Drogue : l'autre cancer
Rapports de commission d'enquête
Rapport n° 321 (2002-2003), tome I, déposé le
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Rapport de commission d'enquête
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II. UN DISPOSITIFRÉPRESSIF IMPORTANT SUR LE TERRAIN MAIS AYANT LONGTEMPS SOUFFERT DEL'ABSENCE DE VOLONTÉ POLITIQUE
La répression des crimes et délits liésà la drogue concerne les services de plusieurs ministères :l'intérieur pour la police, la défense pour la gendarmerie,l'économie et les finances pour les douanes ou les délitsfinanciers.
La loi d'orientation et de programmation pour lasécurité intérieure du 29 août 2002 pour lasécurité intérieure a favorisé l'organisation desynergies entre les différents services de l'État, àtravers le regroupement de la police et de la gendarmerie nationales sousl'autorité du ministre de l'intérieur ou la création desgroupes d'intervention régionaux.
A. LA DOUANE :UNE NÉCESSAIRE ADAPTATION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LESSTUPÉFIANTS DU FAIT DE LA LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES
L'audition par la commission d'enquête de M.François Mongin, directeur général des douanes et desdroits indirects, accompagné de M. Gérard Estavoyer,directeur national du renseignement et des enquêtes douanières, apermis de constater à quel point la douane avait fait de lalutte contre le trafic illicite de stupéfiants une de sespriorités d'action, en se concentrant plusspécifiquement sur le démantèlement des grandstrafics , notamment ceux empruntant le fret commercial.
La libéralisation des échanges et lacréation d'un espace unique européen de libre circulation desmarchandises, des personnes et des capitaux ont conduit la douane àrepenser l'organisation et les modalités d'intervention de ses services,afin de concilier les contraintes en termes de fluidité deséchanges et les exigences en matière de protection de lasanté et de la sécurité des citoyens.
D'après M. François Mongin, « ilest incontestable que ces évolutions ont facilité ledéveloppement de la dimension transnationale des grands courants defraude, en particulier du trafic de stupéfiants ».
Dans ce contexte, la lutte contre les stupéfiants aconservé un caractère prioritaire pour la douane, compte tenu deson rôle spécifique dans ce domaine, lié à saposition stratégique sur le territoire en matière d'observationet de contrôle des flux transfrontaliers de personnes, de marchandises etde capitaux. L'efficacité de son dispositif s'appuie égalementsur un renforcement de la coopération avec les autres servicesrépressifs concernés et de la coopération douanièreinternationale.
1. L'organisation et les pouvoirsgénéraux de contrôle des services douaniers
Comme l'a indiqué M. François Mongin lors de sonaudition, « la douane (...) est avant tout une administration deterrain, présente 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ».
Il n'existe, à ce titre, pas de dispositif douanierdédié spécifiquement à la lutte contre le trafic destupéfiants, ce choix organisationnel s'expliquant par la vocationgénéraliste de la douane et le nombre très important decontrôles dont elle a la charge.
L'exercice des missions de contrôle de la douane reposeainsi sur des pouvoirs d'investigation et d'enquête orientés versla vérification de la régularité de la situationdouanière des marchandises et de leur détention. Dans ce cadre,les contrôles physiques des personnes, moyens de transport etmarchandises, prévus aux articles 60 et suivants du code des douanes,constituent un outil essentiel en matière de lutte contre le trafic destupéfiants. Ce droit de visite s'étend également auxnavires et marchandises se trouvant à bord et, dans certainesconditions, aux locaux professionnels ou autres lieux où sontentreposées les marchandises. Ces contrôles spontanés sontcomplétés par un dispositif d'enquête fondé enparticulier sur le droit de communication de tout document intéressantle service.
a) L'organisation administrative dudispositif douanier de lutte contre le trafic illicite destupéfiants
La lutte contre le trafic illicite de stupéfiantsconcerne non seulement les services déconcentrés de la douaneainsi que les services centraux et les services spécialisésà compétence nationale.
Au niveau central , plusieurs servicesdouaniers sont particulièrement concernés par la lutte contre letrafic de stupéfiants :
- un bureau de la direction généralechargé de déterminer la politique en matière de luttecontre le trafic de stupéfiants en liaison avec les autres servicesconcernés, et de suivre les travaux interministériels etinternationaux relatifs à la drogue ;
- la direction nationale du renseignement et desenquêtes douanières (DNRED), dont certains agents sontspécialisés dans le domaine des stupéfiants, enmatière de renseignement et d'analyse, d'enquête et de mise enoeuvre de techniques spéciales d'investigation. Cette direction disposed'échelons au niveau local.
