
Institut National des Langues et Civilisations Orientales

le LACNAD est membre de la fédération de recherche"Typologie et Universaux linguistiques"

Le dialecte berbère de l’Aurès nommétacawit en berbère, chaouia en arabe et en français, est le deuxième dialecte berbère d’Algérie après le kabyle par le nombre de ses locuteurs.
Le chaouia est parlé dans l’Est algérien : dans les Aurès et les régions avoisinantes (le massif du Boutaleb, le Bellezma, les Hautes plaines constantinoises et les monts des Nemencha) [voir carte en cours de réalisation], ce qui sur la base du découpage administratif actuel correspond totalement ou partiellement aux wilaya(s)* de Sétif, Batna, Biskra, Oum-el-Bouaghi, Khenchela, Tébessa, Souk-Ahras et Guelma.
Le nombre précis des locuteurs du chaouia n’est pas connu avec certitudes car :
En tenant compte des diverses données et tendances évoquées précédemment, on pourra évaluer le nombre de locuteurs du chaouïa au minimum à deux millions personnes.
Le chaouia se subdivise en divers parlers qui semblent correspondre aux entités tribales traditionnelles. Ces parlers sont très proches de ceux du reste de l'Algérie du Nord – notamment ceux de la Kabylie et ceux du Chenoua, avec lesquels l'intercompréhension est immédiate.
Le chaouia est un dialecte spirant comme l’ensemble des dialectes berbères, du Moyen Atlas à la Tunisie. Il fait partie du groupe des dialectes dits « zénète » avec lesquels il partage certains nombres de traits phonétiques et morphologiques caractéristiques et un stock lexical important.
Le premier élément pertinent est un ensemble de traits phonétiques et morphologiques, communs à plusieurs autres dialectes berbères Nord, dont le plus caractéristique est pour le chaouia la spirantisation de /t/ (> [q]), qui aboutit fréquemment au simple souffle (laryngale) [h] ou disparait totalement.
Le second trait, sans doute le plus caractéristique du chaouia, est son lexique ; il reflète la diversité des parlers locaux. Le chaouia est, avec le chleuh, le dernier des grands dialectes berbères dont le lexique reste mal connu et pour lequel on ne dispose pas d’un bon dictionnaire (les outils disponibles : Huyghe 1906 & 1907, sont très anciens et lacunaires).
Si l’on compare le lexique du chaouia à son voisin kabyle, malgré leur proximité géolinguistique étroite (chaouï/kabyle = + 150 termes communs, soit 75% Chaker 1984), on note deux faits marquants :
| chaouia | kabyle | |
|---|---|---|
| cheval | yis | aɛudiw |
| mort | tamettant | lmut |
| or | ureɣ | ddheb |
| argent | aẓref | lfeṭṭa |
Du point de vue sociolinguistique, la région des Aurès autrefois relativement discrète est traversée depuis une trentaine d'années par un mouvement d’affirmation identitaire. Mouvement qui s’est traduit à son début, durant la décennie 80, par l'émergence d'une chanson moderne dans laquelle la thématique identitaire est très présente. En quelques années, plusieurs groupes, et interprètes (les chanteuses Dihya, du nom berbère de la Kahina, Markunda, le groupe Your, le groupe "les Berbères", etc.) se sont fait connaître. Dans la décennie 90, cette dynamique s’est consolidée par la création de certaines structures telles que le MCA (mouvement culturel amazigh) regroupant l’ensemble des associations culturelles berbères des Aurès et la Ligue des Aurès pour la Culture Amazighe, ayant pour but l’encouragement de la production culturelle. Depuis lors, on observe un certain nombre de productions et publications réalisées par des associations et des auteurs chaouis dans divers domaines :
On notera que la majorité des acteurs de la dynamique berbère dans les Aurès a choisi le caractère latin pour la transcription du chaouia.
Quelques changements récents méritent d’être signalés :
Parallèlement à ces évolutions touchant la société, un changement sensible s’est opéré dans le domaine universitaire avec l’apparition de quelques travaux scientifiques ; pendant très longtemps, les deux seuls travaux conséquents qui existaient sur le chaouia étaient le recueil des textes d'André Basset (1961) et l'étude syntaxique qui en a été tirée par Thomas Penchoen (1973), qui portent sur le parler des Aït Frah (Nord de Biskra, Aïn Zaatout), parmi les travaux récents, on citera :
Malek Boudjellal
* = Départements
Plus de détails dans :Aurès (Encyclopédie berbère, fascicule VIII, 1990 : p. 1162-1169)
© copyright, Le CRB 2011
Le CRB |Langue & Linguistique |Littérature |Culture & Société |Mentions Légales |Crédits