiquement àl'enquête les services fiscaux , au premier rang desquels lesagents de la direction générale des impôts qui, sur la basede l'article L.10 B du Livre des procédures fiscales, issu de l'article29 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à lasécurité quotidienne, concourent à la recherche desinfraction réprimées par l'article 222-39-1 du code pénaldans le cadre des enquêtes menées sur instruction du procureur dela République. A cette fin, ils procèdent à des recherchesde nature fiscale permettant de contribuer à la preuve desditesinfractions. Une circulaire interministérielle signéeconjointement par le directeur des affaires criminelles et des grâces etle directeur général des impôts devrait êtreprochainement diffusée aux parquets généraux ainsi qu'auxdirecteurs des services fiscaux ;

* en développant le partenariat avec ladirection générale des douanes et des droits indirects ,par le biais de la transmission de la liste des détenteurs de produitsstupéfiants avec lesquels une transaction a été conclue,de l'exploitation systématique des éléments contenus dansles procédures de manquement aux obligations déclaratives etenfin par l'association plus fréquente des agents des douanes auxenquêtes judiciaires en application de l'article 28-1 du code deprocédure pénale 93 (* ) ;

- l'organisation de l'échange d'informations vianotamment une plus grande sensibilisation des services enquêteursà l'approche patrimoniale de la lutte contre les stupéfiants, enparticulier dans le cadre nouveau des GIR.

En outre, M. Dominique Perben, ministre de la justice, aprécisé devant la commission que le projet de loi portantadaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,présenté en conseil des ministres le 9 avril 2003,prévoyait la création de pôles de criminalitéorganisée et l'instauration de procédures spécifiques autraitement de ce type de délinquance. Il a ajouté :« Je pense que ces dispositions, si elles sont approuvéespar le Parlement, permettront de renforcer notre dispositif de lutte contre lestrafics de grande ampleur à travers (...) les juridictionsinterrégionales spécialisées et les dispositionsprocédurales spécifiques à ce type dedélinquance ».

(c) La création du délit de blanchiment defonds provenant de tout crime ou de tout délit

Jusqu'en 1996, seul le délit de blanchiment de fondsprovenant du trafic de stupéfiants était incriminé.

L'article 324-1 du code pénal créé par laloi du 13 mai 1996 précitée incrimine comme blanchiment le faitde faciliter, par tous moyens, la justification mensongère de l'originedes biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayantprocuré à celui-ci un profit direct ou indirect et le faitd'apporter un concours à une opération de placement, dedissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'undélit.

Ce délit est puni de cinq ans d'emprisonnement et de375.000 euros d'amende, et en cas de circonstances aggravantes, la peine estportée à dix ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende. Enoutre, lorsque le crime ou le délit dont proviennent les fonds blanchisest puni d'une peine privative de liberté d'une duréesupérieure à celle prévue par les articles 324-1 ou 324-2du code pénal, le blanchiment est puni des peines attachéesà cette infraction sous-jacente.

LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DUBLANCHIMENT

Blanchir de l'argent consiste à« légaliser », par divers procédés, leproduit financier d'un crime ou d'un délit.

La particularité du blanchiment réside dans lefait qu'il suppose un « concours d'infractions »,c'est-à-dire qu'il se définit par rapport à une infractionsous-jacente ou initiale et sur laquelle il s'appuie, par exemple un trafic destupéfiants.

Il est possible de dégager un typologie desopérations de blanchiment sériées en trois grandescatégories, aujourd'hui établies au niveauinternational :

- le placement, qui conduit à convertir les sommesd'argent en numéraire issues des trafics sous d'autres formes, tellesque devises, or, monnaie scripturale ou électronique ;

- la technique de l'empilage, qui interdit toutepossibilité de remonter à l'origine illicite des fonds,grâce à un système complexe de transactionsfinancières successives, au recours à dessociétés-écrans ou encore à des paradisréglementaires ;

- l'intégration, qui se traduit par l'investissementdes fonds d'origine frauduleuse dans les circuits économiqueslégaux d'un pays, afin de leur donner une apparence licite. Une fois leprocédé de l'empilage achevé, le blanchisseur d'argent aen effet besoin de fournir une explication pour conférer à sa« richesse » une apparence légale.

Cinq types d'opérations de blanchiment permettant derépondre aux besoins des organisations criminelles peuvent êtredistinguées : les commerces de proximité, lescasinos 94 (* ) , les actifsde valeur, les transferts internationaux, enfin les intermédiairesfinanciers et les centres offshore.