Les services déconcentrés comprennent quarante directions régionales (y compris lescirconscriptions des départements d'outre-mer) regroupées en dixdirections interrégionales. Les orientations de contrôlenationales annuelles définies par la direction généralesont déclinées et mises en oeuvre sur le plan régional.
Sur le plan interrégional, la centraleinterrégionale du renseignement (CIR) est notamment chargée decentraliser et de traiter le renseignement. Au niveau régional, desservices spécialisés dans la recherche et l'exploitation durenseignement, les CERDOC (centres de renseignement, d'orientation et decontrôle) et les brigades de recherche complètent le dispositifgénéral d'assistance et de collaboration avec lesdifférents services de terrain.
Sur le plan local, l'ensemble des services de la surveillance,composés d'agents en uniformes et armés, occupent, àcôté des agents chargés du contrôle desopérations commerciales, une place essentielle en matière delutte contre le trafic de stupéfiants, notamment à l'occasion deleur mission de contrôle des marchandises, des personnes et des moyens detransport, dans le cadre de prérogatives conférées par lecode des douanes.
b) Les effectifs présents sur leterrain
Dans ses réponses au questionnaire adressé parla commission à la direction générale des douanes et desdroits indirects (DGDDI), cette dernière a indiqué, s'agissant dunombre d'agents participant directement ou indirectement à la luttecontre le trafic de stupéfiants, que l'on peut« considérer que l'ensemble des services douanierseffectuant des contrôles de marchandises et des flux participentdirectement ou indirectement dans leur activité quotidienne à lalutte contre le trafic illicite de stupéfiants, qu'il s'agisse desservices des opérations commerciales ou de ceux de lasurveillance ».
La douane, dont l'effectif total s'élève en 2002à 19.133 agents, est composée pour moitié d'agents enuniforme, positionnés aux points d'entrée du territoire les plusutilisés, à savoir les aéroports, les ports, les gares,les frontières intra et extra-communautaires, ainsi que sur lesprincipaux axes de circulation de tous les moyens de transport. Ces agentsdisposent de moyens d'intervention adaptés à leurs missions etils possèdent une bonne connaissance de leur terrain d'investigation quileur permet d'effectuer des contrôles efficaces et de recueillir desrenseignements.
L'autre moitié des effectifs douaniers estaffectée de façon plus classique au contrôle et autraitement des opérations commerciales. Dans ce cadre, les agentsmaîtrisent et analysent les flux de marchandises et de biens. Ilsorientent des recherches ciblées sur les marchandises sensibles et lesvecteurs de transport susceptibles d'être utilisés pour organiserdes trafics, des infiltrations clandestines de personnes ou de produits.
ESTIMATION PAR LA DGDDI DU NOMBRE D'AGENTS - en métropole : 9.045 agents ; - dans les départements et territoiresd'outre-mer : 775 agents - soit un total de 9.820 agents. |
Ces effectifs couvrent l'ensemble des agents de surveillance(recherche du renseignement, contrôles à la circulation et enpoints fixes, surveillance aéro-maritime...) ainsi que les agents desopérations commerciales effectuant des contrôles deséchanges commerciaux. Le nombre d'agents participant directementou indirectement à la lutte contre le trafic illicite destupéfiants représente donc 51,3 % de l'effectif total desagents de la douane.
En outre, sur le plan international la douane dispose d'un réseau de quinze attachés douaniers et attachésdouaniers adjoints . Implantés majoritairement sur le continenteuropéen, leur compétence s'étend sur plusieurs pays. Ilssont placés sous l'autorité directe du directeurgénéral des douanes et des droits indirects duquel ilsreçoivent des instructions. Outre la DGDDI, les attachésdouaniers représentent TRACFIN dans les pays de leur zone decompétence.
Les missions des attachés douaniers recouvrent troisaspects principaux : la lutte contre la fraude, la diplomatiedouanière et un rôle économique. La lutte contre le traficde stupéfiants ne constitue donc qu'un aspect de leur mission. Dans cedomaine, ils entretiennent des relations avec les services de lutte contre lafraude de leur zone de compétence et favorisent les échangesd'informations et la coopération opérationnelle. Ils sonttoujours associés aux livraisons surveillées internationalesréalisées à l'initiative de la douane française,livraisons lors desquelles ils sont en général lesintermédiaires de la DNRED avec les douanes et autorités locales,même si des contacts directs peuvent exister ponctuellement sur cesopérations.
