Calonne ! Jacques Calonne ! François de Coninck (février 2007) Né à Mons en 1930, musicien de formation, Jacques Calonne a suivi de concert les cours de dessins de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Après avoir fréquenté les surréalistes, dont le compositeur André Souris, il rencontre Christian Dotremont en 1949 et devient le plus jeune membre du mouvement Cobra, dont il ne cessera de perpétuer l’esprit après sa dissolution, en menant une carrière bigarrée de peintre et de compositeur, ponctuée de rencontres singulières (S. Vandercam, P. Restany, Y. Klein, R. d’Haese, P. Alechinsky,…), de recherches graphiques, poétiques et musicales, ainsi que de nombreuses participations à des manifestations collectives en Belgique et à l’étranger. Sa première exposition personnelle remonte à 1970, à la galerie Dierickx.
Rythmes légers d’un musicien des signes Né à Mons en 1930, l’artiste est musicien de formation et cela n’étonnera personne. Il suffit de jeter un œil aux cimaises de la galerie Devillez. Tout y est musique. Les signes, les taches, les arabesques, les formes libérées, les choix des coloris déclinant, en cadence, un dégradé chromatique harmonieux ou une écriture monochrome tressaillant de vie. Calonne « calligraphie » sur papier arche, papier chiffonné voire échantillon de papier peint, des messages rythmés comme des partitions venues de la nuit des temps. À l’aquarelle, à l’acrylique, à l’encre de Chine, il trace un chemin qui se faufile entre écriture, peinture, musique. Faut-il préciser au passage que l’artiste rencontre en 1949 — il a 19 ans — Christian Dotremont, l’inventeur des logogrammes, et devient le plus jeune membre du groupe Cobra, auquel il restera fidèle même après sa dissolution. Homme multiple, poète, graphiste, compositeur, il passe avec une aisance déconcertante de la technique de musicien à celle de peintre. Du piano au pinceau et à la plume. La main de l’artiste sait l’art subtil de transformer en éclats de lumière de simples signes qui aussitôt s’envolent, respirent, s’étirent en coulées de bleus, de verts, de gris, de rouges que ponctuent (à la manière de Dotremont) de petits textes, à peine lisibles et sans grand rapport avec le sujet, du genre : « sans direction intentionnelle » ou encore « par enlacements », « avec quelques battements »… Au spectateur d’interpréter ou de gamberger. C’est la gestuelle de la plume ou du pinceau courant, dansant, sur le papier qui donne naissance à la poésie de ces signes tout empreints d’émotion. C’est le jeu mouvant des entrelacs chromatiques qui donne à l’image sa respiration. Et quand la musique s’insinue entre les « lettres » de ce mystérieux alphabet, elle investit les portées à coup d’écritures secrètes, étirées, déliées — forcément noir sur blanc — rythmant, pour qui veut bien prêter l’oreille, une série de « Suites Isabelle » aussi légères que celles écrites par Jean-Sébastien Bach pour Magdalena. Tout est spontanéité dans l’œuvre de Calonne et la liberté exprimée par chaque coup de pinceau, chaque tracé de plume, relève de la séduction. Le plaisir qu’il procure est identique à celui du spectacle d’un vol d’oiseau striant le ciel. Il faut prendre du temps pour observer jusque dans le moindre détail les efflorescences de cette œuvre raffinée et écouter chaque note d’une petite musique silencieuse faisant abstraction du langage.« J’écris pour voir », affirmait Dotremont. On pourrait ajouter : Calonne peint pour écouter… Colette Bertot
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