Le blanchiment des capitaux est difficile àévaluer compte tenu de la diversité des activitésfrauduleuses qui l'induisent. Si les chiffres varient selon lesdifférentes structures d'experts, il est uniformément admis qu'ilreprésente des centaines de milliards de dollars chaque année. LeFMI a indiqué en 1998 que l'argent blanchi représentait 2à 5 % du PIB mondial, alors que les produits du seul trafic destupéfiants en sont estimés à 1 %.

La circulaire judiciaire du 10 juin 1996 commentant lesdispositions de la loi du 13 mai 1996 précise que, à l'instar dudélit de recel, le délit de blanchiment est désormaisapplicable au produit de tout crime ou délit, et non plus comme par lepassé au seul produit du trafic de stupéfiants. La France n'a passouhaité user de la faculté que lui offrait la convention deStrasbourg du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990, relative au blanchiment,de limiter l'infraction de blanchiment au produit de certaines infractionsprincipales déterminées. Ainsi, quelle que soit l'infractioncriminelle ou délictuelle dont proviennent les fonds en cause, toutejustification mensongère de l'origine de ceux-ci ainsi que tout concoursapporté à leur placement, dissimulation ou conversion,constituent un délit.

L'objectif essentiel de la loi du 13 mai 1996, encréant un délit général de blanchiment de fondsprovenant de tout crime ou de tout délit, était doncd'alléger la charge de la preuve de l'élément intentionnelde blanchiment incombant au ministère public.

Trois ans après son entrée en vigueur,l'incrimination générale de blanchiment n'avait toujours pas faitl'objet d'une appropriation réelle par les magistrats puisque lacirculaire du 17 juin 1999 relative à la lutte contre le trafic destupéfiants invitait les parquets à solliciter desrequalifications lorsqu'il apparaissait que les poursuites ne pouvaient pasprospérer sur la base de l'incrimination spécifique dublanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants.

Force est de constater aujourd'hui que le faible nombre decondamnations pour délit de blanchiment en matière de trafic destupéfiants prononcées par les juridictions résulte dufait que la qualification de délit général de blanchimentreste encore largement sous-utilisée.

NOMBRE DE CONDAMNATIONS PRONONCÉES POURBLANCHIMENT
EN MATIÈRE DE STUPÉFIANTS

1997

1998

1999

2000

2001

7

21

24

21

44

Source : Chancellerie

Une des caractéristiques essentielles de larépression du blanchiment réside dans la participation desorganismes financiers au repérage des fonds issus du trafic.

D'après l'OFDT dans son rapport d'évaluationprécité du plan triennal de lutte contre la drogue et deprévention des dépendances, « si le délitgénéral de blanchiment n'a pas donné lieu à unejurisprudence abondante, les organismes financiers semblent avoir mieuxconcouru au repérage des fonds issus du trafic destupéfiants ».

La loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, relativeà la participation des organismes financiers à la lutte contre leblanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants, impose denouvelles obligations aux établissements de crédit et professionsfinancières, dont celle d'informer TRACFIN, la cellule de coordinationcréée au sein du ministère de l'économie et desfinances, chargée du traitement, du renseignement et de l'action contreles circuits financiers clandestins, chaque fois qu'une transaction leurparaît suspecte : le principe de la « déclarationde soupçon », qui rompt le secret bancaire, est ainsiinstitué.

L'activité de la cellule TRACFIN a connu une forteprogression en 1999 et en 2000 et globalement, les institutionsfinancières ont davantage contribué audémantèlement des filières de blanchiment des capitauxissus de l'ensemble des trafics (stupéfiants et autres). Ainsi, lesignalement d'opérations suspectes au service anti-blanchiment deTRACFIN a doublé au cours de la période triennale, le nombre dedéclarations de soupçons passant de 1.244 en 1998 à 2.537en 2000.

Toutefois, le rapport d'évaluationprécité de l'OFDT précise que « cettecollaboration plus efficace des services bancaires et financiersconcernés est limitée de fait par la faiblesse du pouvoir desanction des organismes bancaires qui ne jouent pas le jeu ».Les sanctions administratives prévues par la loi à l'encontre deces organismes n'ont, de fait, jamais été mises en oeuvre. Lesystème de lutte contre le blanchiment via la régulation bancaireest donc d'autant plus fragile qu'il est exclusivement fondé sur lacapacité de contrôle et la bonne volonté desopérateurs financiers.