Lors de son audition par la commission d'enquête, M.Gérard Estavoyer, directeur national du renseignement et desenquêtes douanières, a ainsi précisé :« les attachés douaniers nous servent de« courroie de transmission » pour les opérations etles échanges de renseignements, et ils sont à notre disposition24 heures sur 24 ».
2. Les pouvoirs et moyensspécifiques des services douaniers en matière de lutte contre letrafic de stupéfiants
La lutte contre le trafic de stupéfiants constituel'une des priorités d'action de la douane. Depuis 1997, cette actionfigure parmi les priorités définies à travers deux niveauxd'orientation des contrôles : l'instruction-cadre, d'une part,précisant les douze secteurs prioritaires de l'action douanière,le plan national de contrôle annuel, d'autre part, où figure lalutte contre le trafic de stupéfiants depuis 1997 selon desmodalités différentes (pour 2003, l'attention du service devra seconcentrer plus particulièrement sur la lutte contre lesstupéfiants dans le fret commercial et sur les drogues desynthèse).
L'action de la douane en matière de lutte contre letrafic de stupéfiants s'exerce d'abord à travers ses missionsgénérales de dédouanement et de surveillance des flux demarchandises, de personnes et de capitaux, tant aux frontièresextérieures de l'Union européenne que dans le cadre de lasurveillance générale sur l'ensemble du territoire national.Dès lors, l'ensemble des agents des douanes participant à cesmissions prend part directement ou indirectement à la lutte contre cetype de trafic.
Toutefois, cette stratégie fondée surl'observation suivant laquelle les trafics illicites empruntent souvent lescircuits économiques licites, est complétée par l'existence de services spécialisés en matière destupéfiants .
Ainsi, la douane dispose de moyens humains etmatériels plus spécialisés :
- 190 équipes cynophilesspécialisées dans la détection de stupéfiants,réparties sur l'ensemble du territoire français ;
- un important dispositif aéro-maritime de soutienet d'intervention (14 avions, 6 hélicoptères et 60 vedettes) quien fait la première force civile en mer ;
- un réseau de dix laboratoires scientifiques,ayant analysé plus de 4.650 échantillons de stupéfiants aucours de l'année 2002 ;
- des matériels de détectionspécialisés : deux Sycoscan 78 ( * ) (implantés au Havre et àl'entrée du tunnel sous la Manche) ; douze appareilsdétecteurs de particules pour la recherche de produitsstupéfiants (ionscan) permettant de déceler et d'identifier desproduits stupéfiants en quantités infimes ; des appareilsfixes ou mobiles de radioscopie à rayons X ainsi que des testspermettant, au-delà de la détection d'un usage de drogue, ledépistage éventuel de stupéfiants transportés in corpore .
Par ailleurs, certains agents de la direction nationale durenseignement et des enquêtes douanières (DNRED) sontspécialisés dans le domaine des stupéfiants, que ce soitaussi bien en matière de renseignement et d'analyse, que d'enquêteou de mise en oeuvre de techniques spéciales d'investigation.
Outre ces pouvoirs généraux de contrôle etd'enquête, la douane dispose de pouvoirs spécifiques enmatière de lutte contre le trafic de stupéfiants , commela possibilité de faire pratiquer des examens de dépistagesmédicaux sur une personne suspectée de transporter desstupéfiants in corpore (article 60 bis du code desdouanes), la mise en oeuvre de livraisons de produits stupéfiants(article 67 bis du code des douanes) et sous certaines conditions, lapossibilité d'intervenir à bord de navires se trouvant en hautemer.
La particularité de la douane tient ainsi au faitqu'elle met en oeuvre une procédure spécifique ,fondée sur le code des douanes, qu'elle intervient en amont desautres administrations répressives et que son action seconcentre essentiellement sur le démantèlement des grandstrafics , notamment ceux empruntant le fret commercial.
Les résultats en termes de saisies annuellestémoignent de l'importance du rôle joué par la douane enmatière de lutte contre la drogue. Ainsi, au cours de l'année2002, les services douaniers ont réalisé 26.753 saisies quiont donné lieu à l'interpellation de 26.559 personnes et ontpermis d'intercepter 46 tonnes de stupéfiants auxquelles s'ajoutent 1,9million de cachets d'ecstasy. En saisissant en moyenne entre 70 et80 % du total des quantités de drogues interceptées sur leterritoire national, la douane contribue à réduirel'accessibilité de ces produits ainsi qu'à identifier etdémanteler les réseaux criminels impliqués dans destrafics .
