ALAIN PLESSIS
NOBLES ET ACTIONNAIRES DE LA BANQUE DE FRANCE
DE 1800 À 1914
Nous ne nous en tiendrons pas dans cette communication à une définition stricte de la noblesse. Il est délicat de discerner celle-ci au sein de la société bourgeoise du XIXe siècle, d'autant que les nobiliaires et même les dictionnaires de la noblesse plus récents sont souvent incomplets ou peu sûrs. Si notre but était de déceler les véritables nobles, nous devrions retenir seulement ceux qui ont hérité d'un titre authentique. Mais comme, depuis la Révolution, l'appartenance à la noblesse et le prestige qui en découle sont surtout des faits d'opinion, nous regarderons comme nobles tous ceux qui passent ou veulent passer pour tels aux yeux de leurs contemporains, notamment ceux dont le nom est précédé de la particule « de ». La particule est devenue un indice de la noblesse, et peu nous importe ici qu'elle cache souvent une usurpation de cette qualité.
Il peut paraître surprenant de s'interroger sur la place de cette noblesse, même conçue de façon très extensive, au sein de l'institution Banque de France, et sur l'importance de sa participation aux Assemblées générales des deux cents plus forts actionnaires de cette banque. Rien ne paraît en effet prédisposer les nobles à s'intéresser au fonctionnement de la Banque de France, qui est une entreprise capitaliste, destinée essentiellement à fournir, par la voie de l'escompte ou plutôt du réescompte, des crédits à court terme allant à sa clientèle commerciale, composée de négociants, de commerçants, d'escompteurs et de banquiers. Comme les nobles, même quand ils ne demeurent pas à l'écart des affaires, n'exercent pas directement de telles professions commerciales, on ne compte presque pas de noms nobles parmi les clients de la Banque, exception faite de quelques familles de gros banquiers, devenues nobles d'Empire, comme les Delessert, Mallet et Hottinguer, ou nobles à titre étranger, comme les Pillet-Will et les Rothschild. Ainsi,