En outre, même si elles sont respectées, lesmesures anti-blanchiment s'adaptent lentement aux évolutionstechnologiques. Ainsi, le groupe d'action financière sur le blanchimentde capitaux (GAFI) a attiré l'attention sur le fait qu'internetprésentait trois caractéristiques aggravant certains risquesclassiques de blanchiment d'argent : la facilité d'accès, ladépersonnalisation des contacts entre le client etl'établissement bancaire et la rapidité des transactionsélectroniques. La mondialisation des marchés financiers peutêtre considérée comme un facteur de risquecomplémentaire.

Dans le cadre de son audition par la commissiond'enquête, M. Jacques Franquet, premier vice-président del'OICS, a fait part de sa crainte que le recours accru aux virementsélectroniques ainsi que l'augmentation considérable du volume etde la rapidité des flux monétaires ne réduisent lapossibilité de détecter les mouvements de capitaux illicites dansle monde, et ne se traduisent donc par une augmentation du blanchiment del'argent de la drogue. Il a appelé de ses voeux la signature d'uneconvention internationale permettant de réguler ces transactionsélectroniques.

L'OFDT note également dans son rapportd'évaluation que « les déclarations desoupçons des organismes financiers semblent avoir connu une forte« évaporation » entre le stade de leur transmissionà TRACFIN et celui de leur présentation aux autoritésjudiciaires, puis tout au long du processus judiciaire ». Ainsi,TRACFIN a porté 226 dossiers en justice en 2001, sur près de3.000 déclarations de soupçons, parmi lesquels 6 % seulementconcernaient potentiellement des affaires de blanchiment d'argent issu d'untrafic de stupéfiants, soit 13 dossiers environ.

D'après l'OFDT, « cettedéperdition peut s'expliquer par la difficulté d'articulationentre le dispositif déclaratif TRACFIN et le délitgénéral de blanchiment : le premier dispositif signale ceque le second n'a pas toujours les moyens de traiter ». Enpratique, les procureurs se trouvent souvent bloqués par le fait que lesdénonciations de TRACFIN n'établissent pas de relation directeavec une infraction caractérisée. Même s'il estavéré, un flux financier suspect ne peut justifier des poursuitesen tant que tel. En outre, les délais d'enquête importantsassociés au travail de TRACFIN orientent à la baisse le nombred'affaires transmises à la justice. C'est pourquoi, d'aprèsl'OFDT, « on peut se demander si la place des instrumentsd'enquête pénale au sein de la cellule TRACFIN est suffisante etsi la qualification pénale du soupçon de blanchiment ne doit pasêtre aménagée ou mieuxexpliquée ».

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative auxnouvelles régulations économiques prévoit de mieux relayerles interventions consécutives à une déclaration desoupçon en confiant à TRACFIN l'animation d'un comité deliaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes etdélits. Cette enceinte réunira les professionsdéclarantes, les autorités de contrôle et les servicescompétents de l'Etat.

(2) Les dispositions visant à la lutte contre lafabrication et la diffusion de nouvelles drogues de synthèse

Le plan triennal de lutte contre la drogue invoquaitla nécessité de maîtriser la fabrication et la diffusiondes drogues de synthèse . Compte tenu de la facilité deleur synthèse à partir de matières premièresd'emploi courantes dans l'industrie chimique, les profits engrangés parla fabrication et le commerce des drogues de synthèse sont aussiconsidérables que difficiles à pister. En outre, la compositionde ces drogues peut être modifiée par des chimistes clandestins defaçon à obtenir des dérivés toujours plus puissantset échappant au contrôle légal du fait qu'ils ne sont pasencore inscrits sur la liste des stupéfiants.

Le plan triennal se fixait donc pour objectif, sur la base desdispositions de la loi n° 96-542 du 19 juin 1996 relative aucontrôle de la fabrication et du commerce de certaines substancessusceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite destupéfiants ou de substances psychotropes :

- d'améliorer les procéduresd'identification des produits stupéfiants et psychotropesutilisés à des fins d'extraction de drogues ou de fabrication deproduits de synthèse ;

- de renforcer le contrôle et la surveillance desproduits chimiques précurseurs de drogues.

Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Didier Jayle, président de la MILDT, a précisé àpropos de la lutte contre le trafic de drogues de synthèse :« L'administration répressive a toujours un train deretard. Nous pouvons les aider à repérer le plus rapidementpossible l'apparition de nouvelles substances, contrôler lesprécurseurs servant à la fabrication de ces produits. C'estdifficile, parce que ce sont des précurseurs utilisés dansl'industrie chimique dans des quantités considérables et celledétournée pour faire des drogues de synthèse correspondà moins de 1 % du volume des transactions. Il est vrai qu'enFrance c'est assez bien contrôlé. Néanmoins, nous arrivonsà avoir des soupçons sur certainsdétournements ».