ÉVOLUTION DES SAISIES DOUANIÈRES DESTUPÉFIANTS DE 1997 A 2002
1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 | |||||||
Produits en kg | Nombre de saisies | Quantités saisies | Nombre de saisies | Quantités saisies | Nombre de saisies | Quantités saisies | Nombre de saisies | Quantités saisies | Nombre de saisies | Quantités saisies | Nombre de saisies | Quantités saisies |
Opium | 24 | 1,3 | 14 | 2,4 | 23 | 0,4 | 16 | 17,05 | 13 | 0,9 | 18 | 1,1 |
morphine | 4 | 0,2 | 8 | 0,2 | 6 | 0,2 | 7 | 0,2 | 8 | 0,07 | 8 | 0,3 |
Héroïne | 1.044 | 211,7 | 942 | 197,2 | 750 | 123 | 675 | 318,4 | 694 | 180,2 | 731 | 178,8 |
Cocaïne | 1.104 | 695,9 | 910 | 624,8 | 954 | 1.005 | 903 | 1.192,7 | 931 | 1.906,5 | 1.174 | 2.580,8 |
Crack | 43 | 9,4 | 49 | 19,1 | 32 | 3,9 | 78 | 4,1 | 43 | 0,8 | 55 | 4 |
Herbe | 7.479 | 1.935,7 | 7.718 | 2.608,3 | 7.173 | 2.754,6 | 8.954 | 3.469,1 | 10.343 | 3.590,8 | 10.545 | 4.177,3 |
Résine | 19.092 | 42.431,9 | 20.698 | 38.051,7 | 20.316 | 54.944,5 | 17.902 | 37.514.,1 | 18.177 | 45.387,3 | 15.158 | 39.215,9 |
Huile | 84 | 0,7 | 38 | 0,2 | 33 | 1,5 | 59 | 1,9 | 39 | 1,3 | 58 | 2,1 |
Amphétamines | 269 | 193,9 | 261 | 158,4 | 188 | 231,5 | 156 | 448,5 | 194 | 45,7 | 211 | 154,8 |
Khat | 25 | 79,3 | 45 | 34,3 | 30 | 16,9 | 96 | 201,2 | 37 | 28,9 | 27 | 336,2 |
Champignons hall | 196 | 2,8 | 292 | 5,7 | 304 | 4,6 | 315 | 6,4 | 443 | 7,2 | 551 | 18,7 |
Sous-totaux produits en kg | 29.364 | 45.562,8 | 30.975 | 41.702,3 | 29.809 | 59.086,1 | 29.161 | 43.173,65 | 30.922 | 51.149,67 | 28.536 | 46.610 |
Produits en unité | ||||||||||||
Ecstasy (doses) | 529 | 153.336 | 457 | 1.108.240 | 564 | 1.829.384 | 529 | 2.028.118 | 1.236 | 1.285.221 | 914 | 1.891.854 |
LSD (en doses) | 233 | 4.686 | 167 | 7.822 | 155 | 7.455 | 233 | 9.509 | 139 | 6.007 | 46 | 2.359 |
Sous-totaux produits en unité | 762 | 158.022 | 31.602 | 1.116.062 | 30.531 | 1.836.839 | 29.925 | 2.037.627 | 32.298 | 1.291.228 | 29.501 | 1.894.213 |
TOTAL GENERAL | 30.126 | 45.562,8 kg 153.336 cachets d'ecstasy et 4.686 doses deLSD | 31.602 | 41.702,3 kg 1.108.240 cachets d'ecstasy et 7.822 doses deLSD | 30531 | 59.086,1 kg 1.829.384 cachets d'ecstasy et 7.455 doses deLSD | 29.925 | 43.173,7 kg 2.028.118 cachets d'ecstasy et 9.509 doses deLSD | 32.298 | 51.149,7 kg 1.285.221 cachets d'ecstasy et 6.007 doses deLSD | 29.501 | 46.610 kg 1.891.854 cachets d'ecstasy et 2.359 doses deLSD |
En outre, les services douaniers interviennent dans lescircuits de blanchiment du produit de ces infractions (contrôle desmanquements à l'obligation déclarative, contrôle deschangeurs manuels). En 2002, 1.784 manquements à l'obligationdéclarative ont ainsi été constatés, portant sur unmontant de plus de 233 millions d'euros. Certaines de ces affaires sontliées au trafic de stupéfiants, la douane a déposé13 plaintes pour blanchiment de capitaux issus de ces trafics.
