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UNE GÉNÉRATION PERDUE. Sous anesthésie

Dans l’Albanie des années 1980, un groupe d’étudiants cherche en vain à se préserver des méfaits du régime communiste d’Enver Hoxha. Le premier roman de Klara Buda.

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Koha Ditore
Lecture 2 min.Publié le 9 juin 2010 à 18h10, mis à jour le 10 juin 2022 à 01h00
Kloroform, est le premier roman de Klara Buda, chef du service albanais à RFI
Kloroform, est le premier roman de Klara Buda, chef du service albanais à RFI

Le premier roman de Klara Buda,Kloroform* [Chloroforme], aide à comprendre comment la narcose de la dictature pénètre l’esprit des citoyens et les endort pour toujours. L’auteure dépeint dans ce livre une dictature brutale, qui broie successivement l’intimité, la pensée, la culture, les opinions divergentes et finit par anéantir jusqu’à la chair humaine – un système machiste qui supprime les femmes pour préserver sa propre immoralité. Le tout est écrit dans un style souvent proche de celui de Herta Muller ou du percutantJ.M. Coetzee.

L’histoire met en scène un groupe d’étudiants qui, pour ne pas se laisser happer, trouve refuge dans une société secrète. On pourrait penser qu’ils fomentent quelque chose, mais non : ils se contentent de s’enfermer dans leur monde pour tenter de s’isoler du système. Ces jeunes écoutent du rock en refaisant gentiment le monde, barricadés derrière des fenêtres obstruées par des couvertures, comme pour atténuer la violence barbare de la voix officielle diffusée par les haut-parleurs.

“La maternité est la seule réalité qui échappe à la dictature”

La narration oscille entre le journal intime d’Adrian – l’un des personnages principaux, miroir fidèle de la mentalité de ses concitoyens – et les monologues intérieurs d’autres personnages, souvent laissés en suspens. L’autocensure stoppe la parole, suspend les phrases, interrompt le courant de conscience qui apparaît en italique dans le livre. Comme si ces gens vivaient dans une sorte de brouillard ou de vapeur étouffante.

C’est ainsi que la dictature étourdit les individus avant de les endormir. Le personnage d’Alma l’éprouve dans sa chair. Contrainte d’avorter, elle se retrouve entre rêve et réalité, délirant et fustigeant la morale dominante empreinte de fausseté et d’hypocrisie (ainsi préconisait-on la sodomie pour préserver la virginité des jeunes filles, un tabou que l’auteure évoque à travers les cauchemars d’Alma).

Le premier crime de ce régime fut le slogan“Au plus près du peuple”, qui signifiait en fait qu’il fallait surveiller et épier les individus, les traquer jusqu’à la tombe pour en faire des propriétés du Parti. Le deuxième fut la mutilation de la langue albanaise, amputée pendant le communisme d’un de ses deux principaux dialectes, le guègue, parlé au Nord, au profit du seul tosque, parlé au Sud. Le personnage de Fran représente ce Nord exclu corps et âme pour rendre le pays plus malléable. Enfin, le troisième crime fut l’anéantissement du pouvoir de l’art, confisqué aux véritables artistes pour être donné aux masses endoctrinées par le socialisme réel.

C’est encore un personnage originaire du Nord, Luiza Kodra, enceinte elle aussi, qui finit à la morgue, assassinée pour qu’Alma, issue d’une famille de la nomenklatura communiste, puisse endosser son identité. L’avortement étant strictement interdit en Albanie, il fallait bien un subterfuge, fût-il criminel. D’autres personnages, comme le gardien de la morgue, incarnent la perversion d’un régime cherchant à construire un homme nouveau garant d’un honneur et d’une vertu de façade. Cet homme qui rôde parmi les cadavres et recoud les hymens est le gardien symbolique de ce régime.

Alma et ses amis courent à leur perte non pas pour avoir commis un quelconque crime, mais pour l’avoir côtoyé. Peut-être leur seule faute est-elle d’avoir aspiré à plus de liberté et d’intimité dans ce panoptique où Big Brother scrute les faits et gestes de chacun.“La maternité est la seule réalité qui échappe à la dictature”, expliquent à Alma deux femmes tsiganes, citoyennes de seconde zone. Alma, elle, a cette formule pour décrire la dictature albanaise :“Une société régie par une théorie particulière de la relativité, comme un train avançant à vitesse négative”.

* Ed. Dudaj, Tirana, 2009. Pas encore traduit en français.

Source de l’article
LogoKoha Ditore(Pristina)

Fondé en avril 1997, “Le Temps quotidien” se dit indépendant et est un journal riche en informations. Durant la guerre, il était le journal des réfugiés en Macédoine. Depuis le 15 juin 1999, le quotidien kosovar est édité à Pristina. Son éditeur Veton Surroi est vu par les Occidentaux comme l’homme de l’avenir du Kosovo.

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