| " Au fur et à mesure de nos découvertes, on se rend compte que le quartier civil qui accompagnait le camp militaire d'Argentorate était bien plus important que prévu ", témoigne Juliette Baudoux, responsable des fouilles liées aux travaux du tram. Et d'ajouter :" Cela prouve bien le dynamisme économique de l'agglomération dès l'époque romaine... " Les recherches récentes menées sur le site Mésange-Broglie, soit dans le prolongement de la voie principale, actuelle rue du Dôme, qui traversait le camp, le prouvent une fois de plus.
" Ici, nous sommes hors des murs du castrum, au-delà de la porte septentrionale, et nous nous attendions à trouver une esplanade ", explique l'archéologue. Mais en fait, sur les 280 m2 de terrain exploré, ce sont des habitats gallo-romains qui ont été trouvés sous la voie de circulation. Des habitats qui, d'après leur structure, s'apparentent aux cannabae, petites boutiques d'artisans telles celles que l'on a déjà pu découvrir le long de la Grand'Rue, près de l'Aubette et de Saint-Pierre-le-Jeune.
Ce qui est étonnant - et les Strasbourgeois qui se sont penchés sur le chantier l'ont constaté -, c'est l'admirable état de conservation d'un habitat qui remonte au Ier ou IIe siècle. Les parties en bois - murs, plancher, revêtement - sont dans un état remarquable lié au degré d'hydrométrie idéal du sous-sol marécageux strasbourgeois. On a également retrouvé plus de cinquante kilos de poteries dans une fosse initialement destinée à conserver les denrées alimentaires, puis reconvertie en dépotoir à poteries. Autres découvertes : une amphore de vin du sud de la France, une meule à grain intacte, un pendentif en andouiller de cerf gravé d'un phallus...
Les surprises ne s'arrêtent pas là : près de la Banque de France, à 1 m 30 de la chaussée, une nécropole du premier millénaire avec une vingtaine de sépultures," la plus grande jamais trouvée dans l'ellipse insulaire ", est apparue au jour. Il appartient aux anthropologues de la dater avec exactitude d'après l'étude du mode d'inhumation.
Toutes ces découvertes feront l'objet à l'automne d'une importante exposition ouverte au grand public. Quant au terrain de fouille, il est déjà remblayé, après qu'une protection imputrescible ait été déposée pour isoler soigneusement les strates riches en vestiges. L'équipe de Juliette Baudoux et de sa consoeur Sylvie Cantarelle, de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, n'en est pas réduite au chômage pour autant. Jusqu'à la mi-avril, un nouveau champ d'investigation s'est ouvert sur une soixantaine de mètres situés entre l'opéra et le square Botzaris. Il s'agit cette fois-ci d'étudier des habitats médiévaux accolés à l'enceinte du XIIIe siècle. À cette occasion, curieux et amateurs d'histoire ne manqueront pas de jeter un coup d'oeil dans les entrailles du sous-sol strasbourgeois, provisoirement mises à nu.
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