3. La nécessaire adaptation desméthodes de travail des services douaniers
L'internationalisation et l'intensification deséchanges commerciaux, le développement des moyens decommunication et la diminution des possibilités de contrôlesphysiques des personnes et des marchandises ont rendu nécessaire uneévolution des méthodes de travail de la douane.
Cette adaptation s'est d'abord traduite par unrepositionnement de ses unités de surveillance et leredéploiement d'une partie de ses agents vers l'intérieur duterritoire.
Par ailleurs, le recours croissant au renseignement etau ciblage des opérations a permis une réorientation descontrôles douaniers, qui se doivent désormais d'être plusrapides, soigneusement sélectionnés et efficaces pour êtreacceptés et pour maintenir un niveau satisfaisant de sécurisationdes échanges.
a) La mise en place d'unitésmobiles sur le territoire et le repositionnement des unités desurveillance de la douane
La disparition des formalités et des contrôlessystématiques liés au franchissement des frontièresintérieures de l'Union européenne le 1 er janvier 1993a entraîné une redéfinition du dispositif douanier,conformément aux engagements internationaux de la France et au principecommunautaire de proportionnalité des contrôles.
Ainsi, la nécessité de pallier les insuffisancesde la libre circulation des marchandises et le développement des fraudesa conduit au renforcement des capacités d'intervention del'administration des douanes aux frontières extra-communautaires,à la généralisation des unités mobiles en retraitdes frontières intra-communautaires et au maintien des contrôlesà proximité de celles-ci comme à l'intérieur duterritoire national.
L'implantation des services répond à la logiquedes flux de marchandises, ce qui explique une plus forte présencedouanière dans les principaux ports et aéroports, de mêmeque dans les zones frontalières. Ces structures fixes sontcomplétées par des unités mobiles chargées descontrôles à la circulation sur l'ensemble du territoire ainsi qued'un dispositif aéro-maritime de soutien et d'intervention.
L'ORGANISATION DES SERVICES OPÉRATIONNELS 1 - Les différents types d'unitésterrestres : * les brigades de contrôle : il s'agitd'unités fixes positionnées aux frontièresextérieures (aéroports en particulier) chargées d'assurerla garde permanente ou intermittente des points de passage et deprocéder au contrôle des marchandises, des moyens de transport etdes personnes ; * les brigades de surveillance : il s'agit destructures mobiles positionnées à proximité desfrontières extérieures et participant à la surveillance dela zone frontalière, en complément des brigades decontrôle ; * les brigades de contrôle et desurveillance : il s'agit d'unités positionnées àproximité des frontières extérieures et exerçantdes fonctions mixtes, consistant en des contrôles fixes sur les points depassage et des contrôles mobiles en arrière de ces points depassage ; * les brigades de surveillance etd'intervention : il s'agit de services implantés dans la zonefrontalière intracommunautaire et sur les arrières desfrontières intérieures, effectuant des missions de surveillanceet de contrôle ; * les brigades d'intervention : il s'agitd'unités mobiles positionnées à l'intérieur duterritoire, intervenant sur le réseau routier, sur les arrièresdes brigades de surveillance ainsi que dans les agglomérations àl'intérieur du territoire. 2 - La surveillance aéro-maritime etaéroterrestre : Les dispositifs aériens et navals constituent uncomplément indispensable aux structures terrestres dans la lutte contrele trafic international de stupéfiants, compte tenu de la trèsgrande diversité des vecteurs de fraude empruntés par le traficillicite de stupéfiants. * le dispositif maritime etaéro-maritime : il est organisé en quatrecirconscriptions placées chacune sous l'autorité d'un directeurinterrégional maritime (Rouen, Nantes, Marseille, Fort-de-France). Ilest composé de six brigades de surveillance aéro-maritime,équipées de quatorze avions destinés à lasurveillance des eaux territoriales ainsi que de six hélicoptèresopérant la surveillance des eaux côtières du littoralmétropolitain. Par ailleurs, trente brigades garde-côtes dotéesde vedettes de 19 à 32 mètres, équipées pourpatrouiller en haute mer et dans la zone côtière, d'une part, ettrente brigades de surveillance nautique dotées de vedettes, en chargede la surveillance rapprochée de la zone côtière et poursix d'entre elles de la surveillance des enceintes et rades portuaires, d'autrepart, complètent ce dispositif. Enfin, deux camions radar destinés à lasurveillance des approches du littoral atlantique etméditerranéen assurent le guidage des unitésd'intervention. * le dispositif aéroterrestre : il reposesur une structure unique de commandement rattachée àl'interrégion d'Ile-de-France et basée à proximitéde Paris. L'activité des unités aéroterrestres, quidisposent d'avions et d'hélicoptères, s'exerce sur l'ensemble duterritoire métropolitain et repose principalement sur la centralisation,le traitement et l'enrichissement du renseignement aérien, la luttecontre la contrebande par voie aérienne, le contrôle desaéronefs en provenance de l'étranger et la surveillance desaérodromes secondaires. |
b) Le développement d'unenouvelle politique du renseignement
- Les évolutions liées au contexte delibéralisation des échanges ont également conduit àla définition d'une nouvelle politique de contrôle et delutte contre la fraude, basée non plus sur la recherche aléatoirede la fraude mais sur l'exploitation du renseignement et l'exploitation denouvelles méthodes de travail, telles que l'analyse de risque et leciblage des contrôles .
