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Steven Hirsch, Lucien Van Der Walt (dir.),Anarchism and Syndicalism in the Colonial and Postcolonial World, 1870-1940. The Praxis of National Liberation, Internationalism, and Social Revolution,lu par Raphaël Botiveau

Publié · Mis à jour

anarchismHIRSCH (Steven), VAN DER WALT (Lucien) (dir.),Anarchism and Syndicalism in the Colonial and Postcolonial World, 1870-1940. The Praxis of National Liberation, Internationalism, and Social Revolution, Leyde, « Studies in Global Social, History », Brill, 2010, 431 pages

Organisé autour de dix études de cas (Égypte, Afrique du Sud, Corée, Chine, Ukraine, Irlande, Pérou, Caraïbes-Sud des États-Unis / Mexique, Argentine, Brésil), préfacées par Benedict Anderson, introduites et conclues par van der Walt et Hirsch, cet ouvrage apporte une pierre angulaire à la connaissance de l’anarchisme et de son versant syndical en contextes colonial et postcolonial – notamment africain.

À cheval entre l’apogée du colonialisme européen, le début de la décolonisation, et au fil des 70 ans qui séparent l’essor des anarchistes de la victoire franquiste, les auteurs d’Anarchism and Syndicalism… remettent les libertaires au cœur des luttes contre l’impérialisme et aussi des combats locaux et internationalistes pour la libération nationale et la révolution sociale. Il y a bien sûr la volonté, quelque peu défensive – un passage obligé des histoires du mouvement anarchiste –, de rendre justice à ceux qui furent aux avant-postes de la gauche radicale, avant d’être anéantis sur le terrain et dans les mémoires par les fascismes et le stalinisme (relayé par exemple en Afrique par le Parti communiste sud-africain). L’« anarchisme » est ici défini comme un mouvement historique né à la fin des années 1860 et qui, opposé au capitalisme, à l’État et à la hiérarchie en général, promeut l’émancipation individuelle au sein d’une société égalitaire. L’anarcho-syndicalisme est lui entendu comme syndicalisme révolutionnaire guidé par la volonté d’instaurer l’autogestion au travail et dans la société.

Reste que de tels efforts de réhabilitation sont généralement déployés à propos de l’Europe. On le sait et Benedict Anderson le rappelle, « de la mort de Marx à la soudaine prise du pouvoir par Lénine en 1917, le marxisme orthodoxe était minoritaire au sein de l’opposition de gauche au capitalisme et à l’impérialisme […]. » (p. xiv). Ce que l’on cerne moins, pourtant, ce sont les raisons de cet avantage initial des libertaires qui n’était « certainement pas théorique ». Il y a d’abord cet « élan utopique » incarné par de puissants auteurs et leaders comme Bakounine ou Malatesta, mais aussi et surtout :

« l’attitude positive de l’anarchisme à l’égard des paysans et des ouvriers agricoles qui presque partout […] restaient bien plus nombreux que la classe ouvrière. Enfin, pendant longtemps, on put dire de l’anarchisme qu’il était bien plus internationaliste que son concurrent. »

Une inclination qui provient en partie du fait que « l’anarchisme chevaucha d’énormes vagues migratoires hors d’Europe […] : Italiens, Espagnols, Portugais, Polonais, Juifs et autres affluèrent vers le Nouveau monde, autour de la Méditerranée et dans les empires créés par les Européens en Asie et en Afrique ». (p. xv).

Les cas africains ici traités sont particulièrement intéressants à cet égard puisqu’ils confrontèrent les anarchistes européens à certains obstacles comme la langue, la race et, comme ailleurs, à des aspirations nationalistes qui heurtaient leur idéologie. En écho à des préoccupations portées ailleurs par les études postcoloniales, les contributions s’intéressent aux dimensions transnationales des mouvements étudiés, aussi bien qu’à leurs appropriations locales. En ce sens, elles contestent les visions eurocentrées tournées vers cet « exceptionnalisme espagnol » que l’ouvrage entend « provincialiser », et qui – y compris dans la littérature libertaire – voient les mouvements anarchistes tiers-mondistes comme de simples imitateurs. C’est au contraire parce que les libertaires européens émigrés étaient porteurs d’une adaptabilité assez propre à cette frange de la gauche radicale qu’ils purent se développer : en ce sens l’anarchisme est bien une politique par le bas, bien différente du centralisme démocratique qui devait, plus tard, essaimer en Amérique latine, en Asie et en Afrique.

L’anarchisme ne fut peut-être jamais aussi important en Afrique qu’en Amérique latine et il se développa bien là où pénétration impériale européenne et accumulation de capital se croisaient : en Égypte, sur le chantier du canal de Suez, et durant la révolution industrielle sud-africaine. La circulation des idées anarchistes se fit aussi par le biais de passeurs européens comme Henry Glasse en Afrique du Sud, mais elle s’appuya vite sur des Africains comme T. W. Thibedi ou des Indiens comme Bernard L. E. Sigamoney. Le mouvement anarchiste émergea donc « simultanément et transnationalement », au gré des liens tissés entre activistes et un « internationalisme informel » et non-institutionnel (p. liv). Il empruntait parfois des chemins tortueux – à l’instar d’autres circulations connues comme le panafricanisme – si l’on pense par exemple aux International Workers of the World qui, formés à Chicago en 1905, essaimèrent au Sud des États-Unis et jusqu’à Johannesburg. Bien que toujours minoritaires au sein du mouvement syndical, les anarchistes sud-africains furent les premiers à s’ouvrir aux non-Blancs et exercèrent une influence significative sur d’autres formations, y compris politiques, comme le Parti communiste et le South African National Native Congress.

Très bien articulé et mis en perspective, cet ensemble inscrit ses allers et retours permanents entre études de cas et généralisation dans nombre de débats interconnectés : histoire des mouvements anticoloniaux, des dynamiques migratoires, de la circulation internationale des idées, et on en passe, tout en demeurant dans une discussion sur l’historiographie de l’anarchisme encore avare d’écrits sur l’Afrique ou l’Asie. Un livre qu’on lira avec d’autant plus d’intérêt qu’il identifie des continuités dans une époque où, 20 ans après la chute du communisme, les derniers apparatchiks vacillent dans l’Ukraine de Nestor Makhno, alors que les rapports de force politiques se redéfinissent dans le monde arabe et que l’Afrique du Sud de l’African National Congress est de plus en plus contestée par le monde du travail.

Compte-rendu paru dans « La revue des livres »,Politique africaine 2014/1 (N° 133)


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Léa Barreau Tran (12 mai 2014). Steven Hirsch, Lucien Van Der Walt (dir.),Anarchism and Syndicalism in the Colonial and Postcolonial World, 1870-1940. The Praxis of National Liberation, Internationalism, and Social Revolution,lu par Raphaël Botiveau.Politique africaine. Consulté le 2 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/sxr5


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