LES VOIES GALLO-ROMAINES
Les mots « route, voie » viennent du latin; le mot « chemin », très probablement, du gaulois. C'est que le sentier, la piste, sont choses de tous temps, qui remontent aux origines de l'humanité, tandis que la route des véhicules et des armées, des transports de matériaux et de marchandises, des voyages et de la poste, suppose un certain degré d'organisation sociale, des relations régionales, nationales et internationales : à plus forte raison, un réseau routier réclame au moins l'unité politique à l'échelle de la nation. Son premier réseau, notre pays l'a reçu de l'Empire romain.
C'est de ces routes gallo-romaines que les pages qui suivent voudraient retracer la création et définir les caractères : non pas des « routes » au sens le plus large, voies légendaires, directions d'échanges ou même itinéraires historiques (descente des Gaulois de Bellovè- se en Italie au Ve siècle av. J.-C, passage d'Hannibal des Pyrénées aux Alpes, progression des invasions barbares jalonnées par les cachettes de monnaies du Bas-Empire) : ce ne sont que « liaisons routières » dont nous connaissons l'existence, les points de départ et d'arrivée, les étapes principales, sans être capables de les retrouver à quelques mètres près sur le terrain ni de les dessiner sur la carte. Ces voies-là ne se prêtent pas à une étude serrée des problèmes propres à la route : des légendes grecques promènent Hercule d'Espagne en Italie par le delta du Rhône et sur les pierres de la Crau, ou les Argonautes du fond de l'Adriatique aux rives du Doubs par le Rhône et les lacs helvétiques. Des produits fabuleux : l'ambre, l'étain, ou directement utiles : le sel, avaient leurs routes respectives dans le jeune univers de la Protohistoire ; les découvertes archéologiques permettent de les jalonner, non de les retracer, et les hommes qui les parcouraient sont pour nous anonymes. Anonyme aussi le chemin de desserte locale, d'usage rural, dont la création spontanée et l'éternel usage échappent à l'analyse sur le plan proprement historique. Saisissable au contraire dans ses vestiges matériels, conçue comme partie d'un tout, objet de réfection et d'amélioration, est la route : artère vitale de chaque partie de ce grand corps qu'est un empire « universel ».