L'organisation du renseignement repose sur l'idée quesa collecte concerne tout agent, alors que son analyse et son traitement sontaffaire de spécialistes. Une procédure de transmission souple etrapide du renseignement a été mise en place. Par ailleurs auniveau national, la DRNED assure la centralisation des informations sur lafraude et effectue les recoupements nécessaires, y comprisinternationaux.
L'ensemble des agents de la douane participe au recueil d'informations intéressantes pour la luttecontre la fraude. Un formulaire dit « fiche CERES » estdestiné à faciliter le recueil et la diffusion de l'information.Par ailleurs, des services locaux, régionaux et nationauxspécialisés ont une activité plus organisée dans lerecueil et le traitement du renseignement, notamment des analysespréalables faites à partir de constatations déjàréalisées.
Le traitement et la diffusion du renseignement relèventde services spécialisés. Au niveau national, il s'agit de ladirection du renseignement et de la documentation au sein de la DRNED.
- Le deuxième volet de la nouvelle politique derenseignement développée depuis dix ans par la douane consistedans la mise en oeuvre de techniques d'analyse de risque et deciblage .
Ces nouvelles techniques de contrôle sont fondéesnon seulement sur les qualités d'observation des agents maiségalement sur l'établissement de profils defraude . La diffusion du renseignement aux services, permettantd'orienter et de cibler leurs contrôles, constitue également unélément important dans la lutte contre la fraude. A ce titre, ladouane dispose de plusieurs outils pour transmettre les informations obtenues,parmi lesquels le dossier « Suggestions et directivesd'enquêtes et de contrôles », les analyses de risqueréalisées par les services spécialisés ainsi queles avis de fraude et les demandes d'enquête intégrés dansle fichier national informatisé de documentation.
Les méthodes de travail préconisées pourl'exercice des contrôles, c'est-à-dire l'analyse de risque et leciblage, le sont également en matière de lutte contre le traficillicite de stupéfiants.
LA TECHNIQUE DU CIBLAGE Le ciblage des contrôles physiques constitue laconséquence directe du développement de l'analyse de risque parles services douaniers. Le ciblage se fonde sur un travail d'analyse documentaire desflux de voyageurs et de marchandises par des équipesspécialisées implantées dans les sites portuaires etaéroportuaires. La sélection anticipée des personnes oumarchandises à soumettre à un contrôle douanierrésulte de l'analyse des documents ou informations connues sur lespersonnes ou les flux de marchandises effectuée à lalumière des connaissances du service sur la sensibilité àla fraude du pays de provenance, du moyen de transport, de la nature de lamarchandise déclarée. Lors de son déplacement àSaint-Martin , la commission d'enquête a étésensibilisée à la technique du ciblage douanier par unexposé de M. Robert Chauvin, chef de la brigade de recherche et desurveillance de Saint-Martin. Il a expliqué à la commissiond'enquête que la technique du ciblage était appliquée nonseulement sur les moyens trafics, avec le ciblage des containers, des bateauxde plaisance et de commerce, mais aussi sur les petits trafics avec le ciblagede passagers aériens, ciblage ayant pour principe ladétermination à l'avance de passagers suspects à partir del'analyse du listing des compagnies aériennes. Il a en outreprécisé que les critères de ciblage avaientété définis en fonction notamment des affairesdéjà réalisées. Enfin, il a souligné quelorsque la technique du ciblage aérien avait été mise enplace à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, un passagercontrôlé sur quatre était« positif ». |
4. Les moyens budgétaires desservices douaniers assignés à la lutte contre le trafic illicitede stupéfiants
Dans ses réponses au questionnaire adressé parla commission d'enquête, la DGDDI précise que « lesoutils de suivi de la dépense actuellement utilisés en douanen'offrent pas la faculté de retracer directement le coût del'action de la lutte contre les drogues illicites, seule une évaluationde cette charge budgétaire peut êtreentreprise ».