Avec moins de sévérité, l'OFDT, dans sonrapport d'évaluation du plan triennal, juge que « lesmécanismes d'identification et de surveillance, développésdans le cadre d'une coordination entre les multiples servicescompétents, ont été mis en oeuvre et affinés aucours de la période triennale ».

La mise en place de SINTES (Systèmed'identification national des toxiques et substances) pourrépondre à l'objectif d'une meilleure identification et d'unclassement adapté des stupéfiants et des produits psychoactifsrépond également en partie à un objectif derépression du trafic.

La part des drogues de synthèse dans l'ensemble deséchantillons de stupéfiants saisis et analysés par lesdouanes a connu une augmentation continue au cours de la périodetriennale, ce qui témoigne de l'extension rapide de ces nouveauxproduits sur le marché. En outre, à deux occasions en 2000, ladirection générale des douanes et des droits indirects adéclenché le processus « alerte rapide drogues desynthèse ». Le dispositif d'information rapide mis en placedans le cadre de SINTES a également permis d'informer les partenaires,notamment les services répressifs, de l'existence de produits encirculation susceptibles de mettre en danger la vie des usagers.

L'OFDT précise dans son rapport d'évaluation duplan triennal que « les efforts de vigilance du dispositif decontrôle juridique et administratif aux composants des nouvelles droguesde synthèse se sont traduits par l'inscription de nouveaux produits surla liste des stupéfiants (...) de nouveaux précurseurs ontégalement été identifiés oureclassés ».

S'agissant de l'action de la Mission nationale decontrôle des précurseurs chimiques (MNCPC), l'OFDT soulignequ'actuellement la MNCPC n'a pas les moyens d'aller au devant de toutnégociant en prise avec les précurseurs, du fait de moyens enpersonnel quantitativement trop faibles et de possibilités decoordination insuffisantes pour de telles ambitions.

Le principal moyen de la MNCPC pour contrôler ledétournement frauduleux de produits précurseurs destinésà la fabrication illicite de produits stupéfiants estconstitué par un partenariat avec l'industrie et le commerce du secteurde la chimie. Néanmoins, le nombre de déclarations desoupçons des opérateurs industriels est resté faible et lerapport d'activité pour 2001 de la MNCPC note que la mission nereçoit pas encore toutes les déclarations de soupçonsexploitables qui devraient lui être transmises.

La sensibilisation des industriels et négociants aété développée par la MNCPC au cours desdernières années, par le biais notamment d'une actualisation en2001 du recueil des textes réglementaires applicables auxprécurseurs, par l'organisation de plusieurs colloques et par ledéveloppement d'une application informatique destinée àgérer les contraintes administratives liées au signalement. Lahausse du nombre d'agréments sur la période triennale traduitainsi une adhésion croissante des professionnels à l'obligationdéclarative et une propension plus grande des industrielsconcernés à collaborer à la surveillance et àl'encadrement du commerce des précurseurs.

L'OFDT estime donc que « les produits chimiquessusceptibles d'être détournés pour la fabrication destupéfiants ou de produits psychoactifs ainsi que les drogues desynthèse elles-mêmes ont pu être mieuxidentifiés au cours de la périodetriennale ».

En revanche, l'OFDT note que « les moyens enpersonnel à disposition des différents structures semblent,globalement, peu suffisants, qu'il s'agisse des effectifsdéveloppés par la MNCPC dans le cadre de la surveillance et ducontrôle à l'exportation, qui ne sont pas à la hauteur deses missions, ou des services douaniers affectés à lasurveillance des exportations de produits chimiques entrant dans la fabricationou la transformation des drogues à destination des pays etrégions du monde les plus sensibles ».

* 92 Rapportsur les orientations de la politique de sécuritéintérieure annexé à la loi n°2002-1094 du 29août 2002 d'orientation et de programmation pour lasécurité intérieure.

* 93 L'article28-1 du code de procédure pénale autorise, pour la recherche etla constatation des infractions prévues par les articles 222-34 à222-40 du code pénal (trafic de stupéfiants), le procureur de laRépublique ou le juge d'instruction territorialement compétentà constituer des unités temporaires composées d'officiersde police judiciaire et d'agents des douanes, pris parmi ceux habilitésà effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition duprocureur de la République ou sur commission rogatoire du juged'instruction.

* 94 Lacommission d'enquête a constaté, lors de son déplacementà Saint-Martin, l'existence d'une quinzaine de casinos implantésdans la partie hollandaise de l'île.

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