A cet égard, il convient de souligner quel'agrégat budgétaire de l'administration des douanesprésenté en prévision et en exécution dans le cadredes projets de loi de finances initiale depuis l'année 2000 est exemptde données chiffrées retraçant spécifiquement lecoût de la lutte contre les stupéfiants. En effet, cette actionn'est pas isolée au sein de l'agrégatintitulé « protection et lutte contre les grandstrafics » dont le coût total s'est élevé en 2001à 325 millions d'euros et, à titre prévisionnel, à346 millions d'euros en 2002.
Après définition d'un périmètrebudgétaire « pertinent », regroupant les coûtsde personnel, les moyens de fonctionnement ainsi que les dépensesd'investissement affectés aux douanes, il est possible de dresser unbilan de l'ensemble des moyens budgétaires consacrés par ladouane à la lutte contre les stupéfiants depuis 1993.
PART DES DÉPENSES DE LA DOUANE CONSACRÉEÀ LUTTE CONTRE LES DROGUES ILLICITES AU SEIN DES DÉPENSES TOTALESDEPUIS 1993 (EN EUROS)
1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 | |
Dépenses totales des services douaniers | 642.524.253 | 650.947.857 | 677.504.434 | 724.352.720 | 761.027.222 | 773.902.880 | 810.288.909 | 816.827.608 | 846.204.114 |
Part consacrée à la lutte contre les droguesillicites | 100.425.986 | 100.584.766 | 104.952.468 | 110.563.985 | 117.116.415 | 118.492.820 | 126.177.426 | 126.903.767 | 131.666.238 |
Pourcentage | 15,63 % | 15,45 % | 15,5 % | 15,26 % | 15,39 % | 15,31 % | 15,6 % | 15,53 % | 15,56 % |
Source : DGDDI
LA DOUANE DE SAINT-MARTIN La douane s'est implantée à Saint-Martinen octobre 1990, à l'initiative de M. Michel Charasse alorsministre du budget, dans des conditions particulièrement difficilescompte tenu de l'hostilité affichée de la population et desélus. En dépit des difficultésrencontrées, bénéficiant durant plusieurs mois de laprotection des forces de gendarmerie, la douane est parvenue à installerune brigade dont l'action, aujourd'hui, n'est plus contestée. L'effectif de la brigade de surveillance et de recherche (BSR)est de neuf emplois implantés et devait être renforcéà partir de mai 2003 par trois agents afin de compenser certainsdéparts à la retraite. Cette brigade exerce trois missionsprincipales : - l'action anti-fraude (lutte contre les grandstrafics : stupéfiants, blanchiment d'argent, marchandisesfrappées de prohibition, etc.) ; - la recherche et la collecte de renseignements (analysede risques et connaissance des secteurs porteurs en terme délictuel,gestion des sources, collaboration avec les autorités douanièresnéerlandaises, ciblage aérien) ; - la surveillance générale (contrôlepar épreuves des flux de marchandises et de personnes qu'il s'agisse del'aéroport de Grand Case, du Port de Galisbay ou de Marigot, qu'ils'agisse des aéronefs, des caboteurs, du trafic de containers ou desnavettes passagers ; participation aux actions interministérielles,GIR notamment). Afin de remplir ces missions, la BSR dispose de moyensmatériels particuliers : 4 véhicules, 1 scooter et 1zodiac notamment. Elle peut en outre s'appuyer sur les moyens nautiques de laBrigade des Garde-côtes des douanes et reçoitrégulièrement l'aide des forces de police ou de gendarmerie lorsd'opérations d'initiative nécessitant une sécurisationferme des dispositifs mis en place. La BSR a comme secteur d'activitéles îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. Par ailleurs, la BSR assure certaines missions pour le comptede la direction des enquêtes douanières (DED) qui dispose d'uneantenne à Pointe-à-Pitre. Une brigade garde-côtes (BGC) composée de 17agents, armant deux moyens maritimes (une vedette garde-côtes de 24mètres et un intercepteur rapide de type Hurricane) complète ledispositif douanier en place sur l'île de Saint-Martin. Cette BGCrelève de la direction interrégionale des douanes Antilles-Guyanebasée à Fort-de-France. Le bilan 2002 de la douane de Saint-Martinpeut être ainsi résumé. En matière de lutte anti-fraude, la BSR aréalisé des saisies significatives :31,2 kilogrammes de cocaïne, 3,5 kilogramme d'héroïne,4,1 kilogramme d'herbe de cannabis, 107 grammes de résine de cannabis.En outre, grâce à un travail de ciblage aéroportuaire,cette brigade a fait réaliser à destination de l'aéroportde Roissy trois saisies pour un poids total de 6,3 kg de cocaïne. Letraitement par l'unité des avis de fraude signalés a permiségalement de confirmer les soupçons et de réaliserà l'occasion de deux contrôles à Roissy la saisie de 8,2 kgde cocaïne. Enfin, deux avis de fraude pour soupçon de blanchimentont été transmis (les enquêtes sont en cours). Le 30 janvier 2003, dans le cadre d'une parfaite synergie avecles SRPJ, les services douaniers de Saint-Martin (BGC, BSR) et la DED ontpermis la saisie sur un navire, le Daniella, de 204 kg de cocaïne et de 15kg d'héroïne. En matière de recherche et de collecte derenseignements, la reconquête de secteurs professionnels porteurs entermes de fraudes douanières potentielles ou d'infractions connexes n'apu être menée aussi loin qu'espéré. Laréalisation prioritaire d'objectifs douaniers plus classique(surveillance générale et perception de taxes) a alorsprévalu. Dès février 2002, la brigade a ainsiété mobilisée entièrement à la mise enplace, au suivi et à la notification d'infractions pour non paiement dela Taxe spéciale sur les carburants à Saint-Martin etSaint-Barthélémy. Par son action, la BSR a contribué auversement à la collectivité locale de Saint-Martin de plus de 2millions d'euros. La surveillance générale a revêtu desformes aussi diverses que le contrôle et la visite d'aéronefsprivés et de ligne, de caboteurs, de containers et de navettespassagers, la mise en place d'un service, la collaboration à des actionsinterministérielles (GIR, contrôles routiers, actions contre letravail illégal). Enfin, par des actions conjointes avec la douanehollandaise (lagon, contrôles à l'aéroport de Juliana), laBSR a développé la collaboration voulue par la conventionsignée le 11 janvier 2002 entre la France et les Pays-Bas, relativeà l'assistance mutuelle et à la coopération entre les deuxadministrations douanières, mais non encore ratifiée. La BSR doit toutefois faire face à certains obstacles dans l'exercice de ses missions : - en termes de contrôle des flux de personnes et demarchandises : l'aéroport de Grand Case est ouvert au traficinternational sans que l'arrêté du 20 avril 1998 portant ouverturedes aérodromes au trafic international ne l'ait expressémentautorisé. Par ailleurs, les travaux commencés àl'aéroport ont été suspendus, l'état desinfrastructures et la localisation du local provisoire affecté àla douane ne lui permettent pas d'assurer convenablement ses contrôlesà Grand Case (200.000 passagers). Enfin, en matière desûreté aéroportuaire, aucun matériel n'estinstallé pour assurer l'inspection filtrage des bagages de soute surl'aéroport de Grand Case. En outre, aujourd'hui de nombreux secteursdemeurent non contrôlés, notamment le trafic de containersarrivant au Port de Galisbay, les rotations effectuées par les caboteursen provenance des îles voisines, les navettes inter-îles depassagers ainsi que les mouvements des bateaux de plaisance ; - en termes de renseignement et decoopération : la convention de coopération douanièresignée entre la France et les Pays-Bas le 11 janvier 2002 n'a toujourspas été ratifiée ; - en termes de formation et de commandement : lescoûts de transports entre l'île et la Guadeloupe continentalealourdissent le budget de fonctionnement de l'administration des douanesreprésentée sur l'île de Saint-Martin. Les agents en postesur l'île sont alors contraints de limiter considérablement leursdéplacements. Le directeur régional et l'un de ses prochescollaborateurs se rendent à Saint-Martin toutes les huit semainesenviron. |
* 78 Il s'agitde systèmes d'inspection radioscopique, ou scanners, permettant devisualiser le contenu de toute une unité de chargementtransportée par véhicule poids lourd pour les contrôles quiincombent à la douane. A l'occasion de son déplacement auxPays-Bas, la commission a pu voir fonctionner le scanner fixe du port deRotterdam.